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    Précédemment dans « Cinquante nuances de Jérémie » : le vent qui souffle, la pluie qui tombe, une chambre d’étudiant plongée dans la pénombre, des gestes tendres et sensuels échangés sans laisser les mots gâcher l’instant magique… le beau brun demande à Nico de rester dormir, il saisit sa main et par l’intermédiaire de ce geste inattendu l’invite à l’enlacer… Jérémie qui se laisse aller dans le noir… sa tristesse insoupçonnée, sa détresse inattendue perçue par Nico… un Nico touché, ému, un Nico aux anges tenant dans ses bras l’homme qu’il aime plus que tout au monde… ce même Nico qui croit mourir en se réveillant un peu plus tard dans la nuit enserré dans des bras bien musclés…

    Le matin arrive, et en regardant le beau brun dormir, Nico se surprend à repenser au refrain d’une vieille chanson de Clash…

     

    Darling you gotta let me know/Chéri, tu dois me dire/Should I stay or should I go ?/Devrais-je rester ou devrais-je partir ?/If you say that you are mine/Si tu dis que tu es mien/I'll be here until the end of time/Je serai là jusqu'à la fin des temps/ If I go there will be trouble/Si je pars il y aura des problèmes/And if I stay it will be double/Et si je reste il y en aura le double (1)/Well come on and let me know/Alors, vas-y et dis moi/

    Should I Stay or should I go ?/Devrais-je rester ou devrais-je partir ?

    Voici la question qui me taraude l’esprit. Je le regarde toujours dormir. J’ai envie de le caresser, de le serrer à moi, de lui faire un million de bisoux bien doux… j’ai envie de respirer son odeur, sa beauté, sa jeunesse… j’ai tout simplement besoin de rester là à le regarder, suspendu entre des désirs contradictoires… rester ou partir… j’ai juste envie de lui faire un câlin des plus tendres, de lui faire sentir ma présence… mon amour… un peu, sans l’effrayer, juste ce qu’il faut, juste être là sans trop en faire…

    Alors je reste là, la tête posée sur l’oreiller, à le contempler pendant un long moment, à le regarder respirer, le regarder dormir, rêver peut être… s’il rêve, il rêve de quoi, de qui ? Est-ce qu’il y a de la place pour moi dans ses rêves… ? C’est trop beau, Jérém qui fait dodo… je ne veux pas le réveiller, pas encore, je voudrais que ce moment de perfection dure toute une vie… jamais je ne me suis senti aussi bien avec ce mec, jamais… pendant son sommeil, tout est possible… imaginer qu’il m’appartient tout entier, imaginer que la nuit passée ne soit pas qu’un épisode isolée, qu’une erreur de scénario… imaginer que Jérém s’est enfin aperçu que je compte pour lui, un peu quand même…

    Au fond de moi, je sais que quand il se réveillera je serai à tous les coups confronté à une réalité trop dure… la réalité du matin… d’une lumière trop forte sur des sentiments encore trop fragiles et timides, des sentiments né dans la pénombre d’une nuit de pluie et de vent… j’ai peur de cette confrontation, car je sais que je risque d’en sortir blessé, meurtri… je sais à quel point, suivant le moment, ses états d’âme peuvent être changeants… et par-dessus tout je crains son indifférence, son hostilité… je les connais, je les ai déjà croisées et je sais à quel point elles peuvent être impitoyables, rudes, blessantes…

    Dans ma tête c’est carrément le feu d’artifice… et voilà que après l’envie de câlins, une idée plutôt coquine s’empare de mon esprit… sa peau sent bon, son visage est si beau, son épaule dénudée trop sensuelle… j’ai soudainement envie de le réveiller avec une gâterie, de le faire jouir, là, tout de suite… j’ai envie de savoir… savoir à quoi ressemble sa trique du matin… dans sa position, tourné sur le flanc vers moi, il me suffirait de relever les draps pour en avoir le cœur net… vais-je oser ? si, si, si, si, Nico, tu vas oser, t’en crèves d’envie… il dors… alors il faut en profiter… et c’est donc tout en douceur que je soulève les draps…

    La voilà sa queue… tendue, belle, délicatement posée sur le matelas avec ses bourses bien pleines… la peau douce et soyeuse, la queue raide et délicieuse… je meurs d’envie de la sentir dans ma bouche, de lui faire une gâterie d’anthologie… je bande à mon tour à une vitesse que je ne croyais même pas possible… j’ai envie de la prendre dans ma main, de sentir mes doigts envahis par ce sexe tendu, j’ai envie de la sucer… j’ai envie de la faire gicler dans ma bouche…

    Je ne sais toujours pas ce que je dois faire… rester ou partir… si c’est pour partir, il ne faut pas que je le réveille… dans ce cas je ne connaîtrai peut-être jamais le bonheur de faire une pipe du matin à Jérémie… est-ce qu’il en a seulement envie ? Est-ce que si je le tente, je ne vais pas me faire jeter ?

    Je sens mon ventre papillonner, ma respiration se faire profonde, le désir envahir toutes les fibres de mon corps… j’ai la tête qui cogne tellement je suis fou de désir… je prend une profonde inspiration pour essayer de secouer mon esprit et de me résoudre à partir… et là… bingo… en un instant c’est la panique à bord… je ne sais pas ce qui s’est passé… je sens dans mon nez un chatouillement qui grossit, qui enfle sans cesse… j’ai envie d’éternuer… je sens que ça monte, ça monte, ça monte… j’essaie de me retenir… ça monte encore, impitoyable… je ne vais pas pouvoir l’éviter, plus j’essaye de l’étouffer plus j’ai l’impression que ça va exploser dans un bruit immense…

    Merdeeeee !... je vais le réveiller, je vais le réveiller en sursaut… c’est la pire des options… merde, merde, merde… celle là je ne l’ai pas vue venir… je me force tellement à retenir l’onde de choc qui gonfle dans mon thorax que ça me fait mal dans les poumons, j’ai l’impression que je vais m’ouvrir en deux… et malgré mes efforts, à un moment je sens que je ne peux plus… je lâche le drap et je porte mes mains sur le nez et sur la bouche, je les resserre du plus que je peux autour de mon visage, juste avant de laisser exploser mon éternuement… une libération d’énergie tellement puissante que, malgré mes précautions, je n’arrive pas complètement à contenir… mes mains sont comme éjectées de mon visage, mon éternuement ressemble à une déflagration, le bruit est aussi court qu’intense, la vibration se propage dans la petite chambre d’étudiant dans un boucan d’enfer… mon corps est secoué par un sursaut puissant… un véritable tremblement… un tremblement intérieur… un tremblement de chairs… je suis presque en apnée… mes côtes sont tellement endolories que j’ai du mal à reprendre la respiration…

    Je regarde Jérém. Il a l’air de toujours dormir comme un bébé… j’ai un mal de chien mais le plus important c’est que Jérém ne se soit rendu compte de rien… j’ai quand même remarqué un léger mouvement sur son visage… ses lèvres se sont un peu ouvertes, un petit bruit étouffé s’en est échappé… j’ai eu peur qu’il se réveille d’un coup, qu’il me regarde et qu’il trouve désagréable de me retrouver là devant lui… je crois que le danger est passé, que son sommeil va continuer comme si de rien n’était… hélas, non : sa bouche laisse échapper un autre grognement à peine plus prononcé que le premier et sans ouvrir les yeux, le bogoss se retourne et, avec un geste très certainement inconscient, il pivote sur l’autre coté, cherchant un nouvel appui pour continuer son sommeil…

    Et là je suis déçu… sa queue est désormais hors de ma portée… sa trique m’est désormais inaccessible sauf à oser l’audace d’enrouler mon corps autour du sien et de commencer à le branler avec ma main gauche… je me prends à imaginer le simple bonheur de tenir sa belle queue dans ma main, cette sensation de chaleur, de douceur, de puissance ; et voilà que, faute d’oser mettre en pratique mon envie profonde, et sans presque m’en rendre compte, je commence à me branler tout doucement…

    Je sens son odeur, je sens sa présence à coté de moi… l’odeur de ses draps… le parfum du bonheur… des images de lui refont surface dans ma tête, c’est un tourbillon d’instantanés tous plus excitants les uns que les autres… et par-dessus tout, une image se détache, belle,vive, étincelante… c’est l’image de son visage, de son expression de la nuit dernière juste avant de jouir en moi… cette image ma hante et je sais à ce moment là qu’elle va me hanter longtemps, peut-être à jamais…

    Je me branle lentement, prenant le temps de goûter à chaque moindre sensation que cette situation inattendue est en train de m’apporter… je veux faire durer encore et encore cet instant d’excitation, d’attente, de bonheur… je ne veux surtout pas le réveiller… alors je fais ça tout légèrement… je suis trop bien, je suis trop excité, trop heureux, je vais me lâcher bientôt…

    Ça y est, ça vient… et pendant que je jouis, voilà qu’un seul choix me parait possible… une évidence : partir. Partir pour ne pas gâcher le bon moment qu’on a passé ensemble. Partir pour pouvoir imaginer un acte manqué plutôt que rester en regrettant un acte forcé. Raisonnement de lâche. Je me protège. J’ai joui. Et on est beaucoup moins brave quand on a joui…

    J’ai joui… j’en ai partout sur le torse, dans ma main, j’ai même souillé ses draps… je sens ma respiration bruyante et j’ai l’impression qu’elle fait un bruit assourdissant, au point que je suis étonné qu’il ne se soit pas encore réveillé… je le regarde, de dos, les épaules mues par le rythme de sa respiration silencieuse… il est beau, il est beau, il est beau… il n’y a pas d’autres mot pour dire cela… il dort toujours et il est beau…

    Et moi j’accuse le contre coup de ma jouissance… je suis scié… je transpire… il fait chaud d’un coup… je suis sur le dos, la main toujours autour de ma queue, je n’arrive pas à me décider à bouger… tous mes muscles sont décontractés, je sens le bonheur de l’après jouissance irradier de mon ventre et parcourir tout mon corps, remonter à mon cerveau et l’inonder de bien être, de bonheur… un bonheur immense, un bonheur sur lequel une ombre s’étire peu à peu…

    Oui, une ombre… mon regard parcourt cette chambre que Jérém va bientôt devoir quitter à tout jamais, juste après le bac… et moi avec lui… que sera donc de notre histoire, une fois privée de cette endroit qui a été le théâtre de notre toute première révision, de la plupart de nos ébats ? ; et, qui plus est, de cette nuit si spéciale… si spéciale à mes yeux… l’a-t-elle été également aux siens ?

    Il faut que je me prépare… il faut que je me prépare à dire adieu à cette chambre ou j'ai connu pour la première fois l’amour physique avec un garçon, un garçon nommé Jérémie… cette chambre où j’ai connu l'amour physique sans amour, avant de faire l’amour pour la première fois avec ce même garçon… cette chambre où j’ai dormi pour la première fois avec l’homme que j’aime en le tenant dans mes bras, avant de me trouver enlacé à mon tour dans les bras de l’homme de la vie. Chambre de l'amour et des illusions. Chambre du bonheur et de tristesse. Chambre de désirs et de désenchantements… de surprises et d’angoisse, de plaisir et de jalousie… chambre qui m’a apporté toutes les émotions qu’un coeur amoureux puisse connaître un jour… chambre où je viens de passer la plus belle nuit de ma vie !

    Je regarde la porte fenêtre, la porte de la salle de bain, le petit canapé où tant de fois j’ai trouvé Jérém la queue bien bandante, ce canapé devant lequel j’ai tant de fois avalé sa bite et goûté à son jus… la petite table avec deux chaises où je ne me serai assis que très rarement et une fois seulement pour y manger, le meuble télé, la petite télé, le bazar de cette tanière de mec… j’essaye de m’imprégner à fond de toutes ces images, de l’odeur de cette pièce, son odeur… de cette odeur de cigarette froide mélangée à un parfum bien à lui, j’essaye de graver dans ma tête à tout jamais les sensations que je ressens en franchissant cette porte au numéro 23, de me souvenir dans les moindres détails de la présence de Jérém, de son esprit installé dans cette pièce…

    Je me rends compte que cette nuit est peut-être le dernier moment passé dans cette chambre, que je ne la reverrai peut-être jamais… dans deux jours ce sera le bac et après… pour quelle raison on se retrouverait encore ici ? est-ce qu’il aura envie de me revoir ? de me refaire l’amour ? est ce que cette nuit aura voulu dire quelque chose pour lui ? quand est ce qu’il doit rendre les clefs ? j’ai souvent eu envie de lui poser la question, je n’ai jamais trouvé le moment pour la lui poser… je suis triste d’un coup… 

    Décidemment, dans ma tête c’est trop le bazar, je ne pourrai jamais supporter son regard du matin. J’ai envie de pleurer. Je ne veux pas qu’il me voit pleurer… il faut me décider, il ne dormira pas indéfiniment. Et lorsqu’il ouvrira les yeux, ma décision sera encore plus difficile à prendre. Il faut que je la prenne maintenant. Tant que je suis seul et que j’ai tout mon arbitre. Si j’attends d’être en sa présence, ce sera lui qui choisira pour moi. Alors, entre la fuite et une confrontation dans laquelle je ne me sens pas assez armé pour affronter l’adversaire, mon choix est vite fait.

    C’est bien de choisir, on se sent soulagés après. J’ai besoin d’air, je me sens étouffer… j’ai besoin de sortir de là, avant de perdre tous mes moyens… j’ai déjà trop tardé…

    Oui, ma décision est prise… quitte à qu’il se pose des questions en se réveillant seul dans son lit, alors qu’il s’y était endormi en compagnie, je préfère ne pas prendre le risque de le voir contrarié de me trouver encore là… quand on couche avec un hétéro bi qui n’assume pas sa part de bi, handle with care, produit dangereux, risque de réactions imprévues… risque de blessures…

    J’attrape mon caleçon pour m’essuyer et je rassemble mes forces pour sortir du lit quand je le sens remuer de son coté… il rejette la couette au fond du lit en gardant juste le drap sur lui, il pivote légèrement sur son épaule, désormais il est sur le dos… je me rend compte que sa main glisse sous les draps, elle suit le chemin qui conduit tout droit à sa queue raide… je le vois trifouiller, j’ai l’impression qu’il la saisit et qu’il se caresse, qu’il se branle tout doucement… j’ai trop envie de lui… le voir se caresser me rend dingue… alors que je suis juste à coté et que je ne demande pas mieux que de m’appliquer à le faire jouir… il se caresse mais ça ne dure qu’un instant… un instant au bout duquel il finit par enlever sa main… et là le drap léger se pose sur sa queue comme un voile, moulant ses attributs avec une précision juste diabolique…

    Je le regarde… ses yeux sont entrouverts… pendant un court instant mon regard a croisé le sien… c’est presque imperceptible, il a déjà refermé ses paupières… je ne sais pas s’il est encore vraiment dans les bras de Morphée ou si tout simplement il n’a pas envie d’affronter ma présence après cette nuit… est-ce ma petite branlette qui l’a tiré de son sommeil ?

    J’hésite un peu… il s’est caressé, il s’est un peu branlé… il s’est arrêté… sa queue bien à ma vue… à ma disposition… ? j’hésite… je ne veux pas lui déplaire… j’hésite, mais au bout d’un moment je ne peux plus me retenir…

    Je dégage un peu plus les draps, sa queue se présente devant mes yeux en toute sa splendeur… droite comme un I, le gland décalotté, juste les poils qu’il faut à sa naissance, il se soigne ce petit coquin… tout, mais vraiment tout pour donner envie… bonbon pour les yeux, bonbon pour la bouche… naaaan, pas possible de laisser passer ça, pas possible de gaspiller ça, une bonne grosse trique matinale de Jérém, je ne sais même pas si l’occasion se représentera un jour… trop envie de le sucer comme un mec aussi beau mérite d’être sucé…

    Alors mon bras bouge quasiment tout seul, ma main se pose délicatement sur son service trois pièces… pas de réaction hostile… je m’enhardis… je caresse ses couilles, je remonte tout au long de son manche en direction de son gland, juste en l’effleurant avec mes doigts… je viens de jouir, mais le simple contact de mes doigts avec sa queue est suffisant pour me refaire bander comme un taureau… je caresse par touches légères… je le sens frissonner… je fais quelques aller-retours avant de changer de stratégie… maintenant mon pouce et mon index se promènent de bas en haut (et de haut en bas) de son manche, comme pour en jauger le diamètre, tels un pied à coulisse… je ne veux pas le réveiller en sursaut, je veux qu’il revienne à lui tout en douceur et que son réveil soit sensuel, l’amenant petit à petit vers une volupté inattendue… je finis par enserrer sa queue entre mes doigts, je la sens chaude et raide dans la pomme de ma main… j’adore cette sensation… sentir ma main remplie par son sexe… tenir dans ma main son plaisir de mec…

    Je commence à le branler tout doucement… ses paupières demeurent closes… et toujours pas de réaction hostile, bien au contraire, de touts petits spasmes, témoins de son plaisir… je continue… il prend son pied… je l’aime… j’ai envie de lui donner encore plus de plaisir… j’augmente légèrement le rythme et j’entends sa respiration changer… il a dû se réveiller… je détourne mon regard posé sur sa queue pour regarder son visage… c’est fugace, furtif, j’ai l’impression qu’il a à nouveaux les yeux entrouverts, mais dès que je me retourne il le referme à nouveau… petit coquin… il était en train de me regarder faire… mais il ne veut pas me le montrer… ce mec est un véritable-petit-adorable-insupportable voyou…

    Maintenant je sais qu’il est réveillé et qu’il n’est pas contre une bonne gâterie matinale… alors je me laisse aller à mes envies… j’approche ma bouche de sa bite et après avoir passé ma langue sur mes lèvres, je fais glisser son gland à l’intérieur de ma bouche ; ma langue et mes lèvres s’affairent pendant un petit moment autour de ce fruit délicieux, titillant ce petit creux d’où jaillira sa semence, ce petit truc qu’il aime tout particulièrement… j’arrive ainsi à lui extirper de petits frissonnements de plaisir… qu’est que c’est bon ça… le sentir frissonner quand je le tiens dans ma bouche… qu’est ce que je suis fier de connaître tout cela… quasiment tout le mode d’emploi du logiciel « Plaisir de Jérém 2001 »… j’avale sa queue jusqu’à presque sentir ses couilles frôler mon menton…

    Je le suce avec tellement d’envie de lui faire plaisir que je pourrais passer la journée entière à cet exercice délicieux… après cette nuit, j’ai vraiment envie de lui donner un plaisir intense mais tendre… je suis heureux, heureux qu’il se laisse faire… je libère mes mains, je suis fou, je les laisse parcourir son torse à l’aveugle, aller chercher ses tétons… elles sont libres, libérées… elles remontent jusqu’à ses épaules… cette chute d’épaules qui a pour moi l’angle et les proportions de la perfection masculine… je les caresse, je ne m’en lasse pas… je le suce, je le caresse, je nage en plein bonheur, j’ai l’impression que tout est possible, qu’il n’y a plus d’interdit… alors mes mains osent plus… elles osent remonter au long de son cou… il reste assez d’amplitude à mes bras pour pousser mes doigts jusqu’à effleurer ses oreilles, ses cheveux, assez d’envergure et de courage, de désinvolture pour lui faire des caresses légères… assez de courage, trop de courage…

    Eh, oui, Jérém ne sera jamais là où je l’attends. Jamais ou presque. En tout cas pas ce matin là. Comment savoir qu’on est en train de franchir la ligne interdite quand on croit qu’elle avait disparu la veille ? Comment ne pas se prendre les pieds dans le tapis alors qu’on croyait marcher sur un sol stabilisé ? J’ai tout juste commencé à le câliner, à laisser mes doigts titiller ses oreilles, que ses mains saisissent les miennes, fermement, les immobilisant dans une prise plutôt serrée… il me fait presque mal… je suis tellement ébahi que sans m’en rendre compte j’arrête de le sucer…

    Dans ma tête un million de questions commencent à clignoter… je suis déstabilisé, j’ai l’impression que je vais disjoncter… mais qu’est ce qu’il me fait encore ce petit con… ? Il va pas recommencer à faire son macho… non, c’est pas possible, pas après cette nuit… il ne va pas gâcher tout ça… putaaaaaaaain ! je savais que je devais partir avant qu’il ne se réveille !!! Nico, t’as tout gâché, t’as tout gâché ! Tu en veux toujours trop ! Quand on aime, on en veut toujours trop…

    Je sens ses bras éloigner mes mains de son visage, d’abord lentement, ensuite les repousser en les relâchant d’un geste rapide, avec un élan presque enragé… ses mains sont désormais libres… et là, d’emblée, je sais ce qui va se passer… je le sais, je le redoute… je ferme les yeux, j’espère qu’il ne va pas le faire, je prie pour qu’il ne le fasse pas… j’ai presque envie de pleurer quand je sens ses mains se poser lourdement sur ma nuque pour m’obliger à avaler sa queue que son bassin a déjà approché de mes lèvres…

    Non, pas ça, pas ça pitié… pas ça après cette nuit d’amour, après m’avoir demandé de rester, après s’être tenu dans les bras l’un de l’autre, après avoir sangloté dans mes bras… pas ça…

    Pourtant… pourtant c’est tout ce que j’aurais ce matin là… un Jérém pressé de jouir… de jouir à sa façon… ses mains ont glissé d’un coté et d’autre de ma tête, elles enserrent mes oreilles, je n’entends plus aucun bruit, sauf celui, assourdissant, de l’humiliation et de la déception que je suis en train de vivre… ses avant-bras s’affairent pour imprimer à ma fellation, une fellation dont je ne suis plus maître mais que je subis, un mouvement rapide, profond et cadencé… il y va si fort que je n’ai pas le temps de reprendre mon souffle, je me sens étouffer, j’ai presque des hauts le cœur… il n’en a plus rien à faire de mon plaisir à moi, il est à nouveau tous seul à baiser, à me baiser la bouche… je voulais lui donner le plaisir le plus doux qui soit, il est en train de m’imposer son plaisir… de me le faire subir… de le voler, le prendre par effraction… par pillage…

    Voilà, le matin venu, je suis à nouveau son vide couilles… retour à la case de départ…

    J’aurais dû me dégager à ce moment là, repousser ses mains comme lui il l’avait fait avec les miennes… j’aurais dû partir, l’envoyer chier, passer la porte de sa chambre en le laissant seul avec sa putain de trique mauvaise, partir en courant… j’aurais dû, certes, j’aurais dû mais je ne le pouvais pas… je ne pouvais pas concevoir de ne pas laisser jouir ce mec… je savais qu’en faisant un truc dans ce style, plus jamais je ne le reverrai… alors je me laissais faire, je prenais ce qui venait… faiblesse d’un garçon perdu, car trop, vraiment trop amoureux…

    J’ai de plus en plus de mal à respirer, la bouche commence à me faire mal tellement ses assauts sont violents… heureusement, alors que ses mains impriment toujours à ma tête le mouvement bon pour son plaisir exclusif et que quelques coups de bassin sont venu seconder cet « andante con brio », je sens plusieurs jets chauds et puissants s’abattre au fond de mon palais… il avait été tellement violent que je n’avais presque pas eu envie d’avaler… alors que j’ai toujours adoré ça, pour la première fois je ne l’ai pas fait par envie, mais juste pour ne pas le contrarier…

    Jérém… mon Jérém… pourquoi, Jérém ? Je me sens humilié et toujours ce couplet de Mylène dans la tête…

    Quand de mes lèvres tu t’enlèves, un goût amer…

    Et bien plus dans mon cœur que dans ma bouche…

    Il a joui et à peine son dernier jet expulsé il sort sa queue de ma bouche et il se tourne de l’autre coté… il me tourne le dos… je suis vraiment déçu… je suis triste, abasourdi, interloqué… je ne sais plus où j’habite… je ne sais plus quoi penser… j’ai mal… mal dans ma bouche, mal dans mon petit cœur brisé… je sens que je tombe, je sens que je dégringole… je sens le monde s’effondrer autour de moi… j’ai besoin de retrouver un peu de la tendresse de cette nuit, je ne peux pas partir comme ça, j’ai un mal de chien… j’ai besoin de m’accrocher à quelque chose pour ne pas me fracasser dans cette chute sans fin, impitoyable… je décide de l’enserrer entre mes bras, comme plus tôt ce matin là… j’ai envie de retrouver un peu de cette sensation de plénitude… je m’accroche à ça… et pendant un instant je crois avoir ralenti ma chute, je crois que je ne vais pas tomber plus bas… hélas, quand on chute d’une falaise, si on arrive parfois à s’accrocher à une branche providentielle, il n’est pas sur qu’elle soit assez robuste pour supporter notre poids démultiplié par la chute…

    Je viens tout juste de l’enlacer qu’il se dégage violemment, il repousse mon bras… son geste est tellement rapide que son coude vient cogner contre mes côtes provoquant une vive douleur… il se lève presque d’un bond, il passe un boxer et un t-shirt qui traînaient par terre, il attrape son paquet de cigarettes et, sans un regard, il part en terrasse…

    Je suis triste, j’ai envie de pleurer… je le regarde de dos, appuyé à la rambarde en train de fumer… mon Dieu, qu’est ce qu’il est beau… mon Dieu comment je l’aime… mon Dieu comment je le hais… pourquoi j’ai laissé ce mec prendre autant de pouvoir sur moi ? pourquoi sait-t-il m’apporter à la fois autant de bonheur et me faire autant de mal ? Presque dix ans plus tôt, il était dit dans une chanson bien connue « Only the one that hurts you can make you feel better »… et vice-versa. Sacrée Madonna.

    Je suis envahi par la déception, déstabilisé, je suis paralysé. Il a fini sa clope, je n’ai pas bougé du lit. Je suis incapable de me résoudre à partir dans cet état d’âme. J’ai envie de penser que je suis en train de vivre un cauchemar et que je vais bientôt me réveiller. Je le vois jeter son mégot, se relever et revenir vers la porte fenêtre.

    Pendant un court instant, je m’illusionne qu’il va avoir un mot pour me réconforter. J’aurais dû partir en courant pendant qu’il fumait, ma dignité en avait déjà pris un coup, certes, mais là elle allait être pulvérisée. Je m’apprêtais à boire le poison jusqu’à la lie.

    Il s’arrête sur le seuil, le regard fixe sur moi, dur, hostile. Il me toise, et avec un effort inhumain je tente de soutenir son regard pour essayer de déceler le moindre signe d’empathie à mon égard. En vain. Face à mon regard défait, face à un Nico en demande de la suite naturelle, du prolongement des câlins de la nuit, son regard à lui est impitoyable, implacable…

    Le silence est assommant. Je suis gêné, je baisse mes yeux. C’est à ce moment là que je l’entends lancer, froidement, le ton détaché, presque méprisant :

    T’es encore là ?

    Je suis brisé. Tellement ahuri que j’ai d’abord l’impression de ne pas avoir bien entendu… je lève mon regard, les yeux aux bord des larmes dans l’espoir désespéré que son visage montre autre chose que l’agressivité de ses mots et de sa voix… hélas, son regard est encore plus noir, ses yeux froids comme la glace, je ressens presque de la haine sur moi… je ne sais pas comment c’est arrivé, mais j’ai l’impression qu’à ce moment là je suis à ses yeux le pire de connards… je viens de faire jouir et il me déteste… il vient de m’utiliser pour jouir et il me déteste…

    Jérém... – je m’entends lancer d’une petite voix ridicule, hachée par la détresse…

    Il se tait, le regard toujours aussi intimidant.

    Jérém s’il te plait… - ma voix ressemble à un couinement ridicule… je suis désespéré… j’ai envie de mourir… j’ai envie de le supplier de me faire un câlin, de me dire un mot, juste un mot, de me montrer un regard un peu humain… j’en ai besoin…

    Rien de bon ne viendra de lui ce matin là. Mon insistance à essayer d’obtenir quelque chose de lui pour ne pas m’effondrer n’aura pour résultat que de lui offrir le possibilité de me blesser encore et encore.

    Il faut que tu partes… t’as rien à faire ici…

    Mais Jérém… cette nuit…

    Ne te fais pas d’idées…

    On était si bien, pourquoi tu fais ça ? – je pleure. Dans la confrontation, j’ai perdu, j’ai tout perdu et ma défaite tourne à l’humiliation la plus cuisante.

    Je fais quoi ? Je veux juste que tu foutes le champ de chez moi…

    Mais cette nuit… - j’insiste, fou.

    Cette nuit j’étais défoncé… je t’ai baisé comme d’hab…

    Jérém…

    Putain… il lance, et je vois qu’il commence à s’énerver… il est si sexy et si détestable à la fois…

    Il s’approche de moi, il me saisit méchamment l’avant bras et il m’oblige à sortir du lit.

    Tu te casses, oui ou merde ?

    J’ai mal au bras, mal à l’épaule, j’ai mal au plus profond de moi…

    Je ramasse mes vêtements, je commence à m’habiller en pleurant à chaudes larmes… il se tient là, débout à moins d’un mètre de moi… je sens son regard sur moi, je sens son odeur… j’ai envie de me jeter à son cou, de le serrer contre moi, de le sentir me serrer contre lui, comme cette nuit… j’ai envie de le câliner, j’ai envie de le cogner… j’ai surtout envie de partir loin de cette putain de chambre de malheur… j’ai passé mon pantalon, mon t-shirt, mes chaussures, je suis toujours assis sur le rebord du lit, j’ose un dernier regard. Jérém n’a pas bougé, ses yeux sont si loin de moi, perdus dans le vide… j’ai trop mal, trop mal…

    Jérém, s’il te plait… cette nuit…

    Putain… ! oublie cette nuit, je t’ai dit ! et débarrasse moi le plancher à la fin !

    On m’avait frappé avec un bâton, je n’aurais pas eu si mal. J’étouffe. Je sens que si je reste je vais vraiment le frapper. Je sens la rage m’envahir. Je n’ai pas envie d’en arriver là, alors je commande à mes jambes de se redresser, de me porter vers la sortie. C’est un effort surhumain que je leur demande, que je m’impose.

    Je suis enfin debout. J’avance vers la porte… j’attrape la poignée, je la fais pivoter… et là j’ai l’impression d’entendre un bruit derrière moi… je me retourne, je suis abasourdi… j’ai l’impression qu’il a fait un pas vers moi, j’ai tout juste le temps de croiser ses yeux, pendant qu’il fait demi tour pour disparaître dans la salle de bain en claquant la porte… j’ai vu un truc, je crois que j’ai vu un truc, pourquoi tu fais ça Jérém ? je vais mourir, c’est trop, c’est trop dur, trop cruel…

    Je suis trop mal, il faut que je parte, j’ouvre la porte, je suis dans le couloir sombre, je referme le battant derrière moi, je fais quelques pas chancelants et je m’effondre… les larmes sortent comme rivières… intarissables… j’ai mal comme jamais je n’ai eu mal… il me faut bien une minute pour me ressaisir, pas avant qu’un des résidents du dortoir passe devant moi pour prendre l’escalier… j’essuie mes larmes comme je peux et je lui emboîte le pas…

    Je me retrouve dans la rue et je suis le gars le plus malheureux de l’Univers. Pourquoi cette nuit si c’est pour redevenir aussi dur, aussi méchant ce matin? Pourquoi ne suis-je pas parti dès mon réveil, avant qu’il ne se réveille à son tour? Je savais que c’était la seule bonne solution à prendre… pourtant je suis resté ! Quel con !

    Quel connard ce Jérémie T !!! Ce que je voyais à ce moment là, en ce dimanche matin de toutes les désillusions, c’était que Jérém se comportait comme un con et qui était d’une méchanceté et d’une injustice sans nom à mon égard… je le haïssais… je l’aimais et je le haïssais à la fois… dans ma tête ce n’était plus le feu d’artifice, c’était un paysage de désolation et de cauchemar… ça cognait avec une violence à m’en donner la migraine… la fatigue et le dégoût me terrassaient.

    Au beau milieu du Grand Rond, je me suis assis sur un banc et j’ai pleuré. Le jardin d’Eden avait laissé place à une ghosttown… mais dans cette ghosttown on n’était plus deux, ensemble, amoureux et forts… j’étais seul et meurtri, cette ghosttown me faisait vraiment peur, l’angoisse, le sentiment d’abandon me prenaient à la gorge, j’avais du mal à respirer…

    Je finis par me calmer un peu et pour prêter mon oreille aux chants des oiseaux célébrant le printemps sur le silence de la ville encore endormie… c’est dingue ça… je ne sais pas où ils sont ces oiseaux, pourquoi sont-t-ils en ville alors qu’ils seraient bien mieux à la campagne ? Sacrée bonne idée que cet énorme espace vert en ville… Quoi qu’il en soit, ils sont là et leur chant gai et coloré est fait pour donner la pêche… c’est tellement riche comme son, tellement rond comme mélodie… on dirait du Abba…

    Hélas, quand on est malheureux, la joie autour de nous est impuissante à nous remonter le moral ; au contraire, elle participe à nous donner encore plus la mesure de notre malheur. Pauvres petits oiseaux chantant le printemps, comme votre chant me rend triste ce matin !

    Je suis si accablé… je me surprends à regarder en arrière à ce qui a été jusqu’à là ma vie… je me pose la question de savoir si je n’avais jamais vraiment été à ce point amoureux… amoureux et malheureux… et la réponse que je me donne est… non, clairement non… jamais à cause d’une fille, ça c’est sur, et jamais à cause d’un garçon non plus… depuis très longtemps déjà j’appréciais l’exercice de regarder les bogoss, je me branlais parfois en pensant à un tel ou à un tel que je trouvais sexy… j’avais souvent été attiré, charmé, entiché… mais ça s’arrêtait là… jamais encore je n’avais eu la possibilité de pénétrer assez dans la vie, dans l’intimité de l’un ou l’autre d’entre eux, pour avoir de quoi réellement tomber amoureux… jamais quelqu’un avait eu autant de pouvoir sur moi… le pouvoir de me rendre heureux pendant une nuit incroyable, le pouvoir de me mettre plus bas que terre juste après…

    La pluie avait cessé de tomber mais le vent soufflait toujours en ce triste dimanche matin. Comme il soufflait le jour de notre première révision. Je réalise soudain qu’à chaque épisode marquant de mon histoire avec Jérém, qu’il soit heureux ou malheureux, il y avait du vent… il y aura toujours du vent… sacré vent d’Autan… presque la partition de ma vie, de notre histoire… un peu comme notre chanson à Jérém et à moi… cette chanson à nous qu'on n'aura jamais… 

    Dès lors le vent me parla de Jérém. Ce sont des mots heureux, parfois des mots amers, ou encore des mots nostalgiques. Dès que le vent se lève, surtout au printemps, lors de ces journées de soleil très claires, quand le vent souffle sur plusieurs jours, je revois Jérém le jour de notre première révision, son t-shirt blanc, son sourire coquin, son insupportable et irrésistible assurance quand il avait donné le coup d’envoi à notre histoire… je me souviens encore de ses mots précis…

    « Eh mec - me dit en posant une main sur mon épaule - je sais que tu veux la voir, je sais que tu en as envie... alors viens la chercher... »…

    Qui eut cru ce jour là qu’on en serait arrivé à une nuit comme celle que je venais de vivre ? Et que le matin aurait tout gâché ? Comment ne pas me sentir déchiré entre ces deux Jérémie, meurtri par le contraste criant entre les sentiment d’amour et de haine qu’il avait su inspirer en moi, à si peu de distance l’un de l’autre ?

    Je trouve le courage de continuer à marcher vers la Patte d’Oie et quand j’arrive chez moi, je m’aperçois avec soulagement que la maison est toujours endormie. C’est déjà ça. Je ne supporterai pas d’affronter ma mère ou mon père à cette heure là, dans cet état de fatigue, de mort dans l’âme, avec cette mine défaite, avec cette tête d’enterrement, les larmes intarissables ruisselant sur mon visage. Entendre des questions. Ne pas avoir le courage de donner des explications. J’ai juste besoin de mon lit. Du noir de ma chambre. De ma couette. De me recroqueviller en position foetale et de continuer à broyer du noir. Essayer de comprendre. Je sais que n’y arriverai pas et que ça va me prendre la tête mais je sais aussi que je ne pourrai pas m’en empêcher.

    J’ai laissé un mot sur la table de la cuisine « Suis rentré tard, désolé, besoin de dormir, stp maman. Bisous ». Elle aura mon sms de la nuit mais je serai rentré, alors ça n’aura plus d’importance. J’espère qu’elle va comprendre. On parlera de ça plus tard, mais pas à huit heures du mat. Pas un dimanche matin. Pas ce dimanche matin.

