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    Pendant que je lâchais les vannes de mes mots pour les laisser exprimer les plus profonds de mes désirs, j’avais remarqué à plusieurs reprise que ses sourcils semblaient se soulever soudainement sur l’effet de certains de mes mots, sous l’effet de l’excitation… son visage se tournait alors légèrement vers moi… c’est dans ces moments là qu’il m’arrivait de croiser un petit regard en biais, émoustillé mais limite incrédule par ce qu’il entendait… je crois que j’aurais été incapable de soutenir son regard pendant que je lui balançais tous ces trucs de dingue… je pense que j’aurais pas osé, que la honte aurait coupé mon élan… pourtant, à la vue de ses réaction au fil de mes phrases, j’avais eu l’impression que mes mots le rendaient fou…

    Oui, pendant toute ma tirade, Jérém  n’a pas prononcé un mot. Et là, devant la pause que je marque après la dernière phrase, il finit par me balancer :

    « T’es vraiment une salope… »

    Je reviens à la charge :

    « C’est que j’ai trop envie de toi… j’ai envie que tu me jouisses partout… j’ai envie que tu me baises… comme tu en as envie, autant que tu en as envie… »

    « … et là où tu veux… » je finis par lui balancer avec un geste de la tête en direction de l’entrée des chiottes du KL.

    Un sourire coquin et arrogant s’affiche alors sur son visage. Je sais qu’il se prépare à me balancer un truc puissant…

     

    Plus tôt cette semaine là…

     

    Après avoir vu Jérém en serveur sexy à la terrasse de la brasserie rue de Metz ; après les confidences de Thibault pendant que mon beau brun voltigeait comme un chef entre les tables ; après sa façon de prendre congé, avec sa poignée de main accompagnée d’une une petite tape, presque une caresse faite de l’autre main sur mon épaule ; après son regard intense, fixement posé dans le mien pendant un long instant ; après son sourire doux et un peu triste, agrémenté d’un petit clin d’œil lancé après la fermeture de la porte à soufflet, juste avant que le bus ne démarre… après tous ces petits détails, ces petits « riens » semblant exprimer tant de choses non dites… après cette sensation qui me donne des papillons dans le bas ventre, l’impression d’avoir gagné un nouveau copain… un copain qui est aussi, accessoirement, le meilleur pote du mec que j’aime…

    Après tout ça, ça n’étonnera personne que ce soir là en rentrant chez moi je puisse ressentir un trop plein d’émotions… déjà, j’ai besoin de me taper une bonne branlette pour me calmer… ensuite, j’ai besoin de rembobiner et de passer tout cela au ralenti… et pour finir, j’ai besoin d’appeler Elodie pour « refaire le match » avec elle… une fois chez moi, ce programme chargé sera exécuté exactement dans l’ordre énoncé…

    Oui, d’abord une bonne branlette… un petit plaisir solitaire qui réjouit le corps et apaise l’esprit…

    Je tourne la clef dans la serrure de la porte de ma chambre. Pour une bonne branlette, il faut de la tranquillité. Je descends le store de la fenêtre. Une lumière discrète est un autre bon préalable pour une séance de masturbation réussie. Je me débarrasse de mes baskets, je pose mon t-shirt, j’enlève mon short et mon boxer… je m’allonge sur le lit, nu…

    Pendant que je me désape, je repense à Jérém et de Thibault en train de déconner à la terrasse de la brasserie, tous les deux sexy comme ça devrait être interdit de l’être… ils sont trop sexe tous les deux… tu les regardes et tu te dis : ça ce sont des vrai mecs… et des mecs comme ça, moi ça me donne trop envie de baiser… et de me branler, faute de mieux…

    Oui, faute de mieux… quoi que… une branlette bien faite peut-être bien plaisante… oui, une bonne branlette menée à son rythme, dans le calme de son lit, c’est une façon de prendre soin de son corps… pendant une branlette, le mental libéré de la présence d’un partenaire sexuel, on peut prendre la liberté de ramener à soi toutes les images excitantes que notre fantaisie sait nous fournir…

    Par exemple… pendant ma branlette je vais pouvoir non seulement déshabiller mon beau serveur, le sucer comme un malade avant de me faire baiser et le faire jouir dans mon ti trou… je peux également me payer le luxe de déshabiller Thibault et de découvrir, par l’imagination, sa nudité, son intimité… oui, en me basant sur les observations relevées à partir de ses t-shirts, de ce qui est caché et de ce qui dépasse, je l’imagine nu… et je me dis que ma cousine a bien raison… ce mec est craquant et plus que ça… ce mec est terriblement baisable
    Depuis que j’ai quitté Thibault, j’imagine et je savoure cet instant de plaisir solitaire… je ne me suis pas encore touché nulle part mais rien que le fait de me déshabiller, de sentir le coton de mon t-shirt frotter contre la peau de mon torse avant de la quitter, ça m’a filé la trique… je décide d’y aller tout doucement, j’ai envie de faire durer l’excitation et de retarder le plaisir…

    Je caresse mes abdos, si on peut parler d’abdos à propos de mon ventre plat, certes, mais qui fait pâle figure face à la plastique sculptée de mon beau brun… la paume de ma main fait des cercles autour de mon nombril comme pour apaiser l’excitation que je ressens dans mon bas ventre… ma queue est tendue au max… elle demande des caresses que je lui refuse… j’enduis mes doigts de salive et je les envoie caresser mes tétons… dans l’état d’excitation qui est le mien, ce contact me fait frissonner…

    Mon excitation monte d’un cran… comme animée par un réflexe de « survie », une espèce de « sexual healing », ma main gauche finit par atterrir sur ma queue (je suis droitier, mais pour un étrange mystère, voilà que pour ce genre d’opération je deviens gaucher…)… je caresse mon gland tout doucement, mon pouce et mon index se rejoignent pour former comme un anneau pile à la taille de ma queue… c’est en me disant que la nature est bien faite que je commence à me branler tout doucement…

    Dès le mouvement amorcé, mon cerveau accélère les images excitantes et en appelle d’autres… des souvenirs de baises avec Jérém… Jérém qui m’ordonne de le sucer lors de notre première révision… moi à genoux devant lui, devant son putain de t-shirt blanc moulant sexy à crever… Jérém qui m’annonce qu’il va jouir et qu’il veut que j’avale son jus… Jérém qui me baise mais qui jouit sur ma rondelle… Jérém qui me baise devant le miroir de la salle de bain et qui jouit en moi… Jérém qui se paie le cul de son cousin et le mien l’un après l’autre… Jérém qui finit par jouir entre les fesses de son con de cousin…

    Jérém pendant les dernières révisions avant le bac, Jérém dont la seule envie est de se faire sucer et me jouir dans la bouche trois fois par jour… Jérém, puissant comme un petit taureau, qui me baise partout, qui me baise comme un dingue après le bac philo en commençant par me plaquer brutalement contre le mur et par m’enculer sans autre forme de procès… c’est ça de chercher mon beau brun… quand on l’allume, ce n’est pas un petit feu qu’un obtient, mais un énorme brasier…

    De souvenir bandant en souvenir bandant, je retrouve la baise épique dans la cabine à la piscine, tellement parfaite que j’ai eu besoin de lui dire, presque lui crier à quel point il est bon baiseur… et cette soirée de dingue dans les vestiaires du terrain de rugby… ce petit débardeur blanc imbibé de sa transpiration… cette pipe, sa queue coulissant dans ma bouche au gré des mouvements de son corps tendu et ondulant au dessus du banc de muscu… et cette baise incroyable sur la table de massage, mes jambes sur ses épaules, sa tête qui se penche vers l’arrière, ses pecs qui se bombent…

    Je finis par réaliser que ce n’est plus seulement avec l’anneau fait avec deux doigts que je me branle désormais… la main droite allant de téton en téton, la gauche a désormais saisi fermement ma bite… les allées et venues se font plus rapides… je sens que je vais venir trop rapidement… c’est ça de faire appel à trop d’images excitantes… mais comment en faire autrement ? Comment maîtriser les images sexuelles alors que mon beau brun est une bête de sexe et que nos baises sont des feux d’artifice ?

    Je décide de relâcher la prise pour retarder mon feu d’artifice à moi… pas facile… je sais que, au point que j’en suis, très près de l’orgasme, ça ne va pas être simple… ma main semble collée à ma queue et ma volonté a de moins en moins de prise sur elle… c’est donc au prix d’un effort important, que j’arrive à séparer ma main gauche de ma queue…

    Dès que le contact est rompu, elle est en manque, elle a envie qu’on retourne s’occuper d’elle… je ne vais pas la faire attendre longtemps… je trempe mon pouce de salive… c’est un préalable avant de lui confier une mission délicate… aller effleurer tout doucement cette petite région ultra sensible entre le meat et le frein du gland pour augmenter encore mon excitation…

    J’y vais d’abord tout doucement… ce petit mouvement plus l’autre main qui caresse mes tétons… c’est presque divin… je ferme les yeux et j’écoute mon corps, j’écoute et j’entends la vibration de mon plaisir en train d’approcher… c’est à ce moment là que je décide de profiter de l’intimité et de la liberté offertes par la branlette pour laisser les fantasmes les plus fous et les plus irréalistes se joindre aux images érotiques…

    Je ferme les yeux et j’imagine Thibault en train de prendre son pied… je l’imagine avec… avec Jérém… mon pouce augmente la pression sur mon gland tout en accélérant les petits mouvement de va et vient… j’imagine Jérém en train de se faire sucer… j’imagine Jérém en train de lui marteler les fesses avec son bassin, sa queue bien enfoncée dans son ti trou… j’imagine ces deux beaux corps en train de s’emboîter en prenant un plaisir intense… c’est beau, c’est excitant… ma main a repris le contrôle des opérations… elle enveloppe ma queue et la branle vigoureusement… c’est en pensant à Jérém en train de jouir dans le petit cul de Thibault que je sens mon orgasme me submerger… plusieurs jets puissants sont éjectés de mon gland pour atterrir sur mon torse, sur ma joue, sur mon oreiller, sur le mur…

    Oh, putain, putain, putain… qu’est ce que c’est bon, ça, une petite branlette… c’était si puissant… la délivrance si agréable… je suis KO, HS, plus de batterie, j’ai l’impression que je vais m’éteindre… ou du moins passer en mode veille… je sens toutes les fibres de mon corps se relâcher tandis qu’une plaisante fatigue irradie depuis mon bas ventre et engourdit tous mes membres, jusqu’à mon cerveau… j’ai l’impression que je vais m’endormir… je n’ai même pas le courage de tendre ma main pour attraper un mouchoir dans le tiroir de ma table de nuit pour m’essuyer…

    Je suis bien, je suis seul… ma respiration m’apporte comme des picotements dans la poitrine, j’ai l’impression que ma trachée est hypersensible… mon corps en pleine récupération me suggère de prendre une respiration profonde, la plus profonde possible, de remplir les poumons d’air à la limite de leur capacité et de tout souffler ensuite…

    Je décide de l’écouter et je découvre que c’est incroyablement agréable… c’est comme si mes poumons gonflés d’air massaient mon bas ventre et ma cage thoracique de l’intérieur… c’est tellement surprenant et plaisant que je répète l’opération 3 ou 4 fois pour essayer de retrouver les mêmes sensations… hélas, aucune respiration successive ne sera aussi satisfaisante que la première…

    La succession d’inspiration et d’expirations a amené un plus d’oxygène à mon cerveau… je me sens comme après avoir bu une bière trop vite… presque ivre, les membres engourdis, je ressens comme un tournis…

    Je ferme les yeux et je continue à écouter mon corps… je reste immobile, inerte, j’écoute… je finis par entendre les battements de mon cœur dans mon oreille, dans tous mes membres… j’ai presque l’impression d’entendre le flux du sang qui coule dans mes veines… dans mon corps, à cet instant, tout est plaisir…

    Ma respiration est plaisir… ma déglutition est plaisir… mon immobilité est plaisir… ma peau nue est plaisir… le sommeil qui me guette est plaisir… et dans mon esprit apaisé et planant, tout semble possible et si simple… même ma relation avec le beau brun…

    Il me faudra plusieurs minutes et un court somme avant de revenir à moi et décider qu’une douche s’impose. Je reste un long moment sous l’eau chaude. L’eau qui tombe sur mes épaules et qui glisse sur ma peau est une sensation de bien être que j’ai envie de faire durer… après la branlette, je continue à prendre soin de moi-même… et ça fait un bien fou…

    Morale de l’histoire, force est de constater que, entre images coquines sans limites et fantasmes qui ne portent pas à conséquence, une bonne branlette peut constituer parfois un plaisir bien puissant…

    Le corps et l’esprits bien détendus par ce plaisir solitaire suivi d’un petit somme et une longue douche, je me sens prêt à repasser la bobine depuis le début… le bonheur de croiser Thibault rue d’Alsace-Lorraine à hauteur du Capitole, cette info sur le taf de Jérém lâchée comme si ce n’était qu’un détail… mon envie de filer le voir… ma course vers la rue de Metz, ma cachette ridicule… me faire gauler par le beau mécano, me retrouver assis en terrasse avec lui… la peur de la réaction de Jérém du fait de me voir là… son sourire, la sensation qu’en fin de compte ça lui fait plaisir de me voir… mon soulagement… mon bonheur de le voir de bon poil, de le voir déconner avec son pote… la sensation, par le biais de la présence de Thibault, de rentrer un peu dans son monde… je suis remué de le voir aussi épanoui… ce petit moment en terrasse, m’a bien touché, oui…

    Mais ce qui m’a le plus touché, c’est la conversation avec Thibault au sujet de mon beau brun… tout un ensemble d’informations, qui sonnent comme des révélations à mes oreilles, que je reçois comme autant de tartes dans la figure, tellement elles sont dures et inattendues… je suis à la fois avide de savoir et ému par ce que je viens d’apprendre… 

    Au fil des révélations de Thibault, j’apprends d’abord que « ce petit voyou de Jérém » est « toujours là où il a de la bagarre », que le fait d’« occuper un peu ses journées… va lui empêcher de faire des bêtises… », car, lorsque mon beau brun « se laisse aller, il a une incroyable propension à faire n’importe quoi… »…

    Jérém en casse cou… c’est vrai que je l’ai souvent vu boire, fumer, prendre la voiture après… tout ce qu’il ne faut pas faire, surtout pas dans cet ordre là… et encore, provoquer la bagarre, se battre… pour moi, certes, mais s’il l’à fait pour moi, il a pu le faire à d’autres occasions… il me semble que Jérém c’est le genre de mec qu’il ne faut pas chercher longtemps pour le trouver, surtout après quelques verres…

    Voilà pour ce que je connais de lui… pourtant, il me semble que derrière les mots de Thibault il y a autre chose… j’ai vraiment l’impression qu’il s’inquiète pour lui, qu’il veille sur son pote à chaque instant… j’ai l’impression que, au fil de leur amitié et de leurs sorties, Jérém lui en a fait voir des vertes et des pas mûres… j’ai eu très envie de savoir ce qu’il a pu faire Jérém de par le passé pour que Thibault soit si protecteur avec lui… hélas, je n’ai pas osé… je ne connais pas encore assez Thibault pour trop lui en demander… soudainement je me rends compte que mon beau brun a des faiblesses, et que, à la faveur de l’ivresse, il peut rapidement déraper…

    Thibault me touche vraiment, profondément, car on sent chez lui un dévouement total a son pote, et une inquiétude qui ne doit jamais le quitter.

    Mais bon sang, qu’est-ce qui inquiète le beau Thibault ? Est-ce que un jour il peut péter un plomb, tout envoyer valser et se mettre carrément en danger ? Je sais que la présence de Thibault, et maintenant l’occupation liée à son taf, vont le préserver de lui-même… mais pour combien de temps ?

    Après le Jérém casse cou, Thibault m’a parlé du Jérém blessé… une autre facette de mon beau brun qui pourrait en partie expliquer l’autre… mon Jérém qui veut couper les ponts avec sa famille… sa mère partie quand il n’était encore qu'un enfant, un enfant qui a du se sentir seul et abandonné, seul avec son petit frère, seul face à un père qu’il tient pour responsable de l’abandon de sa maman, seul avec une belle mère qui ne veut pas de lui… seul dans cette maison familiale où il a été très malheureux après le départ de sa mère…

    Quand j’essaie de m’imaginer son état d’âme à ce moment de son enfance, j’en ai mal au ventre… je suis tellement ému que je sens les larmes monter aux yeux… mon petit Jérém… tout jeune enfant triste et malheureux… une image si lointaine de l’étalon arrogant et dominateur que j’ai en face lors de nos baises… comment imaginer que ce mec si admiré, si jalousé, si populaire, ait pu être à ce point meurtri ? J’aurais tellement voulu le connaître à l’époque, pouvoir le serrer dans mes bras, être avec lui, être son pote pour l’aider à traverser ce moment très difficile, être là pour lui, tout comme il a été le bon Thibault…

    Le fait qu’il veuille aujourd’hui couper les ponts avec sa famille me donne la mesure de l’immense rancœur, de la colère qui doit toujours se cacher au fond de lui… et au milieu de toute cette noirceur, voilà au plus profond de lui un petit endroit tout chaud et douillet, un endroit qu’il réserve à son petit frère Maxime… peut-être la seule personne, avec Thibault, qui a vraiment une place dans son cœur…

    J’aimerais tellement le voir avec son petit frère… voir Jérém qui veille sur son petit Maxime... si c’est pas mignon tout ça… si c’est pas touchant…

    Seul sur le lit de ma chambre, dans le noir, je pleure comme un enfant. Après tout ce que je viens d’apprendre sur le passé de mon beau brun, je ressens encore plus forte mon inquiétude et mon sens de culpabilité face à l’éventualité que Jérém puisse ne pas avoir le bac… lui faisant ainsi rater une étape de sa vie… je me déteste si fort que j’ai envie de me mettre des baffes…

    Je pleure car toutes ces nouvelles images de Jérém me donnent une toute autre vision de lui… pour la première fois, je crois, je me rends compte que derrière l’insolente assurance du mec en t-shirt noir moulant, avec son jean et ses baskets vertes aux pieds que j’ai vu repartir avec son sac de sport et sa cigarette au bec, derrière son comportement de petit coq et de petit con, il y autre chose… Jérém n’est pas que le rugbyman doué, l’apollon qui se la pète… Jérém est aussi un garçon sensible, avec des fêlures, avec de la souffrance tapies au fond de lui…

    On a parfois tendance à penser que les bogoss ont une vie toute tracée, que tout est simple pour eux, que la vie leur sourit et que toutes les portes s’ouvrent devant eux… on se fait tromper (et/ou troubler) par les apparences et on ignore ce qui se passé dans leur vie, coté cour…

    Oui derrière l’assurance a priori parfaite, la beauté parfois arrogante de ces mecs qui nous font fantasmer, il y a aussi parfois des blessures, des faiblesses. Ca les rend du coup encore plus attirants…

    Mine de rien, a ce moment là, après cette première conversation avec Thibault, la première d’une longue série, je commence à avoir en main des éléments cruciaux pour comprendre l’attitude de mon bobrun… il aurait juste fallu que je sache bien lire entre les lignes… hélas, une fois de plus, je n’avais que 18 ans, j’était amoureux fou, et encore 100 fois plus depuis les révélations de Thibault, et je croyais que mon amour pouvait déplacer des montagnes… même celles qui ne veulent pas être déplacées…  

    Toutes ces facettes de lui que je venais d’apprendre, ajouté à ce que j’allais apprendre par la suite, feront que je serai tellement attendri que j’irai vers lui comme un jeune labrador cherchant à faire un gros câlin… à un chien enragé qui n’a pas du tout envie de câlin… la claque, la grosse claque qui m’attendra, sera de taille…

    Les maladresses que je ne tarderai pas à commettre avec mon beau brun, auront des conséquences très fâcheuses dans la vie de plusieurs personnes…  

    Mais ce soir là, j’ignore comment ma relation avec Jérém va évoluer… ce soir là je suis profondément reconnaissait à Thibault de m’avoir autant éclairé… je trouve sa bienveillance vis-à-vis de Jérém si touchante… son amitié est pure et émouvante… même si…

    Même si dans mon esprit, une sensation commence à pointer le bout de son nez… c’est la sensation que, derrière toutes ses questions discrètes, Thibault cherche à avoir confirmation de ce qu’il a déjà deviné à propos de qu’il y avait entre Jérém et moi… c’est une sensation troublante, qui s’accompagne d’une autre encore plus troublante… la sensation que Thibault puisse ressentir pour son pote des sentiments qui vont au delà de l’amitié… peut-être que je me fais des films… peut-être que son envie d’en savoir plus sur nos relation est juste une curiosité attisée par le fait que son pote ne l’a pas mis dans la confidence… pourtant…

    Pourtant, parfois j’ai l’impression que le regard de Thibault sur Jérém est plus que bienveillant… son regard a quelque chose de tendre, presque passionnel… dans ses yeux, il me semble de lire quelque chose qui ressemble à l’étincelle du désir…

    Au fond, ils sont toujours fourrés ensemble, au rugby, aux entraînements, aux vestiaires… [avec toutes les possibilité que cet endroit peut offrir à des garçons cherchant un plaisir discret, hésitant entre les deux cotés de la Force… maintenant je sais de quoi je parle…]… le week-end, souvent seuls en voiture, se raccompagnant chez l’un ou chez l’autre… avec toutes les occasions que la proximité peut créer… au fond, je me dis, s’il le faut, il s’est déjà passé des trucs entre eux…et  s’il le faut, il se passe toujours des trucs entre eux, même depuis qu’il me baise…

    Quand j’y pense, le fait d’imaginer que Thibault puisse avoir des vues, bien que refoulées, sur mon beau brun, devrait me rendre fou… oui, le fait de les savoir si proches et d’imaginer chez Thibault un penchant un peu plus qu’amical vis-à-vis de son pote devrait m’arracher les tripes de jalousie… pourtant…

    Pourtant il y a un truc chez Thibault qui le rend définitivement et irrémédiablement sympathique à mes yeux… j’ai de l’estime pour lui, presque de l’affection, et une envie de plus en plus forte de gagner son amitié… je le trouve tellement mignon et touchant que je n’arrive même pas à être jaloux de lui…

    D’abord, je me dis que, même si ce mec ressent plus que de l’amitié pour mon Jérém, il est hétéro à la base… bon, d’accord, cela n’empêche rien… Jérém aussi est hétéro « à la base »… heureusement pour moi, ça ne l’a jamais pas empêché de me baiser en prenant un pied de dingue… ensuite je me dis que, entre potes si proches, entre ces corps débordants de testostérone, c’est presque inévitable qu’un jour ou l’autre il se passe un truc… une simple branlette, une fellation vite fait, au plus une petite sodomie…

    Oui, entre potes, il se passe parfois des choses de ce genre… mais ce ne sont que des « trucs » pour soulager des envies… des petites parenthèses sensuelles à l’intérieur d’une amitié qui demeure bien plus importante que n’importe quelle passion, une amitié qui n’évolue pas, même si certains sentiments sont bien là, vers un rapport sentimental…

    Et si des potes hétéros ont parfois envie de se faire du bien, jamais ils n’afficheront au grand jour leur attirance… une attirance qui restera secrète, confinée à une petite baise improvisée dans un vestiaire après un entraînement, après une douche un peu trop coquine, dans un appartement de célibataire après une soirée un peu trop arrosée… non, ces mecs ne renonceront pas à leur vie d’hétéros… une vie faite de nanas, de gosses, de conformation aux codes de vie dominants dans notre société…

    Je me dis que leur amitié est tellement forte que c’est presque obligé qu’elle ait un jour comporté, qu’elle comporte ou qu’elle comportera un jour ce genre d’expérience sensuelle… ma tête commence à s’emballer lorsqu’elle retrouve quelque part dans sa mémoire quelques mots de Jérém lors de l’une de nos révisions, des mots balancés dans l’excitation d’un instant et semblant exprimer une envie d’ouvrir nos « révisions » à son pote…

    Des mots qui avaient par ailleurs résonné dans ma tête le fameux soir de l’Esmé, quand Thibault nous avait suivis sur le parking de la boite jusqu’à la voiture, me permettant de me faire tout un film, de m’imaginer qu’il rentrerait avec nous pour… pour… pour « réviser » avec nous… alors qu’il ne nous avait suivis à la voiture que pour récupérer son portefeuille… et son regard fixe pendant que nous quittions le parking… un regard qui avait quelque chose de triste et de touchant, comme si on le laissait sur le carreau…

    Naaan… les mots de Jérém n’étaient que des mots balancés sous l’effet de la drogue puissante de l’excitation, cette drogue qui fait parfois dire et faire n’importe quoi… car au fond de moi je suis persuadé que si jamais un jour Jérém devait coucher avec Thibault, il ne voudrait pas de moi… il voudrait se consacrer à son pote… de la même façon que, lorsqu’il me baise, il ne voudrait pas que son pote en soit témoin…

    Ah, ce beau et charmant Thibault… entre son inquiétude pour le coté « casse-cou » de Jérém et ses penchants supposés, j’ai comme l’impression qu’il doit sans arrêt penser à lui, consciemment ou inconsciemment. Il y a de la tristesse chez Thibault car, même s’il est le meilleur pote de Jérém, s’il le côtoie autant qu’il veut, s’il connaît tout ou presque de lui, une partie de lui voudrait peut-être plus, des choses qu’il ne peut pas dire, pas avouer, pas partager… je me dis qu’il doit être jaloux lui aussi de ces nanas qui se tapent Jérém…

    Et tout ça, ça fait de Thibault quelqu’un d’émouvant et quelque part de fragile. Oui, il est vraiment vraiment touchant comme garçon…

    Lorsque j’arrête enfin de penser à Thibault, à me faire des branlettes mentales autour de ses prétendus sentiments pour Jérém, j’arrive quand même à changer complètement de sujet… me voilà complètement dépaysé, me voilà en train de penser à… Jérém… je crois que si en 2001 on m’avait interdit de penser aux mecs, il ne me serait pas resté grand-chose comme occupation de l’esprit…

    Oui, je pense à Jérém… Jérém en tenue de serveur sexy… Jérém si craquant dans ce nouvel environnement… Jérém qui passe une étape de sa vie, comme s’il avait pris de la distance, comme s’il m’échappait… Jérém qui bosse, ce qui signifie « grandir » à mes yeux, ce qui me rappelle que le bac est passé et que toute ma vie va être bousculée dans peu de temps… je ressens alors une profonde tristesse m’envahir…

    Un instant après je réalise que j’ai devant moi tout un été à vivre à fond… je suis rassuré, Jérém n’est pas parti loin, peut être que l’on pourra continuer à se voir un peu, à moins que ce taf offrant mille occasions à mon beau brun ne l’éloigne définitivement de moi…

    Je suis touché de l’avoir vu dans ce contexte, et quand je repense à cette image de dingue où son torse se bombe pour se faufiler entre les chaise, je sens la trique me gagner à nouveau…

    Allez, j’arrête le film dans ma tête… je pourrais le repasser à l’infini… il faut que je m’aère l’esprit… dans mon programme chargé, il me reste l’étape « coup de fil à Elodie ».

    « T’as pas répondu à mon sms » elle m’attaque frontalement. Je sais qu’elle blague.

    « J’étais occupé » je lui balance sur le même ton.

    « Alors, tu l’as vu ton serveur ? » elle trace direct au but.

    « Oui, Elodie »

    « Alors, il était beau ? »

    « Tu ne peux même pas t’imaginer… »

    « C’est vrai qu’une chemisette blanche de serveur peut être très sexy »

    « Penses-tu, ma cousine… il avait un t-shirt noir moulant à lui sauter dessus direct… »

    « Ok, j’ai tout compris… »

    « T’as compris quoi ? »

    « Il l’ont embauché pour faire venir le client… »

    « Oui, je crois… moi aussi, si je tenais un resto ou un bar et qu’un mec pareil se pointe pour bosser, je l’embauche illico… pour faire venir le client… »

    « Non, toi tu l’embaucherais pour t’envoyer en l’air avec… »

     « Salope » je lui balance.

    « C’est pas vrai ? »

    « Oui, c’est vrai… »

    « Alors, c’est qui la salope ? »

    « J’admets » j’admets…

    « En tout cas moi je l’embaucherais pour ça » elle me taquine.

    « Double salope »

    « J’assume » elle me répond ; et elle enchaîne « il était comment ? »

    « C'est-à-dire ? »

    « Par rapport au fait que tu te pointes à son taf le premier jour, au même moment que son pote… ça n’avait pas l’air louche ? »

    « J’ai l’impression que ça lui a fait plaisir… »

    « Il était de bon poil ? »

    « Oui, il a déconné avec Thibault et il a été gentil avec moi, il m’a payé un coup… »

    « Je suis sur que tu aurais préféré qu’il te mette un coup… »

    « Quand on regarde les choses sous cet angle… »

    « Tu es incroyable le couz… » elle plaisante.

    « On va au KL, samedi ? » j’enchaîne avant qu’elle ne balance une autre connerie.

    « Tu me gonfles, le couz… »

    « S’il te plait, Elodie… »

    « Mais tu espères quoi, Nico, en pistant ton beau brun à longueur de temps ? De le faire tomber amoureux ? Tu vas juste finir par le vexer… »

    « T’as peut être raison, mais qu’est ce que j’ai à perdre ? »

    « Rien, tu as raison… au mieux tu y gagnes une baise de plus, au pire il t’envoie bouler… »

    « C’est ça… mais s’il est aussi de bonne composition que ce soir, je prévois une nuit très chaude »

    « Mais moi j’ai pas envie de me taper une soirée entière de musique à la con pour t’arranger un coup… »

    « Allez, ne soit pas garce »

    « Je le suis, si je veux… »

    « Tu m’y amènes, alors ? »

    « Non, non, non et puis non…. »

     

    Je n’aurai pas de nouvelles de Jérém pour le reste de la semaine… évidemment, je n’oserai pas me ramener à nouveau rue de Metz pour l’y croiser… ce coup-ci, l’excuse « je passais par là par hasard » aurait paru vraiment louche, le beau brun se serait senti pisté, limite harcelé, et il se serait montré vexé, surtout sans la présence apaisante du beau Thibault…

    A un moment j’avais cru que, après cette rencontre impromptue et sympathique à son taf, il m’aurait sonné pour passer un bon petit moment de baise… hélas, jeudi, vendredi, samedi, pas de sms… je finis par me dire que, malgré le visage souriant qu’il avait bien voulu montrer en présence de Thibault ou grâce à la présence de Thibault, le beau brun me faisait toujours la tête après ce qui s’était passé dans les douches du vestiaire du terrain de rugby… et j’en oubliais de me dire que moi aussi j’avais le droit de lui faire la tête pour le fait de m’avoir carrément démonté la bouche avec ses coups de reins de malade… le fait est que, masochistement, je suis sur que c’était ma demande déplacée et rien d’autre qui avait déclenché sa réaction violente…

    Ce que je ne savais pas encore, c’est que après notre soirée dans les vestiaires du terrain de rugby, les doutes de Jérém s’étaient fait encore plus forts… il avait tellement tout aimé, la pipe sur la table muscu, la tendresse, le baiser, les caresses, la sodo sur la table de massage, même jusqu’à la douche que sa queue m’avait offerte, qu’il en était déboussolé… il regrettait de m’avoir fait mal lors de la dernière pipe…

    Oui, il le regrettait au point de passer une semaine de merde… le seul bon moment depuis le mardi soir avait été pour lui de me voir en terrasse de la brasserie…

    Ce que je ne savais pas non plus c’était que, derrière son étonnement amusé, derrière ses attitudes de mec bien dans ses baskets, derrière sa déconnade avec Thibault, Jérém avait ressenti un mélange de bonheur et de malaise de me voir assis à la terrasse de son taf… en réalité, lorsqu’il m’avait vu à la table avec Thibaut, il avait eu peur de croiser mon regard…

    Depuis qu’on s’était quitté devant les vestiaires ce mardi soir, je lui manquais… trop fier pour s’excuser, il se faisait violence pour résister à la tentation de m’envoyer un sms, trouvant plus simple de s’occuper l’esprit avec son job d’été…

     

    Samedi soir, 21h50.

