• 0406 D’un bout à l’autre de la Planète.

    L’année 2016.

     

    Brisbane, janvier 2016, au petit matin.

    Dans une cellule de dégrisement d’un poste de Police.

     

    Allongé sur le petit lit de ta cellule, le corps meurtri par les coups, épuisé par la fatigue et par une migraine terrible, tu te sens mal, très mal, pire que mal. Tu n’arrives pas à réaliser ce qui s’est passé, ce que tu as fait. Tu ne peux admettre d’en être arrivé là, tu ne peux t’empêcher de ressentir un profond écœurement à ton égard.

    Pourtant, ça fait un bail que tu te déçois toi-même, chaque jour un peu plus que le précédent. Au cours de ces trois années, tu t’es senti tomber de plus en plus bas, tu t’es senti entraîné dans un cercle vicieux duquel tu n’as pas pu t’extirper.

    Mais tu ne t’es jamais senti aussi minable qu’à cet instant où le bien le plus précieux pour un homme, sa liberté de mouvement, vient de t’être retiré pour une durée encore indéterminée.

    Tu appréhendes les conséquences de cette horrible nuit. Tu t’en veux à mort pour la violence dont tu t’es montré capable, pour cette noirceur qui s’est exprimée chez toi, qui a explosé en un instant, et sans raison valable. Tu sais que tu ne te pardonneras pas d’en être arrivé là.

    Tu crains que ta famille et tes amis puissent apprendre un jour ce que tu as fait.

    Tu crains par-dessus-tout qu’IL apprenne un jour ce que tu as fait. Et qu’il soit déçu et dégoûté au point de se demander comment il a un jour pu tomber amoureux d’un sale type comme toi.

     

    Toulouse, janvier 2016.

     

    La nouvelle année démarre sur une sorte de nuage que je me suis construit autour de ma nouvelle passion. Je passe tout mon temps libre à écrire, soirées, nuits, week-ends. Et, devant mon clavier, je ne vois pas les heures passer.

    Ça occupe mon esprit et ça me plaît. Même si mon seul lecteur, c’est moi-même. Mais ça me suffit. Je ne me sens pas prêt à partager mes récits avec qui que ce soit. C’est mon jardin secret, et ce que j’y cultive, c’est de l’ordre du très intime.

    Les seuls moments où j’interromps mon écriture, c’est quand Martin me sonne. Agréables interludes qui me font renouer avec une certaine sensualité. 

    Je sais que ce que j’ai avec Martin ce n’est pas une relation équilibrée, et qu’elle contribue dans une certaine mesure à m’empêcher de rencontrer un gars avec qui je pourrais être heureux. Mais pour l’instant, ce gars je ne sais pas où le chercher.

    Alors, oui, avec Martin, c’est une relation « faute de mieux », une relation purement sexuelle. Saupoudrée d’une certaine complicité, certes, mais qui ne m’offrira jamais une relation véritable.

    Mais c’est aussi une relation qui ne me demande aucun investissement, une relation par laquelle je me laisse porter. Une relation qui me laisse toute la latitude pour tenter de faire la paix avec mon passé.

    En fait, il y a d’autres occasions où je suis « forcé » de détacher les yeux de l’écran et les doigts du clavier. C’est lorsque Galaak vient se coller contre ma jambe et pousser avec une force capable de faire rouler mon fauteuil de bureau avec moi assis dessus.

    C’est lorsqu’il réclame une sortie pipi, ou bien ses croquettes, un câlin, ou tout simplement un peu de mon attention. Ou une séance « pouic pouic ». Pour cela, il a bien appris du pauvre Gabin. Il approche avec le jouet entre les crocs, il est tout fou fou, mignon à croquer, et il le laisse tomber à mes pieds. Le message est clair. « Et maintenant, on joue ! La vie c’est fait pour jouer, aussi ! ».

    C’est la pause Galaak.

     

    Brisbane, janvier 2016.

     

    Le désastre était inévitable. Ton esprit était trop noir, et depuis bien trop longtemps. Et tu étais saoul, beaucoup trop saoul. Tu étais une bombe ambulante à la charge instable. Tu aurais pu exploser à chaque instant, pour peu qu’une étincelle se présente sur ton chemin.

    Et l’étincelle s’est présentée sous la forme d’un gars croisé sur une fête foraine, lui aussi un tantinet éméché. Vous êtes passés l’un à côté de l’autre, et ni lui ni toi n’avez rien fait pour éviter la collision. Vos épaules se sont heurtées violemment. Tu t’es retourné, il s’est retourné. Les insultes ont volé. 

    Et puis, l’outrage de trop est sorti de la bouche de ce type :

    « Fukin’ fag ! ».

    Là, tu as vu rouge. Tu l’as cogné en premier. Le gars était costaud, il ne s’est pas laissé faire, tu as pris quelques coups très violents en retour. La douleur et l’odeur de ton sang ont décuplé la rage qui couvait en toi. Tu t’es relevé, et tu t’es jeté sur lui. Tu l’as cogné de toutes tes forces. Et tu as fini par avoir le dessus. 

    Toute la rage, la colère, la tristesse, le sentiment d’injustice, l’humiliation, la déception, la solitude accumulées depuis des années sont sorties de toi, d’un coup, d’un seul, te transformant en un fauve à la violence incontrôlable.

    Et tu l’as frappé encore et encore. Le type s’est transformé en punchingball, en exutoire tout trouvé pour ton esprit meurtri par trop d’années de subissements. Et il a pris pour tous ceux qui t’ont humilié ou fait du mal un jour.

    Il a pris pour ces connards qui t’ont tabassé, à Paris, le soir de tes 25 ans, et qui t’ont volé des mois de rugby, et ton fragile équilibre si difficilement bâti.

    Il a pris pour ceux qui t’ont traité de pédé pendant un match après ton retour sur le terrain.

    Il a pris pour ces charognards qui t’ont pris en photo avec Rodney, qui ont écrit de la merde, qui l’ont publiée, en anéantissant ainsi, juste pour vendre un peu plus de papier, toute ta carrière au rugby.

    Il a pris pour ceux qui t'ont aimé et admiré tant que tu marquais des essais et qu'ils te croyaient hétéro, et qui t'ont craché dessus quand ils ont su que tu étais gay.

    Il a pris pour les sponsors qui se battaient pour t'engager et qui ont tous disparu jusqu'au dernier le lendemain de l'article sur ce maudit torchon.

    Il a pris pour ceux qui t'ont poussé vers la sortie du rugby alors que tu avais encore tant de belles années devant toi.

    Il a pris pour toute cette humiliation qui t’a meurtri, t’obligeant à fuir à l’autre bout de la Planète.

    Tant qu’à y être, il a pris aussi pour ceux qui n'ont pas voulu de toi au Stade Toulousain après ton bac. Un rêve, celui de jouer en Noir et Rouge, qui ne t’a jamais quitté, et qui a été presque à ta portée à un moment, avant de d’être lui aussi arraché le soir de tes 25 ans.

    Et, pourquoi pas, il a pris aussi pour le mec qui a séduit ta mère et qui l’a amené avec lui alors que tu n’étais encore qu’un enfant. Et pour les gosses en CP qui se moquaient de toi et te bousculaient parce que tu étais un enfant petit, maigrichon, isolé et taciturne.

    Il a pris aussi pour ce joueur biarrot qui t’a explosé le genou lors d’un placage et qui t’a volé une année de rugby. Et pour tous ces coups que tu as pris parce que tu étais le joueur à abattre pour espérer remporter le match. Des coups répétés et violents, dont le souvenir se réveille de plus en plus souvent dans ta chair, et de plus en plus douloureusement.

    Au final, le gars de la fête foraine a pris pour toute la colère qui s’est accumulée en toi jusqu’à devenir totalement incontrôlable le jour où tu t’es retrouvé seul et sans rêves.

    Il a pris pour tous ceux qui auraient mérité tes coups, il a pris les coups que tu ne pourras jamais assener à leurs destinataires naturels.

    Il a pris parce que tu te détestes, tu te dégoûtes d’être gay, car tu sais que cette « tare » te suivra toute ta vie et que ça jouera toujours contre toi. Parce qu’être pédé a été la source de tous tes problèmes. Parce qu’être pédé t’a fait tout perdre, le rugby, ta passion, ton rêve, les honneurs, la gloire, la belle vie, tes potes. Et l’amour, aussi.

    Et par-dessus tout, il a pris pour ta solitude et ton malheur actuels qu'aucun voyage, aucune cuite, aucune baise n'arrive pas à te faire oublier.

    Heureusement, quelqu’un est venu s’interposer, t’immobiliser. Ils ont dû s’y prendre à plusieurs pour te maîtriser. Retenu par de nombreux bras charitables, ta pression retombe d’un coup et tu réalises avec horreur ce que tu viens de faire. Tu regardes le type à terre et cet autre gars qui lui porte secours. Et déjà les remords déchirent ton âme. 

    La peur du pire t’envahit, tu te mets à trembler comme une feuille. Et les larmes sortent de toi comme un torrent en crue, tu pleures sans plus pouvoir t’arrêter. 

     

    Toulouse-Martres Tolosane, janvier 2016.

     

    En ce début d’année, ça bouge dans mon taf. Suite à un départ à la retraite, je me vois proposer un nouveau poste qui m’amènera à être le plus souvent présent sur les sites d’exploitation au sud de Toulouse.

    L’envie de me rapprocher de mon nouveau taf se joint à celle de prendre un nouveau départ et de chercher un meilleur cadre de vie pour moi et mon Galakou d’amour. Je décide de quitter Toulouse et d’emménager à la campagne. Après une courte recherche, je pose mes valises dans une maison avec un grand jardin située dans un très charmant village sur la route des Pyrénées. 

