• 0408 Un intense rayon de soleil (Gueule d’Ange).

    Toulouse, le samedi 04 novembre 2017.

    Hier soir, je suis retourné à Toulouse pour passer une partie du week-end avec mes parents. Et ce matin, après le petit-déjeuner, j’ai envie de faire un tour en ville.
    Je me promène du côté des Carmes sans but précis, si ce n’est celui de prendre l’air, lorsque soudain, dans cette matinée grise et froide, dans mon horizon bouché par une intense mélancolie, un rayon de soleil apparaît. Il est intense, il est lumineux, il est aveuglant.
    Une fraction de seconde, une image incomplète de toi captée du coin de l’œil, et je suis complètement subjugué. Car tu viens de m’arracher de ma morosité, tu viens de remettre des couleurs dans mon horizon terne.
    Tu es rentré dans mon champ de vision, ton existence vient de m’être révélée. Et dès la toute première seconde, mon regard s’est trouvé comme verrouillé sur ta personne. Et plus rien n’existe autour de toi, et en dehors de toi.
    Alors, je pile net. Tellement net que je manque de peu de me faire renverser par la nana qui me suit sur le trottoir, les yeux rivés sur son portable, ce qui lui la rend tout autant fautive que moi.
    Ce matin, je n’avais pas prévu de faire une pause-café. Et pourtant, me voilà avec une soudaine envie de cappuccino.
    Alors, sans te quitter des yeux, j’avance vers toi par le chemin le plus court. Je ne peux pas ne pas venir vers toi, j’ai besoin de voir ta belle petite gueule de plus près. J’ai besoin de capter tous les détails de ta beauté. J’ai besoin de comprendre si tu es réel ou bien si je n’ai fait que rêver de cette sublime beauté.
    Je m’approche de l’entrée du café et, pendant un instant, je te contemple à travers la baie vitrée. Et là, en te regardant d’un peu plus près, le constat se confirme. Tu es vraiment, vraiment splendide.
    Tu as des cheveux châtains très clairs, avec des reflets dorés comme le blé au mois de juin, et tu les as façonnés avec une petite crête impertinente à la Cristiano Ronaldo des premières années. Tu as des yeux gris sublimes qui semblent capturer, refléter et décupler toute la beauté du monde. Tu portes un t-shirt blanc bien ajusté à ton torse élancé, avec un col en V qui laisse dépasser quelques poils bien virils, ainsi que des portions d’une chaînette de mec aux mailles épaisses.
    En rentrant dans le café, je suis saisi par une folle envie de faire un truc dingue. J’ai envie de venir te voir direct, j’ai envie de te parler en toute simplicité et en toute honnêteté, j’ai envie de te parler de l’Evidence. J’ai envie de te dire, tout simplement : « Tu vas me prendre pour un taré, mais il faut vraiment que je te dise que tu es incroyablement beau ».
    Evidemment, je n’ose pas le faire. Tout ce que j’arrive à faire, c’est m’installer à une table vide, dans un coin du café, en attendant que tu viennes me voir pour prendre ma commande.
    Je te regarde sortir de derrière ton comptoir, un plateau à la main, je te regarde traverser la salle et partir servir une table éloignée de la mienne.
    Mon regard te suit à la trace, et finit par croiser le tien. J’ai l’impression de me liquéfier.
    Ça ne fait pas plus d’une minute que j’ai découvert ton existence, et je suis déjà complètement sous ton charme.
    Lorsque je te vois enfin approcher de moi, j’en ai instantanément le souffle coupé. Je ne te donne pas plus que 22, 24 ans au plus. J’en ai déjà 35. Et, pourtant, tu m’impressionnes. J’ai du mal à soutenir ton regard que je viens de croiser pour la deuxième fois et qui me donne toujours autant de frissons.
    Avec un sourire à faire tomber des remparts de citadelle fortifiée, avec un entrain charmant, tu me lances :
    —    Bonjour !
    —    Bonjour, je te salue à mon tour.
    —    Qu’est-ce que je vous sers ?
    J’aime ta voix un peu nasale, une voix jeune, avec un accent du sud assez marqué. Une voix qui m’apporte d’autres frissons encore.
    J’aimerais qu’on me « serve » le serveur ! je manque de peu de te répondre.
    —    Je voudrais un cappuccino, s’il vous plaît, je finis par te répondre.
    —    Chantilly ou mousse de lait ? tu m’interroges.
    —    Un cappuccino à la Chantilly, ce n’est pas un cappuccino, je pontifie.
    —    C’est bien vrai, ça, tu me réponds du tac-au-tac, en me faisant une nouvelle fois le sublime cadeau de ton sourire magnifique.
    Seule ombre au tableau, ce vouvoiement qui est une forme de politesse réciproque, mais qui instaure d’entrée une double distance entre nous. Celle qu’il y a entre le professionnel et le client. Mais aussi celle qui subsiste entre tes vingt ans et mes trente-cinq ans.