     

    On prend place dans la salle 3 du CGR à Blagnac. On y est enfin. Depuis le temps qu’elle m’en parle, on a réussi, deux mois après sa sortie, à trouver le moment pour se faire le film français de l’année. Après les pubs locales, toujours aussi risiblement réussies, après la bande annonce des sorties à venir, le minois irrésistible d’Audrey Toutou crève l’écran. « Le fabuleux destin d’Amélie Poulain » nous fera passer un très bon moment… c’est assez nouveau et original comme mode de narration, c’est surprenant, drôle, touchant, magnifique… on sortira de la projection de très bonne humeur, détendus…

    Même à cette heure tardive, le vent d’est souffle toujours… comme de coutume, il s’est levé en début d’après-midi et il n’a pas arrêté depuis… ça souffle sans discontinuer et, par moments, des rafales plus puissantes trouvent le moyen d’en rajouter une couche…

    Le vent d’autan souffle sans le moindre répit, monotone, insistant… je crois même que c’est parti pour plusieurs jours… le vent d’autan… depuis que « mon histoire » avec Jérém a démarré, ce vent typique du sud ouest est toujours venu souligner ou annoncer des moments marquants dans notre relation… il y avait du vent le premier jour de nos révisions ; il y avait encore du vent le matin après le soir de l’Esmé… et il y avait toujours du vent d’autan le mercredi du bac où je me suis fait jeter, avant de me retrouver sur la pelouse de St Etienne…

    Plus tôt ce jour là, dans l’après-midi de ce samedi 30 juin 2001, en me baladant dans les rues de Toulouse dans le sens contraire de ce vent qui secouait les branches des arbres et qui soulevait la poussière, j’avais été saisi par un drôle de pressentiment… j’avais eu comme l’intuition que non seulement ce soir là il allait se passer quelque chose avec mon beau brun, mais que ce quelque chose allait me faire un mal de chien… je n’ai pas souvent d’intuitions, car en général je ne prête pas attention à ce genre de choses… hélas, celle que le vent d’autan semblait m’apporter ce jour là en caressant vigoureusement ma peau, allait se révéler fondée…

    Oui, le vent souffle toujours lorsque nous sortons du CGR… mais j’ai tendance à l’oublier face à ce qui me préoccupe le plus à ce moment précis, à savoir… les intentions de ma cousine pour la suite de la soirée…

    La veille, je lui avais proposé un deal : ok, on va voir Amélie Poulain, mais après on va au KL…

    « On verra » avait été sa réponse…

    Je m’étais contenté de ça, sûr que ma cousine me faisait marcher…

    Si le film avait réussi à me faire oublier tout cela le temps de la projection, voilà que, une fois dehors, mon assurance perd de son panache minute après minute… Elodie est en mode déconne, elle me rejoue certaines scènes du film, elle me fait rigoler, mais pas un mot au sujet de la suite de la soirée… et ça, franchement, ça me fait beaucoup moins rire…, c’est elle qui a la voiture, elle me fait mijoter… je tente de me rassurer en me disant que ma cousine sait à quel point je tiens à cette sortie, et qu’elle ne va pas me faire ça… ne vas pas me faire pas rater l’occasion de croiser mon beau brun au KL… ainsi que mon nouveau pote Thibault…

    De plus elle est maquillée et bien sapée, pile la dégaine pour une sortie en boite… mais elle est toujours maquillée et bien sapée…

    A priori elle va dire oui, mais je sais qu’on ne peut jamais présumer de ses décisions… il suffit d’une migraine pour qu’elle ait envie de rentrer illico… la garce s’amuse à maintenir le suspense jusqu’à la dernière minute…

    Et c’est seulement en démarrant la voiture qu’elle m’annonce…

    « Allez, direction la Sesquière pour se faire casser les oreilles… »

    « Je t’adore cousine… »

    « Pas moi, tu me devras ça… »

    « Ce que tu veux… »

    Je suis soulagé. Je suis tout guilleret. Si j’étais un labrador, je serais en train de remuer la queue… quoi que, même sans être labrador… Je vais retrouver Jérém. Et Thibault. La soirée s’annonce très intéressante. Je n’imagine pas encore à quel point elle va l’être. D’une façon complètement inattendue, mais elle va être très intéressante…

    On franchit le sas du KL à une heure pétante. On se lance dans un tour de la boite, mais pas de trace de beau serveur ou de charmant mécanicien ni de leur meute… il faut dire que pour une bande de mecs, une heure du mat c’est encore tôt pour aller en boite…
    Le DJ à la mode est là avec sa musique à la mode… au milieu de ses boum boum balancés sans discontinuer, il finit par passer un remix de Music suivi de What I feel it for a girl, alors je me précipite sur la piste en entraînant Elodie avec moi… on est sur la piste, alors on danse… on s’éclate… on danse…

    Une demi heure plus tard on a envie de danser sur de la vraie musique qui donne envie de danser… alors changement de salle, on fait un tour dans les années ’70… et là, avec le disco, c’est l’éclate totale… certes, le disco est beaucoup plus à notre goût que la techno… hélas, c’est la salle techno, et non pas la disco, qui se trouve être le repère de mon beau brun…

    Aussi, malgré les basses puissantes d’une musique qui fait bouger mes pieds tout seuls, j’ai vite envie de retrouver les sons bien plus pauvres du DJ à la mode…

    Il est une heure quarante-cinq et ils ne sont toujours pas là… pourtant on est dans leur quartier, dans leur coin, dans leur tanière… c’est là qu’ils sévissent lorsqu’ils viennent dans cette boite… Elodie a l’air de se faire chier en sirotant son cocktail à travers la paille…

    Pendant un instant je me dis qu'ils ont du changer de programme... mais cette éventualité ressemble tellement peu à l’idée que je me fais de Thibault... il me semble que c’est le genre de mec qui, quand il s’engage sur quelque chose, si insignifiante soit-t-elle, il tient son engagement… de plus il a mon numéro de portable, alors je pense qu’il m’aurait prévenu s’il y avait eu changement… ou pas… au fond nous ne sommes pas encore si intimes… d’ailleurs, moi aussi je pourrais lui envoyer un sms pour savoir où ils en sont, mais évidemment je n’ose pas…
    C’est deux heures pétantes lorsque, en regagnant la piste de danse avec Elodie, je pense à un truc : Jérém doit bosser ce soir, alors ils ne vont pas être là de bonne heure…

    Je viens tout juste de me faire cette réflexion, je suis à deux doigts de proposer à Elodie de quitter la piste de danse techno pour revenir à l’ambiance disco, que je vois ma cousine me balancer un grand sourire, juste avant de se pencher sur mon oreille pour me balancer en regardant au dessus de mon épaule:

    « Eh cousin... mate un peu cette bande de couillus qui approche… »
    Elle a les yeux partout, ma cousine. Je comprends de suite. Ils sont là. Il est la… mais avant que je puisse me retourner, ma cousine me saisit l’épaule pour me retenir et ajouter :

    « J’espère que tu as le coeur bien accroché car c’est insoutenable à regarder… »

    Je lui souris et, ne tenant plus en place, je tourne la tête et… paf !... comme une claque dans la figure que je n’aurais pas vue venir, voilà la meute… le beau Jérém, t-shirt orange bien ajusté, le buste droit comme un I, tous pecs dehors, avançant en tête, avec sa démarche assurée, avec son regard ténébreux, fier, comme triomphant ; le fidèle Thibault, habillé avec un t-shirt gris Diesel moulant du meilleur goût, tout juste un demi pas derrière lui, un peu décalé, presque en garde du (beau) corps de son pote… derrière eux, deux autres mecs de leur équipe de rugby…

    Elle a raison Elodie : c’est presque insoutenable, comme regarder le soleil… pendant que j’essaie de me souvenir que la respiration n’est pas une option, j’entends Elodie déconner :

    « Je sens que tu vas avoir envie de t-shirt orange ce soir… et moi je vais devoir me contenter d'un t-shirt gris… »

    Jérém et Thibault, presque côte à côte, leurs têtes, leurs torses côte à côte, voilà qui porterait à croire que la beauté est faite pour s’associer a la beauté… voilà une loi cosmique qui parait imparable lorsqu’on regarde deux beaux garçons se balader ensemble, qu’il n’y ait entre eux que de l’amitié ou bien plus que cela ; alors que la même loi parait loin d’être défendable lorsqu’on voit des mecs canons se balader avec des nanas vulgaires ou parfaitement quelconques, chose qui arrive, hélas, assez régulièrement… 

    Plus tard dans ma vie je ferai la connaissance d’un grand esprit qui me fera part d’une théorie intéressante pouvant expliquer le fait que parfois ma loi cosmique ne soit pas vérifiée… ce philosophe des temps modernes me soutiendra que les beaux mecs avec des nanas moches, c'est bien la preuve qu’ils n'ont aucun goût en matière de nanas et que donc, en réalité, ils sont gay refoulés… ce sont des mecs qui aspirent justement à passer du bon coté de la Force, mais qui n’osent pas franchir le pas… 

    Oui, Jérém, Thibault, Thibault, Jérém… comme le dit ma cousine, si on ne devait en choisir qu’un des deux, le choix serait des plus ardus… bah… oui… et… non… oui car, lorsqu’on regarde de près, Thibault a un charme fou, beaucoup plus discret, mais fou quand même… 

    Mais lorsqu’on voit soudainement la meute débouler en boite de nuit, inévitablement le premier regard se pose sur Jérém, aimanté par sa beauté insolente, par son regard magnétique, par sa prestance hors normes… ce mec est d’une sexytude outrageuse… et, au final, au premier abord on ne voit que lui… alors, de la même façon qu’il faut que le soleil se cache pour découvrir la Lune et les étoiles, il faut que la meute se disperse pour remarquer les autres bogoss de sa bande… 

    Car ce mec a vraiment un truc à part, un truc que très peu de mecs ont… ça va au delà de sa beauté, au delà de son charme, au delà de son coté « petit con soigné qui se la pète »… c’est comme si la tension sexuelle était omniprésente autour de lui… dès qu'il arrive quelque part, les regards se tournent vers lui et bien d'envies se réveillent ou se découvrent ; car ce mec dégage de lui quelque chose de terriblement masculin, comme une odeur, une envie de sexe… on le voit et on a envie d’approcher sa sexualité débordante…

    Et lorsque, sans prévenir, au gré d’un échange avec Thibault ou un autre pote, son sourire ravageur éclate sur son visage comme un feu d’artifice inattendu et magnifique… là c’est à pleurer… à pleurer…

    Que l’on soit une nana et que l’on se dise : « tiens, ce mec je me le taperais bien » ; que l’on soit gay et que l’on se dise : « tiens, ce mec est à faire jouir d’urgence » ; que l’on soit mec hétéro « catégorie I » et que l’on se dise : « ce mec à qui tout réussit, suscite mon admiration et me fait rêver, je voudrais être à sa place » ; que l’on soit mec hétéro « cat. II » et que l’on se dise : « tiens, ce mec à qui tout réussit, si arrogant et insolent, me donne envie de lui mettre mon poing da la gueule » ; ou que l’on soit mec hétéro « cat. III » et que l’on se dise : « tiens, tiens… je ne sais pas ce qu’il m’arrive aujourd’hui, mais ce mec me fait un drôle d’effet, un effet qu’aucun autre garçon m’a fait jusqu’à là » ; où que l’on se situe, du coté du désir, de la contemplation, de l’admiration, de la haine ou de l’émoustillement, le charme de ce mec est une valeur universelle… oui, que l’on adore ou que l’on déteste, force est d’admettre que ce mec ne laisse personne indifférent…

    Oui, le charme de Jérém est un feu d’artifice de tout instant, universellement reconnu et instantanément repérable, comme un soleil incandescent ; alors que le charme de Thibault, tout aussi puissant dans son genre, est moins étincelant, tout dans la retenue, et demande un petit délai, un petit effort d’attention, pour en découvrir toute la magnifique envergure… et une fois installé, ce charme vous frappe avec une puissance inattendue et bouleversante… 

    Bien sûr, en ce qui me concerne, le choix est fait… certes, je trouve Thibault très très séduisant, j’ai envie de le connaître davantage, de devenir son pote et, il faut bien l’admettre, si mon cœur n’était pas pris et s’il se pointait chez moi avec des envies coquines, il ne dormirait certainement pas dans la baignoire…  

    Mais Jérém… Jérém est à mes yeux juste… hors compétition… Jérém est juste « mon beau mâle brun » et l’« unité de mesure », l’« étalon [sans jeu de mots, svp] » qui me sert pour le comparer à d’autres charmes masculins est juste pipée… ce que je ressens pour lui va bien au delà de toute comparaison… bien d’autres paramètres rentrent en compte dans ma tête, et surtout dans mon cœur, pour le rendre à mes yeux si… indispensable… 

    Le fait de coucher avec lui, de m’envoyer en l’air dans des baises chaudes bouillantes, le fait que sa queue, que son corps tout entier, me procurent un plaisir si incroyable, contribue à brouiller mon jugement… car on ne peut pas faire autrement que devenir dingue d’un mec qui vous donne autant de jouissance, un mec avec qui l’entente sexuelle est si parfaite…  

    Et tout cela, sans prendre en compte ses défauts si… si séduisants au final… son inaccessibilité, l’imprévisibilité de son comportement et de ses réactions, le fait de ne rien partager de sa vie, son coté ténébreux… des défauts qui contribuent, eux aussi, à me rendre fou de lui… 

    Oui tout le monde veut soit baiser avec lui, soit être a sa place, soit le cogner... oui, tout le monde est sensible aux apparences... mais moi je suis le seul, à part peut-être Thibault, a savoir que Jérémie T. est avant tout un mec à aimer, à aimer d'urgence, à aimer malgré lui s'il le faut… je sais qu'il ne sera pas facile d'y arriver mais je vais y arriver, je le sais…

     

    Mais revenons à la soirée au KL et à Jérém en mode « chef de meute »… il se dirige vers le bar, il s’assoit et sa bande prend place autour de lui, certains assis, d’autres debout… il approche ses lèvres de l’oreille de la pouff au comptoir et quelques instant plus tard celle-ci se ramène avec quatre verres de whisky… ça commence sec… ça picole, les mecs… je les vois discuter, rigoler, s’échanger des gestes d’amitié, un bras passé autour d’un cou, une main appuyée sur une épaule pour chercher un équilibre, une autre serrant un biceps d’un geste à l’apparence anodin… ça aussi, je trouve beau à en pleurer… car c’est le genre de gestes que jamais je ne pourrai me permettre avec un garçon…

    Je respire profondément et je laisse échapper un long long long soupiiiiir… je ne peux pas m’empêcher de trouver touchant d’observer ces jeunes mecs heureux de vivre, heureux d’être ensemble, ayant toute la vie devant eux, tout a construire, tout a vivre… mais en même temps, je sais désormais que parfois, sous des apparences de joie de vivre et d’insouciance se cachent des blessures, des non-dits, des secrets, et, peut-être, parfois, des désirs inavoués…

    Quelques minutes plus tard, chacun avec leur verre à la main, ils repartent faire un tour… tous sauf Thibault, qui bifurque vers les toilettes… lorsqu’il en ressort quelques instants plus tard, il nous a repérés, Elodie et moi… je quitte illico la piste de danse pour aller lui dire bonjour… Elodie est à mes basques… parfois elle exagère… elle aurait pu rester danser…

    « Salut » balance-t-il en claquant la bise à Elodie avant de me gratifier d’une poignée de main bien ferme.

    « Salut » je lui réponds.

    « C’est cool que vous ayez pu venir »

    Le volume de la musique est tel que pour se comprendre on est obligé d’approcher les lèvres de l’oreille de l’autre… j’adore la sensation de son souffle dans mon oreille lorsqu’il me parle…

    « Je me tâtais, mais Elodie a tellement insisté… » je balance au deuxième degré, en souriant, de toute façon Elodie n’entend pas.

    Thibault sourit. Il sait que je blague. Il sait que je suis venu exprès pour retrouver Jérém. Il sait tout ce mec. J’enchaîne.

    «  Je croyais que vous aviez changé de programme… » je continue.

    « Naaan, on vient tout juste d’arriver… Jérém a bossé jusqu’à une heure passée… »

    « Ah, ok, je comprends mieux… »

    « Tu veux un truc à boire ? » il me propose.

    « Euh… une bière… »

    Je le vois ensuite se pencher vers l’oreille d’Elodie. Je la vois sourire. Et approcher ses lèvres de l’oreille du beau mécanicien. Ensuite elle approche sa bouche de mon oreille pour me crier presque :

    « J’ai pas envie de boire autre chose… je vais retourner danser à coté, le mec est tout à toi… cuisine-le bien, tu me raconteras… »

    Je me contente de lui sourire.

    On se dirige vers le bar, je vois Thibault se pencher vers la pouff de tout à l’heure, et un instant plus tard celle-ci se ramène avec deux bières.

    « Merci » je lui crie à l’oreille.

    « Avec plaisir » me répond-t-il, en avançant sa main et sa bouteille pour trinquer avec moi. Son sourire est simplement à tomber.

    « Alors, ça se passe bien ce boulot de serveur ? » je me renseigne, entrée en matière directe.

    « Ca ne fait que deux jours, mais ça a l’air… »

    « Il semble à l’aise avec ses plateaux… »

    « Il a déjà bossé dans un bar l’été dernier… »

    Ah… bah voilà… petit à petit on va tout savoir… là, je comprends mieux. Voilà un autre truc que je ne connaissais pas de mon beau brun. En fait, à part sa beauté, son charme, la taille de sa bite, de ses couilles et ses envies de mec, je ne connais rien de lui.

    « Le tournoi de rugby, c’est fini ? » j’improvise pour masquer mon étonnement.

    « Non, on a encore deux matches, un demain et un dimanche prochain »

    « Demain ??? » je m’étonne.

    « Ouais… », il rigole, « on va être frais… »

    Je souris. Et j’enchaîne :

    « Ca se passe bien le tournoi ? »

    « On risque de gagner le tournoi, mais il faut que le capitaine soit en forme »

    « Ça va pas être simple avec son boulot… » j’avance.

    « Non, c’est vrai, mais il a de la ressource le Jérém, je m’inquiète pas… il va sécher quelques entraînements, mais il a de la marge, avec toute la muscu qu’il a fait depuis des mois… »

    Ah, oui, mon petit Thibault, si tu savais comment j’ai pu assister à ses séances de muscu… si tu savais à quelle soirée de fou ses séances de muscu nous ont conduits mardi dernier…

    « Et puis… » il continue « avec tout l’exercice qu’il va faire pour son taf, il va garder la forme… quant à son jeu, il a bonne une longueur d’avance » 

    « Il est en cdi ? » je me renseigne.

    « Non, il est en extra pour juillet et août… après il va enchaîner avec un vrai boulot… »

    Voilà autre chose. C’est instructif de discuter avec Thibault, il ne se fait pas prier pour lâcher plein de trucs sur Jérém…

    « Il va chercher dans quoi ? » j’ interroge.

    « Dans la vente… »

    « Dans un magasin, une grande surface ? » je sonde.

    « Non, plutôt en tant que commercial… »

    « Ah bon… » ce soir là je passe d’étonnement en étonnement. Mais le meilleur (ou le pire) reste à venir.

    « Oui, un de nos potes bosse pour une grosse boite qui fait de l’outillage professionnel et il semblerait qu’il va y avoir une opportunité à saisir à la rentrée début septembre… »

    « C’est dans la région ? » j’enquête, soudainement inquiet.

    « Pas vraiment… la boite est basée à Limoges… »

    Je panique. Je faillis recracher la gorgée de bière que je viens d’avaler nerveusement. J’étouffe… dans deux mois, Jérém se barre à 400 bornes… dans ma tête c’est alarme rouge… les feux d’urgence clignotent, les sirènes me pètent les oreilles… l’état d’urgence est déclenché… panique à bord… il faut que j’en sache davantage… je suis assis mais je sens es jambes flageolantes… j’ai l’impression qu’on m’enfonce un poignard dans la poitrine…

    « Il va bosser à Limoges ? » je questionne… j’ai besoin d’être rassuré… j’ai besoin qu’il me donne une info n’importe qui relativise ce qu’il vient de me balancer…

    Hélas, ce ne seront pas les précisions de Thibault qui auront le pouvoir de me rassurer…

    « C’est une boite nationale, alors il peut être affecté aux quatre coin de la France… d’autant plus qu’apparemment ça ne lui fait pas peur de partir… tout ce qui compte pour lui, c’est de gagner sa vie correctement… tu sais, Jérém aime les belles choses, les belles fringues, les belles bagnoles, il a envie d’avoir tout ça, mais il a envie de l’avoir par ses propres moyens… »…

    Putaaaaaaiiiiiiiiin deeeeeeeeeeeee meeeeeeeeeeeeeeeerdeeeeeeeeeeeeeeeeee ! C’est quoi cette blague… je le savais que le beau brun préparait un coup foireux… Limoges… ou n’importe où en France… Clermont Ferrant ? La Rochelle ? et pourquoi pas Rouen, Lille, les Ardennes, Lyon, Nice tant qu’à y être… moi coincé à Bordeaux pour mes études et lui à l’opposé de l’hexagone… merde, merde, merde… j’ai l’impression que mon cœur se décroche de ma poitrine pour aller se briser au sol en mille morceaux et avec grand fracas…

    Je sais, je le sais depuis longtemps qu’après le bac nos vies vont se séparer… ce que j’ignorais jusqu’à là, c’était quand. Là je suis fixé… début septembre… un compte à rebours douloureux s’affiche dans ma tête…

    J’avale une autre gorgée de bière comme pour me donner du courage et j’essaie d’opposer des arguments sans importance pour essayer de refuser d’admettre l’inévitable :

    « Mais il n’a aucune formation dans la vente… »

    « Ils ont une formation interne… apparemment ils cherchent juste des jeunes avec une belle gueule et une bonne dose de gnaque… et Jérém, il est bogoss et motivé… ».

    Ah, la belle gueule. Ce pass universel qui ouvre toutes les portes de ce bas monde.

    J’ai envie de pleurer. Je suis tellement bouleversé que je n’arrive plus à trouver de la conversation.

    « Ca peut être partout en France, alors… » je finis par dire tristement et inutilement.

    « Ca peut être même à l’étranger… » il continue sans se rentre compte qu’il risque de m’achever « il parait qu’ils sont en train de développer un marché en Italie et ils recrutent pour ça… »

    « Il parle italien ? »

    « Oui, il le parle… son père est italien de Naples… »

    Ça je savais. Ses origines napolitaines. Ce qui explique la couleur mate de sa peau de saloperie de rital sexy, cette peau qui bronze à vue d’œil dès qu’elle rencontre un rayon de soleil, alors qu’à moi il me faut l’été entier pour colorier un peu mon épiderme nuance Doliprane… c’est ça d’avoir une maman Normande… oui, j’étais au courant de ses origines napolitaines, ce qui explique également son regard de braise et peut-être son attitude macho…

    « Je ne savais pas qu’il parlait italien… » je bafouille, la tête en roue libre.

    « Si, si, et plutôt pas mal apparemment… on y est allé l’été dernier en vacances, et je peux te dire qu’il n’avait aucun mal à se faire comprendre, surtout avec les nanas… »

    Ah, le charme universel de Jérém, la puissance de son regard, ce pouvoir de séduction de dingue qui se passe des mots, qui se moque de la barrière de la langue et qui opérerait même s’il devenait muet…

    Putain, Thibault… tu ne te rends pas compte que t’es en train de me tuer ? Tu ferais plus vite à aller chercher une hache et me l’enfoncer dans le crâne…

    A ce stade j’ai vraiment envie de pleurer. Thibault doit s’en rendre compte, car il me saisit doucement l’avant-bras, m’obligeant à le regarder dans les yeux. Son regard est doux et apaisant. Un instant plus tard je l’entends poser dans mon oreille :

    « Moi aussi je suis très affecté par son intention de partir… mais je me dis qu’il va revenir de temps en temps, qu’il ne va pas oublier les personnes qui comptent pour lui… et toi tu en fais partie… et puis on pourra aller le voir aussi… »

    C’est la seule note agréable à entendre dans son discours : le fait que, au dire de Thibault, je fais partie des personnes qui comptent pour le beau brun. Quant au fait de garder contact malgré la distance, je suis plutôt pessimiste…

    Je me sens désemparé… à l’instant où j’apprends que Jérém est un garçon sensible et blessé, à l’instant où mon amour pour lui trouve une nouvel et immense territoire à explorer, à l’instant où le besoin d’être avec lui est fort comme jamais, j’apprends que dans deux mois la vie va nous séparer pour de bon, et pas qu’un peu, et que je vais devoir l’oublier…

    Je ressens un profonde tristesse m’envahir, je me sens perdu, j’ai l’impression que plus aucune joie ne sera jamais possible pour moi, comme si un Détraqueur d’Azkaban venait de rentrer dans la pièce… j’ai soudainement très froid, je sens la chair de poules s’installer, je sens les larmes monter, j’ai peur de ne pas pouvoir me retenir… je me sens pas bien, j’ai la tête qui tourne… je cherche autour de moi un appui pour ne pas m’effondrer… heureusement Thibault est là… son regard doux et presque ému cherche encore le mien… sa main est toujours posée sur mon avant bras… je vois son autre main poser sa bière sur le comptoir et rejoindre mon autre avant bras… sa double prise se fait plus ferme, j’ai presque l’impression que ses pouces amorcent un mouvement qui semble à une petite caresse… je sens la chaleur de ses mains, l’affection de son geste, l’émotion qu’il partage avec moi… je suis super triste, mais Thibault sait me faire du bien…

    C’est dingue comment Thibault est un garçon rassurant, attachant, câlin, tout le contraire de Jérémie… un garçon débordant d’une sensualité naturelle, un garçon solide tant dans le physique que dans le mental, mais dont on devine une sensibilité de tous les instants ainsi qu’une douceur qui ne demande qu’à être dévoilée… Thibault est le mec qui sait offrir une véritable amitié… le mec qui sera toujours là quand on aura besoin de lui, qui ira jusqu'à se mettre en danger s’il le faut pour aider son pote… rien que cela, ça le rend charmant et touchant à mes yeux…

    « S’il part, on ira le voir ensemble » finit par poser dans mon oreille, comme une dernière caresse, juste avant de retirer ses mains de mes avant bras.

    Il reprend sa bière, et il trinque à nouveau avec moi. Son sourire m’aide à me calmer. Il est trop ce mec. J’ai tout juste le temps de me ressaisir que mon attention est captée par de ce t-shirt orange moulant qui m’a fait tant d’effet en le voyant débarquer à la tête de sa meute… il est à l’autre bout de la piste, mais il avance vers nous et je devine qu’il ne va pas tarder à venir retrouver son pote…

    J’attends son approche avec toujours dans le ventre cette incertitude sur la réaction qu’il va avoir. Il est imprévisible ce mec… je ne sais jamais si le fait de me voir hors de nos baises lui fait plaisir ou l’agace… dans ce cas précis, je me demande si le fait de me voir à nouveau discuter avec son pote, ne va pas vraiment finir par le mettre en pétard…

    De toute façon, c’est trop tard pour me rattraper… je ne peux pas disparaître d’un coup de baguette magique… il faudrait la Baguette de Sureau, et encore… au pire je vais prendre un tir de la part du beau brun… il me reste juste à espérer que son « tir », ce soit moins dans l’engueulade que dans la baise…

    Se rendant compte de mon inquiétude, voilà que Thibault, qui a toujours en réserve le bon mot à utiliser en cas de besoin, me demande de lui parler de mes études à Bordeaux. Il est adorable. Il me fait parler pour m’apaiser… pendant que je lui réponds, tout en guettant de l’œil l’approche du beau brun, je m’efforce de retrouver un sourire à afficher…

    Un instant plus tard il est là… sans me dire bonjour, il se penche à l’oreille de Thibault, il lui raconte quelque chose ; le beau mécano sourit, lui répond un truc à son tour ; leur échange continue ainsi pendant un petit moment… Jérém finit par lui indiquer un endroit que je situe au milieu de la piste de danse… est-ce qu’il est en train de lui montrer une nana ? Un pote à eux ? De quoi sont-t-ils en train de rigoler ???

    Ah, je suis jaloux, je voudrais tellement avoir le pouvoir de capter cette conversation, de savoir ce qui fait rigoler les deux bogoss… pendant leurs échanges, mon regard intrigué est tellement collé sur eux que par deux fois je croise celui de Jérém… ça ne dure qu’un instant mais je n’arrive pas à déceler d’émotions… pas de signe à mon intention, même pas un petit geste en guise de bonjour… pas de sourire mais pas de regard noir non plus… j’essaie de sonder son état d’esprit car quelque chose me dit que je vais bientôt me retrouver en tête à tête avec lui…

    Ça ne rate pas… un instant plus tard Thibault se lève, me fait un signe de la main en guise d’au revoir, un signe qu’il accompagne d’un petit clin d’œil craquant à souhait… elle a raison Elodie, ce mec aussi est vraiment canon… deux potes, deux bombes… c’est beau à voir lorsque tous les deux sont dans le champs visuel…

    Thibault est parti en direction de l’endroit de la piste que Jérém semblait lui indiquer pour y retrouver un type avec qui, à en juger de leurs échanges, animés et tactiles, il doit être très bon pote également…

    Jérém s’assoit à coté de moi sur le tabouret devant le comptoir du bar du KL à la place de son pote qui vient de partir.

     

    Plus tard, cette nuit là…

     

    Son repos ne sera pas de très longue durée. Une heure plus tard, il se réveille soudainement. L’esprit embrumé par le court endormissement, il a du mal à remettre les choses à leur place. Déjà, pour réaliser qu’il n’est pas dans son lit habituel… ensuite, pour réaliser de quel lit il s’agit… il se souvient de la soirée au KL, il se souvient de la baise… de Jérém en train de prendre son pied… de sa proposition de rester dormir…

    Oui, ça y est, il réalise qu’il est dans le lit de Jérém… ce dernier est en train de dormir juste à coté… il se rend compte qu’il est vraiment bien dans ce lit douillet, dans la douceur, sous le poids de la couette remontant jusqu’à ses oreilles… et toujours le parfum si « mec » de Jérém, ce nouveau parfum auquel il ne s’est pas encore habitué, cette fragrance entêtante qui avait bercé ses narines un bon petit moment avant qu’il ne trouve le sommeil… comme une caresse olfactive, douce et sensuelle…

    Et puis il y a cette étrange chaleur qui enveloppe son corps et qui irradie doucement sur la peau de son torse, dans son bassin, dans ses jambes…

    Une seconde plus tard, son cœur fait un bond dans sa poitrine… une angoisse soudaine le tire de cet état un peu confus, comme ouaté entre le sommeil et la veille… la panique s’empare soudainement de son esprit… c’est lorsqu’il se rend compte que ses bras, son torse, ses jambes sont en train d’enlacer le corps chaud de Jérém, que l’agréable et douce chaleur qu’il ressent dans son ventre vient du contact avec son dos… que la sensation qu’il ressent sur sa joue, vient du contact avec ses cheveux bruns…


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    Après une manœuvre périlleuse mais totalement réussie, car le beau brun n’a pas quitté son sommeil et il ne s’est apparemment rendu compte de rien, il a enfin pu se dégager de cette position gravement compromettante…

    Le voilà rassuré. Il peut à son tour retrouver sa respiration, et accessoirement essayer de comprendre ce qui s’est passé pendant son sommeil… mais comment ça avait pu se produire ?  

    Oui, en y repensant à tête froide, une fois l’enchevêtrement de leurs corps dénoué et la panique évacuée, il devait admettre qu’il avait adoré ressentir contre lui la chaleur de son corps, ainsi que le contact avec ce bon paquet de muscles qui constituait son torse…

    Mais ce qu’il avait aimé par-dessus tout, même au delà de son nouveau parfum dont la nouveauté éveillait toujours son odorat, c’était la sensation apaisante et enivrante de sentir le contact de la peau d’un autre garçon contre la sienne, d’en sentir l’odeur ; cette petite odeur qui, lorsque l’attraction physique est là, possède quelque chose de familier et de rassurant qui nous fait sentir bien, a notre place, en accord avec les besoins de tendresse de notre être profond... c’est une sensation de bien être absolu qui relève d’un besoin de contact et de partage avec l’intimité d’un corps et d’un esprit qui ressemblent au sien…

    C’est en se faisant ce genre de réflexion, en regrettant déjà ce contact à la fois si agréable et si inquiétant, qu’il arrivera à retrouver le sommeil… pourvu que Jérém ne se soit rendu compte de rien… 

     

    Plus tôt ce soir là…

     

    Thibault est parti en direction de l’endroit de la piste que Jérém semblait lui indiquer pour y retrouver un type avec qui, à en juger de leurs échanges, animés et tactiles, il doit être très bon pote également…

    Jérém s’assoit à coté de moi sur le tabouret devant le comptoir du bar du KL à la place de son pote qui vient de partir.

    « Salut » me balance-t-il en se penchant vers moi. Je sens son souffle dans mon oreille, un souffle qui commence à être chargé de relents d’alcool. Je sens que je vais craquer. Je ne suis pas encore remis de mes émotions… Thibault m’a presque tiré les larmes. Et Jérém me fait presque bander… la première chose qui me frappe chez lui, après sa beauté… c’est le fait qu’il a changé de parfum… et là, rien de tel pour exciter mes sens…

    « Salut » je lui réponds en approchant mes lèvres de son oreille, une oreille qui commence à être chargée pour moi d’un désir insoutenable…

    Je relève mon buste. On est face à face. Nos regards se croisent. Deux regards si différents. Le mien, celui d’un mec amoureux, attendri, triste et ému. Le sien, un regard charmeur. Oui, Jérém est un charmeur naturel… un magnifique, insupportable charmeur de serpents…

    « Tiens donc… tu sors maintenant… » il me balance.

    Il a l'air surpris, Thibault n'a pas du lui dire que je risquais d’être là, alors que c’est lui qui m’a aiguillé sur leurs mouvements.

    J’ai envie de lui dire « t’inquiète, je ne te piste pas », mais ce serait un mensonge, car c’est justement le fait que Thibault m’ait dit en début de semaine qu’ils y seraient qui m’a poussé à y traîner Elodie… évidemment dans le but de l’y croiser, évidemment dans l’espoir de rentrer une de fois de plus avec lui rue de la Colombette. Je n’ai pas envie de lui mentir, je ne me sens pas le courage de lui balancer la vérité non plus, alors je change de sujet.

    « Alors, ça se passe bien ton taf ? »

    « C’est fatiguant de bosser le soir… j’ai fini il y a une demi-heure à peine, Thibault est venu me chercher direct au boulot… j’ai tout juste eu le temps de me changer… »

    « Il faut se dire que c’est juste provisoire… » je laisse échapper.

    « Comment ça ? » il s’étonne.

    C’est là que je me rends compte de ma bourde… je ne suis pas censé trop en savoir sur sa vie. Pourtant je continue de m’enfoncer :

    « Il parait que tu vas avoir un autre taf à la rentrée, loin de Toulouse… »…

    « D’où tu tiens ça ? » il me balance, sèchement.

    Je suis pris au dépourvu car j’ai l’impression que ça le dérange que je sois au courant de ça. Comme si c’était un secret militaire. Il fait chier ce mec à être toujours si mystérieux. Au même temps, je dois bien admettre que cela fait partie de son charme. Je décide de lui dire la vérité, après tout, je me dis, c’est pas comme si j’avais appris qu’il dealait de l’exta…

    « Thibault… »

    « Il est bavard celui là » plaisante-t-il en se décrispant soudainement.