    En quittant Toulouse, je m’éloigne de tous mes repères, ma famille, mes amis. C’est un nouveau départ, un saut vers l’inconnu. Mais je crois que je vais être bien à Martres-Tolosane.

    Le soir de mon emménagement, je regarde Galaak gambader dans le jardin et poser son odeur aux quatre coins de la clôture. Je crois que lui aussi va être bien ici.

     

    Brisbane, janvier 2016.

    Dans une cellule du Centre Correctionnel.

     

    La question ne cesse de tourner dans ta tête. Comment as-tu pu en arriver là ? Comment es-tu devenu cette bombe à retardement qui ne demandait qu’à exploser ?

    A bien regarder, cette « charge explosive » s’est accumulée en toi depuis ton enfance. Elle est la somme de tes peurs, de tes frustrations, et de tes humiliations.

    Le fait est qu’au lieu d’affronter tes démons intérieurs, tu as trop souvent choisi de les fuir. C’est tout toi, ça, Jérém. Fuir plutôt qu’assumer. Depuis le temps, tu devrais avoir appris la chanson. Mais ce n’est toujours pas le cas, hélas.

    Il ne sert à rien de fuir pour tenter de semer tes démons intérieurs. Car ils sont en toi. Et si tu ne leur règles pas leur compte, ils ne cessent de grandir avec le temps. Jusqu’à ce que la jauge se retrouve à un niveau critique.

    C’est ce qui t’est arrivé, Jérémie.

    Après la bagarre, l’attente des secours t’a paru interminable. Tu as été soulagé de voir que le type que tu avais cogné semblait moins amoché qu’il t’avait semblé sur le coup.

    Quant à toi, tes quelques blessures étaient plutôt légères. Ainsi, après un court détour par les urgences, la Police t’a embarqué et foutu en cellule de dégrisement. La dynamique de l’« accident » a été très vite reconstituée. Ton état d’alcoolémie crevait le plafond. Le type aussi était saoul. Mais toi, tu t’es acharné sur lui, de nombreux témoins ont pu le confirmer. Tu as été renvoyé en comparution immédiate devant un juge.

    Tu as eu de la chance. Ton avocat t’a appris que le type n’aura pas de séquelles. Et tu as pleuré de soulagement.

    La sentence a été somme toute clémente. Deux mois avec sursis, quelques dizaines d’heures de travaux d’intérêt général, le remboursement des frais médicaux du type, ainsi qu’un fort dédommagement.

     

    Martres Tolosane, début avril 2016.

     

    Près de trois mois après mon installation à Martres, la maison est enfin complètement aménagée. Le printemps arrive, et je sens monter en moi une nouvelle envie, celle de recevoir du monde dans mon petit chez moi à la campagne. Autour de grillades dans le jardin, je pends la crémaillère en plusieurs actes.

    D’abord avec ma famille, Papa, Maman, mais aussi Elodie, Philippe et la petite Lucie. Elle n’est plus si petite d’ailleurs, la crevette a bien grandi, elle va bientôt avoir 14 ans, et il semblerait qu’elle ait déjà un amoureux au collège.

    Quelque temps plus tard, c’est au tour de mes amis de découvrir mon nouveau cadre de vie. A commencer par Thibault et Arthur, les deux adorables pompiers, forts désormais d’une histoire de près de dix ans. Ils ont également amené le petit Lucas qui, du haut de ses 14 ans et demi, est en train de devenir plutôt beau garçon. La passion sportive de son papa ayant déteint sur lui, il ne jure que par le rugby et il joue dans une équipe junior au poste d’ailier. Comme Jérém en son temps.

    Sont également de la partie Julien, le beau moniteur d’autoécole, ainsi que sa (nouvelle) copine, une certaine Laura. « Je crois que c’est la bonne » il m’a lancé discrètement en arrivant chez moi, tout en accompagnant ses mots avec un sourire fripon et un clin d’œil malicieux en contraste total avec ses propos. 

    J’ai bien évidemment convié Stéphane et Iban, dont la relation dure depuis trois ans déjà.

    Entouré de mes amis, je me sens bien, je passe une très agréable journée. La conversation est rythmée, joyeuse. Personne ne se hasarde à évoquer de près ou de loin le sujet qui pourrait gâcher l’ambiance.

    C’est fou comme près de dix ans après ma séparation avec Jérém, ce sujet soit toujours tabou. C’est certainement de ma faute. J’ai voulu me protéger, et mes amis ont respecté cela. Jérém a disparu de nos conversations. J’aimerais pouvoir demander de ses nouvelles, je voudrais pouvoir montrer que je suis guéri, que j’ai fait mon deuil de cette histoire.

    Mais j’ai peur de demander, j’ai peur de savoir, j’ai peur que le deuil ne soit toujours pas achevé.

     

    Brisbane, avril 2016.

     

    Après avoir réglé ta dette avec la justice, la nouvelle année peut enfin commencer pour toi, Jérémie. Cependant, rien ne laisse présager qu’elle sera différente de la précédente. 

    Car tes démons intérieurs reviennent aussitôt te titiller. Tu ne veux pas retomber dans les travers qui t’ont conduit à cette maudite bagarre, mais tu sens que tu n’es pas assez fort pour remonter la pente tout seul.

    En fait, tu n’as jamais été assez fort pour être bien tout seul. Tu as toujours eu besoin de te sentir épaulé pour être bien.

    Enfant, c’est Thibault qui t’a soutenu en premier. Et c’est grâce à lui que tu avais rencontré le rugby. Et, avec le rugby, c’est tout un monde qui s’ouvrait à toi, .

    C’est grâce au rugby si tu avais enfin eu des potes. C’est encore grâce au rugby que tu t’étais taillé ce corps musclé qui a attiré sur toi les regards depuis ton adolescence. Et c’est toujours grâce au rugby que tu avais trouvé une passion, que tu t’étais senti à ta place pour la toute première fois de ta vie, que tu avais gagné de l’assurance, que tu t’étais senti respecté, admiré, jalousé même.

    Le rugby t’avait permis d’affronter et d’apprivoiser l’un de tes démons, la peur de l’exclusion.

    Mais un autre était à l’affût, et celui-ci te paraissait encore plus terrifiant que le premier.

    Ce démon épouvantable était celui de tes attirances inavouables.

    Et là, c’était Nico qui avait pris le relais. Nico avait su te montrer qu’il n’y avait rien de mal à aimer un garçon, et qu’être gay n’était pas une tare, et que ça ne t’ôtait pas le droit d’être heureux.

    Avec Nico, tu avais appris à accepter qui tu étais, et à ne plus te détester parce que tu es gay. 

    Ulysse t’avait lui aussi beaucoup soutenu. Il t’avait aidé à t’intégrer dans le monde du rugby professionnel, il t’avait lui aussi donné une « recette » pour que tu puisses dépasser ta peur d’échouer, pour que tu croies en toi.

    Au final, tu avais fini par trouver un certain équilibre entre ta passion et ta vie, entre le rugby et Nico. Mais tout cela avait volé en éclat le soir de tes 25 ans.

    Ce soir-là, tu t’étais senti doublement vulnérable.

    D’abord « physiquement ». Car, même si tu avais essayé de te défendre et de défendre Nico, tu n’avais pu faire qu’encaisser, et regarder Nico encaisser lui-aussi, les coups de ces bâtards. 

    Mais dès le lendemain, tu t’étais également senti vulnérable « socialement ». Il a fallu des années de « mise en scène » pour construire ton image d’hétéro socialement acceptable, des années d’efforts et d’exploits pour façonner ta carrière de rugbyman professionnel de premier plan. Et il avait suffi d’un instant pour que toute ta construction s’effondre. Tu ne t’attendais pas à ça. Et ça, ça t’avait traumatisé.

    Ton image avait volé en éclats, et tu te sentais considéré comme un imposteur, un menteur, un traître.

    Pendant les longs mois de convalescence, tu avais réussi à récupérer ton corps, mais pas ton mental. Ni ton aura de sportif prestigieux. L’humiliation et la honte t’avaient suivi jusque sur le terrain, lors de ton retour en équipe. Tu t’étais fait insulter. Dès lors, tu avais su que tu ne pourrais plus jamais revenir au top dans le rugby.

    Tu étais si mal que tu avais même imaginé quitter le rugby pour de bon. Tu cherchais surtout à fuir l’humiliation publique d’un outing forcé. C’était vital pour toi, c’était ta façon de sortir la tête de l’eau, de ne pas te noyer.

    Puis, tu avais croisé la route de Rodney. Ce qui t’avait immédiatement plu chez lui, ça avait été sa façon de s’assumer. Rodney était un rugbyman connu et respecté qui vivait sereinement son homosexualité, sans vraiment s’en cacher, sans en avoir honte, et sans que cela nuise à sa carrière. Et en plus, il était tellement charismatique ! Il était pote avec tout le monde, il était extrêmement populaire. Ça t’a paru fou, incroyable.

    Nico avait été une inspiration, Rodney t’apparaissait carrément comme un modèle.

    Après le traumatisme de l’agression parisienne, tu as cru que tu serais davantage en sécurité avec lui.

     

    Martres Tolosane, fin avril 2016.