    Je suis dans ma chambre. Je me déshabille. Je suis dans mon lit. Son goût, un goût plus amer que d’habitude, persiste dans ma bouche. Le souvenir de ses allés venues brutales aussi. Je serre sa chemise contre moi, son odeur m’apaise immédiatement. C’est magique et ça le sera toujours. Je suis fatigué, j’ai du dormir moins de deux heures… je me sens fiévreux, les images se bousculent en moi sans que je puisse les analyser, je suis tellement affaibli que même ma souffrance semble suspendue… alors, entre le sommeil et la veille, dans un dernier sursaut émotionnel avant de céder au besoin de repos de mon corps, je revois Jérém dans mes bras… je retrouve l’odeur de sa peau, sa chaleur, cette sensation de plénitude, ce corps au creux du mien… le rêve… je l’aime… je pleure…  

    Nuit de dingue, nuit magique. Je rembobine une dernière fois depuis le début de cette folie de moins de douze heures , je rembobine pour tenter de comprendre, pour ne pas devenir fou de tristesse et de malheur: le mec des chiottes ; la bagarre ; Jérém hors de lui, sa rage, la violence de ses actes et de ses mots ; le t-shirt blanc taché de sang : le bonheur de voir ce beau mâle accourir pour me défendre ; le départ précipité de l’Esmeralda : l’excitation de savoir que je vais le voir nu, le toucher, coucher avec lui ; Thibault dans la lumière des feux de la 205 : peut-être un désir refoulé, touchant ; le retour en 205, ses questions : l’impression qu’une certaine forme de jalousie ou de possession à mon égard se dégage de ses mots ; le trajet à pied entre le canal et l’entrée de son immeuble, les mecs qu’on a croisés se dirigeant vers le On Off, tous ces regards qui se tournent vers mon beau : ma jalousie à l’idée que Jérém habite à mi chemin entre la Ciguë et l’On Off; une jalousie complètement effacée par l’amour de cette nuit féerique, son attitude de mec attentionné et câlin, son besoin de se laisser aller ; et puis sa demande, non pas un ordre mais une demande chuchotée au creux de mon oreille : Reste, t’en vas pas… et sa main qui saisit la mienne, cette invitation à l’enlacer sous la couette; le sentir dans mes bras, être fou de lui et ne plus rien comprendre quand je l’entends sangloter…

    Toujours du mal à réaliser que le champion de rugby, le mec que toute nana avait eu ou voudrait avoir un jour dans son lit, le meilleur ami de Thibault, si souriant et épanoui en sa présence, le mec à la réputation d’être froid et sans sentiments au lit, la bête de sexe, le mec le plus populaire, le plus en vue du lycée, comment réaliser que ce mec non seulement couchait avec moi depuis des mois, mais qu’il terminait sa soirée en cherchant dans mes bras consolation à sa détresse… 

    Pourtant je ne l’avais pas rêvé… mes lèvres avaient brûlé d’envie de lui apporter des mots doux, de comprendre ce qui se passait dans son cœur, de savoir le pourquoi de ce mal-être si inattendu… alors qu’on venait de faire l’amour, alors qu’on avait pris un plaisir fou, alors que notre entente avait été si parfaite, et bien au delà de la sexualité…

    … j’avais eu envie de lui parler, pour le calmer, pour le rassurer, mais j’avais eu l’intuition que les mots ne serviraient qu’à tout gâcher, à gâcher la magie absolue de cet instant. Alors j’y avais renoncé. Et j’avais même renoncé à lui faire sentir ma présence au delà de ce contact physique qu’il avait lui même souhaité : ainsi, alors que mes mains et mes lèvres languissaient de lui faire les câlins les plus doux du monde, je m’étais fait violence pour ne pas lui montrer que j’étais en train d’assister à sa détresse d’un instant… il se serait senti humilié et il m’en aurait voulu à mort… il en allait de sa fierté, et avant sa fierté, tout simplement de sa dignité… je savais fort bien qu’il n’était pas encore prêt à assumer ses blessures, ses fêlures, ses angoisses… pas du tout… 

    Me réveiller un peu plus tard enserré dans ses bras… je ne suis plus sur terre, j’ai migré au Paradis… je me suis transformé en Ange…

    Mais le matin et les Anges ne font apparemment pas bon ménage… après avoir été adorable cette nuit, au réveil le beau brun a été odieux, méchant, violent, blessant… comment y comprendre quelque chose ? On dirait la bande annonce d’un film à suspense… des images mises côte à côte pour perdre le futur spectateur…

    Comment ne pas être défait après un tel changement d’attitude surtout à si peu de temps d’intervalle… avoir eu envie de lui faire plein de câlins et un instant plus tard avoir ressenti la rage me prendre au ventre, ressentir un sentiment d’injustice, le sentiment de m’être fait avoir, d’avoir été berné… d’avoir passé la plus belle soirée et la plus belle nuit de ma vie… d’avoir connu le plus beau réveil de ma vie… d’avoir cru vivre tout ça et découvrir que ce n’était que pure illusion, une illusion que son comportement avait par ailleurs grandement contribué à créer… avoir été le plus heureux des gars pendant un instant, juste avant de connaître la pire désillusion de ma vie, la douche la plus glaciale que l’on puisse imaginer…

    Vraiment j’aurais du partir tant qu’il dormait… laisser intact le souvenir de cette nuit… peut-être ça aurait été mieux dans sa tête à lui… j’en sais rien… faut croire que s’il a réagit comme ça, c’est que cette nuit n’a vraiment rien changé… j’ai trop du le faire chier avec mes câlins… je suis trop tactile, trop en demande… pourtant c’est lui qui a demandé, merde, je n’y comprends plus rien, je n’y comprendrais jamais rien à ce con de mek !

    Oui, j’aurais dû partir : j’aurai au moins connu un dimanche de bonheur, en attendant la suite… partir en portant avec moi tous les énormes espoirs que cette nuit avait su créer dans mon esprit amoureux… partir avec une illusion… être heureux en m’appuyant sur une illusion que j’aurais prise pour la réalité… partir sans savoir qu’un désenchantement me guettait dès la prochaine révision... dans l’attente je me serai fait mille films, des long-métrages dont j’aurais certainement rendu Elodie spectatrice unique, contrainte et forcée… j’aurais vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué…

    Et dès la prochaine éventuelle rencontre, je n’aurais pas pu résister, j’aurai tenté de lui faire des câlins et je me serais fait jeter de la même façon… ma désillusion, mon désenchantement aurait ainsi été encore plus violents…

    Quelque part c’est mieux que ça se soit passé ainsi… au moins j’en aurai le cœur net… crever l’illusion avant qu’elle ne devienne dévastatrice… mais ça fait mal… un mal de chien… ça me prend aux tripes… je me sens tellement sur les nerfs que mon corps est secoué par des frissons, j’en suis courbaturé… je n’ai jamais eu si mal dans ma vie… ce putain de sentiment de trahison et d’abandon… cette fois-ci c’est sûr, je ne le reverrai plus jamais…

    Non, c’es pire que ça… je vais le revoir au bac la semaine prochaine… toute une semaine à le mater arriver au lycée, beau comme un Dieu, il sera là devant moi avec un putain de t-shirt moulant… il sera là, comme d’hab, l’air de rien, il ne me regardera même pas… il ignorera ma tristesse, mes larmes tout justes retenues, ma mine défaite d’un week-end de chagrin… je passerai une semaine à l’aimer, à avoir envie de lui, une semaine à le détester, à le haïr, à avoir envie de lui faire mal comme il m’en a fait…

    J’ai envie de crever… j’ai envie de déchirer sa chemise, de lui foutre le feu, j’ai envie d’oublier son odeur, son visage, son corps, son nom, son existence… j’ai envie de passer tout ce dimanche seul à pleurer, à m’épuiser de tristesse…

    Je sais que je ne vais pas dormir et que demain je serai incapable de me concentrer sur autre chose pendant les épreuves du bac que sur les sentiments de haine viscérale et d’amour infini que je ressens envers ce connard de mec… j’ai l’impression que je vais rater mon bac…

    Le sommeil ne viendra pas ce matin là, je passerai des heures à ruminer tout cela sans arriver à trouver le moindre réconfort… un peu avant midi, il me faudra quand même me lever, ma mère commençant à gueuler que le repas allait être prêt. Maman a du voir que ça n’allait pas fort. Elle ne m’a pas fait la morale. Avant de nous mettre à table, dans la cuisine, pendant que j’attrapais les couverts, elle m’a juste demandé si ça allait. Un peu fatigué. Et Dimitri ça va ? Ca va.

    Pendant tout le repas de midi je retiendrai mes larmes. De justesse, en faisant un effort inhumain. Je ne sortirai presque pas de mots. Je pense que ce dimanche là je me serai noyé si quelqu’un n’était pas passé me tendre une main charitable.

    A deux heures, Elodie était dans ma chambre. Je ne l’avais pas appelée. Elle n’avait pas appelé. Elle est juste passée. Elle l’a senti. J’avais besoin d’elle. Et une fois seul avec elle, ce ne sont pas les mots qui sont sortis en premier. Oui, à midi j’ai retenu mes larmes de justesse. Pas avec Elodie. Elles sont venues chaudes, copieuses, dans ses bras…

     

    A suivre… samedi prochain…


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    Précédemment dans Cinquante Nuances de Jérémie : une soirée en boite de nuit s’était terminée en bagarre entre deux beaux garçons ; une drôle de soirée s’était transformée en nuit de bonheur ; hélas, la magie d’un instant avait été souillée par un réveil plutôt brutal : oui, après avoir été adorable pendant l’amour, le matin venu Jérém s’était révélé odieux et méchant ; Nico avait quitté la chambre Rue de la Colombette triste et malheureux, regrettant de ne pas avoir écouté la petite voix intérieure que, depuis le réveil, lui avait signalé sans détour que le seul choix à faire que le seul choix à faire aurait été de partir avant le réveil du beau Jérém ; c’est un Nico meurtri, incapable de comprendre le comportement à la con du beau brun, qui se retrouve en larmes assis sur un banc en plein milieu du Grand Rond… heureusement une main charitable lui avait été tendue en début d’après midi…

     

    … je sens que le sommeil vient en ce dimanche soir… je ferme les yeux et j’ai l’impression d’être dans ses draps, comme la nuit dernière… j’inspire encore son odeur à travers le tissu froissé de sa chemise et j’ai l’impression que si je bouge mon bras il va être là à coté de moi, que je vais pouvoir le caresser, le serrer à moi… l’avoir contre moi, l’avoir en moi… son expression juste avant de jouir en moi revient sans cesse à mon esprit, elle me hante… ma main glisse sur ma queue et, tout naturellement, je me branle…

    Je suis tellement fatigué que je sens que ça va être difficile d’arriver au bout… je pense que le sommeil va me gagner avant… je suis bien, je me branle plus pour continuer à penser à lui que pour vraiment jouir… je suis bien, son odeur avec moi, ça me calme, je ressens un doux apaisement, je suis suspendu entre veille et sommeil, entre envie de me faire jouir et besoin irrésistible de céder au marchand de sable…

     

    Retour en arrière de quelques heures.  

     

    A deux heures ce dimanche là, Elodie était dans ma chambre. Je ne l’avais pas appelée. Elle n’avait pas appelé. Elle est juste passée. Elle l’a senti. J’avais besoin d’elle. Et une fois seul avec elle, ce ne sont pas les mots qui sont sortis en premier. Oui, à midi, devant ma famille, j’ai retenu mes larmes de justesse. Pas avec Elodie. Elles sont venues chaudes, copieuses, dans ses bras.

    Calme toi, Nico…

    Ses mots ont une douceur et une délicatesse infinies, bien loin des piques qu’elle me lance parfois. Merci Elodie. Elle a vu que je suis vraiment mal, elle n’est pas en mode « je te l’avais dit », elle est juste en mode « je suis là, ti cousin ». Je l’adore. Pendant toute ma crise elle m’enserre dans ses bras, sans un mot ; une de ses mains caresse mon dos et ça me fait un bien fou… ce petit câlin me donne encore plus envie de pleurer, mais c’est une bonne chose, il faut que ça sorte, il faut qua ça sorte jusqu’au bout…

    Il me faut un bon moment pour me calmer et trouver la force de parler.

    C’était génial, cette nuit…

    Je vois ça… - elle recommence à se moquer. Mais c’est bon enfant, elle arrive à m’arracher un sourire humide. Elle a toujours le bon tempo. Je ne sais pas comment elle fait. C’est une super nana.

    Te moque pas, stp…

    Excuse…

    Cette nuit il était si tendre, si adorable… jamais on l’a fait de cette façon là…

    A savoir…
    Ce n’était plus de la baise…

    De l’amour ? il t’a fait l’amour ? tu ne te fais pas des films ?

    Il m’a même embrassé…

    Tu l’as fait boire… ! T’as pas trouvé mieux ? C’est une ruse vieille comme le monde… – si je n’avais pas été si triste, le ton sur lequel elle a sorti sa boutade me ferait esclaffer de rire.

    Il n’était pas dans son état normal… il avait un peu bu mais ce n’est pas ça, pas que ça…

    Quoi donc ?

    A l’Esmeralda j’ai failli me faire cogner par un type aux chiottes…

    Tu ne me l’as pas dit…

    Je ne voulais pas t’effrayer… et il est venu me défendre… il a cogné le type…

    Jérém ?

    Oui…

    Oh, putain… tu ne devais plus tenir en place…

    J’étais fou…

    Alors, quand il t’a proposé de rentrer avec lui…

    J’avais pas le choix…

    Ca se conçoit… à ce stade ce n’est même plus une question de choix, c’est une évidence…

    Déjà dans la voiture il m’a fait son jaloux…

    Son jaloux ?

    Il a compris que le mec voulait me cogner parce que je l’avais trop maté…

    Nico, surveille tes regards, un jour il va t’arriver un truc, à force…

    Oui…

    Jaloux… le Jérém… d’un autre mec qui s’intéresserait à toi ? ? Tiens, curieux ça…

    Il m’a presque fait la morale…

    Très fort venant d’un mec qui prête sa queue bien plus souvent que son dû…

    C’est clair…

    Et une fois chez lui ?

    Elodie… tu veux le croire ou pas… on s’est retrouvés face à face… je l’ai embrassé… il m’a laissé faire… je le sentais secoué, par ce qui venait de se passer en boite, par notre conversation dans la voiture, je sentais qu’il avait besoin de moi, de chaleur, de tendresse… je lui en ai donné, je l’ai caressé comme jamais avant cette nuit… à un moment il m’a arrêté… et… et… il m’a embrassé à son tour… du bout des lèvres, mais c’est venu de lui…

    Il a pris de l’exta !

    Elodie…

    Continue, mon cousin…

    Et pendant l’amour… il était doux, attentionné… il m’a même touché…

    Touché ?

    Jamais il ne m’avait branlé…

    Non, putain, de la coke… il s’est fait un rail sur le rebord des chiottes…
    Elodie…

    Excuse, j’essaie juste de te faire rire un peu…

    Oui, Elodie, tu es adorable…

    Continue ti cousin…

    Il n’a pas été jusqu’au bout… ensuite il est… il est…venu…

    Il est venu en toi ?

    Oui… quand il est venu en moi, il était différent des autres fois… il ne faisait plus son macho, son serial baiseur… il prenait son pied sans se presser, j’avais même l’impression qu’il faisait attention à moi… qu’il faisait attention pour que moi aussi j’aie du plaisir…

    C’est ça un homme, un vrai …

    Quoi donc ?

    Un homme…

    Ça veut dire quoi ?

    Pour un homme, ce qui est également important, c’est de voir que l’autre prend du pied grâce à lui, en plus de son propre plaisir et parfois même avant son propre plaisir… un homme ne se contentera pas de jouir… sa jouissance ne sera complète que si son partenaire aura joui à son tour… je ne te parle même pas d’amour, c’est juste une histoire de psychologie masculine, de maturité…

    Pas tout compris Elodie…

    Ton Jérém avait envie de te faire plaisir car ça le confortait encore plus dans sa « virilité »… te voir prendre ton pied grâce à son sexe, ça doit sacrement flatter son ego… et qui sait… il commence peut-être à se rendre compte qu’en plus d’être beau garçon, tu n’es pas qu’un objet sexuel…

    Je ne sais pas, j’ai trop de mal à le comprendre… il avait un regard, pendant qu’il était en moi, un regard que je ne lui ai jamais connu… doux, touchant… si différent…

    Tu sais, Nico, parfois pendant qu’ils couchent, les mecs se lâchent un peu, baissent un peu la garde, mais faut pas croire que c’est définitif… un mec près de jouir est prêt à tout pour conclure… il n’est plus vraiment lui-même…

    Non, tu ne connais pas ce mec comme je le connais… hier soir il était pas comme d’hab… il avait tombé sa carapace…

    La carapace d’un mec après l’orgasme remonte souvent aussi vite que sa queue retombe, mon cousin… certains s’ouvrent sur l’oreiller, d’autres se referment comme des huîtres… pardon d’être si directe…

    C’est ça que j’aime le plus en toi…

    Nico, regarde les choses en face… il s’est bagarré, tu l’as rendu jaloux… il avait picolé… tu l’as câliné… tout s’est enchaîné bien différemment que d’habitude…

    Oui…

    Ote moi d’un doute… ta nuit a l’air de s’être plutôt bien passée… alors comment ça se fait que je te retrouve dans un état pareil ?

    C’est pas fini…

    Et quand tu es parti, il était comment ? – enchaîne Elodie avant que je puisse aller plus loin.

    Je ne suis pas parti…

    Ah bon ??? t’as dormi chez lui ?

    Il me l’a demandé…

    De rester dormir ?

    Oui, et de le prendre dans ses bras…

    On parle bien de Jérém… de Jérémie T ?

    Lui-même !

    Exta+coke+alcool… il avait chargé le mek…

    C’est malin…

    Tu devais être dingue…

    A deux doigts de disjoncter…

    Bon pour l’Hôpital Marchand… ou alors… prêt pour un petit séjour longue durée à Lannemezan ?

    Elodie !!!!

    Pardon, j’arrête mes conneries… t’as réussi à dormir ?

    Très peu…

    Tu m’étonnes…

    Je me suis réveillé un peu plus tard et c’est lui qui me tenait dans ses bras…

    Tu me donneras ton numéro de chambre et les horaires de visite quand tu sera interné ?

    Bien sur…

    Toujours pas compris comment ça se fait que tout ça t’as mis dans un état pareil… tu devrais être le gars le plus heureux de la terre…

    C’est pas fini…

    Oh, non… non… non… non… nooooon !… je me refuse ce croire que même mon ti cousin Nico, le roi des maladresses, le prince des gaffeurs ait pu se cogner à un obstacle si facile à esquiver… je vais t’appeler Titanic…

    Quoi donc ?

    T’es resté… t’as attendu qu’il se réveille…

    Je suis resté…

    Dis-moi au moins qu’il s’est réveillé avant toi… que tu n’as pas sciemment attendu qu’il se réveille, que tu ne lui as pas carrément tendu le bâton pour te faire battre…

    Je la regarde, sans savoir quoi dire.

    T’étais réveillé avant lui…

    Oui…

    Et t’as pas pensé qu’il valait mieux te tirer avant qu’il ouvre les yeux ?

    Si… si…

    Et il a été odieux je te parie…

    Oui…

    Tu t’en doutais pas que ça allait arriver ?
    J’en avais peur mais j’avais envie que ça se passe autrement… après cette nuit, j’y croyais un peu… j’avais trop envie de…

    De lui faire une gâterie au réveil ?

    Aussi…

    Comment ne pas avoir envie de faire tomber la trique du matin d’un beau garçon… mais là c’est vraiment mal joué mon cousin… puisque tu semble ne pas la connaître, je te donne une règle très utile pour ce genre de situation : à savoir que, lorsqu’elle est agrémentée d’un peu d’alcool, de substances illicites…

    Je te dis qu’il n’a rien pris…

    Elle continue, faisant mine de ne pas avoir entendu mes mots.

    … et de quelques émotions, la nuit est capable de déclencher des événements que certains ne savent guère assumer le matin venu. C’est déjà vrai pour les amours hétéros, ça doit l’être d’autant plus dans ce genre de situation, là un des deux partenaires est, comme Jérém l’est à l’évidence, un bi qui ne s’assume pas… il faut savoir comprendre s’il faut rester ou partir… tu sais, cousin, une fois ça m’est arrivé de coucher avec un mec qui…

    Elodie enchaîne sur le récit de l’une de ses nuits compliquées… je fais semblant d’écouter mais en réalité je n’entends plus ses mots… je pars ailleurs dans ma tête… deux de ses phrases résonnent en moi comme un écho dans les Pyrénées : « des événements que certains ne savent guère assumer le matin venu… un des deux partenaires est un bi qui ne s’assume pas » et soudainement j’entends un déclic en moi. D’un seul coup tout devient clair dans ma tête. Tous s’enchaîne et s’organise. Ma cousine est un as. Ou alors je suis tout simplement trop bête. Aveuglé par mon amour. Abruti par mon manque d’expérience et de connaissance de la psychologie masculine. De la psychologie « Jérémie ».

    Mais tout est pourtant clair depuis le début… pourquoi cette nuit Jérém était-t-il dans cet état d’âme si étrange? Pourquoi sa détresse dans mes bras ?

    La raison est pourtant si simple, si évidente… porté par des évènements, par des émotions inhabituelles, une fois dans sa vie il a accepté qu’on lui apporte, que JE lui apporte, un peu de tendresse… il s’est rendu compte que ça lui faisait un grand bien, un bien dont il avait besoin mais qu’il avait toujours refusé, refusé pour ne pas en devenir dépendant, suivant une philosophie qui consiste à renoncer à vivre ce dont on a envie pour se protéger des conséquences…

    Un peu de tendresse et voilà, voilà d’un coup d’anciennes tensions se relâcher, des blessures jamais guéries recommencer à saigner… il a dû se sentir perdu… égaré dans cet univers d’affection qui lui était jusqu’à là si étranger et dans lequel il s’est retrouvé projeté sans vraiment le vouloir, par la présence d’un petit mec prénommé Nico…

    Pourquoi son changement brutal de comportement le matin venu ? Ca aussi c’est limpide comme eau de roche. Le prix à payer pour ce nouveau bonheur lui parait pour l’instant trop élevé : laisser un pd rentrer dans son intimité, lui donner les clefs de son coeur… en fin de compte, Jérém n'est pas difficile a comprendre… c’est un mec à nana qui tombe amoureux d'un garçon, qui finit par se rendre compte qu'un gay n'est pas qu'un trou et qui ne sait pas, ne veut pas, ne peut pas accepter ça, il ne peut pas se remettre en question… être un canon, en plus du fait de s’être taillé une réputation de serial baiseur, l'a placé dans un rôle de mâle qui est difficilement compatible avec des envies qu’il découvre malgré lui… il se sent attiré vers l’inconnu, vers quelque chose qui lui fait peur…

    Mais oui… il affectionne un homme ! il m’affectionne moi !! c’est un changement brutal dans sa vie… tellement brutal et inattendu que ça explique sa façon d’avancer à reculons… il va lui falloir du temps pour digérer tout ça… il va me falloir comprendre ses regards, comprendre et accepter que certaines de ses attitudes disent autre chose que ses mots durs et que ses réactions à la con, aller au delà de son incapacité présente à assumer tout ça…

    Je repense alors à ce petit bruit dans mon dos pendant que je saisissais la poignée de la porte de sa chambre… un doute hante mon esprit se transformant petit à petit en certitude… je suis presque sûr que Jérém avait avancé vers moi pendant que je prenais la porte de sa chambre… quand je me suis retourné, son bras revenait vers son buste comme pour cacher un geste inaccompli et non assumé…

    Il avait fait un pas, certes retenu, retiré, mais un pas quand même… un pas, quelle symbolique… et puis son regard, ce bout de regard que j’ai capté pendant que déjà il partait loin de moi, pendant qu’il complétait son demi tour hâtif juste avant de disparaître aux chiottes en claquant la porte… ce ne fut qu’une fraction de seconde, une fraction qu’aucun horloge ne serait capable de mesurer… une fraction de temps où j’ai cru mourir… un tout petit moment de rien du tout pendant lequel j’aurais juré, sans vraiment être sûr que ce ne soit pas mon imagination qui me joue des tours, voir quelque chose au fond de ses yeux… comme de la tristesse… humide…

    Avait-t-il voulu me retenir pour ne pas me laisser partir dans cet état là ? Avait-t-il pendant un court instant regretté sa dureté, sa méchanceté? Avait-t-il été touché par ma détresse et mon désespoir ? Avait-t-il à un moment voulu me réconforter sans pouvoir se forcer à le faire en bout de compte?

    Mon pauvre Jérém… Jérém pourquoi résistes-tu ? Pourquoi te fais-tu violence ? Pourquoi te rends-tu si malheureux ? Pourquoi nous rends-tu si malheureux ?

    C’est dur, si dur… c’est dur mais il faut que tu sois fort, Nico. Il faut te battre. Tu le sais désormais, sa violence est une armure… tu l’as bien découvert cette nuit… tu sais qu’il est capable d’être aimant, d’être humain… tu commences à avoir quelque clef, il faut que tu t’accroches à ça, il faut que tu fasses le dos rond, il faut que tu prennes sur toi pour l’instant, tu es assez fort, tu vas y arriver… ce mec en vaut la peine… c’est l’homme que tu aimes… il faut que tu penses à ses regards, à ses gestes pendant l’amour, il faut que tu penses à l’homme que tu as vu cette nuit et non pas au mec énervé et agressif que tu as croisé ce matin…

    A quoi penses-tu, mon cousin ? – c’est Elodie qui m’arrache à mes pensées. En quelques secondes à peine, elles ont totalement changé de polarité. 

    Pourquoi ?

    Tu ne parles plus, tu souris tout seul… t’as pris de l’exta toi aussi ?

    T’es conne ! Non, Elodie, je viens de comprendre quelque chose… grâce à toi…

    Qu’est ce que tu ferais sans ta cousine préférée ?

    Elodie est restée pendant tout l’après-midi. On a encore parlé de Jérém, je lui ai expliqué ce que je venais de comprendre à son sujet, et au sujet de son comportement du matin… elle m’a écouté, elle sait désormais que c’est peine perdue que d’essayer de me persuader que Jérém n’est pas un garçon pour moi, qu’il faut que j’arrête de penser à lui, de le voir, que ma vie serait infiniment plus simple si j’arrivais à l’oublier… oui, c’est peine perdue car le mal est fait… ce garçon a pris mon cœur à jamais, et je ne peux rien contre cette force irrésistible qui m’attire vers lui ; je sais ce qu’elle pense, elle sait que je le sais, elle respecte mon choix ; je sais qu’elle a compris que je dois aller au bout de ce que j’ai à vivre avec ce garçon, coûte qui coûte, je le dois car je n’ai carrément pas le choix… et je sais désormais que je pourrai venir pleurer dans ses bras à chaque fois que j’en aurais besoin car elle m’a montré le mode « Je suis là, Nico » en prenant sur elle pour me réconforter.

    Oui, Elodie, comment ferais-je si tu n’étais pas là ?

    Après avoir traité du dossier « Jérémie T » en long, en large et en travers, on a aussi parlé d’elle, de ses amours compliquées ; et à la fin, on a parlé de notre enfance. Depuis quelque temps, quand on reste longtemps ensemble, on finit toujours par parler de notre enfance. Ça doit être le signe que l’on est en train de grandir… On s’est surpris à être un peu nostalgiques de cette époque qu’on a vécue ensemble, une époque où tout était simple, où l’amour ne faisait pas encore battre nos cœurs en chamboulant nos vies de la sorte. Une époque où Jérémie n’était pas encore rentré dans mon existence. Une époque où le monde avançait sans nous. Où personne ne nous demandait de comptes. Une époque où on se sentait en sécurité. On passe les dix premières années de notre vie à vouloir sortir de l’enfance. Et le restant de notre existence à rêver d’y revenir.

    Elodie est restée dîner. Elle a fait la conversation à table. Et moi avec elle. J’étais presque euphorique. Rien à voir avec la gueule de midi. C’est bon de l’avoir à mes côtés. Elodie est mon Thibault à moi. Elle me met de bonne humeur, elle veille sur moi, elle est toujours là quand il le faut, elle sait toujours quoi faire. Ni trop, ni pas assez. Le juste milieu. Elle sait ce qui est bon pour moi, avant même que je le sache moi-même. Depuis qu’elle est arrivée ce dimanche après midi, j’ai trouvé comment sécher mes larmes.

    Elle est partie peu après le repas.

    Il n’est que 21h30 mais je sens l’appel du lit. La nuit dernière je n’ai dormi que deux heures à peine… demain c’est le bac, il faut que je récupère, il me faut être en forme… je regarde mon portable… écran vide… inutile d’espérer un sms de mon beau, il n’est pas du genre… surtout pas après ce qui s’est passé cette nuit, surtout pas après s’être énervé comme il s’est énervé ce matin… surtout avec le bazar que ça doit être dans sa jolie tête… sacré bazar… un peu comme dans la mienne…

    Elodie n’est partie que depuis une demie heure et, privé de sa présence, je sens rapidement mon état d’esprit changer : oui, sans ma cousine à mes côtés, je me sens beaucoup moins fort. Je sens que mes résolutions de l’après-midi, si déterminées il y a encore quelques minutes, semblent perdre de leur audace, de leur énergie, de leur conviction. Je sens le courage me quitter. Je sens l’angoisse s’emparer de mon esprit, l’envahir, le submerger, l’étouffer. La décision d'affronter bravement l'hostilité et les humeurs changeantes de Jérém s'évapore à vitesse grand V et voilà mes doutes me rattraper. Je me sens seul et sans ressources, sans défenses face à son agressivité et à sa dureté, à l’instabilité affective dans laquelle son comportement me plonge. 
    L’idée de le revoir dans quelques heures au bac recommence à me paraître insoutenable, angoissante. Il me faut reprendre tout ça une fois de plus et retrouver l’état d’esprit de l’après-midi quand Elodie était avec moi, quand je me suis senti fort et déterminé, capable de faire face à Jérém, à son attitude à la con, quand je me sentais assuré du fait qu’il faudra du temps pour qu’il se rende compte de certaines choses, mais qu’il y arrivera un jour, c’est sur… retrouver la sensation rassurante qu’il me faut juste du temps, de l’énergie et du courage pour apprivoiser la bête… parce que l’enjeu est trop grand pour que j’envisage, ce ne serait que pendant une seconde, d’y renoncer…

    Je me cale sous la couette dans le noir et dans le silence de ma petite chambre. Je m’isole, je ferme les yeux sur le monde et je les ouvre sur mon monde intérieur. Je voyage dans ma tête. Je pars loin du présent. J’ai toujours été très bon à ce jeu là : m’évader dans l’espace infini de mon jardin secret.

    J’en ai vraiment besoin car, depuis qu’Elodie est partie, je ne me sens pas bien, je me dis que c’est moi qui ai tout gâché ce matin… je décide alors de remonter le temps pour voir exactement là où ça a foiré, pour imaginer une autre issue, plus heureuse. Je ferme les yeux et dans la salle obscure de ma tête, je lance la bande des dernières 24 heures en mode rembobinage… 

    Je fais défiler ce dimanche image par image, je revois le dîner de tout à l’heure, mon état d’esprit guilleret tant que ma cousiné était là ; je remonte mon après-midi avec Elodie, je me remémore nos conversations, nos rires, mon récit de la nuit avec Jérém, ses blagounettes pour détendre l’ambiance, ses mots qui ont fait clic dans ma tête « la nuit est capable de déclencher des événements que certains ne savent guère assumer le matin venu… là un des deux partenaires est, comme Jérém l’est à l’évidence, un bi qui ne s’assume pas… »… je voudrais à ce moment là faire arrêt sur image, mais tout circule si vite que je ne peux qu’en être spectateur ; je me revois en pleurs lorsqu’elle est rentrée dans ma chambre… je me replonge dans l’affreux repas en famille de midi, passé en silence retenant mes larmes prêtes à déborder ; mon esprit se balade encore plus loin … je suis sous la couette où je tente de m’endormir en ce matin de dimanche… je recule encore la bande vidéo dans ma tête et je me revois rentrer chez moi à huit heures et laisser un mot à ma mère ; image après image, je suis dans la rue, je suis triste, je suis perdu, je suis assis sur un banc du Grand Rond, je suis déjà en larmes et le chant des oiseaux du matin me donne la mesure de mon malheur ; je continue à regarder les images défiler à rebours avec un mouvement rapide et inversé qui n’a rien de naturel : je me retrouve rue de la Colombette, ensuite je me revois dans le couloir du dortoir, la porte de sa chambre dans mon dos, l’impression que tout s’effondre autour de moi, la porte se ferme et se rouvre, je suis à nouveau dans sa chambre, la poignée de la porte devant moi, Jérém qui disparaît dans les chiottes après avoir fait un demi pas vers moi et s’être retiré… dans l’image juste avant, me voilà encore assis sur le lit, Jérém débout à un mètre de moi, en silence, en colère… envie à la fois de lui faire un câlin et de le frapper… je revois son regard noir, dur, fuyant, ses gestes sans pitié, ses mots qui résonnent dans ma tête avec une violence brutale… je les entends repasser à rebours…

    Putain… ! oublie cette nuit, je t’ai dit ! et débarrasse moi le plancher à la fin ! (J’ai mal au bras, mal à l’épaule, j’ai mal au plus profond de moi)… Tu te casses, oui ou merde ?... (il s’approche de moi, il me saisit méchamment l’avant bras et il m’oblige à sortir du lit… Je le revois en train de s’énerver… si sexy et si détestable à la fois)… Ne te fais pas d’idées… Cette nuit j’étais défoncé… je t’ai baisé comme d’hab… Je veux juste que tu foutes le champ de chez moi… Il faut que tu partes… t’as rien à faire ici… T’es encore là ? (Sacrée petit con ce Jérém !).

    Je tente de chasser ce cauchemar de ma tête, en vain, tous les détails remontent… je voudrais passer vite sur ces moments mais la bande vidéo semble ralentir toute seule… ou bien est-ce que ce serait moi qui est inconsciemment en train de la retenir ? la bande recule encore… je retrouve son goût, cette fois ci bien amer, dans ma bouche, ses mains sur mes oreilles enserrant ma tête, ses coups de bassin dans ma bouche, ses mains qui saisissent les miennes, coupables d’avoir tenté juste avant une caresse sur son visage, une caresse comme celle permise quelques heure plus tôt et redevenue tabou à la lumière du jour ; je me revois prendre sa queue raide dans ma bouche, le faire de mon propre chef, la caresser, hésiter devant le drap moulant ses attributs, avoir pensé avec tristesse au fait que c’était peut être la dernière fois que je revoyais cette chambre, avoir joui tout seul dans ses draps un instant plus tôt, avoir éternué, avoir essayé en vain de retenir mon éternuement, avoir eu peur de le réveiller… avoir soulevé le drap, l’envie de voir sa trique du matin…

    Et voilà qu’arrive enfin la dernière image heureuse : Jérém endormi à côté de moi… Dernière séquence utile. Je mets sur pause. L’image est trop belle pour ne pas s’y attarder un instant. J’ai du mal à m’en détacher, mais je finis par rembobiner l’enregistrement jusqu’au début de la scène.