    Son petit sourire est un plaisir pour les yeux, pour mon ti cœur, pour tout mon être. J’ai envie de me jeter sur lui et de l’embrasser. Surtout avec la réserve de tendresse que je traîne avec moi depuis que Thibault m’a parlé de ses blessures d’enfance…

    C’est fou comment ce mec peut passer d’une gamme d’émotions à une autre complètement opposée en un clin d’œil… un instant plus tôt le croyais vexé, et là il lâche ce petit smile qui me fait fondre…

    « Il parait que tu te tires à Bordeaux… » il me surprend à son tour…

    Il balance ça de façon apparemment détachée, alors que j’ai l’impression que le sujet l’intrigue.

    « Comment tu sais ça ? » je demande sans réfléchir.

    Avant de répondre, il me balance un petit sourire malicieux [Je sens que je ne vais pas tenir longtemps, je vais lui sauter dessus, je dois lui sauter dessus !!!]. Puis, sur un ton moqueur, il admet :

    « Bah… Thibault… »

    « T’as raison, il est vraiment bavard ton pote… » je rigole.

    Non, il n’est pas bavard, il est juste adorable, une fois de plus. Grâce à lui, on se parle.

    « Tu vas faire quoi comme études ? ».

    Je me rends compte que cela est encore un truc qui nous éloigne. Moi je vais faire des études. Comme une nénette ou comme un intello. Alors que lui il va bosser, comme un mec. Ok, le message est compris, on n’appartient pas au même monde.

    « Je vais faire des études en Sciences de la Terre et de l’Environnement… »

    Pendant que j’énonce le titre de ma filière, je le trouve pompeux et creux. Là, c’est sur, j’ai creusé le fossé entre nous.

    « Si j’avais une tronche comme la tienne, je ferais moi aussi des études… » il commente ; et il continue « mais moi j’ai pas envie de bosser sur des bouquins… alors que toi, ça te réussit bien… ».

    Un autre compliment. Il se compare à moi. Il me trouve meilleur que lui dans un domaine précis. Il est touchant. Il est en train de me dire que quelque part je suis plus « doué » que lui. Mais son compliment est à double tranchant… je n’aime pas qu’il se dévalorise ainsi… ça m’attriste, car sa phrase semble encore nous éloigner… j’essaie alors de me dédouaner :

    « C’est juste une question de vouloir… toi, les études ça ne t’intéresse pas, mais si tu voulais, tu pourrais réussir dans n’importe quelle filière… » pour une fois je suis assez content de ma réplique. Je le serai moins de sa réponse.

    « Oui, en couchant avec la prof » il rigole « il n’y a que comme ça que j’ai réussi à avoir la moyenne en anglais… »

    Ainsi la légende qui circulait en classe était bien basée sur la réalité. Sacré petit con…

    « Non, il faudrait juste que ça t’intéresse… »

    « Tu sais, à part le rugby, les potes et la baise, il n’y a pas grand-chose qui m’intéresse… »

    Bon, évidemment je ne suis pas dans le panier. Sympa. A moins, que dans sa tête je fasse partie du vaste lot « baise »…

    « Je suis sur que tu pourrais faire des études brillantes… »

    « Naaaan, je ne crois pas… j’ai déjà redoublé, tu sais… et je ne sais même pas si j’ai le bac… »…

    Il est touchant. Je reste persuadé qu’il est bien assez doué pour faire des études, que ce n’est que la motivation qui lui manque… de plus je sais qu’il est excessivement pressé de gagner sa vie, en sacrifiant des études qui lui permettraient de prétendre à un avenir meilleur… je me dis qu’il va peut être le regretter un jour… j’ai envie de le relancer dans ce sens mais son haleine déjà bien chargée en alcool me rappelle que ce n’est pas le moment de faire la morale ni de sortir des réflexions sur l’avenir… alors je n’insiste pas, il n’est pas prêt à l’entendre et à l’admettre… et puis, je me dis, en fin de compte il n’a que 19 ans, il a le temps de reprendre ses études.

    De toute façon, je ne sais pas trop comment présenter les choses, tiraillé entre le désir de dire des choses qui flatteraient Jérém et qui lui plairaient, tout en lui disant ce que je ressens, sans le vexer… exercice toujours périlleux et a double tranchant… surtout avec ce genre de mec…

    Sacré Jérém… en balançant la question sur mes études de la rentrée, il a dévié le sujet de son taf à venir. Je décide d’y revenir. Je dois savoir.

    « Alors, tu vas partir loin à la rentrée ? »

    « Je ne sais pas, c’est pas fait encore… » il esquive.

    Son regard est fuyant… et pendant qu’il vise ailleurs, j’en profite pour bien m’imprégner de son image… je le regarde assis là, beau comme un camion, en mélangeant deux émotions explosives… l’image esthétique et sensuelle de son charme ravageur et celle émouvante provoquée par les révélations de Thibault qui refont surface dans mon esprit avec une force débordante… à nouveau, je ressens « ce truc » remonter dans mon ventre, et je le ressens avec une puissance nouvelle… une émotion si forte me mettant dans cet état de sensibilité extrême ou j’aurais du mal à tenir mes larmes…

    J’ai l’impressions de ressentir derrière les mots de cette simple conversation tout le poids des non-dits et des silences entre Jérém et moi… j’ai l’impression que Jérém aussi a envie de me dire quelque chose, mais je sais qu’il n’y parviendra évidemment pas… dans sa tête, encore trop de barrieres infranchissables 

    Oui, rien que le fait de voir Jérém, de penser à sa souffrance d’enfant, de savoir que ce taf loin de tout n’est qu’une tentative maladroite de fuir et de faire taire une souffrance toujours présente depuis tout ce temps… de savoir que je ne pourrais jamais partager ça avec lui, que je ne pourrai jamais essayer de l’apaiser, toutes ces idées me mettent dans tous mes états… et quand je pense qu’à tous les coups dans deux mois on sera à des centaines, voir des milliers de bornes l’un de l’autre, là j’avoue que j’ai envie de pleurer…

    Alors que je suis à deux doigts de me mettre à chialer et de lui sauter dessus, le prendre dans mes bras et lui faire le plus tendre des câlins… j’essaie tant bien que mal de me maîtriser… c’est l’histoire de ma vie… me maîtriser… le contrôle, toujours le contrôle, c’est mon lot quotidien, parfois, souvent mon malheur…. inutile de dire que dans THE série télé que j’aimerai bien des années plus tard, mon personnage préférée sera Bree Vandekamp…

    « Et sinon tu vais faire quoi de ton été ? » il me balance après s’être allumé une clope. Il a une façon d’allumer sa clope, un je ne sais pas quoi dans sa façon de sortir le paquet de sa poche, d’en extraire une, de la glisser entre ses lèvres, de l’allumer et de tirer la première taffe, un regard intense qui le rend encore plus… mec…

    Le bogoss qui fume a une « classe » quand ils fume, un cote « sophistique », un truc « élégant », « racé », un truc sexy quoi… j’arrive presque à être jaloux de ce plaisir solitaire qu’il prend devant mes yeux, comme s’il se branlait… j’en suis jaloux car je suis là et je n’ai qu’une envie, celle de le soulager… et lui il préfère fumer pour évacuer ses tensions, alors qu’il y a bien d’autres moyens sacrement plus efficaces pour détendre un beau corps comme le sien…

    « Glander, je pense » j’essaie de lui répondre de façon désinvolte. L’odeur de sa cigarette me prend à la gorge. Son attitude de fumeur nonchalant, me trouble.

    « Tu le mérites, toi t’as bossé au lycée, t’es une tronche, toi » il me balance.

    Oui, faute d’être un bogoss, faute d’avoir des potes, faute de faire partie d’une « meute », je suis une tronche. Je ne sais pas si je dois me réjouir de ce petit compliment, un compliment qui semblerait montrer à la fois une forme d’admiration qu’il me porterait et une distance définitivement infranchissable entre son monde, un monde de mecs bien vigoureux et mon monde à moi, un monde d’intellos…

    « Toi tu vas pas prendre des vacances ? » j’essaie de changer de sujet.

    « Avec le taf ça va être hard… je vais avoir quelques jours par-ci ou par-là, on verra… »

    Je me rends compte que c’est la première fois que j’ai une conversation aussi longue avec Jérém. On parle comme… comme deux potes… ça me fait drôlement plaisir… je ne sais pas si Jérém ressent la même chose ou s’il s’en fout éperdument de taper la discute avec moi… il faut dire que c’est lui qui est venu s’asseoir à coté de moi…

    Dans tous les cas, tout ce que je me dis à ce moment précis c’est… merci Thibault… merci de prendre les infos d’un coté et de les transférer de l’autre et vice-versa… merci d’être aussi « bavard »… merci de nous permettre de communiquer… à croire que c’est fait exprès… il faut que je pense à le lui dire, à le remercier de visu…

    Pendant nos échanges, au fil des allées et venues de mon visage vers son oreille et de son visage vers la mienne, j’ai été shooté aux notes de son nouveau parfum… parfum ou déo, je ne saurais dire… tout ce que je sais, c’est que cette nouvelle fragrance me perturbe… une fragrance encore plus poivrée que le précédent… et au même temps, une sensation de fraîcheur extrême… oui, tout changement chez la personne aimée nous trouble… je suis dans un état second…
    Oui, il va bien falloir que je sois dans un état second pour lui balancer à brûle-pourpoint :

    « Tu sens trop bon… »

    Il rigole dans son coin, amusé. Je n’ai que l’image, pas le son. Le boucan dans la salle est insoutenable. Il a l’air de se moquer de moi. Ça doit sonner con ce que je viens de dire. Alors j’essaie de me rattraper.

    « T’as changé de parfum ? » hélas, c’est encore plus con. C’est même navrant…

    « Ouais » il finit par répondre, l’air de se foutre carrément de ma gueule.

    Oui, je m’enfonce. Il va falloir que je trouve un truc pour sauver la face. La bière, la deuxième de la soirée, associée aux relents envoûtants de son nouveau parfum, commence à altérer ma conscience et à rendre possible des choses qui ne le sont pas à jeun… je ressens une sorte de fatigue planante, un plaisant début d’ivresse…

    Je remarque que Jérém semble afficher un petit sourire coquin. J’ai envie de lui, je n’y peux rien. Je me lance :

    « Ton parfum… ça donne des idées… »

    Il y aurait mieux comme sujet pour sauver la face. Mais bon, Jérém est là, et je ne suis plus complètement maître de moi-même…

    « Ah, oui… » il fait mine de s’étonner, visiblement flatté.

    « Oh, que oui… des idées et des… envies… » je surenchéris.

    Là, Nico, tu t’es piégé tout seul.

    « T’as envie de quoi ? »

    Le piège se referme. Bravo, Nico, bien joué, en tout juste deux répliques t’as atteint le point de non retour. Autant y aller franco alors…

    « De te faire des trucs… »…

    « Quels trucs? »

    « Tu sais… »

    Faut assumer Nico, faut assumer…

    « Non, je sais pas… »

     « Allez Jérém… »

    Faut assumer Nico, faut assumer…

    « Je veux te l’entendre dire »

    J’hésite. Au milieu du boucan de la boite de nuit, je ne me sens pas vraiment à l’aise pour lui chuchoter des cochonneries à l’oreille. De plus, je sais que ça va me faire monter la trique, et ce n’est pas le bon endroit, pas le bon moment. Pourtant, je vois bien que c’est ça qu’il veut.

    Et puis je commets l’irréparable. Je laisse traîner mon regard et je finis par croiser ses yeux bruns. Lorsque je les rencontre, je sais que je ne suis plus maître de mes actions. Je suis comme un ordi dont on a pris le contrôle à distance, je réagis malgré moi… dès que le contact est établi, c’est lui qui a tout pouvoir sur moi, c’est le maître du jeu… je suis sa poupée…

     

    Pull the string and I'll wink at you, I'm your puppet/Tire la ficelle et je clignerai des yeux pour toi, Je suis ta marionnette

    I'll do funny things if you want me to, I'm your puppet/Je te ferai quelques tours amusants si tu le désires, Je suis ta marionnette

    I'll be yours to have and to hold/Je serai à toi, tu pourras me posséder et me tenir

    Darling you've got full control of your puppet/Chéri, c'est toi qui a le contrôle de ta marionnette

    Pull another string and I'll kiss your lips, I'm your puppet/Tire une autre ficelle, et j'embrasserai tes lèvres

    Snap your finger and I'll turn you some flips, I'm your puppet/Claque des doigts et je ferai des pirouettes pour toi

    Your every wish is my command/Tous tes désirs sont mes ordres

    All you gotta do is wiggle your little hand/Il suffit d'agiter ta petite main

    I'm your puppet, I'm your puppet/Je suis ta marionnette, Je suis ta marionnette

     

    Son regard… chaud comme la braise, non, comme le cœur du volcan… puissant comme la lumière du soleil du mois de juillet… charmant au delà de l’imaginable… je connais ce regard lubrique où, l’alcool et le joint faisant tomber toute inhibition, tout se dévoile… c’est un regard transperçant, un regard devant lequel je suis transparent, sans défense… un regard qui semble s’enfoncer dans mon âme et la damner… un regard qui me baise, qui me possède… un regard lubrique dans lequel j’arrive à entrevoir ses pulsions les plus libidineuses… quand il est dans cet état là, il m’excite et il me fait un peu peur à la fois… quand il est comme ça, Jérém peut se révéler mauvais, mauvais et très sexy… je sais que dans ces moments là il est capable du meilleur dans son lit comme du pire dans son comportement… je sais que quand il est dans cet état là, le sexe va être puissant, sauvage, au point de me faire disjoncter… mais je sais également que son humeur peut être très changeante et que un rien peut le faire partir en vrille et le rendre très très mauvais…

    Et lorsqu’il est dans cet état de conscience altérée, quand sa personnalité plane sous l’effet de différentes ivresses, quand son esprit délesté de toutes ses inhibitions, ce beau jeune garçon n’est plus qu’une somme d’envies de plaisirs à satisfaire d’urgence, celui de la boisson, celui de la fumette et, par-dessus tous, le plaisir sexuel… à cet instant précis, je suis carrément fou de lui… dans ces moments là, plus que jamais, j’ai envie de lui, j’ai terriblement envie de lui, mes mains et mes lèvres réclament le contact avec sa peau, tous mes trous réclament la présence de sa bite…

    Devant son regard de mâle en rut, je ne peux rien lui refuser. Il attend que je lui dise en détail ce que j’ai envie de lui faire, je sais qu’il a envie d’entendre ça de ma bouche pour me rendre un peu plus son soumis, sa salope.

    C’est dingue comme l’effet de l’alcool, d’un parfum, de sa sexytude, a le pouvoir de faire basculer mon état d’esprit… un instant plus tôt j’avais envie de le câliner pour le consoler de la souffrance de son passé… un instant plus tard je n’ai qu’une envie, c’est de tout faire pour lui donner envie de me baiser…

    Oui, devant son regard, toutes mes réticences tombent. Et je finis par capituler avec un bonheur entier. Je finis par capituler en me disant que le fait d’accéder à sa demande, va bien lui donner envie de s’occuper de moi…

    « Jérém… » j’avance, pas du tout rassuré… j’ai envie de lui balancer des trucs très chauds, mais j’ai peur d’être ridicule… ça m’est déjà arrivé de lui dire des trucs coquins, mais c’était toujours pendant des révisions… l’excitation aidant à mettre en musique ce genre de partition… mais là, hors contexte, « à sec »… je ne sais pas comment ça va être…

    De plus, la salle est bondée, il y a un monde fou… et même si je sais que personne ne peut m’entendre, ça me gêne, ça me bloque… j’ai l'impression que tout le monde me regarde et que si je démarre, ils vont s’apercevoir de mon malaise… ils vont lire sur mon visage ce que je suis en train de balancer à l’oreille de Jérém… ils vont comprendre que je suis carrément en train de tailler une pipe verbale a mon beau brun… j’ai l’impression d’être nu et à genoux devant sa queue…

    Bon, de toute façon je n’ai plus le choix… il faut y aller… alors j’y vais…

    « Vas-y, dis-le… » il me presse.

    « J’ai envie de te sucer… » je finis par lâcher à mi voix, un peu honteux…

    « T’as envie de quoi ? J’ai pas bien entendu… » il me dit coquin. Coquin et vicieux. Je suis sur qu’il a très bien compris… là il veut juste que je lui répète… pour en jouir encore plus…

    « J’ai envie de te sucer… » je répète en élevant un peu la voix, en balançant ces mots avec un effort encore plus grand que la première fois…

    Je croise à nouveau son regard… erreur fatale… un regard qui m’invite, qui m’ordonne de continuer et… d’y aller franco.

    « Tu peux faire mieux » il finit par lâcher…

    Il sait que je peux faire mieux, et c’est ce qu’il attend de moi. Alors c’est décidé, j’y vais.

    « J’ai envie de bien te lécher les couilles… elles sont tellement douces et chaudes et puis elles sont pleines de ton jus de mec… »

    Il ne répond rien. Je sais qu’il attend que je continue. Petit goret, va…

     « J’ai envie de te prendre en bouche, jusqu’au fond de ma gorge… »

    J’ai vraiment du mal à me laisser aller… je m’étonne moi-même de mon langage, de mes mots crus, du son de ma voix que je trouve dissonant, faux… j’ai l’impression que ce n’est pas moi qui parle… pourtant je finis par y aller… par m’enfoncer dans une situation sans savoir où elle va me mener…

    « J’ai envie de te pomper jusqu’à te faire jouir dans ma bouche » je deviens trivial mais ça m’est égal « j’ai envie d’avaler jusqu’à la dernière goutte de ton jus… »

    Son regard en biais m’invite, m’oblige à avancer. Il aime ça. Et il a tout pouvoir sur moi.

    « J’ai envie de goûter à ton jus de mec… j’adore le goût de ton sperme... ça me rend dingue... j’ai tout le temps envie de te sucer et d’avaler ton jus... »

    Maintenant que j’ai commencé à me lâcher, je prends un plaisir grandissant à lui chuchoter à l’oreille ces mots coquins, limite grossiers… je me rends vite compte que je peux aller loin comme ça, très loin, que je peux développer à l’infini mon adoration pour sa queue, que je prends un plaisir, et pas des moindres, à lui avouer ce que je ressens devant sa virilité…

    Je suis parti, et je ne peux plus m’arrêter… j’ai envie d’aller de plus en plus loin, car rien n’est à mes yeux assez puissant pour lui montrer à quel point sa puissance masculine m’impressionne, à quel point je suis fous de lui, de son corps, de sa queue… non, une fois atteint ce stade, je n’ai plus le pouvoir, et encore moins la volonté, de m’arrêter… là où j’ai encore le pouvoir, c’est de doser tout ça, de trouver le sens de la formule pour que mes mots aient le plus d’impact possible sur sa fierté de jeune coq… alors, transporté par l’excitation montante, je ne me prive pas…

    Depuis que mes lèvres débitent sans répit des mots osés à son oreille, j’ai perdu le contact avec son regard, un regard que je serais incapable de soutenir… ce qui me met à l’aise pour y aller de plus en plus franco… depuis ma position, je le vois de profil, son épaule dessinée sous le coton orange de son t-shirt moulant son biceps ; sa mâchoire virile portant une barbe de trois jours ; la tête légèrement penchée à l’avant, des pattes taillées très nettes, donnant une allure propre, jeune, soignée, sexy ; la chaînette du meilleur goût : tout simplement beau, tout simplement mec…

    Mon visage à quelques centimètres de son oreille, j’ai envie de lui lécher, mordiller tellement c’est beau et sexy…

    Pendant que mes mots grivois lui donnent toute l’ampleur de ma soumission à son rôle de mâle dominant, je vois parfois ses sourcils se soulever instantanément, comme sous l’effet d’une excitation soudaine… parfois son visage se tourne légèrement, parfois il m’est arrivé de croiser un regard en biais, un regard limite incrédule…

    J’ai l’impression que mes mots le rendent dingue… alors je sens mes dernières barrières tomber… mes fantasmes forcent les derniers remparts de ma dignité et ma langue se délie…

    « J’ai tout le temps envie de te sucer… parce que tu es vraiment trop bien monté… ta queue est tellement puissante… c’est une vraie queue de mec, bien raide, avec des vraies couilles de mec, bien chaudes et bien pleines… et puis… putain… qu’est ce que tu es viril comme gars… ta queue me rend dingue… rien que de l’avoir en bouche je jouis… »

    Je sens que je suis en train de l’exciter… son attitude semble se faire encore plus sensuelle, plus chaude… j’ai presque peur… disons entre peur et envie… presque envie… carrément trop envie qu’il me saute dessus là tout de suite… je suis impatient… je m’attends à que, d’une minute à l’autre, il m’entraîne dans les chiottes, qu’il ouvre la braguette de son beau jean, qu’il descende son boxer et qu’il me baise la bouche ou le cul sans autre forme de ménagement…

    Je sens qu’il est en train de monter en pression, alors je m’amuse à jeter de l’huile sur le feu… son regard de fou que je viens de croiser pendant une petite pause me rend dingue…

    « J’ai aussi très envie de sentir ta queue s’enfoncer dans mon trou… j’ai envie de te sentir bien au fond en moi, de me sentir rempli de ta queue… j’adore quand tu es bien au fond, quand tes couilles s’écrasent contre mes fesses… j’ai envie de me faire défoncer… j’ai envie de te voir prendre ton pied comme un malade, j’ai envie de te voir jouir comme l’autre soir devant la table de massage, j’ai envie de me sentir fourré par ton jus… »

    Je suis comme fou, je ne peux plus m’arrêter… j’ai envie de lui parler aussi de ce jet chaud qu’il a lâché sur mon torse, mais quelque chose me dit qu’il ne faut pas… je n’ai pas envie de dire le mot de trop qui pourrait couper la magie sensuelle de ce moment…

    « Et quand tu aura fini de jouir » je finis par lui balancer comme l’estocade finale pour le faire capituler « je veux bien me mettre à genoux devant toi et bien goûter à ta queue moite de ton jus »

    Je crois que je ne peux par aller plus loin. Je lui ai dit tout ce que j’avais à lui dire. J’éloigne ma bouche de son oreille et je redresse mon buste, tout en essayant de retrouver une position à l’aise sur mon tabouret… mais comment me sentir à l’aise après tout ce que je viens de lui balancer à l’oreille ? Comment avoir le courage de retrouver son regard, après ça ? Surtout que, pendant toute ma tirade, il n’a pas dit un mot… certes, il y a eu des réactions sur son visage… mais pas un mot… et là, le silence qui s’installe après mon envolée lyrique, est vraiment l’un des plus gênants que je n’ai jamais connu entre nous… pourtant, dieu sait qu’il y en a eu d’autres bien fracassants… mais celui là, je crois qu’il mérite le pompon… les enceintes de la baffe dégueulent une musique monotone à toute puissance… ça casse les oreilles… pourtant j’ai l’impression d’entendre le silence entre nous… lourd, étouffant, écrasant…

    Je regrette déjà de lui avoir cédé une fois de plus… quelques minutes plus tôt j’avais envie de le prendre dans mes bras, une minute plus tôt encore j’avais envie de le prendre dans ma bouche… et là j’ai juste envie de le gifler… c’est dingue le pouvoir de ce mec de susciter des sentiments de signe opposé, de le faire avec une rapidité sidérante, des sentiments opposés mais toujours avec un intensité aussi forte…

    Je bois la dernière gorgée de ma bière, comme un dernier rempart pour cacher ma dignité perdue, un rempart prêt à me lâcher… le pire c’est que, en plus, le fait de lui balancer tous ces trucs ça m’a mis dans un état… je suis en nage, le visage en feu, ma respiration est rapide et profonde… pendant que je lui chuchotais des cochonneries à l’oreille, j’ai souvent senti mon gland frotter contre le tissu de mon boxer… je bande, j’ai même l’impression d’avoir mouillé… je ressens des frissons partout sur ma peau, je ressens le coton de mon t-shirt frotter sur mes tétons devenus hypersensibles…

    Et il ne m’a rien fait… il ne m’a même pas effleuré, je ne l’ai même pas vu à poil… pourtant, je suis si excité que j’ai l’impression d’avoir carrément baisé avec lui… quand je dis que ce mec est capable de me baiser rien qu’avec le regard… ou avec sa langue… là on franchit une nouvelle étape… depuis cette nuit, ce mec est capable de me baiser rien qu’en me forçant à lui avouer mes fantasmes… si c’est pas puissant, ça…

    Oui, je bande comme un âne… mais il y a encore mieux… c’est le fait de savoir que lui aussi il bande, je le vois à la bosse rebondie qui tend sa braguette à boutonnière… ce qui, à mon sens, laisse bien espérer pour la suite des événements… des événements qui, hélas, tardent à venir, me plongeant dans un malaise grandissant, me mettant dans une position de plus en plus difficile à assumer…

    Je sais que je ne vais pas tenir longtemps… je sais qu’après ma bière il ne me restera plus aucun truc derrière lequel cacher ma honte… j’ai soudainement envie de disparaître sous le sol… ce sol où mon regard s’est posé depuis un long moment déjà, me ramenant le lui uniquement l’image du fond de son jean retombant sur ses chaussures rouges à semelle blanche que je trouve si craquantes…

    Je regarde le sol mais je sens son regard sur moi, un regard triomphant, fier, macho. Alors que le silence entre nous s’étire de façon de plus en plus insupportable, je le sens approcher de mon oreille.

    « T’es vraiment une salope… » il finit par me balancer en appuyant bien sur chaque lettre, comme si je venais de battre le record du monde dans la catégorie salope.

    Je me disais bien qu’un truc comme ça n’allait pas tarder à venir. Presque réconforté, j’enchaîne.

    Je reviens à la charge :

    « Oui, je suis ta salope… j’ai trop envie de toi… j’ai envie que tu me jouisses partout… j’ai envie que tu me baises… comme tu en as envie, autant que tu en as envie… et… » 

    « Et ??? » me fait-il en écho.

    « …et… là où tu en as envie… » je finis par lui balancer avec un geste de la tête en direction de l’entrée des chiottes du KL.

    Un sourire coquin et arrogant s’affiche sur son visage. Je sais qu’il se prépare à me balancer un truc puissant… ce que je ne sais pas, c’est quelle polarité va avoir cette puissance… au point d’excitation où il est, il peut aussi bien avoir envie de me faire ce que je viens de lui chuchoter à l’oreille… ou, à l’inverse, il peut avoir envie de me jeter…

    « J’ai envie de goûter à ton jus… j’ai tout le temps envie de goûter à ton jus… » je tente de faire pencher la balance de son choix.

    « C'est pour ça que l'autre soir t'as recraché ? » je m’entends demander.
    Coquin de petit voyou qui prend son pied en me voyant avaler son jus... comme si tu n’avais pas compris que t’a failli m’étouffer avec ta queue, ce
    magnifique engin, ce poison délicieux et magique capable de donner le plaisir le plus exquis et d’infliger la douleur la plus insupportable…

    « C’est passé de travers… » je mens.

    Il avale une gorgée de son whisky, il allume une clope de plus, il commence à tirer des taffes lentement. C’est le genre de cigarette qui va durer longtemps… malgré tout ce que je viens de lui balancer pour l’exciter, bien que j’aie accédé à sa demande de m’humilier en lui avouant toutes mes envies de sa sexualité, le gars ne semble pas pressé de concrétiser… pire, il ne semble même pas partant… j’ai du mal à le croire… j’avais vraiment eu l’impression que mes mots lui avaient fait de l’effet… et là on dirait qu’il s’en fout net…

    « On fait quoi ? » je m’impatiente devant son calme et son immobilité…

    Je sais bien que je n’ai pas le pouvoir de le contraindre, ni même de lui demander quoi que ce soit en ce qui est de nos rapports sexuels… lorsque par le passé je me suis avancé à lui demander de lui faire plaisir, lorsque c’est venu de moi, je me suis presque toujours fait jeter… et là non plus ça ne ratera pas…

    « T’en a pas eu assez de tout ce que je t’ai mis cette semaine ? T’as pas mal au cul à force de te le faire défoncer ? »

    L’alcool le rend trivial. Je suis pris au dépourvu, je ne sais pas quoi répondre. Ce qui lui laissera tout le loisir de bien enfoncer le clou, faute de mieux :

    « Vas donc te branler dans les chiottes, ce soir j’ai pas envie de te baiser… »

    Quand je dis qu’il y a des gros paquets de baffes et de fessées qui se perdent… à ce moment là je suis partagé entre deux envies impérieuses, celle de lui attraper le bras, de l’arracher de son tabouret, de tenter de le traîner aux chiottes pour le faire jouir (ce qui est peut-être ce qu’il attendait de moi à ce moment précis) et celle de lui mettre un grand pain dans la figure et de le faire tomber à la renverse… je pense que l’une autant que l’autre auraient pu me soulager… au lieu de quoi, déçu, humilié, je me contenterai de me lever et de lui balancer un :

    « Espèce de… espèce de con ! »

    Avant de me tirer pour aller chercher ma cousine, j’ai droit à croiser son sourire arrogant et provocateur… putain de tête à claques…

    Là, à cet instant précis, je suis vraiment en pétard contre lui… pourquoi me faire mettre à nu devant lui, pourquoi me demander de lui avouer tous mes fantasmes, si c’est pour me jeter comme une merde ? « T’en a pas eu assez de tout ce que je t’ai mis cette semaine ? T’as pas mal au cul à force de te le faire défoncer ? »

    « Vas donc te branler dans les chiottes, ce soir je n’ai pas envie de te baiser… »… petit con, va… gros con macho, insupportablement arrogant, merdeux… connard !!!! tu ne mériterais presque pas le plaisir que je t’ai donné depuis des mois…

    J’ai juste envie de me tirer de là, avant de faire une connerie… j’ai trop envie de revenir sur mes pas pour lui mettre mon poing dans la figure… mais il y a trop de monde autour… et quand bien même… je suis incapable de violence, je ne supporte pas l’affrontement… et par-dessus tout je suis incapable d’imaginer un seul instant qu’on puisse cogner un mec aussi beau, aussi con soit-il…

    J’avance d’un pas déterminé et rapide pour aller retrouver Elodie dans la salle disco, lorsque sur mon chemin je tombe sur quelqu’un que je connais. Mon élan est stoppé net. C’est mon ancien pote Dimitri. Ce Dimitri que je ne vois plus depuis des années, ce Dimitri qui a été l’« excuse » que j’ai pondu à maman pour justifier le fait d’avoir découché la nuit après l’Esmé…

    C’est la dernière personne que je m’attends à rencontrer… on a été potes pendant l’enfance, mais depuis le lycée, puisqu’on ne fréquente pas le même, nos chemins se sont un tantinet séparés… dans d’autres circonstances ça m’aurait fait plaisir de passer un moment avec lui, mais là je n’ai pas la tête à taper la discute pour rattraper le temps pendant lequel on ne s’est pas vus… à ce moment précis j’ai juste envie de me tirer loin de cette boite où je me suis encore fait traiter comme une merde par l’homme que j’aime… c’est si dur à encaisser ça… doublement dur… de se faire traiter comme une merde… et subir ça par les mots et les actes de la personne que l’on aime le plus au monde…

    Pourtant, je reste… je suis un gentil garçon… un brave garçon… un beta, quoi… je suis en train de bouillir à l’intérieur, j’ai envie de partir le plus vite possible, mais comme d’hab je prends sur moi… pauvre con, si je m’écoutais un peu plus souvent… ce soir là j’aurais du m’écouter, j’aurais du partir sans me laisser ralentir par Dimitri… j’étais humilié, énervé, mais au moins je n’aurais pas assisté à la scène incroyable et bouleversante qui allait se dérouler sous mes yeux ébahis… une scène tellement surréaliste que si on me l’avait juste racontée, si je n'y avais pas assisté avec mes propres yeux, j’aurais eu du mal à la croire… pourtant…

    Dimitri est toujours en train de me causer sans se rendre compte que je n’écoute pas un traître mot de ce qu’il raconte… en effet, toute mon attention est polarisée par ce gros con de Jérém… je me sens vraiment pathétique à m’humilier de cette façon devant lui… mais j’ai trop envie de… lui… je n’aurais jamais du lui parler de son parfum… jamais provoquer ce mec, à chaque fois ça me revient dans la figure… le pire c’est que lui aussi il en avait envie… je suis certain qu’il bandait dans son beau jean…

    Je crois que le problème c’est que mes demandes de sexe le mettent mal à l’aise… j’ai remarqué que lorsque l’initiative vient de moi, ça ne lui plait pas (sauf exception, comme à la piscine)… l’initiative doit venir de lui… dans sa tête, la baise qui vient de son chef est domination, soulagement de ses envies de mâle… alors que céder aux avances d’un pd c’est faiblesse…

    Dimitri est intarissable… on dirait qu’il est en train de me raconter sa vie de fond en comble… il me saoule… j’ai envie de lui balancer « Ta gueule, Dimi, suis occupé à mater mon beau brun… »… au lieu de quoi je fais mine d’écouter…

    De l’endroit où je me trouve, caché dans la pénombre d’un grand pilier délimitant la piste de danse, je peux observer mon odieux brun sans être vu… évidemment, malgré ce qui vient de se passer, je ne m’en prive pas… oui, j’aurais du partir de suite, mais maintenant que je suis là, je suis curieux de voir ce qu’il va faire après m’avoir jeté… je suis curieux de savoir comment il va finir sa soirée…

    Je ne vais pas tarder à le savoir… je ne vais pas être déçu… mais pour l’instant il est toujours assis à son tabouret, seul, en train de siroter son fond de whisky et de fumer sa clope…

    Et puis, l’espace d’un instant, tout s’emballe… Thibault s’approche de lui… ils échangent quelques mots dans l’oreille l’un de l’autre… à nouveau je vois Jérém indiquer quelque chose ou quelqu’un vers la piste de danse… Thibault suit son regard… Jérém lui sourit… Thibault lui sourit à son tour, j’ai m’impression qu’il est un peu mal à l’aise… Jérém lui parle encore à l’oreille… Thibault semble un peu rassuré… je ne comprends rien à leur manége… t’inquiètes, Nico, tu vas vite piger…

    Thibault s’éloigne et disparaît quelque part dans la salle… un instant plus tard, Jérém se lève de son tabouret, il boit cul sec le fond de whisky, il abandonne son verre sur le comptoir… il s’éloigne du bar, le pas lent et assuré… là je suis intrigué… où est-ce qu’il va ainsi, avec ce regard outre mesure ténébreux, avec cette attitude de mâle en chasse ? Je sens que je vais assister à quelque chose de mémorable…

    Toute mon attention est captée par les agissements de Jérém… Dimitri n’existe plus pour moi… je me suis carrément tourné pour suivre les mouvement de mon beau brun et je lui tourne le dos… mais je m’en fous… il n’y a que Jérém qui compte à ce moment là…

    Mais où est-ce qu’il va ? On dirait qu’il se dirige vers la piste de danse… bizarre… je n’ai jamais vu Jérém poser ne serait-ce qu’un orteil là dedans… et en effet, s’il approche de la piste de danse, c’est pour se poster en hauteur sur la petite estrade à l’opposée du cagibi du DJ…

    Voilà Jérém installé devant la rambarde, surplombant la piste, les aplombs bien plantés sur le sol, les jambes un peu écartées, les mains dans les poches de son jean, le torse droit mais légèrement cambré, le t-shirt orange col en V épousant avec une précision diabolique son anatomie masculine, moulant ses épaules et ses biceps, dessinant le relief de ses pectoraux saillants... et cette chaînette, si virile, posée à l'extérieur... le regard fixé vers la piste, ce regard détaché, excessivement brun, puissant, toisant de haut en bas, chargé de ce truc de magnétique qui lui appartenait, ce truc indéfinissable mais épouvantablement efficace, son charme de fou…

    C’est un mélange explosif, un plat épicé, qui ravit tous les sens… un met si bien présenté et si hors de portée qui met l’eau à la bouche… bien sur, je préfère quand Jérém met autre chose que de l’eau dans ma bouche… sa langue, sa queue, son jus…

    Mate moi un peu ce petit con de chez petit con d’allumeur… mate moi comment qu’il se la pète, avec quelle assurance il balance son regard de chasseur… Comme d’hab, Jérém fait du Jérém pur jus, une recette qui a fait ses preuves et dont les ingrédients principaux sont son charme naturel, relevé d’une bonne dose de cette attitude insolente et conquérante, frimée et assurée, culottée et assumée a la fois qu’il porte comme un chef, sans douter un instant de lui… 19 ans seulement et déjà si… mâle dominant

    Et comment il sait utiliser la puissance du regard… comment il sait se la jouer jeune mâle sur de lui, fort de cette assurance illusoire mais puissante de cet age où l’on ne connaît absolument rien à la vie, où l’on ne se rend pas compte que la jeunesse et la beauté ne durent qu'un temps et que ces cadeaux du ciel ne sont pas forcement donnés pour affirmer sa supériorité et sa domination virile vis à vis de l’autre…

    Je ne sais pas encore ce qui va se passer, mais je devine que la scène qui ne va pas tarder à se dérouler sous mes yeux va être une scène épique…

     

    Plus tard cette nuit là…

     

    Jérém se sent bien dans cette étreinte… il sent son corps détendu, une sensation de bien-être irradiant de son bas ventre… soudainement, il est saisi d’un doute… sa main se faufile à l’intérieur de son boxer… et l’information que les doigts lui rapportent, confirme bien son doute… dans le sommeil, le beau brun a joui dans son boxer…

    Que s’est-t-il passé ? Comment a-t-il pu jouir sans se rendre compte de rien ? Est-ce qu’il s’est touché ? Est-ce qu’il l’a touché ? Est-ce c’est venu tout seul ? Est-ce que c’est venu à cause du simple contact avec son corps à lui, à cause de sa main posée sur ses pecs, le bout des doigts abandonnés sur l’un de ses tétons ? Ou bien c’est venu à cause du contact de son bassin, de son boxer contre ses fesses, à cause de son visage dans son cou, ses lèvres posées à la lisière de ses cheveux, cet endroit qu’il lui file les frissons les plus intenses ? 