     

    Martin m’avait annoncé son départ à l’automne dernier. Et c’est maintenant que ça se concrétise. J’ai beau m’y être préparé, lorsqu’il m’a annoncé la date précise de son déménagement en Normandie, j’ai senti un peu plus de vide gagner mon cœur. Ma relation avec Martin aura duré tout juste un an. Ce garçon n’était qu’un sex-friend, certes, mais d’une certaine façon je m’étais attaché à lui. Tout autant que nos galipettes, nos conversations vont me manquer. Sa présence va me manquer. Le regard qu’il portait sur moi me faisait me sentir attirant, son envie de remettre « ça » régulièrement me faisait me sentir désirable. Au final, sa présence contribuait à maintenir un semblant d’équilibre dans ma vie.

    D’un autre côté, j’ai comme le sentiment que son départ marque également un nouvel essor pour moi. En fait, l’année 2016 commence vraiment après le départ de Martin.

     

    Brisbane, avril 2016.

     

    Et puis, tout a volé en éclats à nouveau, le jour où ces maudites photos avaient été publiées.

    Tu te souviens de ce jour de l’été 2009 comme si c’était hier. Tu l’avais appris en même temps que Rodney, par un coup de fil reçu par ce dernier. Votre agent vous avait informés que le tabloïd était en kiosque, et que les photos circulaient sur Internet. Le mal était fait, le désastre irréversible.

    Tu avais cru que le ciel te tombait sur la tête. Et tu n’arrivais pas à comprendre comment Rodney, après un court moment de surprise, puisse avoir l’air si serein. Il tentait de te rassurer, mais son calme ne faisait qu’amplifier tes angoisses. Tu étais obsédé par les conséquences désastreuses que cette affaire aurait sur ta carrière, par la honte que tout le monde sache que tu étais pédé.

    Sept ans après la parution de ces maudites photos, tu ressens toujours en toi un sentiment de terrible gâchis et de profonde injustice.

    Le lendemain de la publication, tu étais très mal. Tu te cassais la tête en essayant de trouver ce qu’il convenait de faire, s’il existait un moyen pour rattraper le coup. Mais tu étais sous le choc, tu paniquais, et tu étais incapable de réfléchir.

    Pour toi, la désillusion a été douloureuse. Car tu venais d’en faire l’expérience, à chaque fois que tu avais eu l’impression d’être en sécurité, la vie venait violemment te rappeler que tu ne le seras jamais, nulle part.

    Quelques jours plus tard, le téléphone de Rodney avait sonné à nouveau. C’était le journaliste d’une grande chaîne anglaise qui lui proposait une interview pour donner son point de vue vis-à-vis de ces photos. L’invitation était également valable pour toi, Jérémie. Toi aussi tu étais convié à t’exprimer au sujet de ces images volées.

    Mais pour toi, c’était hors de question de te prêter à cet exercice périlleux. Te montrer publiquement après le tollé provoqué par ces images était au-dessus de tes forces. 

    Mais Rodney voyait les choses autrement. Il avait envie de régler ses comptes avec une certaine presse indigne, il voulait y aller la tête haute, assumer qui il était, et dire « merde » à ceux qui le jugeaient. Tu avais tenté de l’en dissuader. Il n’y avait pas eu moyen. Il était trop déterminé à ne pas subir.

    La parution des photos avait ébranlé ton équilibre. Le choix de Rodney avait empiré ton mal-être. Tu savais que ton nom serait évoqué, alors que tout ce que tu voulais était qu’on t’oublie. 

    Ça n’avait pas raté, ton nom était sorti dans l’interview. Rodney avait été très correct vis-à-vis de toi, tu avais vraiment apprécié sa façon de recentrer le sujet de l’interview. D’ailleurs, au fond de toi tu savais qu’il avait fait le bon choix, et que dans son interview il avait été juste, ferme, et exemplaire. Au fond de toi, tu avais admiré son choix, sa maturité, sa force.

    Et pourtant, tu n’avais pas su le lui montrer. Tu étais trop mal pour ça. Tu avais prétendu lui en vouloir du fait d’avoir encore remué cette histoire, alors qu’en réalité tu t’en voulais à toi de ne pas être aussi fort que lui.

    Rodney avait assumé, et il était passé à autre chose. Alors que toi, tu avais fait un refus d’obstacle, et tu étais resté bloqué là-dessus.

    Cette histoire avait mis un arrêt net et brutal à vos carrières. Les sponsors vous avaient lâchés du jour au lendemain, et la direction de l’équipe avait tout simplement annulé le renouvellement de vos contrats. Il n’y avait plus rien eu à faire, pas de recours possible.

    De toute façon, tu n’aurais plus osé te pointer dans un vestiaire. Le sentiment de honte te paralysait. Tu te disais qu’où que tu ailles, tu risquerais toujours d’être harcelé et humilié.

    Au final, Rodney s’en était sorti la tête haute. D’autant plus que, pour lui, l’arrêt de sa carrière au rugby ne portait pas grand préjudice. Car elle avait été écourtée d’un an ou deux au maximum.

    Mais toi, toi tu ne t’en tirais pas à si bon compte. Ta carrière était loin d’être terminée, et tu avais encore de belles années devant toi. Toi t’étais passé direct de la gloire au déshonneur sans transition, et la chute avait été particulièrement brutale.

    Tu avais donc fait le choix de fuir pour ne plus être exposé médiatiquement. Tu étais parti le plus loin possible de tout ça.

    Rodney n’avait pas besoin de fuir, ni de s’exiler à l’autre bout de la Planète. Il était bien dans ses baskets, lui. Mais il savait que tu étais mal, et il t’avait rejoint en Australie. Il avait choisi d’être avec toi plutôt qu’avec sa famille. C’était un beau geste d’amour.

    Mais tu t’étais renfermé sur ton malheur, tu étais devenu instable et agressif. En dépit de l’amour que Rodney te portait, de son soutien, de sa présence, de sa patience, ton mal-être n’avait fait que grandir et il avait très vite eu besoin d’une cible pour s’exprimer. Cette cible était toute trouvée.

    Tu avais été insupportable avec Rodney, injuste, infecte. Tu lui en avais voulu sans raison valable, tu avais recommencé à boire, tu avais refusé de te reprendre en main. Tu l’avais trompé. Il t’avait pardonné. Tu avais recommencé. Les disputes étaient arrivées, de plus en plus fréquentes, de plus en plus violentes.

     

    Martres Tolosane, mai 2016.

     

    Comme chaque année, le début du mois de mai est pour moi une source de nostalgie et de mélancolie. Le deux du mois est l’anniversaire de la première révision avec Jérém dans l’appart de la rue de la Colombette. Et cette année, l’anniversaire est de ceux qu’on « fête ». 15 ans déjà !

    Tout comme il y a 15 ans, ce soir le vent d’Autan souffle. Il me ramène les souvenirs de l’année 2001 et celles qui l’ont suivie, les plus heureuses de ma vie, les années où j’ai été amoureux, les années où j’ai aimé.

    Dans cette période de nostalgie inconsolable, la présence de mon Galakou d’amour est particulièrement précieuse. Il y a une connexion particulière entre lui et moi, un lien qui fait qu’il est capable de sentir venir mes larmes, et d’intervenir avant même qu’elles coulent sur mes joues. Sa technique est simple. Il vient alors se blottir contre ma jambe, il relève le museau, il ouvre sa gueule en poussant des respirations appuyées, il émet un bruit qui ressemble à un bâillement mais qui n’est qu’une invitation au câlin, il cherche mon regard, il cherche le contact, il cherche un échange de tendresse.

    E lorsque je croise ses yeux emplis d’amour et de tendresse, je vais déjà mieux. Je plonge mes mains dans son poil aussi doux que son regard, et je vais encore mieux. Je saisis son museau avec ma main, je caresse ses joues qui remplissent parfaitement ma paume, et je vais beaucoup mieux. 

     

    Martres Tolosane, lundi 2 mai 2016, au soir.

     

    C’est la première fois que je ne vis pas cet anniversaire à Toulouse, que je ne me balade pas aux alentours de mon lycée, de la rue de la Colombette, du boulevard Carnot, de la Bodega, sorte de pèlerinage pour tenter de chasser ma mélancolie, tout en la cultivant. Car cette mélancolie, ce sentiment de manque, c’est tout ce qui me reste de mon histoire avec Jérém.

    Mais cette année, ce pèlerinage n’aura pas lieu. C’est peut-être un pas dans la bonne direction. Peut-être qu’un jour j’arrêterai de célébrer ce curieux anniversaire.

    Est-ce que Jérém y pense parfois, à ce jour de mai ? Est-ce qu’il pense parfois à moi ?

    Ce soir, alors que la tristesse me happe dans mon canapé, Galaak approche avec son ballon, le fait tomber. Il me regarde fixement pendant un petit moment, tout en remuant la queue. Et puisque je ne réagis pas assez vite, il finit par s’assoir, puis s’allonger sur le ventre, tout en faisant passer sa patte par-dessus le ballon, à la fois une invitation et un défi pleins de tendresse.

    Ce soir, j’ai l’occasion de faire l’une de plus belles photos de mon amour de Labrador.

     

    0406 D’un bout à l’autre de la Planète.

     

    Je saisis le ballon de rugby qu’il tient toujours sous la patte et je le lui lance. C’est parti, on va jouer.

    Jouer avec mon chien m’apaise. Le regarder courir après son ballon m’emplit de tendresse, car sa joie totalement insouciante est contagieuse. Et ma mélancolie se dissipe.

    Oui, c’est la pause Galaak. Redoutable thérapie de rugbydog.

     

    Sidney, mai 2016.

     

    Tu réalises que tu vas bientôt avoir 35 ans, et le bilan de ta vie est catastrophique. Tu as tout perdu de ce qui faisait ta vie d’avant.