    Toulouse, le samedi 11 novembre 2017.

    Ce matin je me suis levé en pensant à toi. C’est dingue comme tu habites mes pensées depuis une semaine, depuis le premier instant où je t’ai aperçu à travers la baie vitrée d’un café en ville.
    Alors j’ai pris ma voiture et je suis allé à Toulouse pour prendre un cappuccino à la mousse de lait.
    Faire plus de soixante bornes pour boire un cappuccino, ça peut paraître dingue. Comme si chez moi, à Martres Tolosane, il n’y avait pas de café…
    Mais le fait est que j’ai envie de TON cappuccino. Et, surtout, j’ai vraiment envie de te revoir. Non pas que je me fasse la moindre illusion que je puisse te plaire, ou qu’il puisse se passer quoi que ce soit entre nous. Je suis bien trop lucide et pas assez téméraire pour imaginer ça.
    Car, déjà, tu dois être hétéro. Et puis, de toute façon, si tu décidais d’essayer autre chose que les nanas, ce n’est pas vers moi que tu te tournerais.
    Mais cela ne m’empêche pas de revenir te voir. Le fait est que samedi dernier tu m’as offert un instant de beauté, de lumière, un instant hors du Temps. Car tu as su m’apporter ce petit frisson que je n’avais pas ressenti depuis un long moment, le frisson que seul sait m’inspirer un jeune, beau et charmant garçon. Un garçon touchant. Le genre de frisson qui est bien plus que du désir charnel.
    Et, de ce petit frisson qui chatouille au fond du ventre et qui redonne des couleurs à la vie, j’en redemande !
    Alors qu’importe les bornes. Ce qui m’importe, c’est de t’approcher, de vivre un autre moment de grâce dès que ta présence emplira mon horizon, et me laisser irradier par ta beauté et ta jeunesse de la même façon qu’on se laisse bronzer au soleil sur la plage. J’ai besoin de retrouver ton sourire, de le laisser réchauffer mon cœur. Car ce sourire est un véritable cadeau du ciel.
    Lorsque j’arrive devant la baie vitrée du café, tu es en train de t’affairer derrière ton comptoir, dans ton « uniforme » de petit barman charmant, un autre t-shirt blanc avec col en V bien tendu sur ton torse élancé.
    Je passe la porte d’entrée, j’approche du comptoir et je lance un « Bonjour ! » bien appuyé.
    Tu lèves à peine les yeux, tu lances à ton tour un « Bonjour » rapide, sans même lever la tête du presse-agrumes avec lequel tu es en train de transformer des oranges en jus de fruit.
    —    Quand vous aurez terminé, je pourrais avoir un cappuccino, s’il vous plaît ? je tente d’attirer ton attention, tout en essayant de ne pas t’importuner.
    —    Avec mousse de lait, sinon ce n’est pas un cappuccino ! tu me lances, railleur, en levant enfin la tête, ton beau sourire au coin des lèvres, m’aveuglant de ce regard clair et profond dans lequel j’ai envie de me noyer.
    Comment seraient doux, les baisers que je poserais sur ton front, sur tes yeux, sur tes lèvres !
    —    C’est ça ! je me réjouis de cette petite complicité inattendue entre nous.
    Ainsi, tu te souviens de moi, et de ma petite « pédanterie » de samedi dernier. Je suis très flatté. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est un petit rien qui me met du baume au cœur.
    —    Vous désirez autre chose ? tu me demandes.
    —    Une chocolatine, s’il vous plaît !
    —    Je vous amène tout ça dans une seconde ! tu me réponds, toujours souriant et serviable.
    Ta gentillesse et ton amabilité en rajoutent encore à ton charme naturel. Et à ce frisson qui ne cesse de grandir dans mon ventre.
    Dans l’attente que tu viennes m’apporter mon petit déj, je me régale des fragrances qui saturent l’air de la salle. L’arôme de café et des viennoiseries, la douce senteur des réveils en douceur.
    Quelques instants plus tard, tu approches de ma table avec ton plateau à la main.
    —    Monsieur est servi ! tu me lances, gai comme un pinson.
    Si je fais abstraction du « Monsieur » qui ajoute encore de la distance entre toi et moi, tu me fais vraiment craquer. Et l’une des raisons à cela réside tout simplement dans le fait que tu as toujours l’air d’être de bonne humeur, que tu es toujours pétillant, plein d’énergie, animé par cette joie de vivre qu’est l’apanage d’une jeunesse insouciante.
    Tu es un véritable rayon de soleil. Et qu’est-ce que c’est délicieux juste pouvoir te regarder travailler, sourire, exister !
    Car tout semble couler de source pour toi. Tes tâches de barman que tu exécutes avec aisance, tout comme cette jeunesse que tu promènes sur toi sans avoir probablement conscience du « bien » inestimable et fragile qu’elle représente.