    Ou alors, est-ce que c’est arrivé à cause de ce rêve qu’il vient de faire… c’est bien qu’il soir resté dormir, Nico… qu’est-ce que ça lui fait de l’effet ce contact avec sa peau… oui, Jérém se sens vraiment bien dans cette étreinte…

     


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    Jérém se sens bien dans cette étreinte… il ressent une profonde sensation de bien-être… ce dernier orgasme, un orgasme qu’il n’a par ailleurs pas senti venir, mais dont les endorphines dégagées régalent son corps à posteriori, lui amène une sensation d’apaisement total… il est bien au chaud dans cette étreinte… le radio réveil indique cinq heures… l’heure de se lever n’es pas du tout d’actualité…

    Jérém décide de ne pas se poser de questions pour l’instant, de profiter du bien-être présent, de se laisser glisser dans le sommeil qui le guette à nouveau… il se dit que pour se poser des questions existentielles, pour se tourmenter il y a assez de la journée… la nuit, quant à elle, c’est le temps du rêve, de la passion, du plaisir… il voudrait qu’elle ne se termine jamais… car c’est si agréable ce contact… pourvu qu’il ne bouge pas de si tôt…

     

    Plus tôt ce soir là…

     

    « Vas donc te branler dans les chiottes, ce soir je n’ai pas envie de te baiser… »

    Quand je dis qu’il y a des gros paquets de baffes et de fessées qui se perdent… à ce moment là je suis partagé entre deux envies impérieuses, celle de lui attraper le bras, de l’arracher de son tabouret, de tenter de le traîner aux chiottes pour le faire jouir (ce qui est peut-être ce qu’il attendait de moi à ce moment précis) et celle de lui mettre un grand pain dans la figure et de le faire tomber à la renverse… je pense que l’une autant que l’autre auraient pu me soulager… au lieu de quoi, déçu, humilié, je me contente de me lever et de lui balancer un :

    « Espèce de… espèce de con ! »

    Avant de me tirer pour aller chercher ma cousine, j’ai droit à son sourire arrogant et provocateur… putain de tête à claques…

    Quelques minutes plus tard…

    Je ne sais pas encore ce qui va se passer, mais je devine que la scène qui ne va pas tarder à se dérouler sous mes yeux va être une scène épique…

    Jérém est posté sur la petite estrade au bord de la piste de danse, installé devant la rambarde, surplombant la piste, son attitude d’insupportable petit coq… le regard balayant avec indifférence, limite mépris une foule qui le couvre en revanche de regards envieux, charmés… oui, plein de regards convergent sur lui, alors que le sien ne semble se poser nulle part…

    J’ai repense à cette attitude de Jérém en cette année 2015 à l’occasion d’une grippe carabinée qui m’a donné le temps de me pencher sur le « cas »… Justin Bieber…

    Oui, lorsque je vois Mr « Boyfriend » tenir un stade entier sous son charme, lorsque je l’entends balancer, comme un cadeau à un public conquis, la question « who wants to be my baby ? », je repense à Jérém sur l’estrade de la piste de danse du KL… certes, Justin n’est pas Jérém, et ce dernier n’était pas ce soir là torse nu, du moins pas encore à cette heure, comme l’est le beau canadien à la fin de ses concerts de 2013 juste avant d’entamer « Baby »… mais la question, celle que Justin verbalise avec un adorable et insupportable culot, sûr du pouvoir de son charme, est la même que Jérém posait ce soir là sans le moindre mot, rien qu’avec son regard…

    Le regard de Jérém fait plusieurs fois le tour d’horizon et finit par se focaliser quelque part à l’intérieur de la piste de danse… sans plus accorder la moindre attention à Dimitri, je me décale pour chercher à comprendre où le regard de mon beau brun est en train de se poser… hélas, j’ai beau me déplacer, prendre le risque de me faire repérer, ce dont je me fous désormais, je n’arrive toujours pas à capter ce qu’il est en train de mater…

    Je cherche, je cherche, sans succès. Et puis la réponse à mes questions arrive soudainement. Elle est aussi percutante qu’humiliante. Une claque en pleine figure. Suivant la direction de son regard, je remarque enfin une petite brune qui danse seule au milieu de la piste… Jérém la mate sans répit, et à son tour elle lui lance un regard de temps à autre, de façon discrète mais de plus en plus insistant... Jérémie ne bouge pas d’un poil, les mains dans les poches, sa seule arme étant son regard de braise posé, braqué sur elle….

    Putain de regard… c’est un regard que je connais bien… un regard de petit con impuni… ce regard qui dit « Je sais que tu as envie de moi, je sais que tu as envie de ma queue, alors viens la chercher »...  un regard qui dit « je vais te baiser »… c’est à tomber... hélas, ce charme de fou est gaspillé avec une fille… oui, Jérém est tout connement en train de draguer une nana qu’il va mettre dans son lit à ma place… c’est tout simplement dégoûtant… je crois que je vais gerber sur place…

    La musique sort de plus en plus puissante des enceintes de la salle et je sens les basses monotones d’une musique répétitive s’infiltrer dans mon corps et se superposer aux battements de mon cœur… ce cœur qui s’est accéléré depuis que je mate un documentaire en direct live sur « mon beau mâle dans sa chasse à la femelle »…

    Je suis à la fois écoeuré et intrigué par ce que je vois… je suis toujours jaloux, énervé mais j’ai très envie de voir comment cela va se finir… la bière a sur moi un effet excitant et apaisant à la fois… j’ai l’impression que mon cerveau est embrouillé, je ressens une douce fatigue et je sens ma contrariété se calmer un peu… voir mon beau brun en train de draguer, l’imaginer s’envoyer en l’air… bien qu’avec une nana… c’est dingue ça, je ressens à la fois de la jalousie et de l’excitation…

    C’est l’effet de l’alcool sans doute… ce sont peut être des relents de cigarette magique que je capte par moments ici et là, mais à un moment j’ai l’impression de rentrer comme en résonance avec la salle… j’ai la tête qui tourne, je sens que je ne suis plus complètement maître de moi-même… je commence à perdre le contrôle… un peu…

    C’est un ensemble de choses qui, en se combinant, finissent par m’installer dans un état second…

    La musique d’abord… les basses, de plus en plus puissants, ont sur mon esprit embrumé, comme l’effet d’un mantra… je me sens comme au seuil de l’hypnose ; ensuite, les jeux de lumière… colorés, intenses, excitants pour la vue, un sens bien sollicité par ailleurs par l’effet de masse provoqué par les nombreux bogoss circulant avec un naturel désarmant et une nonchalance à peine croyable dans l’espace autour de la piste de danse ; et puis il y a les sensations olfactives… omniprésentes, parfois agressives pour mes narines, lorsqu’il s’agit du parfum trop fort d’une nana, tout simplement envoûtantes lorsqu’il s’agit du déo qui traîne derrière la plaisante silhouette d’un beau garçon qui défile devant moi et qui m’offre, sans le savoir, une sensation esthétique puissante tout en m’inspirant un désir brûlant… au final, mon odorat est comme ravi, perdu, conquis par ce mélange d’odeurs de cigarette, du parfum de cette fumée blanche que le DJ balance copieusement pour faire diversion de la pauvreté de sa musique, de transpiration, de fragrances s’évaporant de la peau douce de charmants garçons…

    Mon regard embrasse la salle toute entière… je regarde, j’entends, je respire cette sensation de jeunesse insouciante, ce désir de s’amuser, d’oublier le quotidien, de se laisser aller à toute sorte de plaisir capables d’offrir des bonheurs passagers mais très prisés…

    Oui, cette sensation de jeunesse en rut qui flotte dans la salle est comme une ivresse qui s’empare de tous mes sens et qui me met dans un état de bonheur et de contemplation qui me ferait presque oublier mon Jérém et ses conneries, le fait que je viens de me faire jeter comme une merde par le mec avec qui j’ai envie de coucher et que ce dernier va lever une nana devant mes yeux pour se la taper à ma place…

    Oui, Jérém… j’ai beau être dans un état presque second, je finis par revenir à lui… de toute façon, je finis toujours par revenir à lui… c’est mon grand défaut, le drame de ma vie…

    Il est toujours en train de draguer sa pétasse… oui, la brune… mais pas que… il me faudra un petit moment pour remarquer l’intégralité de son petit manège… en y prêtant un peu plus d’attention, je finis par me rendre compte que, de temps à autre, le regard de Jérém se déplace légèrement sur la droite... c’est en suivant à nouveau la direction de ses « yeux kalachnikov » que je repère une autre nana, une blonde, moins discrète que la première, qui n’arrête pas de le mater et de lui lancer de grands sourires, aguicheuse comme... bah, oui, comme une blonde…

    Je le regarde draguer méthodiquement, froidement… j’ai l’impression, que pas plus que vis-à-vis de moi, Jérémie ne semble éprouver pour les nanas d’autre sentiment que le seul désir de soulager ses besoins sexuels, le désir de conforter sa virilité par des conquêtes multiples… comme il me l’a clairement signifié un peu plus tôt ce soir là, c’est la baise, c'est-à-dire les envies de sa queue, voilà le seul cap qui semble guider sa vie de garçon de 19 ans…

    Que ce soit avec Claire ou Sarah que je l’avais vu éviter au lycée après les avoir croisées venant de se faire baiser ou carrément en train de se faire baiser dans sa chambre, que ce soit avec la brune avec qui je l’avais vu débouler à la piscine Nakache, j’ai l’impression qu’au delà de sa fougue sexuelle, Jérémie est un garçon froid et distant, incapable de la moindre tendresse avec la gent féminine… encore moins qu’avec moi… et ce n’est pas peu dire…

    Sa beauté et son charme lui permettant de baiser plus qu’à son tour, il me semble qu’il ne fait que les utiliser; il y a dans son attitude un je-ne-sais-pas-quoi de méprisant, de prédateur… c’est dans sa façon de se faire désirer, d’« octroyer » fugacement l’accès à ses faveurs tant convoités avant d’enchaîner froidement sans jamais prêter la moindre attention à la déception, à la souffrance qu’il peut laisser derrière lui…

    Ah, ce petit con de Jérém, ce sacré petit con… il fallait le regarder, en train de passer de l'une à l'autre, sans ciller, sur de lui, avec cette puissance du regard qui est comme un aimant… pendant un moment je me demande à quoi il joue ce petit con, laquelle des deux il a l'intention de sauter ce soir là…

    Ça doit toujours être l’effet de la bière, mais à un instant je me dis que j’ai envie de m’approcher de lui et de l’embrasser… si je n’avais pas peur de me faire casser la tronche, j’aimerais bien me venger de sa méchanceté de tout à l’heure en lui cassant son coup et en le mettant dans l’embarras devant quelques milliers de personnes… j’aimerais bien voir sa fierté de mâle bien ratatinée… oui, j’ai envie de le faire… ce qui m’empêche de donner suite c’est que je n’ai pas envie de me ridiculiser devant autant de monde… et surtout que j’ai encore moins envie de me faire casser la tronche devant tant de monde…

    A un moment son regard s'ouvre sur un sourire au charme ravageur, dégageant une assurance et une virilité à faire chavirer n'importe qui, n’importe quoi… il regarde la brune et en penchant légèrement la tête, lui faisant signe de le rejoindre... vu de l’extérieur, ça me parait tellement gros que je me dis que ça ne va jamais marcher… que ça ne peut pas marcher… que ça ne doit pas marcher… que même son charme de fou n’a pas le pouvoir, ni le droit d’emballer de cette façon…

    Crois-tu, mon Nico… t’es loin d’avoir tout vu… une seconde plus tard, devant mon regard incrédule, je vois la nana amorcer lentement mais assurément une manœuvre d’approche du beau brun… elle prend son temps, elle ne se précipite pas, elle semble dériver tout en continuant à danser et à lui lancer des regards de plus en plus coquins… ce mec est juste pas possible… je ressens de la jalousie mélangée à de la fierté de me dire que j’ai eu la chance et les atouts pour que ce beau brun si convoité ait eu envie de coucher avec moi pendant tout ce temps…

    La manœuvre de la brune se poursuit… Jérém balance un nouveau sourire, encore plus coquin que le premier, un sourire qui dégage cette étincelle lubrique que je connais également très bien… un petit je-ne-sais-quoi dans le regard de la nana, suivi d’un mouvement sensuel des lèvres entre lesquelles un bout de langue m’a semblé se faufiler de manière presque imperceptible, semble confirmer que le charme du beau mâle a encore tout emporté… oui, elle est complètement sous son charme… elle ne peut plus le quitter des yeux… elle le dévore littéralement des yeux… ce sont des yeux remplis d’un désir brûlant… un désir qui semble jaillir de ses yeux, un désir qui fait que la perspective de se faire sauter par le beau brun devient inévitable…

    En fin de compte, Jérém semble se concentrer sur la brune… je pense qu’il préfère les brunes, je l’ai presque toujours vu avec des brunes… c’est elle que ce soir aura la chance de goûter à sa queue et de faire défoncer par le plus beau mâle de Toulouse…

    Mais je n’avais pas encore tout vu… loin de là… pendant que la brune approche, aimantée par son charme juste pas possible, voilà le beau brun poser son regard en direction de la blonde… et là, même geste en penchant légèrement sa tête, même signe pour l’inviter à le rejoindre, même sourire coquin et lubrique…

    Non, Jérém n’est pas en train d’essayer d’emballer une nana… il est en train d’en emballer deux ! Il est parti pour un plan à trois, ce petit con ? Il a donc besoin de ça pour se rassurer de sa virilité, de son hétérosexualité ?

    Je me dis que ce coup-ci ça ne va pas marcher, ça serait vraiment trop… et pourtant… pourtant, voilà la blonde balancer un sourire aussi coquin… la qui sort carrément de la piste, contourner la foule; et, sans quitter le beau brun des yeux, s’approcher de lui…

    Tel Magneto jouant avec ses bibelots en métal, Jérémie semble avoir pris le contrôle total et inconditionnel de leur esprit par la porte du désir, cette porte enfoncée par son charme; il n’y a pas à tortiller, Jérém est le maître… le maître charmeur… un vrai charmeur de serpents… et de nanas…

    Quelques années plus tard, lorsque ma vie et celle de Jérém auront pris des chemins différents, je me retrouverai un soir chez mes parents… le sommeil s’entêtant à ne pas venir, je me poserai devant la télé… en zappant machinalement à travers les chaînes trop nombreuses du bouquet satellite, je tomberai sur le premier épisode d’une série dont on parlait beaucoup depuis pas mal de temps déjà… une série nommée Queer as folk…

    L’épisode est déjà bien avancé, mais j’arrive pile au moment où l’on voit l’entrée en scène de Brian, le véritable protagoniste de la série… l’alpha-mâle, l’homo actif et viril, le fantasme sur pattes de l’imaginaire gay est là, planté sur le bord de la piste de danse du Babylon… il se tient débout, un peu en hauteur, toisant tous ces pd qui se battraient pour sa queue…

    Certes, Jérém n’est pas Brian, et le KL n’est pas le Babylon… pourtant, chacune des deux boites est un harem pour son propre alpha-mâle… dans cette scène, rien qu’en se servant d’un jeu de regards magnétiques, Brian est en train d’emballer deux gars pour son plan du soir… le contact établi, le charme opère et les deux gars s’approchent de lui comme aimantés, subjugués… un instant plus tard on voit un enchevêtrement de corps onduler sous les vagues d’un plaisir intense partagé dans le lit au beau milieu du loft de Brian…

    Ce soir là, assis sur le canapé de mes parents, devant la télé de mes parents, en regardant cette scène, je me sentirai happé par une incroyable sensation de déjà vu... j’aurai l’impression de revivre ce moment, cette nuit au KL où Jérém avait réussi cet exploit si incroyable à mes yeux… les deux images étaient à mes yeux si proches que, jusqu’à que je ne découvre que cette série avait été tournée un an auparavant cette soirée au KL, je me demanderais si le mec qui a écrit cette scène n’aurait pas été présent au KL en cette nuit du 1er juillet 2001 pour assister à l’incroyable performance de mon beau brun, pour la retranscrire et exciter les esprits de millions de téléspectateurs all around the world…

    Sans encore connaître l’existence du personnage de Brian et de la série Queer as folk, en voyant Jérém emballer deux nanas avec une facilité déconcertante, je me surprend à imaginer avec effroi, Jérém faisant le même numéro dans une boite comme le On-Off ou le Shangai… là aussi ça marcherait à tous les coups… mais ça me ferait encore plus chier… qu’il couche avec des nanas, soit… de toute façon elles ne lui donneront jamais autant de plaisir que je sais lui en donner, aucune d’entre elles ne lui fera jamais ces trucs que je suis le seul à lui faire… aucune d’entre elle acceptera de lui tout ce que moi j’accepte… et puis, de toute façon, s’il a envie d’une chatte, sur ce plan là je ne peux pas surenchérir…

    En revanche, je serais vraiment contrarié qu’il se tape d’autres mecs… je me souviens de comme j’ai été frustré de le voir baiser son cousin devant mon nez… le fait de l’imaginer dans la bouche ou dans le cul d’un autre mec qui saurait peut-être lui donner un plaisir semblable au mien (mais jamais égal, car je suis le seul à l’aimer au point de me donner si entièrement et si passionnément à lui), je trouve cela tout simplement insupportable…

    Alors, s’il doit aller voir ailleurs, je préfère encore le voir draguer des nanas au KL… imaginer sa queue magnifique se faire sucer timidement ou s’enfoncer dans une chatte, ça me donne envie de gerber, j’ai envie de crier à l’effroyable gâchis, mais ça ne me détruit pas…

    La brune avançant à travers la foule dans la piste de danse ayant commencé sa manœuvre d’approche plus tôt que la blonde mais cette dernière y allant franco, voilà que les deux nénettes grimpent les marches, l’une celles de droite et l’autre celles de gauche, les conduisant en haut de l’estrade… elle arrivent à proximité de l’objet de leur désir (dans la personne de mon beau brun, dont je leur fais cadeau malgré moi ce soir là) à une demie seconde d’écart à peine…

    Jusqu’à là je me suis dit… ce n’est pas possible, ça ne peut pas marcher comme ça… les deux nanas ne se sont pas aperçues du manége de Jérém, mais lorsque ça va être le cas, lorsqu’elles vont s’apercevoir que les beau brun est gourmand, il va y avoir comme un blème… je crains fort, j’espère même qu’il va y avoir un bon gros clash… ce n’est pas possible qu’un comportement aussi macho puisse rester impuni… je n’arrive pas à croire que même les nanas acceptent de lui ce que je n’ai pas les couilles de refuser… à savoir… être traitées comme un objet et aimer cela…

    Mais non, je suis en train de rêver… je veux bien qu’il s’agisse de Jérém, mais là il va trop loin… ça va pas le faire, cette histoire va mal finir, elle DOIT mal se finir, ce ne serait pas normal autrement... il va se casser les dents… son arrogance et son assurance son trop… c’est gênant même simplement à regarder… quelque part en moi j’ai envie qu’il se plante, qu’il se prenne un râteau magistral… qu’on lui donne enfin une bonne leçon, qu’on brise son assurance macho dans son pouvoir de séduction…

    Oui, je suis mauvais, je suis mauvais car je suis amer, de plus je suis jaloux, voire très jaloux, je me sens complètement impuissant face à ce que je viens de voir… je sais que mon beau brun va s’envoyer en l’air comme un malade jusqu’au petit matin, et il va le faire sans moi…

    Non, je ne suis pas mauvais… je suis TRES mauvais, tellement mauvais que j’ai envie de me venger par procuration… allez les nanas, s’il vous plait, qu’au moins l’une de vos deux se réveille, rebiffez vous, bon sang ! un siècle de lutte féministe pour s’arracher de la domination, de la toute puissance de la sexualité masculine… pour voir, à l’aube du nouveau millénaire, deux nanas capituler juste au contact du regard brun d’un bel apollon ? Encore, que ce soit un pd qui lui cède tout… mais vous, les nanas, vous n’avez pas le droit de tomber si bas…

    Alleeeeez… merde à la fin… réveillez vous… il y en a bien une de vous deux qui va trouver son attitude vraiment énervante… alleeeeez ! il faut que l’une ou l’autre l’envoyiez chier… les deux ce serait encore mieux… mais déjà une ce ne serait pas mal…

    La réputation des blondes vis-à-vis de leur capacité à résister à l’attrait d’un charme masculin n’étant plus à faire, surtout celle des blondes à forte poitrine et à fort maquillage comme celle-ci, je sais qu’à priori je ne pourrai pas compter sur elle pour ce genre de mutinerie… d’ailleurs, son regard lascif, débordant de désir, en dit long… elle a envie de se taper mon beau brun, et elle se le tapera quoi qu’il arrive…

    Tous mes espoirs sont donc placés dans la brune… hélas, contre toute attente, son regard concupiscent fixé sur mon beau brun présage clairement de sa capitulation à venir, une capitulation sans conditions…

    Mais putain… bas les pattes les nanas… touchez pas à ça, vous n’allez même pas savoir vous en servir… vous ne saurez même pas quoi en faire… on ne donne pas une Ferrari à conduire à un aveugle… hélas, malgré mes protestations silencieuses, voilà que leur nuit de baise, abstraite jusqu’à là, se précise soudainement dans mon esprit…

    On a beau se croire des êtres civilisés, éduqués, programmés à ne pas subir l’influence des autres… elles ont beau être des nanas dites libérées, bien décidées à ne pas se soumettre au pouvoir masculin… hélas, la raison n’est rien face aux ravages du désir brûlant lorsqu’il se déclare au fond de nous.

    Et il faut voir comment ce ti con de Jérém sait l’allumer, l’attiser, carrément l’embraser ce désir… avec quel acharnement, avec quel succès insolent il s’y emploie… et une fois le feu mis aux poudres, rien ne peut arrêter les dégâts… lorsque le désir s’installe dans la personne qu’il convoite, elle est prise au piège… il ne lui reste qu’à s’incliner devant le pouvoir absolu du charme du beau brun…

    Et si la brune a droit en retour à un regard sensuel de la part de Jérém, la blonde a droit, elle, à un sourire tellement incendiaire qu’on frôle de près l’embrasement de la boite de nuit... le beau serveur se penche ensuite à l’oreille de l’une… juste avant d’en faire de même avec l’autre… je ne sais pas ce que ce petit con vient de leur balancer, mais à en juger de leurs expressions d’excitation et de surprise, du sourire que les deux nanas échangent entre elle avant de se livrer quelques mots sous le regard amusé et fier du beau brun, il semblerait que mon Jérém ait touché une corde sensible… tu parles, la perspective de s’envoyer en l’air avec un mec pareil est une aubaine incroyable et inattendue…

    Voilà ce que je pensais, voilà le tableau que je me fais désormais à propos de la suite des événements. Je ne vais pas tarder à découvrir que mon tableau est incomplet… il manque un élément de taille… un instant plus tard je vois Jérém tourner la tête vers un coin de la piste… les nanas suivent son regard et elles finissent par voir ce que le beau brun semble leur indiquer…

    Un peu dissimulé dans la pénombre du bord de piste à peine un peu plus loin, j’arrive à voir ce qui m’était passé inaperçu jusqu’à là, trop pris à suivre le moindre développement de l’incroyable performance de mon beau brun… bière à la main, t-shirt gris Diesel, paré de sa virilité tranquille et naturelle, le beau Thibault est là… je le vois lever un regard amusé vers son pote et balancer un beau sourire dans leur direction...

    Jérém descend de l’estrade suivi par ses deux proies d’un soir… la chasse a été bonne, il a ramené une quantité du gibier… il en a même ramené pour son pote… Thibault n’a pas bougé de sa position… lorsque les deux potes se retrouvent face à face, ils échangent quelques mots à l’oreille, des mots que j’aurais donné cher pour pouvoir les entendre… pendant ce temps, je remarque que les deux nanas toisent le beau serveur ainsi que le beau mécano avec gourmandise… [salopes !!! – oui, je sais, elles sont parfaitement dans leur droit, si elles ne l’avaient pas fait je me serai dit qu’elles ne sont pas normales… mais je suis énervé, il fallait que ça sorte]… un instant plus tard, l’échange de bises avec le nouvel arrivant est l’occasion pour la blonde de poser quelques mots, sûrement bien coquins, à son oreille… Thibault sourit, son visage est illuminé d’une lumière sensuelle que je lui découvre pour la première fois… c’est beau un mec qui commence à s’exciter…

    Ça y est, le tableau est complet… effroyablement complet… ce n’est pas un plan à trois que le beau brun envisageait… mais plutôt un plan à quatre avec on pote Thibault… ça, vraiment, je ne m’y attendais pas… la mâchoire m’en tombe… une fois de plus je me sens pris de court… être pris de court, voir les choses se passer tout autrement que toutes les éventualités que j’avais pu imaginer dans ma tête… voilà une chose à laquelle je serai confronté très très souvent avec Jérém…

    Devant le tableau de ces jeunes gens impatients de s’envoyer en l’air, je ressens un puissant sentiment de malaise envahir mon cœur… Jérém va baiser des nanas avec Thibault… ils vont se retrouver tous les deux nus, dans le même lit, il vont se regarder en train de baiser… je réalise à cet instant que, si j’ai pu penser à un moment que ça ne me ferait pas chier d’imaginer les deux coéquipiers en train de partager une galipette entre potes, à contrario, là je suis vraiment gêné de comprendre qu’ils vont baiser cote à cote et, s’il se trouve, faire un plan échangiste… enfoncer leur queue là où celle du pote vient tout juste de passer… mais, oui, tant qu’à faire, ils vont bien avoir envie de goûter à tout le gibier…

    Je me sens soudainement déçu, comme trahi… non pas par Jérém, je sais que c’est un petit con qui baise tout ce qui lui arrive à portée de queue, surtout lorsqu’il est un peu « fait » comme ce soir…

    Oui, celui qui me déçoit le plus c’est Thibault… lui, qui depuis quelques temps, à la faveur de rencontres fortuites, n’a cesse de me montrer de la gentillesse, du soutien, de la compréhension, un début de que je commence à nommer de l’amitié ; lui, qui vient me parler, et qui m’apprend plein de trucs sur Jérém… lui, qui semble tout faire pour me mettre à l’aise… qui semble vouloir me montrer qu’il sait pour Jérém et moi, qui semble même s’employer à nous rapprocher… lui, le bon Thibault qui commence à gagner mon admiration et ma confiance…

    Je commence à croire d’avoir trouvé un ami et un allié pour connaître un peu mieux mon beau brun… un ami sur qui compter… et paf… il se tape un plan à 4 avec son pote…

    Je me demande si tout ça c’était prévu… je me demande si Thibault savait déjà la soirée se terminerait ainsi lorsqu’il est venu me tirer les larmes en me racontant les projets professionnels futurs de mon beau brun… je me demande s’il pensait à ça lorsqu’il a serré mes avant-bras dans ses mains pour me consoler lorsqu’il m’a vu ému…

    La musique tape à fond dans la salle, tout comme mon cœur dans ma poitrine, déchiré comme je le suis entre l’incroyable puissance de cette scène et l’ampleur de ma déception… oui, je suis abasourdi par la force presque surnaturelle de cette image, par l’incroyable sex appe(a)l de mon beau brun capable de lever non pas une mais deux nanas d’un seul coup, de réussir un tel exploit rien qu’en jouant de son regard, et de faire cela en vue d’un plan à quatre avec son pote Thibault... putain de fantasme...

    Mais au même temps, depuis que je réalise ce qui se passe, je suis vraiment dégoûté… Thibault finit sa bière et un instant plus tard je les vois partir, tous les quatre, vers une magnifique partie de jambes en l’air avec des inconnu(e)s…

    Je suis tellement frappé par la scène que mes pieds ont du avancer tous seuls… lorsque je réalise que Dimitri a disparu sans que je ne m’en rende compte, je réalise également que je suis carrément sur le bord de la piste, complètement à découvert, à la porté du regard de mon Jérém… et lorsque je réalise que, à force de le mater, je vais bien finir par croiser son regard, voilà, c’est trop tard, le mal est fait… son regard se pose dans le mien…

    C’est un instant… on se fixe sans ciller… mon regard doit exprimer tout mon amertume, ma jalousie, alors que le sien affiche une mine fière et triomphante… j’ai même l’impression qu’il se moque de moi… et là il a un petit mouvement du sourcils gauche, que je trouve terriblement sexy par ailleurs, qui à cette occasion semble exprimer un truc du genre « ah, t'es encore la, toi... tu me pistes, n’est pas ?… t'as rien perdu pour attendre… tu vas voir ce que tu vas voir... »…

    Oui, j’ai l’impression qu’il se moque de moi… c’est une impression qui va devenir carrément une conviction lorsque, tout en se penchant pour rouler une pelle à la brune, son regard ne cesse de me chercher, de me provoquer… oui, pendant qu’il embrasse sa pouffe, il me balance un regard malicieux et provocateur… un regard qui semble m’annoncer… « mate un peu ça le petit pd, ce soir je vais prendre mon pied comme un mec, ce soir je n’ai pas besoin de toi… va donc te branler… »…

    Ainsi donc, le fait de se taper un plan à quatre c’est pour me faire chier… et de ce point de vue là, c’est encore une sacrée réussite pour Jérém… je suis super mal, et tout mon être doit afficher mon malaise en lettres capitales clignotantes… Jérém doit se régaler… désormais tout ce que je ressens en moi c’est un mélange de jalousie, d’amertume par rapport à son coté provocateur, à son intention affichée de me faire mal… le tous saupoudré d’un sentiment de trahison et de ressentiment vis-à-vis de Thibault…

    Oui, je suis amer, triste, énervé au plus haut point… mais je suis également frustré, car après la fin du feu d’artifice « Jérém fait péter son charme », je réalise que je vais terminer la soirée tout seul... depuis quelques sorties en boite, j’avais désormais pris l’habitude que ça en soit autrement… personne ne m’a prévenu que ce soir là ça se finirait comme ça... fait chier! Il ne me reste qu’à rentrer et me taper une branlette au lit en imaginant Jérém et Thibault en train de baiser côte à côte…

    Je les regarde, tout les quatre, les mecs devant, les filles derrière, en train de se diriger vers la sortie de la boite… et surtout je me surprend à mater tristement le t-shirt orange et le t-shirt gris en train de s’éloigner de moi… je les regarde jusqu’à qu’ils disparaissent, comme engloutis par la foule, la pénombre de la salle, la musique entêtante, la nuit…

    Et lorsqu’on regardait cette image de le toute puissance de Jérémie capable d’aimanter deux nanas pour un plan à quatre avec son meilleur pote Thibault, on ne se serait pas douté un seul instant que mon beau brun était un garçon qui commençait sérieusement à douter de son identité sexuelle… que toutes ses certitudes étaient en train de voler en éclat, que son petit monde s’effondrait… et pour un mec qui détestait perdre pied c'était insupportable…

    Il essayait donc de s’accrocher à ce qu’il pouvait, à ce que lui restait… le besoin de se prouver qu’il pouvait revenir aux nanas dès qu’il le déciderait… qu’il pouvait emballer à tour de bras, comme ce soir là… qu’il pouvait se passer de son pd, sexuellement avant tout… surtout que ce pd allait partir loin à la rentrée…

    Les deux coéquipiers et leurs pouffes désormais disparus de ma vue, mon esprit humilié, frustré, anéanti, je me prépare à quitter la salle techno pour aller retrouver ma cousine dans la salle disco juste à coté, lorsque quelque chose retient mon attention…

    Il est pile à l’opposée de la salle, appuyé avec son épaule à un pilier, un verre à la main… un beau reubeu, bien foutu, t-shirt blanc moulant jouant un joli contraste avec sa peau basanée et retombant comme il se doit sur un joli jeans… une tenue toute simple mais carrément craquante de bogoss qui n’est pas sans me rappeler la tenue d’un certain Jérémie lors de la première révision quelque semaines plus tôt... oui, une beau reubeu genre 25 ans avec le regard rempli de ce charme, habillé de cette prestance indiciblement virile qui n’appartient qu’à ce genre de mec...  tout pour me taper dans l'œil, quoi...