    Tu repenses sans cesse aux années magiques de ta carrière dans le rugby professionnel.

    Tu repenses aux grands matches dans les grands stades, tu ne pourras jamais oublier le vertige qui t’avait cueilli la première fois que tu avais foulé la pelouse du Stade de France et que tu avais été soufflé par la ferveur, l’enthousiasme, le bruit de 80.000 supporters. Tu ne pourras jamais oublier cette vibration des supporters qui faisait trembler même la pelouse sous tes pieds et qui se transmettait à toi, jusqu’au plus profond de ton cœur. Non, tu n’oublieras jamais à quel point tu t’étais senti heureux et en phase avec toi-même, à cet instant précis !

    Tu repenses aux points marqués, aux point ratés, à la tension du vestiaire avant les matches, aux frissons du terrain, aux émotions partagées après une victoire ou même après une défaite. C’était tellement grisant tout ça !

    Tu repenses à ce jour mémorable où tu avais enfin soulevé le Brennus.

    Tu repenses aux pays que tu avais visités, aux équipes que tu avais affrontées avec le Tournoi des Six Nations.

    Tu repenses au temps où ta carrière était promise à un bel avenir que personne n’aurait pu te retirer.

    Tu repenses aux amitiés nées autour du rugby, et tu repenses à ces garçons qui étaient devenus des potes inestimables, Thibault, Ulysse, Rodney et qui t’avaient, chacun à leur façon, tant apporté.

    Tu repenses à d’autres rencontres, à des entraîneurs, des dirigeants, des anciens joueurs, tous ces gens qui avaient cru en toi, qui t’avaient témoigné de l’estime, des rencontres qui t’avaient marqué, aidé, rassuré, poussé à croire en toi et à te surpasser.

    Tu repenses à ta vision de l’avenir à l’époque, un avenir qui te semblait tout tracé. Tu te voyais jouer au rugby jusqu’à 35 ans, c’est-à-dire à peu près l’âge que tu as aujourd’hui. Si tout s’était passé comme prévu dans ta tête, à l’heure qu’il est, tu t’apprêterais peut-être à raccrocher les crampons. Mais ton « aura professionnelle » serait telle que tu aurais l’embarras du choix face aux nombreux postes d’entraîneur ou de consultant que les clubs les plus prestigieux de la Planète, en France ou à l’étranger, t’auraient proposé.

    Tu espérais jouer assez longtemps, avoir des statistiques assez impressionnantes, pour marquer durablement les esprits. Ton rêve le plus cher était qu’on se souvienne de toi comme de l’un des meilleurs joueurs de ta génération. Et même, si possible, comme l’un des meilleurs joueurs de tous les temps.

    Tu repenses à ton corps musclé en boxer sur des affiches en 3 sur 4 dans toutes les villes de France, à ta gueule dans la presse sportive et people.

    Tu repenses aux nanas qui faisaient clairement la queue pour avoir ta queue. Et à certains gars qui postulaient pour la même chose, juste un peu plus discrètement.

    Tu repenses à l’insouciance de ces années où l’argent coulait à flots, et où la dépense était sans compter.

    Tu repenses à cette impression que tu ressentais à cette époque en te levant le matin, l’impression que ta jeunesse serait toujours là et qu’elle te protègerait de tout. C’était l’impression d’être invincible, invulnérable, immortel. C’était une illusion, mais elle était tellement convaincante, que tu avais fini par y croire.

     

    Martres Tolosane, juin 2016.

     

    Pour tenter de combler le manque laissé par le départ du beau Martin, je reviens sur l’application.

    Pour me rendre compte que, primo, à la campagne il n’y a pas du tout le même choix qu’en ville. Au point que, certains soir, la mosaïque de l’application ressemble à s’y méprendre au shooting pour le casting des Gremlins.

    Et que, secundo, je n’ai pas besoin de ça, des plans sans lendemain, des rencontres fugaces, des heures perdues à essayer d’appâter un mec qui essaie d’en appâter un autre qui lui aussi essaie d’en appâter un autre. J’avais oublié à quel point tout cela est chronophage, frustrant et terriblement dévalorisant.

    Alors, je décide d’arrêter les frais. Je décide d’arrêter de gaspiller du temps et de l’estime de moi. A un moment, il faut savoir dire STOP. Il s’agit de prendre le temps de prendre un peu de recul, un peu de hauteur, d’admirer le paysage, d’attendre, de comprendre, de se comprendre, de se connaître soi-même, de comprendre ce dont nous avons vraiment besoin. Calmer le jeu est un exercice difficile, mais ça fait un bien fou.

    Pour me changer les idées, je peux toujours compter sur Galaak, mon clown attitré. Il me fait rire, égaie mes journées et mes soirées de sa simple présence.

    Dans mon jardin, il y a un cerisier, et ce printemps il est chargé à craquer. Un soir, alors que je suis en train de tondre la pelouse, j’entends un bruissement insistant de feuillage. Lorsque je lève mon regard, je n’en crois pas mes yeux. Galaak est posté sous le cerisier. Il est assis, le museau pointé vers le haut, tout son corps, son attention et son désir visant quelque chose de très précis. Un instant plus tard, je le vois se propulser avec ses pattes arrière, lever les pattes avant, se s'élancer en direction d’une branche, ouvrir la mâchoire au bon moment, la refermer sur une cerise, et atterrir en entraînant dans son mouvement la branche de l’arbre. Jusqu’à ce que le fruit se détache et que la branche retourne à sa position naturelle dans un mouvement brusque qui génère ce grand bruit de feuillage que j’avais entendu. Une fois atterri, il profite de sa prise, qu’il déguste lentement, avec une douceur extrême. Je découvre ainsi que mon chien, que je savais déjà gourmand de toute sorte de fruits, à l’exception des agrumes, est capable d’aller bouffer les cerises directement sur les branches basses de l’arbre. Je n’invente rien, j’ai la vidéo. 

    Nouvelle pause Galaak.

    Le Labrador est le meilleur des anti-dépresseur et, à ce titre, ses croquettes devraient être remboursées par la Sécu.

     

    Sidney, juin 2016.

     

    Mais tous tes rêves avaient été brisés en un instant. En quelques instants. Il avait suffi d’une agression gratuite, de quelques ragots et de quelques photos pour que ta forteresse de bonheur et tes rêves d’éternité s’écroulent comme un château de cartes. 

    Quel immense gâchis, alors que tu avais vraiment tout pour réussir !

    Près de sept ans après ton retrait soudain du rugby professionnel, qui se souvient encore de l’ailier Jérémie Tommasi qui a joué pendant plusieurs saisons, et marqué de très nombreux essais, dans l’une des équipes plus puissantes du Top XV ? Qui se souvient de tes sélections en équipe de France, ou de ta brillante carrière internationale en Angleterre et en Afrique du Sud ? Qui se souvient de ton nom, de ton palmarès ?

    Si quelqu’un se souvient de ton nom aujourd’hui, il y a à parier que ce soit plutôt en relation avec ces sales photos que pour tes exploits sportifs. Il y a à parier que si ton nom venait à être évoqué, il serait davantage associé à des moqueries et à du mépris qu’à de l’estime et à de l’admiration.

    Tu sais que ta chute a déçu énormément de monde, tous les gens qui ont cru en toi, qui t’ont poussé, encouragé, admiré, les entraîneurs, les coéquipiers, les supporters. C’est frustrant, et terriblement douloureux. 

    Tu imagines que ta déchéance doit régaler les gens qui ne t’aimaient pas. Et ça, c’est terriblement humiliant.

    Mais le pire, c’est la déception et l’inquiétude que tu as ressenties chez les gens qui t’aiment. 

    Maxime, ton père, Thibault, Ulysse, Charlène. Le plus dur, ça a été de décevoir les espoirs qu’ils avaient placés en toi, en ton avenir sportif. Tu as fini par les tenir à distance. Pour ne plus les sentir s’inquiéter pour toi, pour ne pas sentir leurs déceptions tout juste voilées.

    Aujourd’hui, plus rien ne te retient en Australie. Rien à part le fait d’être désormais complètement fauché. Après avoir réglé les frais médicaux et les dédommagements du type que tu as tabassé à la fête foraine, il ne te reste plus rien. Et tu es à présent obligé de cumuler les jobs pour voir venir. Tu n’as même plus de quoi t’acheter un billet d’avion pour rentrer en France.

    Mais au fond, ce n’est pas plus mal. Si tu as envie de retrouver les tiens, tu n’as pas du tout envie de leur montrer ce que tu es devenu. Tu as trop honte de toi.

    Non, tu ne leur demanderas pas de l’argent pour rentrer. Tu ne supporterais pas une humiliation de plus. 

     

    Orlando, Floride, 12 juin 2016.

     

    A Orlando, en Floride, un fou furieux pénètre dans une boîte gay, le « Pulse ». Il est armé d’un fusil d’assaut et de plusieurs recharges de munitions. Il ouvre le feu et tue 49 personnes et en blesse 53 autres.

    L’acte est clairement un crime homophobe.

    On découvre avec sidération qu’en 2016 on peut encore se faire tuer parce qu’on est gay, et ça se passe dans la première démocratie du monde occidental.

    Le monde est malade, il n’y a plus de doute.

     

    Canberra, juillet 2016.

     

    Rodney a quand même tenu bon plus de trois ans. Trois ans à supporter ta morosité, tes sautes d’humeur, ta colère, vos accrochages incessants, tes tromperies à répétition.