    Mon réveil. Il est 7 heures quand j’ouvre les yeux… le store n’est pas complètement déroulé et le jour commence à rentrer par le bas de la porte fenêtre… Jérém n’est plus enlacé autour de moi… il est endormi, beau comme un enfant, juste à coté… il est presque tourné sur le flanc, vers moi, une main entre la tête et l’oreiller… canaille de mec, qu’est ce qu’il est beau dans son sommeil… son regard est tellement doux, apaisé, ses angoisses et ses inquiétudes de la veille semblent complètement effacées de son visage… j’adore le voir dormir car je me fais la réflexion que quand il dort il est là, tout entier avec moi… il ne fait pas des trucs que je ne voudrais pas qu’il fasse, il ne pense pas à des trucs dont je ne voudrais pas qu’il pense… je ne suis plus jaloux, je ne suis plus angoissé, je suis bien, je le regarde et je veille sur lui… je sens que ma jalousie vis-à-vis de ses nombreuses aventures du passé s’estompe, je sens que mon cœur est conquis… je sens qu’il ne peut plus me faire souffrir, que nos deux esprits sont si proches, liés à jamais… je sens une étrange sensation parcourir mon corps, un truc qui m’attire vers lui, un truc d’une tendresse infinie, comme un parfum de bonheur…

    Alors je reste là, la tête posée sur l’oreiller, à le contempler pendant un long moment, à le regarder respirer, le regarder dormir, rêver peut être… s’il rêve, il rêve de quoi, de qui ? Est-ce qu’il y a de la place pour moi dans ses rêves… ? C’est trop beau, Jérém qui fait dodo… je ne veux pas le réveiller, pas encore, je voudrais que ce moment de perfection dure toute une vie… jamais je ne me suis senti aussi bien avec ce mec, jamais… pendant son sommeil, tout est possible… imaginer qu’il m’appartient tout entier, imaginer que la nuit passée ne soit pas qu’un épisode isolée, qu’une erreur de scénario… imaginer que Jérém s’est enfin aperçu que je compte pour lui, un peu quand même…

    Le choix qui se présente à mon esprit est difficile à appréhender… partir maintenant, quitte à qu’il se pose des questions en se réveillant seul dans son lit, alors qu’il s’y était endormi en compagnie ; ou bien rester, rester et prendre le risque de le voir contrarié de me trouver encore là…

    La scène touche à sa fin. Je mets sur pause. Cette image de Jérém endormi ce matin là à coté de moi est d’une beauté à m’étourdir. Je décide que je garderai cette image là en dernier ; et que la suite sera entièrement réécrite. Sur la puissante table de montage installée dans ma tête, je coupe toute la bande tournée après ce moment et je la remplace par une scène que je suis en train de créer de toute pièce en partant du seul choix qui s’imposait ce matin là… dans ma tête, je revis ce dimanche matin… c’est le Dimanche Matin 2.0…

    … dans le Dimanche Matin 2.0, je sais que la seule bonne décision à prendre, c’est celle de partir avant qu’il se réveillé. Je suis sûr de ma décision et je sais que je ne vais pas la regretter. C’est bien de choisir, on se sent soulagé après. Quand on couche avec un jeune homme bi qui n’assume pas sa part de bi, handle with care, produit dangereux, risque de réactions imprévues… risque de blessures

    … dans le Dimanche Matin 2.0, je m’oblige, la mort dans l’âme, à m’habiller en faisant bien attention à ne pas réveiller le beau dormant ; je me retourne vers lui, je le regarde amoureusement, je lui offre une dernière caresse et un ultime baiser sur le front… je me tiens debout devant le lit, prêt à partir… je m’arrache non sans difficulté du contact visuel avec ce visage d’ange endormi… je dois me faire violence, et pendant un instant ça fait mal comme quand on arrache un pansement… je prend la porte et je la referme doucement derrière moi… je quitte sa chambre la larme à l’œil… je me pose encore une fois la question de savoir ce qu’il ressentira à son réveil, voyant que je suis parti… ça y est, je suis dehors… je reprends enfin une bonne inspiration bien profonde…

    ... dans le Dimanche Matin 2.0, imaginer Jérém ouvrant les yeux en entendant la porte se refermer derrière moi, lui qui ne dormait peut-être plus déjà depuis un certain moment, le laissant se réveiller trankil, sa trique matinale lui faisant regretter une gâterie que je ne lui aurais pas faite, lui faisant ressentir une frustration qui aurait gardé vif en lui le souvenir de moi pendant un long moment, lui inspirant ainsi de bonnes branlettes sous la couette et sous la douche en repensant à tout cela…

    … dans le Dimanche Matin 2.0, je revis mon départ ce matin là avec un tout autre état d’esprit… dans cette réalité parallèle, après l’avoir quitté avant son réveil, je me retrouve en bas de chez lui, dans la rue déserte à cette heure là. J’ai les yeux pleins d’étoiles, j’ai l’impression que toute la ville est pour moi, que je suis seul au monde, je me retiens de justesse de pousser un grand cri de joie… s’il n’était pas si tôt, j’appellerai Elodie pour la faire délirer… tous mes sens sont en éveil et je suis tellement heureux que j’ai l’impression que autour de moi tout est plus beau que la veille… je descends la rue de la Colombette et je tourne vers St Aubin direction La Patte d’Oie… j’ai envie de marcher pour me calmer… j’ai l’impression que tout est facile et que la vie est vraiment belle et que rien ne peut m’ôter ce sentiment…

    … dans le Dimanche Matin 2.0, j’arrive au Grand Rond et je suis tellement heureux que je dois m’arrêter un instant sur un banc pour reprendre mon souffle ; mes oreilles sont ravies par des chants d’oiseaux célébrant le printemps sur le silence de la ville encore endormie… c’est dingue ça… je ne sais pas où ils sont ces oiseaux, pourquoi sont-t-ils en ville alors qu’ils seraient bien mieux à la campagne ? Sacrée bonne idée que cet énorme espace vert en ville… quoi qu’il en soit, ils sont là et leur chant gai et coloré est fait pour donner la pêche… c’est tellement riche comme son, tellement rond comme mélodie… on dirait du Abba… mon cœur est heureux et lorsque on a la joie dans le cœur, la joie qu’un ressent autour de nous ne fait que faire écho à la notre et à nous rendre encore plus heureux…

    … dans le Dimanche Matin 2.0, je suis enchanté et je me surprends à regarder en arrière à ce qui a été jusqu’à là mon existence… je me pose la question de savoir si de ma vie je n’avais jamais vraiment été amoureux… et la réponse que je me donne est… non, clairement non… jamais d’une fille, ça c’est sur, et peut être jamais d’un garçon non plus… depuis très longtemps déjà j’appréciais l’exercice de regarder les bogoss, je me branlais souvent en pensant à un tel ou à un tel que je trouvais sexy… j’avais souvent été attiré, charmé, entiché… mais ça s’arrêtait là… jamais encore je n’avais eu la possibilité de pénétrer assez dans la vie, dans l’intimité de l’un ou l’autre d’entre eux pour avoir de quoi réellement tomber amoureux…

    … et si parfois je m’étais dit que même Jérém n’était au fond qu’un coup de cœur, que c’était plus de son physique, de sa beauté aveuglante et de sa queue toujours droite dont j’étais épris… à partir de cette nuit là j’aurais la certitude que ce que je ressentais pour lui c’était bien plus que ça…  jamais encore je n’avais rien vécu quelque chose qui ressemble, de loin ou de près, à ce que je venais de vivre…

    … dans le Dimanche Matin 2.0, je me suis rendu compte que non, définitivement je n’avais jamais été amoureux de ma vie avant cette nuit là… je ne pouvais pas avoir été amoureux car je n’avais jamais senti ce que je sentais ce matin là en partant de chez lui… le ventre plein de papillons, un optimisme infini au regard de l’avenir et de l’évolution de notre relation… c’était comme si d’un coup tout devenait possible, grâce à un baiser, à un regard… à cette certitude qui s’est soudainement installée en moi, la certitude qu’il ressent un truc spécial pour moi, la certitude que je ne suis pas que son vide couilles comme il me l’a montré jusqu’à là, ou du moins que je ne suis plus son vide couilles… merde, alors !... cette nuit il y a eu de la tendresse, on s’est fait des câlins… j’ai envie de le crier dans la rue, de le crier à tue-tête…

    … dans le Dimanche Matin 2.0, j’ai l’impression d’avoir vécu mille nuits en une seule… j’ai l’esprit embrumé et confus… oui, décidemment il y a des images de cette nuit dont j’ignore si elles appartiennent vraiment au souvenir ou si elles ne sont pas directement issues de mon imagination trop excitée… comme des flash, comme dans la bande annonce d’un film, des extraits, des images percutantes juxtaposées pour créer des effets de surprise, des questionnements, des coups de théâtre, des chutes, un véritable feu d’artifice… oui, dans ma tête il y avait tout ça… de la surprise, des questionnements, un feu d’artifice…

    … dans le Dimanche Matin 2.0, la pluie avait cessé de tomber mais le vent soufflait toujours en ce dimanche matin heureux… comme il soufflait le jour de notre première révision. Je réalise soudain qu’à chaque épisode marquant de ma relation avec Jérém il y avait du vent… le vent d’Autan… presque la partition de ma vie, un peu comme notre chanson à Jérém et à moi… cette chanson à nous qu'on n'aura jamais… dès lors le vent me parla de Jérém. Des que le vent se lève, surtout au printemps, lors de ces journées de soleil très claires, quand le vent souffle sur plusieurs jours, je revois Jérém le jour de notre première révision, son t-shirt blanc, son sourire coquin, son insupportable et irrésistible assurance quand il avait donné le coup d’envoi à notre histoire… je me souviens encore de ses mots précis… 

    « Eh mec - me dit en posant une main sur mon épaule - je sais que tu veux la voir, je sais que tu en as envie... alors viens la chercher... »…

    Ça ne doit pas être facile pour toi, mon beau Jérémie… passer du mec qui couche avec toutes les meufs… à une situation où tu as envie de te faire enlacer par un mec (et ce mec, c’est moi !) pour dodo. Tu as besoin de temps pour admettre cette réalité... je suis ce que je fuis, n’est-ce pas mon beau Jérém ?… il te faut du temps, mais tu finiras par te rendre compte que l’on est fait l’un pour l’autre… pour l’instant tu ne peux pas assumer tout ça, c’est trop nouveau et trop puissant pour toi, tu ne le peux pas encore, mais tu m’aimes, mon Jérém, tu me l’as montré cette nuit… tu m’aimes à ta façon à toi mais tu m’aimes, ça c’est sur…

    Je ferme les yeux et j’ai l’impression d’être dans ses draps, comme la nuit dernière… j’inspire encore son odeur à travers le tissu froissé de sa chemise et j’ai l’impression que si je bouge mon bras il va être là à coté de moi, je vais pouvoir le caresser, le serrer à moi… l’avoir contre moi, l’avoir en moi… son expression juste avant de jouir en moi revient sans cesse, elle me hante… ma main glisse sur ma queue, tout naturellement, je me branle…

    Je suis tellement fatigué que je sens que ça va être difficile d’arriver au bout… je pense que le sommeil va me gagner avant… je suis bien, je me branle plus pour continuer à penser à lui que pour vraiment jouir… je suis bien, son odeur avec moi, ça me calme, je ressens un doux apaisement, je suis heureux, demain je vais le revoir au bac… il faut pas que je lui tienne rigueur pour ce matin, je dois lire entre les lignes, surtout pas m’arrêter à son comportement à la con, penser qu’il peut être quelqu’un de bien, qu’il peut se laisser aller, faut juste trouver la bonne porte, le bon moyen, le bon moment… et tu vas y arriver, Nico, tu vas y arriver… non, il ne faut pas que tu lui tienne rigueur pour ce matin, d’ailleurs ce matin n’a jamais existé car tu es parti avant son réveil !

    Assuré de son amour, un amour réel dont le seul défaut est celui de ne pas s’assumer, assuré de ma capacité à attendre qu’il mûrisse et qu’il en prenne conscience, avec au plus profond de moi la certitude, comme une lueur dans une nuit sombre, que cette nuit soit un peu plus qu’une scène ratée coupée au montage d’un film magnifique, me voilà suspendu entre veille et sommeil, entre envie de me faire jouir et besoin irrésistible de céder au marchand de sables…

    … entre rêve et conscience, mes pensées se déforment… qui eut cru ce jour là qu’on en serait arrivé à une nuit comme celle que je venais de vivre ? Qui eut cru à ce fabuleux matin, le Dimanche Matin 2.0 que je viens de fabriquer, le matin qui aurait certainement été si je n’avais pas commis l’erreur de rester…

    Quand on a à ce point envie de croire en quelque chose contre vents et marées, c’est impressionnant la capacité de l’esprit de créer des rêves sur mesure et de les prendre pour des réalités. Je sens en moi une force incroyable, inattendue, je l’aime, je me sens fort. Aimer rend fort, aimer rends fou. Imaginer l’impossible. Même si on est seul à y croire.

    Mais qu’importe, définitivement, en concevant le Dimanche Matin 2.0, je suis le garçon le plus heureux de l’Univers… et je le suis toujours en arrivant au bout de mon plaisir solitaire. Je finis par m’endormir dans des draps moites.

    En m’endormant, j’ai aperçu l’écran de mon portable s’allumer. Un sms vient d’arriver. Je n’ai pas le courage d’attraper mon téléphone. Je m’endors. Je l’aurai demain matin au réveil. Un sms d’Elodie :

    Bon courage pour demain,

    pour ton bac, et pour le reste

    je pense très fort à toi, mon cousin…

     

    Au même moment, à l’autre bout de la ville, dans une petite chambre d’étudiant, un beau brun cherchait lui aussi le sommeil… et il finirait par le trouver de la même façon que Nico trouva le sien… quant aux images qui défilaient dans sa tête pendant la recherche de son plaisir solitaire…

     

    … à suivre… samedi prochain…

     

    Certains d’entre vous reconnaîtront dans certains passages de ce texte, des mots ou des phrases tirés des commentaires de l’épisode de la semaine dernière. C’est mon hommage à l’intérêt que vous portez à mon histoire.

     


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  • 30 Le vendeur du magasin d’électroménager (nouvelle version 2023)

    Toulouse, juillet 2016.

     

    Ce samedi matin, j’ai enfin décidé d’aller m’acheter un lave-linge. Je me rends donc dans un magasin spécialisé situé dans un centre commercial situé au sud de Toulouse pour bénéficier des conseils d’experts.

    Je viens tout juste de rentrer dans l’immense espace de vente lorsque ta présence me percute comme un semi-remorque lancé à toute allure.

    Tu es brun, la peau bien mate, je te donne tout juste la trentaine. Ta chevelure insolemment fournie est rabattue vers l’arrière et fixée avec un bon coup de gel. Ça te donne un air de jeune fauve à l’insolente virilité. Ta belle barbe brune de quelques jours, bien drue, est soignée au cordeau, les contours très nets. Décidemment, tu ne négliges point ton apparence. Tu sais que tu es bogoss, et tu tiens à l’affirmer. Je remarque que tu as les yeux gris. Un brun aux yeux gris, ça ne court pas les rues. Ça m’intrigue. Et ça me charme. 

    Il y a quelque chose d’intense, de félin dans ton regard. C’est un regard de tigre, un tigre mâle, plein d’une sauvagerie que je sens latente, et presque palpable. Un tigre bien musclé, au sommet de sa vigueur, un tigre prêt à bondir sur sa proie.

    Mais aussi un tigre « en cage », engoncé dans une tenue aux couleurs du magasin, et comme « emprisonné » derrière le comptoir. Un tigre rongeant son frein, fusillant partout autour de lui avec son regard de b(r)aise.

    Lorsque je l’ai croisé pour la première fois, je n’ai pas pu le soutenir plus que quelques dixièmes de seconde avant d’en être comme foudroyé.

    Car ta présence et ton regard m’intimident au plus haut point. Je devine chez toi un potentiel de mec dangereux, le genre de gars qui pourrait vite démarrer pour peu qu’on le cherche.

    Beau tigre brun, sous ton gilet rouge, tu portes un t-shirt noir. Pour moi, le noir occupe la deuxième place du podium des couleurs les plus sexy pour un t-shirt, juste derrière l’inégalable, l’imbattable, le sublime, j’ai nommé le blanc. 

    Le blanc sublime la brunitude par le biais d’un contraste saisissant.

    Le noir sublime lui aussi la brunitude, mais par le biais d’une insistance, d’une délicieuse redondance.

    Chacune des couleurs joue le rôle d’un exhausteur de brunitude, et de bogossitude plus en général.

    Excellent choix, le noir, mon beau vendeur !

    Et excellent également le choix du col, en V, à l’échancrure assez profonde, laissant entrevoir la douce naissance de tes pecs, ainsi qu’un généreux aperçu de peau mate parsemée d’une délicieuse repousse de poils bruns, une toison mâle visiblement rasée depuis quelque temps déjà. Ta peau a l’air très douce, et mes lèvres ressentent déjà l’envie irrépressible de s’y poser dessus, sans tarder, et sans retenue.

    Le coton noir qui dépasse de ton gilet semble avoir été coupé exprès pour mouler l’arrondi de tes épaules et le calibre de tes biceps. Des biceps qui deviennent carrément impressionnants à chaque fois qu’ils sont sollicités par un mouvement de ton bras, dessinant ainsi une jolie bosse musclée.

    Et puis il y a le détail, le truc sexy qui m’achève. Pas un, mais deux. D’abord, une chaînette de mec aux mailles larges posée autour de ton cou puissant, descendant sur tes pecs saillants. Mais aussi, et surtout, un tatouage qui démarre juste en-dessous de la manchette gauche de ton t-shirt, disparaît ensuite sous le coton, pour réapparaître dans le creux de ton épaule et remonter en direction de ton oreille. 

    Une chaînette qui n’est pas sans m’en rappeler une autre, sur une autre peau mate, une chaînette tant de fois vue en train d’onduler au gré des va-et-vient d’un garçon en train de me faire l’amour.

    Un tatouage qui, lui non plus, n’est pas sans m’en rappeler un autre, celui que Jérém s’était fait faire après le bac.

    Me voilà subjugué par ta sexytude, oh splendide Tigre Mâle, tout en étant happé par une mélancolie qui ressemble à un abîme sans fin.

    Je m’approche un peu de toi, juste ce qu’il faut pour lire ce qui est marqué sur ton badge.

    « Kevin ».

    Je trouve que ce prénom te va comme un gant. Parfaite désignation de jeune mâle.

    Pendant cette manœuvre d’approche « incognito », je croise une nouvelle fois ton regard. Tu dégages vraiment un truc animal, sauvage, un truc qui m’inspire un désir complétement déraisonnable mêlé à un irrépressible sentiment de danger. Un mélange viril qui me donne carrément le tournis.

    Tu as l’air d’un mec pas commode, instinctif et impulsif, d’un bon macho, un tantinet bourrin et probablement homophobe, à fleur de peau vis à vis de ta sexualité, capable de démarrer au quart de tour dès lors qu'on te chatouillerait à peine sur ce sujet. Je t’imagine bagarreur, plus à même de régler tes différends en jouant des poings que de la diplomatie. 

    Je regarde tes grandes mains puissantes de mec et j’imagine la prise qu’elles pourraient avoir sur mon corps si tu acceptais, rêver est toujours permis, de défouler tes besoins de mec sur moi.

    Je rode entre les étalages, télé, ordi, frigo, consoles, portables. J’erre sans but réel, je crois qu’en fait je ne cherche qu’à attirer ton attention, à te pousser à venir me voir. 

    Bingo, tu finis par quitter ton comptoir et approcher avec ta démarche féline, assurée, implacable.

    Putain, qu’est ce que je vais bien pouvoir te raconter ? Je sens que je perds tous mes moyens, que je ne vais même pas être capable de soutenir ton regard de près…

    (T’as le chic Nico, pour te fourrer dans des situations pas possibles ! Maintenant, il faut assumer mon grand !)

    Tu es désormais devant toi, à un mètre de moi, à moins d’un mètre de moi, tout près, et tu me fixes. Je sens ton regard sur moi, un vrai regard qui me déshabille, qui me pénètre. As-tu déjà senti le désir qui me ravage ?

     Bonjour Monsieur.

    Ta façon de m’appeler « Monsieur » installe d’entrée une certaine distance entre nous, mais n’empêche qu’elle me fait drôlement d’effet.

    Et en plus, évidemment, tu as la voix de l’emploi. Chaude, vibrante, avec beaucoup de graves, une voix qui sent la testostérone à plein nez. Et tu as le ton qui va bien, le ton d’un mec sûr de lui, habitué à se faire entendre et à être écouté.

    (Oui, mec, vas-y, donne-moi des ordres, dis-moi de te pomper jusqu’à te faire jouir et somme-moi d’avaler ton jus !)

     Bonjour… je bafouille.

     Vous avez besoin d’un conseil ?

    (J’ai surtout besoin de te sucer, oui !)

     Je… je… je… regarde… 

    (Oui, tu regardes quoi, Nico ?)

     Je regarde… 

    (Je ne sais plus où j’habite !)

    Je suis venu pour acheter un lave-linge. Mais un lave-linge me paraît tellement pas… fun ! Vite, vite, il faut que je trouve quelque chose de plus « sexy » !

    (Mais regarde devant toi, espèce d’idiot, tu es en face des casques audio ! C’est fun, ça, un casque audio…)

     Je me tâte pour acheter un casque audio !

    (Sauvé, Nico ! Respire maintenant !)

     Voyons, je peux vous conseiller ce modèle… 

    Bien évidemment, tu es encore plus intimidant maintenant que tu es devant moi que tout à l’heure derrière ton comptoir. Tu es si près de moi qu’on pourrait dire que tu as dépassé les limites de mon espace vital. Cette proximité me met mal à l’aise et m’excite en même temps.

    Je ne sais pas trop comment décrire la sensation que je ressens à cet instant. On dirait qu’autour de toi ça sent… le mâle. Oui, le mâle. Il n’y a pas d’autres mots pour décrire cela. Tu es juste là, devant moi, et tout d’un coup l’air est comme saturé d’une sorte de sensualité sauvage. Ça pue carrément le sexe autour de toi.

    Pendant que tu me parles, j’ai du mal à me concentrer sur tes mots. Je me sens chavirer. Mes narines sont percutées de plein fouet par un parfum, ton parfum de mec.

    C’est un parfum frais, à la fragrance poivrée et entêtante, un parfum qui me transporte loin d’ici, dans une salle de bain où tu t’es certainement douché, plus tôt ce matin. J’imagine l’eau ruisselant sur ce beau corps d’homme, je t’imagine en train d’étaler le gel douche sur ta peau mate, de recouvrir tes muscles d’une mousse fine et soyeuse.

    Je t’imagine en train de parcourir chaque recoin de ton corps, jusqu’à la queue, de t’y attarder, pourquoi pas la caresser, pourquoi pas faire tomber une belle trique matinale par une bonne branlette sous l’eau chaude – à quoi, à qui penses-tu pendant que tu t’astiques le manche ? – pendant que ta copine est encore au lit ou en train de préparer le petit déjeuner. Est-ce que tu as couché avec elle hier soir ? Est-ce que tu lui as fait l’amour, est-ce que tu l’as baisée ? Ou bien elle t’a juste sucé, avalé peut-être ?

    Je t’imagine en train de jouir sous la douche, j’imagine les jets puissants giclant de ta queue et se perdant dans l’évacuation. Quel gâchis !

    Je t’imagine rester encore un moment sous l’eau, presque hébété, en train de récupérer de l’effort. Tu ressors enfin de la cabine, le corps ruisselant, les cheveux dégoulinant et retombant en bataille sur ton front. Je t’imagine passer une main dans cette crinière épaisse pour la rabattre en arrière et dégager ton regard. Un geste à la sensualité inouïe et auquel, hélas, personne n’aura assisté. Quel immense gâchis, là aussi !

    Je t’imagine attraper ta serviette, t’essuyer. D’abord la tête, puis les épaules, le dos, les pectoraux. Je t’imagine en train de descendre en direction des abdos, de ta queue.

    Je t’imagine devant le miroir, en train de passer un coup de tondeuse à ta barbe brune. Puis, attraper le tube de gel fixant, en faire gicler une bonne dose dans la main et l’appliquer dans tes cheveux, passer plusieurs fois tes doigts dans ta belle crinière pour lui donner cet aspect « tiré vers l’arrière » qui joue un rôle de premier rang dans ton look de fauve indompté.

    Je t’imagine attraper ton déo, t’en vaporiser sous les aisselles, puis à hauteur de ses pectoraux, avec un geste ample, assuré, tel un Sébastien Loeb dans la fameuse pub du déo spray. 

    Tu passes ton t-shirt noir (je constate), un boxer blanc (je spécule), un jeans, tes baskets, et tu sors de la salle de bain tout beau, tout propre, prêt à te lancer dans un nouvel épisode de ta Vie de Mâle à la Virilité Ravageuse, prêt à aimanter, sans effort, d’innombrables regards. Prêt à inspirer, sans même en avoir totalement conscience, d’inavouables désirs sur ton passage.

    Voilà comment j’imagine ta « morning routine », ce fascinant ensemble de petits gestes quotidiens qui, en association avec ton charme naturel, t’ont conduit à cet instant à m’inspirer le plus brûlant et ravageur des désirs. Si seulement tu savais à quel point, à cet instant précis, pendant que tu me parles, je ne t’écoute guère. Car chaque parcelle de mon corps et de mon esprit tend vers ton corps et ta virilité avec une violence inouïe !

    Je crève d’envie de plonger mon regard et mon nez dans l’échancrure de ton t-shirt, d’humer de plus près ton parfum sublimé par la tiédeur de ta peau. Je meurs d’envie de caresser tes tétons par-dessus le coton, j’ai envie de te faire languir, de t’exciter à t’en rendre fou. Puis, soulever enfin le t-shirt et découvrir tes abdos, ton nombril, avant d’aller plus loin, plus bas, beaucoup plus bas dans ton anatomie mâle.

    Je bande déjà rien qu’en imaginant la ligne des poils, cette autoroute vers le plaisir, que doit être le chemin entre ton nombril et ta queue.

    En attendant, ton t-shirt noir tombe juste au-dessus de ta ceinture, annonçant un ventre dessiné ou en tout cas bien plat, dans tous les cas plaisant à regarder une fois dénudé. Pendant une fraction de seconde, mon regard tombe sur la braguette de ton jeans. Je constate ainsi la présence d’une jolie bosse. Mon regard s’attarde sur la boucle de ta ceinture en cuir bien épaisse. Je m’imagine déjà à genoux devant toi en train de défaire un par un les remparts qui me séparent de ta virilité et libérer enfin une queue bien raide prête à bondir dans ma bouche.

    J’ose tout juste imaginer le bonheur d’avoir en bouche un mec comme toi, beau Kevin !

     

    Soudain, quelque chose me tire brusquement de mes rêveries. Soudain, je réalise que quelque chose a changé autour de moi.

    Ce qui a changé, c’est que je n’entends plus le son de ta voix. Le silence qui en découle est carrément assourdissant et me rappelle à la réalité de façon plutôt abrupte. Mon regard passe directement de ta braguette à ton regard. Le trajet est un peu trop direct et un peu trop rapide, et lorsque mon regard croise à nouveau le tien, j’ai l’impression que tu as parfaitement capté son aller-retour vers ton entre-jambe.

    Tu me regardes fixement, tu plisses légèrement ses paupières. A cet instant, j’ai l’impression que tu es réellement en train de te demander si vraiment j’étais en train de mater ta braguette.

    Arffff !!! Et tu affiches toujours et encore ce regard si intense, si sauvage, si dangereux ! Ton regard me transperce dans tous les sens du terme. J’ai l’impression qu’il me déshabille, qu’il me pénètre, qu’il me fouille. J’ai presque l’impression de sentir déjà tes coups de reins puissants, ton souffle chaud et bestial dans le cou, ton animalité déchaînée au service de ton plaisir, l’odeur de ton foutre qui se répand dans mon cul.

    Je suis fou de désir. Mais face à ton silence prolongé, à ton regard fixe, interrogateur et menaçant, je suis instantanément mal à l’aise. Je dois me sortir au plus vite de cet embarras. Vite, Nico, trouve un truc ! Plus facile à dire qu’à faire, alors que je n’ai absolument rien écouté de ce que tu as raconté au sujet des casques, trop occupé à assouvir ma soif jamais étanchée de contempler ta mâlitude.

    Il va falloir trouver autre chose, et vite !

     En fait, je rame, en fait… j’étais… en train (de mater ta braguette, le bogoss) de penser… (à quoi, si ce n’est ta queue ?) que j’ai besoin… (de te voir à poil, de te prendre dans ma bouche !)… j’ai besoin… (de baiser avec toi ! Arrête Nico, ça va finir par t’échapper !)… j’ai besoin…

     Vous avez besoin de quoi, Monsieur ? tu m’assènes avec ta voix basse, à la fois autoritaire et sensuelle.

    Ta simple question m’a mis encore un peu plus la pression, si besoin était. L’accent que j’ai cru entendre sur le mot « quoi » n’a pas manqué d’attirer mon attention. Est-ce que tu as vraiment capté mon manège ? Est-ce que tu es déjà en pétard ?

     J’ai besoin… d’un téléphone… aussi… je finis par lâcher, mon regard étant tombé par hasard sur le rayon situé juste derrière toi.

    Il y a vraiment de tonnes de baffes qui se perdent.

     Fixe ou portable ? tu me lances sans tarder.

     Un smartphone…

     Venez, nous en avons en promo.

    Je te regarde te diriger vers le rayon concerné. Le contact de nos regards est rompu, je sors de mon apnée. Je t’emboîte le pas, les yeux rivés sur ce dos tout aussi solide que ton torse, et sur ta délicieuse chute d’épaules. Vraiment, tu as tout pour toi, mon beau Kevin !

     Nous avons plusieurs modèles, tu m’annonces en t’arrêtant devant le vaste présentoir où de dizaines d’appareils se côtoient. 

    Et te voilà reparti sur un speech technique pour me vanter les qualités de tel ou tel modèle. Je n’ai absolument pas besoin d’un smartphone, mais je te laisse faire ton numéro bien rodé de parfait vendeur, tant ta voix m’enchante, tant ton parfum entêtant monte à mes narines et vrille mes neurones.

    Devant à mon manque de réaction, tu finis par attraper un modèle et me le tendre. Et là, tu as cette phrase magique qui entraîne dans ma tête un délicieux double sens.

     Tenez, prenez-le en main pour l’essayer…

    J’aimerais bien que tu me demandes de la prendre en main pour l’essayer…

    Au moment de saisir l’appareil à mon tour, mes doigts effleurent brièvement les tiens. Cet infime contact de peau est particulièrement excitant pour moi, j’ai l’impression que les bouts de nos doigts viennent de faire des étincelles.

     Qu’est-ce que vous en pensez, Monsieur ?

     Qu’est-ce que j’en pense ? je bafouille.

     Du téléphone…

     Oui, du téléphone…

    (Quoi d’autre ?)

    Tu cherches mon regard, tu le trouves, tu le ferres, tu m’aveugles.

     Je pense que je voudrais en voir un autre…

    Je cherche à gagner du temps. Tu me tends la main pour récupérer le premier. Nos doigts se touchent à nouveau. Nouvelles étincelles. Toi, t’as l’air de ne rien ressentir de tel, je suis un peu déçu.

     Vous voudriez voir lequel ?

     Celui-ci…

     Il est un peu plus cher.

     Ça ne fait rien.

    Je demande à en voir un troisième, puis un autre encore. Je cherche toujours à gagner du temps. A gagner du temps pour je ne sais quoi en réalité. C’est juste que ta présence et ton regard et ton parfum me rendent dingue, et je n’ai pas envie de m’éloigner sitôt de toi.

    Je voudrais avoir le cran de te dire à quel point j’ai envie de te sucer et de t'offrir mon cul, mais je sais que je n’oserais pas. Alors, chaque instant que je passe près de toi, est une délicieuse torture.

    Je ne sais toujours pas comment je vais me tirer de là, me sortir de ce pétrin, je me laisse simplement porter. Je suis comme dans un état second. Si tu savais l’effet que tu me fais, beau mâle Kevin !

    Et c’est toi qui te charges de débloquer la situation, à ta façon.

     T’es sûr que t’es venu pour acheter un téléphone ?

    Tu es passé du vouvoiement au tutoiement, d’un coup. Le ton de ta voix est passé de la politesse contractuelle vers un client potentiel à la familiarité qu’on emploierait vers un inconnu agaçant. Ta voix auparavant posée est montée d’un cran, et elle ressemble désormais au rugissement d’un mâle irrité. Une question directe et tout bascule. Et les masques tombent.

     Je… je… je… je bafouille comme un con.

     Si tu veux juste me faire perdre mon temps, tu peux aller voir ailleurs.

     Je ne veux pas te faire perdre ton temps, je me morfonds, comme un idiot.

     Non, ce que tu veux, c’est me sucer !

    Ça a le mérite d’être clair. Mais ça ne me met pas à l’aise pour autant. Bien au contraire !

     C’est ça, tu veux voir ma queue ? tu insistes.

    Bien sûr que c’est ça que je veux ! Dès l’instant où je t’ai aperçu, j’ai eu envie de toi à en crever ! Mais tu me fais vraiment peur. Je ressens toujours l’impression que tu pourrais démarrer au quart de tour.

    Et soudain, une idée traverse mon esprit et me rassure un brin. Au vu de la situation – tu es sur ton lieu de travail, il y a d’autres clients qui se baladent dans le magasin, et tes collègues aussi – j’ai du mal à imaginer que tu prendrais le risque de me cogner. Alors, je prends de l’assurance, et je décide de tenter coup. Ça passe ou ça casse. 

     Oui, j’en ai envie… je finis par avouer.

    Tu me fusilles du regard. Alerte maximale, Nico. Fais gaffe à toi !

    Mais qu’est-ce que tu es sexy, beau Kevin, avec ce regard noir ! Et comment, là aussi, tu me rappelles mon Jérém ! Qu’est-ce qu’il était beau, lui aussi, comment sa brunitude devenait incendiaire, lorsqu’il était en pétard !

     Je ne suis pas ce genre de mec… tu assènes, comme un coup de poing.

     

    « Je ne sais pas quel genre de mec tu es, tout ce que je sais c’est que tu es foutrement sexy. Et je sais que quand je te regarde, j’ai envie de te faire tout ce dont tu pourrais avoir envie… vraiment tout… ».

     

    Ça, c’est ce que j’aurais eu envie de te dire. Mais il faudrait du cran pour cela, un cran que je n’ai pas. Au lieu de quoi, je m’excuse, comme un con, honteux comme si j’avais fait quelque chose de répréhensible.

     Désolé, j’aurais dû être plus discret…

    Ton regard ne fusille plus. Il fulmine. Il est foutrement chargé, noir, menaçant, hostile, on dirait un ciel tuméfié juste avant un gros orage d’été. Je vois tes poings se serrer au bout des bras que tu tiens, raidis, le long de ton torse. Tes biceps semblent palpiter, prêts à démarrer l’effort d’un instant à l’autre. 

    Instinctivement, je recule d’un demi pas.

     Si je ne bossais pas, je t’aurais déjà mis ma main dans la gueule…

    (Bien vu le demi pas en arrière, Nico). 

     Je vais partir, tu ne me verras plus… j’annonce ma défaite.

    Tu me regardes avec mépris, avec dégoût. Pendant une seconde, je me sens pire qu’une merde. J’ai envie de disparaître dix mètres sous terre. 

     J'ai l'air d'un pédé, moi ?

     Pas du tout, j’ai rarement vu mec plus viril que toi, je te rassure. Avant de continuer : C’est pour ça que tu me fais tant envie !

    J’ai envie de te dire à quel point je te trouve sexy et bandant, j’ai envie de te dire que si tu me laissais te sucer, je suis sûr que tu aimerais. J’ai envie de te dire que j’ai juste envie de te sucer, et il n’y a pas de quoi en faire un drame ! Parce qu’une pipe ça ne se refuse jamais – c’est bien ça que vous dites entre vous, les hétéros, non ? J’ai envie de te dire « si tu as envie de me cogner, fais-le avec ta queue ! ».

    Mais je ne sais rien te dire de toutes ces vérités. Je renonce, je démissionne, je cède à ma peur, à ma honte, à ma défaite brûlante. Alors que je crève d’envie de baiser avec toi.

    Sans plus attendre, je fais demi-tour et je me dirige vers la sortie du magasin vers la galerie commerciale.

     

    Je n’ai pas le temps de faire trois pas lorsque j’entends ta voix.

     Eh, toi, reviens là !

    J’adore le ton que tu as mis dans ces quelques mots. Ça ressemble à un ordre, à une sommation. Je stoppe net. Je me retourne. Ton regard noir est toujours là. Avec un geste rapide de la tête, tu me fais signe d’approcher. Je m’exécute, docile devant mon nouveau maître.

     J’ai une pause dans 20 minutes. A moins le quart, file aux chiottes à côté de la sortie 3 et enferme toi dans la dernière cabine contre le mur. Je taperai à la porte…

     Entendu, je valide sa proposition inespérée. Je ne m’attarde pas, au cas où il changerait d’avis.

    Un frisson géant prend naissance dans mon ventre et secoue mon corps tout entier, jusqu’à mon esprit. Je n’arrive pas à croire à ce retournement soudain de situation ! Ma peur, ma honte et ma défaite disparaissent aussitôt, aussitôt remplacées par une euphorie sans commune mesure.

    Pourvu que j’aie bien compris, pourvu que tu ne changes pas d’avis, que tu ne me plantes pas comme un con, ou que tu ne viennes pas juste pour me cogner plutôt que pour me baiser !

     

    Je passe les quelques minutes avant le rancard à prendre un café et à essayer de me détendre. Mais je n’y arrive pas. Mon esprit est ailleurs, il est déjà vingt minutes dans le futur, à l’instant où je serais à genoux devant toi. Je regarde plusieurs fois ma montre, avec une impatience et un affolement grandissants. Mon ventre est secoué par d’intenses frissons, j’en tremble presque.

    J’ai quand même la présence d’esprit de passer à la pharmacie de la galerie marchande pour acheter des capotes. Des capotes pour toi, Kevin, beau fauve mâle qui va me baiser dans quelques minutes à peine.

    Bien entendu, j’aimerais par-dessus tout que tu me prennes « à cru » et que tu gicles toute ta sève brûlante de mâle au plus profond de moi. Mais le monde parfait, celui sans MST et sans SIDA, n’est toujours pas d’actualité. Alors, en attendant, qu’est-ce que je kiffe le fait d’acheter des capotes pour que tu puisses me baiser ! Ma trique tend dangereusement mon jeans, mes mains tremblent lorsque je sors mon portefeuille pour régler ce petit équipement de l’amour.

     

    Je me rends au rendez-vous avec quelques minutes d’avance. Je m’enferme dans les toilettes. J’ai le cœur qui bat à dix mille à l’heure, j’ai le souffle coupé. Je n’arrive pas à croire que je vais faire ça avec toi, ici, dans ce lieu public. Je me surprends à imaginer que tu te dégonfles, que tu me poses un lapin.

    Mes narines me ramènent les odeurs mélangées d’urine et de javel typiques de ce genre de lieux. Ce n’est pas banal, il faut bien l’admettre, que des odeurs de toilettes puissent assurer la fonction de « madeleine de Proust ». C’est pourtant le cas pour moi aujourd’hui. Car cette odeur si particulière me hante depuis longtemps, et à chaque fois que je me rends dans une toilette publique. Car elle me ramène instantanément à un plan avec Jérém dans les chiottes du lycée, l’une de nos premières baises, l’une des plus chaudes, une bonne sauterie entre deux cours.

    Jérém qui me prend direct par derrière, moi plié au dessus du WC, Jérém qui jouit en moi et qui se tire juste après, sans un mot. Jérém que je retrouve en cours quelques instants plus tard, assis à côté de sa copine du moment, l’air serein comme s’il ne s’était rien passé, comme s’il ne venait pas tout juste de gicler dans mon cul. Alors que moi, j’avais l’impression d’avoir précisément l’air d’un mec qui venait tout juste de se faire baiser.

    Aujourd’hui, l’attente me semble tout aussi longue que ce jour-là. Je ferme les yeux, je replonge dans ce moment vieux de quatorze ans. C’est comme si j’avais à nouveau 18 ans et que j’étais à quelques semaines du bac. J’ai presque l’impression que c’est Jérém qui va taper à la porte et qui va venir me baiser, et me remplir.

     

    Trois petits coups rapides sur la porte en plastique se chargent de me tirer de ma rêverie nostalgique.

    Je rouvre les yeux, je débloque le loquet, je me range derrière la porte. Au fond de moi, j’espère toujours que c’est Jérém. Mais non, on est bien en 2015, les enceintes au dessus des lavabos diffusent « Sugar » de Maroon 5, titre qui n’existait pas encore en 2001.

    Et c’est bien toi, beau et sexy Kevin, qui passes la porte et qui la refermes derrière toi. C’est pas Jérém, certes, mais c’est déjà plutôt pas mal.

    Tu es là, je n’ai pas rêvé, tu ne t’es pas dégonflé, tu ne m’as pas planté. Et tu as l’air plutôt partant pour baiser.

    Tu te tiens debout devant moi, le dos appuyé à la cloison carrelée. Je m’approche de toi. J’ai envie de poser mes lèvres sur la peau dans l’échancrure de ton t-shirt. Putain qu’est-ce que tu sens bon !

    Mais tu as d’autres priorités, d’autres contraintes.

     Je n’ai que dix minutes, tu me balances, magne-toi, suce-moi !

    Le volume de la musique est assez élevé, tu ne crains visiblement pas d’être entendu. Est-ce bien la première fois que tu viens baiser un client dans cette cabine ?

    Tu défais ta ceinture, tu déboutonnes ta braguette. Tu as les idées claires et bien arrêtées, tu sais ce que tu veux. J’adore, je m’exécute, je me mets à genoux devant toi. Tu baisses ton jeans et tu me plaques la tête contre ta bosse généreuse. Tu me fais renifler ton boxer – qui n’est pas blanc comme je l’avais fantasmé, mais bleu – tu me fais découvrir ton odeur la plus intime et la plus virile. Et je kiffe à fond ton odeur de mec !

    Tes mains exercent une pression assez forte sur ma tête, mon nez et ma bouche s’écrasent contre le tissu élastique, contre cette queue qui est en train de déployer toute son envergure. Je la sens gonfler près de ma bouche, je commence à remuer mes lèvres, j’ai envie de titiller ton gland à travers le tissu fin. Mais tu appuies encore plus fort, rendant impossible toute initiative de ma part.

    Voilà un bon mâle dominant, un mâle qui mène la danse. Je kiffe, je kiffe, je kiffe !

    Ta queue est bien raide lorsque tu relâches enfin la pression, utilisant la main qui me contraignait pour éloigner ma tête d’un geste dédaigneux. Tu baisses ton boxer, tu dégages ton bel engin. Je n’arrive toujours pas à croire que je vais avoir droit d’y toucher. Et pourtant !

    Sans autre forme de procès, tu glisses directement ton mât entre mes lèvres offertes, tout en m’intimant : 

      Bouffe ma queue, petite pute !