    Dès que je l’ai vu, en un instant, tous mes sentiments négatifs se sont comme envolés, la colère, l’humiliation, la déception, la haine, l’amour propre blessé, tout oublié… rien de tel que la vision d’un beau garçon pour chasser les soucis et mettre de bonne humeur… je ressens en moi un seul sentiment, une seule envie… l’avoir en bouche avant toute autre chose… l’avoir en bouche parce qu’il me fait un effet de dingue, l’avoir en bouche pour prendre une sorte de petite revanche sur ce petit gros con de Jérém… l’avoir en bouche pour ne pas finir ma soirée avec une branlette de plus…

    Mon esprit est désormais envahi par l’urgence du désir que ce mec suscite en moi… j’ai une de ces envies de lui... dès que je l’ai vu, la trique est montée en moi presque instantanément… et lorsque la trique s’empare d’un garçon, ce dernier n’est plus complètement maître de ses actions… oui, j’ai envie de l’avoir en bouche, de l’avoir en moi, sans attendre… ce soir là j’ai juste envie de me faire baiser par un beau reubeu pour prendre du bon temps… en fin de compte, je n’ai de compte à rendre à personne… et puis, putain, un reubeu… fantasme absolu…

    Je le mate sans trop de ménagement et plus je le mate plus je le trouve… juste à craquer… mon regard, affranchi de l'image de Jérémie par laquelle il aurait été totalement monopolisé s'il était encore là, était attire par ce mec comme une aiguille par un aimant...

    Oui, j’ai foutrement envie de lui… mais comment l’approcher ? Comment lui exprimer mon désir ? Comment savoir s’il va y être sensible ? Je suis partagé entre le désir d’attirer son attention, d’essayer de le draguer et fait d’essayer de me maîtriser, de rester quand même un peu discret, et ceci pour ne pas m'attirer des ennuis au cas où qu'il ne serait pas réceptif à ma drague, au cas où il soit carrément incommodé par mes regards, les quelques verres qu’il doit avoir dans le nez augmentant proportionnellement le risque d'incidents en cas d'imprudence de ma part…

    Le souvenir encore vif du mec dans les chiottes de l’Esmé me mettant sur le qui vive par rapport à ce genre de situation… d’autant plus que cette fois ci, si je me mets en danger, Jérém ne va pas voler à mon secours… il a mieux à faire en ce moment…

    Bref, je fais mine de regarder à droite et à gauche, j’essaie de faire diversion en laissant dériver mes yeux en direction du bar et du DJ, afin de prendre le temps de le mater par petites touches et un peu discrètement...

    Malgré mes précautions, je finis par croiser son regard une, deux, trois fois… à chaque fois c’est furtif, car dès que le contact s’établit, je suis intimidé par l’intensité et la fixité de ce regard, un regard dont je ne prends pas le temps de lire la polarité, car mes yeux se baissent instantanément...

    C’est lors du quatrième contact, je crois, que je remarque que le mec est carrément en train de me fixer, de me dévisager... et c’est à ce moment là que je décide de soutenir son regard pour essayer de voir s'il y a une ouverture... hélas, ce que je vois n’est guère encourageant… son visage est figé dans une expression dure, sans sourire... très vite j’interprète son attitude comme une déclaration d’hostilité à mon égard… j’ai l’impression que le gars est vexé de mon attention excessive et plus que suspecte et que son regard m’intime d’arrêter de le mater sur le champ…

    Je me suis trompé de gars… c’est pas parce qu’il est canon et que t’as envie de te faire sauter par lui, que le mec mange de ce pain là… j’ai encore pris mes rêves pour des réalités… une fois de plus j’ai le visage en feu, je ressens une sensation de panique s’emparer de moi… avec une manœuvre d’urgence je balance mon regard ailleurs pendant un bon petit moment… j’essaie de me laisser calmer par la musique de plus en plus assourdissante en évitant soigneusement de le regarder… j’ai envie de disparaître dans la seconde, mais je n’ai pas envie de partir comme un voleur, je n’ai pas envie de capituler sous la pression de l’intimidation de ce type… j’ai besoin de retrouver un peu de contenance avant de quitter la salle pour aller retrouver ma cousine…

    Je regarde ailleurs, dans la tentative désespérée de faire comprendre au gars ce qui est clairement un mensonge, c'est-à-dire que nos contacts visuels ne sont que le fruit du hasard… hélas, ma tache est compliquée par le fait que si j’arrive à contraindre mon regard à mater ailleurs, j’ai la nette impression que celui du beau reubeu est toujours fixé sur moi, qu’il me cherche, qu’il me provoque comme en duel…

    Et lorsque un gars me regarde aussi intensément, que ce soit avec désir ou avec haine, je le ressens sur moi, sur ma peau comme s’il y posait sa main… j’ai beau chercher à maintenir mon regard ailleurs… la puissance presque télépathique de ses yeux bruns, typés, finit par attirer mon attention… une fois de plus, nos regards se croisent, une fois de plus mon désir est attisé par cette silhouette virile à craquer…

    La musique cogne dans la salle à tout rompre… pourtant je me sens glisser comme dans une bulle, comme si je plongeais au fond d’un bassin d’eau… les basses impitoyables de la techno semblent s’éloigner, s’estomper, arriver de plus en plus plats à mes tympans… ce sont désormais mes pieds qui captent la vibration du sol… mon ouïr est comme brouillé, atténué… je commence à sentir les battement de mon cœur, il s’accélèrent petit à petit sous l’effet de l’excitation que la vision de ce beau mâle provoque en moi… je me sens vraiment comme dans un cocon, toute mon esprit est happé par ce jeu de regards qui se cherchent, qui se fuient… dans ma bulle de plus en plus ouatée, j’entends ma déglutition nerveuse, ma respiration qui se hâte sous l’effet de l’adrénaline… et au fur et à mesure que la musique s’éloigne de moi, j’entends de plus en plus nettement les battements de mon cœur, ils cognent à tout rompre dans ma poitrine… jusqu’à que…

    Jusqu’à que, à un moment, mon cœur finit par s’emballer brusquement, cette fois ci sous l’effet de la peur…

    Et là c’est la panique… en un instant, j’ai l’impression que mon cœur va exploser… le mec a plié son avant bras, et sa main, rendue à hauteur de se pectoraux saillants sous le coton du t-shirt, me fait signe d'approcher… aaahhhhh… c’est tout ce que je désire, m’approcher de lui… Hélas, il y a comme un problème… son geste et son regard ne sont pas du tout raccord… dans ses yeux il y a toujours ce regard de tueur qui semble montrer hostilité et vexation... certes, je le trouve sexy à en crever, mais son visage a vraiment l’air énervé, heurté et j’ai peur que si j’approche je vais aux mieux me faire jeter, au pire m’en prendre une dans la gueule... la salle est bondée autour de nous... mais j’ai peur...

    On doit être à 15-20 mètres de distance l’un de l’autre et j’ai peur que si je n’obéis pas à son invitation, il vienne me voir là où je suis… pris de panique, je commence à trouver que la fuite est la seule solution envisageable pour me dépêtrer de cette situation qui risque de dégénérer… il ne manquerait plus que ça ce soir là… me faire cogner…

    En y repensant à tête froide, on pourrait aussi imaginer que l’attitude du reubeu n’était pas hostile, va savoir… le fait est que ce genre de mecs sont imprégnés d’une virilité tellement marquée que leur attitude peut paraître souvent un dissuasif à chatouiller cette virilité, surtout avec ce genre de drague… mais au fond, qui sait… certes, il est clair que draguer ce genre de reubeu sexy dans une boite hétéro, c’est diablement excitant mais c’est super hyper mega risqué… mais à posteriori je me dis que ma fuite fait définitivement planer le doute sur ses intentions…

    Me voilà en train de dételer comme un lapin, fuyant cette salle de tous les dangers et allant chercher Elodie  presque en courant. Pendant que les enceintes balancent les basses entêtantes chevauchées par les cœurs puissants de Gimme ! Gimme ! Gimme ! (a man after midnight), [cette chanson est-elle écrite pour moi ?] je la trouve et je l’arrache de la piste de danse…

    « Faut qu’on y aille, vite, stp, ne pose pas de questions, je vais tout t’expliquer dans la voiture »

    « Mais tu fais quoi? Je suis a deux doigts d'emballer ce type qui danse là bas… »
    « Arrête Elodie, un mec qui se danse tout seul sur Gimme Gimme, à tous les coups il est pd comme un sac à dos… »

    Je ne sais pas comment j’arrive à faire de l’humour dans l’état de confusion et de peur dans lequel je me trouve. Surprise, ne trouvant rien à opposer à ma considération hâtive, Elodie me suit. C’est ainsi qu’un instant plus tard j’hâte le pas pour rejoindre la sortie direction le parking et la voiture, tout en regardant derrière moi presque à chaque seconde si le beau reubeu ne me suit pas pour me mettre une rouste…

    J’avance tellement dans la précipitation, sous l’effet de la panique que je ne regarde pas où je vais, je finis par rentrer dans un mec qui marche en direction contraire, je me retrouve déséquilibré, je manque de peu de le faire tomber… par chance le mec se rattrape, par chance le mec est un gentil, qui s’excuse… de mon étourderie…

    « Pardon » je lui lance sans un regard, tout en continuant ma marche forcée.

    Elodie a pigé qu’il y a un truc qui ne tourne pas rond… elle ne me demande rien, à part :

    « Ça va ? »

    « On y va ? » je lui réponds sèchement en accélérant encore le pas.

    « Oui, on y va » elle me répond avec une voix douce. 

    Une fois dehors, je presse toujours mon pas, me disant que je ne me sentirai en sécurité que lorsqu’on sera dans la voiture et que celle-ci sera sortie du parking du KL… je trace comme un malade pendant que ma cousine me harcèle de questions sur ce qui est en train de se passer, sur la raison pour laquelle on part si précipitamment de la boite…

    « Je te dirai tout en voiture » je tente en vain de la faire taire.

    On galope vers la voiture, garée assez loin dans le parking… mille émotions contrastantes agitent mon cœur, je suis complètement à l’ouest, mes sens sont comme mis entre parenthèse pas le sentiment de peur qui me pousse à la fuite… pourtant, je ne peux pas m’empêcher se ressentir sur ma peau, sur mon visage, dans mes cheveux, la caresse appuyée et continue du vent d’autan… oui, il souffle toujours, malgré l’heure tardive… saloperie de vent… je repense à pressentiment que j’avais eu cet après midi là en me baladant dans les rues de Toulouse, l’intuition comme quoi quelque chose allait se passer ce soir là avec Jérém, quelque chose de déplaisant… et putain, je n’aurai jamais pensé que le vent d’autan aurait aussi bien tenu sa promesse, jamais j’aurais imaginé que ce soir là j’aurais eu si mal et que je serais parti de cette façon précipitée du KL…

    Nous voilà en voiture. Nous voilà sur la rocade. Me voilà en sécurité. Exposé de plein fouet à une rafale de questions et qui ne font que me secouer encore un peu plus, je demande carrément à Elodie un instant de silence pour retrouver mes esprits, mon souffle, mon calme.

    On est bien engagés sur la rocade lorsque je me sens enfin prêt à commencer par le plus pressé, c’est-à-dire lui livrer le récit des derniers événements de la soirée, cette rencontre visuelle avec le beau reubeu qui a provoqué notre départ plus que précipité du KL…

    « Putain, Nico, un jour ou l’autre tu vas te faire péter la gueule pour de bon… »

    Elle a raison. Je note une fois de plus dans ma tête l’absolue nécessité d’être plus discret avec mes regards vis-à-vis des mecs. Puis elle continue :

    « Mais qu’est-ce qui s’est passé ? Je t’ai laissé avec Thibault, j’ai vu le beau brun en t-shirt orange roder autour de la piste… ils sont passé où ces mecs là ? ».

    Maintenant qu’on a quitté le quartier de la Sesquière, loin de tout danger, maintenant que l’image du beau reubeu en colère prêt à venir me cogner est évacuée de mon esprit, je retrouve en moi toute la colère, la jalousie, la déception, l’humiliation, la haine que j’ai ressenties sur le bord de la piste de la salle techno du KL en regardant Jérém, Thibault et leurs deux pétasses d’un soir disparaître vers la sortie…

    C’est avec le cœur lourd, la voix étouffée par l’émotion et hachée par la colère, le débit de parole atteignant des records de vitesse, devenant presque inintelligible, au point que j’en bégaie, la syntaxe de mes mots approximative et décousue, que je tente de raconter à ma cousine le déroulement de ma soirée à partir de son exil volontaire dans la salle disco… ma conversation avec Thibault, le fait d’apprendre que Jérém va partir travailler super loin, peut-être même à l’étranger (ce soir là, je déteste l’Italie)… j’enchaîne avec le moment passé avec Jérém, en omettant bien sur de lui préciser que j’ai consenti à lui tailler une sacrée pipe rien qu’avec des mots cochons… je lui dis juste que je lui ai fait comprendre que j’avais envie de finir la soirée avec lui… et que je me suis fait jeter comme une merde…

    J’ai fait ma longue tirade sans ponctuation, sans respirer, je suis presque en apnée… j’ai besoin d’un instant pour reprendre mon souffle…

    En plus j’ai du balancer tout un tas d’infos en vrac, passant du coq à l’âne, de façon confuse et décousue… pourtant ma cousine ne pose pas de questions, elle voit, reconnaît et respecte ma colère et ne dit rien, ce qui est un exploit extraordinaire pour une nana aussi bavarde qu’elle… je sais qu’elle a envie de me faire parler, je sais qu’elle le fera assurément un peu plus tard… mais là elle se contente de passer une main dans mes cheveux et de me lâcher un regard attendri et plein de compréhension… je l’adore…

    On passe à coté du Stadium du TFC lorsque je trouve la force d’enchaîner sur l’incroyable scène de drague dont Jérém s’est rendu protagoniste… ses regards aimantant deux nanas venant à lui comme deux toutous dociles…

    « Tu me fais marcher… » elle s’étonne.

    « Ah, non, je peux t’assurer que c’était juste incroyable de voir ce petit con réussir ça haut la main »

    « Et les nanas ont toutes les deux cautionné ça ? »

    « Bah, apparemment oui… »

    « Putain… j’aurais voulu voir ça… ça devait être carrément bandant de voir ce petit con en action… t’aurais du m’appeler… » s’égare ma cousine.

    « C’était pas bandant, c’était juste horrible… » je crie presque.

    « Je comprends, excuse… » se morfond-elle.

    « Et le pire… »

    « Car il y a encore un pire à venir… » s’inquiète Elodie.

    « Le pire » j’enchaîne « c’est que Thibault était de la partie »

    « Ils se font un plan à quatre, les salauds ? »

    « C’est ça… »

    « C’est redoutable un mec de vingt ans… il n’accorde d’importance qu’à sa queue… c’est pour ça qu’il n’a pas voulu finir la soirée avec toi… »

    « Il se fout de moi ce mec… »

    « Ca fait longtemps que je te le dis… » elle sévit impitoyablement.

    « Pendant qu’il roulait un patin à la brune, il m’a vu et il m’a balancé un de ce putain de regards de malade… il se foutait de moi… vraiment, il se foutait de moi… il s’est payé le plaisir de me montrer qu’il n’a pas besoin de moi pour tirer son coup et qu’il me laisse sur le carreau quand il veut… je lui en veux horriblement… »

    On arrive à St Michel et Elodie trouve une place pour la voiture à une centaine de mètres de chez moi. Elle coupe le contact et elle m’écoute parler, crier, pleurer… au fur et à mesure que je raconte ce qui vient de se passer, je sens la colère m’envahir de plus en plus… je me sens  énervé comme rarement de ma vie… maintenant que l’effet des deux bières s’estompe, maintenant que l’adrénaline de l’excitation et de la peur liées au beau beur cesse son effet, tout remonte en moi… je parle fort, je postillonne, je bégaie de plus en plus, je suis hors de moi, je n’arrive pas à me contrôler… les sanglots finissent par entrecouper mes mots… je souffre, je souffre horriblement…

    Je gesticule, je me débats, je m’insurge contre un « ennemi »absent et abstrait… je peste, je proteste… sans arriver à me dire que je me sens victime, si je me sens lésé, c’est juste que je ne veux pas regarder la réalité en face… Jérém me prend et me laisse tomber à sa guise, Jérém n’est pas le mec d’une seule nana et encore moins le mec d’un (seul) mec… Jérém est un petit con qui, coté baise notamment, veut tout diriger et qui n’admet même pas que je puisse lui proposer de faire des galipettes… c’est idiot, mais ça le met en pétard… là encore c’est à prendre ou à laisser, comme tout avec lui… il n’y a qu’une fois qu’il ne m’a pas jeté… la fois que j’y ai été franco à la piscine… est-ce qu’il préfère une « démarche » franche et culottée, plutôt que de me voir quémander sa queue ? Est-ce qu’il préfère me voir sur de moi pour pouvoir me soumettre lui-même, plutôt que de me voir déjà à ses pieds, ce qui le dégoûte peut-être… est-ce qu’il veut avoir devant lui un mec plutôt qu’une poule mouillée ? 

     « Calme toi, mon cousin » elle finit par me chuchoter en me prenant dans ses bras… c’est là que je me laisse aller… mes sanglots ont raison de mes mots et se transforment en larmes… je pleure un bon coup… quand je sens que ça va mieux, Elodie le sens aussi… notre accolade se relâche tout naturellement…

    « Comment veux-tu que je me calme… » je reprends, quelques octaves émotives plus bas « … quand je pense à ce petit con… »

    « A ce stade là, tu peux convenir qu’il a changé de catégorie, le Jérém est passé de petit con à bon  gros con, voire à connard confirmé… »

    En temps normal j’aurais plaisanté de la blague de ma cousine. Mais là, bien que sa réflexion me fasse un bien certain, je n’ai pas le cœur à la plaisanterie. Je continue sur ma lancée…

    « … il me chauffe à blanc avec ses regards, avec son parfum, et puis il me jette et il se tire avec deux pétasses… et ce Thibault aussi… je croyais qu’il était mon pote… tous ces mots gentils, ses gestes pour me mettre en confiance… du pipeau, oui… lui il me déçoit horriblement… je croyais que c’était un bon gars, mais au fait c’est juste un autre pauvre type comme Jérém pour qui tout ce qui compte est tirer son coup… quand je pense qu’il devait déjà savoir comment la soirée allait se terminer pour eux quand il est venu me parler, je me sens vraiment con d’avoir cru qu’on pourrait être amis… quand je pense que, à l’heure qu’il est, ils sont en train de baiser avec ces deux pétasses sorties de nulle part… alors que Jérém serait tellement mieux en… [je me rattrape de justesse] avec moi… ».

    Mon discours est confus et incohérent, je m’en rends compte… il y a des choses que je n’ai pas racontées à ma cousine, comme les mots cochons que j’ai dit à Jérém et qui nous ont terriblement excités tous les deux… de plus, je me rends compte que j’ai un raisonnement qui manque de logique et de réalisme… heureusement Elodie est là pour remettre les point sur les « i »…

    « Je suis sur que cette fin de soirée n’était pas prévue… c’est Jérém qui a fait le coup… et je pense qu’il l’a fait pour te faire chier toi… »

    « C’est trop méchant, il est trop con ! »

    « Tu ne sais pas encore ça, depuis le temps qu’il te traite comme un punching ball… tu ne sais pas encore que ce mec est capable de tout lorsque tu le chatouilles un peu trop ? »

    « J’ai rein fait, moi… » j’essaie de me défendre.

    « Si, t’as du être rélou en lui proposant de coucher avec lui… »

    Non, je n’ai pas été rélou. J’ai été trop con de céder à sa demande de jouer la pute à son oreille.

    « Il aime ça… » je me défends.

    « Oui, il aime ça, mais à l’évidence, il n’aime pas quand c’est toi qui propose… »

    « C’est trop con… »

    « Oui, mais avec lui c’est non négociable… il y a des mecs comme ça… quand on tombe sur ce genre de mec, faut savoir composer avec… »

    « Il n’avait pas le droit de draguer ces deux nanas… »

    « Une loi l’interdit ? »

    « Elle devrait exister, oui… » je me défoule. Je suis ridicule. En effet ma cousine rigole.

    « Nico… » me lance, sur un ton affectueux.

    « Thibault aurait dû refuser… » j’enchaîne sans écouter sa réplique, mes paroles suivant les mouvements de ma souffrance et échappant à une quelconque logique…

    « Ne soit pas bête Nico… c’est un truc de leur âge, tout ce qu’il y a de plus naturel… les mecs de vingt ans vont en boite le samedi soir pour draguer et tirer leur coup… ça répond à une loi naturelle comme la migration des oiseaux, les phases lunaires et la rotation de la terre… et en général, vois-tu, ce qui vont au KL, c’est plutôt pour tirer leur coup avec des nanas… »…

    « Ok, mais alors ça ne sert à rien que Thibault se la joue ami-ami, je n’ai rien à foutre de son amitié si c’est pour voir ça… » je m’énerve.

    « Ca n’empêche pas que Thibault soit un très bon gars… » enchaîne calmement Elodie sans se démonter, sans réagir à mes mots « et je pense vraiment qu’il a envie de devenir ton pote… »

    « Mais… » je suis coupé dans mon élan.

    « Tais-toi et laisse moi finir… » finit-elle par me balancer calmement mais fermement devant ma tentative de repousser son raisonnement très logique avec des objections complètement surréalistes ; et elle continue « et à ta place, moi j’accepterais son amitié sans réserves… bien sur, mon avis est toujours le même… Jérém t’apporte autant de mal que de bien, et peut-être même plus de mal que de bien… le mieux ce serait que tu lâches l’affaire et que tu passes à autre chose… surtout que tu as une touche ailleurs, quartier de la Halle aux Grains, vois-tu ?… mais je sais aussi que tu en es bien incapable, car tu l’as trop dans la peau ton Jérém… alors, si tu veux avoir une chance de garder un peu plus longtemps ton con de brun, t’as tout intérêt à saisir la main que Thibault est en train de te tendre…

    Thibault est peut-être la personne qui connaît le mieux Jérém au monde, et apparemment il ne se fait pas prier pour te faire profiter de son savoir… pour peu que tu sois un peu futé pour ne pas montrer à ton brun que tu sais des choses sur lui que tu n’es pas censé savoir… ce qui mettrait Thibault dans l’embarras par rapport à son pote, là tu tiens un allié de taille pour mieux cerner ton serveur… de plus, je suis sure qu’il sait tout de vous deux et que tu peux dès maintenant lui parler franco…

    A contrario, si tu te fâches avec lui à cause de ce genre de conneries, je suis sur que tu vas passer à coté de quelque chose et tu vas le regretter…

    Et puis, au delà de tout, je suis sur que d’avoir un pote comme Thibault, loyal, solide, gentil et attentionné, va te faire un bien de fou… il va t’apporter de la stabilité, de la confiance… et peut-être – elle rigole - se charger d’une partie de mon boulot d’assistante sociale… dis-moi, cousin, ça ne te plairait pas de pleurer dans les bras musclés de Thibault plutôt que dans les bras frêles de ta cousine ?»

    Certes, vu comme ça, ça donne envie de faire confiance au beau Thibault. Blagues à part, je sais que une fois de plus ma cousine a vu juste sur tous les tableaux. J’ai de la chance de l’avoir.

    « Tu as raison, ma cousine… » je finis par admettre « j’ai l’esprit embrouillé et je n’arrive pas à y voir clair… »

    « Trop d’émotions, mon cousin… » elle plaisante.

    « C’est ça ».

    Elle a réussi à me calmer. C’est une véritable sorcière. Je vais l’appeler cousine Halliwell.

    « Il y a juste un truc qui pourrait clocher… » elle reprend.

    « A savoir… » je m’inquiète.

    « Thibault va être ton allié, à moins que… » elle réfléchit au même temps qu’elle parle.

    « A moins que… quoi ? Balance ! » je m’impatiente.

    « Thibault sera ton allié, à moins qu’il en pince lui aussi pour son pote… » finit-elle par asséner. 

    « Tu crois que c’est possible ? » je feins de m’étonner, alors que ce genre d’idée traverse mon esprit depuis le début de la semaine. 

    « Je ne sais pas, tout est possible… ces deux là me semblent très proches, après c’est peut-être qu’une simple amitié… » considère-t-elle. 

    « Si Thibault en pince pour Jérém il ne me sera d’aucun secours » je réfléchis à haute voix. 

    « C’est le risque à prendre, mon cousin… » 

    « Naaaaaan… ce ne sont que des potes… » j’essaie de me rassurer, là aussi à haute voix. 

    « Tu sais, un plan à quatre, c’est symptomatique… » avance-t-elle. 

    « Symptomatique de quoi ? » je demande bêtement. 

    « Mon dieu, mon dieu, il faut vraiment tout te dire à toi… on se demande comment tu peux être mon cousin, comment on peut avoir des gènes en commun… » plaisante-t-elle ; et elle continue « au delà du fantasme de se taper deux nanas au même temps, un plan à quatre peut être révélateur de deux potes qui se kiffent sans oser franchir le tabou de coucher ensemble… un plan à quatre c’est plus intense que de se voir à poil dans un vestiaire, mais moins grave que de franchir le pas de se toucher, de coucher ensemble… » 

    « Je n’ai jamais envisagé ça comme ça… » je réponds, interloqué. 

    Elodie continue dans sa lancée : 

    « Voir quelqu’un qu’on kiffe en train de prendre son pied, même tout seul, je trouve ça très excitant… pas toi ? » 

    « Ça, c’est vrai… » je finis par admettre tout en repensant à Jérém en train de se branler brièvement, parfois, avant que mes lèvres ne se posent sur sa queue… c’est vrai que j’ai toujours trouvé ça terriblement bandant… tout comme j’ai été certes jaloux, mais excité quand même, de le voir baiser une nana un jour où j’avais débarqué chez lui un peu en avance… tout comme j’ai été très très jaloux et très très excité et bien plus encore la nuit où je l’avais regardé baiser son cousin… mais ce sont des épisodes que je n’ai toujours pas racontés à ma cousine, alors je freine ma langue avant de gaffer… 

    « Merci d’avoir éclairé ma lanterne, ma cousine… » 

    « De rien, cousin, quand tu ne sais pas tu demandes… et même si tu sais, dans le doute tu demandes quand même… » 

    « Tu es adorable Elodie… »

    « Tu es touchant, mon cousin… »

    « Je suis trop con, tu veux dire »

    « On n’est jamais con quand on aime, on est juste vulnérables… »

    « Merci Elodie… »

    « Tu sais ce qui te reste à faire… » elle enchaîne.

    « Quoi donc ? » je m’étonne.

    « Putain qu’est-ce que tu es bouché comme mec, c’est pas possible… » plaisante-t-elle, se forçant à avoir un air agacé ; puis elle balance « t’aurais pas par hasard un 06 en attente de rendez-vous ? Je sais pas… genre un mec à qui t’as posé un lapin en début de semaine et avec qui tu aurais envie de passer un bon moment pour te consoler ? ».

     

    Pendant ce temps, rue de la Colombette…

     

    [Attention : ce texte contient des passages et des « images » pouvant heurter la sensibilité de certains esprits « gay only »… esprits sensibles, s’abstenir…] 

     

    Dimanche 1er juillet 2001, 3h36.

     

    A quatre sur le lit dans le studio de rue de la Colombette, les filles allongées sur le dos, les corps musclés des garçons prenant appui sur les genoux et sur les mains plantées sur le matelas, les deux potes et leurs partenaires d’un soir, emboîtés par couples, sont bien engagés sur le chemin qui conduit au plaisir.

    Plutôt flattés dans leurs fierté de mâles par le fait de voir sur le visage de leurs partenaires les signes d’une jouissance si différente de la leur, mais à l’apparence très intense, les mecs sont en train d’approcher tout doucement de l’orgasme… les ondulations des bassins sont amples, puissantes, comme cadencées sur un seul et unique mouvement…

     

    [Une semaine déjà... une semaine de deuil et d’incrédulité, une semaine de questions et de tristesse pour ceux qui sont parti avant l’heure et pour leurs familles, leurs amis…

    Je me suis demandé pendant un temps s'il ne fallait pas marquer une pause dans ce récit pour la mémoire de celles et de ceux qui ont perdu la vie dans les horribles événements du 13 novembre. Tout ceci est bien peu de chose face à ce drame immense.

    Et puis je me suis dit qu'il ne faut pas céder à la peur. Oui, on peut avoir peur, on doit avoir peur, mais il ne faut pas y céder. Je me suis dit qu'il faut continuer à avancer la tête haute. Qu'il faut que la vie continue.

    Pour montrer que ce n'est pas avec la menace, l'intimidation et la violence que les problèmes de ce monde trouveront une solution.]


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    [Attention : ce texte contient des passages et des « images » pouvant heurter la sensibilité de certains esprits « gay only »… esprits sensibles, s’abstenir… Pour les autres, les surprises ne sont pas finies… avec peut être la réponse à la question : en réalité, qui couche avec qui ?].

     

    Dimanche 1er juillet 2001, 3h36.

     

    A quatre sur le lit dans le studio de rue de la Colombette, les filles allongées sur le dos, les corps musclés des garçons prenant appui sur les genoux et sur les mains plantées sur le matelas, les deux potes et leurs partenaires d’un soir, emboîtés par couples, sont bien engagés sur le chemin qui conduit au plaisir mutuel.

    Plutôt flattés dans leurs fierté de mâles par le fait de voir sur le visage de leurs partenaires les signes d’une jouissance si différente de la leur, mais à l’apparence très intense, les mecs sont en train d’approcher tout doucement de l’orgasme… les ondulations des bassins sont amples, puissantes, comme cadencées sur un seul et unique mouvement…

     

    On pourrait se demander pourquoi ce soir là, au lieu de rentrer avec Nico pour des révisions post-bac en nocturne, révisions dont il avait par ailleurs bien envie, surtout après les mots que Nico lui avait balancé à l’oreille au KL, Jérémie avait préféré se payer un plan à quatre avec son pote Thibault et deux nanas levées sur le pouce sur le bord de la piste de danse…

    Hélas, rechercher de la logique dans les agissements d’un garçon tel qu’était Jérém à ce moment là, à savoir un garçon se posant de plus en plus de questions sur sa sexualité, cela relève du mystère cosmique… son comportement ne suivait même pas ses véritables envies… son comportement n’était que le fruit de ses coups de tête…

    Oui, c’est sur un coup de tête que Jérém s’était dit ce soir là :

    « Tiens, ce soir j’ai envie de jouir comme un vrai mec… c'est-à-dire… dans une chatte… tiens… j’ai envie que mon meilleur pote assiste à cet exploit… j’en ai envie en premier lieu pour faire taire ses doutes… ses questionnements… j’en ai envie car, il faut bien l’admettre, l’idée de prendre mon pied et de jouir sous ses yeux ça me fait un drôle d’effet… tout comme ça me chatouille également l’idée de le voir prendre son pied à lui… et puis il faut que je montre à Nico que je peux me passer de lui, il faut que je me montre à moi-même que je peux me passer de lui…  ».