    Puis, un jour de 2013, après une énième dispute, il avait fait ses bagages et était reparti en Angleterre. Tu sais qu’il l’avait fait la mort dans le cœur, car il t’aimait toujours, malgré ton comportement de con, fait et fini. Il avait essayé de t’aider à aller mieux, mais tu ne lui avais pas permis de t’aimer.

    Tu t’étais rendu assez insupportable pour mettre à mal l’amour qu’il te portait. Tu avais dû être vraiment infecte pour qu’un garçon si généreux, patient et amoureux, arrive à jeter l’éponge. 

    Lorsque Rodney était parti, tu avais ressenti un immense vertige. Le vertige abyssal de la solitude. Mais tu t’étais également senti soulagé. Tu n’en pouvais plus de lui imposer ton mal être et de le faire souffrir. Tu aurais voulu pouvoir faire autrement, mais tu n’avais pas pu. Ta colère et un profond sentiment d’injustice te rongeaient de l’intérieur, et tu n’arrivais pas à te reprendre en main.

     

    Toulouse, juillet 2016.

     

    Tu enserres tes mains sur mes épaules dans une prise ferme, brutale, et tu commences à me limer avec une cadence de dingue. Tes coups de reins sont assénés avec une puissance dont je me délecte. Cet instant est exactement comme je me l’étais imaginé. Ton souffle chaud et bestial dans mon cou, ton animalité déchaînée. C’est même mieux que je me l’étais imaginé. Je ne contrôle plus rien, je t’appartiens entièrement.

    C’est vraiment ce côté « animal » qui me fascine chez toi, cette attitude de bon petit macho pour qui seul son propre plaisir compte.

    J’espère que la capote va tenir bon, qu’elle va supporter jusqu’au bout la sauvagerie de tes assauts.

    Et puis, ça vient. Je sens tes mains se contracter encore un peu plus, tes doigts s’enfoncer davantage dans ma chair. Je ressens l’intensité des secousses de plaisir qui agitent ton corps. Malgré la musique qui retentit dans le haut-parleur placé juste au-dessus de nous, je capte les râles que tu retiens de justesse. Tu jouis dans la capote, mais grâce à mon cul. Quel honneur, tu me fais, beau mâle Kevin !

    Tu te déboîtes aussitôt. Tu es pressé. J’ai perdu la notion du temps mais je pense que les dix minutes de ta pause sont passé depuis un moment. 

    Je me retourne. Rien dans ton attitude indique que tu envisages de me renvoyer l’ascenseur. Tu t’en fous si j’ai envie de jouir à mon tour ou pas. Tu as joui, le but est atteint. Tu enlèves ta capote et tu la jettes dans la cuvette, tu fais disparaître ta belle queue luisante de sperme dans ton boxer. Tu fais repasser ton t-shirt noir par-dessus la tête, il retombe sur ton torse comme un chat retombe sur ses pattes. Tu remontes ton jeans, tu agrafes ta ceinture. Le cliquetis que produit la boucle secouée par tes mouvements secs résonne dans mes oreilles avec une sensualité particulière.

    Dans le petit espace, l’odeur de foutre s’ajoute désormais aux autres odeurs de chiotte. C’est l’émanation olfactive de ton plaisir, du plaisir d’un superbe mâle.

    Je te regarde une dernière fois, et j’essaie de graver dans ma mémoire ce dernier instantané de ton intimité sexuelle. Ton brushing a été un brin malmené par le double passage de ton t-shirt, ainsi que par la vigueur de tes assauts.

    La sueur a perlé sur ton front, tes lèvres entrouvertes laissent s’échapper des expirations puissantes que la musique m’empêche de capter. Ta pomme d’Adam se balade nerveusement le long de ta gorge, signe inconscient du passage récent de l’orgasme.

    Pendant une seconde, tu es complètement ailleurs, perdu dans l’atterrissage de ta jouissance de mâle, complètement déconnecté du présent. Ça ne dure qu’un instant, mais c’est beau, beau à en crever.

    — Salut ! tu me lances à la va vite, en défaisant le loquet. Et tu disparais, sans le moindre regard, sans le moindre égard. 

    Je referme la porte derrière toi. Et je me retrouve instantanément en tête à tête avec ma solitude.

    Tu as vraiment été un bon coup, Kevin ! L’impétuosité presque agressive de tes gestes, l’arrogance de ton attitude de mâle qui exige son dû, tout en méprisant celui qui le lui offre – bref, ta façon d’être et de me baiser – m’ont foutrement chauffé. Sans parler de ta queue vraiment bien foutue, de tes coups de reins puissants et sauvages, de tes mains saisissant ma chair, la contraignant, me donnant l’impression que je n’avais pas d’autre choix que de satisfaire tes envies jusqu’au bout.

    Et puis il y avait le contexte aussi. Ça s’est fait pendant ta courte pause, sur ton lieu de travail, dans une cabine des chiottes ouvertes au public. Sexy Kevin, tu m’as offert une baise frôlant le fantasme absolu !

    La vision de ta capote qui flotte dans la cuvette fait écho au souvenir de tes va-et-vient qui pulsent encore dans ma chair, de la prise de tes mains qui entrave encore mon corps, de ta présence en moi. 

    Oui, tu as été un sacré bon coup. Et pourtant, désormais seul dans ce lieu où tu viens de me sauter sans ménagement, je me sens sale.  Et je n’ai même pas joui ! C’est sciemment que j’y renonce, préférant quitter ce lieu sans que le vide post-coïtal vienne me foutre le cafard.

    Je tire la chasse, comme pour faire disparaître la dernière trace de cette baise que je regrette déjà.

    Ce qui ne m’empêche pas, en quittant cette cabine à mon tour, de sentir monter en moi une sensation de dégoût.

    J’ai beau me dire que ce que je viens de faire n’a rien de répréhensible, j’ai beau me dire que prendre autant de plaisir ne peut pas être mauvais. Au fond de moi, je regrette déjà de m’être offert de cette façon. 

    Je ressens en moi comme un sentiment de trahison de moi-même et de mon passé, comme si je me sentais désormais indigne de ce garçon amoureux, de ce garçon aimé que j’ai été. Certes, ce garçon s’était déjà retrouvé dans des chiottes pour des bonnes baises sauvages. Mais c’était avec le mec qu’il aimait comme un fou. 

    Qu’est donc devenu ce garçon ?

    A cet instant précis, j’ai l’impression d’avoir tué ce garçon. Ce garçon pour qui, il y a longtemps déjà, un autre garçon nommé Jérémie Tommasi était le seul but dans sa vie. Quand le cœur est privé d’amour, le corps prend le dessus et s’enfonce dans la luxure.

    J’ai l’impression d’avoir un jour connu le Paradis, avant d’en tomber, et de me perdre en Enfer aujourd’hui.

    Comment pourrais-je regarder en face mon beau Jérém si d’aventure le destin rendait cela possible, alors que je sais qu’en rentrant tout à l’heure, j’aurai déjà du mal à me regarder moi-même dans la glace ?

    Oui, en quittant le centre commercial, j’ai l’impression de trahir la beauté de ma grande histoire avec Jérém.

    Pendant toutes ces années, la machine mentale à archiver le passé a eu tout le temps de trier les souvenirs pour ne retenir que ce que j’avais besoin d’en retenir, à savoir, les moments les plus heureux.

    Comme celui du jour où je l’ai vu pour la première fois dans la cour du lycée, de sa casquette et de son t-shirt noirs, ou le souvenir de notre première révision, de son t-shirt blanc, le bonheur de nos retrouvailles, de nos nuits d’amour, de nos baisers, de nos câlins, de nos confidences sur l’oreiller, de notre complicité.

    Mais au fond de moi je sais qu’elle a occulté les attentes interminables, la peur de l’abandon, les angoisses, les déceptions. Et notre séparation. En fait non, je n’ai rien oublié, mais le temps a anesthésié ce qui a longtemps été douloureux.

    Non, notre histoire n’était pas parfaite. Mais elle était belle, et elle était pure. Même nos erreurs, et Dieu sait que nous en avons commises, tous les deux, étaient « innocentes », sans intention de faire du mal à l’autre. Même nos baises les plus « sauvages » n’étaient en réalité que le préalable de jours heureux, une façon de nous apprivoiser.

    Nous nous sommes faits du bien, et aussi beaucoup de mal. Le premier était une évidence, le deuxième rien d’autre que le fruit de nos maladresses. C’était ma première histoire, mon premier amour, et ça l’était pour lui aussi. Nous avions tout à découvrir de la vie, et de nous-mêmes.

    Nous étions heureux. J’étais heureux. Avec le recul, j’ai l’impression que même quand je souffrais, j’étais heureux. Car je me sentais si vivant ! 

    Ce samedi, je me suis rendu dans un magasin d’électroménager dans une zone commerciale de Toulouse pour m’acheter un nouveau lave-linge. Et tu étais là, beau mâle Kevin au charme sauvage, derrière le comptoir, et tu avais l’air d’un fauve en cage. Je t’ai maté, et c’est de cette façon que j’ai ouvert la porte de ta « prison ». Je t’ai fait retrouver ta liberté et ta fierté, et tu m’as fait profiter de toute sa sauvagerie. J’ai bien kiffé, mais tes griffes ont laissé quelques blessures derrière elles.

     

    Lien vers l’épisode « 0130 Le vendeur du magasin d’électroménager » complet et radicalement mis à jour pour l’occasion.

     

    Melbourne, août 2016.

     

    Tant que Rodney était resté à tes côtés, sa présence te tenait à flot, d’une certaine façon. Mais depuis qu’il est parti, tu te laisses complètement vivre. 