    Douce musique pour mes oreilles. Et en plus, tu sais me parler. Ça, je l’avais pressenti. Et je ne m’étais pas trompé d’un iota. Sans plus attendre, j’avale ton manche jusqu’à le faire disparaître presque entièrement dans ma bouche.

     Oui, vas-y comme ça, salope !

    Tes encouragements me donnent des ailes. Je te pompe avec l’intention de t’offrir la pipe de ta vie. Mais tu ne tardes pas à reprendre le contrôle, à imposer ton rythme, tes envies. Tu envoies de bons coups de reins, tu me baises carrément la bouche. Tes mains se portent sur ma nuque pour la maintenir et décupler l’efficacité de tes coups de bélier. J’encaisse avec le plus grand des bonheurs, j’encaisse pour te faire plaisir.

    Après une bonne chevauchée sauvage donnant la mesure de tes talents de mâle, tu dégages tes mains de ma tête, tu stoppes net les oscillations de ton bassin, tu arrêtes de me baiser la bouche. Tu veux que je te suce à nouveau, à mon rythme. Et je te suce à nouveau, avec le plus sensuel des rythmes.

    « Je ne suis pas ce genre de gars », tu m’as dit tout à l’heure. Non, tu n’es pas « ce » genre de gars, non. Tu es juste « un » gars. Et une pipe, c’est bien une pipe. Fallait juste essayer, mon grand, pour découvrir que la bouche d'un mec ce n'est pas si dégueu que ça, et que c'est même plutôt bon. Qu’y goûter, c’est aimer.

    Pendant que je m’affaire pour ton plaisir de mec, tu décides de te mettre à l’aise, me faisant par la même occasion ce cadeau que j’appelais de tous mes vœux depuis le premier regard que j’ai posé sur toi. Et que je commençais à désespérer de pouvoir obtenir.

    D’un geste rapide, tu relèves l’avant du t-shirt, tu le fais glisser sur tes cheveux et tu le cales derrière le cou. Seules tes épaules restent couvertes. Ton torse est entièrement dégagé. Et là, en levant un peu les yeux, je peux enfin mater cette plastique de fauve sur laquelle j’ai tant fantasmé.

    Du bas vers le haut, je suis happé par le pli de l’aine délicieusement saillant, par la ligne de poils entre le nombril et la queue, pile comme je l’avais imaginée, brune et bien fournie, par ton ventre sans abdos apparents, mais plat et un brin poilu, par le relief plus qu’honorable de tes pecs parsemés de sublimes poils en train de repousser. Ils ont visiblement été les victimes innocentes d’un rasage dont les motivations ne peuvent être que fumeuses, et que je ne cesserai jamais de condamner.

    Pour compléter le tableau de ta plastique de fou, je me dois de citer également la délicieuse tentation de tes tétons bien saillants, ainsi que l’ensemble de ton mystérieux tatouage tribal qui part de ton biceps, remonte sur ton épaule, trace le long de ton cou, et se termine à la hauteur de ton oreille.

     C’est bien ça que tu voulais, salope, sucer une bonne queue, hein ?

    Tes mots font vibrer toutes les cordes sensibles de mon désir, même celles qui n’ont plus vibré depuis de longues années. Ton côté macho et dominateur, c’est tout ce que j’aime ! Par conséquent, j’acquiesce du regard, et je te suce avec de plus en plus d’enthousiasme.

    Mais ce n’est pas ça que tu attends de moi. Très vite, tu saisis à nouveau ma tête avec tes deux mains pour m’obliger à avaler ta queue de plus en plus profondément, de plus en plus brutalement. Elle est trop grande pour que je puisse l’avaler en entier et sans effort. Alors tu appuies un peu plus ta main sur ma tête, tu envoies un peu plus avec ton bassin. Tu exiges mon effort. C’est d’abord un peu douloureux, mais ça finit par devenir terriblement excitant. Être à la merci d’un fauve sauvage comme toi, ça me rend dingue !

     Qu’est-ce qu’il y a, salope ? Tu n’arrives pas à tout avaler ? 

    Là encore, j’ai l’impression d’entendre les mots de Jérém à l’époque de nos révisions avant le bac ou pendant l’été qui avait suivi. Si macho, si fier de ta queue, si bandant !

    Tu sors ton manche de ma bouche tout juste avant que je m’étouffe. Tu m’attrapes par les épaules d’un geste brusque, tu me bouscules, et tu me plaques face au mur. La précipitation de tes gestes traduit à la fois ton empressement, ton excitation, ton impatience. Et ta sommation.

    J’ai tout juste le temps de m’exécuter, de baisser mon jeans et mon boxer, avant que tu me glisses ton pieu brûlant dans ma raie. Un instant plus tard, je sens ton gland s’approcher de mon trou avec une assurance et une aisance qui ne manquent pas de me faire me demander si c’est bien la première fois qu’il s’approche d’un trou de mec.

    Dans l’état d’excitation extrême qui est le mien à cet instant, je crève d’envie que tu me prennes à cru. Je dois me faire violence pour laisser ma raison l’emporter sur la trique. Et je dois pas mal forcer, te forcer, pour me dégager de ta contrainte mâle, pour attraper la capote dans la poche de mon jeans et te lancer :

     Attends, mets ça d’abord !

     T’inquiète, je suis clean, j’ai une nana…

    Tu me balances ça comme si ce détail de ta vie était une garantie en soi. Ça ne l’est pas, en aucun cas. Je ne te connais pas, et si ça se trouve, tu n’as même pas de copine. Et en admettant que tu en aies une, rien ne me dit que tu ne baises pas ailleurs, parfois, et sans capote, avec des nanas qui couchent avec d’autres mecs, parfois, sans capote, elles aussi.

    Tu fixes la capote que je te tends, dans ton regard un mélange de mépris et d’agacement. A l’évidence, tu avais vraiment envie de me gicler direct dans le cul. Quel gâchis !

    Pendant un instant, je me dis que tu vas me planter là et te barrer.

    Mais non, tu finis par m’arracher la capote des doigts d’un geste sec. Le plastique de l’emballage résiste à tes assauts agacés, tu pestes, tu t’énerves. Ça promet bien pour la suite !

    Tu y arrives enfin, tu sors la petite couronne en latex, tu la poses au bout de ton gland, tu essaies de dérouler. Ça ne marche pas du premier coup, elle est à l’envers, comme souvent. Tu pestes encore, tu la retournes, tu finis par la dérouler le long de ton manche raide.

    Tu reviens coller ta queue désormais protégée dans ma raie. Tu avances à coup sûr, sans te tromper d’un poil. Tu m’encules avec précipitation, celle d’un gars pressé, un gars qui se fiche bien des désagréments qu’une pénétration si rapide peut provoquer à celui qui la reçoit. J’ai mal, mais je serre les dents. Je sais que c’est juste un mauvais moment à passer, je sais que lorsque tu commenceras à me limer, la douleur va disparaître et je vais kiffer ma race. 

     Quel sacré trou de pute, tu me glisses à l’oreille sur un ton délicieusement méprisant.

    Tu commences à me pilonner. Et là, comme prévu, ça devient vite bon à se damner. Ton gabarit me remplit bien, la fougue animale qui anime tes coups de reins me rend dingue.

     Cambre-toi bien, salope ! tu me balances, tout en tapant sur mes pieds pour que je les écarte davantage.

    Soudain, tu sors de moi. Puis, d’un coup sec et toujours aussi bien ciblé, tu replonges ta queue au fond de mon cul, m’arrachant au passage un petit cri étouffé de douleur.

     C’est ça que tu cherchais, hein ? Pas de casque, pas de téléphone, juste un bon coup de queue dans ton cul de pute !

    Tu me glisses ça du bout de tes lèvres, que tu as posé si près de mon oreille que je peux sentir non seulement ton souffle, mais également le piquant des poils de ta barbe.

    Je suis trop excité, j’adore ta façon de me parler crûment. J’ai vraiment envie d’être ta pute. Alors, je me laisse entraîner dans ton jeu.

     Oui, c’est ça, c’est tout ce que je cherchais. Et je suis tombé sur le bon mec, avec une queue d’enfer !

     Elle te plaît ma queue, hein ? 

     Putain qu’est-ce qu’elle me plaît !

     Tu aimes l’avoir dans le cul, hein ?

     Tu sais pas à quel point !

     Quelle pute tu fais !

    Tu sors à nouveau de moi, puis tu reviens. Tu recommences ton manège à plusieurs reprises, tu me fais languir. Et tu me défonces. Ton parfum envahit le petit espace, tes couilles frappent les miennes à chacun de tes assauts. Putain, qu’est-ce que c’est bon ! Je suis dans un état second. Je n’en peux plus, je ne peux me retenir de te balancer :

     Défonce-moi, putain ! 

     T’inquiète, tu vas en avoir pour ton grade !

    Tu enserres tes mains sur mes épaules dans une prise ferme, brutale, et tu commences à me limer avec une cadence de dingue. Tes coups de reins sont assénés avec une puissance dont je me délecte. Cet instant est exactement comme je me l’étais imaginé. Ton souffle chaud et bestial dans mon cou, ton animalité déchaînée. C’est même mieux que je me l’étais imaginé. Je ne contrôle plus rien, je t’appartiens entièrement.

    C’est vraiment ce côté « animal » qui me fascine chez toi, cette attitude de bon petit macho pour qui seul son propre plaisir compte.

    J’espère que la capote va tenir bon, qu’elle va supporter jusqu’au bout la sauvagerie de tes assauts.

    Et puis, ça vient. Je sens tes mains se contracter encore un peu plus, tes doigts s’enfoncer davantage dans ma chair. Je ressens l’intensité des secousses de plaisir qui agitent ton corps. Malgré la musique qui retentit dans le haut-parleur placé juste au-dessus de nous, je capte les râles que tu retiens de justesse. Tu jouis dans la capote, mais grâce à mon cul. Quel honneur, tu me fais, beau mâle Kevin !

    Tu te déboîtes aussitôt. Tu es pressé. J’ai perdu la notion du temps mais je pense que les dix minutes de ta pause sont passés depuis un moment. 

    Je me retourne. Rien dans ton attitude indique que tu envisages de me renvoyer l’ascenseur. Tu t’en fous si j’ai envie de jouir à mon tour ou pas. Tu as joui, le but est atteint. Tu enlèves ta capote et tu la jettes dans la cuvette, tu fais disparaître ta belle queue luisante de sperme dans ton boxer. Tu fais repasser ton t-shirt noir par-dessus la tête, il retombe sur ton torse comme un chat retombe sur ses pattes. Tu remontes ton jeans, tu agrafes ta ceinture. Le cliquetis que produit la boucle secouée par tes mouvements secs résonne dans mes oreilles avec une sensualité particulière.

    Dans le petit espace, l’odeur de foutre s’ajoute désormais aux autres odeurs de chiotte. C’est l’émanation olfactive de ton plaisir, du plaisir d’un superbe mâle.

    Je te regarde une dernière fois, et j’essaie de graver dans ma mémoire cette dernière instantanée de ton intimité sexuelle. Ton brushing a été un brin malmené par le double passage de ton t-shirt, ainsi que par la vigueur de tes assauts.

    La sueur a perlé sur ton front, tes lèvres entrouvertes laissent s’échapper des expirations puissantes que la musique m’empêche de capter. Ta pomme d’Adam se balade nerveusement le long de ta gorge, signe inconscient du passage récent de l’orgasme.

    Pendant une seconde, tu es complètement ailleurs, perdu dans l’atterrissage de ta jouissance de mâle, complètement déconnecté du présent. Ça ne dure qu’un instant, mais c’est beau, beau à en crever.

    — Salut ! tu me lances à la va vite, en défaisant le loquet. Et tu disparais, sans le moindre regard, sans le moindre égard. 

    Je referme la porte derrière toi. Et je me retrouve instantanément en tête-à-tête avec ma solitude.

    Tu as vraiment été un bon coup, Kevin ! L’impétuosité presque agressive de tes gestes, l’arrogance de ton attitude de mâle qui exige son dû, tout en méprisant celui qui le lui offre – bref, ta façon d’être et de me baiser – m’ont foutrement chauffé. Sans parler de ta queue vraiment bien foutue, de tes coups de reins puissants et sauvages, de tes mains saisissant ma chair, la contraignant, me donnant l’impression que je n’avais pas d’autres choix que de satisfaire tes envies jusqu’au bout.

    Et puis il y avait le contexte aussi. Ça s’est fait pendant ta courte pause, sur ton lieu de travail, dans une cabine des chiottes ouvertes au public. Sexy Kevin, tu m’as offert une baise frôlant le fantasme absolu !

    La vision de ta capote qui flotte dans la cuvette fait écho au souvenir de tes va-et-vient qui pulsent encore dans ma chair, de la prise de tes mains qui entrave encore mon corps, de ta présence en moi. 

    Oui, tu as été un sacré bon coup. Et pourtant, désormais seul dans ce lieu où tu viens de me sauter sans ménagement, je me sens sale.  Et je n’ai même pas joui ! C’est sciemment que j’y renonce, préférant quitter ce lieu sans que le vide post-coïtal vienne me foutre le cafard.

    Je tire la chasse, comme pour faire disparaître la dernière trace de cette baise que je regrette déjà.

    Ce qui ne m’empêche pas, en quittant cette cabine à mon tour, de sentir monter en moi une sensation de dégoût.

    J’ai beau me dire que ce que je viens de faire n’a rien de répréhensible, j’ai beau me dire que prendre autant de plaisir ne peut pas être mauvais. Au fond de moi, je regrette déjà de m’être offert de cette façon. 

    Je ressens en moi comme un sentiment de trahison de moi-même et de mon passé, comme si je me sentais désormais indigne de ce garçon amoureux, de ce garçon aimé que j’ai été. Certes, ce garçon s’était déjà retrouvé dans des chiottes pour des bonnes baises sauvages. Mais c’était avec le mec qu’il aimait comme un fou. 

    Qu’est donc devenu ce garçon ?

    A cet instant précis, j’ai l’impression d’avoir tué ce garçon. Ce garçon pour qui, il y a longtemps déjà, un autre garçon nommé Jérémie Tommasi était le seul but dans sa vie. Quand le cœur est privé d’amour, le corps prend le dessus et s’enfonce dans la luxure.

    J’ai l’impression d’avoir un jour connu le Paradis, avant d’en tomber, et de me perdre en Enfer aujourd’hui.

    Comment pourrais-je regarder en face mon beau Jérém si d’aventure le destin rendait cela possible, alors que je sais qu’en rentrant tout à l’heure, j’aurai déjà du mal à me regarder moi-même dans la glace ?

    Oui, en quittant le centre commercial, j’ai l’impression de trahir la beauté de ma grande histoire avec Jérém.

    Pendant toutes ces années, la machine mentale à archiver le passé a eu tout le temps de trier les souvenirs pour ne retenir que ce que j’avais besoin d’en retenir, à savoir, les moments les plus heureux.

    Comme celui du jour où je l’ai vu pour la première fois dans la cour du lycée, de sa casquette et de son t-shirt noir, ou le souvenir de notre première révision, de son t-shirt blanc, le bonheur de nos retrouvailles, de nos nuits d’amour, de nos baisers, de nos câlins, de nos confidences sur l’oreiller, de notre complicité.

    Mais au fond de moi je sais qu’elle a occulté les attentes interminables, la peur de l’abandon, les angoisses, les déceptions. Et notre séparation. En fait non, je n’ai rien oublié, mais le temps a anesthésié ce qui a longtemps été douloureux.

    Non, notre histoire n’était pas parfaite. Mais elle était belle, et elle était pure. Même nos erreurs, et Dieu sait que nous en avons commises, tous les deux, étaient « innocentes », sans intention de faire du mal à l’autre. Même nos baises les plus « sauvages » n’étaient en réalité que le préalable de jours heureux, une façon de nous apprivoiser.

    Nous nous sommes fait du bien, et aussi beaucoup de mal. Le premier était une évidence, le deuxième rien d’autre que le fruit de nos maladresses. C’était ma première histoire, mon premier amour, et ça l’était pour lui aussi. Nous avions tout à découvrir de la vie, et de nous-mêmes.

    Nous étions heureux. J’étais heureux. Avec le recul, j’ai l’impression que même quand je souffrais, j’étais heureux. Car je me sentais si vivant ! 

     

    Ce samedi, je me suis rendu dans un magasin d’électroménager dans une zone commerciale de Toulouse pour m’acheter un nouveau lave-linge. Et tu étais là, beau mâle Kevin au charme sauvage, derrière le comptoir, et tu avais l’air d’un fauve en cage. Je t’ai maté, et c’est de cette façon que j’ai ouvert la porte de ta « prison ». Je t’ai fait retrouver ta liberté et ta fierté, et tu m’as fait profiter de toute sa sauvagerie. J’ai bien kiffé, mais tes griffes ont laissé quelques blessures derrière elles.

     

    Je quitte enfin la cabine, les toilettes, je repasse devant le magasin pour quitter le centre commercial et rentrer chez moi au plus vite. Je crois que la première chose que je ferai en rentrant ce ne sera pas me branler, mais pleurer. 

     

    * * *

     

    30 Le vendeur du magasin d’électroménager (version 2014)

    Attention. Ceci est une fiction. Pensez à vous protéger. La santé, c'est important.


    C’est un beau brun aux cheveux mi longs, très épais, je lui donne tout juste la trentaine. Sa chevelure plutôt fournie est coiffée vers l’arrière avec un bon coup de gel. Brun, les yeux gris. Ça, ça ne court pas les rues. Et ça intrigue. Moi, en tout cas, ça m’intrigue. Et ça me charme.

    Un regard intense, indompté, un regard de grand félin, un regard de tigre, un tigre mâle, plein d’une sauvagerie qu’on sent latente, pas très loin de faire surface et qu’on hume presque autour de lui. Un tigre en cage, derrière le comptoir du magasin d’électroménager, un tigre bien musclé, au sommet de sa vigueur.

    Un regard de tueur sexy, de beautiful killer, fusillant autour de lui, un regard difficile à capter et encore plus difficile à soutenir. Un regard qu’on ne peut pas croiser sans se sentir intimidé. Quand, par un hasard que j’ai un peu provoqué, mes yeux on pris contact avec les siens pour la première fois, je n’ai pas pu tenir plus d’une fraction de seconde sans les baisser.

    Ce mec a vraiment l’air d’un tigre prêt à bondir, et il faut du courage pour défier le regard du tigre. Un courage que le Nico que je suis n’a jamais eu. Surtout avec ce genre de mec. Quel genre ? Le genre que j’affectionne tout particulièrement… le genre de mec à l’air plutôt bad boy, le genre de mec avec qui on sent qu’on va se mettre en danger dès qu’on va l’approcher… faut aimer le danger… et en ce qui me concerne, c’est bon le danger, surtout ce type de danger…

    Oui, ce mec est vraiment du genre bad boy, avec ce truc bien viril et intriguant sur lui, ce truc que je ne sais pas expliquer et qui est propre à ce type de gus, cet air de caillera, un peu macho, cette vigueur virile débordante, cette agressivité qu’on sent latente et prête à démarrer au quart de tour, ce truc qu’ont souvent les mecs issus des cités, ce truc qui fait cet effet de dingue sur la plupart des nanas, et sur les mecs comme moi… c'est souvent vers le même type de garçon qu'on aime se perdre, quitte à y laisser des plûmes…

    Bad boy est un plat épicé et piquant… on sait qu’on risque d’avoir du mal à en supporter les conséquences, mais on en est attiré sans retenue… c’est un plat qui flatte mes sens, et auquel je ne sais pas résister… bad boy est une attitude, un mystère viril planant autour d’un keum, une insaisissabilité, une sorte de défi permanent dans le regard, le goût du risque, une façon de s’opposer à toute forme d’autorité et de contrainte, au risque de s’y cogner… bad boy… une sorte de mise en danger de soi permanente… comme une voiture sans freins roulant en ville à toute allure … une mise en danger pouvant entraîner ceux qui se trouveraient trop à proximité…

    Mon tigre brun, c’est le genre de mec qui s’habille avec des t-shirts noirs col en V plutôt profonds, laissant voir une belle portion d’un torse qu’on devine rasé depuis quelques temps déjà, une peau sur laquelle ses poils de brun ont recommencé à pousser, drus, raides, une peau qui a l’air très douce au contact des lèvres qu’on voudrait y poser dessus sans tarder, sans retenue…

    Mon Royaume pour poser mes lèvres là-dessus, juste un instant…

    Et par-dessus son t-shirt noir, un gilet rouge : dans le dos, le logo du magasin et sur le devant, un badge imprimé annonçant : Kevin… ça y est, je connais son petit nom : voilà, on est potes ; non, plus que ça : on est intimes. Dès lors, dans ma tête tout devient possible. Je le connais déjà, je sais de quoi il a envie. C’est beau de rêver, mon ti Nico.

    Le coton noir semble avoir coupé exprès pour mouler l’arrondi de ses épaules, alors que des biceps plutôt conséquents écartent bien les manchettes du t-shirt ; et ils deviennent presque impressionnant à chaque fois que le bras et l’avant-bras se plient dans l’effort, lorsqu’ils gonflent encore, dessinant ainsi une jolie bosse musclée…

    Et puis il y a le détail qui tue, le truc sexy qui achève. Pas un, deux. D’abord, une chaîne de mec aux mailles larges posée autour de son cou puissant, descendant sur la peau de son torse à l’intérieur du V du t-shirt… ensuite, et c’est là que l’on comprend pourquoi ce genre de mec devrait être surveillé pour éviter des émeutes, voilà le détail d’un tatouage qui sort de la manchette gauche de son t-shirt, passe sous le coton et sous la chaîne pour remonter jusqu’à une dizaine de centimètres sous l’oreille. C’est une pointe, un motif torsadé et je devine que ça ne doit être que la partie émergée d’un tatouage qui doit courir sur son épaule, partir sur son torse ou dans son dos… putain de t-shirt…

    Mon Royaume pour le voir poser ce t-shirt, pour découvrir ce tatouage en entier…

    Et quand je le regarde, je ressens toujours et encore, inlassablement, ce truc qui me pique à vif, qui m’attire et qui me fait peur au même temps… cette tentation dangereuse qu’il inspire. Un truc brutal, un je ne sais quoi d'animal dans le regard, un truc qui inspire une indéniable attraction envers lui, une tentation cependant mêlée de crainte. C’est qu’il porte sur lui cette attitude de caillera, de petite frappe qui me fait un effet de dingue…

    Voilà le truc : le mec a quand même l'air pas facile, il a l’air d’être le genre de gus sacrément hétéro de base, le modèle bourrin et intolérant, viscéralement homophobe dans la notice, le mec à fleur de peau vis à vis de sa sexualité, capable de démarrer au quart de tour des qu'on le chatouillerait à peine sur ce terrain là. On le devine bagarreur, plus à même de jouer de ses poings que de sortir des argumentaires cohérents.

    Je regarde alors se grandes mains puissantes de mec et j’imagine la prise qu’elles pourraient avoir sur mon corps qu’il retournerait à sa guise dans sa recherche de la bonne position pour prendre son plaisir. Il n’y a pas à chipoter… il me fait une envie de ouf…

    Je rode entre les étalages, télé, ordi, frigo, consoles, smart… j’erre sans but réel, je crois qu’en réalité je cherche à attirer son attention et à le pousser à venir me voir.  

    Bingo, le voilà qui quitte son comptoir et marche vers moi avec sa démarche féline, assurée, implacable.

    Putain, qu’est ce que je vais bien lui dire ? T’as le chic Nico, pour te fourrer dans des situations pas possibles… là, il faut assumer mon grand. Le mec est devant toi, à un mètre de toi, et il te regarde. Et moi je regarde son jean moulant affichant une jolie bosse à l’avant, ce jean sur lequel son t-shirt noir tombe tout droit, annonçant un ventre dessiné ou en tout cas bien plat et plaisant à regarder une fois dénudé… je bande déjà rien qu’en imaginant la ligne des poils, cette autoroute vers le plaisir, qu’est le chemin entre le nombril et le sexe d’un beau mâle…

    Bonjour monsieur…

    Et en plus, évidemment, il a la voix de l’emploi… chaude, caverneuse, ça sent la testostérone à plein nez, ça sent le mec sur de lui, le mec qui est habitué à se faire entendre et à être écouté. (Oui, mec, vas y, donne moi des ordres, dis moi qu’il faut que j’avale ta queue et que tu vas jouir en moi…)

    Bonjour…

    Vous avez besoin d’un conseil ?

    (j’ai besoin de vous sucer, oui) Je… je… je… regarde… (oui, tu regardes quoi, Nico ?) je regarde… (mais regarde devant toi, espèce d’idiot, tu es en face des casques audio)… je me tâte pour acheter un casque audio ! (sauvé, Nico… respire maintenant)…

    Voyons... je peux vous conseiller ce modèle…

    Faut admettre que le mec est encore plus intimidant maintenant qu’il est devant moi… et puis il y a ce truc que je ressens autour de lui… je ne sais pas trop comment décrire cette autre sensation que je ressens encore plus forte maintenant qu’il est si près, presque à l’intérieur de mon espace vital… on dirait… oui, on dirait qu’autour de lui ça sent le mâle… il n’y a pas d’autre mots… il est juste là, sans rien faire et on sent le mec bien chaud, plein de sève bouillante… oui, ça pue carrément le sexe autour de lui…

    Pendant qu’il parle, j’ai du mal à me concentrer sur ses mots. Maintenant qu’il est si près, mes narines sont percutées de plein fouet par un parfum, son parfum de mec… l'odeur, c'est la cerise sur le gâteau… après le physique, la voix, le charisme, l'odeur d'un type peut me faire chavirer...

    C’est un parfum frais, dépaysant, à la fragrance poivrée et entêtante, un parfum qui me transporte loin de là, dans une salle de bain où le mec est certainement en train de se doucher plus tôt ce matin là… je l’imagine en train d’étaler le gel douche sur sa peau, de couvrir ce beau corps d’homme d’une mousse fine et soyeuse… je l’imagine parcourir chaque recoin, arriver au sexe, s’y attarder, pourquoi pas le caresser, faire tomber une belle trique matinale par une bonne branlette sous l’eau bouillante, pendant que sa copine est encore au lit ou est en train de préparer le petit déjeuner… je n’irai peut-être pas jusqu’à me demander si le soir d’avant il a couché avec elle, s’il lui a fait l’amour ou s’il l’a juste sautée… trop émoustillé comme je le suis à la simple idée de l’imaginer tout seul sous sa douche en trains d’astiquer son manche et en pensant à quoi ou à qui lui seul le sait…

    Je l’imagine arriver à l’orgasme, à son bonheur de sentir plusieurs jets sortir de sa queue… je l’imagine rester encore un moment sous la douche, presque ébahi, en train de récupérer de l’effort ; et enfin refermer l’eau, sortir de la cabine le corps ruisselant, les cheveux mi-longs dégoulinant et retombant lourdement, en bataille ; je l’imagine passer une main dans sa crinière épaisse pour la rabattre en arrière et dégager son regard, geste inutile sans l’application ultérieure d’un bon coup de gel, mais pour moi très sensuelle quand il est exécuté par un beau garçon…

    Il attrape sa serviette, il s’essuie partout, il commence par la tête, il descends sur les épaules, le dos, les pectoraux, il continue direction les abdos, le sexe, les fesses, l’entrejambes, les jambes, les pieds…

    Il approche du miroir… il passe un coup de tondeuse avec sabot 3 mm sur sa barbe brune… il attrape le tube de gel, il en fait gicler une bonne dose dans sa main et il l’applique dans ses cheveux, passant ses doigts plusieurs fois dans sa chevelure pour lui donner cet aspect tiré vers l’arrière qui joue un rôle pas du tout secondaire dans son look de bad boy…

    Il attrape son déo, il s’en vaporise sous les aisselles, il vaporise copieusement son torse à hauteur de ses pectoraux, avec un geste ample, assuré, tel un Sébastien Loeb dans la fameuse pub qu’on ne voit plus, hélas… il passe son t-shirt noir, il passe un caleçon blanc, un pull gris à capuche, un jean plutôt bien coupé, et il sort de la salle de bain, tout beau tout propre. Dans quelques heures, la fraîcheur de son déo, ainsi que le parfum de son gel pour cheveux viendront flatter mes narines et démultiplier le désir que ce mec suscitera en moi dès que mon regard se posera sur lui. Mais ça c’est une autre histoire, que ni moi ni Kevin ne connaissons d’avance.

    Le mec est vraiment tout près de moi, mes yeux sont aimantés par cette large portion de peau découverte en forme de V au dessous de son cou, ce V fabuleux façonné par son putain de t-shirt scandaleusement échancré que je rêve de lui arracher juste après lui avoir ôté le gilet ridicule du magasin… cette peau sur laquelle les poils bruns ont commencé à repousser a quelque chose de terriblement sensuel à mes yeux… son parfum se dégage de là, de ce bout de peau mate… j’ai envie de plonger mon nez dedans, d’humer son parfum sublimé par la tiédeur de sa peau, j’ai envie de lui caresser les tétons par-dessus le coton fin, de le faire languir, de l’exciter à le rendre fou… juste avant de soulever son t-shirt et de découvrir ses abdos, son nombril, avant d’aller plus loin, plus bas, beaucoup plus bas dans son anatomie…

    Maintenant que je le vois en entier si près de moi, maintenant qu’il est sorti de derrière son comptoir, je mate son jean de marque qui tombe si bien sous son t-shirt noir… je me sens captivé par la jolie bosse que fait sa braguette, je m’attarde sur la boucle de sa ceinture en cuir bien épaisse… je m’imagine déjà en train de défaire tout ça et me retrouver devant une jolie queue bien raide prête à bondir hors d’un sous vêtement bien moulant… j’imagine le bonheur d’avoir en bouche un mec pareil… je me perds dans mes pensées jusqu’à que je me rends compte que quelque chose a changé autour de moi…

    Ce qui a changé c’est que je n’entends plus le son de sa voix… le silence qui en découle est clairement assourdissant et me rappelle à la réalité de façon plutôt abrupte… mon regard passe directement de sa braguette à son regard à lui, le trajet est un peu trop direct et un peu trop rapide, et lorsque mes yeux croisent les siens, j’ai l’impression qu’il s’est rendu compte de mon manège…

    Il me regarde fixement, j’ai l’impression qu’il plisse légèrement ses paupières, qu’il m’interroge, qu’il est en train de se demander si vraiment j’étais en train de mater sa braguette… arffff… et il a encore ce regard intense… ce regard qui transperce dans tous les sens du terme, j’ai l’impression que ce mec transpire le sexe par tous les pores de sa peau, j’ai l’impression qu’il me baise simplement du regard, comme si rien qu’en l’observant je sentais déjà ses coups de reins puissants, son souffle chaud et bestial dans le cou, son animalité déchaînée au service de son plaisir…  

    Je me dis que ce mec est dangereux oui, dangereusement beaux et sexy… le sexe personnifié… un félin, un beau tigre mâle, puissant, mais « élégant », sauvage mais classe… presque diabolique… oui, si le diable existe, c’est comme ça que je l’imagine…

    Je suis carrément sous le charme, mais devant son regard fixe et à son silence prolongé je suis vite mal à l’aise… il faut que je me sorte de cet embarras… vite Nico, vite un truc… t’as rien écouté de ce qu’il racontait au sujet des casques, tu ne sais pas quoi lui répondre, tu vas avoir l’air con, il faut vite changer de stratégie…

    En fait… j’étais en train (de mater ta braguette, le bogoss) de penser… (de penser à quoi à part à sa queue ?) que j’ai besoin… (de te voir à poil… de te prendre dans la bouche !)… j’ai besoin… (de baiser avec toi… arrête Nico, ça a failli t’échapper !)… j’ai besoin…

    Vous avez besoin de quoi, monsieur…

    Ah, cette voix de mec… chaude et profonde, à la vibration puissante. Sa simple question m’a mis la pression : d’autant plus que l’accent qu’il m’a semblé poser sur le mot « quoi » n’a pas manqué de capter mon attention, un accent qui m’autorise à imaginer pendant un instant qu’il pourrait envisager de fournir, à la demande, un « produit ou service » n’apparaissant pas dans l’inventaire du magasin. Fais toi des films, Nico. Surtout que, pour obtenir un produit « hors rayon », faut déjà avoir le cran de oser le demander… et toi, mon Nico, t’es pas vraiment du style à savoir demander ce genre de « produit » qui n’est pas vraiment pas pour tout le monde… comme l’accès à la sexualité du beau vendeur…

    J’ai besoin… (de te sucer…) d’un téléphone…

    Ouf, sauvé par le gong, mon Nico…

    Fixe ou portable ?

    Un smartphone…

    Venez, nous en avons en promo…

    Il se retourne, direction le rayon concerné. Ça y est, je sors de mon apnée… le contact de nos regards est rompu, je déstresse un peu. Il marche devant moi, je lui enjambe le pas, les yeux rivés sur ce cul fabuleux moulé dans ce jean qui semble caresser ses fesses et qui les mets en valeur d’une façon déconcertante. Et puis il y a sa chute d’épaules… j’ai toujours aimé ça, une jolie chute d’épaules chez un beau garçon… et voilà qu’en laissant le regard descendre encore un peu, je me sens happé par la vision d’un dos large, puissant… il a tout pour lui ce petit con… un beau fauve dans toute sa splendeur, dans toute sa puissance …

    Nous y voilà – annonce-t-il en s’arrêtant devant une vaste expo de smartphones – vous avez plusieurs modèles… du plus simple à 50 euros, au plus sophistiqué à près de 700 euros…

    Vous cherchez quoi ?

    (Bonne question, tu ne serais pas déçu de la réponse)…

    Je cherche un smart milieu de gamme, c’est mon premier… jusqu’à là j’avais un portable classique…

    Alors je vous conseille celui-ci ou celui-ci… ce sont des modèles que nous vendons beaucoup en ce moment… la différence entre les deux c’est que…

    Et le voilà reparti sur un speech technique pour me vanter les qualité de tel ou tel modèle… je sais déjà que je vais prendre un smart à 100 euros max, peu importe s’il fait le café le matin ou s’il sait faire cuire un œuf, mais je lui laisse faire son numéro au sujet de plusieurs modèles, tant sa voix m’enchante… et que son parfum entêtant monte à mes narines et me shoote… j’ai toujours été sensible aux parfums de mec… mais je dois dire que depuis Jérém, ce mec est le premier dont l’odeur corporelle me fait autant d’effet…

    Je me montre intéressé pour un modèle qui a l’air assez bien par rapport à mon budget. Il l’attrape, il me le tend, et il a cette phrase magique, dans laquelle j’aurais bien voulu voir une arrière pensée un peu canaille…

    Tenez, vous voulez prendre en main pour essayer…

    Il me fait craquer… (essaie d’utiliser la même formule au sujet de ta queue…).

    Il me passe l’appareil, et au moment de le saisir, voilà que mes doigts effleurent brièvement les siens… ce contact de peau est particulièrement excitant pour moi, la peau de ses doigts est douce, j’ai m’impression que, dans le contact, nos doigts ont fait des étincelles.

    J’ai toujours cette impression quand j’ai la possibilité de rentrer en contact avec les doigts d’un beau garçon, d’un vendeur, d’un caissier, d’un guichetier… je cherche ce contact, je lui tends ma carte bleue, mes espèces, mon papier, je laisse traîner mes doigts, je les pousse au delà du mouvement strictement nécessaire de façon à effleurer les doigts de l’autre, la main de l’autre, de façon à établir ce contact troublant… évidemment, avec une femme on un homme pour lequel je n’éprouve aucune attirance, je sais très bien maîtriser mes mouvements pour éviter le contact… mais avec un beau garçon…

    Je suis encore perdu dans mes réflexions quand je m’entends demander :

    Qu’est ce que vous en pensez, monsieur ?

    Qu’est ce que j’en pense ?

    Du téléphone…

    Oui, du téléphone…

    (pas de toi, évidemment, évidemment, si tu t’aventurais à poser la question dans ce sens là, tu verras, là encore tu ne seras pas déçu de la réponse…).

    Nos regards se croisent, je n’arrive toujours pas à soutenir la puissance aveuglante du sien.

    Je pense que je voudrais en voir un autre…

    Il tend la main vers moi pour récupérer le premier… je lui rends, et nos doigts se touchent à nouveau. Nouvelles étincelles… Lui il a l’air comme si de rien n’était… (putain, mais il n’y a qu’à moi que ça me fait cet effet ? Il n’a rien ressenti ce petit con ?).

    Vous voudriez voir lequel ?

    Celui-ci…

    Il est un peu plus cher…

    Ca ne fait rien…

    Il décroche l’appareil de son support et il me le tend. Mes doigts glissent sur le flanc du petit boîtier et finissent  par effleurer la peau de sa paume… d’un coup je me sens gêné… je n’ai pas fait exprès et ce contact inattendu me trouble… je ne suis pas sans savoir que pour beaucoup de monde, le geste de caresser le creux d’une main par le bout de ses doigts, n’a d’autre signification que « j’ai envie de toi »… franchement je kiffe à mort, c'est troublant ces premiers contacts, les plus intenses…

    Je suis troublé et ma main a une réaction involontaire, comme pour se dégager de cette situation embarrassante, un geste qui lui fait heurter l’arrière du téléphone et le décrocher de la prise de Kevin : le téléphone tombe et c’est grâce à la rapidité et à la souplesse du jeune tigre qu’il ne s’écrase pas sur le carrelage du magasin…

    Je suis désolé, je suis tellement maladroit, je suis confus…

    C’est pas grave – répond Kevin, alors que l’expression de son visage semble montrer une certaine vexation. Je le regarde, cherchant à comprendre s’il est vraiment contrarié. Il me regarde à son tour. Cette fois-ci je décide de ne rien lâcher. J’ai envie de lui faire du bon rentre dedans. Je n’ai rien à perdre. Je soutiens son regard et il soutient le mien. Je sais que à ce jeu là je n’ai aucune chance, d’autant plus que, si je tente vraiment de gagner, je prends un gros risque de mettre le mec en pétard…  

    Il me fait toujours un peu peur, j’ai vraiment l’impression qu’il peut démarrer au quart de tour, mais au vu de la situation, je décide de tenter coup. Ca passe ou ça casse.  

    Le mec est sur son lieu de travail, il y a d’autres clients qui se baladent dans le magasin, sa collègue est au comptoir… alors je me lance.

    En fait je ne cherche ni de casque ni de téléphone…  

    Comment ça…

    Je suis juste passé pour vous voir…

    Moi ?