    A 20 ans, tout paraît simple, tout paraît possible. A 20 ans, tout est simple et possible.
    Adorable petit barman, qu’aimes-tu dans la vie ? Qui sont tes potes ? Que partages-tu avec eux, avec ces veinards à qui le destin à offert la chance de pouvoir te côtoyer ?
    Qu’est-ce que tu aimes dans la vie ? Qu’est-ce qui te rend heureux ? Qu’est-ce qui, au contraire, te met en colère ? Quel est le truc le plus dingue que tu n’aies jamais fait ? Quel est le truc le plus dingue que tu aurais envie de faire aujourd’hui, si tu en avais la possibilité ?
    Est-ce que tu as une copine ? Est-ce que tu es fidèle ? Est-ce que, au contraire, tu papillonnes ?
    Qui es-tu vraiment, petite Gueule d’Ange ?
    J’avoue que, parfois, j’ai un peu de mal à te cerner. Tantôt, tu affiches un regard enfantin qui me donne envie de te prendre dans mes bras, de te couvrir de bisous, de te faire les câlins les plus doux, de te dire à quel point tu me touches.
    Puis, d’autre fois, et parfois juste un instant plus tard, juste avec un(e) autre client(e), j’ai l’impression de déceler chez toi un délicieux mélange de malice et de coquinerie qui me donne envie de te faire et de me laisser faire les trucs les plus torrides.
    Oui, parfois, tu as l’air d’un garçon sage à qui on donnerait le bon Dieu sans confession. Et parfois tu as l’air d’un petit fripon à qui on donnerait la bonne pipe sans hésitation.
    Tu es mi-ange, mi-démon. Ange, parce que tu as l’air tout gentil. Démon, parce que, sous tes airs « angéliques », je crois bien que tu es parfaitement conscient de l’effet que tu fais sur le plus grand nombre.
    Peut-être bien que tu es les deux à la fois. Ou bien, tour à tour, l’un ou l’autre.
    Hélas, ce matin, le « danger » rôde autour de toi. Il se présente sous les traits d’une nana sapée et maquillée qui rentre dans le café et s’installe direct sur l’une des chaises hautes devant le comptoir, juste devant toi. Elle te parle, elle te sourit. Tu lui parles, tu lui souris à ton tour, vous avez l’air complices. Tu la connais d’où, cette poufiasse ?
    Je trouve ton attitude à son égard bien différente de celle que tu affiches avec d’autres clients. Ton sourire charmant semble soudainement s’être mué en sourire charmeur. Tu lui fais de l’effet, c’est certain. Mais elle te fait de l’effet, aussi, hein ?
    Je me doute bien que les nanas doivent te tourner autour. Tu es trop mignon pour qu’il en soit autrement. Toute la journée derrière ton comptoir, tu vois défiler un bon paquet du monde. Derrière ton comptoir, tu es comme sur un podium, tous les regards convergent vers toi. Dans ce café, on ne voit que ta Gueule d’Ange !
    Et les garçons, alors ? Il doit certainement y en avoir qui te matent aussi. Tu as forcément dû à un moment ou à un autre capter des regards de mecs qui s’accrochent à ton sourire, à ton regard, qui caressent ton corps, qui contemplent ta mâlitude.
    As-tu déjà senti sur toi un regard qui s’attarde, qui se dérobe en rencontrant le tien, mais qui revient sans cesse à toi ? As-tu déjà ressenti sur toi un regard comme le mien ? Es-tu déjà tombé sur un regard plus couillu, plus affirmé, un regard qui ne s’est pas démonté en croisant le tien, un regard troublant dans lequel tu as pu lire clairement un désir brûlant ?
    Qu’est-ce que ça te fait, ce genre de regard ? Est-ce que ça te met mal à l’aise ? Est-ce que ça te laisse indifférent ? Est-ce que tu le tolères uniquement de la part d’un client, justement pour la seule et unique raison que c’est un client et qu’il faut amadouer le client ?
    Est-ce qu’au contraire, cela t’agace ? Est-ce que ça te dégoûte, même ?
    Comment réagirais-tu si un mec s’approchait de toi et te disait, comme j’ai failli le faire la première fois que je t’ai vu :
    « Tu vas me prendre pour un taré, mais il faut vraiment que je te dise que tu es incroyablement beau » ?
    Est-ce qu’un jour quelqu’un a osé venir t’interpeller de cette façon, avec cette justesse ?
    Est-ce que si un mec te matait dans un autre contexte, tu serais moins conciliant ? Ou carrément hostile ? J’ai du mal à penser à toi comme à autre chose qu’un gentil garçon. Mais, au fond, je ne te connais pas. Dans ce café, je ne vois que le serveur, pas l’« homme » sous-jacent.
    Comment j’aimerais connaître cet « homme » !
    Est-ce que tu n’as jamais ressenti un frisson en croisant le regard d’un autre garçon ? Ne t’es-tu jamais dit : « putain, ce mec qui vient de rentrer dans le café me fait de l’effet ! » ?
    Et si cela n’est pas arrivé au café, est-ce que ça t’est déjà arrivé ailleurs ?