    Depuis trois ans, tu n’as fait que bourlinguer dans cet immense pays-continent qu’est l’Australie. Tu es comme un bateau sans moteur et sans voile, tu pars à la dérive. Tu as voyagé de ville en ville sans jamais t’arrêter, sans jamais trouver un endroit où te poser, un endroit où tu te sentirais bien. 

    Le fait est que tu ne t’es jamais senti bien nulle part. Car c’est au fond de toi que tu ne te sens pas bien. Il faut être en paix avec soi-même pour être bien. Dès lors, peu importe l’endroit, on sera toujours bien.

    Mais tu n’es pas en paix avec toi-même.

    Alors, dans ton errance de trois ans, les tentations t’ont attiré comme un vertige devant la falaise. 

    Tu as baisé, beaucoup trop baisé, tu as chopé quelques saloperies, mais rien qui ne se soigne pas avec des antibios ou une piqûre. Tu as eu de la chance.

    Et tu as bu, tu as trouvé la bagarre. Jusqu’à celle avec le type de la fête foraine qui aurait pu gâcher toute ta vie. Heureusement pour toi, cette affaire ne s’est pas trop mal terminée. Et tu t’en es tiré somme toute à bon compte.

    Et maintenant, après trois années d’errance, la vie se charge de te présenter l’addition. Plusieurs additions, même.

    D’abord, une addition « physique ». Depuis quelque temps, quand tu te regardes dans un miroir, tu n’aimes plus du tout ce que tu vois. Ton corps a changé, et ce n’est pas une réussite. Tes muscles ne sont plus aussi saillants qu’avant, et tu as pris du poids.

    Oui, quand tu te regardes dans ton miroir, tu sais que le processus est engagé, et que plus tu attends pour te reprendre en main, plus ce sera difficile de redresser la barre.

    Le fait est que ton hygiène de vie est calamiteuse. Tu manges n’importe comment, tu bois trop, et tu ne fais plus de sport.

    Certes, tu es toujours beau, tu n’as aucun problème à lever un gars quand tu en as envie.

    Du moins jusqu’à ce soir où tu as croisé ce mec en boîte. C’était un beau petit blond aux cheveux bouclés, aux yeux gris magnifiques, profonds, lumineux. Et ce garçon sublime t’a mis un râteau aussi inattendu que monumental. 

    « Sorry, too old for me ! », il t’avait balancé au moment où tu avais essayé de l’aborder.

    « Désolé, trop vieux pour moi ! ».

    Des mots lancés avec la « candeur infernale » de sa jeunesse, mais blessants comme une lame de couteau dans tes oreilles.

    Des mots accompagnés d’un rire à la fois si beau, si insolent et si cruel.

    Des mots « mis en images » un peu plus tard dans la soirée, par contraste, lorsque tu l’avais vu repartir avec un autre superbe mec de son âge.

    Certes, ce soir-là tu n’étais pas à ton avantage. Tu n’étais pas vraiment bien sapé, tu avais les cheveux et la barbe trop longs, ce qui faisait ressortir les quelques prémices de blanc qui ont depuis peu commencé à entacher la perfection de ta brunitude.

    Mais son râteau t’avait salement surpris, il t’avait fichu un sacré coup au moral. D’autant plus que ce petit mec te faisait foutrement envie !

    Certes, tu en as eu d’autres, depuis, de beaux garçons. Et pourtant, cet « accident » t’a marqué, et au fond de toi tu sens que tu as perdu pas mal de ton assurance. La peur du rejet te hante désormais.

    Mais il y a aussi une autre addition qui se présente à toi, une addition plus d’ordre « moral ».

    Là non plus, tu ne te reconnais plus. Ne rien faire de tes journées, ne pas avoir de but, ça ôte à la vie toute sa saveur. L’oisiveté ne remplace pas la passion. Les plans et les cuites ne remplacent pas l’amour. Et une vie sans passion et sans amour, c’est fade, c’est triste. 

    Alors, tu vis le présent. En fait, non, tu vis AU présent. Et, ce faisant, tu subis le présent, tu te laisses porter par l’instant.

    Quand tu as l’esprit clair, tu en baves. Avec le recul, tu réalises que Thibault, Nico, Ulysse, Rodney, t’ont chacun aidé à leur façon. Chacun de ces garçons t’a soutenu, encouragé, préservé de toi-même. A chaque fois que tu as été entouré, tu as pu maîtriser tes démons intérieurs. 

    Mais leur influence n'a pas vraiment pris racine en toi. Elle a disparu dès que ces garçons sont sortis de ta vie. Dès que tu les as obligés à sortir de ta vie.

    Les autres peuvent nous aider à un moment. Mais nous sommes les seuls à pouvoir affronter nos démons intérieurs et à pouvoir les vaincre.

     

    Martres Tolosane, août 2016.

     

    Lorsque je porte un regard sur ma vie sexuelle depuis trois ans, le bilan n’est guère reluisant.

    L’application m’a pris pas mal de temps et d’énergie. Et, la plupart du temps, ne m’a rien apporté de plus que des plans sans lendemain.

    Mais elle m’a aussi offert quelque surprise. Elle m’a grandement facilité la tâche pour des rencontres inattendues, comme avec Pierre, le jeune chauffagiste croisé dans un magasin de matériaux. Elle m’a offert une relation d’un an, une relation à la fois sensuelle et amicale, avec Martin, le bogoss volage.

    Mais j’ai fini par me lasser de ce système de « consommation » des relations.

    Lorsque j’ai banni l’application de mon téléphone, c’est la « chance » qui a pris le relais. D’abord, en mettant sur mon chemin cette bombasse de Justin, le p’tit con New-Yorkais croisé lors de mon déplacement pour aller assister au concert de Madonna au Madison. Et, tout dernièrement, la rencontre totalement improbable avec Kevin, le bel animal croisé derrière le comptoir d’un magasin d’électroménager.

    Oui, j’ai eu des aventures, mais aucune relation digne de ce nom. Tous ces plans ont flatté mon corps, mais se sont avérés meurtriers pour l’esprit. Ils m’ont tous laissé un arrière-goût de plus en plus amer et persistant de solitude.

    Oui, la solitude. Après ma séparation d’avec Jérém, je l’ai cherchée, car je ne me sentais pas prêt à commencer une nouvelle relation. J’avais peur de souffrir à nouveau, et j’avais surtout peur d’oublier Jérém. Je ne voulais pas l’oublier, et j’espérais toujours d’assister au miracle de son retour. Alors, j’ai fui les quelques gars qui semblaient chercher plus que du sexe.

    Mais aujourd’hui, elle me pèse de plus en plus. 

     

    Melbourne, août 2016.

     

    Tu le revois en train de te sucer, tu te souviens de la sensation de ses lèvres autour de ta queue, de sa langue s’affairant sur ton gland. Tu te souviens du plaisir qui monte, parfois doucement, parfois très vite. Tu te revois sur le point de perdre pied, puis en train de jouir dans sa bouche, tu le revois en train d’avaler avidement ton jus. 

    Tu te revois en train de le pilonner, tu te rappelles la sensation de ta queue qui glisse, qui va et qui vient dans son trou chaud, tu le revois en train de prendre son pied au rythme de tes coups de reins, bien soumis à ta virilité, tu repenses à la montée progressive de ton orgasme, et au plaisir inouï de lui gicler dans le cul.

    Tu te souviens de l’odeur de sa peau, de cette bouche, de ce cul, qui étaient toujours prêts à accueillir ta queue et tes envies. Tu te rappelles son regard, son désir qui décuplait le tien, qui flattait ton égo, qui te rassurait, qui te donnait des ailes. 

    Tu te rappelles comment tu te sentais exulter, corps et esprit, grâce à lui.

    Et dans ce lit inconfortable, tu jouis. Tu jouis entre les fesses d’un inconnu que tu as levé dans un lieu de drague, un inconnu dont tu n’as même pas retenu le prénom, et dont tu auras oublié le visage demain.

    Et lorsque l’excitation retombe, sa présence t’est instantanément insupportable. Tu es soulagé de le voir se rhabiller et partir dans la foulée. Mais son départ rapide te laisse seul avec tes démons.

    Seul dans ta chambre d’hôtel, la misère de ton présent réapparaît aussitôt. Et la nostalgie te happe. Tu te souviens de ses bras, de ses baisers, de ses mots, de ses regards doux qui étaient toujours là après ton orgasme pour accueillir tes angoisses, pour apaiser tes démons.

    C’était bien, avec Nico, c’était le bon temps. Et tu te mets à rêvasser au bonheur du passé pour tenter d’oublier la misère du présent.

    Tu repenses à ce jour où il t’avait proposé de réviser les maths pour le bac. Tu repenses à toute cette période, à ces baises dans ton premier appartement, à son attirance presque palpable pour toi, pour ton corps, ta gueule, ta queue, à son dévouement pour ton plaisir. Mais tu te souviens aussi de son besoin de tendresse que tu lui avais longtemps refusé, alors que tu en avais autant envie que lui. Tu te souviens de comment son regard t’avait aidé à accepter qui tu étais et à cesser d’en avoir honte.

    Tu repenses souvent aussi à ce jour pluvieux, à cette attente sous la Halle de Campan, une attente qui t’avait parue interminable. Et puis tu te repasses en boucle l’instant où tu l’avais entendu approcher, où tu t’étais retourné et que tu l’avais vu, l’instant où vous vous étiez serrés dans les bras l’un de l’autre, où vous vous étiez embrassés, avec le même désir, la même fougue, le même amour.