    Je suis venu dans ce magasin il y a quelque temps avec ma cousine pour acheter un ordinateur mais on a eu affaire avec votre collègue…

    Et donc ?

    Pendant que ma cousine choisissait son ordi, je vous ai repéré…

    Et donc ?

    J’avais envie de vous revoir…

    Pour quoi faire ?

    Juste pour vous dire que je trouve que vous êtes le mec le plus sexy que j’ai vu depuis longtemps…

    (Ouahhhh putain c’est gonflé, Nico… je n’arrive même pas à croire que ces mots sont sortis de ta bouche).

    Pardon ?

    La météo de son regard est en train de passer à l’orage. Les nuages s’amoncellent à l’horizon.

    Oui, je pense que vous êtes terriblement sexy…

    Ne me cherche pas, t’as compris… ?

    Ça y est, il est passé au tutoiement. Un hétéro inconnu que vous abordez pour lui faire du rentre dedans direct et qui passe au tutoiement, c’est un mec qui est en train de chauffer. Il me fusille du regard. Alerte maximale, Nico. Fais gaffe à toi… mais qu’est ce que c’est sexy un beau mec en rogne…

    Je ne vous cherche pas, je dis juste que vous m’avez l’air d’un bomec qui a ce qu’il faut dans son caleçon…

    Je ne suis pas ce genre de mec…

    Je ne sais pas quel genre de mec vous êtes, je dis juste que vous êtes très sexy… et que quand je vous regarde j’ai envie de vous faire tout ce dont vous vous auriez envie… vraiment tout…

    Son regard ne fusille plus. Il fulmine. Il est si noir, si hostile, on dirait le ciel chargé juste avant un orage d’été. Plus qu’un orage. Une tornade. Je sens que d’un instant à l’autre ça pourrait commencer à tomber. Dru et violent. A arracher des toitures. Instinctivement, je recule d’un demi pas.

    Si je ne bossais pas, je t’aurais déjà mis ma main dans la gueule…

    (Bien vu le demi pas en arrière, Nico).

    Oui, mais vous ne le ferez pas…

    Essaye donc pour voir…

    Vous ne le ferez pas… et pas parce qu’on est ici, pas parce qu’il y a du monde…

    Ah oui, comment ça ?

    Vous ne le ferez pas, parce que ce que je vous dis ça vous fait plaisir…

    Tu devrais vraiment arrêter tes conneries, mec…

    Je vois ses poings se serrer au bout des bras qu’il tient, raidis, le long de son torse. Je l’ai déjà dit, mais vraiment j’ai toujours trouvé sexy un beau mec en pétard. Mais là je vais trop loin… là je fais du hors piste en période de dégel. Faudra pas s’étonner si l’accident arrive. Mais il me plait trop ce type… j’ai envie de le chauffer… putain… j’ai envie de me le taper…

    Si vous êtes le mec que je pense, aussi bien dans ses baskets que dans son caleçon, vous ne pouvez qu’être flatté que je vous dis que vous êtes sexy…

    (Là, Nico, tu es suicidaire. Carrément. Vraiment, je ne te reconnais plus).

    Tires-toi, mec, avant que je m’énerve vraiment…

    Tiens, sa réplique me fait penser à une réplique de mon beau quand il était vraiment fâché contre moi… je déteste ces mots… « tire toi, mec »…

    Oui, je vais y aller… mais je pense que ce que je vais te proposer avant ça va te plaire…

    Quoi donc ?

    Une pipe ça ne se refuse jamais, c’est bien ça que vous dites entre vous, les mecs ?

    Je te dis que je ne suis pas pd…

    Mais je ne l’ai pas dit non plus… tu es à mes yeux tout ce qu’il y a de plus mec… je dis juste que j’ai envie de te faire la pipe de ta vie…

    Vas-y… dégage avant que je t’en mette une dans la figure…

    « Dégage » c’est encore pire. Il me regarde avec mépris, presque avec dégoût. Pendant une seconde, je me sens pire qu’une merde. Mais à ce stade je me suis trop avancé pour reculer, alors je fais appel à toutes mes forces pour garder une contenance. Le moyen pour y arriver : le culot ! encore plus de culot…

    Si tu veux cogner… je suis partant… mais fais-le avec ta queue…

    Il avance vers moi, je recule encore… il s’arrête, le visage empourpré par la colère…

    C’est avec fermeté mais avec prudence qu’il convient de tenter d’apprivoiser un fauve. L’aventure avec le petit chauffagiste il y a quelques semaines m’a donné de l’assurance. Certes, Pierre, était un genre de gibier bien plus facile à apprivoiser que le Kevin. Ici le challenge est de taille. Je me lance le défi de faire capituler un mec aussi bourrin. Je me sens pousser des ailes. J'ose.

    Allez, j'ai juste envie de te sucer, de te faire jouir comme tu le voudras…

    Il me regarde fixement dans les yeux, je sens sa férocité monter en pression… eh ouais, il faut admettre que c’est pour exactement les mêmes raisons qu’il semble dangereux, qu’il est aussi furieusement, scandaleusement, odieusement excitant…

    J’ai l’impression qu’il est à deux doigts de charger… au delà de mon bluff, je sais bien que le seul truc qui le retient de me cogner c’est que le magasin est de plus en plus rempli… alors je me décide à porter l’estocade finale :

    Je vais être clair… tu seras le seul mec aux commandes, tu me demandes ce que tu veux et je te le fais… ou je me le laisse faire… surtout des trucs que les filles n’ont pas forcement envie de faire… il y a bien des trucs qui te trottent dans la tête…

    Il me toise avec un regard où je vois à la fois, de la colère, du dédain et du mépris… et peut-être un brin de surprise et de curiosité…

    Alors la, putain c’est chaud mon Nico…

    J'ai l'air d'un pd… moi ? – il me balance à brûle-pourpoint.
    C’est justement parce que tu n’as pas l’air d’un pd que tu me fais envie…

    Tu joues à quoi ?

    Mais je te l’ai dit, je ne te veux aucun mal, je veux juste te sucer… il n’y a pas de quoi en faire tout un flan…

    Arrête ça je t’ai dit...
    J'ai envie de te faire jouir… - j’insiste en appuyant mes mots avec un léger sourire ; il me faut dédramatiser l’enjeu, et j’ai besoin de me donner une contenance. Il ne faut pas que le fauve voit ma peur, sinon je suis foutu ; j’enchaîne – tu finis à quelle heure ?

    C’est le jour ou Nico fait péter les barrières…

    Ca ne te regarde pas…

    Je trouve que c’est un gâchis sans nom qu’un mec comme toi ait vécu quoi… trente, trente-cinq ans sans connaître le plaisir avec un mec… il est vraiment temps que tu saches ce que tu as manqué jusqu’à aujourd’hui…

    (Oui, je me dis ça de chaque mec hétéro qui me plait, comme s’il n’existait pas de nana qui savent faire jouir un beau mec comme il convient, ce qui doit certainement être faux… mais bon, j’aime à me rassurer de cette façon là… et puis, quand on veut obtenir un suffrage favorable, il faut bien promettre des choses dont on n’est vraiment pas sûr de pouvoir tenir...)…

    Je décide de tenter le tout pour tout. Au point que j’en suis… je relâche mes yeux, je les envoie se balader sans retenue, au casse-pipe, je les laisse libres de toiser ce magnifique spécimen, libres de le reluquer à leur guise, à leur faim, libres d’exprimer toute la coquinerie que ce mec, que cette situation et ma proposition effrontée m’inspirent ; je regarde fixement braguette, je m’attardé sur le V de son t-shirt, sur sa chute d’épaules, et encore sa braguette, encore et toujours sa braguette… en faisant des aller retour rapides et incessant avec ses yeux le chauffer… j’hume son parfum, et ça me rends dingue…

    Je relève mon regard et je rencontre le sien qui me semble remonter de sa propre braguette. J’ai regardé si fixement qu’il a du se demander pourquoi. Est-ce qu’elle est ouverte ? Bah, non, mon grand, pas ouverte, mais j’ai l’impression qu’elle est de mieux en mieux remplie… est-ce l’effet de mon rentre-dedans ? Il a l’air gêné à son tour et un brin désarçonné…

    Putain, qu’est-ce que tu sens bon en plus – je finis par lâcher, les sens ravis, ivre de lui.

    Il me regarde toujours fixement mais quelque chose semble être parti dans son intransigeance, comme si les nuages étaient en train de se dissiper et qu’un rayon de lumière allait bientôt trouver le moyen de pointer le bout de son nez. Ai-je touché une corde sensible ? Est-ce que l’un de mes arguments ont fait mouche ? Va savoir…

    En tout cas, je ne vais pas surenchérir, je vais la jouer « mec qui a envie sans plus ». J’ai envie de le laisser mijoter un peu.  

    Ecoute, mec… je ne vais pas te forcer, ni te supplier… si t’as pas envie, t’as pas envie, tant pis pour toi…

    Sans attendre sa réponse, je fais demi-tour et je me dirige d’un pas décidé direction la sortie du magasin vers la galerie marchande… je n’ai pas fait trois pas que j’entends sa voix.

    Eh, toi… reviens là…

    J’adore le ton qu’il a mis dans ses mots. Ça ressemble à un ordre. Je stoppe net. Je me retourne. Son regard noir a laissé place à un regard sensuel, viril, puissant. Avec un geste rapide de la tête, il me fait signe d’approcher. Je m’exécute, docile devant mon maître. J’ai l’impression que le jeu est amorcé.

    J’ai une pause dans 20 minutes… à moins le quart va aux chiottes à cotés de la sortie 3 et enferme toi dans les wc handicapés… je taperai à la porte…

    Entendu – je m’entends lui répondre. Je ne m’attarde pas, au cas où il change d’avis…  

    Je suis à nouveau en train de faire demi tour que j’entends une nouvelle fois sa voix dans mon dos.

    Eh, toi…

    Quoi ?

    T’as intérêt à assurer…

    Je suis même plutôt bon, on me le dit assez souvent…

    Tu met la barre haute, Nico, depuis quand es-tu si sûr de toi ? Depuis le petit chauffagiste ?

    Je passe les quelques minutes avant le rancard à prendre un café et à lire la Dépêche du Midi qui gît déjà froissée sur la table où je me suis installé. Je regarde plusieurs fois ma montre.

    Je serai au rendez-vous pile à l’heure. Je m’enferme dans les toilettes. J’ai le cœur qui bat à dix mille à l’heure… j’ai le soufflé coupé… je n’arrive pas à croire que je vais me taper ce mec… je me prends à imaginer qu’il va se dégonfler, qu’il va me poser un lapin…

    Au bout d’un moment, mes narines finissent par me ramener les odeurs mélangées d’urine et de javel typiques de ce genre de lieux… et là je suis scotché… transporté… c’est pas banal, faut l’admettre, que des odeurs de toilettes puissent assurer la fonction de « madeleine de Proust », ce sera pourtant le cas pour moi ce jour là… cet odeur me hante depuis longtemps, à chaque fois que je me rends dans une toilette publique pour soulager ma vessie… à chaque fois ça me rappelle un plan avec Jérém dans les chiottes du lycée… une de nos premières baises, une des plus chaudes… quel souvenir que cette bonne sauterie entre midi et deux, entre deux cours, Jérém qui me prend direct par derrière, moi plié au dessus du wc, Jérém qui jouit en moi et qui se tire juste après sans un mot…

    Sacré Jérém, j’ai le souvenir d’une baise bien corsée, le souvenir de l’avoir senti en moi durant tout l’après-midi en cours, pendant que je le matais assis devant moi dans son beau t-shirt blanc moulant, le souvenir de n’avoir pu débander qu’une fois m’être branlé chez moi après les cours…

    Aujourd’hui l’attente me semble longue comme cette fois là… je ferme les yeux, je replonge dans ce moment vieux de quatorze ans… c’est comme si j’avais à nouveau 18 ans et j’étais à quelque semaines du bac… j’ai presque l’impression que c’est Jérém qui va taper à la porte et qui va venir me baiser… et c’est pile à ce moment là que j’entends trois petits coups portés sur la porte en plastique… je ressorts en sursaut de mon souvenir…

    Je rouvre les yeux… je débloque le loquet, je me range derrière la porte… au fond de moi j’espère toujours que c’est Jérém… mais non, on est bien en 2015, les enceintes au dessus des lavabos diffusent « Sugar » de Maroon 5… et c’est bien le beau et sexy Kevin qui passe la porte et qui la referme derrière lui. C’est pas Jérém, certes, mais c’est plutôt pas mal…

    Il est debout devant moi, appuyé à la cloison carrelée. Je m’approche de lui. J’ai envie de poser mes lèvres sur la peau dans le V de son t-shirt. Putain qu’il sent bon ce petit con.

    Le volume de la musique est assez haut, on peut parler discrètement sans peur d’être entendu…

    Je n’ai que dix minutes – il me lance – fous toi à genoux et viens me sucer…

    Et ce disant, il ôte le gilet qu’il laisse atterrir au sol, découvrant ainsi son t-shirt noir bien moulant, laissant deviner un torse superbe… rien qu’à travers le t-shirt on se rend compte qu’il est dessiné… le coton fin épouse le relief de ses pectoraux alors que ses tétons pointent de façon plutôt saillante… il défait sa ceinture, déboutonne sa braguette…

    Il a les idées claires et bien arrêtées le mec. Il sait ce qu’il veut. J’adore. Je m’exécute et ma tête est déjà à hauteur du centre de son corps… il baisse un peu son jean et me plaque la tête contre sa bosse. Il me fait renifler son caleçon, je kiffe son odeur…

    Ca dure un petit moment, ses mains exercent une pression assez forte sur ma tête, mon nez et ma bouche s’écrasent contre le tissu de son caleçon, contre cette queue qui est en train de prendre de l’ampleur… je la sens gonfler près de ma bouche, je commence à remuer mes lèvres, j’ai envie de sortir le bout de ma langue pour lécher son gland à travers le tissu… mais le mec appuie encore plus fort, rendant impossible toute initiative de ma part… voilà un bon mâle dominant, c'est lui qui mène la parade.. c'est tellement bon de se soumettre, de faire plaisir au un beau mâle, mon plaisir est dans son plaisir et sa jouissance à venir…

    Sa queue est déjà bien raide quand il relâche sa pression et qu’avec sa main il éloigne ma tête d’un geste rapide et presque dédaigneux. Il baisse son caleçon, il dégage son engin…  je kiffe sa queue, une belle bite droite comme je les aime… sans autre forme de procès, il me la met directement en bouche en me disant :

    « Bouffe bien ma queue, petite pute ».

    J’avale son manche goulûment, jusqu’à le faire disparaître presque entièrement…

    « Oui… vas y comme ça, salope… ».

    Et là il me baise carrément la bouche. Pendant que ses mains se portent sur ma nuque pour la maintenir et décupler l’efficacité de ses coups de reins, j'ose aller lui titille les tétons… il a l'air d'apprécier… il me traite de salope, de petite pute, je kiffe… ça m’excite encore plus et je caresse ses tétons avec encore plus de sensualité… ses coups de reins prennent encore plus de vigueur… j’adore voir un mec prendre son pied, plus il en prend, plus j’ai envie de lui en donner… c’est une spirale… vertueuse…

    Et puis à un moment il dégage ses mains de ma tête, il ralentit les oscillations de son bassin jusqu’à s’arrêter. Il arrête de baiser ma bouche. Il veut que je le suce. Je m’y mets avec un plaisir que j’aurais du mal à cacher… j’adore ce mec, ce mâle, j’ai vraiment envie de lui faire plaisir… je m’attarde sur son gland, j’enroule ma langue dans tous les sens, je mouille copieusement son gland et là encore le mec n’a vraiment pas l’air dégoûté… fallait essayer, mon grand, pour découvrir que la bouche d'un mec c'est pas si degueux que ça, c'est même plutôt bon!

    J’ai envie de croiser son regard pendant qu’il prend son pied… alors je dégage provisoirement ma bouche de sa bite tout en continuant à le branler, et là je lui dis…

    « T’es vraiment bien foutu... ».

    Il me répond « Ta gueule, je suis pas là pour du love... suce ! ». J’adore ce genre de sens de la réplique dans ces moments là. Je me remets alors à le sucer, avec de plus en plus d’entrain… pendant que je m’applique à son plaisir de mec, voilà que Kevin décide de se mettre à l’aise, me faisant par la même occasion un cadeau que je commençais à désespérer de pouvoir obtenir…

    D’un geste rapide et presque inconscient, il relève l’avant du t-shirt et le fait pivoter derrière la tête, calé derrière le cou, autour des épaules qui resteront ainsi couvertes… bien dommage… son torse est ainsi dégagé et en levant un peu les yeux je peux enfin mater ce torse qui m’a tant fait fantasmer… d’abord sa chute de reins, à couper le souffle ; par ailleurs, la ligne de poils entre le nombril et le sexe que j’avais imaginée, elle est bien là… et là, il faut bien l’admettre, ce n’est plus beau a pleurer, c’est beau a mourir… là, vraiment, j’ai chaud…

    Je lève un peu plus le regard et là, surprise… voilà la solution de l’énigme irrésolu de son mystérieux tatouage… le dessin torsadé aux motifs tribaux descend de son cou et bifurque à hauteur de sa clavicule, d’une part vers son épaule, ce qui donne le bout visible sortant de sa manchette, et d’autre part vers son téton… alors là, c’est carrément à tomber… c’est sexy un tatouage fin et isolé sur la peau d’un beau mec… un seul tatouage, bien entendu, et non pas la l’overdose graphique à la mode ces derniers temps chez les jeunes mecs, une mauvaise mode qui est de nature à gâcher le plaisir de mater un beau torse…

    C’est bien ça que tu voulais, salope, sucer une bonne queue…

    Ses mots me font vibrer, son coté macho et dominateur, tout ce que j’aime… je le suce avec de plus en plus d’enthousiasme… mais ce n’est pas ça qu’il attend le mec… une seconde plus tard, à mon grand étonnement, il m’attrape par les cheveux, il m’arrache sa bite de la bouche, il ramène violemment ma tête en arrière et me demande à nouveau, excité, énervé, agressif…

    Je t’ai posé une question, espèce de pute… c’est bien ça que tu voulais… sucer une bonne queue… réponds quand on te pose une question…

    Le fauve sort ses griffes, c’est impressionnant… c’est excitant… j’adore… je suis complètement dominé par ce mec. Je ne peux que me soumettre un peu plus à sa volonté, à ses ordres.

    Oui, c’est ça que je voulais… j’adore ta queue… tu me fais un effet de dingue… j’ai trop envie de te sucer, de te faire jouir…

    Je me doutais que t’étais une bonne salope… mais là t’es pire que ce que j’imaginais…

    Et moi, ce que je ne me doutais pas en revanche, c’est qu’il prenne à nouveau ma tête entre ses mains pour m’obliger a avaler sa queue de plus en plus profondément… ça va, j'encaisse bien, malgré un haut le cœur… elle est trop grande pour que je puisse toute l’avaler, alors le mec insiste avec sa main sur ma tête… sa pression est tellement forte que je sens son gland glisser encore et forcer le passage de ma gorge et s’insinuer dedans… c’est d’abord un peu douloureux, mais ça finit par devenir tellement excitant…

    Qu’est-ce qu’il y a, salope ? Tu n’arrives pas à toute l’avaler ?

    Ça encore, on dirait des mots de Jérém à l’époque de nos révisions avant le bac ou pendant l’été suivant… si macho, si fier de sa queue… bandant…

    Et là, juste avant que je commence à m’étouffer, il sort son manche de ma bouche et me lance :  

    « Lève toi, bouge ton cul, descend ton culbute… ».  

    J’ai tout juste le temps de m’exécuter, j’ai tout juste baissé mon jean et mon boxer, qu’il me retourne face au mur et, sans prévenir, il plonge direct son pieu dans ma raie ; le mec avance à coup sur, sans se tromper d’un poil ; avec sa queue à tête chercheuse à guidage GPS, il s’enfonce en moi en me collant contre le mur…  

    Sa queue est certes copieusement enduite de ma salive, mais mon ti trou n’est pas préparé du tout, alors je ressens d’abord une douleur aigue… je serre les dents, en attendant que ça passe…

    Il me dit « Quel trou de pute, t'es vraiment une salope… t’as du prendre de sacrées bites pour avoir un trou si accueillant... il me fait comme une clé de bras, il me bloque les bras derrière mon dos, me fait cambrer le cul et il me bloque, je ne peux plus bouger…

    Il m’a pris tellement vite, tellement par surprise que je ne l'ai pas vu venir... sur le coup, je suis tout à gérer ma douleur et ce n’est qu’au bout de 30 secondes que je réalise qu'il n’a pas mis de capote et lui fais remarquer…

    Il me dit « T’inquiète pas, je suis clean, j’ai une nana… ». Comme si ce détail était une garantie en soi.  Bref, petit coup de flippe, mais je suis tellement excité que je me laisse faire…

    Il reste calé au fond de moi sans bouger pendant de longues secondes... il commence ensuite ses va et vient, j ai un peu mal car je suis quand même encore assez serré… je me contracte, je gigote, j’incline mon buste pour tenter d’évacuer la douleur qui me lance toujours dans mon bas ventre… ça ne devait pas lui convenir car il finit rapidement par me lancer :

    « Relève toi salope ! ».

    Trop centré sur la gestion de ma douleur, je ne réalise pas sur le coup. Comme il ne se passe rien de mon côté, le mec sort de moi, il relâche mes bras pour dégager ses mains, il saisit mes épaules, il relève mon buste et me pousse à nouveau assez brutalement contre le mur. Mon visage va heurter la faïence, j’ai un peu mal au nez mais ça va, j’adore me faire bousculer par ce mâle en rut. Je sens ses mains baisser un peu plus mon jean et mon boxer.

    Il me dit : « Cambre toi bien, salope » et, ce disant, il m'écarte les jambes comme un dingue… j’ai l’impression que mon jean baissé sur mes genoux va craquer…

    D’un coup sec et toujours aussi bien visé, il replonge sa queue au fond de mon cul ; il m'arrache un petit cri étouffé et me dit :

    «T’aime ça salope, tu l’aimes ma queue dans ton cul, cambre-toi, je te dis, cambre-toi bien, salope… ».

    Je m’exécute. Apparemment il kiffe mon cul et moi je kiffe sa queue et son corps.

    C’est ça que tu cherchais, dis-le… pas de casque, pas de téléphone, juste un bon coup de queue dans ton cul de pute…

    Je suis trop excité je surkiffe. J’adore sa sommation de me soumettre à sa virilité… j’ai vraiment envie d’être sa pute…

    Oui, c’est ça, c’est tout ce que je cherchais… et je suis tombé sur le bon mec, avec une queue d’enfer…

    Elle te plait ma queue, hein ?

    Putain qu’elle me plait… j’aimerais en avoir une comme la tienne…

    Tu aimerais l’avoir dans le cul, oui…

    Ah, ça oui… elle est trop bonne…

    Quelle pute tu fais…

    Il sort de moi et un instant plus tard il rentre à nouveau sa queue pour la ressortir aussi sec… putain que c’est bon… il recommence son manège à plusieurs reprises, me rentrer sa queue et la sortir vite fait, il me fait languir… son parfum, ses couilles qui frappent les miennes… je suis dans un état second… je ne suis plus moi, je suis une pure salope, c’est lui qui me rends aussi dingue… j’en peu plus et là je lui dis :

    « Défonce moi, putain… »… jamais je n’aurais cru que cette phrase sortirait un jour de ma bouche.

    Il me répond : « Tu veux que je te défonce… c’est bien ce que tu as dit ? ».

    « Oui » je lui réponds « défonce moi bien... ». Non, jamais je ne me serais senti capable de dire et de faire ça... pourtant… ce jour là je n’avais rien à perdre, juste du plaisir à y gagner…

    Et là il rentre sa queue vraiment violemment… ses burnes fouettent mon entrejambes avec lourdeur, je les sens s’écraser contre ma raie pendant que son manche termine sa course au fond de moi… je suis envahi par sa bite, comblé… un instant après, il pose ses mains sur mes épaules, il enserre ses doigts dans une prise ferme, brutale et il commence à me limer comme un dingue, ses coups de reins sont puissants, assénées avec une brutalité dont je me délecte… je ne contrôle plus rien, je sens juste mon cul qui chauffe et qui lui appartient. Je suis vraiment son vide couilles…

    Il me pilonne comme ça pendant quelques minutes, c’est tellement bon que j’en perds la notion du temps. J’ai tout juste remarqué qu’il a mis deux doigts dans ma bouche et qu’il m’oblige à les sucer pendant qu’il me baise. Putain que je kiffe. Je prends vraiment mon pied...

    Une seule ombre au tableau… certes, mon excitation fait que j’ai vraiment envie qu’il se lâche en moi… mais ma raison me taraude l’esprit en me répétant sans cesse que, même s’il a dit qu’il est clean, ce n’est toujours que sa parole, et tu sais bien qu’ils sont assez nombreux les mecs que dans l’action raconteraient n’importe quoi pour jouir… dès lors, je n’arrive pas à m’enlever de la tête l’idée que ce que je suis en train de faire avec un parfait inconnu et une pratique vraiment dangereuse… même s’il ne jouit pas en moi…

    Je ne connais pas ce mec, pas du tout, si ça se trouve, il n’a même pas de copine… et même s’il en a une, peut-être qu’il baise ailleurs parfois, sans capote, avec des nanas qui couchent avec d’autres mecs sans capote… ou alors, pire, peut-être que de temps en temps il va peut-être se soulager avec des putes qui acceptent de baiser avec lui, comme avec d’autres hommes, sans capote pour quelques euros de plus…

    Ces pensées parasitent mon esprit au point que mon plaisir en est même un peu compromis… Kevin est toujours en train de me pilonner avec de coups de reins puissants, ses couilles frappent mes fesses avec une violence intense… c’est vraiment ce côté sauvage qui me fascine, un mec est tout entier a son propre plaisir, déchaîné… j’ai l’impression que d’un coup il laisse s’échapper et s’exprimer tous ses instincts primitifs, qu’il se lâche et se libère comme il n’a sûrement jamais pu le faire avant, comme si des vannes avaient été relâchées, comme s’il avait toujours attendu ça sans jamais se l’avouer ou avoir l’occasion de le faire…

    Parallèlement, je commence à me douter qu’à ce rythme là, vu que les dix minutes doivent être largement dépassées, ça ne va pas tarder à venir… je ressemble mes forces et mes esprits pour trouver le courage d’interrompre cette situation à risque, je suis à deux doigts de reculer mon bassin et de l’avancer par surprise pour me dégager de lui, quand d'un coup je le sens se retirer et m’intimer :

    « A genoux ! ».

    Je m’exécute et une nouvelle fois et il m’enfonce sa queue dans la bouche. Je le suce bien comme il faut, et un instant plus tard il me donne ses boules à lécher, tout en me tenant fermement la tête pour que je puisse rien faire d’autre. Putain que je kiffe...  

    Il lâche ma tête, il me fourre encore sa bite dans la bouche et me dit : « Fais moi jouir, putain ! » et sur ce, il recommence à mettre de bons coups de reins dans ma bouche, tout en bloquant ma tête avec ses deux mains. Ses couilles s’écrasent de plus en plus violemment sur mon menton.

    Hélas, mon plaisir est toujours parasité par ma raison qui avec tout le mal du monde arrive quand même à faire surface et à attirer mon attention au milieu de cette débauche de plaisir… oui, quelques instant plus tôt je m’étais senti soulagé qu’il sorte de mon petit cul avant de jouir, et là je recommence à m’inquiéter qu’il veuille gicler dans ma bouche et m’obliger à avaler… bien sûr, j’ai très envie de ça, mais j’ai également une peur bleue des mst…

    C’est encore lui qui décidera de la suite. C’est lui qui mène le jeu. J’adore quand le mec est aussi dominant. Quand il sait ce qu’il veut. Un instant plus tard il sort sa queue de ma bouche, il me chope par le bras, il m’oblige à me relever en vitesse, il me tourne dos contre le mur, il me pousse violemment contre la faïence froide, il porte une main derrière mes fesses, tout en se branlant avec l’autre main, il décolle mon cul du mur, je suis obligé d’avancer mes pieds pour garder l’équilibre, ce qui fait que mon bassin se retrouve avancé vers l’avant, offert à ses projets de jouissance que je commence à deviner…

    Je le vois se branler vigoureusement, et ce n’est désormais qu’une questions de secondes pour que l’orgasme vienne chahuter ce beau mâle… je relève mon t-shirt car j’ai envie de recevoir son jus sur ma peau… et voilà que ça vient… et c’est beau… ça vient… je le vois sur son visage et dans les spasmes qui secouent son beau physique… je le lis sur ses paupières qui retombent lourdement, sur la sueur qui a commencé à perler sur son front…

    Oui, ça vient… c’est pour maintenant… il jouit… je vois ses lèvres s’ouvrir et laisser s’échapper des expirations puissantes que cette putain de musique m’empêche de capter… je vois sa pomme d’Adam se balader nerveusement de haut en bas et de bas en haut de sa gorge sous l’effet d’une déglutition certainement inconsciente et liée à cet instant de plaisir intense…

    Et voilà qu’il largue un premier jet de foutre chaud qui vient s’abattre pile sur mes couilles, suivi d’une bonne série de jets aussi chauds, aussi copieux, aussi denses… pendant une poignée de secondes, les mec est ailleurs, perdu dans une dimension de jouissance totale, complètement déconnecté… ça ne dure qu’un instant, mais c’est beau, beau à en crever…

    Lorsque ses giclées se tarissent enfin, ma queue est trempée de son jus, mon ventre est parcouru de plusieurs traînées parfumées qui ont fusé jusqu’à mon téton et sur mon t-shirt. J'adore cette odeur, l'odeur du jus de mec, l’émanation du plaisir d’un mec.
    Kevin vient tout juste de jouir et il attrape un bout de pq pour s’essuyer la main et la queue ; il en fait un bouchon qu’il balance sans même regarder en direction de la cuvette : son geste est tellement vite fait que ça cogne contre le rebord et ça retombe parterre, à mes pieds ; sans même y prêter attention, le mec est déjà en train de remonter son caleçon blanc et son jean ; je le regarde boucler sa ceinture, avec le regret qu’il ne me propose pas de lui nettoyer la queue avec ma langue… il fait repasser son t-shirt noir par-dessus la tête… le coton est tellement élastique et moulant qu’il vient se poser sur son torse sans le moindre pli…

    C’est une loi naturelle, un beau mec est toujours à son avantage, rien ne lui empêche d’être d’aplomb… ça c’est bien quelque chose que j’ai toujours trouvé épatant chez les bogoss… non seulement t’as l’impression qu’ils ont toujours des fringues qui les mettent sacrement en valeur, des fringues que les mecs normaux comme moi ne savent même pas où aller dénicher… à croire que le bogoss est livré en kit à la naissance avec toute sa garde-robe de série… mais tout tout leur va comme du sur mesure… le pire c’est lorsque, à contrario, le bogoss a décidé de s’habiller en mode cool décontract à donf… on les voit alors porter des bonnets, des t-shirt ou autres fringues complètement improbables, des trucs, des machins qui ne ressemblent à rien… morale de l’histoire… ils peuvent s’habiller avec un sac à patates, ils sont toujours sexy ; alors que moi, portant le même genre de garde-robe, j’aurais pile l’air d’un clown…

    Fin de réflexion. A méditer.

    Kevin défait le loquet et disparaît sans un mot, sans le moindre regard. Je referme la porte en me disant que c’était sacrement bon sur le coup… au même temps je sens déjà une petite voix se frayer un chemin dans mon esprit et me faire prendre conscience à quel point c’est triste ce genre de plan, lorsque ça prend fin. Tu te sens encore plus seul après ; et, en plus de se sentir humilié, tu te sens un peu honteux et sale...  Encore que je n’ai pas joui. Et c’est sciemment que j’y renonce, préférant garder en moi un peu d’excitation que je ramènerai jusqu’à chez moi, un peu d’excitation capable de me motiver à quitter ce lieu sans que le vide post-coïtal vienne me foutre la cafard.

    Je me nettoie avec du papier toilette ; j’en ai partout, et quand je regarde mon t-shirt, je me rends compte qu’il est taché de son jus : je ressens de la honte à l’idée de sortir des toilettes dans cet état là.

    Soyons clair... j’ai adoré baiser avec Kévin, ce qui vient de se passer était viril, brutal, bestial, le mec était dominant, limite agressif, j’ai vraiment adoré me sentir bousculé par un type pareil, soumis à la seule volonté de son plaisir, de sa queue… j’ai kiffé comme un malade, au point de pouvoir imaginer tout lui donner… oui, avec ce type, dans ce plan, j’étais pile dans mon kiffe, dans mon délire…

    Hélas, une fois le fantasme évacué, lors du retour à la réalité, je me sens seul et perdu. J’ai du mal à assumer mes actes, à accepter le type de mec que je deviens face à un gus viril et dominateur. Oui, devant ce style de mec, je deviens illico sa salope. Son vide-couilles… cette idée me happe et vient angoisser mon esprit… je ne me sens pas bien… mon corps est hanté de partout par le passage de la queue du beau Kevin et je me dis que je me suis trop laissé faire… il faudrait que je sache m’arrêter avant… ce mec m’a rendu vraiment salope…

    Pourtant… est-ce que je fais quelque chose de mal en prenant du bon temps à ma façon, tant que l’autre me suit et prend également son pied dans mes délires, surtout dans la mesure où ses délires à lui se combinent parfaitement aux miens? Est-ce que le fait d’avoir envie de me sentir la salope d’un mec pendant une bonne baise fait de moi quelqu'un de mauvais ? Est-ce que ce rôle doit ternir le reste de ma personnalité, et avant tout l’image que j’ai de moi-même ? Je ne le pense pas… « And, I’m not sorry, it’s human nature » chantait Madonna il y a vingt ans déjà.

    Oui, it’s juste human nature… hélas, j’ai beau penser à ça, j’ai beau me dire que mon attitude face à ce type de mec n’a rien de répréhensible ni de mal… j’ai beau me dire que prendre autant de plaisir des sens ne peut pas être mauvais… au fond je ne peux rien y faire… parfois cette angoisse me happe, et je finis par me dire que je suis en train de descendre plus bas que terre et que dans cette course à la débauche, je vais devenir quelqu’un d’autre, je vais me perdre…

    Simple problème de tristesse post-coïtale, ou incapacité à assumer ce que je suis au fond de moi… à bien regarder, je crois que le problème est bien ailleurs, plutôt lié à mon vécu qu’à des principes dont je fais fi avec une relative facilité…

    Parfois… souvent… tout le temps en fait, à l’aune d’une baise qui s’annonce purement mécanique et sans la moindre trace de chaleur humaine, devant un mec prêt à se déshabiller et à sortir sa queue pour la fourrer d’abord dans ma bouche, devant le genre de plan qui excite pourtant si violemment mon imaginaire érotique, je retrouve en moi, mélangé à l’excitation du moment, un sentiment d’échec, d’humiliation, de régression, de trahison de moi même et de mon passé, de la personne que j’ai été, du garçon amoureux, du garçon aimé que j’ai été, ce garçon qui n’avait pas besoin de se retrouver dans des chiottes pour baiser brutalement avec un bel inconnu juste avant de le regarder se tirer sans un mot, sans un regard…

    Qu’est donc devenu ce garçon ? Est-ce qu’il est devenu ce jeune homme couvert de sperme, ayant un instant plus tôt pris son plaisir en se sentant le trou à bite d’un Kevin ? Un trou parmi d’autres que ce mec pourrait avoir et qu’il aura peut-être après cette première expérience, des trous à qui il n’accordera d’importance qu’en tant que moyen pour atteindre son orgasme? A ce compte là, je me sens aussi important et aimé qu’une capote…

    Oui, cette idée de trahir mon passé et l’amour que j’ai connu dans d’autres moments de ma vie, me taraudera l’esprit au début du plan qui démarre ; dans l’acte, je me prendrai tellement au jeu que je finirai par oublier cette petit voix et par me laisser aller : c’est le pouvoir des sens sur notre esprit, un pouvoir aussi absolu qu’éphémère…

    Mais une fois la tempête des sens dissipée, c'est triste de me dire que le Nico qui se livre ainsi à ses plus bas instincts est définitivement indigne du Nico pour qui il y a longtemps déjà, un garçon nommé Jérém T était le seul but de sa vie. Avoir autant aimé, avoir autant souffert, avoir par moment senti son amour... avoir pris un plaisir fou avec lui, parce que c’était lui et personne d’autre, avoir connu la tendresse avoir été bien avec lui, avoir cru que ce serait possible que tout serait possible, l’avoir cru parfois, dans ces merveilleuses occasions, trop rares à mon goût, quand nos esprits arrivaient à s’accorder… avoir un jour connu le Paradis, en être tombé, et aujourd’hui me perdre en Enfer…

    Lorsqu’on a connu le plaisir avec l'homme qu'on a aimé plus que tout, plus que soi, tout autre plaisir fera in fine pâle figure face à la grandeur déchue et aveuglante ce de Paradis Perdu. Oui, on entend souvent que le plus beau des Paradis est celui que l’on a perdu. Mais il en est un parmi d’autres, encore plus difficile à oublier : l’amour avec le Seul et l’Unique qui n’ait jamais vraiment compté dans notre vie.

    Comment regarder en face mon beau Jérém le jour que je le retrouverai, alors que je sais qu’en rentrant tout à l’heure, je n’oserai pas me regarder moi même dans la glace ?

    Jamais dans ces moments là, quand je regardais mon beau, quand je sentais son regard doux et aimant sur moi, jamais j’aurais imaginé un seul instant avoir un jour besoin de me faire chahuter par un inconnu dans les chiottes d’un centre commercial. Prendre du plaisir à devenir le trou d’un beau mâle… alors qu'un jour j'ai été quelqu'un de spécial pour la seule personne qui n'ait jamais compte dans ma vie… quand le cœur est privé d’amour, le corps prend le dessus et s’enfonce dans la luxure.

    Avec Kevin c’était bon, vraiment un bon coup ; oui, c’était bon… mais pour bon que ça puisse être, ça ne le sera jamais autant que ça l’a été avec mon beau tout au long des années pendant lesquels on s’est côtoyés… non, aucun plan ne pourra jamais être aussi bon que les coucheries avec Jérém, surtout lorsqu’on se retrouvera après s’être perdus, lors de retrouvailles où coucher rimera enfin avec faire l’amour.

     


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    Dimanche soir, 23h58, rue de la Colombette.