    Lundi 13 novembre 2017, 23h41.

    La porte d’entrée de ton appartement vient de claquer derrière nous. Je te colle contre le mur, je t’embrasse fougueusement. Oui, petit con, tu me fais un effet dingue.
    Ton t-shirt blanc bien coupé est un pur bonheur. J’ai envie de caresser et d’exciter tes tétons à travers le coton doux. Mais l’envie la plus forte est celle de découvrir ton physique de petit con.
    Alors, très vite, j’attrape le bas, je le soulève. Tu secondes mon mouvement en levant les bras. Ton torse dénudé se dresse devant mes yeux, je suis vraiment dingue de toi.
    Ah, oui, tu as carrément un beau physique de petit con, conforme à ce que j’imaginais. Elancé, bien proportionné, dessiné juste ce qu’il faut pour me donner une envie déraisonnable de t’offrir un plaisir inouï.
    Je plonge mon visage – bouche, langue, nez, front, joues – dans la peau velue et douce entre tes pecs, je mordille tes tétons. Et tu ahanes de bonheur.
    Pendant que je parcours fébrilement ton corps avec mes mains et avec ma langue, je repense à toutes ces fois où je t’ai maté en attendant mon cappuccino, à tous ces matins où je me suis levé en pensant à toi, à toutes les fois où je me suis branlé en pensant à toi.
    J’ai vraiment, furieusement envie de toi. J’ai envie de tout avec toi, j’ai envie de tout ce dont tu as envie.
    Je te pompe comme un fou. Et tu jouis copieusement dans ma bouche. Et j’avale jusqu’à la dernière goutte.

    Voilà un scénario bien sympathique que j’appelle à la rescousse à chacun de mes plaisirs solitaires depuis que j’ai découvert ton existence.


    Toulouse, le samedi 18 novembre 2017.