    Tu repenses aussi à cet autre souvenir, sur la butte devant la cascade de Gavarnie, tu le tenais dans tes bras, sa nuque attirait tes baisers et une infinie tendresse. Tu avais une nouvelle à lui annoncer, celle de ton départ à Paris, et ça ne sortait pas. Car tu ne voulais pas lui faire de la peine, tu ne voulais pas gâcher cet instant de bonheur parfait. 

    Tu repenses à ce voyage Italie, à votre complicité, à la douceur de ses baisers, de ses caresses, de sa présence.

    Nico a toujours été là quand tu as eu besoin de lui.

    Tu repenses à l’accident de voiture à Paris, lorsqu’il n’avait pas hésité à raconter à la Police qu’il était au volant, alors que c’était toi. Il l’avait fait pour te sauver le cul, parce que tu avais bu et que tu n’aurais pas dû prendre le volant. 

    Ou à cette longue période de rééducation après ton accident de rugby, à sa présence sans faille, à Paris, à Capbreton, sans hésiter un seul instant à mettre ses études entre parenthèses pour être à tes côtés et supporter tes sauts d’humeur et ton ingratitude.

    Nico t’a même offert l’occasion de renouer avec ta mère avec qui tu étais fâché depuis ton adolescence, depuis qu’elle avait refait sa vie.

    Et tu repenses au soir de tes 25 ans, quand tu lui as fait l’amour dans le sous-sol de l’immeuble où habitait Ulysse. C’était votre dernier moment heureux.

    Au fond de toi, tu sais que tu ne seras plus jamais aussi heureux que pendant ces quelques années que tu as partagées avec lui.

     

    Dans un train, début septembre 2016.

     

    Dans un train que j’ai emprunté pour un déplacement professionnel, j’ai croisé deux petits mecs qui m’ont beaucoup ému. Deux choupinous tout juste majeurs, ou peut-être même pas majeurs, débordant de jeunesse et de beauté. Et rayonnants de tendresse mutuelle. Ils se tenaient dans l’espace entre deux wagons, appuyés à une barre verticale. J’ai remarqué les doigts qui se frôlaient et qui semblaient faire des étincelles dans le contact réciproque. J’ai remarqué les regards qui se cherchaient, se caressaient, les petits sourires timides et un peu gênés qui s’entrechoquaient. J’ai remarqué l’alchimie des corps qui s’attirent, des esprits qui s’aimantent.

    J’ai ressenti d’infinis frissons en regardant ces deux garçons. Je me suis demandé qui ils étaient, comment ils s’étaient connus, quand ils s’étaient aperçus qu'ils se plaisaient, ce qu’ils ressentaient exactement l’un pour l’autre. J’aurais voulu connaître le bonheur qu'ils ont éprouvé la première fois que leurs désirs se sont croisés, rencontrés, reconnus.

    Je me suis demandé à quel point ils devaient bien, tous les deux, enfermés dans leur bulle, seuls au monde, isolés de toute la laideur de l’existence. 

    Et je me suis dit que j’aimerais tellement retrouver un amour si intense et si passionné que le leur. L’amour le plus beau, le plus fou, le plus insouciant, celui qui déplace des montagnes. Le premier amour.

    Si seulement je savais chercher aujourd’hui un garçon qui ait envie de faire un petit bout de chemin avec moi !

    Mes amis, Thibault et Stéphane ont eu de la chance, et je suis heureux pour eux. Alors, pourquoi pas moi ? Peut-être que ma chance viendra un jour où je ne l’attendrai plus.

     

    Adélaïde, 15 septembre 2016.

     

    Aujourd’hui, Nico a 34 ans. Tu te demandes ce qu’il fait, avec qui il est, ce qu’il devient.

    Ça fait un moment que tu n’as pas eu de ses nouvelles. Tu en as pris, pendant longtemps, auprès de vos amis communs. Et tous les récits te parlaient d’un Nico toujours seul, qui ne t’avait donc pas « remplacé » après votre séparation. Dans un premier temps, cela avait en quelque sorte flatté ton ego.

    Mais très vite, cet état de choses t’avait profondément attristé.

    Car tu avais appris également que Nico se posait tout un tas de questions sur ce qui t’avait conduit à partir jouer en Angleterre à la rentrée 2007, alors que quelques jours plus tôt tu lui avais assuré vouloir renoncer au rugby et rester en France, parce que tu voulais donner une chance à « Ourson et P’tit Loup ».

    Là encore, son dévouement avait été au rendez-vous. Il avait su de suite que cette décision te rendrait malheureux. Alors, il avait ouvert la porte et il t’avait laissé libre de prendre ton envol vers le ciel d’Angleterre, un ciel que tu imaginais plus dégagé pour ton avenir sportif que celui de France. C’était une preuve d’amour, une ultime preuve d’amour, dont tout le monde n’aurait pas été capable.

    Et comment l’avais-tu remercié pour cette abnégation, pour avoir fait passer ton bonheur avant le sien ?

    Tu avais fait le choix de partir sans même le lui annoncer, en estimant qu’il valait mieux le silence que des explications difficiles et douloureuses. C’était la voie de la facilité, car tu n’as jamais été doué pour gérer la souffrance des autres, notamment lorsque tu en étais la cause.

    Alors, tu es parti comme un voleur, l’obligeant à monter à Londres pour découvrir que tu étais avec un autre. Tu sais que tu as été lâche. Il ne méritait pas ça, lui qui a toujours été là pour toi, quitte à prendre des risques, à se mettre en danger, à mettre sa vie au second plan. Et à se rendre malheureux pour que tu puisses être heureux.

    Tu t’en veux de lui avoir imposé ça, tu t’en veux chaque jour. Tu sais que pour aller de l’avant, Nico aurait besoin de réponses à ses questions, et que le seul à pouvoir lui apporter tout cela, le seul à pouvoir lui apporter les explications capables de le libérer du poids du passé l’empêchant de marcher vers l’avenir c’est toi, Jérémie.

    Après toutes ces années, tu n’es plus du tout sûr d’avoir fait le bon choix à l’époque. Mais à présent, tu te dis qu’il est trop tard pour revenir en arrière. Tu n’oseras plus jamais revenir en arrière. Tu lui as fait bien trop souvent le coup de disparaître et de revenir. Tu te dis que tu as perdu toute crédibilité, toute confiance. Il doit t’en vouloir, et à juste titre. 

    En fait, tu n’en sais rien. C’est depuis ton voyage en France en 2013 que tu n’as plus cherché à avoir de ses nouvelles. Tu as essayé de l’oublier, tu as essayé d’oublier tes regrets et tes remords.

    Peut-être que Nico a réussi, lui, à t’oublier.

    De toute façon, tu n’as même plus les moyens d’aller le retrouver, même si tu trouvais le courage d’affronter son regard et ta culpabilité. Tu es bloqué sur ce continent à l’autre bout de la Planète.

    Alors, Nico est désormais, et il le restera pour toujours, le plus grand regret de ta vie. Tu sais que tu l’as rendu malheureux, et qu’en le rendant malheureux, tu t’es rendu toi-même malheureux.

    Car, au fond de toi, tu le sais. Le jour où tu as choisi le rugby plutôt que son amour, tu as fait la plus grosse erreur de ta vie.

    Tu te demandes s’il pourra te pardonner un jour d’avoir été si injuste, si ingrat, si lâche avec lui. 

    Et tu espères seulement qu’il a trouvé le chemin pour être à nouveau heureux.

     

    Martres Tolosane, 16 octobre 2016.

     

    Galaak sait toujours quand je suis triste et nostalgique. Il le ressent dans son grand cœur de Labrador. Et avec son fabuleux instinct de Labrador, il a toujours la recette pour me faire aller mieux.

    Ce soir, alors qu’une fois de plus la tristesse me happe brutalement, il se saisit de son ballon et me l’apporte pour une séance de jeu. J’accepte son invitation, je l’attrape, je le lance, il part le récupérer en bondissant. Lorsqu’il le saisit entre ses crocs, la modulation de pression de sa mâchoire a pour effet de produire un son qui change en permanence d’intensité et de hauteur. Un son qui semblerait presque exprimer des émotions, son impatience, son excitation, son plaisir de jouer et de partager ce moment avec moi, et de me voir sourire et aller mieux par la même occasion. Ces couinements répétés et d’intensité changeante ce sont en quelque sorte « la voix de Galaak ».

    Aujourd’hui, Jérém a 35 ans. Je n’ai jamais oublié l’un de ses anniversaires. Car je n’ai jamais cessé de penser à ce garçon dont le visage est le visage de la période la plus heureuse de ma vie.

    Où es-tu mon Jérém ? Que fais-tu ? Es-tu heureux ? Penses-tu, parfois, à moi ?

     

    Washington, novembre 2016.

     

    Après deux mandats de présidence assurée par un homme d’origine afro-américaine, une première et un exploit dans un pays où la ségrégation n’a été abolie que 50 ans plus tôt, le vent politique tourne du tout au tout aux Etats-Unis. Cette année, où un homme à la chevelure couleur de la paille est élu à la Maison Blanche.

    La désillusion et l’inquiétude dans une grande partie du pays et du monde entier sont palpables.

    L’histoire est un éternellement recommencement. La marche du monde ressemble parfois à un pas de crabe. Un pas en avant, et deux en arrière.

     

    Toulouse, jour de Noël 2016.

     

    Comme chaque année, je fête le réveillon de Noël avec mes parents. Je passe un bon moment. Tout en me remémorant le réveillon d’il y a quelques années, lorsque Jérém était venu me chercher après une période d’éloignement, et nous offrir un nouveau chapitre à notre histoire.

    Le lendemain, le jour de Noël, une triste nouvelle paraît dans la presse. George Michael est retrouvé sans vie dans sa voiture garée dans une rue à proximité de sa demeure.