     

    Allongé sur son lit en train de se faire sucer, Jérémie ne tarde pas à se rendre compte qu’il va avoir du mal à venir… il est fatigué, il n’a ni la forme ni le moral et rien ne l’excite vraiment dans cette situation…

    Au bout d’un moment, il se dégage de sa bouche, il ouvre le tiroir de la table de chevet, il attrape une capote, il l’enfile… un instant plus tard, sa queue glisse entre ses cuisses…

    Jérémie commence ses allers retours… il est tendu, il bande dur mais il ne prend pas vraiment son pied, il est pressé d’arriver au bout, il est en nage, il est essoufflé, ce n’est presque pas agréable, c’est mécanique… le cœur n’y est pas… l’angoisse commence à s’emparer de lui, l’angoisse de ne pas y arriver, pire d’avoir une panne… il ferme les yeux, il part ailleurs… et c’est en pensant à quelqu’un d’autre que Jérémie arrive enfin à jouir en ce dimanche soir…

     

    Petit retour en arrière, dimanche matin, 7h50, rue de la Colombette.  

     

    Pendant que Nico subit le contrecoup d’un réveil marqué par un retour à la réalité un peu brutal, nous retrouvons Jérémie dans sa salle de bain, nu, les mains posées sur les rebords de la vasque du lavabo, sa chaînette pendouillant au dessus du robinet, se regardant dans le miroir, impatient d’entendre la porte d’entrée claquer, marquant ainsi le départ de Nico. 

    Oui, Nico vient de connaître un dimanche matin difficile : c’est à cause de la réaction inattendue et plutôt virulente de Jérém suite à des gestes de tendresse qu’il croyait les bienvenus après la nuit magique qu’il venait de passer à ses cotés. Hélas, il faut croire que bien souvent la nuit et le matin ne sont pas pétri de la même pâte. 

    Le beau brun frémit, ses mains tremblent, son visage empourpré porte les traces de son emportement, son corps sculpté a du mal à tenir en place et à ne pas se laisser aller à des gestes violents pour évacuer la colère qui est en lui ; il a envie de cogner, de se défouler… il finit par détourner son regard de la glace, sa propre image lui étant insupportable… il n’aime pas le type qu’il voit dans le miroir, il n’aime pas ce qu’il voit dans son regard… de l’agressivité, presque de la haine… il est en colère, il l’est contre Nico, il l’est contre lui même…  

    Jérémie a l’impression que sa vie lui échappe des mains… « qu’est ce qu’il est en train de me faire ce con de Nico ? Pourquoi a-t-il besoin toujours de me tripoter de partout? ». 

    Jérémie n’était certainement pas contre une petite pipe ce matin…  

    « Mais ses mains… elles sont allées trop loin ses mains… il m’a foutu une colère… et c’est normal que je sois en colère… je ne veux pas me laisser caresser par un mec, même par Nico… je ne suis pas pd…»…  

    Jérémie ressent en lui un mélange de sentiments explosifs et contradictoires, il se sent déchiré, tour à tour sûr de lui, de ce qu’il est, de ce qu’il veut ; un instant plus tard il se sent perdu, sa mauvaise foi lui pète à la figure, il la déteste, il s’y accroche, il se raconte des histoires en étant bien conscient de s’en raconter…  

    Jérém est sur les nerfs, Jérém est aux aguets… il attend toujours le claquement de la porte d’entrée… pendant un instant il redoute que Nico puisse faire demi tour et le rejoindre dans la salle de bain… l’idée d’un Nico planté au milieu de sa chambre, hésitant à venir quémander une fois de plus une tendresse qu’il ne saurait pas lui donner, lui apparaît comme insupportable… dans sa tête c’est le gros bordel, ça cogne dans sa tête, il a l’impression que ses tempes vont exploser…Jérémie a par-dessus tout envie de se retrouver seul… 

    « Qu’est ce qu’il attend pour dégager? Je vais y retourner et je vais le foutre dehors encore plus méchamment… il va comprendre, le con…»…  

    Jérémie sent une colère de plus en plus grande monter en lui, l’aveugler… il est sur le point de bondir hors de la salle de bain quand il entend enfin le bruit de la serrure accompagné du bruit de la porte qui se referme. La porte n’a pas claqué. Elle a été refermé lentement. Il tend une nouvelle fois l’oreille. Pas de bruit dans la chambre. Nico est parti, il ne viendra plus le faire chier ce matin là. Jérémie est soulagé. Il ferme les yeux, il prend une inspiration profonde. Il souffle. Tétanisé par sa rage, il n’a toujours pas bougé de sa position en appui sur les rebords de la vasque du lavabo. Il remue la tête, il essaye de se débarrasser des pensées qui s’accrochent à son esprit troublé… il ouvre l’eau et se rince le visage plusieurs fois à l’eau froide… 

    Il reste un long moment à regarder dans la glace, comme dans le vide, le visage ruisselant, les cheveux en bataille, essayant d’évacuer tout ce bazar de sa tête. Il sent la fatigue le rattraper, il est tenté d’aller se recoucher illico mais son corps tendu lui réclame une douche. Il fait couler l’eau et il rentre dans la cabine dès que la température lui paraît agréable.  

    L’eau coule sur sa tête et sur ses épaules, glisse tout au long de son corps, de ses muscles, de sa peau, comme une caresse, apaisante, revigorante. Hélas, ses tensions ne semblent pas vouloir se relâcher si facilement, son esprit est toujours chahuté par des sentiments troublants…

    Après une nuit trop courte, le réveil est souvent difficile… et ce n’est par forcement le choc du passage prématuré de l’état de sommeil à celui de veille qui pose le plus souci : le réveil le plus difficile à assumer, le plus dur à appréhender est le réveil des illusions, de celles qu’on a l’impression d’avoir données autant que de celles qu’on se serait crées tout seul… c’est le genre de réveil le plus dur qui soit, celui qui est souvent assorti d’une bonne douche froide…  

    Oui, quand on ne prête pas gare au mélange et à l’équilibre des éléments, quand on ne prépare pas suffisamment le moment avant de passer sous l’eau, la douche du matin peut se révéler glaciale. Elle l’avait été pour Nico. Il aura beau tourner à fond le robinet de l’eau chaude, elle ne le sera pas moins pour Jérémie. 

    Toujours d’humeur plutôt massacrante, il retrouvera son lit juste après, pour ne le quitter qu’autour de midi, juste à temps pour manger un bout, avant de se rendre au match de l’après-midi. Vers deux heures il retrouvera Thibault et ses autres coéquipiers pour l’une des dernières compétitions du tournoi. Jérémie transformera deux essais et son équipe gagnera la rencontre haut la main.

    C’est ainsi que pendant quelques heures, Jérémie trouvera le moyen de s’éloigner du malaise et de la colère du matin et qu’il aura l’impression que tout cela est derrière lui et que plus jamais il ne se trouvera dans un tel état d’esprit… la boisson aidant, entouré de ses potes, de leurs blagues, de leur façon d’être ensemble, entouré de cette convivialité qu’il connaissait par cœur et à laquelle il essayait de participer comme toujours ; l’espace d’un après-midi, enveloppé par cette camaraderie, par cette complicité entre potes qui avaient le don de le faire presque sentir « en famille », Jérém aura l’illusion presque parfaite qu’il était le Jérém de toujours, le Jérém qui contrôlait sa vie et qui était bien dans ses baskets, le Jérém qui se suffisait à lui même, qui ne se posait jamais de questions, le Jérém pour qui il n’y avait que trois buts dans la vie… les potes, le rugby, les meufs… bref, le Jérém que tout le monde connaissait, le Jérém qui était un vrai mec qui ne se fait pas emmerder par qui que ce soit, même pas par une nana…

    … et certainement pas le Jérém tourmenté et sans couilles qui se met à angoisser dans les bras d’un pd… à bannir, celui-là !

    Une fois cette idée chassée de son esprit, la troisième bière faisant des miracles, Jérém ne pensera plus à sa colère du matin, se berçant dans l’illusion que tout reprendrait son cours, que le fait de reprendre en main les commandes de sa vie était certes urgent, mais définitivement à sa portée…

    Dans la tête de Jérémie, l’illusion était presque parfaite : hélas, une illusion n’est jamais une réalité, elle est fragile ; il suffit d’un élément discordant, pour insignifiant qu’il soit, pour dissiper la plus belle et la plus soignée d’entre elles… Le rappel à la réalité se fera pendant la troisième mi temps : lorsque, au détour d’une conversation entre deux bières, Thibault lui demandera :

    Ça s’est bien passé le retour de l’Esmeralda… avec Nico… ?

    Question étrange venant de Thibault… question que Jérémie esquivera d’un revers de main non sans éprouver et laisser transparaître un certain embarras… question qui aura le pouvoir de replonger directement le beau brun dans le même état d’esprit du matin… de le faire repenser à Nico, à la nuit précédente, à la haine qu’il avait ressentie au réveil ; oui, la question de Thibault aura le pouvoir de lui ôter toute envie de faire la fête…

    Jérémie a désormais envie de se retrouver seul… eh, oui, très difficile de faire face à ses tourments, de devoir faire semblant, de faire croire que tout va bien alors qu'à l'intérieur tout va mal, alors que les questions s’emmêlent dans la tête, et que ça nous est impossible d’y donner des réponses claires... 

    Ainsi, prétextant un besoin de repos pour le bac du lendemain, il quittera ses potes aux alentours de 20h30. Il sera chez lui à 20h50. Il reprendra une douche et il s’affalera sur le canapé devant la télé. Il zappera en boucle sur les cinq chaînes existantes, regrettant de ne pas avoir pris l’abonnement à Canal. Il regardera le bazar dans sa chambre, ça ne lui donnera pas envie de s’y mettre. Il regardera ses cahiers de notes en vrac. Ça non plus ça ne lui donnera pas envie… de toute façon le bac c’est demain et pour les révisions c’est foutu…

    Oui, les révisions… le révisions avec Nico… sacrées révisions… décidemment, tout le ramène à ce con de Nico… et à sa colère…

    « Pourquoi ai-je prouvé tant de colère ce matin ? (il ne faut pas qu’il me tripote comme ça… qu’il s’occupe donc de ma queue… il l’a bien cherché, putain, il me colle, j’ai chaud, je viens de jouir, il me colle encore… j’ai besoin d’être seul, de recharger…) 

    Pourquoi ses mains sur mon visage pendant qu’il avalait ma queue m’ont-t-elle mis autant en pétard, alors que cette nuit j’ai accepté et aimé bien plus que ça ? (je ne sais pas, il m’embrouille, il profite de moi quand je suis pas dans mon état normal… il veut me rendre pd comme lui…)…

    Pourquoi sa branlette au réveil m’a-t-elle autant excité ? (je suis un mec… je bande au réveil…)…  

    Est-ce que je prends du plaisir à le sentir ou à le mater prendre son plaisir à lui? (le mater se branler c’est comme mater un porno… il aurait du me sucer d’abord…)… 

    Ca m’a fait quoi de le faire jouir cette nuit? (c’était dans le feu de l’action, j’ai même pas fait express… il a mouillé sans prévenir…)… 

    Pourquoi je prends autant de plaisir avec lui ? … (parce que je peux me vider les couilles autant que je veux, comme je le veux et lui faire des trucs que je n’ose pas demander aux meufs…)… 

    Pourquoi ai-je eu envie de lui demander de rester ? … (pour le sauter encore, si l’envie m’en prenait, pendant la nuit…)…  

    Pourquoi étais-je dans cet état cette nuit ? … (j’avais trop bu, j’étais naze… des conneries de mec beurré… il m’a chauffé… il m’a cherché, il me casse les couilles… il me prend la tête… il en fait toujours trop… ses caresses, son sourire, ses baisers sur mon cou, sur mon visage, sur mes lèvres… pourquoi il fait ça ?… pourquoi il m’a embrassé, ce pd ? j’ai eu envie de le frapper… je me suis rebiffé… j’avais envie de lui arracher la lèvre… je me suis arrêté juste à temps…)… 

    Pourquoi je me suis énervé en voiture quand il m’a parlé de cet abruti qui voulait le coincer dans les chiottes de l’Esmé ? Pourquoi ai-je senti un pincement désagréable en l’imaginant en train de faire une gâterie au type ? … (j’ai eu peur que le mec le tape… qu’il l’oblige à lui faire des trucs… ce type ne peut pas le toucher… ni le frapper, ni l’obliger à… Nico est à moi… il ne peut pas aller voir d’autres mecs… je ne vais jamais accepter ça… si jamais il me fait ça, je ne pourrai plus le baiser… putain… vraiment il me prend la tête…)… 

    Pourquoi le regard de Nico m’a fait sentir si bien quand le type est parti sans demander son reste après être revenu à la charge ? … (il fallait voir comment Nico m’a regardé après que j’ai foutu sa raclée au type… j’étais carrément son héros, son Dieu vivant, jamais personne ne m’a regardé ainsi…)…  

    Jérémie se sent emporté par le flux de ses pensées, trop de questions dans sa tête, trop de réponses données à la va vite à défaut d’être crédibles, des réponses bidons… Sont-elles bien les bonnes questions, les seules questions ? et du coté des réponses ??? tout semble facile quand on botte en touche… mais à bien y penser… il y a trop de ressentis de la nuit précédente qui remontent à son esprit, ils sont si troublants, et les questions qu’ils semblent poser si énormes, qu’elles ne trouvent pas d’écran assez grand dans la tête déjà trop remplie de Jérémie pour s’afficher…  

    Se poser des questions c’est humain, et il est plutôt signe d’une bonne et saine attitude face à la vie. Hélas, le tout n’est pas de se poser des questions, pour avancer il faut se poser les bonnes questions. Mais quand les bonnes questions font peur, on essaie avant toute chose de les enrober avec des questions plus anodines, des questions qui permettent de donner les réponses qui nous rassurent. 

    Ces questions, les vraies questions, Jérém les sens venir, comme les signes annonciateurs d’un ouragan… mais pour l’instant la tornade gronde encore au loin, il décide alors de fermer les volets sur sa conscience et d’ignorer le cataclysme intérieur qui approche… 

    Jérémie se sent étouffer dans sa petite chambre. Il a envie de s’arracher à ses pensées, il a envie de prendre l’air. De bouger. Il n’a même plus de cigarettes. Très dur quand on est de mauvais poil. Tout pour plaire. C’est 23h00. Il est fatigué, demain c’est le bac philo. C’est pas raisonnable mais il en a besoin. Il va sortir faire un tour. Rentrer dans un pub, boire un coup et lever une nana. Si en plus d’écarter les jambes elle a des cigarettes, ce sera le top. 

    Jérémie est dans le couloir du dortoir. Il descend les escaliers et se retrouve dans la petite rue. Le maghrébin débout sur le seuil de l’épicerie de nuit située juste a coté de l’internat le reconnaît et lui souhaite une bonne soirée. Jérémie le salue et tourne à gauche direction boulevard Carnot. 

    Il a envie d’aller place du Capitole, continuer vers la Daurade ou vers le quartier des Carmes. Il y a des endroits sympas par là, avec des jolies nanas. Les terrasses des cafés débordent dans les rue étroites et l’ambiance est à la fête quand la belle saison arrive et les nuits tièdes s’écoulent agréables sur les façades en briques roses des immeubles du centre ville à Toulouse. 

    Ce soir là, Jérémie aura envie de pousser la porte d’un bar pour oublier ses angoisses. Difficile de savoir ce que Jérémie cherchait ce soir là : peut-être avait-t-il simplement envie de se retrouver seul avec de la présence humaine anonyme en bruit de fond… une bonne bière, un peu de musique, une cigarette ça se grattera toujours… avait-t-il envie de se rassurer en mesurant sa capacité d’emballer au pied levé, besoin réconforter son ego de mâle ? Quoiqu’il en soit, ce soir là Jérémie ne sera pas seul longtemps. Partout où il met les pieds, un garçon aussi beau attire forcement l’attention et les convoitises.  

    Dix minutes après être sorti de chez lui, Jérémie est assis au comptoir du bar devant sa bière, en train de fumer la clope qu’un autre client lui a passée. Quelques minutes plus tard, il voit une silhouette quitter la petite piste de danse au fond du local, s’approcher de lui et prendre place sur le tabouret vide juste à coté du sien. Ca fait un moment qu’il se fait mater. Depuis son arrivée. Des regards, un sourire, une attitude. Il n’a pas cherché ça. Tout d’abord, il s’est employé à faire semblant comme si de rien n’était. Ensuite, face à l’insistance de ce regard, il n’a pas pu se dérober plus longtemps. Leurs regards se sont rencontrés et le processus de séduction s’est enclenché… 

    Non, ce soir là Jérém n’a pas cherché sciemment à séduire ou à attirer l’attention… il ne l’a pas cherché mais il aurait sans doute été déçu que ça n’arrive pas…

    Et lorsqu’il a compris que son charme a une fois de plus exercé son effet tout seul, sans effort de sa part, il a laissé faire, jouant la séduction en mode « beau brun ténébreux indifférent ». Arme redoutable, presque non conventionnelle, aussi puissante que celle ayant fait bien de preuves : l’arme « beau brun charmeur ».

    Un instant plus tard, Jérémie sent ses lèvres fines et sensuelles s’approcher de son oreille, presque l’effleurer, son souffle caresser son cou, une sensation très excitante.

    « Tout va bien pour toi, bomec ? ». 

    Jérémie ne répond rien, se contentant d’afficher un petit sourire sournois qui ferait craquer n’importe qui. Les nanas en sont folles. Il est rassuré. Il n’a jamais pu sortir quelque part sans se faire brancher ce ne serait que par un regard appuyé. Et ça ne se dément pas. Et ça le flatte. Il a beau être le mec le plus convoité du lycée, à chaque fois que son charme exerce son effet, Jérém ne peut s’empêcher de ressentir une fierté qui se transforme vite en véritable impression de bien être… et ce soir là il a sacrement besoin de se sentir bien dans ses baskets…

    Ce soir là, il s’entendra dire qu’il est charmant, qu’il a l’air triste mais qu’il est craquant… que c’est  dommage qu’un aussi beau garçon ait l’air si seul et si accablé… que ce n’est pas possible qu’un mec comme lui rentre seul chez lui… Jérémie ne répondra que par des regards, au plus des monosyllabes.

    En fait, Jérémie ne sait pas trop ce qu’il cherche à cet endroit… à l’origine, il est juste sorti de chez lui pour ne pas se retrouver seul dans sa chambre, pour arrêter de ressasser les dernières 24 heures… pour échapper au générique de fin du film du dimanche soir qui amène avec lui l’angoisse de la fin du week-end et annonce à élèves et employés l’arrivée imminente d’un lundi qui n’enchante guère…

    Jérémie le sait… il sait qu’il n’a pas forcement besoin d’une aventure… des aventures il en a eu tellement depuis cinq ans que sa vie sexuelle a commencé pour savoir que c’est pas ça qu’il lui faut, pas dans des moment comme celui là… combien de fois, lorsque ça n’allait pas fort dans sa tête, il a cherché à baiser des nanas pour se changer les idées : à chaque fois il en avait fait l’expérience… celle de se retrouver encore plus mal après… Jérémie sait bien qu’une aventure flatte son ego mais finit toujours par laisser un goût amer à la sortie, ce sentiment de solitude et d’abandon sans cesse renouvelé…

    Hélas, la chair est faible et son besoin de compagnie ce soir là finit par l’emporter : un quart d’heure plus tard, Jérémie est allongé sur son lit en train de se faire sucer… une pipe est une pipe, mais toutes les pipes ne se ressemblent pas forcement… sous les coups d’une langue et d’une bouche bien moins averties que celles qui ont fait son bonheur la nuit précédente, Jérémie ne tarde pas à se rendre compte qu’il va avoir du mal à venir… il est fatigué, il n’a pas la forme ni le moral et rien ne l’excite vraiment dans cette situation qu’il regrette déjà… dès lors, son imagination se met à errer, cherchant l’image la plus excitante qui soit à ses yeux… et voilà que pendant qu’il se fait sucer ce soir là, Jérémie se surprend à penser à quelqu’un d’autre… Jérémie se surprend à penser à…

    … à ce petit Nico… à sa façon de s’occuper de lui…

    «… qu’est ce que je fais là en train de me laisser faire une mauvaise pipe… alors que j’ai envie de lui, je n’ai envie que de lui, envie d’être dans la bouche, envie d’être en lui… de jouir en lui… c’est avec Nico que c’est bon…  pourquoi est-ce que je me suis laissé embarquer dans ce plan… il faut que ça cesse, vite»…

    Au bout d’un moment, il se dégage de sa bouche, il ouvre le tiroir de la table de chevet, il attrape une capote, il l’enfile… un instant plus tard, sa queue glisse entre ses cuisses…

    Jérémie commence ses allers retours… il est tendu, il bande dur mais il ne prend pas vraiment son pied, il est pressé d’arriver au bout, il est en nage, il est essoufflé, ce n’est presque pas agréable, c’est mécanique… le cœur n’y est pas… l’angoisse commence à s’emparer de lui, l’angoisse de ne pas y arriver, pire d’avoir une panne…

    …et puis, pendant que ses coups de reins perdent de la vigueur, il se surprend à nouveau à penser à son Nico… au plaisir d’être dans sa bouche, au bonheur d’être entre ses fesses, au plaisir et à l’excitation que lui apporte l’image de Nico prenant son plaisir, un plaisir qui vient du sien… le plaisir de Nico dans la soumission à son propre plaisir de mâle… c’est un plaisir bien autre que ce simulacre qu’il est en train de vivre…

    Il ferme les yeux et c’est comme s’il était en Nico… il revoit son regard extasié sous ses coups de reins, son envie palpable, son envie de lui, son sourire magnifique la nuit d’avant, juste avant qu’il jouisse… et c’est avec cette image en tête que Jérémie arrive à se lâcher dans la capote, haletant, épuisé, mal dans sa peau, contrarié…

    Jérémie vient de jouir et il se sent épuisé, d’une humeur encore plus massacrante qu’il l’était avant de sortir de chez lui une peu plus d’une heure plus tôt. Il se sent triste, frustré, il n’a qu’une hâte, c’est de se retrouver seul dans son lit. Il en est largement à regretter ce qui vient de se passer. Pour la première fois de sa vie, il regrette une baise. Il la regrette parce qu’il n’a presque pas pris de plaisir. Il regrette d’avoir fait ça alors qu’il n’en avait quasiment pas envie… il regrette presque d’avoir fait ça à Nico…

    Il se dégage, il enlève la capote et passe à la salle de bain.

    C’était trop bon… - il s’entendra lancer dès son retour dans la chambre.

    C’est le genre de compliment qui, sortant de la bouche d’une nana et malgré son attitude indifférente, à toujours ravi l’esprit un brin macho de Jérémie ; cependant, ce soir là ces mots résonnent bien désagréables à ses oreilles. L’excitation passée, sa petite lampe de chevet lui parait jeter une lumière aveuglante sur la bêtise qu’il vient de commettre.

    Le silence, accompagné d’un regard froid et distant, sera sa seule réponse.

    Je ne t’ai jamais vu à la Ciguë…

    C’est parce que je n’y ai jamais foutu les pieds…

    Jérémie regarde le mec en train de se rhabiller. C’est un petit blond plutôt bien foutu, mais sa présence le met mal à l’aise. Il se rend compte qu’il est incapable de se souvenir de son prénom.

    Nouveau, ici ? – insiste le type.

    Tu peux partir maintenant… - coupe court le beau brun.

    Je te reverrai ?

    Non, oublie.

    C’est dommage… j’ai plein de truc à te faire découvrir…

    Je survivrai…

    Mais tu baises comme un Dieu et t’as un engin à se damner…

    Bon, tu pars maintenant…

    T’es hétéro, je me trompe ? T’as quelqu’un ?

    Fous moi le camp avant que je m’énerve… - seront les derniers mots de Jérémie, des mots accompagnées d’un mouvement du buste intimidant qui feront en sorte que le type n’aura plus envie de déconner. Voir un beau corps musclé se contracter et dégager de la colère, un beau regard brun se faire noir et menaçant, ça coupe bien des ambitions.

    Ça va, ça va…

    Le type finit se s’habiller sans chercher son reste. Quelques secondes plus tard, il prendra la porte en lâchant une dernière pique :

    Bye mec, je me souviendrai de toi…

    Jérémie ne répondra rien, se contentant de prêter attention à une petite voix dans sa tête qui dit sans détour « bah… pas moi, t’arrives pas à la cheville de Nico, personne comme lui sait comment me faire jouir comme un dingue…»…

     

    Jérémie est couché dans son lit, dans le noir. Il est fatigué, mais le sommeil ne vient pas. Son esprit est secoué par des vents de plus en plus puissants, la tornade est de plus en plus proche… c'est dur d'accepter des choses dont on a envie mais que l'ont croit mauvaises, on essaie de les éloigner mais on y revient toujours car elles font partie de nous... quand on essaie de résister, de fuir la vérité et qu’elle te revient en face comme un élastique qui pète…

    « Pourquoi je suis si bien avec Nico et pourquoi il me manque autant ce soir ? (Nico me fait jouir comme personne d’autre… il n’y a qu’avec lui que c’est vraiment bon… )…  

    Alors pourquoi ai-je éprouvé tant de colère ce matin ? Pourquoi sa présence m’a semblée agréable la nuit dernière alors que ce matin elle m’est parue si chiante ? Pourquoi ses caresses sur mon visage pendant qu’il avalait ma queue m’ont-t-elle mis autant en pétard, alors que cette nuit j’ai accepté et aimé bien plus que ça ? (il ne faut pas qu’il me tripote comme ça… qu’il me colle… mais le fait est que Nico me fait vraiment du bien…)… 

    Pourquoi sa branlette au réveil m’a-t-elle excité ? (je crois que je prends du plaisir à le sentir ou à le mater prendre son plaisir à lui… je deviens dingue…)… 

    Pourquoi ai-je aimé le faire jouir ? (oui, pourquoi ?…)… 

    Pourquoi je prends autant de plaisir avec lui ? … (… son regard, amoureux fou, perdu, charmé… ce petit regard coquin qui me fait cet effet de malade, cette envie de moi qu’il a constamment dans les yeux… je suis un Dieu pour lui…et ça c’est rudement bon)…  

    Pourquoi cette nuit ai-je aimé le prendre dans mes bras ? (…)… 

    Pourquoi cette nuit ai-je eu besoin qu’il me prenne dans ses bras ? … (… jamais personne ne m’a serré contre lui comme Nico… le bonheur de savoir qu’au delà du désir c’est bien quelque chose de plus fort et plus réconfortant que Nico ressent pour moi… je suis bien avec lui…)… 

    Pourquoi ai-je eu envie de lui demander de rester ? … (sur le moment, j’en avais vraiment envie… oui, cette nuit j’avais besoin d’être avec lui… j’étais bien avec lui et… je me suis laissé aller… et il faut bien l’admettre… qu’est ce que ça fait du bien de se laisser aller… cette nuit j’avais bien besoin de ça)…  

    Pourquoi étais-je dans cet état cette nuit ? … (…)… 

    Pourquoi me ai-je aimé qu’il me caresse pendant que j’étais en lui ? … (qu’est ce que ça a été bon de coucher avec lui cette nuit, encore meilleur que d’habitude…)… 

    Pourquoi cette nuit ai-je supporté et même… aimé… ses baisers sur mon cou, sur mon visage, sur mes lèvres ? (J’ai l’impression que la nuit dernière j’ai découvert une autre façon de baiser… et c’était bon… ça doit être ça que les nénettes appellent faire l’amour ???... je ne sais pas ce que c’est que de faire l’amour… je n’aime que baiser… mais il faut croire qu’il y a baiser et baiser et cette façon de baiser là, il faut vraiment admettre que ça n’a rien à voir… à force de le baiser, je commence à l’avoir dans la peau ce petit Nico et ça… ça je ne peux pas… je ne peux pas admettre cela, je ne peux pas permettre cela… avec Nico ça ne devait être que de la baise et là ça prend des proportions insupportables…)… 

    Pourquoi ai-je moi même eu envie d’approcher mes lèvres des siennes ? 

    Pourquoi est-ce que j’ai autant aimé ses câlins, sa douceur, ses attentions ? 

    Pourquoi je me suis énervé en voiture quand il m’a parlé de cet abruti qui voulait le coincer dans les chiottes de l’Esmé ? 

    Pourquoi ai-je senti un pincement désagréable en l’imaginant en train de faire une gâterie au type ? … (Nico est à moi, c’est mon Nico…)… 

    Jérémie voudrait penser à autre chose, mais les dernière 24 heures repassent en boucle dans sa tête, se bousculent, se chassent et se rattrapent les unes les autres, sans cesse… son esprit revient encore et encore au matin même, lui balançant à la figure l’image de ce petit mec meurtri se levant lentement et se dirigeant vers la porte comme un petit animal blessé… à la dernière minute il avait bien eu un sursaut de sensibilité, l’envie de le rattraper, de le serrer à lui, mais il n’avait pas pu… il n’avait pas pu aller jusqu’au bout de son geste, de son intention… et alors il n’avait pas trouvé mieux que de se barrer dans la salle de bain… y rester en attendant le claquement de la porte d’entrée…

    Pendant un instant il avait redouté que Nico puisse faire demi tour et venir le retrouver dans la salle de bain… il l’avait redouté, il en avait eu envie, il ne voulait pas qu’il vienne, il tendait l’oreille, il avait senti son cœur faire des bonds quand il lui avait semblé d’entendre un bruit ; pendant un instant, l’idée qu’il vienne le rejoindre lui était parue adorable… adorable et insupportable à la fois… Jérémie savait que si Nico était venu il aurait été méchant avec lui, et qu’il l’aurait regretté ensuite… il avait voulu qu’il ne vienne pas… mais il avait bien envie de voir la porte de la salle de bain s’ouvrir…

    Et quand il avait enfin entendu la porte claquer, quand Jérémie avait réalisé que Nico était bien parti, qu’il ne viendrait plus, il s’ était senti soulagé… soulagé, frustré et triste à la fois… Nico venait de partir en larmes, écoeuré par ce qui venait de se passer… et Jérémie s’était senti mal à son tour… fautif, coupable, déplorable…  

    « Au fond il ne mérite pas ça… il est si attachant ce petit mec… il cherche juste à me faire plaisir, à me faire du bien et je le traite comme de la merde… je n’arrive pas à arrêter de penser à lui… il me manque déjà… Nico me manque… envie qu’il soit là… mais il faut arrêter, Jérém… Nico s’attache trop, je m’attache trop… on ne peut pas continuer comme ça… on va où comme ça ? …  

    …je dois garder de la distance… je dois remettre de la distance, des limites… au départ il était d’accord pour baiser comme je l’entends, on n’avait prévu rien d’autre… je le baise comme j’en ai envie, il aime se faire baiser… il faut que ça s’arrête là, il faut que ça reste aussi simple et aussi clair…  

    Pourtant, l’image de Nico assis sur son lit meurtri par son comportement ne cesse de le hanter… il prend une bonne inspiration, il se frotte le visage, il essaie de recouvrir ses esprits… ses émotions changent de polarité pour l’énième fois depuis le matin :  

    « Au fond, qu’est ce que j’en ai à foutre de lui… je ne lui ai rien demandé… »… 

    Toutes sortes de sensations troublantes et contradictoires secouent l’esprit du beau brun ; il s’en veut d’avoir imaginé pendant un instant, au cours d’une nuit qui ne ressemble à aucune autre, que laisser rentrer Nico dans son intimité puisse être envisageable et opportun… 

    « … je ne dois pas lui donner l’illusion que j’ai besoin de lui… pourtant… pourtant c’était vrai à ce moment là… cette nuit j’avais bien besoin de lui, besoin qu’il reste avec moi… mais ce matin je ne supporte plus l’idée de le savoir enlacé à moi, l’idée qu’il ait été témoin de ma détresse… l’idée qu’il puisse avoir pitié de moi…  

    … qu’est ce qui m’arrive ? Je deviens faible, je ne suis plus maître de moi-même… ça ne me ressemble pas, ça ne peut pas être moi… je suis un mec, je ne peux pas me laisser aller de cette façon, et surtout pas avec un pd… il va falloir lui montrer que cette nuit n’a rien changé, que je suis toujours le Jérémie qui a besoin de personne, que je suis fort… je n’ai pas besoin de lui, je ne peux pas avoir besoin de lui…

    … il faut que je lui montre que ce qui s’est passé cette nuit ne veut rien dire… il faut qu’il comprenne que c’est toujours moi qui dirige le jeu… il ne faut pas qu’il se fasse des illusions… il ne faut pas qui s’attache à moi, mais il ne faut pas non plus qu’il aille voir ailleurs… il ne doit s’intéresser qu’à moi…  je vais le baiser tant que j’aurais envie de le baiser, ensuite je le laisserai tomber… non, ce ne sera pas lui qui me laissera tomber, on ne laisse pas tomber Jérémie T… on ne le laisse plus tomber, plus jamais…

    Il nous arrive parfois dans la vie de sentir que les événements nous échappent des mains ; parfois c’est si difficile à accepter, que nous essayons longtemps de nier l’évidence. On a toujours peur d’admettre un grand changement, car cela nous amène à devoir reconsidérer notre vie toute entière. On a un mal de chien pour arrêter à maîtriser les tentations qui viennent d’une part un peu plus sombre de nous.

    Et lorsque notre équilibre est mis à mal par un grand changement que nous n’arrivons pas à accepter,  on essaie de se rassurer en prenant des résolutions. Et peu importe qu’elles soient bonnes ou mauvaises ou qu’elles soient manifestement hors de notre portée. Quand on est mal, on essaie de s'accrocher, quand on se sent couler on attrape n'importe quoi pourrait nous tenir la tête hors de l'eau. On appelle cela l'esprit de survie. Mais c'est sans compter avec nos forces qui parfois ne sont pas d'envergure à seconder les ambitions de notre esprit.  

    C’est ainsi que, après avoir pris la résolution d’oublier toutes « ces conneries » et de ne considérer Nico que comme un plan baise, Jérém se retrouvera dans son lit  avec les questions qu’aucune résolution n’aura plus jamais le pouvoir de faire taire dans sa tête…

    … pourquoi je n’ai pas continué vers les Carmes ? pourquoi le fait de voir ce blond rentrer à la Ciguë juste pendant que je passais sur le trottoir en face m’a donné illico l’envie de traverser la route et de pousser la porte de ce bar, ce pub où je n’avais jamais mis les pieds auparavant et devant lequel j’étais passé mille fois sans même lever les yeux ?… pourquoi ai-je eu envie de décharger ma colère et de me vider les couilles avec un autre mec ? pourquoi ai-je eu envie de savoir si d’autres mecs me font de l’effet… si le contact avec un autre mec est aussi bon qu’avec Nico…

    … pourquoi j’ai eu autant de mal à jouir… pourquoi j’ai eu besoin de penser à Nico pour jouir… pourquoi la tendresse de Nico m’a autant manqué une fois que j’ai joui, alors qu’avec les nanas je n’avais besoin de rien de plus…

    … pourquoi je me suis trouvé dans cette galère, avec ce mec pour qui je ne représente qu’un bon coup parmi d’autres, un beau physique, un trophée pour se vanter auprès de ses potes pd… c’est triste de ne se sentir qu’une bite sur pattes alors que pour mon Nico je suis tout et plus que ça encore et qu’il me le fait sentir tout le temps dans son regard … ce regard qui me met parfois en colère, que je repousse méchamment, ce regard reflet de l’amour qu’il me porte et que parfois me fait vraiment peur, ce regard qui me trouble quand Nico le pose sur moi et qui me manque terriblement quand il est loin… ce regard perdu de jeune homme amoureux fou…

    … pourquoi je me sens mal d’avoir sauté ce mec ? …  pourquoi ai-je si peur que Nico en fasse de même ?... pourquoi je me sens mal à l’idée de retrouver Nico demain, de le regarder en face, comme s’il pouvait savoir ce qui s’est passé ce soir et qu’il ne voulait plus de moi comme je ne voudrais plus de lui s’il allait voir ailleurs… j’ai l’impression d’avoir gâché quelque chose… que même si Nico ne saura jamais rien de cette connerie, j’ai peur qu’après ça pour moi ce ne sera plus comme avant…

    Quand on se pose enfin les bonnes questions, pas sur qu’on ait le cran d’y répondre honnêtement, car la réponse à ces questions là entraîne souvent des questions encore plus grandes et plus puissantes, capables de nous déraciner et de nous emporter à jamais…

     

    Jérém est mal dans sa peau et n’arrive pas à trouver le sommeil : il a chaud et il a l’impression d’avoir toujours dans des narines et sur sa peau l’odeur de ce type… il se lève, il change les draps, il passe à la douche. Il reste un long moment sous l’eau, hagard, essayant de rassembler ses esprits, essayant de chasser le sentiment de malaise persistant qui a pris la place de la colère du matin. Il se savonne plusieurs fois, il se rince, il laisse couler jusqu’à que l’eau chaude ne le soit plus. L’eau froide rafraîchit sa peau, il la trouve agréable au début, mais il finit par commencer à frissonner et par fermer le robinet presque contrarié. Il a froid, il grelotte. Il est à nouveau en colère. Ça c’est encore du Jérémie. On laisse les choses venir, quitte à se faire surprendre et à être débordé par les événements. Et finir par être énervé par ce qui arrive, même si à bien regarder ce n’est que le résultat de sa propre conduite.

    Jérém avait vidé son cumulus de toute l’eau chaude, pourtant, il sentait que sa douche n’était pas terminée. Oui, il existe des souillures qu’aucun savon ni douche ont le pouvoir de faire partir. Quand on se sent sali à l’intérieur, à rien ne sert de faire couler l’eau longtemps sur sa peau.

    Il n’a toujours pas de cigarettes, mais il lui reste un bout de joint. Il le fume en terrasse, nu, profitant de la douceur du soir. Une fois au lit, dans le noir, Jérémie se fera jouir une dernière fois en pensant aux câlins, aux accolades et à la tendresse de la nuit précédente.