    Je viens te revoir dès le samedi suivant.
    Lorsque j’arrive au café, tu es en train de discuter avec un petit brun assis au comptoir, un petit mec plutôt mignon qui doit avoir à peu près ton âge. Tu portes ton sempiternel t-shirt blanc avec col en V délicieusement ajusté à ta plastique élancée, il porte un maillot aux couleurs du TFC. Un footeux, donc. Tu es beau et sexy, il est sexy et beau.
    Je suis instantanément fasciné et intrigué par votre amitié, touché par votre complicité, jaloux de votre proximité.
    Je m’installe donc à une table pas trop éloignée du comptoir, en espérant pouvoir capter votre conversation et en apprendre un peu plus sur toi, sur vous.
    Et ma petite manigance ne manque pas de porter ses fruits. En captant vos échanges, j’apprends que toi aussi tu joues au foot, et que ce petit brun est l’un de tes co-équipiers. Mais aussi un pote, et depuis assez longtemps. Peut-être même ton meilleur pote.
    Et à cet instant précis, le fantasme prend le pas sur la fascination et la curiosité. Et d’autres questions se superposent à celles qui me hantaient déjà à ton sujet.
    Est-ce que, vestiaire après vestiaire, douche après douche, la promiscuité des corps et des regards n’a pas fini par faire germer en toi des questions, des doutes, des envies ? Est-ce que tu ne t’es pas dit, au sujet de ce sublime petit brun, « j’ai bien envie de tenter un truc avec lui » ?
    Soudain, je vous imagine dans un vestiaire, dans la pénombre, dans le silence, rien que tous les deux, après que tout le monde est parti.
    Je vous imagine hésitants, j’imagine vos respirations rapides, les regards à la fois aimantés et fuyants. J’imagine vos doutes, vos peurs, vos désirs encore inavoués et pourtant si intenses, si palpables.
    Et puis, j’imagine l’instant où vos attirances réciproques ont eu raison des barrières qui les empêchaient depuis longtemps déjà de se manifester et de se rencontrer. J’imagine l’instant où vos envies ont déboulé en force, comme une rivière en crue, comme un ressort tendu jusqu’à la limite de la rupture et enfin relâché.
    J’imagine l’instant magique où vos deux désirs se sont rencontrés, et se sont réciproquement compris, rassurés, encouragés.
    J’imagine le plaisir partagé, comme un feu d’artifice. J’imagine vos orgasmes, vos giclées chaudes qui jaillissent, qui aspergent la peau, le palais, qui dépucèlent.
    J’imagine tout ça. Je le fantasme.
    Ce que je ne fantasme pas, c’est ton prénom. Ce prénom que ton pote brun m’apprend en partant.

    Toulouse, le samedi 25 novembre 2017.

    Après m’être branlé à plusieurs reprises dans la semaine en t’imaginant en train de jouir dans le cul de ton pote, ou bien ton pote en train de jouir dans le tien, je ne manque pas de revenir te voir le samedi suivant.
    Aujourd’hui, ton pote brun n’est pas là. Je suis plus serein, j’ai l’impression de t’avoir « un peu plus pour moi ». Et je n’ai surtout pas à supporter les piqûres d’un début de jalousie qui m’a cueilli en te voyant si complice avec ton pote samedi dernier.
    Je savoure mon cappuccino tout en te regardant voltiger entre les tables, beau comme un Dieu. Et je me dis que tu es tout à fait le genre de mec qui a pu faire tomber amoureux de toi ce camarade timide et maladroit et qui ne regardait pas les filles.
    Tu as tout à fait le profil pour avoir été le protagoniste de l’énième réécriture du scénario infiniment joué sur les bancs du collège ou du lycée, celui de l’amour impossible d’un jeune homo pour un mec à nanas. Une histoire qui se répète de façon immuable, à chaque génération, chaque année, chaque jour, dans presque chaque classe.
    Petit barman, as-tu remarqué un jour ce camarade de classe qui n’osait pas de parler et qui baissait les yeux quand il croisait ton regard ?
    Sais-tu à quel point le fait de ne pas oser aller vers toi, de peur de se faire jeter, le meurtrissait ?
    Sais-tu qu’aujourd’hui encore, il lui arrive de repenser à toi, comme à l’une des plus grosses frustrations de sa jeunesse ?
    Sais-tu à quel point il t’avait dans la peau, à quel point il avait envie de toi ?
    Peut-être que ça ne t’a jamais percuté. Ou alors, bien au contraire, tu l’as bien remarqué, ça t’a flatté. Et tu en as un peu joué, mais sans aller plus loin. Car, au fond de toi, ça te plaisait de sentir le désir que tu lui inspirais. Et de savoir que si tu avais voulu aller plus loin, il t’aurait suffi d’un mot, d’un geste. Ça te donnait un sentiment de toute puissance.
    Mais ce mot, ce geste, tu ne les as jamais employés. Car, même si tu y as pensé quelques fois, ça ne t’a jamais vraiment branché. Ou alors, tu n’as tout simplement pas eu le cran.
    Puis, le bac est arrivé, et vos chemins se sont séparés. Tu es parti dans ta vie et lui dans la sienne, tu ne l’as plus jamais revu, et tu n’as plus jamais pensé à lui.
    Ou bien, peut-être qu’au fond de toi tu te souviens de ses regards amoureux. Peut-être que tu es parfaitement conscient que plus jamais personne depuis ne t’a regardé de cette façon. Avec cette intensité, avec cette passion, avec cet amour éperdu. Peut-être que plus jamais personne n’a été aussi amoureux de toi que lui il l’était à ce moment-là.