     

    Le lit est étroit et, dans le feu de l’action, dans la fougue des deux jeunes étalons, à un moment les épaules musclées se frôlent… lorsque ce premier contact se produit, les deux garçon ressentent un frisson… un frisson, inattendu et puissant, capable de leur faire se demander si l’autre a ressenti la même chose… les têtes se tournent discrètement, les regards se cherchent, se croisent… il faut bien admettre que le contact avec la peau de l’autre, douce, chaude, moite, est très excitant…

    D’abord accidentels, ces petits contacts deviennent rapidement intentionnels, participant à l’excitation du moment… les épaules nues se frôlent encore, encore et encore… les hanches se touchent, les cuisses se frottent, les genoux se caressent, les doigts s’effleurent…

    Pendant que ses coups de reins lui apportent son plaisir de mec, Jérém se rend compte qu’il n’arrête pas d’y penser… de penser à une galipette sous une tente il y a bien longtemps… oui, tout en prenant son pied « comme un mec », Jérém se surprend à focaliser son désir non pas sur le corps et le plaisir de sa partenaire, mais sur le corps viril de son pote…

    Pour Thibault, les choses sont bien différentes…

    Pendant que ses coups de reins lui apportent son plaisir de mec, Thibault se rend compte qu’il n’arrête pas d’y penser… de penser à une galipette sous une tente il y a bien longtemps… oui, tout en prenant son pied « comme un mec », Thibault se surprend à focaliser son désir non pas sur le corps et le plaisir de sa partenaire, mais sur le corps viril de son pote…

    Bah, finalement non, à bien regarder, pour Thibault les choses ne sont pas si différentes que pour Jérém…

    La tension érotique entre les deux garçons est palpable… à bien les regarder on aurait eu l’impression que les deux co-équipiers étaient davantage troublés par la découverte de leurs nudités excités (car en ce qui est de leurs nudités tout court, ils connaissaient cela très bien grâce aux vestiaires du rugby)… oui, à bien regarder on aurait dit que les deux garçons étaient plus intéressés par l’observation de leurs plaisirs respectifs dans l’acte sexuel, que par la présence et les atouts féminins des deux nans recrutées pour soulager leurs besoins de mâles…

    Leurs queues enfoncées bien profondément « comme des mecs », l’excitation fait émerger des images troublantes mais très nettes dans leurs esprits... mon pote... son envie... mon envie… son plaisir, mon plaisir… deux corps moites de transpiration qui se touchent, qui presque se caressent… leur excitation… leur excitation mutuelle fera que, lorsque Jérém déchargera sa semence, Thibault lui emboîtera le pas de très près… le beau serveur n’a pas lâché sa dernière éjaculation que déjà le charmant mécanicien envoie son premier jet dans sa capote…

    Les deux potes ont joui ensemble… et c’est encore ensemble, avec des gestes, des attitudes de mec presque identiques, qu’ils se retirent de leurs partenaires, se relèvent, se débarrassent de leurs capotes pleines qu’ils vont jeter à la poubelle de la kitchenette, en évitant tout regard.

    Un garçon qui a tiré son coup, surtout lorsqu’il s’agit d’un coup de baise pure, une fois qu’il a joui, est souvent un garçon lâche. Triste et lâche. Jérém enfile son boxer, Thibault en fait de même… malgré leurs attributs masculins désormais cachés, bien que suggérés par le tissu fin et élastique, leurs torses dessinés ondulant sous la vague sensuelle d’une respiration qui n’est pas encore redevenue tout à fait normale après l’effort sexuel, la peau moite, le front dégoulinant de sueur, les deux rugbyman inspirent toujours autant le sexe et la virilité… il n’y a rien de plus beau qu’un garçon à poil en train de prendre son pied… tout comme il n’y a rien de plus terriblement bandant qu’un beau garçon torse nu, avec un boxer, un short ou un jean… et surtout, il n’y a rien de plus craquant qu’un beau garçon qui vient de jouir…

    Sans un mot, Jérém se dirige vers le frigo, il en sort des bières qu’il décapsule… il en garde une, il passe les autres à Thibault, ce dernier les fait suivre aux nanas… Jérém prend une bonne gorgée de la sienne et, toujours sans un mot, se dirige vers la terrasse, suivi par son co-équipier…

    Dans la pénombre, il roule une cigarette magique… il l’allume, il en tire une longue taffe et il la passe à Thibault… ce dernier tire dessus à son tour, ensuite il la rend à son pote…

    Ayant retrouvé un début de contenance en passant leurs sous-vêtements, un instant plus tard les filles les rejoignent en terrasse accompagnées par leurs bières tout juste entamées… dans le silence de la nuit de printemps, la cigarette magique passe de main en main, de lèvre en lèvre… tout le monde en veut, car tout le monde le sait, il n’y a qu’elle qui soit capable de rendre ce moment, ce silence pesant un peu plus supportable… de plus, elle donne des ailes, elle donne des envies…

    Ce sont les nanas qui proposent de remettre ça. Les deux garçons n’y voient évidemment aucun inconvénient, mais Jérém y met une condition, et pas des moindres.

    « On change de partenaire et… on fait ça par derrière… »

    Du pur Jérém. Direct, précis, fracassant. Malgré le joint, les deux nénettes affichent d’abord une moue surprise… sur le coup, stupéfait de la requête de son pote, Thibault est lui aussi mal à l’aise… d’abord à cause de la façon directe dont Jérém a balancé ses mots, avec son assurance et son arrogance culottée de ptit coq…

    Ensuite, ce qui met également Thibault mal à l’aise c’est le fait que Jérém ait envie de faire ça « avec » lui… devant lui… certes, Jérém lui a raconté que parfois il aime faire ça avec les filles… mais de là à le voir faire… et à le faire avec lui… ils n’en ont jamais parlé… déjà que ce plan à quatre a été un coup de tête de Jérém qui n’était absolument pas prévu…

    Pour finir, le fait est que… Thibault n’a encore jamais fait ça de sa vie… il ne sait pas comment ça se passe, il ne sait pas comme une nana va réagir à « ça »…

    Devant des mines dubitatives, Jérém ne se démonte pas… il sait ce qu’il veut, et il sait qu’il va l’avoir… son regard est ferme, déterminé…

    Les filles se concertent en silence, avec de simples échanges de regards… elles finissent par s’échanger un sourire complice… Thibault capte un léger mouvement de fierté dans le regard de Jérém… ce dernier lui balance un petit clin d’œil furtif… il vient de comprendre que c’est gagné…

    « T’es un petit coquin, toi… » finit par lancer la blonde qui a couché avec Thibault.

    Jérém ne répond pas, caché derrière sa bière et son joint… il regarde carrément ailleurs, il attend une réponse qui dans son esprit ne peut être que positive. Dans sa tête c’est, soit elles sont partantes, soit elles partent. Le silence s’installe, gênant, surtout pour Thibault. Puis, au bout d’un petit moment, la blonde finit par balancer :

    « C’est ok, mais allez y mollo les gars »

    Puis elle approche la bouche de l’oreille de Jérém pour lui chuchoter :

    « Si on échange, d’abord on a envie de vous sucer… encore… »
    Jérém affiche un petit sourire triomphant qui aurait du normalement énerver les deux nanas… ça aurait été la réaction normale devant un petit mec aussi sûr de lui, aussi insolent, aussi macho… oui, ç’aurait été la réaction normale si son charme n’avait pas cet effet ravageur, lui ouvrant toutes les portes… son jeu de domination est en route, Jérém a encore tout remporté, haut la main…

    Le dos appuyé à la rambarde en maçonnerie pleine de la terrasse, Jérém pose son joint et sa bière sur le rebord… il porte ses mains sur les hanches, les pouces se glissent entre sa peau et le coton du boxer, le tissu léger descend lentement, sa queue presque raide se montre dans la pénombre…

    Un instant plus tard la blonde est à genoux en train de le prendre en bouche… la brune lui emboîte le pas, elle se met à genoux devant Thibault et lui descend le boxer, pour se lancer dans une pipe que Jérém juge timide, faite du bout des lèvres, comme il avait jugé la sienne quelques minutes plus tôt…

    Pendant qu’il se fait sucer sur sa terrasse dans la tiédeur de la nuit de ce début d’été, Jérém finit par se faire la réflexion que la blonde suce mieux que la brune, mais qu’elle est à des années lumières de la perfection d’une pipe à la Nico… pas de gorge profonde, pas de mouvements synchronisés entre les lèvres et la langue… une langue qui est presque statique…

    Il reprend alors son joint pour essayer de se shooter un peu plus… il se dit que peut être en étant un peu plus stone il arrivera à prendre davantage son pied dans cette gâterie bien en deçà de ce dont il est habitué… il tire trois fois dessus, avant de le passer à son pote… il attend que son cerveau reçoive une décharge de plaisir… hélas, les minutes passent et rien n’y fait… l’effet du joint est bien là, mais sa frustration sexuelle demeure inchangée, elle va même grandissant… pendant un instant il a envie de changer de position… de coincer la tête de la blonde contre la rambarde, comme il le fait avec Nico parfois… mais il n’a jamais osé faire ça à une nana… en fait il y a plein de trucs qu’il n’a jamais osé faire à une nana… c’est bien la raison pour laquelle il aime autant coucher avec Nico…

    Jérém en aura vite marre… et quand Jérém en a marre, il sait comment faire bouger les choses. En y mettant les formes :

    « Maintenant on baise ! »

    C’est un ordre de mâle dominant, tel le brame du cerf, un ordre sexuel que les deux filles n’auront pas de mal à intégrer. Son attitude est d’un machisme insupportable… pourtant, son incroyable sexytude, son aplomb, sa détermination virile font que, devant ses ordres, on ne peut pas faire autrement que s’exécuter…

    Pendant que les filles prennent la direction du lit, Jérém prend le temps de tirer une dernière taffe sur son joint avant de le passer une dernière fois à son pote… pendant que ce dernier prend une bouffée de fumette, Jérém croise son regard… devinant son inquiétude, il tente de l’encourager avec un sourire… puis, voyant le stress de son pote demeurer, il approche les lèvres de son oreille pour y chuchoter :

    « Tu vas voir comment c’est bon… »…

    Un instant plus tard les deux mecs enfoncent leurs queues capotées dans des trous bien offerts… la sodomie, voilà une pratique complètement inédite pour ce gentil Thibaut, une pratique qu’il a accepté d’expérimenter pour ne pas déplaire à son pote… une pratique qu’il finira par aimer assez rapidement… il l’aimera pour le plaisir physique déjà… c’est si serré un petit trou, ça fait des sensations si différentes par rapport à une chatte… il l’aimera ensuite pour ce que cette pratique lui évoque des fantasmes refoulés depuis si longtemps…

    Jérém, quant à lui, ne se privera pas de pilonner ce cul offert en pensant à la rondelle de Nico, la capote en trop… à un moment Jérém se surprend à se demander ce qu’il fait avec ces deux nanas alors qu’il a envie d’être avec Nico, mais la présence de Thibault le rassure… 

    Oui, les deux garçons ont l’air de bien prendre leur pied… et tout cela, sans compter l’aspect le plus excitant de cette position, c'est-à-dire le fait de permettre aux deux potes, libérés du contact visuel avec leurs partenaires, de se sentir plus libres dans leurs regards, dans le contact de leurs corps… ainsi, dès les premiers coups de reins, les geste se délient, les épaules nues se frôlent avec plus de facilité, les hanches se frottent avec plus d’intensité, les cuisses se caressent, les genoux s’appuient l’un contre l’autre, les doigts se rencontrent…

    Des contacts qui, dans l’excitation de ce moment sensuel, n’ont plus rien d’accidentel, comme des envies silencieuses se dévoilant avec de moins en moins de retenue…

    Les corps musclés sont parcourus par des frissons puissants, les bassins ondulent sous la vague d’un plaisir qui est autant sexuel que sensuel… les deux coéquipiers se cherchent, les regards se croisent avidement, s’aimantent, le plaisir monte, la jouissance approche…

    Leur excitation, leur excitation réciproque est comme un bolide lancé à toute vitesse, on a passé le point de non retour, les 88 miles par heure approchent, ça va faire des étincelles, ça va péter et on va changer de dimension… le continuum espace-temps va s’infléchir… ainsi,  dans les esprits altérés par la drogue puissante du plaisir combinée au mélange explosif avec celle dévastatrice de l’interdit, tout devient possible… les regards se croisent, brûlants de désirs quasi identiques, exprimant bien plus de choses que n’importe quel mot… leurs coups de bassin se règlent a la même cadence…

    Le corps et l'esprit secoués par ce plaisir inédit et intense, Thibault frissonne, en tremble presque… lorsque Jérém le regarde (et ce coup ci, libéré du regard de leurs partenaires, il ne s’en prive pas), il trouve ça incroyablement excitant et beau… devant son pote en nage, la respiration profonde et rapide, en train de découvrir ce plaisir jamais expérimenté, à la fois conquis et dérouté, pendant que son propre plaisir gagne chaque fibre de son corps et submerge sa conscience, Jérém ressent un truc nouveau pour Thibault... son plaisir le touche… plus que ça, presque ça l’émeut…

    Il sent que Thibault est comme perdu face à cette situation inattendue, une situation plaisante, certes, mais déroutante… une sodomie, un plan à quatre avec son pote de toujours… pour la première fois depuis très longtemps, Jérém ressent la sensation grisante de pouvoir faire découvrir un truc à Thibault et, qui plus est, un truc sexuel aussi plaisant… il adore l’idée d’être là pour le rassurer, d’être là pour son pote comme ce dernier l’a toujours été pour lui…

    Jérém est lui aussi secoué par un plaisir débordant… son corps, son esprit le sont au même titre, avec la même intensité… et lorsqu’on prend son plaisir aussi intensément, c’est incroyable les images de dingue que l'excitation peut provoquer dans notre esprit... des images qui sont cachées au fond de nous et que, lorsque notre conscience est dans son état normal, on arrive à gérer, à calmer… mais lorsque le plaisir des sens prend possession de notre être tout entier, elles nous explosent à la figure avec une puissance dévastatrice, une puissance qui, pour peu, leur ferait presque prendre le contrôle de nos actions malgré nous… et c’est justement ce qui se produit parfois à ces moments là, sous l’effet de l’ivresse du plaisir sexuel montant, on dit et on fait des choses que l’on ne dirait et que l’on ne ferait pas à d’autres moments, des mots et des choses que souvent on regrettera « à tête froide »… 

    Le fait de voir son pote submergé, débordé, presque dépassé par le plaisir, lui donne envie de le faire jouir encore plus... Jérém se sent violemment attiré par son coéquipiers… il a envie de le serrer dans ses bras, de le caresser, il a envie de sentir son torse sur le sien, les tétons se frôler, les bassins se rencontrer, les queues se mélanger, de se perdre dans cette intimité de mec, de vrais mecs… 

    A bien regarder, ça fait un sacré bout de temps que cette idée a pris racine dans son esprit… car, il faut bien l’admettre, la beauté de son pote ne le laisse pas froid… bien au contraire…

    Combien de fois, en le voyant sous les douches après les entraînements, il avait eu envie de poser le regard sur sa nudité… envie de mater sa queue et de l’avoir dans sa main comme cette nuit de l’été de ses 13 ans sous la tente en camping… envie de jouir ensemble en se branlant l’un l’autre…

    Combien de fois, en le voyant approcher de son casier (juste à coté du sien) après la douche, avec la serviette qui glisse sur la peau et qui fait apparaître et disparaître des détails anatomiques troublants, en sentant l’odeur de sa peau humide, en sentant la proximité de sa nudité intégrale, en sentant le contact furtif entre épaules, dos, torses qui se frottent parfois au gré de mouvements involontaires… oui, combien de fois Jérém avait senti sa queue commencer à frétiller… combien de fois il avait du se rhabiller en vitesse pour éviter de montrer une érection suspecte…

    Combien de fois Jérém avait eu l’impression que pendant qu’il prenait sa douche, Thibault le regardait à son tour de façon insistante… et lorsqu’il approchait des casiers avec sa serviette nouée en dessous de sa taille, il avait parfois eu la nette impression que son pote le toisait, qu’il le matait… plusieurs fois, Thibault lui avait même fait des réflexions sur sa chute de reins qu’il trouvait très harmonieuse, sur son torse, qu’il trouvait très bien dessiné, sur son corps qu’il trouvait de plus en plus sculpté grâce à la muscu qu’il faisait après les entraînements…

    Et combien de fois il avait eu la certitude que lorsqu’ils se retrouvaient devant leurs casiers respectifs, Thibault aussi commençait à bander sous la serviette… et quand il l’enlevait pour se rhabiller, lorsqu’il se tournait pudiquement de l’autre coté pour préserver son intimité, avec pour résultat de lui montrer ses jolies fesses, Jérém bandait dur dans son jean… mille envies lui happaient l’esprit… frotter sa queue dans sa raie, l’exciter ainsi pendant qu’il se branlait jusqu’à en jouir…

    Un dimanche après-midi après un match, il s’était produit quelque chose de troublant… dans l’euphorie d’une victoire remportée de justesse, ça rigolait entre mecs… l’attention toute consacrée à la déconnade, Jérém avait ôté la serviette autour de sa taille avant de commencer à s’habiller… sans vraiment y prêter attention, pressé de partir ce jour là, à un moment Thibault avait pivoté de tout son corps pour attraper ses affaires… au même moment, tout en discutant avec un autre coéquipier, Jérém s’était déplacé sans faire attention… et là, dans un enchaînement involontaire de mouvements, la main de Thibault avait effleuré le bout de la queue du beau brun… très gêné, Thibaut s’était excusé discrètement tout en laissant traîner un long regard…

    Et combien de fois, lors de certaines fins de soirée un peu chargées, Jérém avait eu l’impression, lorsque leurs regards se croisaient, qu’il y avait entre eux une façon de se chercher en permanence, une complicité à la limite de la sensualité… une complicité faite de sourires, de clins d’œil malicieux et balancés au bon moment, de tapes sur l’épaule, de caresses dans le cou…

    Coucher avec Thibault… voilà une idée de dingue… pourtant, ça fait si longtemps que Jérém a envie de le sentir son corps de mec contre le sien… envie de sentir s’abandonner dans ses bras puissants…

    « Avec Thibault » il s’imaginait « ça ne serait pas du tout pareil qu’avec Nico… nous sommes deux mecs… ce ne serait qu’un truc entre deux potes qui se font plaisir, deux amis, les meilleurs amis du monde qui se font du bien… rien de plus, il n’y a pas de mal à se faire du bien… ».

    C’est dingue comme l’excitation peut faire naître en nous les fantasmes les plus fous… à moins que… oui, à moins que ce ne soit pas elle qui les fait naître… à moins que, lorsqu’elle secoue notre être tout entier, l’excitation ne se contente que de déblayer provisoirement notre esprit de tout tabou, tout conditionnement, toute crainte pour les conséquences de nos actions, qu’elle ne fasse que libérer nos envies les plus profonde et refoulées…

    Le fait est que l’excitation sensuelle, tant qu’elle nous tient, possède ce pouvoir provisoire, mais immense et dangereux de faire disparaître la notion de l'avenir et, avec elle, le fardeau, le lestage qu’est la conscience des conséquences futures de nos actions présentes… dès lors, tout devient possible…
    Lorsque l’excitation des sens a pris le contrôle de tout notre être, on n’est plus que désir… et le désir, comme le plaisir, ne se décline qu'au présent… ou oublie l’avenir, et avec ce dernier, toutes nos peurs… car c’est la conscience de l'avenir qui génère toutes nos craintes… si un jour de grâce on perdait la conscience de l'avenir, on se retrouverait soudainement libérés de toute inquiétude… la peur des conséquences de nos actions… la peur de la solitude, la peur de perdre la personne qu'on aime… les peurs matérielles… la paix, la sécurité, la santé, le travail, l’argent… jusqu’à la peur ultime, celle de vieillir et de devoir partir un jour

    Et lorsque, en plus, ce plaisir est pris avec la personne qui compte pour nous, voilà, on oublie tout, tous nos soucis, tous nos tracas… le passé et l’avenir ne sont plus… il n’y a que l’instant présent, il accapare tout notre esprit… à ce moment là on se sent tout puissants, on se sent immortels…

    Jérém regarde Thibault en train de coulisser entre des fesses bien offertes et il se dit qu’il adore voir son pote prendre son pied de cette nouvelle façon, un pied qu’il lui a offert, juste en le lui faisant découvrir… il adore également l’idée d’être là pour assister à cette nouvelle et puissante jouissance de son pote, une jouissance à laquelle Thibault ne s’attend pas mais que Jérém le sait, il va le ravir…

    Ca l’excite terriblement car quelque part c’est « lui » qui va le faire jouir… d’une façon certes différentes de celle qu’il a pu parfois fantasmer, mais n’empêche, c’est grâce à lui qu’il va découvrir la sensation foutrement excitante de sentir sa queue bien serrée dans un petit cul…

    Perdu dans le bonheur d’avancer avec Thibault dans le territoire inconnu de ce plaisir interdit, Jérém sent l’orgasme approcher… et c’est autant pour faire plaisir à son pote que pour une irrésistible envie de contact avec sa peau, que Jérém a l’idée d’un geste inattendu… tendre…

    Oui, faute de pouvoir, dans cette configuration de baise aux participants trop nombreux, dans une configuration mentale où la peur de compromettre une amitié empêche bien des choses, donner libre cours à ses envies de mélanger son corps avec celui de son pote, Jérém se laisse aller un geste tendre… il peut se permettre ça avec son pote, alors qu’il ne peut pas envisager ça avec Nico… car il sait que Thibault, à différence de Nico, ne va pas prendre ça pour ce que ce n’est pas… il sait que Thibault va mettre ce geste sur le compte des gestes d’amitié et qu’il n’attendra rien de plus de lui…

    Son bras de lève, sa main se pose sur le cou de Thibault à la base de sa nuque, les doigts s’enfoncent dans ses cheveux comme une caresse douce, sensuelle et excitante a la fois ; un geste qui, au même titre que le regard sensuel qui l'avait accompagné, avait encore augmenté l'excitation de Thibault, l’approchant de sa jouissance…

    Après une première réaction de surprise face au geste inattendu et super agréable de son pote, après un petit instant d’hésitation sur le fait de répliquer de le même façon, chose qui lui fait drôlement envie, le bras du beau mécanicien se lève à son tour pour se poser sur le cou de Jérémie…

    Quelques coups de reins encore, un échange de regards complices avec son pote et voilà que son corps, depuis un bon moment déjà secoué par des frissons puissants, n’avait pas pu se retenir plus longtemps… un instant plus tard Thibault avait joui… et à son tour, la jouissance du beau mécanicien avait précipité celle du beau serveur…

    Et c’est en se tenant par le cou, les bras enlacés dans une étreinte sensuelle et moite que, comme lors de la première « mi-temps », les deux coéquipiers avaient joui pratiquement au même moment… découvrant le bonheur de prendre ensemble leur plaisir de mec…

    Ils l’ont fait… ils ont joui ensemble… dans le même lit, au même moment… Jérém a joui tout en enlaçant le cou de son pote Thibault… Thibault, quant à lui, a joui en se disant que Jérém avait raison, ce « truc » était vraiment bon... bon au delà du raisonnable… et les deux ont joui en pensant au plaisir de l’autre…

    Hélas, la jouissance masculine est un oiseau qui s’épuise dans son envol… l’ascension vers le plaisir est tellement puissante et rapide qu’on a du mal à réaliser que le retour au sol nous guette instantanément… oui, la fierté masculine est comme un albatros, très majestueux lorsqu’il se déploie en vol, mais vraiment maladroit lorsqu’il touche le sol… une fois le plaisir venu, passé, l'excitation retombée, lorsque les yeux se rouvrent et la conscience revient après la petite absence autour de l’orgasme, le retour à la réalité peut se révéler dur à affronter… les regards aimantés ne le sont plus, il ne s’attirent plus, il se fuient… le contact de la main de Jérém s’évapore rapidement, ce contact de peau est désormais devenu trop lourd à assumer pour l’un… alors qu’il va bien vite manquer à l’autre
    Les deux garçons se retirent rapidement… Thibault enlève sa capote… Jérémie enlève la sienne… les boxers recouvrent vite des nudités devenues soudainement gênantes… pendant que les nanas se relèvent à leur tour en prenant la direction de la salle de bain, Jérém balance que c’est prévu que son pote reste dormir, une façon de dire sans le dire qu’il faut qu’elles partent…

    « Ah d’accord… » ce sera la réaction un peu déçue de la blonde.

    « J’appelle un taxi ? » balance froidement le beau brun.

    « T’inquiète, mec, va fumer ta clope, on se débrouille… » se fera remballer le beau brun.

    Jérém disparaît alors en terrasse…

    Une fois de plus surpris par l’attitude désinvolte de son pote, Thibault reprend sa bière, s’installant à l’angle opposé de la terrasse, dans la pénombre…

    « Je pourrais les raccompagner… » s’avance le bon Thibault.

    « C’est super tard, tu es fatigué, tu peux rester dormir ici… en plus demain on a match… » répond Jérém, le regard perdu dans la rue.

    Thibault se sent en effet tomber de fatigue et l’idée de rester dormir avec son pote lui parait agréable. Pendant que les deux nanas sont à la douche, Thibault repense à l’expérience sexuelle qu’il vient de vivre… le beau mécanicien est encore interloqué par le plaisir inédit et interdit que cette première sodomie lui a procuré... jouir dans un petit cul, sa queue enserrée bien au chaud... ce pied de fou… c’était incroyablement excitant et jouissif... ça devait être l’effet de la nouveauté...

    Mais au delà des explications avec lesquelles le bon sens légendaire de Thibault essayait d'expliquer cela, force était de constater que ce qu’il venait de vivre allait au delà de tout ce qu'il avait vécu sexuellement jusqu'à ce jour là, mieux qu'un sexé féminin, mieux que tout... et c’était bien aussi et surtout car son pote était là, à coté de lui… oui, Thibault avait adoré ce « truc », et il avait adoré voir que Jérémie aussi avait l’air de bien aimer, de très bien aimer ça…

    Voir son pote prendre son pied au même temps que lui... capter son regard qui lui avait semblé chargé de désirs non exprimés, les mêmes que les siens, un regard qui lui avait semblé annoncer plein de découvertes ultérieures, comme si cet instant de plaisir partagé ce n’était que le début d’une intimité plus profonde à venir, à venir à un moment ultérieur, lorsqu’ils seraient enfin que tous les deux… comme si cette idée de Jérém de faire un plan à quatre ce n’était qu’une excuse pour un rapprochement entre garçons…

    Et puis, à bien regarder, cette idée de Jérém de prendre les filles par derrière ressemblait à une perche tendue vers un désir inavoué de sexualité entre garçons…

    Mais le plus dingue pour lui, c’était bien ce geste inattendu et incroyable de Jérém, cette caresse dans son cou… un geste de potes tant de fois échangé entre eux, exprimant amitié et affection mais qui là semblait se charger de bien d’autres significations…

    C’est le bruit de la porte de la salle de bain en train de s’ouvrir qui se chargera de tirer Thibault de ses rêveries en se disant qu’il allait vraiment trop loin, qu’il prenait ses rêves pour des réalités. Les deux nanas sont rhabillées, prêtes à partir.

    Les entendant approcher, Thibault traverse la terrasse et se place dans l’encadrement de la porte fenêtre torse nu… Jérém a fini sa deuxième cigarette, il boit le fond de sa bière et vient se poster derrière son pote, ses pectoraux frôlant le dos du beau mécanicien… sa bosse effleure ses fesses… ce dernier ressent instantanément un frisson parcourir son corps et converger vers sa queue… il se retient de justesse de montrer l’effet que ces contacts lui procurent… il se dit que la fatigue n’est qu’un détail face au désir… et que si jamais leurs corps se frôlent dans le lit, ça ne va pas être facile de trouver le sommeil…

    « On y va, une copine à elle va venir nous chercher… » annonce la blonde en indiquant la brune.

    « Ok » répond Thibault, toujours un peu mal à l’aise.

    « Voilà nos numéros si l'envie vous prend de recommencer… l'un ou l'autre ou tous les deux... » elle annonce en glissant dans la main de Thibault un bout de papier qu’elles avaient dû remplir de concert pendant leur longue halte dans la salle de bain. 

    Et sans se démonter devant le silence des eux garçons elle continue, le regard dans le vide : 

    « Pour vous les gars, c’est quand vous voulez comme vous voulez... par devant… par derrière... et si ça vous tente, même sans capote... ». 

    Jérém ne peut s’empêcher de laisser échapper un petit sourire de jeune coq fier que sa sexualité et celle de son pote aient emballé deux poulettes de plus.  

    « Même maintenant… » avait balancé la blonde en regardant le beau brun droit dans les yeux. 

    Un instant plus tôt, Jérém s’était dit que ce qui le rendait heureux aussi, c’était le fait que les deux nanas semblaient avoir été emballées autant par lui que pas son pote… mais à bien regarder, voilà que le regard de cette blonde semblant lui avouer sa petite préférence pour lui, lui donnait une fierté encore plus grande… une fierté ultime de mâle chef de meute, de mâle dominant…  

    Ça aurait pu se fini avec une dernière pipe vite fait à cote de la porte d'entrée si seulement les deux mecs avaient bien voulu saisir la perche... au lieu de quoi, prétextant un besoin de repos pour le match du lendemain, Jérém avait gentiment ignoré l’invitation… un brin déçues, les deux nanas avaient alors pris rapidement congé, laissant les deux garçons entre eux…

    Ce que les deux nanas ne savaient pas c'est que ces deux mecs étaient pressés de se retrouver seuls pour se poser tranquilles devant une dernière bière, pour discuter un peu avant de dormir…

    Ce que les deux nanas ne savaient pas non plus, c’est que ce plan à quatre, bien avant que d’être une orgie sexuelle, était le seul moyen acceptable que Jérém avait trouvé pour approcher la sexualité de son pote…

    La bière viendra, mais la discussion ne sera pas vraiment au rendez vous cette nuit là. Une fois seuls, l'excitation retombée, les regards gênés faisaient un écho dissonant avec les regard pleins de désir pendant l'acte… de plus, la fatigue s’emparant des corps et des esprits des deux apollons en cette heure tardive, toute tentation de revenir sur ce qui venait de se passer avec les nanas et entre eux, se désintégrait sur l'écueil de l’interdit et du tabou désormais revenus en force, l’esprit de survie de l'amitié retenant leurs mots, la honte commençant à leur apporter un certain sentiment de malaise… 

    Le silence entre eux devient gênant pour Thibault.

    « Je peux rentrer si tu veux dormir tranquille » il finit par balancer à Jérém.

    « Il va y avoir les sorties de boite à cette heure ci… il va y avoir du monde sur la route… c’est mieux que tu restes… »

    Les mots de Jérém sont tellement touchants à l’oreille de Thibault, que ce dernier décide d’accepter. Et tant pis pour le malaise. De toute façon ils vont dormir. Mais qu’est ce qu’il a été touché par ces quelques mots de Jérém s’inquiétant pour lui…

    En réalité, Jérém n’a aucune envie de se retrouver seul ce soir là. Il a besoin de compagnie, il a besoin de Thibault.

     

    Trois minutes plus tard les deux potes sont au lit. Les feux s’éteignent. Jérém se tourne sur un flanc, le visage vers l’extérieur du lit.

    « Bonne nuit » lance Thibault.

    « Bonne nuit » répond Jérém, le ralentissement de son débit de parole annonçant la venue rapide du sommeil.

    Epuisés par l’heure tardive et par deux baises coup sur coup, les deux garçons trouvent vite le sommeil. Jérém d’abord, fatigué en plus par le service à la brasserie, par bien plus d’alcool que son pote… Thibault un peu plus tard. Le parfum et la proximité de son pote le troublent d’une façon qui est, à bien regarder, pas si inattendue… 

     

    Le repos de Thibault ne sera pas de très longue durée. Une heure plus tard, il se réveille soudainement. L’esprit embrumé par le court endormissement, il a du mal à remettre les choses à leur place. Déjà, pour réaliser qu’il n’est pas dans son lit habituel… ensuite, pour réaliser de quel lit il s’agit… il se souvient de la soirée au KL, des deux nanas qui rentrent avec lui et son pote au studio rue de la Colombette… il se souvient de la double baise… de Jérém en train de prendre son pied tout en le regardant, lui, prendre le sien… de sa proposition de rester dormir…

    Oui, ça y est, il réalise qu’il est dans le lit de Jérém… son pote est en train de dormir juste à coté… Thibault se rend compte qu’il est vraiment bien dans ce lit douillet, sous le poids de la couette remontant jusqu’à ses oreilles… et toujours le parfum si « mec » de son pote, ce nouveau parfum auquel il ne s’est pas encore habitué, cette fragrance entêtante qui avait bercé ses narines un bon petit moment avant qu’il ne trouve le sommeil…comme une caresse olfactive, douce et sensuelle…

    Et puis il y a cette étrange chaleur qui enveloppe son corps et qui irradie doucement sur la peau de son torse, dans son bassin, dans ses jambes…

    Une seconde plus tard, Thibault a l’impression de sentir son cœur faire un bond dans sa poitrine… une angoisse soudaine le tire de cet état un peu confus, comme ouaté entre le sommeil et la veille… la panique s’empare soudainement de son esprit… lui, Thibault, d’habitude si posé, si calme, si réfléchi… oui, Thibault se sent soudainement perdu, envahi par une peur qu’il ne peut pas maîtriser… c’est lorsqu’il se rend compte que ses bras, son torse, ses jambes sont en train d’enlacer le corps chaud de son pote, que l’agréable et douce chaleur qu’il ressent dans son ventre vient du contact avec le dos de son pote… que la sensation de douceur qu’il ressent sur sa joue, vient du contact avec les cheveux bruns de son pote…

    Thibault a du mal à comprendre ce qui se passe… tout ce qu’il comprend, c’est qu’il se trouve dans un sacré pétrin… en admettant que Jérém ne se soit encore rendu compte de rien, comment se dégager sans le réveiller ? Il faut espérer que Jérém ait le sommeil bien profond…

    Avant de faire quoi que ce soit, Thibault semble retrouver un de ses réflexes de toujours… écouter et réfléchir avant d’agir… ainsi, il tend l’oreille pour capter la respiration de son pote… c’est un souffle léger, régulier… Jérém dort toujours, le jeune mécanicien se sent soudainement soulagé…

    Il se met alors à réfléchir sur la meilleur façon de se dégager de cette position compromettante… car il faut qu’il s’en dégage… il faut qu’il tente de se retirer avant que Jérém ne se réveille… ils sont très proches, certes, mais il n’est pas sur que son pote ait l’esprit assez ouvert pour accepter ce genre de câlin, bien qu’involontaire…
    La manœuvre est risquée... Thibault se demande encore comment il s’est débrouillé, dans le sommeil, pour se tourner du même coté que son pote, pour se serrer contre lui, pour glisser son propre bras droit entre son flanc et son bras, ainsi que son bras gauche entre son autre flanc et le matelas... dans la tête de Thibault, ça clignote rouge… c’est l’état d’alerte maximal… son cœur bat à tout rompre… au point qu’il se retrouve à craindre que ce soient précisément ces battements qui réveillent Jérém…
     

    Thibault se dit qu’il faut la jouer fine… y aller tout en douceur… ou alors y aller franco… dans le premier cas, le beau brun risque de se réveiller au milieu de la manœuvre et piger ce qui se passe… dans le second, si le déménagement finit par le réveiller, il va juste se sentir un peu secoué, sans savoir d’où le mouvement est venu… la raison semble pousser Thibault à opter pour cette dernière option… mais la panique le contraint à se résigner à suivre la première… 

    Le gros problème ce sont les bras… Thibault commence à ressentir des fourmis dans la main, tant le bras gauche est coincé… avant de s’attaquer au plus compliqué, il choisit de préparer la manœuvre… sa nature méthodique semble lui venir à son secours…  

    Il commence par reculer son bassin et ses jambes pour couper le contact avec le bas de son corps… ensuite, les bras… pour le droit, c’est plus facile, il suffit de le faire glisser vers le bas et le ramener vers son flanc… la manœuvre est conduite tout en douceur, avec une lenteur extrême… tout semble bien se passer… Thibault tend l’oreille… la respiration de Jérém n’a pas changée, il dort toujours comme un bébé… 

    Maintenant le gauche… c’est là que ça se corse… Thibault a beau essayer de forcer sur son épaule pour le ramener à lui, le bras est vraiment coincé par le poids du torse de Jérém… n’ayant pas le choix, Thibault prend une décision radicale… appuyer sur l’épaule de son pote pour faire légèrement pivoter son torse… l’idée se révèle bonne, la pression sur son avant bras se détend un peu… et lorsque son épaule force à nouveau sur son bras, ce dernier finit par commencer à se dégager… un instant plus tard, Thibault a retrouvé la maîtrise de son bras et de sa main engourdie… 

    Jérém, quant à lui, se retourne complètement, se retrouvant à plat ventre sur le matelas, le visage toujours tourné à l’opposé de la position de Thibault… pendant son mouvement, il émet un grognement incompréhensible, qui a le don d’inquiéter Thibault… pendant un instant, il a l’impression que Jérém a été réveillé par sa manœuvre, qu’il s’est rendu compte de quelque chose, et qu’une discussion désagréable se profile à l’horizon…  

    Et puis non, fausse alerte… dans sa nouvelle position, Jérém retrouve vite sa respiration calme et régulière… le bogoss est toujours dans les bras de Morphée. Thibault est rassuré. Il peut à son tour retrouver sa respiration, et accessoirement essayer de comprendre ce qui s’est passé. 