    Et quand les effets combinés du joint et de l’orgasme lui apporteront cette fatigue et cette douceur de l’esprit qui font souvent remonter à la conscience, et parfois même aux lèvres, ce qui est enfoui le plus profondément dans le cœur, Jérém s’endormira en pensant une dernière fois à son Nico…

    …Nico, où es tu Nico ? pourquoi je me sens si mal à l’idée d’avoir été si dur avec toi ce matin… je t’ai foutu dehors comme un chien, après t’avoir demandé de rester cette nuit...  comment as-tu passé ton dimanche ? Est-ce que tu as passé une journée de tristesse à cause de moi ? Est-ce que tu as pu penser à autre chose ? … pardon Nico, pardon pour tout…

     

    * * * * *

     

    Au même moment, à l’autre coté de la ville, dans un autre appartement, un autre beau garçon musclé, couché sous sa couette, n’arrive pas à trouver le sommeil… il repense à son meilleur pote avec qui il était parti en boite le soir d’avant : il le revoit en partir plus tôt que prévu, suite à une bagarre qu’il avait affrontée tout seul et à son insu. Ce petit con de Jé-Jé… toujours en train de se mettre en danger… il le revoit partir accompagné d’un autre garçon, un garçon qu’il connaît à peine, mais qu’il sait être plus qu’un simple ami pour lui…  

    Oui, ça fait un moment que Thibault sait, qu’il imagine ce qui se passe entre Nico et son meilleur pote à lui… et le malaise évident de Jérém lorsqu’il lui avait posé la question sur son retour de boite cet après-midi là, n’avait fait que conforter son ressenti… 

    Un autre appartement, un autre lit, un autre beau garçon la tête pleine de questionnements et d’envies… un autre plaisir solitaire pour apaiser provisoirement un esprit inquiet et pour amener un sommeil réparateur… 

     

    à suivre… samedi prochain…

     

     


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    Jérémie allongé sur le lit, nu. Son corps musclé, sa peau mate, abandonnée au plaisir qu’il reçoit par des lèvres qui semblent conçues sur mesure pour lui délivrer le plus grand bonheur. Ses abdos ondulant sous l’effet d’une respiration accélérée, excitée. Son visage parcouru par les vagues de plaisir qu’une langue, elle aussi « sur mesure », lui envoie par petites touches, comme de petites décharges électriques qui chatouillent ses sens et qui font monter son excitation vers des sommets. C’est beau de regarder un beau garçon en train de prendre son pied.

    Penché sur son entrejambe, Nico est en train de coulisser ses lèvres sur le manche du beau brun. Nico adore sucer ce bogoss de Jérém. Et il a vraiment l’air de savoir comment s’y prendre. Ses mains se baladent sur ses pectoraux, titillant ses tétons. Un corps d’apollon frissonnant de plaisir. Peut-t-on imaginer tableau plus magnifique ?

    Et Jérém, mec de chez mec, adore se faire faire ce genre de gâterie. Nico est tellement bon dans son affaire, que le beau brun ne tarde pas à voir l’orgasme approcher. Il pose une main sur la tête de Nico, il exerce une pression alternée et rapide pour lui montrer qu’il faut désormais accélérer le mouvement. Un instant plus tard il se soulage les couilles en lâchant plusieurs jets bien chauds et denses dans la bouche de Nico, alors que le tout dernier se posera sur ses lèvres… c’est beau ce qui se passe sur le visage d’un garçon qui jouit…

    Jérémie est toujours allongé sur le lit, la respiration haletante, en train de récupérer de l’effort. Nico est en train de lécher sa queue toujours tendue, de goûter à la moindre trace de ce jus qu’il adore. Jérém prend une grande inspiration en fermant les yeux ; quand il les rouvre, Nico a terminé son affaire, il a relevé le buste, il est à genoux entre ses jambes, le regardant comme son Dieu. Jérém tourne la tête légèrement vers moi, allongé sur le lit juste à coté de lui ; et voilà qu’il me lance, un petit sourire coquin:

    Il va te faire la même chose, tu vas voir comment il suce bien…

    L’idée que ses lèvres, sa langue et sa bouche toute entière vont s’occuper de mon engin alors qu’elles viennent de se faire rincer par le jus de Jérém, cette idée me rend fou d’excitation… le jus de Jérém autour de ma queue… mélanger nos jus dans la bouche de Nico… je ne sais plus où j’habite tellement ça me rend marteau…

    Nico se déplace de coté, vers moi, il commence à branler ma queue qui est déjà bien raide du fait de l’avoir copieusement caressée pendant que je matais avidement sa performance sur le sexe de mon meilleur pote; il penche sa tête vers mon bassin et il commence à avaler mon gland, à le titiller avec la langue, à le masser entre ses lèvres… quand ma queue se trouve au fond de sa bouche et que ses aller retours se font bien amples et rapides, là je me dis que décidemment Jérém n’avait pas menti… et je comprends mieux pourquoi il aime coucher avec lui… oui, ce petit Nico fait ça comme un chef !

    Nico est en train de me sucer et je suis de plus en plus excité ; malgré le ravissement de mes sens et l’envie de regarder ce petit mec se soumettre à mon plaisir, je ne peux m’empêcher de regarder ce qui se passe à coté de moi… Jérém, à son tour excité par l’enthousiasme avec lequel Nico s’affaire sur ma queue, est en train de jouer avec la sienne, de se branler tout doucement…

    Cette queue… la voilà enfin… après l’avoir tenue dans ma main et de l’avoir branlée jusqu’à la faire jouir par une nuit lointaine, l’été de nos 13 ans, sous une tente en camping… après l’avoir si souvent matée dans les vestiaires, sous les douches, au gré des mouvements d’une serviette, désormais elle est là, complètement exposée à ma vue, à quelques centimètres de moi, à portée de ma main…

    L’excitation provoquée par celle qui ressemble déjà à la pipe de ma vie, une excitation des sens qui ressemble à une ébriété alcoolisée, me fait lentement glisser vers un état de bonheur et de bien être total… je suis tellement bien que je vois mes barrières tomber les unes après les autres… une fois dans ma vie, je sens que je perds contrôle…

    La queue de Jérém est là, elle vient de cracher dans la bouche de Nico et elle est à nouveau raide, chaude, dressée devant mes yeux, excitée… j’en a envie, j’en ai envie depuis trop longtemps pour ne pas profiter de l’occasion… ce soir, dans l’ivresse des sens, tout est possible… ce soir et rien que ce soir… alors il faut y aller… j’allonge la main et je l’approche de sa queue… j’ai un peu peur de sa réaction, mais je suis surpris et heureux de voir que dès que mes doigts effleurent les siens, jusque là serrés autour de son manche, sa main se dérobe, laissant place à la mienne… ce geste a pour moi la signification d’un feu vert inespéré mais tant attendu… je m’enhardis et je la saisis… quel bonheur de tenir un engin de ces proportions dans la main, longue, épaisse, douce, chaude, puissante… il est mieux monté que moi, ce petit con de Jé-Jé… c’est une queue magnifique, à l’image de son propriétaire… et puis c’est la queue de Jérém… un pur fantasme depuis si longtemps… alors je vais encore plus loin et j’entreprends de la branler…

    Je sens Jérém sursauter de plaisir… j’essaie de capter son regard, mais ses yeux semblent rivés sur ma main en train de secouer son manche. La pipe de Nico est mémorable, un feu d’artifice… mais le bonheur de tenir dans ma main la queue de Jérém dépasse tout autre plaisir des sens, du rêve à l’état pur…

    Je relève le buste, je me penche un peu vers Jérém pour être davantage à l’aise avec les mouvements de mon coude… je me penche encore un peu plus, comme aimanté par ce gland qui apparaît et disparaît au gré des mouvements de ma main… je suis de plus en plus proche du bassin du beau brun… je sens l’odeur de son sexe et du sperme qu’il vient de balancer dans la bouche de Nico… j’ai trop envie de le prendre en bouche…

    Mais j’hésite et j’hésite encore… tout ça est trop beau, tout ça est tellement inespéré… je lève le regard à la recherche du sien… je croise son sourire coquin, accompagné d’un petit clin d’œil à craquer, agrémenté par un léger signe de la tête, comme une invitation claire et nette à y aller sans plus attendre… oui, son regard est une invitation à me laisser aller… il a envie de ça ce petit con… une envie plutôt pressante qu’il saura me communiquer un instant plus tard, à sa façon…

    C’est d’abord la surprise quand je sens sa main se poser sur ma tête, approchant ainsi mes lèvres vers son gland pulpeux… je suis presque choqué par son geste si clair, si direct, ça me fait bizarre comme sensation que Jérém me pousse aussi ouvertement et violemment à faire ce truc dont j’ai par ailleurs très envie depuis toujours… j’ai comme un mouvement de recul, j’oppose une petite résistance… c’est mon pote… et ça ce n’est pas ce qu’on fait d’habitude entre potes… comment je le regarderai en face après ça ?

    Je me dis qu’il ne faut pas réfléchir, il faut que je me laisser aller, je suis excité à un point que j’en deviens dingue… je me dis que demain au pire on mettra ça sur l’excitation du moment, sur le fait d’avoir un homo à notre disposition pour nous soulager, c’est soirée sans limites, soirée jouissance sans tabous, soirée on se vide les couilles et on fait tout ce qu’on a envie… je sens alors la dernière barrière tomber, comme s’évaporer…

    « Allez, c’est bon » je l’entends chuchoter à mon oreille pendant que mes lèvres sont si proches d’approcher son gland… j’y suis presque, ses odeurs de mâle sont si intenses, si fortes… mes lèvres vont se poser sur son gland… mais c’est à ce moment précis que Nico décide d’augmenter la vitesse de sa fellation, me procurant un sursaut de plaisir et m’approchant dangereusement de l’orgasme… j’essaie de rassembler mes esprits pour me contrôler, pour ne pas me répandre de suite dans sa bouche, j’ai besoin de mon excitation pour faire plaisir à mon Jé-Jé… non Nico, pas encore… ne me prive pas de ça… j’ai envie de lui crier d’arrêter de me sucer mais je suis concentré à fond sur la maîtrise de mon corps et à un point envoûté par la proximité extrême du sexe de mon meilleur pote que je n’arrive pas à m’exprimer… mon cerveau est en panne, ma gorge est bloquée, mes lèvres, déjà entrouvertes pour accueillir le gourdin de Jérém, ne peuvent plus bouger…

    Non, Nico, ne me fait pas jouir, pas encore… j’ai envie de lui faire une pipe d’abord, car après avoir joui, pas sur que j’en aurai encore envie… Nico, Nico, Nico, attends, stp… ah non, je viens, ah non… je viens, c’est bon, je viens c’est triste… Nico… Pourquoi, Nico ?…

     

    Précédemment, dans 50 nuances de Jérémie : un regard un peu trop intéressé et Nico s’était trouvé dans une situation délicate face à un abruti imbibé d’alcool dans les chiottes d’une boite de nuit toulousaine; un t-shirt taché, une soirée écourtée pour Jérémie; Thibault l’accompagne à la voiture pour récupérer son portefeuille ; Thibault qui regarde Jérémie s’installer au volant et Nico prendre place coté passager, cette place qui avait tant de fois été la sienne, et ce soir là encore, pendant le trajet entre la Bodega et l’Esmé ; Thibault qui songera, l’esprit troublé, à la fin de soirée de son meilleur pote en compagnie de Nico…

     

    Dimanche soir, juin 2001, 23h58

     

    Quartier des Minimes, un beau garçon musclé, seul sous sa couette, vient de se réveiller d’un rêve plutôt bizarre qui l’a laissé retourné comme peu de fois dans sa vie… un rêve qui vient d’avoir un prolongement dans le réel, car la jouissance dont il a rêvé, est bien celle qui fait que ses draps sont moites…

    Il vient de rêver qu’il était dans la chambre rue de la Colombette, avec Jérémie et Nico ; ce dernier venait de faire jouir son pote dans sa bouche, juste avant de le sucer lui… pendant que lui, non seulement était en train de branler la queue de Jérém, mais à (moins) de deux doigts de l’avaler… rêve de fou… rêve duquel il a été éjecté en jouissant… et maintenant qu’il est réveillé, voilà que ce rêve de dingue tourne en boucle dans sa tête…

    Du rêve à la réalité, Thibault se retrouve à repenser à son meilleur pote avec qui il était parti en boite le soir d’avant : il le revoit venir lui parler de retour des chiottes avec son t-shirt blanc taché de sang, il le revoit partir plus tôt que prévu, suite à une bagarre qu’il avait affrontée tout seul et à son insu. Il le revoit partir accompagné d’un autre garçon, un garçon qu’il connaît à peine, mais qu’il sait être plus qu’un simple ami pour lui.

    Oui, ça fait un moment que Thibault s’imagine ce qui se passe entre Nico et son meilleur pote. Quand on connaît quelqu’un aussi bien que Thibault peut se prévaloir de connaître Jérémie, il y a des signes qui ne trompent pas. Et le malaise évident de Jérémie lorsqu’il lui avait posé la question sur son retour de boite cet après-midi là, n’avait fait que conforter son ressenti.

    Une question d’apparence anodine, qui pourtant en cachait une autre bien plus difficile à poser. Thibault se surprend à réaliser que c’est bien la première fois qu’il hésite à poser une question à son meilleur pote… c’est nouveau ça… avec son Jé-Jé ils s’étaient toujours tout dit, ils étaient tout l’un pour l’autre… mais depuis quelque temps l’intimité fusionnelle de leur amitié était en train de se brouiller du coté de Jé-Jé… Jérémie avait mis de la distance, avait érigé une barrière protégeant un coin reculé de son jardin secret… et à ce coin, même lui, Thibault, le confident de toujours, n’y avait pas accès… c’était dur d’admettre qu’une partie de la vie de son meilleur pote lui était désormais interdite… dur de voir que Jérémie lui cachait des choses…

    Oui, une toute autre question lui taraudait l’esprit, elle lui avait gâché toute la nuit d’avant, une nuit qu’il n’avait pas passée seul par ailleurs ; elle lui avait empêché de prendre vraiment son pied au lit, empêché de dormir, lui réservant par ailleurs un réveil d’humeur plutôt maussade ; elle était devenue carrément insupportable lorsqu’il avait vu Jérémie arriver cet après midi là, avec la mine des mauvais jours, un regard accablé et fuyant, un malaise qui avait l’air de s’être peu à peu dissipé : dans les vestiaires avant le match, à la faveur des retrouvailles entre potes ; pendant le match, à la faveur des résultats sportifs que ce petit con ne ratait jamais ; après le match, à la faveur de la bière coulant à flots…

    Cependant, Thibault connaissait trop bien son pote pour ne pas voir que même si son comportement essayait de sauver les apparences, même s’il faisait son possible pour faire « comme si », Jérémie n’était pas vraiment dans ses baskets ce jour là. Un truc le tracassait.

    Qu’est ce qui s’était passé avec Nico ?

    Ou, en clair :

    Qu’est-ce qui se passe au juste avec Nico ?

    Voilà la véritable question qui tournait en boucle dans la tête de Thibault. La réponse, ou une partie de la réponse, il la devinait. Pourtant, il avait besoin de l’entendre de la bouche de son meilleur ami. Il avait besoin de savoir comment il allait, son Jé-Jé.

    Thibault n’étant pas dupe, il sait que ce genre de question ça ne se pose pas à brûle-pourpoint, elle demande une approche progressive, en douceur. Alors, quand on n’ose pas poser la véritable question, on commence par en poser une autre assez éloignée du but, histoire d’établir le contact et de gagner la confiance avant d’orienter la conversation.

    Profitant d’une pause cigarette, Thibault avait entraîné Jérémie sur le terrain de jeu. Il s’était mis à marcher en parlant du match et Jérémie l’avait suivi. Après quelques banalités, en se faisant un peu violence, il avait fini par lui demander :

    Ça s’est bien passé le retour de l’Esmeralda… avec Nico… ?

    Jérémie ne répondra pas de suite à la question, se cachant derrière deux longues taffes tirées sur sa cigarette. Son regard partira loin, entre deux inspirations de fumée de tabac il s’éclaircira la gorge de façon inconsciente, ses dents mordilleront nerveusement sa lèvre inférieure : Thibault reconnaîtra ainsi les signes de la tension et de l’embarras chez son meilleur pote. Pendant un instant, il imaginera que Jérémie se mettra à table, comme toujours dans le passé, et qu’il lui confierait tout ce qu’il avait sur le cœur. Son espoir en sera vite déçu, lorsque son pote, après une troisième taffe et une main passée nerveusement sur le visage comme pour se débarbouiller, finira par lui lancer :

    « Ca a été… j’étais fatigué… il faut que j’arrête de boire autant… (il jettera sa cigarette, pourtant fumée qu’à moitié, il l’écrasera d’un geste rapide et approximatif, il fera demi tour de façon presque précipitée, se dédouanant ainsi d’autres questionnements, le regard toujours fuyant)… viens, on va retrouver les autres… »…

    Si ça ce n’est pas de la réponse évasive… Définitivement, cet après midi là, en posant une simple question sans vraiment obtenir de réponse, Thibault avait compris bien des choses : que ses soupçons sur ce qui se passait entre son meilleur pote et Nico étaient bien fondés ; que même si Jé-Jé devait bien trouver son compte dans cette relation, cette histoire le perturbait; que cette fois-ci son Jé-Jé ne lui laisserait pas jouer le rôle de confident auquel il était habitué ; que Jérémie était en train de changer et que certainement leur amitié allait être profondément bousculée. Et que, pire que tout, elle allait l’être à jamais. Et une profonde tristesse avait envahi le cœur de Thibault en regardant Jérémie se précipiter vers les vestiaires, comme en le fuyant, lui, Thibault, l’ami de toujours.

     

    Retour en arrière de quelques heures. Le matin du même dimanche, 4h18.

     

    Dans un appartement du Quartier des Minimes, Thibault, couché sous sa couette avec une présence féminine endormie à ses cotés, n’arrive pas à trouver le sommeil. Il revoit la 205 sortant du parking de l’Esmé et disparaissant dans la nuit… se surprenant à ressentir un étrange mélange de sentiments de déception et de frustration vis-à-vis de son Jé-Jé de toujours, rentrant seul avec ce petit Nico…

    Il n’a jamais posé de questions, personne ne s’est ouvert à lui à ce sujet… pourtant il sait… c’est une intuition, presque une certitude qu’il a eue un jour quelques semaines plus tôt, lorsqu’il a croisé ce garçon devant la porte de la chambre de son meilleur ami. Lui, Thibault, en sortait après une bière entre mecs à la fin de sa journée de travail: le garçon arrivait pour des révisions de maths. C’était un garçon qui avait l’air de quelqu’un de très gentil et de très timide. Son regard était mal à l’aise lorsqu’ils s’étaient serré la main.

    L’image de Nico arrivant à la chambre de Jérém, d’abord surpris de le voir en sortir, ensuite gêné de le croiser, s’accompagne d’une autre image, une image de quelques minutes plus tôt, celle d’un Jérémie lui non plus pas très à l’aise de le voir débarquer à l’improviste, lui, son meilleur pote Thibault, un Jérémie semblant pressé de finir cette bière pour se consacrer aux révisions avec ce pote qui allait débarquer d’un moment à l’autre.

    Quelques temps plus tard, il y avait eu cette soirée au KL, une soirée pendant laquelle il avait eu l’occasion, ou plutôt il avait eu la curiosité et pris le temps de regarder évoluer ce Nico : il avait ainsi pu remarquer cette façon qu’il avait de regarder les garçons… oui, Nico regardait les beaux garçons au KL ; mais il y avait un garçon qu’il ne quittait jamais des yeux pendant plus de dix secondes… et ce garçon était son Jé-Jé.

    A un moment de la soirée, à la faveur d’une occasion qu’il avait un peu provoquée en allant s’asseoir juste à coté de lui au bar, il y avait eu cette petite conversation… dès les premiers échanges, et malgré la musique assourdissante autour d’eux, il avait ressenti dans les mots, dans les regards, dans les yeux de Nico quelque chose qui ressemblait bien à de la tendresse vis-à-vis de Jé-Jé. « Je l’aime bien aussi » avait dit Nico; alors qu’une étincelle, à la fois émue, rêveuse et pleine de douceur, passait sur ses yeux… ses sentiments à l’égard de Jérémie lui avaient paru si évidents que dans cette simple phrase « Je l’aime bien aussi », les mots « bien » et « aussi » s’en trouvaient complètement inutiles…

    Très vite, Thibault avait compris non seulement que Nico était homo mais que par-dessus tout, il était  amoureux, très amoureux, de son meilleur pote.

    Quant à l’attitude de ce dernier, même si elle restait plutôt discrète, voilà qu’elle ne semblait pas complètement insensible à celle de Nico. Il l’avait remarqué ce soir là, parfois le regard de son Jé-Jé semblait de poser sur ce garçon d’une façon qui confirmait son intuition. Comme s’il avait besoin de se sentir désiré par ce garçon comme avant il avait eu besoin de se sentir désiré par les nanas.

    Décidemment cette fameuse soirée au KL avait été bien révélatrice pour Thibault. Et lorsque Jérémie était venu lui annoncer qu’il rentrait à 1h35, 1h35, bon sang !, et qu’il ramenait Nico, ses doutes avaient soudainement pris la consistance d’une certitude.

    Ainsi, réalisait Thibault en ce dimanche matin, depuis plusieurs semaines il se passait un truc entre eux… oui, force était de constater que Jérémie avait bien changé depuis quelques temps. Et ce « depuis quelques temps », correspondait bien au début des révisions avec Nico… sacrées révisions… jamais Thibault n’avait vu Jérémie réviser autant… au point de manquer des entraînements, au point de renoncer à une soirée entre potes… certes, le bac approchait, mais il savait son Jé-Jé bien plus nonchalant que ça… ça a bon dos les révisions…

    Non seulement, « depuis quelque temps », Thibault avait remarqué que son incorrigible queutard de pote chassait moins la gonzesse, beaucoup moins… que, « depuis quelque temps » les nanas se faisaient rares dans le lit de Jé-Jé… en plus de ça, « depuis quelque temps », plusieurs fois Jé-Jé lui avait parlé de ce Nico… ce petit pd qui le kiffait… ce petit pd qui l’aidait à réviser car il devait espérer des trucs que jamais de la vie… et vas y que « ce petit pd n’arrête pas de me mater », ce « petit pd avait dit cela » et « ce petit pd avait dit ceci»…

    Au final, en dépit de sa façon de faire mine d’être agacé par les attentions du petit Nico ; en dépit de son attitude, qui semblait se moquer ouvertement des ses penchants, une attitude de mépris et de dédain, le sujet « Nico » revenait de plus en plus souvent sur le tapis… et, à bien regarder, au-delà des railleries et des boutades, Thibault avait vraiment l’impression que son pote avait l’air flatté que ce « petit pd » s’intéresse à lui…

    D’ailleurs, Nico semblait être de plus en plus présent dans sa vie. De plus en plus souvent, alors qu’avant ils ne le voyaient jamais, ils le croisaient presque à chaque fois qu’ils sortaient en boite; ce samedi là, début de soirée à la Bodega, il est là ; ensuite, sur proposition de Jérém et sans une véritable raison, exit l’éternel KL, les voilà partis pour l’Esmé, une boite où ils avaient du mettre les pieds qu’une seule autre fois de leur vie ; ils arrivent là bas, Nico est là encore ; Jérém part aux chiottes et il en revient quelques minutes plus tard avec lui, le t-shirt éclaboussé de sang… en racontant qu’il s’est battu avec un type à cause d’un mot de travers…

    Et pour finir, une fois de plus ils repartent de boite que tous les deux. C’est déjà arrivé plus d’une fois, Jérém qui repart tout seul avec lui… Jérém qui part de boite avec des prétextes bidons… Jé-Jé naze un dimanche matin à 1h35 ? deux fois dans un mois ? Lui qui « avant » faisait la fermeture des boites après s’être tapé une ou plusieurs nanas dans les chiottes du KL ? Non, ça ne tient pas debout…

    Jérém ne lui avait pas parlé de cet aspect de sa vie, c’était certainement quelque chose de difficile à assumer pour lui. Peut-être c’était tous simplement trop tôt, ou alors cette chose était brouillée dans sa tête, enveloppée dans un brouillard épais… une simple passade, peut-être ? L’envie d’essayer un truc nouveau ? De la curiosité ? Est-ce que son pote avait besoin de savoir où il en était, où il allait, avant de lui en parler… ?

    Non, Jérém ne lui avait pas parlé de ce qui se passait réellement avec ce petit Nico ; cependant, si les mots n’étaient pas au rendez-vous, il y avait un truc assez troublant dans l’attitude de Jérém vis-à-vis de tout ça… parfois, lorsqu’il faisait des allusions à Nico, quand il lui parlait des révisions, quand il venait lui annoncer qu’il le raccompagnait, Thibault avait l’impression que Jé-Jé savait : il savait que, lui, Thibault, savait… comme une complicité au delà des mots, comme un truc de plus qu’ils partageaient, un secret entre potes… oui, un truc dont on ne parlera jamais, comme cette petite branlette partagée sous une tente il y a bien longtemps…

     

    [Août 1995. C’est l’été de leurs treize ans et Jérémie est parti en camping avec Thibault et sa famille... les deux copains dorment dans la même tente... quelques branlettes côte à côte... imaginant que le copain n’a rien remarqué... et puis un soir, une main glisse sur le sexe du pote qui est en train de se caresser dans le noir… c’est agréable la sensation d’une autre main que la sienne sur sa zigounette… alors, après une première surprise, on laisse faire, ce touche pipi est si délicieux qu’on ne se pose plus de questions; d’ailleurs, après une petite bière achetée en cachette à la buvette du camping, tout semble permis... on sent ce truc monter, ce truc si plaisant dans son bas ventre... ça vient, qu’est ce que c’est bon, on jouit si fort qu’on a du mal à ne pas crier... c’est tellement bon qu’on arrive pas à s’endormir...

    On reste en silence à coté du copain qui nous a fait ce plaisir... on sent qu’il est en train de se branler à son tour et alors on ne peut pas se priver de lui rendre la pareille... on allonge la main, on rencontre la sienne, elle laisse la place et on continue de branler le sexe de ce pote qui nous a fait ce cadeau en premier... on le sent jouir dans notre main et on est contents de l’entendre haleter de plaisir…].

     

    Oui, c’est ça être potes… savoir des choses sur l’autre et savoir parfois les passer sous silence, lorsqu’on comprend que les mots ne seraient d’aucun secours… savoir comprendre, accepter sans juger… comprendre sans que la parole ne vienne gâcher ce que l’on sait déjà sans se le dire… ça s’appelle l’amitié…

    Pourtant, il avait vraiment besoin de savoir, besoin que Jérém s’ouvre à lui plutôt qu’il ne se sente obligé de le brancher sur une jolie fille pour le ménager, une jolie fille dont le plus grand attrait était à ses yeux celui d’avoir couché quelques temps plus tôt avec son meilleur ami. Une jolie fille à qui Jérém avait peut-être promis de remettre ça si ce soir là elle s’était occupé de son pote…

    Ça c’était bien un coup à la Jérémie… un coup qu’il lui avait fait par deux fois déjà, un coup que la nana avait toujours fini par lui avouer après l’amour… voilà une attitude de Jérém capable de le toucher et de le vexer à la fois… oui, c’est touchant un pote qui s’inquiète que vous ne finissiez pas la soirée tout seul… mais au même temps c’est humiliant de penser qu’il ait pu imaginer que vous aviez besoin de cela pour lever un coup du samedi soir…

    Quelle drôle de sensation pour Thibault que d’accompagner son Jé-Jé à la voiture… il y a un truc qui le dérange, un truc qu’il n’arrive pas encore bien à s’expliquer, ou tout simplement à admettre, un truc qui lui prend bien la tête comme il faut… sur le parking, Thibault essaye de retrouver, et de montrer à « l’intrus », un peu de cette complicité qu’il y a depuis toujours entre lui et son pote… il lui lance des piques et son Jé-Jé réagit à ses petites bousculades. Pourtant, imagination ou réalité, Thibault a l’impression que Jérém n’est pas comme d’habitude… Nico est là et Jé-Jé est comme différent… alors que d’habitude il n’a aucune gêne à déconner avec lui et à être très tactile, même devant plein de monde, Thibault le trouve moins libre dans ses mouvements… il a l’impression que Jérém est pressé d’arriver à la voiture et de rentrer… alors les questions envahissent son esprit…

    Qu’est ce qui se passe au juste avec Nico ? Qu’est-ce qui se passe dans la tête de Jé-Jé ? Que s’est-t-il passé dans ces putains de chiottes avec le type avec qui il s’était battu ?

    Thibault regarde Jérémie et Nico prendre place dans la 205, une sensation bizarre dans le ventre. Pourtant, depuis bien longtemps déjà, Thibault est habitué aux escapades de son Jé-Jé… combien de fois il l’a vu s’éclipser avec une gonzesse à une fête de village ou dans les chiottes d’une boite de nuit, ou repartir direction rue de la Colombette en charmante compagnie… à chaque fois ça l’a rendu un peu jaloux, jaloux du succès de son meilleur pote avec la gent féminine…

    Mais au final, les aventures de son pote l’avaient toujours fait sourire… d’autant plus que le lendemain, ou plus tard le soir même, il serait venu lui en parler, lui raconter, faire des blagues de mec… ils auraient rigolé ensemble, retrouvé à l’instant cette entente de potes qui avait toujours été la leur depuis l’enfance…

    Oui, Thibault est habitué aux escapades de son Jé-Jé… en quoi le fait que ce soit un mec et non pas une nana devrait le perturber ? Il n’y a pas de raison… pourtant c’en est ainsi…

    En revenant vers l’entrée de l’Esmeralda, Thibault ne peut pas quitter la 205 des yeux; il reste là, planté sur le parking, à fixer la lumière rouge des feux arrière s’éloignant dans la nuit jusqu’à qu’elle soit définitivement hors de sa vue ; le vent souffle sur sa peau et il se surprend à penser à son pote seul avec Nico… en vrac, au fond de lui, de la tristesse, un peu de déception et, il faut bien l’admettre, un autre truc qu’il ressemble bien à de la jalousie… comme si on le privait de quelque chose… comme si on lui arrachait quelque chose… comme s’il était laissé… sur le carreau…

    Est-ce qu’il est jaloux que Jé-Jé ait un autre pote ? Ou bien jaloux du fait qu’il se passe un truc, ce truc, avec ce pote ? Est-ce qu’il est jaloux de savoir son pote en train de s’envoyer en l’air ?... Ou alors, est-ce qu’il est jaloux de savoir son pote en train de s’envoyer en l’air… avec Nico ? Jaloux de savoir son pote en train de s’envoyer en l’air loin de lui ? Pourquoi donc ? Est-ce qu’il a envie de voir Jérémie s’envoyer en l’air ? Envie de le voir nu, en train de prendre son pied ? Est-ce que ce soir là, à pouvoir choisir, il aurait eu envie de monter dans la voiture avec eux ? Est-ce que, à pouvoir choisir, il serait bien monté dans la voiture à la place de Nico et… pour la même fin de soirée que Nico… Est-ce qu’il est tout simplement jaloux qu’ils couchent ensemble, que Jérém partage avec ce Nico quelque chose qu’il n’a jamais partagé avec lui ?

    L’idée est tellement énorme et difficile à assumer que Thibault ressent le besoin de rester seul pour accuser le coup de toutes ces nouvelles questions qui se bousculent dans sa tête et secouent son esprit au point de lui brouiller la raison. Il s’arrête un instant appuyé à la rambarde à coté de l’entrée de la boite. Il ne se sent pas le courage de retourner dans le boucan de la salle, dans la chaleur étouffante, au milieu de tout ce monde, de retrouver les potes, de devoir déconner alors que le cœur n’y est pas… il prend une inspiration profonde, il essaie de faire le vide dans sa tête, de repousser cette image, cette idée complètement délirante… avoir envie de rentrer avec Jérém… d’être à la place de Nico pour tout…

    Il avait fallu qu’un petit Nico surgisse dans la vie de son pote pour que les désirs de Thibault, des envies que sans cela seraient certainement restés tapies au fond de son cœur, remontent à la surface de sa conscience avec une violence inouïe. Une violence nourrie par la jalousie.

    Celle là, alors, Thibault se disait qu’il ne l’avait pas vue venir… que jamais il n’aurait cru que Jérém chercherait un jour la compagnie d’un garçon… « Et moi qui croyais le connaître… – se dit-t-il, le regard perdu dans le vide, sentant une étrange fatigue le gagner, le malaise se dissipant petit à petit laissant apparaître une sorte de tristesse empreinte de résignation  – mais comment ça se fait qu’un mec comme Jé-Jé ait eu envie de se taper un garçon alors qu’il peut avoir toutes les nanas qu’il veut ? Bien sûr… beau comme il est, il doit se faire brancher par des mecs… et dans le quartier où il habite, c’est pas ça qui manque, les mecs à mecs »…

    Tu le sais, Thibault, il a des gars qui ont un truc, une façon de regarder qui fait qu’on a envie de les regarder aussi… ça t’est arrivé à toi aussi de te faire mater… au taf, en boite… une fois t’as même du refuser du rentre dedans plutôt cash… t’avais même trouvé que le mec n’était pas mal et en plus il savait s’y prendre… il était charmant… ça avait été dur pour toi de lui dire que tu n’étais pas intéressé… alors, si ces trucs là t’arrivent à toi, ils doivent arriver dix fois plus à Jé-Jé… toutes les nanas sont folles de lui… alors les homos…

    Eh oui, Thibault, il faut bien admettre que de mater les mecs… parfois ça réveille des trucs… est-ce bien que de la curiosité ce truc qui se passe dans ta tête quand tu ressens cette sensation de bien être et de douceur en regardant les potes rigoler entre eux, se dessaper dans les vestiaires, faire les cons, nus sous les douches… ce sont des potes, tu es bien avec eux… ce sont des potes marrants, ils sont cool… mais tu te surprends bien souvent à être admiratif devant leur nudité, devant leur aisance, devant leur beauté…

    C’est vrai, c’est beau le corps d’un garçon… on ne peut pas dire le contraire… tu aimes les regarder, respirer, t’imprégner de cette ambiance chargée de testostérone propre aux vestiaires, mais jamais tu ne pourrais passer à l’acte, n’est-ce pas Thibault ? Jamais tu ne pourrais faire des trucs avec un mec… jamais… jamais ou bien… sauf si c’était avec lui… juste un ti truc, histoire de se souvenir de ce bon moment sous la tente il y a six ans déjà, ce moment que tu n’as jamais pu oublier…

     

    [Août 1995. On reste en silence à coté du copain qui nous a fait ce plaisir... on sent qu’il est en train de se branler à son tour et alors on ne peut pas se priver de lui rendre la pareille... on allonge la main, on rencontre la sienne, elle laisse la place et on continue de branler le sexe de ce pote qui nous a fait ce cadeau en premier... on le sent jouir dans notre main et on est contents de l’entendre haleter de plaisir.

    A treize ans, l’excitation est si forte, la sensation de découvrir son propre corps si prenante que l’on recommence une, deux fois dans la même nuit... le sommeil est entrecoupé de plaisirs inattendus...

    Ensuite le matin arrive, trop tôt, le soleil est haut dans le ciel quand on décide enfin de se lever. On ne reparlera plus jamais de ce qui s’est passé cette nuit là et on ne recommencera plus jamais ce même manège. On est un peu gênés au début, on n’ose pas trop se regarder dans les yeux, mais on retournera rapidement à la vie de tous les jours et on reprendra l’amitié là où on l’avait laissée avant cette parenthèse fermée, avant cette folle nuit hors du temps…].

     

    Eh oui, Thibault, il faut bien avouer que Jérémie te fait bien plus d’effet que quiconque… depuis toujours… c’est le seul mec qui te fait cet effet là… combien de souvenirs de ton Jé-Jé, de ces instants d’éternité ou tout semble possible…

     

    [Septembre 2000. Souvenir d’un soir d’entraînement de rugby, d’être resté pour faire de la muscu dans la salle à côté des vestiaires… souvenir d’avoir traîné assez longtemps pour que l’on soit que tous les deux… souvenir d’avoir passé de longues minutes à regarder Jé-Jé faire des haltères et puis des exercices pour muscler le dos, les abdos…

    Et puis avoir attendu avec impatience le moment de prendre une douche rien que tous les deux… avoir eu envie de le voir poser son t-shirt, son short, envie de le voir nu… sentir l’effet que ça fait de le voir tout près, à poil, sous la douche, les peaux si proches, s’effleurant par moments, essayer de penser à autre chose, sans pouvoir, sentir la trique venir toute seule; se retourner en catastrophe, gêné, fermer l’eau chaude et laisser le jet glacial fouetter la peau pour essayer de se calmer… alors qu’on ressent une envie de dingue de serrer son corps contre le sien, l’envie de toucher à nouveau, après tant de temps, cette queue jamais oubliée et qui hante bien des rêves… envie de lui faire plaisir… envie à en crever, envie impossible… envie tellement pressante, tellement obsédante qu’on se dit à un instant : j’y vais, je vais y aller, je vais le caresser, il ne peut pas refuser, juste une branlette... le cœur qui cogne dans la poitrine, la tête qui semble devoir exploser…

    Envie impérieuse, grandissante à l’extrême, envie qui semble pouvoir tout rendre possible, comme si en raison de sa puissance elle pouvait devenir contagieuse et se transmettre à lui à l’instant… envie déchirante, et si vite rattrapée par la déception soudaine, lorsque on entend le robinet qui se ferme, quand on voit son corps ruisselant d’eau s’éloigner avec cette démarche assurée qui est la sienne depuis bien longtemps déjà… tristesse et désillusion quand on réalise que l’instant est passé… quand on se rend compte qu’un instant plus tôt, alors que tout était encore possible, on avait estimé que ce n’était pas le moment, alors qu’un instant plus tard, maintenant, sans crier gare, ce n’est déjà plus le moment…

    … rester alors sous la douche, hagard, dépité, et le regarder en train de s’essuyer, reluquer sa queue apparaître et disparaître au gré des passages de la serviette sur son anatomie parfaite…

    ... respirer un bon coup avant de fermer l’eau à son tour, avant de sortir de la douche, grelottant, la queue toujours raide… avoir honte de s’approcher pour chercher la serviette, honte de lui montrer cette putain de trique qui ne tombe pas, alors qu’il a déjà passé son jean et que, torse nu, son t-shirt dans les mains, beau comme un Dieu, il pose son regard exactement là où on ne voudrait pas qu’il le pose… se sentir gêné comme jamais, embarrassé devant son petit sourire narquois, troublé d’entendre sa réflexion pas gênée du tout, elle : « Dis donc, c’est l’effet de la douche, ça ? »...