    Peut-être que rien de cela ne s’est passé dans ta vie. Ou que si ce camarade a vraiment existé, tu n’as jamais rien su de ce qu’il ressentait pour toi.

    Il est temps pour moi de partir. Mais, avant cela, un dernier instant de bonheur, celui de m’approcher une dernière fois de toi pour régler ma consommation. J’attends que tu reviennes derrière ton comptoir. A cet instant, tout le monde semble servi, et tu t’autorises un instant de détente.
    Tu lèves les bras, tu plies les coudes, tu serres les poings. Puis, tu les rouvres, tu portes tes mains derrière la nuque, tu ramènes les épaules en arrière, tu bombes le torse. Tu bailles, tu t’étires.
    Toute cette manœuvre a pour effet immédiat et magique de bien faire ressortir le dessin de tes pecs sous le coton blanc, de faire pointer tes tétons, de soulever le bas de ton t-shirt, découvrant d’abord l’élastique noir de ton boxer. Mais aussi, image furtive mais incandescente, cette ligne de petits poils dorés et fins qui descend depuis ton nombril, comme pour indiquer le cheminement vers ton sexe.
    Et ce qui rend la chose super-excitante c’est que tu n’as pas conscience de ce qui vient de se passer.
    —    Mauvaise nuit ? je te questionne en m’approchant du comptoir, et de toi, en espérant intimement que tu ne te contentes pas d’acquiescer.
    —    Oui, pas terrible, tu me réponds sans rien ajouter de plus, en douchant tous mes espoirs d’en savoir davantage sur ce, celle ou celui qui a rendu ta nuit « pas terrible ».
    Avant de m’encaisser, tu te penches sur l’évier pour attraper des verres, ce qui m’offre une deuxième rare vision de bonheur. Le col en V de ton t-shirt baille un peu, permettant ainsi à mon regard ravi de glisser assez profondément dans l’espace entre le coton et ta peau délicatement velue.
    Je suis tout proche de toi, j’ai l’impression de capter un parfum de gel douche qui se dégage de ta peau.
    A cet instant précis, hanté par ces deux images volées de ton intimité, je suis secoué par une furieuse envie de plonger mon nez dans l’échancrure de ton t-shirt, de caresser les poils de ton torse, de capter, de m’enivrer de l’odeur de ta peau, de descendre le long de ton torse pour humer les poils fins en dessous de ton nombril.
    Petit serveur, si tu savais comment j’ai envie de toi, ce matin !

    Je règle en espèces. Lorsque tu me rends la monnaie, je provoque volontairement un contact furtif.
    Et à l’instant où les bouts de mes doigts effleurent la peau chaude de ta paume, mon corps est parcouru par un frisson secret et furieusement excitant. Je sais qu’il ne se passera jamais rien entre nous. Mais à cet instant, j’ai plus que jamais envie de te dire que tu es vraiment un garçon charmant, et que tu es beau à se damner.
    J’aimerais trouver le courage de lancer le pavé de mon désir dans la mare de ta pudeur. Mais ce courage, je ne l’ai pas.
    Et puis le café est bondé, je ne veux surtout pas te mettre mal à l’aise.
    Et puis tu es trop jeune pour moi, et puis dans tous les cas tu ne voudrais pas de moi, et patati et patata. Celui qui tente quelque chose, risque toujours un refus. Mais à celui qui ne tente pas, le refus s’inflige tout seul.