    Mais comment ça avait pu se produire ? Il ne l’avait pas voulu… mais il fallait bien admettre que cet épisode exprimait bien une envie bien présente en lui et longtemps refoulée… était-ce l’action de son inconscient ?

    Oui, en y repensant à tête froide, une fois l’enchevêtrement de leurs corps dénoué et la panique évacuée, Thibault devait admettre qu’il avait adoré ressentir la chaleur du corps de son pote, ainsi que le contact avec ce bon paquet de muscles qui constituait son torse…

    Mais ce qu’il avait aimé par-dessus tout, même au delà du nouveau parfum de son pote dont la nouveauté éveillait toujours son odorat, c’était la sensation apaisante et enivrante de sentir le contact de la peau d’un autre garçon contre la sienne, d’en sentir l’odeur ; cette odeur que, lorsque l’attraction physique est là, possède quelque chose de familier et de rassurant qui nous fait sentir bien, a notre place, en accord avec les besoins de tendresse de notre être profond... c’est une sensation de bien être absolu qui relève d’un besoin de contact et de partage avec l’intimité d’un corps et d’un esprit qui ressemblent au sien…

    Thibault se surprend à éprouver une profonde tendresse en écoutant la respiration de son pote endormi, en regardant ce beau garçon terrassé par le sommeil… 

    C’est en se faisant ce genre de réflexion, en pensant qu’il se sent vraiment attiré par son meilleur pote, en regrettant déjà ce contact si agréable avec son corps, que Thibault arrivera à retrouver le sommeil… pourvu que Jérém ne se soit rendu compte de rien… 

     

    En réalité Jérém s’est rendu compte de… tout… absolument de tout… oui, Jérém s’est réveillé quelques minutes avant et il a… fort apprécié… tout apprécié…

    Jérém se sent bien dans cette étreinte… il sent son corps détendu, une sensation de bien-être irradiant de son bas ventre… soudainement, il est saisi d’un doute… sa main se faufile à l’intérieur de son boxer… et l’information que les doigts lui rapportent, confirme bien son doute… dans le sommeil, le beau brun avait joui dans son boxer…

    Que s’était-t-il passé dans le sommeil ? Comment avait-t-il pu jouir sans se rendre compte de rien ? Est-ce qu’il s’était touché ? Est-ce qu’il l’avait touché ? Est-ce c’était venu tout seul ? Est-ce que c’était venu à cause du simple contact avec le corps de l’autre, à cause de la sa main posée sur ses pecs, le bout des doigts abandonnés sur l’un de ses tétons ? Ou bien c’était venu à cause du contact de son bassin, de son boxer contre ses fesses, à cause de son visage dans son cou, ses lèvres posées à la lisière de ses cheveux, cet endroit qu’il lui filait les frissons les plus intenses ?  

    Ou alors, est-ce que c’est arrivé à cause de ce rêve qu’il vient de faire, un rêve avec Nico… c’est bien qu’il soir resté dormir… qu’est-ce que ça lui fait de l’effet ce contact avec sa peau… oui, Jérém se sent vraiment bien dans cette étreinte… sans abandonner l’état de torpeur douillet entre le sommeil et la veille, il repense à son rêve… il a trouvé ça si excitant… voir Nico se donner de cette façon… oui, ça avait été très excitant de rêver d’un Nico déchaîné en train de lécher la rondelle de… Thibault… oui, drôle de rêve, mais si bandant… tellement bandant qu’il avait du en jouir… 

    Oui, Thibault… soudainement Jérémie se rend compte que ce n’est pas avec Nico qu’il est rentré ce soir là… il se souvient du plan à quatre… il se souvient d’avoir vu son pote en train de jouir au même temps que lui… et il se souvient de lui avoir demandé de rester dormir… d’avoir même insisté pour qu’il reste, tellement il n’avait pas envie de se retrouver seul cette nuit là… 

    Alors donc… ces bras… cette étreinte, cette chaleur, ce corps… ce n’est pas Nico, mais bien Thibault… son pote de toujours est en train de l’enlacer… ce n’est pas vraiment ce qu’on fait entre potes hétéros, mais à la fin, qu’importe… il est si bien… au fond ce n’est qu’une accolade dans le sommeil… oui, il a joui, mais c’était à cause du rêve avec Nico, ce n’est certainement pas Thibault qui l’a tripoté… 

    Et à la fin, peu importe… il a parfois eu envie de cela… alors, quoi qu’il en soit, Jérém ressent une chaude et profonde sensation de bien-être… ce dernier orgasme, un orgasme qu’il n’a par ailleurs pas senti venir, mais dont les endorphines dégagées régalent son corps à posteriori, lui avait amené une sensation d’apaisement complète… il était bien au chaud dans les bras puissants de son pote… le radio réveil indique cinq heures… l’heure de se lever n’est pas du tout d’actualité…

    Jérém décide alors de ne pas se poser trop de questions pour l’instant, de profiter du bien-être présent, de se laisser glisser dans le sommeil qui le guette à nouveau… il se dit que pour se poser des questions existentielles, pour se tourmenter il y a assez de la journée… la nuit, quant à elle, c’est le temps du rêve, de la passion, du plaisir… il aurait voulu que cette nuit ne se termine jamais…

    C’est en se faisant ce genre de réflexion, en pensant qu’il se sens vraiment attiré par son meilleur pote, en se demandant si ce dernier avait fait exprès à le prendre dans ses bras ou si cela s’était produit par hasard, que Jérém arrivera à retrouver le sommeil… c’est si agréable ce contact… Jérém s’était réveillé en trouvant très agréable l’idée de se retrouver dans les bras de Nico, et il allait se rendormir en trouvant que l’expérience de se retrouver dans les bras de Thibault c’était également fort plaisante… un bonheur inattendu mais si doux… et pourvu que Thibault ne bouge pas de si tôt… 

    Oui, Jérém s’est rendu compte de tout… mais Jérém n’est pas Thibault, et son ressenti diffère quelque peu de celui de son pote… ainsi, lorsqu’il s’était réveillé au cœur de la nuit dans les bras de son pote, le beau brun avait adoré ressentir la chaleur de son corps ainsi que le contact avec ce bon paquet de muscles qui constituait son torse… et ce qu’il avait aimé par-dessus tout, même au delà du parfum de son pote qu’il aimait beaucoup, c’était la sensation apaisante et enivrante de sentir le contact de la peau d’un autre garçon contre la sienne, d’en sentir l’odeur ; cette odeur que, lorsque l’attraction physique est là, possède quelque chose de familier et de rassurant qui nous fait sentir bien, a notre place, en accord avec les besoins de tendresse de notre être profond... c’est une sensation de bien être absolu qui relève d’un besoin de contact et de partage avec l’intimité d’un corps et d’un esprit qui ressemblent au sien…

    Deux coéquipiers, deux façon de ressentir ce petit « accident », une sensation de panique mélangée à une sensation fort agréable pour Thibault… une sensation de surprise mélangée à une sensation fort agréable pour Jérém… non, définitivement, leurs ressentis n’étaient pas tout à fait identiques…

    Le lendemain matin, au réveil, les deux coéquipiers passent à la douche l’un après l’autre. Ils partagent un café fraîchement coulé. Le petit déjeuner est court et silencieux. Le bruit de la télé aide à camoufler un manque de conversation embarrassant, des non dits lourds à assumer. Ni l’un ni l’autre ne s’aventurent à la moindre allusion à ce qui s’était passé avec les deux nanas et encore moins à ce qui s’était passé entre eux au petit matin…

    Thibault part dans la foulée. Les deux potes se retrouveront en tout début d’après-midi au vestiaire du terrain de rugby pour l’avant dernier match de rugby du tournoi… comme si de rien n’était…

     

    Oui, on pourrait se demander pourquoi cette nuit là, au lieu de rentrer avec Nico pour des révisions post-bac en nocturne, révisions dont il avait par ailleurs bien envie, surtout après les mots que Nico lui avait balancé à l’oreille au KL, Jérémie avait préféré se payer un plan à quatre avec son pote Thibault et deux nanas levées sur le pouce sur le bord de la piste de danse…

    Hélas, rechercher de la logique dans les agissements d’un garçon tel qu’était Jérém à ce moment là, à savoir un garçon se posant de plus en plus de questions sur sa sexualité, cela relève du mystère cosmique… son comportement ne suivait même pas ses véritables envies… son comportement n’était que le produit de ses désirs contrastés, ceux qui se bousculaient dans sa tête et qui prenaient tour à tour le contrôle de ses agissements, des agissements dont l’incohérence apparente était à l’image de celle de ses envies opposées… l’envie d’être avec Nico se cognant à la peur de devenir pd… le désir de le retenir se heurtant à la peur de s’attacher, rentrant en collision avec le désir de le repousser (à l’origine de son comportement odieux)…

    Ainsi est la vie : lorsqu’on les mets en œuvre, l’un après l’autre, jour après jour, on peut avoir l'impression que nos actes et nos propos appartiennent à une suite logique et naturelle… elle existe cette logique, certes, dans notre tête… et on s’imagine, quand même ça nous arrive d’y songer, que les autre soient sensibles à cette « logique »… hélas, notre « logique » épouse plus souvent qu’on ne l’imagine, nos envie du moment… des envies changeantes… alors, là où il nous semble agir dans la continuité, lorsque on nous regarde de l’extérieur, on peut tout simplement donner l’impression de faire n’importe quoi, de souffler le chaud et le froid, l’impression de tenir un comportement tout bonnement imprévisible…

    A bien regarder, il y avait un logique, une logique peut-être inconsciente mais une logique quand même, derrière le comportement du beau brun… à la fois faire « fuir » Nico, l’éloigner de lui, lui donner des raisons de le détester, l’éloigner pour s’épargner à lui-même une séparation difficile à terme, l’obliger à partir en claquant la porte, exaspéré… ensuite, peut-être se venger de l’apparition de ce Stéphane qu’il avait toujours en travers… et puis, réaliser un fantasme enfoui depuis des années, être avec Thibault, voir si ce qu’il « ressent » pour lui était « réel », s’il en avait vraiment envie…

    Tout ça parait assez logique, mais évidemment c’était très confus et ça se bousculait dans sa tête... ainsi, à ce moment de sa vie, Jérém était un garçon inquiet. Un garçon qui, par-dessus tout, avait peur de la solitude.

    On a chacun au fond de nous un petit enfant qui pleure. Le tout est de savoir d’abord où est-ce qu’il se cache pour pleurer et de connaître ensuite à cause de quelles anciennes blessures ou de quelles peurs ancestrales pleure-t-il… 

    Oui, au final, Jérém avait peur de la solitude. Et pas de n’importe laquelle. Jérém avait peur d’une solitude qu’il devinait insupportable… car à la regarder de près, elle ressemblait à s’y méprendre à celle que provoque l’éloignement et le manque de l’être aimé.

     

    En écrivant cet épisode, qu’à l’origine ne devait comprendre qu’une seule partie (c’est dire comment l’écriture s’impose à moi toute seule) j’ai eu envie de rendre hommage et de remercier tous les garçons, parfois des connaissances, la plupart du temps des anonymes ; des mecs observés au quotidien et à leur insu, l’espace d’un instant fugace et précieux ; d’autres croisés avec un peu plus de régularité au hasard du quotidien, mais que je n’ose pas approcher, ces « inconnus familiers » dont je voudrais tout connaître car leur vies m’est inaccessible, dont j’ignore les défauts et dont je ne me lasserai donc jamais…  

    Oui, je voulais rendre hommage à tous ces mecs qui provoquent en moi ce petit béguin du matin qui, sans que ça aille plus loin, me fait sentir vivant ; des garçons qui, de par leur façon d'être, avec un simple geste, un mot, une intonation de la voix, une simple attitude inconsciente, sont pour moi une source d'inspiration inépuisable.
    Oui la beauté et le charme masculin... je ne sais pas leur donner une définition satisfaisante, et je ne pense pas que j’en serai capable un jour, je ne sais même pas si c’est possible d’exprimer cette matière insaisissable avec de pauvres mots… ce que je sais en revanche, c’est que si ces cadeaux du ciel venaient à disparaître de la surface de la terre, la vie serait beaucoup moins douce.
     

    La beauté et le charme masculin, une « passion » à laquelle je tente de rendre hommage avec mes modestes moyens.


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    Je reprends ma respiration et, pendant que l’eau recommence à couler quelques douches plus loin, je me relève rapidement tout en continuant à tousser, tout en évitant soigneusement de le regarder, me demandant pourquoi ça finit toujours par se terminer de cette façon avec lui… pourquoi, après un câlin un peu tendre, après une bonne rencontre sensuelle et sexuelle, ça se termine toujours par la baise de trop, une baise brutale qui salit tous les bons moments que l’on vient de passer…

    Le pire c’est d’admettre que cette fois ci… c’est de ma faute… si je ne lui avais pas demandé de me faire ce truc… on se serait douchés et on serait parti tous les deux avec le souvenir d’une magnifique soirée… alors que là je ne ressens plus que la douleur qui meurtrit ma bouche, mon palais… ainsi, ce petit truc qu’il a consenti à me faire devient le symbole d’une humiliation qui s’est accomplie dans cette dernière baise qui a tout gâché…

    On aurait pu se quitter sereinement, peut-être en se prenant dans les bras, alors que là je n’ose même plus le regarder, alors que là je ne sais même pas si on va seulement se dire « au revoir »… qu’est ce que je peux être con… je me savonne une fois, deux fois, trois fois… je me sens sali…

    Lorsque je l’entends fermer le robinet, je tourne discrètement ma tête pour le regarder se diriger vers un casier qui se révélera être rempli de serviettes blanches… il en saisit une, il commence à s’essuyer grossièrement… les cheveux… le visage, le cou, le torse, le dos, l’entrejambe, la queue, les cuisses, jusqu’aux pieds… lorsqu’il estime en avoir assez, il la fait passer autour de son cou, les deux extrêmes retombant nonchalamment sur ses pecs…

    J’arrête l’eau à mon tour… sans un mot, il saisit une deuxième serviette qu’il me balance sans un mot alors que plusieurs mètres nous séparent… je l’attrape de justesse avant qu’elle ne retombe sur le sol humide…

    Je commence à m’essuyer en silence, un silence angoissant… Jérém s’est assis devant un autre casier qu’il vient d’ouvrir… voilà son casier… je suis presque ému de découvrir son casier à lui… le cinquième sur la gauche en rentrant… je paierais cher pour pouvoir y jeter un oeil… il en sort un sac de sport noir et blanc… ce sac de sport qui parfois doit contenir des merveilles… un t-shirt imbibé de sa transpiration, un boxer avec ses odeurs de mâle… il ouvre le zip et en tire un magnifique t-shirt noir col en V qu’il passe avec un geste rapide et assuré… ça lui va comme un gant, il semble fait sur mesure pour mettre en valeur la plastique de son torse… il en tire un boxer bleu électrique avec l’élastique blanc, encore un beau DIM à se damner… ses jolies fesses et sa queue de ouf disparaissent dans le tissu élastique qui épouse si bien les formes de son bassin et le relief de ses attributs de mec… de cette boite magique qu’est à mes yeux son sac de sport, il tire encore une paire des chaussettes blanches et un jean délavé… des chaussures vert fluo avec les semelles blanches complètent sa tenue de bogoss… le mec est habillé, les cheveux encore humides, beau à en crever…

    Je n’ai pas pu m’empêcher de mater le moindre mouvement de ce strip-tease à l’envers… je me rends compte que de regarder un beau mec s’habiller est presque aussi excitant que de le voir poser ses fringues… voilà que Jérém est prêt à partir alors que je suis encore en train de passer la serviette sur ma peau désormais sèche… je regarde Jérém et je perds la notion du temps…

    Aussi tôt les baskets glissées aux pieds et les lacets disparus dans les montants sans les nouer (là encore, plus petit con tu meurs), le mec attrape son sac sans le fermer et quitte la pièce… je lui emboîte le pas, car mes vêtements se trouvent dans la salle de muscu, là où il doit être parti ramasser ses affaires sales… si on peut définir comme « sale » ce petit débardeur blanc trempé de sa sueur et marqué de son déo de mec ou ce short bleu pétard qui avait été en contact avec sa queue et que j’aurais bien embarqué si j’en avais eu la possibilité…

    Lorsque je rentre dans la pièce, il est en train de fermer son sac : toutes ses affaires sont rangées, y compris les trésors que je viens d’énoncer et dont ce soir là, hélas, il ne me sera par permis de m’emparer… je m’habille en vitesse pendant qu’il allume sa cigarette dans un silence assourdissant… voilà comment ça se termine toujours avec lui… avec ces silences que j’ai de plus en plus de mal à supporter… en évitant de se regarder… comme si ce que l’on vient de faire était sale, comme si c’était mal… pourquoi une fois de plus avait-t-il eu besoin de me baiser si rageusement ? Merde, alors… était-ce sa façon de se venger de ce que je lui avais demandé ? Sa façon de rétablir sa position de mâle ?

    L’odeur de sa cigarette me prend au nez et à la gorge… je quitte la pièce, il me suit… je suis dans le couloir… il éteint la lumière de la salle de muscu… on est dans la pénombre… la lueur qui traverse les vitres opaques de la porte d’entrée du bâtiment est suffisante pour nous guider vers la sortie sans allumer d’autres lumières… j’avance vers la sortie, le cœur lourd… je regrette déjà d’avoir cédé à son sms et d’avoir annulé le rendez-vous avec Stéphane… au fond je ne sais pas ce que je regrette… cette soirée aurait été géniale si je n’avais pas à tout prix voulu aller au bout de mes fantasmes…

    Voilà un autre dilemme qui fait que ma relation avec Jérém est et sera toujours tumultueuse… ce mec je l’ai tellement dans la peau que j’ai envie de tout avec lui… du câlin le plus tendre, à la baise la plus torride… j’ai envie de tester avec lui tous mes fantasmes, notamment des fantasmes de soumission… j’aime bien jouer des rôles, j’aime bien être sa salope parfois, alors que dans d’autres occasions j’ai envie de sensualité, de tendresse…

    Dans tous les cas, même quand l’envie me prend d’aller un peu plus loin dans mes fantaisies, je sais que je ne fais que jouer un rôle qui prendra fin dès le fantasme assouvi… même si je me soumets à lui, même si pendant un moment j’accepte d’être sa salope, lorsque on aura pris chacun notre pied, Jérém redeviendra à mes yeux le gars qui fait battre mon cœur à mille à l’heure…

    Hélas, dans sa tête, cette distinction aura du mal à se faire… mon attitude parfois excessivement câline à ses yeux et parfois trop chaude le prendra au dépourvu à certains moments…

    Ce soir là par exemple… le sexe avait été sensuel, il s’était montré à la fois viril et attentionné, tout ce que j’aime… j’avais même eu droit à un brin de tendresse inattendue… tout avait été parfait pour moi… et j’avais l’impression que ça l’avait été pour lui également… jusqu’à ma bêtise qui avait du le dérouter… et là, à cause de ma connerie, on va se quitter sans un mot… j’ai toujours l’impression que c’est la dernière fois… cette fois-ci ça va l’être pour de bon…

    Ce qui me déçoit aussi c’est qu’il ne m’ait rien demandé au sujet de Stéphane… pas de scène façon Esmé… je suis devant la porte d’entrée, dernier sas après lequel on va se séparer… je fais tourner la serrure, je pousse le battant et je m’apprête à sortir dans la fraîcheur de la nuit lorsque…

    … lorsque je sens sa main se poser lourdement sur mon bras et me retenir… je savoure un bonheur entier lorsque je l’entends me balancer :

    « C'était qui ce mec a la piscine? »
    Je m'attendais à cette question mais je la reçois quand même avec un mélange de ravissement et d'étonnement. Car, si j’espérais m’entendre poser cette question, ce n'est pas pour autant que j'avais préparé une réponse claire et nette. Mon regard se perd dehors, dans la nuit toulousaine. Je me trouve pris au dépourvu. 

    « Un pote... » j’arrive à bégayer après un instant d'hésitation.
    Hésitation que le beau brun a dû capter, puisque il revient à la charge, l’air pas du tout satisfait de ma réponse. Voilà qu’il me balance, du tac au tac :
    « Un pote comment? »
    Il m'agace, ça ne le regarde pas.
    « Un pote » je répète froidement.

    Et il revient encore à la charge, mauvais. Il me saisit par l’épaule, son geste me surprend, m’obligeant à me retourner vers lui. Il n’y a pas beaucoup de lumière, mais la noirceur de son regard me transperce littéralement. Je m’y attendais, l’expression de son visage est celle des mauvais jours.
    « Tu baises avec ? »
    Il n’a pas froid aux yeux ce petit con. Je ne sais pas quoi répondre. Le silence s'installe, gênant. Il insiste :
    « Alors, c'est un pd ? »
    Putain il m'énerve. J’ai envie de lui balancer que oui, j'ai couché avec lui, même s’il ne s’agit que d’une petite galipette… que je vais le revoir et que cette fois ci ça ne va pas être qu’une petite galipette…

    Evidemment, je n’aurai pas le courage d’aller au bout et d’exprimer clairement mon agacement. Une fois de plus je prendrai sur moi, trop soucieux de ne pas le vexer, trop craintif de mettre le mot FIN à notre relation. Ce soir là, je lui mentirai.

    « Mais non, qu’est ce que tu vas chercher… ».

    « C’était qui alors ? ». 

    « Un type qu’on a rencontré à la piscine la dernière fois et qui a sympathisé avec Elodie… hier il était là et il est venu dire bonjour ».

    Le beau brun ne semble toujours pas complètement satisfait de ma réponse. Même dans la pénombre j’arrive à capter sa moue dubitative. Je crains ses prochains mots. Je sais qu’ils peuvent être très blessants.

    « Tant mieux, il a vraiment une tête de con » son ton est un peu apaisé, apparemment mes mots ont su un peu désamorcer sa… sa… sa… jalousie…

    Il n’a pas une tête de con Stéphane… voilà des mots que je me retiens de justesse de lui balancer à la figure. Avant de venir, je m’étais promis de vendre chère mon explication si jamais le beau brun me demandait des comptes… hélas, mon assurance a disparu et ma détermination à lui balancer mon ressenti au sujet de notre relation avec…

    Je ne réagis pas à ses derniers mots. Je passe la porte du bâtiment et je me retrouve dehors. J’avance de quelque pas pendant que je l’entends enfoncer la clef dans la serrure et fermer la porte du Temple de la jeunesse et de la puissance masculines.

    Je l’entends retirer la clef. J’entends ses pas sur les gravillons, je réalise qu’il est en train de s’éloigner sans un mot. Il n’est pas possible ce mec. Je ressens soudainement une furieuse envie de le frapper. Au lieu de quoi, je me force à lui balancer :

    « Salut… ».

    « Oui, c’est ça… » il me balance en retour, froidement.

    Ça ne me suffit pas, ça ne peut pas me suffire…

    « Jérém… »

    « Quoi ??? » toujours ce petit mot et ce ton pour décourager la discussion. Mais désormais ça ne m’impressionne plus… je n’ai plus rien à perdre, je décide de ne pas en tenir compte. Le bruit de pas sur le gravillons a cessé net.

    « On va se revoir ? » je trouve l’audace de lui demander.

    Jérém s’est arrêté net, je devine son profil… Dans la pénombre j’arrive à voir la lueur au bout de sa cigarette… son silence est tellement dur à entendre pour moi que je décide de le piquer au vif. J’ai besoin d’une réponse de sa part, quelle qu’elle soit…

    « T’as envie qu’on se revoit ? »

    « T’en poses des questions, toi… »

    T’as bonne mine de dire ça… toi aussi t’en poses des questions… des questions qui en plus ne te regardent même pas… et sinon… « C’est qui cette pouff avec qui tu t’es ramené à la piscine ? Tu couches avec ? Dommage, car elle a vraiment une tête de conasse… »…  voilà ce que j’aurais du lui balancer à la figure devant sa désinvolture… hélas, cette réplique parfaite ne me viendra que sur le chemin du retour, une fois seul, mes esprits retrouvés… mais là, sur le moment, devant son effronterie, je suis désarçonné, incapable de trouver les mots pour me défendre…

    Ce seront ses derniers mots. De l’esquive, comme d’hab. Le bruit de ses pas sur les gravillons reprend à l’instant même et je le regarde sa silhouette parfaite de mec s’éloigner dans la rue…

    Après toutes ces années, je regrette plus que jamais de ne pas lui avoir dit clairement ce soir là, cet été là, dès le printemps même, que je l’aimais comme un fou… peut-être qu’il m’aurait tout simplement jeté comme une merde, que notre relation aurait pris fin avant de prendre les proportions démesurées qu’elle prendra par la suite… il serait passé à autre chose, j’aurais fait mon deuil…

    Peut-être que, au contraire, lui ouvrir mon cœur nous aurait peut-être empêché bien de mauvais moments, bien des bêtises, de gâcher tant de temps avant d’arriver en ce jour de septembre 2001 où notre histoire prendra un tout autre tournant… peut-être qu’il se serait moqué de moi, c’est même certain… mais peu importe, au moins il l’aurait su…

    Peut-être qu’il aurait fallu que je le rende jaloux, que je me montre avec d’autres garçons, que je lui dise clairement que j’avais couché avec Stéphane… tôt ou tard il serait venu tout seul vers moi…

    Ce qui est sur, c’est qu’il n’aurait surtout pas fallu que je lui mette la pression comme je le faisais, en lui montrant à chaque fois qu’en réalité la baise ne me suffisait pas… hélas, lorsqu’on est amoureux, on est transparent, nos sentiments se voient en filigrane dans chacun de nos gestes, de nos regards, de nos mots…

    A l’époque je n’étais qu’un jeune garçon, aveuglé par mes sentiments. Lorsque je le regardais s’éloigner dans la rue, la cigarette au bec, son sac de sport à la main, avec son allure assurée de mec bien dans ses baskets, l’attitude fière du gars qui vient de se vider les couilles, je ne voyais qu’un garçon qui savait ce qu’il voulait, à savoir de la bonne baise, et également ce qu’il ne voulait pas… à savoir de la tendresse entre mecs, des sentiments… s’il m’avait laissé un peu faire ce soir, il avait bien recadré les limites en transformant mon baiser en quelque chose de très « sexuel », avec sa langue qui baise mes lèvres avant que ce ne soit au tour de sa queue de le faire…

    Je me demandais même si cette dernière baise brutale n’était pas également sa façon de remettre les pendules à l’heure… j’aurais du apprendre, à la longue, que chaque moment de tendresse que j’arrivais à lui « extorquer », il me le faisait payer très cher…

    Lorsque on regarde les choses de trop près, comme je regardais mon beau brun à cette époque, au sens propre comme au sens figuré, on ne voit pas ce qui se passe autour, car notre horizon est bouché... oui, si j’avais su prendre un peu de distance, si j’avais su regarder un peu au delà de sa fierté masculine, je me serai vite rendu compte que ce n’était qu’une fierté de façade qui était sciemment entretenue pour cacher sa crainte maladive de l’attachement, de l’abandon et de la solitude…

    Oui, sa fierté masculine. Elle en avait pris un premier coup le soir où il était venu à ma rescousse dans les chiottes de l’Esmé… voir qu’un gars s’intéressait à moi… voir que je pouvais m’intéresser à un autre gars… certes, le lendemain, une fois seul, il avait bien voulu s’avouer que ça le faisait chier qu’un autre mec s’approche de moi, qu’il me « souille », car Jérémie T. ne partage pas…

    En réalité, ce qu’il ne voulait pas admettre, c’était que finalement il m’aimait bien, et plus que bien… devant la « menace » représentée par ce type dans les chiottes de l’Esmé, il avait pris conscience que j’avais vraiment commencé à compter pour lui… pour la première fois il avait ressenti un sentiment surprenant, la peur de perdre quelqu’un à qui il tenait plus qu’il ne voulait se l’avouer…

    Certes, Jérém n’étais pas sans comprendre que, dans la mesure où j’avais des sentiments forts pour lui, des sentiments qu’il s’employait à repousser, c’était normal que je demande plus que la baise qu’il était disposé à m’offrir… au fond, il comprenait bien que j’avais droit au bonheur et que ce bonheur il ne pourrait pas me l’offrir, que ce bonheur je n’aurais pu le trouver qu’auprès d’un autre mec… pourtant, ce que Jérém voyait avant toute autre chose, c’était que la possibilité que je trouve un autre mec et que je le laisse tomber, était une perspective tout bonnement insupportable à ses yeux…

    Cette nuit là, la fameuse nuit de la bagarre à l’Esmé, Jérém était en colère, une colère aux fortes teintes de jalousie… il était angoissé… il sentait que je pouvais lui échapper… ainsi, pendant que nos corps se mélangeaient, l’alcool aidant, il avait eu envie de me montrer autre chose… quelque chose qu’il ne saurait par ailleurs assumer par la suite…

    Le fait est que cette nuit là, Jérém aurait fait et dit n’importe quoi pour me retenir…

    Oui, lorsque la peur de la solitude fait le siège à notre cœur et l’alcool nous fait oublier que demain il faudra assumer nos actes et nos mots de la veille, certains propos et certains gestes venant du plus profond de notre être peuvent être prononcés ou dévoilés à la légère…

    Et lorsqu’on s’engage dans cette voie un peu plus câline, on prend le risque de ne pas en sortir indemne… car les câlins sont comme une boisson très sucrée… plus on en prend, plus on en a besoin… Jérém avait tellement aimé se laisser aller, échanger avec moi plus que du sexe, que son corps, son esprit, son cœur (oui, il en avait un, bien que profondément caché), en redemandaient…

    Ainsi, lorsque nos ébats avaient pris fin, mon départ approchant, il avait fini par trouver insoutenable l’idée de se retrouver seul dans son lit…

    « Reste, t’en va pas »… si j’avais su lire entre les lignes j’aurais bien vu ce soir là que sa simple phrase avait une signification dont la portée allait bien au delà de « Reste, t’en va pas (cette nuit) »… ses mots étaient un appel inconscient pour que je ne le lâche pas… dans sa jolie petite tête, ses mots devaient plutôt sonner ainsi : « Reste, t’en va pas (de ma vie) »… les câlins de cette nuit là, Jérém qui me demande de le prendre dans ses bras font partie d’une espèce de rêve hors du temps…

    Hélas, le matin venu, face à mon délire, à ma passion, à ma fièvre de lui, tout avait été balayé… ce matin là j’aurais du partir avant qu’il ne se réveille… ou alors y aller tout en douceur… hélas quand on aime, on a envie de tout sauf que d’attendre… au contraire, on a envie de précipiter les choses… ce matin là je ne me sentais plus, je ne tenais plus en place, dans ma tête c’était le feu d’artifice, je m’emballais, je me projetais loin… je nous voyais déjà en beau petit couple… gay…

    Face à mon engouement, Jérém s’était braqué… il s’en était voulu d’avoir dévoilé ses faiblesses… d’avoir montré quelque chose qu’il ne saurait pas assumer et qu’en aucun cas il montrerait au quotidien… et alors il avait voulu désamorcer tout ça en vitesse… il avait voulu me montrer que, quoi qu’il arrive, notre relation n’irait jamais au delà de la baise…