    ... avoir envie de lui balancer à la figure… putain, Jé-Jé, non ça c’est juste l’ « effet douche avec toi » !!! Mais sentir la honte plus forte que le courage d’assumer ses envies… faire semblant de sourire de sa blague, mais se sentir frustré, déçu, s’en vouloir à mort, sentir en soi un sentiment lancinant de défaite qui fait mal au ventre…

    « Souvenir de m’être branlé une fois rentré chez moi en pensant à Jé-Jé me matant sortir de la douche, la queue tendue, avec son petit sourire en coin, avec cette étincelle canaille »… ].

     

    [Janvier 2001. Une autre soir, tard dans la nuit, se retrouver tous les deux chez moi après une virée en boite, parler rugby, boire une bière, rigoler, boire une autre bière, refaire le monde, boire une troisième bière… parler nana, parler cul… espérer trouver le moyen, envisager quelque chose, ne pas oser l’exprimer… avoir honte rien que d’y avoir pensé… espérer qu’il me tende une perche… qu’il m’offre une occasion… parler pendant des heures en espérant que le bon moment se présente… chercher les yeux de Jé-Jé, chercher à y lire un ressenti semblable au mien… et puis fuir son regard quand il semble accrocher mon désir et lui laisser une ouverture…

    Oui, il y a des moments où il me semble de lire un truc dans son regard, comme une invitation… au fond de moi, je me dis que je n’ai qu’a sourire à mon tour et à me laisser aller… mais à chaque fois qu’une occasion du genre s’est présentée, voilà, je n’ai pas eu le cran… à chaque fois j’ai baissé mon regard, j’ai sorti une connerie, j’ai lancé un sujet sans importance, j’ai fait le clown, j’ai volontairement raté le coche, ignoré l’instant, fui mon désir, son désir ? Notre désir ?…

    Je connais Jé-Jé, je sais qu’il est bien trop fier pour faire ce genre de pas… pourtant il a bien du voir ce truc dans mon regard… s’il a vu, il fait mine de rien… il est ainsi fait ainsi mon Jé-Jé… alors, il n’y a que moi qui puisse débloquer la situation, prendre le courage à deux mains et faire arriver ce dont on a peut-être envie tous les deux…

    En plus il y a entre nous un putain de feeling… il est de ces moments où il y a une espèce de tension, une telle complicité, une telle perfection de l’instant, une entente, une magie… je sens nos jeunesses se frôler, nos amitiés se frotter l’un à l’autre en faisant des étincelles… il n’y a pas de mots pour ça, c’est un ressenti épidermique, je suis bien avec lui, je me sens vivre avec lui, je sens qu’il est bien avec moi, qu’il m’apprécie, qu’il y a un truc qui se passe… c’est vrai, on se comprend, on s’entend pour tout… pour tout sauf que pour ça… pourtant je crois vraiment qu’on en a envie tous les deux, mais c’est comme si tous les deux on avait peur de gâcher la perfection de notre amitié en passant à l’acte… comme si en passant à l’acte plus rien après ne pouvait plus être comme avant…

    Pourtant le désir est toujours là, dans ma tête : j’essaie alors de l’évacuer autrement, en vain, en restant avec lui pendant des heures, en rigolant… au fil de la nuit, se retrouver à vivre un de ces moments que je ne connais que trop bien, ces moments où l’on sent venir une bonne dynamique de franche rigolade, d’intimité, comme de promiscuité… une conversation cul qui arrive de nulle part et semble aller dans le bon sens… des instants qui se prolongent, durent et donnent l’impression que oui, tout est possible, que c’est possible, qu’il SE passe un truc, qu’il VA se passer un truc… Et puis, un détail, un mot et patatras, tout s’écroule…

    Faut que je rentre…

    Quatre mots et toute la magie a disparu d’un coup, un seul. Je lui souris et je lui souhaite la bonne nuit. Rentre bien…

    Et patatras…

    Tu sais Thibault que tu es le seul à pouvoir faire le premier pas, mais tu as laissé passer tellement d’occasions… si connement… toujours fui l’instant présent t’en remettant aux espoirs encore intacts de celui qui viendra dans une meilleure occasion, demain sûrement. C’est con d’attendre de demain ce que aujourd’hui pourrait nous amener. C’est con mais c’est ce qu’on fait souvent, lorsque on n’ose pas assumer nos envies. Par peur, par crainte. C’est con… surtout qu’il n’y aura peut-être pas toujours un demain… la vie change si vite et au gré des rencontres, les envies peuvent changer et les occasions de les assouvir aussi…

    Tristesse et désillusion quand on réalise que l’instant est passé…].

     

    [Août 2000. Dans la tête de Thibault, voilà l’image d’un soir de l’été d’avant, bien avant le début de ces putains de révisions avec Nico, quand Jérém était encore le Jé-Jé qu’il connaissait, « son Jé-Jé à lui », un soir où l’alcool était joyeux, à point pour faire tomber quelques barrières et suffisant pour adoucir les mœurs.

    Ce soir là ils s’étaient retrouvés tous les deux sur ce même lit dans lequel il lui était si difficile à présent de trouver le sommeil : il faisait tellement chaud qu’ils s’étaient mis torse nu en arrivant, avant d’ouvrir des bières bien fraîches qu’ils étaient en train de boire, allongés l’un à cote de l’autre…

    Ca tapait la discute autour de tout et de rien, la conversation n’étant que prétexte pour faire durer cet instant entre potes…

    La nuit d’été était chaude, et il n’y avait pas que la nuit qui l’était… des images torrides se bousculaient dans la tête de Thibault… envie de lui, envie de sentir son torse sur le sien, sa peau contre la sienne… son parfum de mec aux effets ravageurs… alors, une fois la bière avalée, trouver un prétexte quelconque pour faire le con, pour se jeter sur lui, pour le chatouiller, pour passer sa main sur son dos, sur ses épaules, frôler sa braguette et sentir son paquet à travers le jean… un pur fantasme que de sentir son corps musclé contre le sien…

    Thibault se retrouve allongé sur Jérémie, torse contre torse, la tête penchée sur la sienne… les yeux dans les siens… il lui sourit et il continue à parler et à déconner pour que cette situation ambiguë ne tape pas trop dans l’œil de son pote et que ça ne lui donne pas l’envie de s’y soustraire ; parler pour ne pas se laisser gagner par ses fantasmes… parler encore et encore pour ne pas céder à la tentation insupportable de l’embrasser… lui sortir une connerie, tenter de sonder le terrain en le flattant…

    J’aimerais avoir la moitié de la cote que t’as toi avec les filles…

    T’en as autant que moi, mais tu as peur d’aller les voir…

    Je n’ai pas l’impression qu’elles s’intéressent à moi plus que ça…

    Je te dis que si…

    Pas sûr…

    Ne sois pas bête, tu sais que tu es beau garçon, tu plais…

    C’est toi qui plais, Jé-Jé… t’as vu comme tu es foutu… comme t’es beau… toutes les nanas ont envie de toi…

    De toi aussi, faut juste que tu aies un peu plus de confiance en toi…

    Se sentant pousser des ailes, le joint qu’ils avaient partagé en arrivant à la chambre faisant son effet, Thibault avait au cette phrase qu’il avait regrettée presque instantanément :

    Moi si j’étais une nana, je préférerais coucher avec un mec comme toi qu’avec un mec comme moi…

    Un silence gêné s’en était suivi. Thibault avait croisé un regard troublé sur le visage de Jérémie, juste avant qu’il ne détourne les yeux, alors qu’un seul petit sourire de la part de Jé-Jé ça aurait été pour lui le feu vert pour aller plus loin… Jérémie n’avait pas saisi son désir et s’il l’avait deviné il n’avait pas souhaité faire un pas vers lui…

    Thibault se sentait désormais super gêné de se trouver toujours sur lui, torse contre torse, bassin contre bassin, braguette contre braguette… plus tard, il repassera mille fois cette scène dans sa tête, en se disant à chaque fois qu’il avait laissé passer le bon moment, comme un con… il aurait voulu revenir en arrière pour avoir le cran de porter une main sur la braguette de son pote qu’il avait senti bander sous son jean, contre son propre jean… au lieu de quoi, par crainte, il avait reculé, il avait reculé alors que c’était gagné… il avait rigolé comme un idiot, il avait chatouillé son pote pour détendre l’ambiance et il s’était laissé glisser sur le flanc, se retrouvant à nouveau allongé sur le lit, à côté de Jérémie…

    Il aurait suffit qu’il ose lui ouvrir la braguette, saisir sa queue comme cette nuit sous la tente, rien de plus, ils auraient certainement passé tout les deux un super moment… et le faire jouir n’aurait été qu’un pas de plus pour lui montrer à quel point… à quel point… à quel point… quoi ? A quel point son amitié était… forte ?].

     

    Dimanche matin, juin 2001, 4h52. Thibault n’arrive pas à trouver le sommeil et il n’a cesse de penser à Jé-Jé en train de s’envoyer en l’air, de l’imaginer en train de prendre son pied avec Nico. La chance, ce petit Nico… la chance et le bonheur de sentir son corps musclé contre le sien... le contact de sa peau mate et chaude… la chance de voir ce beau garçon en train de jouir… il est jaloux, il est frustré mais au même temps il trouve ça extrêmement excitant... il l’imagine bien son Jé-Jé en train de se faire sucer ou en train de coulisser entre les fesses de Nico, ce petit Nico qui, faut bien l’admettre, possède quand même un charme bien à lui…

    Ils doivent être bien ensemble… Nico est homo, un vrai mec qui aime les mecs et qui s’assume… il doit lui faire des trucs que je n’oserais pas lui faire ou qu’il ne saurait pas accepter de moi, qui a été son meilleur pote… est-ce que Jé-Jé fait toujours… le mec ? A priori, on pourrait penser qu’un garçon aussi viril ne peut que faire le mec… à moins que… chercherait-t-il peut-être à assouvir un fantasme que seul un mec peut lui faire vivre ?

    Au final, en étant vraiment honnête, est-ce bien vrai que le coup de Jérém cherchant la compagnie d’un garçon dans son lit, il ne l’avait pas vu venir ? Est-ce que plutôt il n’avait juste pas voulu le voir venir ?

    Il avait fallu qu’un petit Nico surgisse dans la vie de son pote pour que certains signes avant coureurs lui sautent aux yeux, alors que sur le moment il était passé à coté de tout cela… dès lors, voilà que les regards de Jérém posés sur certaines nudités dans les vestiaires, à l’origine passés inaperçus par le fait de sa conviction que Jérém était un mec 100% à nana, prenaient aux yeux de Thibault une nouvelle dimension.

    Creuser un peu et retrouver dans la mémoire certains de ses regards dans les vestiaires ou sous la douche… et encore plus flagrant, des regards de certains potes sur son Jé-Jé… avoir parfois capté des échanges fuyants, flottants, des regards qui décrochent à l’instant même où ils se rencontrent, des regards qui ne s’avouent pas, qui sont là, qui disparaissent, qui reviennent, des regards gênés, regards appuyés, regards gênants quand ils se font un peu insistants, regards qui manquent quand ils cessent, regards sur Julien et sur d’autres gars, regards troublés par les nudités qui apparaissent et disparaissent au gré du passage d’une serviette… regards sur lui, parfois… souvenir de s’être branlé une fois dans les chiottes des vestiaires en pensant à Jé-Jé le matant sous la douche avec son petit sourire en coin, avec cette étincelle canaille… sacré fripon de pote ! ».

    « Mais oui, oui, oui… oui, il matait… mais comment je ne me suis pas rendu compte avant que Jé-Jé était sensible à tout ça… les corps nus, les muscles chauds, les odeurs de douche mélangées aux odeurs de peaux masculines… l’excitation des corps qui se frôlent… qui se caressent du regard, alors que l’imagination est vive… le corps est faible… alors qu’un garçon de notre âge a toujours envie… alors que l’excitation toujours présente et que la promiscuité adoucit les mœurs dans l’ambiance moite d’un vestiaire de rugby après le match »…

    Tant qu’il avait été persuadé que Jérém n’était qu’un mec à filles, ses désirs étaient restés enfouis dans le domaine de l’irréalisable : Jérém 100% hétéro avait de quoi décourager toutes des envies de rapprochement au delà de la plus stricte amitié virile… mais maintenant qu’il savait que son meilleur pote était ouvert à d’autres horizons sexuels, il ne pouvait pas s’empêcher de se demander pourquoi Jérém n’avait pas pensé à lui pour essayer un truc entre mecs, alors qu’il pouvait bien se douter que s’il s’était fait laisser faire une fois, il y avait de fortes chances pour qu’il soit d’accord pour recommencer…

     

    [Août 1995. A treize ans, l’excitation est si forte, la sensation de découvrir son propre corps si prenante que l’on recommence une, deux fois dans la même nuit... le sommeil est entrecoupé de plaisirs inattendus...

    Thibault ne pourra jamais oublier ce soir là quand, au delà de ses espoirs les plus fous, Jérémie avait allongé en premier sa main dans le noir pour la poser sur sa queue et commencer à le branler délicatement en l’amenant tout doucement vers sa première jouissance à deux]…

     

    Est-ce qu’il repense parfois à cette nuit lointaine quand il couche avec Nico ? Comment Jérém a vécu cela ? On n’en a jamais reparlé… jamais, pas un mot, pas une allusion… j’ai cru que Jérém en avait honte ou pire que ça ne signifiait rien pour lui, alors j’ai essayé de faire comme si elle n’avait jamais existée… je n’en ai jamais parlé à personne, mais j’y ai repensé mille et mille fois… en me disant que je n’ai jamais pris autant mon pied que lors de cette branlette sous la tente… et ce n’était qu’une simple branlette…

    Est-ce que il s’en souvient seulement ? Avec toutes les coucheries qu’il a connues, il a du certainement oublier tout ça, alors que moi je n’ai jamais pu oublier cette nuit… cette nuit qui a bel et bien existée malgré mes efforts pour l’oublier, pour faire comme s’il ne s’était rien passé…

    Décidemment, ce petit Nico avait bousculé sur son passage pas mal de choses autour de lui… alors, comment faire face au changement de son pote ? Comment ne pas en être affecté ? Déjà que c’était pour lui une torture de voir toutes ces nanas qui lui tournaient autour… déjà que, en étant enfin honnête avec lui-même, il fallait bien reconnaître qu’il avait été souvent si jaloux des aventures de Jérém… jaloux au point de se poser la question s’il l’était davantage de son succès inouï avec les nanas ou s’il n’était pas plutôt jaloux de la nana elle-même qui avait la chance de partager l’intimité de son beau Jérém, une nana pour qui son pote n’aurait été qu’un coup parmi d’autres alors que pour lui il représentait le seul mec avec qui il avait envie de cajoler et de faire jouir?

    Oui, déjà que c’était pour lui une torture de voir toutes ces nanas qui lui tournent autour… depuis quelques semaines, depuis qu’il sait que Jérém couche avec Nico, Thibault a remarqué qu’il n’y a pas que les nanas qui matent Jérém en boite de nuit… il y a bien de garçons qui pourraient tenter leur chance si un jour il devait se montrer à peine un peu réceptif à leurs charmes…

    Ainsi, voilà que la jalousie résignée qu’il éprouvait à l’égard de ses aventures avec des nanas, se transformait en une véritable jalousie maladive en imaginant Jérém avec Nico ou un autre garçon… avec combien de garçons a-t-il couché ? Quand ? Où ? Comment ? Est-ce qu’il a pris son pied ?

    Comment a-t-il pu ne pas remarquer toutes ces fins de soirée où j’ai été à deux doigts de lui montrer ce que je ressentais… toutes ces fois où j’ai renoncé de justesse, meurtri par cette terrible frustration endurée au nom de cette putain d’amitié… c’est quoi donc cette foutue amitié qui empêche deux garçons qui s’aiment d’un amour pur de s’unir dans un lit dans un plaisir sexuel intense ?

    On se connaît si bien, on est si complices… je saurais comment lui faire plaisir, c’est sur, je l’aime trop, on s’aime trop, il n’y a pas de doute qu’on saurait être bien ensemble sans besoin de jouer le rôle de mâle rassurant comme avec une nana. Il me semble que la tendresse entre mecs doit être si reposante… qu’elle doit arriver quand on en a besoin, qu’elle est là sans demander de grandes promesses… qu’elle doit avoir ce petit goût défendu qui rend la vie excitante… qu’elle doit ressembler à la beauté de la liberté… oui, ça doit être beau et troublant que de caresser un garçon… J’aurais eu mille occasions pour faire arriver des choses… et maintenant… maintenant ça en est peut-être fini de ces moments de complicité, ces moments d’ambiguïté où l’espace d’un instant tout parait possible… depuis quelques mois, depuis qu’il voit Nico, Jé-Jé n’est plus tout à fait le même… parfois il part vite après les entraînements pour le rejoindre… putain de révisions… depuis qu’il voit Nico, finis ses regards qui traînent dans les vestiaires, sous la douche, sur la nudité des potes, sur ma nudité… dans les vestiaires, il a l’air comme mal à l’aise… ses douches sont bien plus courtes qu’auparavant, son regard perdu dans le vide, sa nudité vite rangée sous une serviette, fini le mec capable de commencer un débriefe de match en sortant de la douche pendant qu’il s’essuyait longuement… désormais l’attirail est vite rangé… comme s’il était moins à l’aise avec sa nudité, avec la promiscuité avec d’autres garçons…

    Est-ce à cause du malaise qu’il doit ressentir vis-à-vis de sa nouvelle vie, une vie qui ne doit pas être facile à assumer ? Ca doit être difficile pour lui désormais de regarder un garçon nu, comme s’il se sentait coupable et qu’il avait peur de se trahir, peur qu’on devine ce truc qui est en train de se révéler en lui… quand on se sent coupable, on a l’impression que tous les regards nous accusent… alors on essaie de tenir une conduite exemplaire, une conduite qu’on croit capable d’éloigner tout soupçon de nous, une conduite qui ne nous ressemble pas, une conduite qui, en essayant de ne pas se faire remarquer, finit par obtenir l’effet exactement inverse…

    Ça te rend dingue, Thibault, que ton pote Jérémie se tape un mec… et puis… si ce n’était qu’un coup d’un soir, sur un malentendu, après une cuite… non… ça fait des semaines, des mois que ça dure… pourquoi lui ? Pourquoi il n’a pas vu à quel point tu avais envie de ça ?

    De toute façon, il faut être réaliste Thibault, comment imaginer un seul instant de coucher avec lui alors que vous êtres potes, les meilleurs potes du monde ? Comment l’amour physique et l’amitié pourraient se combiner sans s’affronter, sans se détruire l’un l’autre? Est-ce que l’amour physique entraînerait d’autres sentiments que l’amitié?

    Jérémie est ton pote depuis toujours, et depuis toujours il a été ton petit Jé-Jé. Depuis que tu le connais, tu as eu envie de le protéger, de le prendre sous ton aile… c’est ce que tu as fait et lui il s’y est bien installé… oui, depuis que tu le connais, depuis que tu l’as vu se faire bousculer par la vie, tu as toujours eu envie de protéger Jé-Jé… de l’apaiser, de l’aider à trouver le calme au delà de ses aventures qu’au fond ne lui apportent rien au-delà d’un plaisir immédiat suivi d’une tristesse indélébile…

    Qu’est ce qu’il est beau ce jeune homme en devenir, fort, puissant, avec cette allure affichée de conquérant, froid et déterminé, droit dans ses baskets… mais toi, Thibault, toi et toi seul, tu sais que sous la carapace il y a un gentil garçon avec qui la vie n’a pas toujours été tendre…

    Tu te souviens de Jérémie à l’age de 11-12 ans, malmené par les plus grands dans la cour de recré ; tu te souviens quand sa mère lui manquait à en crever et sa belle mère le harcelait pour le pousser à quitter la maison; tu te souviens de l’avoir vu pleurer, plus jeune, et de l’avoir pris dans tes bras pour le réconforter.

    Tu te souviens avoir vu le petit bonhomme mal dans sa peau se transformer en un jeune homme magnifique pour qui les nanas se battent et dont les mecs se jalousent l’amitié. Tu te souviens d’avoir vu ce même Jérém construire jour après jour cette armure à double face, cette double défense qui le rend cool et marrant, admiré par les potes ; qui le rend charmeur, froid et intransigeant, limite goujat avec les nanas…

    Tu es le seul à savoir que Jérém, faute de faire confiance à l’amour, cherche à charmer, à 360 degrés : en amitié, avec de ses potes de rugby, par l’excellence du jeu, ce qui lui donne l’impression (et donne l’impression autour de lui, cette impression qui lui est renvoyée régulièrement par l’estime de ses potes et qui est si précieuse pour son ego) d’être incontournable ; le fait de se sentir admiré, jalousé, ça le galvanise, ça lui donne l’impression d’exister, sans pour autant combler le vide qui est depuis toujours en lui…

    Ç’en est de même avec les nanas, le besoin d’avoir un pouvoir de séduction quasiment absolu… Jérémie aime plaire, se sentir désiré, profiter de la position de force qui lui offre son charme pour collectionner les aventures, parce que ça le rassure… il ne l’a jamais vu rester avec une nana plus de quelques semaines… et en aucun cas leur être fidèle… il lui semble même que son pote prendrait un malin plaisir à se faire désirer, à chaparder rageusement ce que son charme lui offrirait sur un plateau… ce que Jé-Jé aime, c’est le défi que représente une nana à séduire…

    Oui, Thibault sait beaucoup de choses au sujet de la sexualité de Jé-Jé… tout comme Jé-Jé en sait pas mal sur la sienne… entre potes ils se sont souvent confiés ce genre de trucs… il sait que Jé-Jé aime tout dominer pendant la baise, et il sait que Jé-Jé aime par-dessus tout faire craquer les nanas qui font mine de lui résister au premier abord, ce qui est quand même chose plutôt rare ; c’est le désir, la soif jamais étanchée de jauger la puissance de son pouvoir de séduction qui le fait courir vers ce genre de nanas ; une fois dans son lit, une fois dingues de son physique et de sa queue, soumises à sa virilité, il aime tout particulièrement obtenir d’elles tous ces trucs devant lesquels elles rechigneraient avec d’autres… il sait que Jé-Jé aime qu’on se laisse baiser la bouche, qu’on avale son jus, qu’on se laisse prendre par derrière…

    Ce qu’il aime par-dessus tout, ce sont les territoires vierges, ou du moins vierges de son passage… ensuite, du moment qu’il a posé son empreinte, ces territoires ne l’intéressent plus le moindre du monde…

    Thibault a parfois essayé de lui faire remarquer que son attitude, en plus de ne rien lui apporter à part quelques orgasmes, était machiste, presque méchante, mais il s’est toujours heurté à la position bien arrêtée de son pote sur le sujet: Jérémie veut juste sauter (sur) tout ce qui bouge… c’est sa façon d’exister, de se sentir vivant…

    Thibault connaît tout ça de son pote, car c’est avec lui que jusqu’à il y a pas si longtemps Jérém avait terminé toutes ses soirées après les sorties en boite ; c’est avec lui que Jérémie avait partagé ces moments tard dans la nuit ou la fatigue et l’alcool amènent souvent le plus fermé des gars à s’ouvrir à son meilleur pote… dans ces moments là, l’étalon assuré et un brin imbu de lui-même vis-à-vis de son succès avec les nanas, laissait ressortir devant lui tous ses doutes, ses faiblesses, ses craintes, ses angoisses. Et Thibault était là pour le réconforter, à attendre que les fumées de l’alcool se dissipent, que les angoisses se calment, à le serrer dans ses bras, à lui empêcher, parfois en se disputant, de prendre la voiture pour rentrer avant qu’il ne soit à peu près en état de le faire…

    C’est l’un des plus beaux souvenirs pour Thibault, se rappeler de certains soirs l’alcool aidant avoir entendu son Jé-Jé lui dire « Thibault, tu es un frère pour moi, je t’aime plus que tout ». Et s’être serré l’un contre l’autre pour s’apaiser mutuellement…

    Tu le connais si bien, Thibault, ton Jé-Jé… tu l’aimes si fort… tu sais qu’il a besoin de quelqu’un pour veiller sur lui, pour lui empêcher de se perdre dans ses anciens démons, dans sa souffrance profonde.

    Dans un monde idéal, tu voudrais être l’ami qui partage tout avec lui, son amitié, ses confidences, sa tendresse, des câlins, du plaisir… tu as envie de tout lui offrir, tout ce qui pourrait lui faire du bien au corps et à l’esprit…

    Et une fois repus de tendresse et de jouissance, le prendre dans tes bras et lui montrer à quel point tu l’aimes, comme un ami, comme un frère, lui montrer que l’intimité de vos corps n’est qu’un moyen de pour rapprocher vos esprits et renforcer encore votre amitié… tu le sais que vous ne pourrez jamais être plus que copains, amis…

    Alors, tu voudrais juste lui montrer que dans vos vies à venir, ces vies qui vous éloigneront peut être, il y aura toujours un ami, un lit, un refuge prêt à l’accueillir quoiqu’il arrive, d’où qu’il arrive, de n’importe quelle situation ou nana ou mec qu’il soit en train de fuir, dans n’importe que état d’âme ou d’esprit… tu voudrais qu’il sache que si la vie lui met des coups, il pourra toujours trouver dans tes bras un peu de chaleur, un peu de cette sensualité qui est pour un mec le préalable à sa détente, la détente qui lui permet de s’ouvrir et faire ressortir ses angoisses… lui faire comprendre qu’il pourra venir taper à ta porte à n’importe quelle heure pour parler de tout et de rien, pour rigoler, pour se cajoler, pour passer une nuit ensemble, jouir ensemble…

    Tu sais que les blessures de ton meilleur ami sont profondes, tu sais à quel point ses démons sont puissants… comme Nico, tu redoutes l’échéance du bac, car tu crains qu’après le diplôme Jérém ne soit amené à partir travailler ailleurs… tu redoutes le moment où tu ne pourras plus être assez présent dans sa vie pour lui empêcher de boire le dernier verre ou pour le ramener quand il aura trop bu, pour lui empêcher de toucher à autre chose que le shit… pour lui rabâcher que la capote n’est pas qu’un contraceptif… pour lui demander de ralentir en voiture, pour le rassurer, parfois par ta simple présence, quand tu sens que ça ne va pas fort, que ses angoisses refont surface et que Jé-Jé semble retrouver des attitudes autodestructrices…

    Au fil du temps, tu as gagné la confiance de Jérémie et tu es devenu pour lui quelqu’un dont la parole compte vraiment. De par ta conduite droite et simple, tu as inspiré du respect à ton égard dans l’esprit de Jérém. Ton opinion a de l’importance pour lui. Ta simple présence a de l’importance pour lui. Le fait de savoir que quelqu’un d’aussi droit que toi est son pote, un pote qui tient à lui, a fait que Jérém se tient à peu près à carreau pour ne pas te décevoir à toi, son meilleur pote… il craint de te déplaire, et cette crainte lui a empêché à plus d’une occasion de faire de trop grosses bêtises… le respect et l’estime pour toi, Thibault, il n’y a que ça qui peut le dissuader de se foutre en l’air…

    Et ça Thibault tu le sais bien… Jérém te l’as bien montré, il te l’a même dit parfois, un soir tard dans la nuit… « Merci d’être là et de m’empêcher de faire des bêtises »…

    Ainsi, tu as fini par endosser et assumer ce rôle de tuteur, de figure paternelle qui manque dans sa vie… quand Jérémie te lance à la cantonade un « oui, papa ! », comme sur le parking de l’Esmé ce samedi là, tu as à la fois envie de le gifler et de le serrer dans tes bras… de le gifler car, en t’attribuant un rôle de rabat-joie, ce mot semble l’éloigner quelque part de toi, d’une intimité que tu désires établir avec lui… et de le serrer dans ses bras car tu as tout simplement envie de lui montrer que tu es là… Jérém a besoin de quelqu’un qui le protége de ses excès d’instabilité, qui le protége de lui-même…

    Tu es sa famille, le grand frère qu’il n’a pas eu… tu le connais par cœur… au fil du temps tu as appris à être proche de lui sans l’étouffer, à être présent sans t’imposer, à parler quand il le faut, à te taire parfois, à partager une déconnade, une conversation joyeuse ou plus intime, parfois rien qu’une cigarette, d’autres fois encore rien qu’un silence… tu as appris à deviner ses états d’esprit, à t’y adapter au quart de tour… tu as appris à connaître ses faiblesse, ses point sensibles, tu sais comment le faire rire, comment l’apaiser, comment le rassurer… tu le connais tellement par cœur que tu as l’impression de percevoir son ressenti dans les moindres détails… comme après sa bagarre à l’Esmé… tu le sais qu’il a été bien plus remué de ce qu’il veut bien l’admettre…

    Tu sais que depuis quelque temps Nico est rentré dans la vie et dans le lit de ton Jé-Jé. Tu te demandes aussi si tout ça ce n’est qu’une passade pour Jérém ou si au final c’est ça, sa véritable vie… quoi qu’il en soit, tout ce qui compte c’est qu’il soit heureux et que quelqu’un veille sur lui... et au fond de toi tu es content que ce soit ce petit Nico qui va s’occuper de lui… il a l’air très amoureux, ce petit Nico… il suffit de voir comment il le mate… et l’idée qu’il soit amoureux de Jé-Jé et que ton Jé-Jé puisse en pincer à son tour pour lui, ça te fait chaud au cœur… oui, même si ça te rend aussi un peu jaloux, l’idée que ce soit Nico l’élu du cœur de Jérém ça te rassure… car tu en es sûr... Jé-Jé sera bien avec lui...

    Et, en tout cas, tu trouves rassurant que ton Jé-Jé soit dans un lit avec Nico plutôt qu’en train de picoler à en être malade et puis chercher la bagarre ou prendre la voiture et rouler jusqu’à avoir un accident… tu trouves apaisant de le savoir en train de jouir plutôt qu’il se fourre dans des mauvaises passes, comme cette fois qu’il s’était fait tabasser pour avoir trop fait le malin à cause de l’alcool et d’une coucherie de trop, plutôt qu’il cherche de la compagnie dans des endroits plus dangereux… plutôt qu’il prenne des risques pour sa santé, qu’il se livre à une sexualité du chiffre, qu’il se laisse aller à des rencontres qui ne lui apporteront rien qu’un plaisir passager et une solitude encore plus grande une fois la jouissance passée…

    Nico est amoureux, très amoureux … pour lui ce n’est pas qu’une passade… pour lui Jérém est tout et encore plus… oui, Nico est amoureux et en plus il est homo… alors, il doit certainement oser lui faire des trucs dont tu serais incapable… Nico devait faire jouir Jé-Jé comme pas permis pour que ce dernier en soit devenu si accroc, accroc comme jamais il ne l’avait vu l’être avec aucune nana… et savoir que Jé-Jé est en train de jouir comme un dingue le rendait heureux, car il savait que le sexe l’apaisait, certes momentanément, mais assez longtemps pour lui faire terminer une soirée au chaud dans un lit…

    Peut-être qu’avec Nico il trouvera enfin le vrai plaisir, celui qu’on éprouve avec la personne qu’on aime, ton Jé-Jé a besoin de tendresse, de douceur… il a besoin de trouver la force d’accepter qu’on puisse enfin lui en apporter, la force de faire confiance… peut-être qu’avec Nico il redécouvrira son corps, sa sexualité, qu’il arrivera à mettre un peu d’ordre dans sa petite tête si embrouillée… qu’il trouvera sa place et qu’il arrivera enfin à s’apaiser…

    Parce que le bonheur de Jé-Jé est très important pour toi, Thibault… parce que Jé-Jé compte beaucoup pour toi, vraiment beaucoup, tu es content qu’il soit bien avec Nico, ce petit Nico qui peut lui apporter une forme de bonheur que ton rôle de meilleur ami ne te permet pas de lui apporter, bien que l’envie soit bel et bien là… et maintenant que ton amitié semble ne plus lui suffire, c’est à Nico de prendre le relais… il a besoin de ça, ton Jé-Jé, de se sentir aimé… alors tu le lui confies en quelque sorte, tu lui demandes de garder un oeil sur lui…

    En même temps qu’il se rendait compte de charger le dos du pauvre Nico de lourdes responsabilités, Thibault sentait une question lui marteler l’esprit, le rendant inquiet : pour l’instant Jérém a l’air de trouver son compte dans la compagnie de Nico… cette situation le rend peut-être un peu nerveux car c’est tout nouveau pour lui, mais j’en mettrai la main à couper qu’il était content de rentrer avec Nico… mais qu’adviendra donc de tout ça, de cette amitié, de cet amour si un jour Jé-Jé part travailler loin, loin d’ici, loin de Nico ? Ca va se terminer entre eux, comme ça va se terminer entre nous…

    Sacré Jé-Jé… au fond de lui il devait culpabiliser de te planter là et de partir seul avec Nico ; oui, il est fort probable qu’il avait deviné ta frustration… son tour de passe-passe pour te pousser dans les bras d’une nana comme pour tenter de ménager ta jalousie qu’il avait perçue… tu t’es même senti un peu con, comme s’il te lançait : « vas y mon pote, va baiser toi aussi pendant que je baise loin de toi »…

    Sa bienveillance intéressée te fait mal aux tripes… c’est charmant de sa part de se préoccuper de ta fin de soirée… mais tu as envie de lui, pas de la brune…

    Ce soir là, une demi heure à peine après avoir vu son Jé-Jé partir avec Nico, Thibault rentrera avec Julie; il couchera avec, l’esprit ailleurs… pendant qu’elle le sucera, il pensera à son pote Jé-Jé dans les bras de Nico, pendant qu’il la baisera il s’imaginera le pied que Jé-Jé est en train de prendre loin de lui, il se demandera dans quelle position, combien de fois, à quoi ressemble l’expression de son visage pendant qu’il prend son plaisir de mec… son esprit divaguera loin, vers des images de son pote nu, dans les vestiaires du rugby, sous la douche, ou alors son torse moulé par un t-shirt blanc OxBow hyper sexy… pendant qu’il jouira, il verra remonter à son esprit l’image de son meilleur pote sortant de la douche, sa peau mate et trempée sur laquelle ses lèvres rêvaient de se poser, comme aimantées…

    Et quand il aura fini sa besogne, lorsqu’il sera allongé sur le noir dans le lit a côté de cette fille qu’il vient de baiser pour se soulager le corps et l’esprit, il repensera une fois encore à cette nuit de l’été de ses 13 ans en camping sous la tente avec Jé-Jé cette branlette réciproque… ce putain de truc qu’il aurait bien remis à la nuit suivante sans jamais oser le faire, sans que son Jé-Jé ne lui propose non plus… dans un moment de nostalgie et de tristesse, il se demandera encore et toujours pourquoi Nico est dans le lit de Jérémie à sa place...

    Une heure après avoir joui, Thibault n’aura toujours pas trouvé le sommeil ; en pensant à tout ça, il sentira à nouveau la trique monter… Julie dors déjà… Thibault se lèvera lentement, il ne veut pas la réveiller… il se dirigera vers la salle de bain ; il se postera devant le lavabo et commencera à se branler en pensant au corps et à la queue de Jé-Jé, il jouira une dernière fois cette nuit là en imaginant son Jé-Jé en train de coucher avec Nico…

    Pendant qu’il jouit, dans l’illusion de toute puissance qu’on éprouve pendant la courte durée de l’orgasme, Thibault se retrouvera à imaginer un monde idéal où l’amour et l’amitié s’arrangent dans un bonheur qui se mélange… un monde impossible, un bonheur inaccessible… un monde à inventer pour le bonheur des mecs, un monde où il n’y aurait pas de jalousie, pas de désir frustré, peut-être pas de désir tout court, rien que de l’amour et des esprits qui s’assemblent, en grappes…

     

    Retour à Dimanche soir, juin 2001, 23h59.

     

    Avis de mauvais temps persistant sur la vielle de Toulouse : Quartier St Michel c’est les giboulées ; rue de la Colombette c’est la tempête; aux Minimes c’est carrément l’ouragan… trois garçons seuls dans leur lit, seuls dans le noir de leur chambre, trois plaisirs solitaires pour tenter de trouver un sommeil réparateur.

    Thibault, seul dans son lit en ce dimanche soir, n’arrive toujours pas à trouver le sommeil. Le sentiment d’être en train de perdre son meilleur pote… le sentiment d’avoir gaspillé tellement de temps, d’avoir laissé passer tellement d’occasions… non, il faut bien se rendre à l’évidence : quand on ne sait pas saisir la chance, il n’y aura pas toujours un demain pour rattraper le coup… la vie change si vite et au gré des rencontres, les envies peuvent muer et les occasions de les assouvir passer et ne plus jamais se représenter… il faut savoir profiter de chaque instant de bonheur. Le temps ne nous appartient pas, notre vie n’est qu’un grain de sable emprunté à l’éternité.

    The time is only borrowed…

    En se branlant ce soir là encore, Thibault ne pourra pas s’empêcher de revenir une fois de plus à cette nuit d’été six ans plus tôt… l’été de ses treize ans…

     

    [Août 1995. Allongé sur son duvet, nu, profitant de la fraîcheur de la nuit d’été, le corps heureux  après deux bonnes jouissances amenées par la main de son pote, les sens toujours en éveil par ce truc de dingue qui vient de se passer, excités par la proximité de son Jé-Jé, par l’odeur de mec et de sperme qui imprègne les t-shirts avec lesquels ils se sont essuyés et qui persiste dans le petit espace de la tente, Thibault sent la trique monter à nouveau ; il a envie de se toucher, il a surtout envie de sentir à nouveau l’autre main le faire à sa place… est-ce que son pote aurait envie de recommencer ?

    Comme s’il l’avait senti, c’est précisément à ce moment là que, au delà des espoirs de Thibault les plus fous, la main de Jérémie se posera une troisième fois sur sa queue, qu’elle recommencera à la branler doucement… pour arrêter un instant plus tard…

    Thibault s’imaginera alors que son pote allait renoncer, terrassé par la fatigue qu’il sentait le gagner lui aussi… mais quelle sera alors sa surprise, comment imaginer son enchantement lorsque, après un court moment de pause, peut-être d’hésitation, il entendra un bruit dans la tente, son pote qui s’approche de lui, ses lèvres qui se posent sur son sexe tendu, le bout de sa langue qui joue avec le bout de son gland… dans le noir, la bouche de son pote autour de sa queue lui procurera un tel panel de sensations agréables, une découverte si intense et si plaisante qu’il sentira vite son plaisir monter…]…

     


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