    L’un des fantasmes sexuels majeurs de mon adolescence n’est plus. Et bien que les coups durs de la vie l’aient précipité depuis pas mal de temps déjà dans toute sorte d’excès, et que ces excès aient eu prématurément raison de sa beauté et de sa jeunesse, il restera à tout jamais à mes yeux le bogoss de « Faith » et de « Kissing a fool ». 

     

     

     

    Un immense musicien, un auteur sublime, un interprète superbe.

    Mais aussi le sublime petit con de « Wham ! », exhibant sa jeunesse et sa demi-nudité avec une insolence frôlant le chef d’œuvre absolu. En fait, c’est surtout sa joie de vivre que le temps lui a ôté prématurément.

     

     

     

    Adieu, George. Et que tes retrouvailles là-haut avec ton Anselmo soient belles, et chaudes. Et qu’il te reprenne à nouveau par la main comme il t’a pris ce jour où il a foudroyé ton cœur en assistant à l’un de tes concerts. Qu’il te prenne par la main comme on aurait tous besoin de l’être pris un jour, comme « Jésus avec un enfant ».

     

     

    Cette année a été une bien triste année pour les stars de mon adolescence.

    Prince a lui aussi tiré sa révérence en avril, lui aussi emporté par le fléau de la crise des opioïdes qui a avait déjà emporté Michael Jackson sept ans plus tôt. Un scandale sanitaire dont les Etats-Unis commencent tout juste à saisir l’ampleur, après des années d’un laisser faire criminel des autorités au profit d’intérêts privés sans scrupules.

     

     

    Whitney Houston étant elle aussi disparue il y a quatre ans – quelle voix, quel immense gâchis ! – 

     

     

    De mes repères musicaux des années ’80, il ne reste plus que Madonna.

    Longue vie à elle, mon principal et dernier repère !

    A propos de Madonna, en cette maudite année 2016, on a également déploré la disparition de celui qui l’a tant inspirée au début de sa carrière. En janvier, David Bowie est parti rejoindre ces étoiles dans cet Espace qu’il a si souvent évoqué dans ses chansons.

     

     

    Dans une ferme en Nouvelle Galles du Sud, décembre 2016.

     

    Depuis un mois, tu as atterri dans cette grande ferme avec la bagatelle de 10.000 brebis à tondre. La tâche était immense et vous étiez nombreux à vous y atteler. Tu as commencé comme attrapeur, puis tu es passé tondeur. Pendant des semaines, ce travail fortement physique t’a épuisé, t’a empêché de trop réfléchir et broyer du noir. 

    Tu as aussi fait de belles rencontres, avec des gens un brin « hippies post-modernes », des gens gravitant autour d’une philosophie de vie basée sur le lâcher prise et le détachement des biens matériels. Une mentalité qui t’a beaucoup touché. Et pour la première fois depuis ton arrivée en catastrophe en Australie, tu as eu l’impression d’aller mieux. De te sentir utile, valorisé, intégré dans un « monde ». 

    Dans cette ferme du bout du monde, tu as l’impression d’avoir trouvé des potes, presque une nouvelle famille. Après les longues journées de tonte, le soir, autour du feu, on parlait, on s’écoutait. A tour de rôle, tes collègues racontaient leurs vies, leurs déboires, leurs regrets et leurs remords. Tu as senti une ambiance écoute et d’empathie, sans jugement aucun. Il faut dire que le joint aide bien à délier les langues et à suspendre les jugements. 

    Et tu as fini par te sentir à l’aise pour parler des bêtises que tu as faites depuis quelques années, de tes errances. Tu as trouvé de l’écoute, tu t’es senti compris et épaulé. Et ça t’a fait un bien fou de vider ton sac. Tu n’as pas pu arriver à la fin de ton récit sans que les larmes viennent brouiller un peu plus ton accent déjà rude à entendre.

    Oui, tu as pleuré. Et tu t’es senti soulagé. Pour la première fois depuis des années, tu as senti ton cœur se délester d’un poids. Pour la première fois depuis des années, tu te dis que, malgré tout ce que tu as perdu et que tu ne retrouveras pas, l’avenir peut t’offrir des jours meilleurs.

     

    Toulouse, 31 décembre 2016, 23h59.

     

    Dans une minute à peine, une nouvelle année s’achève et une nouvelle commence.

    Tout le monde semble s’agiter autour de cette échéance, comme si elle allait marquer une véritable démarcation entre un « avant » et un « après ». En réalité, même si dans une minute on aura changé d’année, demain ce sera juste la suite d’aujourd’hui. Demain, rien n’aura changé. Ma solitude demeurera intacte, tout comme la nostalgie des années que j’ai passées avec Jérém.

    Et pendant que le compte à rebours retentit, mes pensées s’envolent à l’autre bout de la Planète.

     

    Dans une ferme en Nouvelle Galles du Sud, 31 décembre 2016, 23h59.

     

    Ton réveillon de la nouvelle année, tu le fêtes avec eux, autour d’un grand feu. Ça boit, ça rigole, ça fume de joints, ça chante. Tu es entouré, et tu passes une bonne soirée. Mais ta solitude, tu la portes toujours dans ton cœur. Tout comme la nostalgie des années que tu as passées avec Nico.

    Et pendant que le compte à rebours retentit, tes pensées s’envolent à l’autre bout de la Planète.

     


  • Commentaires

    1
    Bdr13
    Vendredi 1er Décembre 2023 à 12:56
    Un épisode qui va réjouir tout tes lecteurs, le retour tant attendu de notre héros jeremy. Tout comme nico ,il vit un enfer, un véritable enfer qui lui permet de lutter pour la première fois de sa vie contre ses démons internes. Plus de Thibault, de ulysse, de nico et de rodney pour te protéger et te guider. Fini aussi ta carrière de rugby,la gloire et l'argent. Tu te retouves seul face à toi même, à tes peurs, à tes angoisses et tes choix. Faire l'état des lieux et un exercice que tu te refusais de faire,mais là, pas de choix,l'exercice est dur mais il te permet de comprendre que de choisir le rugby à la place de nico à été la plus grande erreur de ta vie. Quant à nico, sans ta présence à ses côtés, il vit une existence triste et morne. Sa vie privée est aussi désespérante que celle de jeremy. Nos deux amoureux pensent toujours au temps ancien où ensemble, il était bon d'affronter l'avenir à deux. J'espère comme un grand nombre de tes lecteurs revoir nos deux héros se retrouver après une éclipser de 10 ans. Tant de souffrance mérite d'être récompenser car même éloignés l'un de l'autre par une très grande distance, leur cœur et leur esprit sont à l'unisson :vivre à nouveau ensemble le reste de leur vie. Merci fabien pour cet excellent épisode que tu nous a proposé et je trépigne d'impatience de lire le suivant.
    2
    Tds31
    Vendredi 1er Décembre 2023 à 20:01
    Quel épisode émouvant, je suis très heureuse de savoir ce que vit Jeremy, son état d esprit. Comme d habitude, l écriture est excellente et nous donne envie de connaître la suite. Bonne continuation
    3
    Yann
    Samedi 2 Décembre 2023 à 15:12

    A la lecture de cet épisode, j'ai un sentiment partagé à la fois de plaisir de retrouver Jérém sans qui l'histoire J&N n'a plus vraiment de sens même si pour reprendre cette belle expression de Fabien "leur vie ne marchent plus ensemble". Et le sentiment de tristesse de savoir, qu'après avoir connu le succès en amour comme dans le sport, il a tout perdu et il "touche le fond". En fait, après toutes ces années, Jérém n'a pas vraiment changé. L'homophobie dont il a été victime à plusieurs reprises n'a fait qu'amplifier son impulsivité son aigreur. Il ne parvient toujours pas à s'assumer ce qui n'a rien d'un reproche, mais cela lui aurait peut-être facilité la vie s'il avait voulu ou pu faire cet autre choix. Quitter Nico, fuir à l'autre bout du monde n'étaient pas la solution et il le réalise maintenant. Ce qu'il cherchait à fuir, ce n'était pas tant le monde homophobe qui est partout que lui-même car il ne s'aime pas tel qu'il est.

    Quant à Nico, il vit sa vie "entre parenthèses" dans l'attente de Jérém. Plus que le manque et l'absence de Jérém, il ne parvient pas à s'habituer à la solitude, ne plus pouvoir se réveiller à côté de quelqu'un qu'on aime et dont on est aimé. Faire avec l'autre les choses les plus banales de la vie. Ces choses qui sont hors de sa portée dans les plans d'un soir. Il se contentait jusque là d'être le régulier de Martin qui ne s'est jamais intéressé qu'à lui-même et à son plaisir. Martin partis, il lui reste Galaak qui lui ne le décevra pas.

    Jérém comme Nico sont malheureux et il suffirait d'une étincelle pour qu'ils retrouvent une vie à deux. Mais pour cela Jérém est trop fier, maintenant que sa vie prend l'eau de toute part, il culpabilise et se déteste d'avoir tout fait foiré. Nico, Thibault, Ulysse, Charlène, l'ont tous protégé, mais aussi ils le poussaient. Une intervention extérieure ? Il n'y a que ça qui peut faire bouger Jérém. Espérons qu'il trouvera, une fois encore, quelqu'un qui lui donnera l'envie, quand on touche le fond, de donner ce coup de pied qui permet de remonter à la surface.

    4
    Lundi 11 Décembre 2023 à 07:32

    Merci à vous tous pour ce soutien que je ressens dans vos commentaires. Ca fait vraiment du bien.

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