    Je me souviens parfaitement du choc que j’avais ressenti lorsque j’avais entendu ton pote brun au maillot du TFC te lancer, samedi dernier, en quittant le comptoir :
    « Salut, Jérém ! ».
    Là, j’avais été saisi par une douleur insoutenable, le genre de douleur provoquée par une nouvelle blessure sur une plaie toujours ouverte.
    Jusqu’à cet instant, ta beauté, ton élégance naturelle, ton aisance, m’avaient rendu dingue de toi, tout en me rappelant vaguement des souvenirs. Mais la découverte de ton prénom avait précisé ces souvenirs, les avait rendus beaucoup plus nets. Et, surtout, douloureusement vivants.
    La boucle était bouclée, le lien était établi entre le passé et le présent.
    Bien sûr, physiquement, tu ne lui ressembles pas vraiment. Tu es châtain clair, avec un regard clair et lumineux, alors que lui était très brun, avec un regard de braise. Tu as un petit physique élancé, le sien était sculpté par le rugby.
    Mais depuis que je connais ton prénom, lorsque je te regarde voltiger entre les tables de ton café, je le revois, lui, alors qu’il avait à peu près ton âge, en train de servir ses clients en terrasse, avec les mêmes gestes, la même aisance, la même élégance.   
    Plus de quinze ans séparent ces deux images, ces deux moments. Tu n’étais qu’un enfant à l’époque où ce gars travaillait déjà dans la brasserie à Esquirol, à l’époque où j’étais déjà en âge de tomber amoureux.

    Il ne me reste qu’à te souhaiter une bonne journée, en bon client lambda, et à quitter le café.
    Dans cette grise matinée du mois de novembre, un petit vent très froid s’est levé. Je remonte le col de ma veste, je plonge mes mains dans les poches, et je marche dans les allées en direction de la maison de mes parents.
    Au fil de mes pas, une chanson mélancolique remonte de mon esprit.

    Ce soir le vent qui frappe à ma porte
    Me parle des amours mortes
    Et je pense aux jours lointains
    Que reste-t-il de nos amours
    Que reste-t-il de ces beaux jours…




  • Commentaires

    1
    Yann
    Vendredi 22 Décembre 2023 à 15:15

    Dix ans que Jérém et Nico se sont quittés. Dix ans que leurs vies sentimentales sont des déserts. Dix ans de solitude. Dix ans que l'un comme l'autre, ils espèrent l'autre heureux sans savoir que tous les deux, ils sont aussi malheureux. Dix ans à regretter leurs choix. Nico pensait que, sans sa passion pour le rugby, Jérém ne serait pas heureux et il a préféré sacrifier son amour. Jérém lui pensait, par sa passion, atteindre le zénith et n'imaginait pas que tout exploserait un jour en plein vol sous la pression d'homophobes et d'une certaine presse à scandale. D'ailleurs où était le scandale ? Dans le fait qu'un garçon puisse en aimer un autre ou dans celui de briser des personnes, des vies, des carrières ?

    Dix ans à se poser chacun des questions. Mais où est le Nico d'avant, toujours si prompt à prendre un train ou un avion pour aller chercher des réponses à ses questions ?

    Quand on est ado on aspire qu'à une chose : devenir maître de sa vie. Et une fois cette étape atteinte, on imagine le futur à l'image du présent alors que chaque jour qui passe nous transforme et transforme la vie, notre vie.

    Après dix ans ils ne sont plus les mêmes. Ils en font le constat. Jérém, quand un garçon lui répond "Sorry, too old for me !". Le temps passe et avec lui la jeunesse, l'insouciance, l'attirance. Nico, lui revit par procuration son amour pour Jérém avec ce jeune serveur qu'il observe dans le café où il se rend régulièrement. Parce que ce garçon incarne la jeunesse, l'insouciance qui était la sienne il y a dix ans.

    Après dix, je me prends à imaginer, s'ils se retrouvent, à ces "secondes premières fois". Quels seront leurs premiers mots, leurs premiers gestes l'un vers l'autre. Quand ils referont l'amour. Leurs retrouvailles seront -elles aussi touchantes qu'à la halle de Campan ? Probablement plus encore.

    Joyeuses fêtes à toutes et tous.

    2
    Virginie-aux-accents
    Samedi 23 Décembre 2023 à 23:03

    Dans l'épisode précédent, Nico affirmait que le temps avait guéri ses blessures et qu'il n'y avait plus qu'une simple cicatrice qui se rappelait à lui de temps en temps. C'était déjà difficile à croire, mais cet épisode souligne à quel point c'est faux. Certes, Nico peut tomber sous le charme d'un bel inconnu d'un simple regard, mais le prénom de Jérèm ravive aussitôt toute la puissance de ses souvenirs.

    Comme Yann, je rêve de retrouvailles dix ans après. J'ignore si elles seraient plus touchantes que celles sous la halle de Campan (extraordinaires), mais je crois que Nico et Jérèm en ont besoin tous les deux.

      Bonnes fêtes à toi, Fabien, et à tous tes lecteurs.

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