    En réalité, derrière ses attitudes distantes, froides, Jérém pensait à la même chose que moi… il pensait avec tristesse au fait que nos vies allaient se séparer dans peu de temps… alors, à quoi bon ? A quoi bon se dévoiler l’un l’autre si c’est pour se séparer sous peu ? Et puis, dévoiler quoi ? Jérém estimait que je n’avais pas besoin de savoir ce qui se passait dans sa tête, dans son cœur… il considérait que ça ne me regardait pas, car de toute façon je ne pourrais rien pour lui…

    Jérém ne voulait pas que je m’attache car il ne voulait pas s’attacher à son tour… c’était précisément le fait que je m’accroche qui l’avait mis en pétard ce matin là… et s’il avait été si dur avec moi, il l’avait regretté à l’instant, et il n’avait pas trouvé mieux que d’aller se cacher dans la salle de bain en attendant mon départ… lorsqu’il avait entendu la porte du studio se refermer, il avait failli me courir après pour me rattraper… il savait qu’il était allé trop loin…

    Oui, parfois Jérém avait des états d’âme… mais à cette époque je ne voyais que ce beau garçon à la sexualité débordante… son corps, son sexe, sa sensualité me rendaient fou… ses brusques changement d’humeur et d’attitude me rendaient malade… il aurait fallu que j’aie le pouvoir de lire dans sa tête pour comprendre que dans son for intérieur une force inouïe se consumait dans la tentative paniquée de nier le fait que je lui manquais de plus en plus souvent, et pas uniquement a cause de la baise…

    Comme si la nuit et le matin après l’Esmé ne suffisait pas à le mettre en stress, il avait fallu que son meilleur pote s’en mêle… les questions de Thibault… celles qu’il pose et celles qu’il ne pose pas mais qu’il se pose sans doute… et sans doute les bonnes… Jérém le savait… Thibault savait… Jérém savait qu’il avait toujours été transparent face à son meilleur pote, un livre ouvert… Thibault l’avait toujours compris, souvent avant qu’il ne se comprenne lui-même… pourtant, ce fameux dimanche après-midi après les entraînements, Jérém avait été très mal à l’aise face aux questions de son meilleur pote…

    Une question par-dessous tout le remuait… « suis-je gay au fond ? ». Une question qui prenait racine dans cette impression qui le hantait de plus en plus, l’impression de devenir de plus en plus pd avec la crainte que ça finisse par se savoir… Jérém était le mec le plus populaire du lycée, le « dieu » du rugby, le mec que toutes les nanas voulaient se taper… il était fier de son image et il se la pétait car il adorait que l’on s’intéresse à lui… il adorait plaire, être jalousé… si jamais ça venait à se savoir, on lui ferait payer tout cela, la chute de l’idole est toujours spectaculaire et impitoyable… les jalousies refoulées font violemment surface et on se réjouit de sa chute qu’on précipite avec le ragot et la méchanceté…

    « Suis-je gay au fond ? » Cette question hantait l’esprit du beau brun… pour « se tester », ce soir là il était sorti avec l’intention de se taper une nana… pour prendre son pied comme avant… comme avant Nico… hélas, en passant devant la Ciguë, une autre idée s’était emparée de son esprit…

    Rentrer dans ce lieu de mecs… se sentir désiré et résister… rester froid face à l’occasion qui sans doute se présenterait… se sentir dévoré par des yeux pleins d’envie, se sentir convoité, désiré et… résister… montrer à soi même qu’il n’avait pas besoin d’un pd pour prendre son pied… ressortir de ce bar comme immunisé, continuer sa soirée vers la Bodega, lever une nana et la baiser… le désir de se « rassurer » sur son hétérosexualité… 

    Et puis le petit blond s’était approché, avec son rentre dedans sans détour, avec son effronterie de s’attaquer au mec canon qui vient de franchir la porte du bar à pd pour la première fois… devant l’image que le petit blond lui avait renvoyée de lui-même, celle d’un mec désirable par-dessus tout, d’un dieu viril, Jérém avait cédé… il y avait une bonne dose de vanité dans son acceptation de le ramener chez lui… ça et peut-être la volonté de baiser un autre mec pour se « laver » d’avoir fait l’amour avec Nico…

    Ou alors, tout simplement, ce soir là Jérém était un garçon en colère, un garçon qui avait décidé de décharger son malaise (et pas que…) sur ce type qui s’est retrouvé par hasard sur son chemin… il se rendait compte que l’amour entre mecs l’intriguait de plus en plus… il avait besoin de voir si d’autres mecs lui faisaient de l’effet, si le contact avec un autre mec était aussi bon qu’avec Nico… 

    Si c’était le cas, ça aurait voulu dire qu’il était vraiment en train de devenir pd… si ce n’était pas le cas, cela voudrait dire qu’il n’y avait qu’un mec qui lui faisait vraiment de l’effet… le petit Nico… ce qui voudrait dire qu’il était en train de devenir… pd… ce soir là, Jérém était perdu comme jamais il l’avait été de sa vie…
    Drôle d’expérience cette baise avec le petit blond… à la Ciguë, ce mec lui avait paru attirant, mais tout compte fait, lorsqu’il l’avait vu à poil devant lui, le fait de le baiser lui était apparu beaucoup moins tentant… pendant un instant il avait été tenté de lui dire de se rhabiller et de rentrer chez lui… mais la train était en marche, alors il fallait y aller… d’abord, il n’avait pas envie de se retrouver seul tout de suite… et puis, il se disait qu’après avoir joui, son esprit se serait retrouvé apaisé…

    Alors il y était allé… mais il avait déchanté vite fait… déjà pendant qu’il se faisait sucer, il avait eu du mal à tenir son érection… lorsqu’il l’avait enculé, il avait eu du mal à trouver son plaisir… il avait eu un mal de chien pour arriver au bout, il avait du se forcer tout en se demandant à chaque instant ce qu’il foutait avec ce type alors qu’il avait envie d’être avec Nico, de retrouver ce qu’il avait vécu avec lui la nuit d’avant, ce truc qui était si bon car c’était bien plus que de la simple baise… oui, il avait envie de retrouver ce petit Nico qui ne demandait qu’à lui faire du bien, à l’aimer… dans la recherche épuisante de son orgasme, Jérém avait essayé de trouver la raison de son comportement, la raisons pour laquelle ce soir là il était en train de baiser un cul qu’il ne lui faisait nullement envie, la raison pour laquelle il faisait n’importe quoi en rendant Nico malheureux, en se rendant lui-même malheureux…

    Le lendemain au bac, Jérém s’en voulait d’avoir jeté Nico le dimanche matin, tout comme il s’en voulait d’avoir baisé le mec de la Ciguë… et si rien dans son attitude le matin du bac philo ne pouvait laisser penser qu’il regrettait quoi que ce soit, pourtant c’était bien le cas… il regrettait à sa façon, en jouant son rôle de Jérém indifférent à fond. C’était sa façon de se donner une contenance quand il sentait ne pas en avoir, c’était sa façon de décourager l’affrontement, sa façon de gagner en esquivant la bagarre en se servant de l’arme dissuasive qu’était son aplomb de mec.

    D’entrée il avait joué le mec qui n’a rien à se reprocher, du moins jusqu’à ce qu’il ait l’impression que Nico l’évitait et l’ignorait à son tour, ce qui lui était tout simplement insupportable… le rôle de Nico était de tout accepter de lui… dès qu’il avait cru voir Nico prendre de la distance, montrer de la rancune, il avait immédiatement senti l’envie de retrouver son attention et sa soumission…

    Jérém était alors passé en mode charmeur, lui balançant son regard de tueur sexy, cette attitude à laquelle, il ne le savait que trop bien, Nico ne savait pas résister… pour faire tomber ses toutes dernières barrières, Jérém s’était ensuite servi du sourire charmeur, agrémenté d’un petit clin d’œil bien placé qui avait failli faire tomber Nico de sa chaise... ça avait marché, sa colère avait disparu… Jérém le savait bien, ça marcherait à coup sur, Nico l’avait trop dans la peau… c’était galvanisant pour ce petit coq de Jérém de trouver quelqu’un aussi à fond sur son charme…

    Devant l’air déboussolé de Nico, Jérém avait compris que toutes ses défenses étaient tombées, qu’il était à sa merci… et là, contre toute attente, Nico avait fait un truc complètement nouveau… son regard s’était raidi… son expression charmée avait laissé place à un regard qu’il ne lui avait encore jamais connu… un regard qui défiait le sien… mais qu’est-ce qu’il faisait? Qu’est-ce qu’il cherchait? Il le provoquait ouvertement. D’abord, en affichant un petit sourire insolent ; ensuite, il avait fait pire : il avait lâché un clin d’œil genre le sien de tout à l’heure, juste avant de revenir soudainement à sa copie… 

    Tout ça ne lui ressemblait pas… son attitude était si surprenante que Jérém en avait été très vite énervé… il avait beau être passé du mode « charmeur » au mode « beau brun en colère », même ses regards noirs ne semblaient avoir de prise pour lui faire changer d’attitude… désormais Jérém fulminait du regard mais Nico ne reculait pas, on aurait dit qu’il se foutait carrément de sa gueule... 

    Voilà une occasion ou le beau brun avait estimé qu’il fallait la jouer à l’attaque, mater ce début de rébellion à son autorité de mâle… il ne pouvait pas laisser passer ça… il fallait qu’il retrouve vite le contrôle de la situation, qu’il montre qu’on ne fout pas de lui…

    Jérém avait alors lancé sa riposte… si les modes « charmeur » et « brun en colère » ne marchaient pas, il lui restait un dernier atout à jouer, le mode « sexualité »… oui, il allait le rendre fou de désir… par tous les moyens, y compris l’arme lourde… se toucher la braguette… se caresser la queue au travers de la poche du jean… il savait pertinemment que Nico ne pourrait résister à l’appel de sa queue… son geste avait fini par atteindre le but espéré, et plus encore… comme prévu, Nico avait démarré au quart de tour… son excitation avait gagné son regard, son visage tout entier…

    Nico était désormais dans tous ses états, mais Jérém était aussi très excité… ce petit jeu était très sensuel, mais également très dangereux, un petit jeu dont il avait vite perdu le contrôle… car s’il avait prévu de rendre fou Nico, ce qu’il n’avait pas prévu c’est l’effet que ça lui ferait de voir Nico très excité…

    Soudainement Jérém s’était rendu compte qu’il avait très envie de Nico… le fait de lire l’envie dans son regard qui avait désormais perdu toute trace de défi et qui n’était plus que désir à l’état pur, avait provoqué en lui ce besoin violent de le baiser… pas de se faire sucer, non… à ce moment là, Jérém était dévoré par une seule envie… celle de s’enfoncer dans le petit cul de Nico et de le fourrer de son jus…

    Sa résolution était prise… quoi qu’il arrive, il ne le laisserait pas partir comme ça…

    L’exam termine, Jérém s’était approché de Nico pour lui souffler à l’oreille : « Chez moi, maintenant », sûr de lui, sûr que Nico ne pourrait se refuser à lui… et contre toute attente, Nico s’était barré… après un nouveau étonnement suivi d’un nouveau énervement, Jérém l’avait vite rattrapé… « Tu crois aller où comme ça ? »… une fois dans le studio rue de la Colombette, cet après midi là il l’avait baisé comme un malade… Nico était redevenu son soumis, sa mutinerie avait été étouffée à grands coups de bite… 

    La semaine du bac avançait et lorsque le mercredi suivant Nico était venu lui quémander sa queue, Jérém s’était senti agacé et il l’avait envoyé bouler… c’était lui qui décidait quand et comment, à fortiori après son sketch de l’exam de philo… 

    Après le doigt d’honneur du jeudi, il avait du à nouveau sévir… Nico était de plus en plus effronté… une mise au point suivie d’une mise en bouche dans les chiottes du rez-de-chaussée du lycée avait été nécessaire…  

    Le vendredi soir il s’était dit qu’il ne pouvait pas le laisser partir sans le baiser une dernière fois… rien qu’avec un regard il l’avait attiré dans les chiottes du premier… il avait voulu le baiser de façon très coquine, et il avait trouvé que de lui balancer « Descends ton froc, je vais te sauter comme une chienne » était tout à fait approprié pour le mettre dans les meilleures dispositions…

    C’était sans compter avec l’état d’âme de Nico, perdu entre la tristesse de voir cette histoire se terminer avec le bac, tiraillé entre les sentiments qu’il avait pour lui, le bouleversement que la rencontre avec Stéphane était en train de provoquer dans sa tête et dans son cœur, sa déception pour l’humiliation du mercredi devant son refus, son exaspération face à son attitude emportée de la veille…

    Jérém ne savait pas que ce vendredi soir là Nico était très mal dans ses pompes… il voyait bien qu’il était peu réactif, limite crispé… dès qu’il l’avait pénétré il s’était rendu compte que c’était une baise triste, glauque… sans excitation, sans plaisir… il s’en voulait de ne pas l’avoir plutôt amené rue de la Colombette… c’était une baise qu’il avait voulu vite fait avant l’entraînement de rugby… pendant un instant il avait eu envie d’arrêter… mais désormais il s’était engagé là dedans et il fallait qu’il arrive au bout… il ne pouvait pas se retirer, au sens propre comme au sens figuré… sa fierté de mâle était en jeu… 

    Alors, comme le plaisir n’était pas vraiment au rendez vous, comme l’orgasme semblait ne jamais devoir venir, il avait fini par le baiser de façon plutôt brutale… il n’en avait pas l’intention, mais il avait besoin de jouir… 

    Quand enfin l’orgasme était venu, il avait regretté d’avoir été si rude avec lui… sa façon de se tirer tout de suite après, n’était que de la lâcheté face à son malaise… oui, il avait regretté de ne pas avoir tout arrêté, il l’avait regretté pendant cette longue semaine où il n’avait pas eu de nouvelles de lui, où il n’avait pas osé lui envoyer de sms, cette longue semaine avant la piscine Nakache où il n’avait eu cesse de se demander où avait bien pu passer son Nico, ce petit Nico qui lui manquait…  

    Oui, Nico lui manquait… il ne pouvait pas encore l’admettre, tout comme il ne pouvait pas encore accepter qu’il ressentait des choses pour lui… mais le fait était bien là… Jérém avait des sentiments pour Nico…

    Et puis il y avait eu ces retrouvailles inattendues à la piscine… quand il l’avait vu, ça lui avait fait drôlement plaisir… le voir approcher, encore plus… l’entendre lui proposer d’aller faire des longueurs dans le bassin olympique pour se retrouver seuls… génial… mais il lui en voulait d’avoir disparu si longtemps, alors il avait fait sa tête de cochon… mais lorsqu’il s’était entendu carrément proposer une pipe… il avait adoré le cran du petit Nico… un moment seul avec lui, une bonne baise pour effacer le souvenir de ce moment affligeant le dernier soir du bac… c’est tout ce dont il avait envie, malgré son apparence détachée…

    Baise mémorable dans la cabine des vestiaires… sentir l’odeur et la douceur de sa peau, se sentir enivré autant par son propre plaisir de mec que par le bonheur de voir ce petit gars jouir au simple contact de sa queue… avoir joui en lui tout en lui donnant bien de plaisir… et une fois la tempête des sens passée, s’abandonner sur son dos en attendant de retrouver ses esprits, se retrouver à deux doigts de poser un smack entre ses omoplates… y renoncer de justesse pour une raison très con, la raison qu’un vrai mec ne fait pas ça avec un pd…

    Ça avait été dur de sortir de lui… en revanche il avait été super plaisant de l’entendre lui chuchoter à l’oreille à quel point il avait pris son pied, à quel point il avait adoré ce qu’il lui avait fait avec sa queue… et cette pipe qu’il lui avait fait ensuite… du bonheur à l’état pur… s’il était parti en vitesse de cette cabine après ce deuxième orgasme, c’est qu’il avait senti monter des envies qu’il ne pouvait pas assumer… prendre le petit Nico dans ses bras… lui faire un câlin… se faire pardonner pour la brutalité des deux dernières fois… il en avait sacrement envie…

    Le plaisir physique, lorsqu’il est aussi parfait, appelle une sensualité qui se rapproche de très près à de la tendresse… une tendresse dont il avait sacrement envie mais qu’il ne pouvait pas assumer… alors il était parti en vitesse, avant de répéter la même connerie que la nuit de l’Esmé…

    Se dire que c’est fou comment ce petit mec provoque des choses en lui… c’est fou comment il l’attendrit, comment parfois il ressent cette envie jamais ressentie avant, l’envie de lui faire plaisir… c’est fou à quel point ce petit pd le touche, comment il ne peut plus se passer de lui… de ses cheveux, de sa peau, de son odeur, de son corps, tout ce qui éveille ses sens comme jamais ils ne l’ont été… c’est fou cette envie de lui…

    Un moment magique, gâché par l’apparition de ce mec inconnu… cette image de Nico causant et souriant devant ce mec qui, il le redoutait avant de le deviner, devait être du même bord, lui avait trotté dans la tête toute la soirée… même pendant que sa copine faisait une gâterie à cette queue que Nico avait bien astiquée quelques heures plus tôt… une fois seul dans son lit, il avait eu du mal à trouver le sommeil… il était persuadé que Nico avait couché ou allait coucher avec ce type… ce mec avec quelques années de plus… il se demandait si ce n’était pas juste ces « quelques années de plus » qui impressionnaient Nico… le fait de se retrouver dans les bras d’un mec plus posé, peut être moins sexy que lui, mais très charmant, très sensuel, fallait bien l’admettre, un mec souriant, l’air jovial, cool, tout le contraire de lui…

    C’est ainsi que le lendemain, Jérém avait eu envie de « convoquer » le petit Nico pour lui rappeler qu’il était à lui… à lui et à personne d’autre… la journée s’était écoulée sans qu’il trouve le moyen de le faire… il avait fumé plus de cigarettes que d’habitude et il n’avait trouvé de répit que vers 18 h, en se donnant à fond dans l’entraînement de rugby… c’est en courant après le ballon ovale que l’idée lui était venue de le faire venir aux vestiaires après que tout le monde soit parti…

    L’idée était parfaite… le lieu était parfait… parfait pour impressionner Nico… ce qui impressionnerait également Nico, ce serait de le retrouver en train de faire des exercices de muscu, de voir sa transpiration, ses muscles gonflé sous l’effort… plusieurs idées sympathiques de baise, dont celle sur la table de massage qui avait commencer à germer dans sa tête esprit depuis quelques temps déjà, commençaient à pointer dans son esprit… oui, Jérém était bien décidé à jouer les petits coqs à fond pour en mettre plein la vue à son petit Nico et le rendre fou de lui, tellement fou que si la lubie lui venait de se tourner vers un autre garçon, la comparaison serait toujours de plusieurs points en sa faveur…

    Le sms avait été envoyé… pendant un instant il avait redouté que Nico ne vienne pas… les quelques minutes qui s’étaient écoulées entre l’envoi de son message et la réponse de Nico lui avaient parues interminables… s’il n’avait pas répondu ce soir là, jamais il n’aurait accepté de le revoir… résolution épidermique de petit coq trop fier de lui, incapable d’imaginer qu’il aurait bien de mal à la mettre en pratique le cas échéant…

    Et puis le sms était arrivé… le beau brun était rassuré… Jérém trouvait rassurant et amusant le fait de siffler le petit Nico dès que l’envie lui en prenait et de le voir rappliquer illico… il allait le baiser comme un dingue, le rendre encore un peu plus dingue de son corps, de sa queue… il avait furieusement envie de lui… envie de prendre son pied, mais inconsciemment très envie de lui faire plaisir… envie de le retenir, de l’avoir tout à lui… sa jalousie devenait consciente, agaçante… il avait envie de tout faire pour le retenir…

    Tout avait été bon ce soir là… sa petite mise en scène avait marché du feu de dieu… ce truc que Nico lui avait fait avec la langue dans son entrejambe… une tuerie… jamais il n’aurait imaginé prendre autant son pied à cet endroit… au point qu’il se demandait si son excitation relevait davantage du goût d’interdit que cette pratique lui inspirait, ainsi que de la soumission extrême qui lui témoignait Nico en lui faisant ce genre de gâterie, que d’un véritable plaisir sensuel…

    Quoi qu’il en soit, force était de constater que ce « truc » le rendait dingue, presque au même titre qu’une bonne pipe… force était de constater que ce mec lui faisait de ces trucs… qu’il lui faisait découvrir son corps comme personne auparavant… le seul souci c’est que, ce faisant, il le rendait de plus en plus pd…

    Depuis combien de temps il ne s’était pas tapé une nana sans penser à Nico en la baisant? Certes, en l’absence de Nico, il s’était envoyé en l’air avec cette brune… mais ça avait été mécanique… le plaisir qu’il avait pris c’était celui d’un mec qui a besoin de se vider les couilles au moins une fois par jour… quant au désir… son désir était loin…

    Oui, tout avait été terriblement bon ce soir là… l’assaut de Nico sur son torse, se laisser couvrir de baisers, le voir s’abandonner sur lui, sa peau contre la sienne, ses lèvres sur sa peau… le petit Nico fou de lui, le petit Nico qui ose enfin l’embrasser… le contact de ses lèvres avec les siennes avait provoqué en lui une sensation qui avait parcouru toute sa peau, jusqu’à son sexe…

    Il se rendait compte que Nico était en train de braver l’interdit tant de fois rappelé… mais qu’importe… ce soir là Jérém n’avait pas osé le repousser méchamment… le fait est que déjà il avait trouvé ça trop bon… ensuite il ne voulait pas faire mal à Nico, il voulait le retenir…

    Cela dit, Jérém avait eu besoin de recadrer les choses… de montrer que s’il pouvait accepter un baiser, ce ne serait pas un bisou tout tendre… le seul baiser qu’il accepterait serait un baiser très sensuel, limite sexuel, un baiser au travers duquel il réaffirmerait une fois de plus sa position de mâle dominant… d’où l’idée d’enfoncer sa langue entre les lèvres de Nico, comme une fellation avant la fellation…

    Tout ça suivi par cette pipe incroyable, grâce à cette idée de Nico de se faire baiser la bouche sur le banc de muscu, d’utiliser la barre des poids pour faire à la fois des pompes et recevoir une pompe mémorable…

    Pendant la cigarette qui avait suivi, pendant qu’il récupérait de ce premier effort sexuel, son bas ventre frissonnait à l’idée de prendre Nico sur la table de massage dans les vestiaires comme il s’était vu le faire un certain nombre de fois pendant les douches…

    Il avait adoré le sodomiser par derrière… il avait kiffé dur de le baiser par devant, ses jambes sur ses épaules… la position débout lui donnant des sensations nouvelles… la sensation de sa queue coulissant dans ce petit trou bien chaud, accueillant et si généreusement offert par Nico, le rendait dingue… il avait du produire un effort incroyable pour se contrôler et ne pas jouir trop tôt… un plaisir au delà du raisonnable… et voir le petit Nico jouir un instant avant lui, juste sous l’effet de ses coups de bite avait été un kiff qui avait donné un bon coup de fouet à sa fierté masculine et qui avait précipité son propre orgasme…

    Lorsqu’il avait joui, il avait senti un plaisir immense suivi d’un épuisement de même intensité… il avait du mal à tenir sur ses jambes… ainsi, dans ce moment d’évaporation de l’esprit qui suit l’orgasme, il avait trouvé agréable l’idée de s’abandonner sur lui… et ce qu’il avait trouvé agréable par-dessus tout, ça avait été le petit câlin que Nico lui avait fait, sa main dans ses cheveux…

    Dans sa tête, la douche devait l’aider à retrouver ses esprits et marquer la fin des ébats… il était tellement épuisé par ces deux orgasmes intenses rendus encore plus puissants par ces petits moments de tendresse qu’il avait su accepter, qu’il se sentait incapable de remettre ça ce soir là…

    Mais Nico avait d’autres idées en tête… il l’avait rejoint et il s’était mis à genoux devant lui… il avait encore envie de le pomper… hélas, Jérém s’était vite rendu compte que quoi qu’il fasse, il n’arriverait pas à le faire bander à nouveau ce soir là… l’entraînement de rugby, la muscu, deux orgasmes bien puissants, sans compter ceux de la veille à la piscine et le coup de queue qu’il avait du mettre à sa brunasse en la raccompagnant chez elle après la piscine… le Jérém était arrivé à frôler ses limites de sa sexualité…

    Et puis il avait compris ce dont Nico avait envie… de ce truc qui l’avait dégoûté la première fois qu’il lui avait proposé… mais après tout… après tout, l’idée de repousser encore un peu plus les limites de la soumission de Nico à sa virilité, avait de quoi l’exciter… le fait de voir Nico à genoux devant lui, sous l’eau, en train de le regarder avec cette demande précise dans les yeux, avait commencé à faire effet sur sa queue… si après tout le fait de lui faire ça, pouvait lui éviter la « honte » de montrer ses limites sexuelles… si le fait de lui faire ça allait le faire bander une dernière fois… alors, pourquoi pas…

    Nico en avait envie et après tout, s’il avait envie de ça et qu’il ne lui donnait pas, tôt ou tard il irait voir ailleurs pour satisfaire son fantasme… restait le fait de surmonter ses réticences mentales à soulager sa vessie sur quelqu’un, et à plus grande raison sur Nico… pour la première fois, il lui semblait que l’humiliation que cette pratique impliquait était trop importante… pour la première fois il se trouvait gêné d’infliger un truc à Nico…

    Mais au fond, pourquoi donc se sentir gêné, puisque c’était lui qui le demandait, et avec insistance qui plus est… alors, faut y aller… il avait du se concentrer pour lâcher les vannes… il avait du se faire violence au départ… et puis il avait réussi à se détendre et à lâcher prise… le jet, d’abord hésitant, avait pris un bon débit, et le fait de voir Nico se régaler du contact de ce liquide chaud sur sa peau avait fini par réveiller ses sens…

    Lorsque le jet s’était tari, il avait à nouveau eu envie de se faire sucer… Nico ne s’était pas fait prier, il s’était jeté dessus avec désir et gourmandise… son excitation était là mais son corps était fatigué… il sentait que son érection n’allait pas durer malgré l’entrain de Nico…

    Fallait y aller franco… avec de bons coups de reins… pendant un instant il avait hésité… il ne voulait pas recommencer avec une baise brutale… et puis, sa queue commençant à perdre en raideur, il s’était dit qu’il fallait y aller… l’idée de débander dans la bouche de Nico lui était intolérable… l’idée d’une panne, bien que justifiée par la fatigue de son corps, intolérable…

    Il savait qu’il allait le regretter… mais, une fois encore, il avait commencé et il se devait d’arriver au bout… avec les coups de reins, d’abord dosés et d’une puissance contrôlée, sa queue avait repris de la vigueur… il ne voulait pas faire mal à Nico, mais il devait jouir… et puis… et puis le besoin de retrouver son plaisir avait pris le pas sur ses réticences… l’excitation, mêlée à la peur de ne pas y arriver venant des signaux d’épuisement qui lui envoyait son corps, avait fait appel à ses instincts les plus bas…

    A partir d’un certain moment, telle une drogue qui prend le contrôle du cerveau et qui coupe tout contact avec la réalité, il n’y avait plus eu que son plaisir qui comptait… il devait jouir, coûte qui coûte… Nico était redevenu qu’un simple moyen pour son plaisir… son coté bestial avait pris le dessus… il devait jouir… son corps épuisé avait besoin de plus de sensations pour appeler un orgasme qu’il sentait lui échapper à nouveau…

    Alors il s’était déchaîné… il ne pouvait pas manquer son orgasme… ses coups de reins avaient pris de l’ampleur, et toute la puissance que son bassin pouvait leur donner… et comme Nico semblait esquiver ses va-et-vient en neutralisant une partie de ses efforts pour arriver au bout, le fait de coincer sa tête contre le mur pour que ses coups de reins soient plus puissants ne lui avait plus posé aucun cas de conscience… il voulait que ça vienne vite… il voulait jouir… au point qu’il en était, il ne supporterait pas de ne pas y arriver…

    Et puis c’était venu… enfin… violent, épuisant… son orgasme lui avait coupé les jambes… la jouissance passée, il avait été accablé de voir Nico s’étouffer… il avait soudainement compris qu’il avait à nouveau perdu le contrôle à cause de ses pulsions… il avait compris que non seulement Nico n’avait pas pris de plaisir, mais que ses coups de reins lui avaient fait mal… pendant un instant, pendant qu’il le regardait tousser, il avait envie de lui faire un câlin… une envie qu’évidemment il n’avait pas su exprimer…

    Alors, devant la souffrance de Nico, comprenant que ce qui venait de se passer venait de gâcher les bons moments qu’ils avaient partagée, dans l’était de fatigue physique et mentale qui lestaient son être tout entier, il n’avait pu faire autre chose que partir à la douche et s’enfermer dans le silence…

    Il ne savait pas comment quitter Nico ce soir là… il fuyait son regard comme la peste… pourtant, le moment de se séparer approchait… il y avait cependant un truc qu’il fallait qu’il sache, c’était la raison pour laquelle il l’avait fait venir ce soir là… ce type de la piscine…

    Il avait posé la question de façon directe et ferme mais les réponses et les réactions de Nico ne l’avaient pas rassuré… il avait insisté, Nico avait tenté de calmer le jeu… peine perdue, ses questions demeuraient intactes… son esprit était en ébullition… il était sur que ce mec avait des vues sur Nico et que Nico n’était pas indifférent non plus à ses charmes… Nico lui échappait et ça, ça le faisait sacrement chier… et ce qui le faisait chier encore plus, c’est que toute cette jalousie était pour lui un sentiment tout à fait nouveau, un sentiment qui avait fait surface dans son esprit à cause d’un petit pd…

    Oui, depuis pas mal de temps déjà, Jérém n’était pas bien dans sa peau… et en bon ado, lorsqu’il n’était pas bien, il cherchait quelqu’un à rendre responsable de son malaise… Nico était un sujet à porté de main… il se sentait glisser de plus en plus vers les garçons ? c’était la faute de Nico de l’avoir séduit et entraîné vers cet « truc sale »… peu importe s’il oubliait d’admettre que ce « truc sale » c’était lui qui l’avait amorcé quand il lui avait carrément proposé de le sucer lors de la première révision de maths… peu importe s’il omettait de mettre dans la balance le fait que dans ce « truc sale » il prenait son pied comme jamais il en avait pris… et ce n’était pas qu’une histoire liée au mythe, mythe ou réalité, que les garçons savent mieux s’occuper d’un autre garçon que la plupart des nanas… non, le fait qu’il prenne autant de pied avec Nico ce n’était pas simplement dû au fait que ce mec ne lui refusait rien, qu’il se soumettait à lui, docile… la véritable raison était que Jérém avait un véritable penchant pour les garçons, un penchant dont le petit Nico avait ravivé la flamme comme de l’essence sur un braisier…

    Il pensait très souvent à lui, trop souvent… avec sa douceur, sa tendresse, Nico lui faisait du bien… il le trouvait touchant… mais même si ça lui faisait du bien, Jérém ne pouvait pas accepter cela car un mec n’accepte pas de tendresse et encore moins venant de la part d’un pd… et puis la tendresse rend esclave…

    Depuis qu’il couchait avec Nico, Jérém s’était surpris à repenser à un souvenir enfoui dans son adolescence… un souvenir remontant à l’été de ses 13 ans… le souvenir nostalgique et excitant des galipettes avec Thibault sous la tente… depuis qu’il couchait avec Nico, parfois il avait eu envie de recommencer… tout comme Thibault il en avait envie… ils le savaient tous les deux, ils se cherchaient… et même si la peur de compromettre l’amitié les avait toujours empêchés de franchir le pas malgré les occasions, les envies, les perches, l’envie était bel et bien là…

    Oui, Nico avait réveillé en lui des désirs et des envies qu’il avait essayé d’oublier, d’anesthésier depuis des années avec cette débauche de sorties, de rugby, de muscu, de nanas, d’alcool et de joints dont il saturait sa vie… il avait suffi d’un petit Nico, à l’apparence si inoffensif, pour réveiller tous ses démons…

    Voilà le joyeux bordel qui secouait la jolie tête de mon beau brun à cette période de sa vie. Tout un pan de la vie intime de mon beau brun que je ne connaîtrai que plus tard, beaucoup plus tard dans ma vie. Tout un tas de trucs qui se passaient dans sa tête et que j’aurais été incapable ne serait-ce que d’imaginer à l’époque…

    Car lorsque ce soir là je le regardais s’éloigner dans la rue, la cigarette au bec, son sac de sport à la main, avec son allure assurée de mec bien dans ses baskets, l’attitude fière du gars qui vient de se vider les couilles et qui repart sans états d’âme, j’étais à mille lieues d’imaginer que, derrière ses airs de petit coq, Jérém était un garçon se posant mille questions sur sa sexualité, sur son avenir, sur sa vie, un garçon jaloux… et, par-dessus tout, un garçon en détresse, hanté par la solitude qui avait traversé une bonne moitié de sa vie, un garçon perdu, en train de perdre pied, un garçon qui bientôt allait faire de belles bêtises et se mettre carrément en danger.

     

    Ce soir là je rentre chez moi le cœur lourd. J’ai envie de pleurer. J’ai tout gâché. Je sais que je vais passer une mauvaise nuit. Je sais que le lendemain il n’y aura qu’une personne que j’aurai envie de voir. Je sais qu’elle sera là.

     

    [Merci à toi, le lyonnais, mon premier et plus fidèle lecteur, supporteur, conseilleur, consultant, correcteur, gardien du « sérieux » de cette histoire.

    Merci à tous ceux qui, en privé ou en public donnent un supplément de sens à mon écriture, la font exister.

    Merci à ceux qui me donnent des idées qui rendent mon histoire plus « vraie ».

    Merci à ceux qui, lorsque le samedi il n’y a pas d’histoire, s’inquiètent que ce soit fini.

    Non, ce n’est pas fini, pas avant l’épisode… 100… parfois je n’ai pas le temps, parfois j’ai le temps mais pas le moral. Mais l’écriture est très importante pour moi, tout comme cette histoire, et je ne laisserai pas tomber. C’est promis.

    Et merci à tous les lecteurs anonymes qui, semaine après semaine, font monter le petit compteur d’HDS].

     


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