• Une nuit à Amsterdam, MADONNA, Celebration Tour 2023.

    Amsterdam, Ziggo Dôme, le 1er décembre 2023, 22h17.


    MADONNA, Celebration Tour 2023.



    Un solide drag queen black, le gagnant de la dernière saison d’une célèbre émission américaine, vient d’apparaitre dans un coin du parterre. Il est accoutrée en Marie-Antoinette, un hommage tout en humour à la tenue célébrissime portée par Madonna lors d’une prestation aux MTV Music Awards en 1990 et devenue légendaire.
    « Marie Antoinette » avance se frayant un chemin entre les spectateurs.
    « Je trouve qu’il y a beaucoup de gays dans la salle » elle considère, sur un ton d’humour.
    Puis, elle s’adresse à un mec dans l’assistance et s’amuse :
    « Tu as l’air un brin gay ! ».
    « Juste un peu ? » lui répond le gars en question.
    « Oui, tu es le plus grand gay du monde » elle concède.
    « Marie-Antoinette » vient de monter sur scène et commence à chauffer la salle. Les premières notes de l’un des tubes de la Star de la soirée résonne dans la grande salle. L’assistance est délire. Mais ça s’arrête.
    « It’s showtime » assène « Marie Antoinette ».




     

    A partir de 2 min 40.

    Et ça repart aussitôt. Sur l’instrumentale très rythmée de « Material Girl », « Marie Antoinette » nous raconte les débuts de la Star. Images sur grand écran à l’appui, il nous parle de ce jour de 1978 où elle a débarqué à Time Square depuis sa Detroit natale, alors qu’elle n’avait que 19 ans et 35 dollars dans sa poche, à la veille de créer sa légende.
    Pendant ces temps, j’arrive à capter un mouvement derrière les écrans, et je vois distinctement Louise Veronica Ciccone se mettre en place pour entrer en scène, un instant avant de se transformer, telle Wonder Woman, en « Madonna ». Pendant une poignée de secondes privilégiées, j’aperçois la femme derrière l’icône. Et j’arrive même à la filmer.

     

    MADONNA, Celebration Tour 2023.



    « Marie-Antoinette » conclut sa tirade avec un « avertissement » pour le public :
    « This is not a concert, this is not a party, this is a Celebration ! ».





    A partir de 4 min 30.

    Les premières notes du premier titre du concert retentissent dans la salle. Les basses sont si puissantes qui font trembler toute l’arena, jusqu’à nos tripes. Dans un déluge de lumière, de fumée et des basses, elle apparaît enfin. Elle est là, enfin, et elle remet aussitôt les pendules à l’heure.
    L’attente a été longue, certes. Mais dès qu’elle chante, on lui pardonne le retard de plus de deux heures (d’ailleurs, qui est le plus en retard ? Ceux qui arrivent une heure trente après le début du spectacle, ou celle qui attend que tout le monde soit arrivé pour commencer ?), on lui pardonne même un choix de DJ tout à fait discutable pour assurer la première partie.
    Bref, dès qu’elle apparaît, elle nous met tous d'accord. La salle est en délire.
    J'ai beau avoir vu sur Youtube la captation intégrale de nombreux shows (une dizaine) depuis le début de la tournée, lorsque les basses de l’intro du premier titre font trembler la salle, lorsqu’elle apparaît, l’émotion de la voir en vrai est toujours immense, puissante, indescriptible.
    On retrouve une veille amie, on retrouve un Phénix qui renaît une nouvelle fois de ses cendres. Et cette fois-ci tout particulièrement, alors qu’il y a quelques mois, de sérieux problèmes de santé nous ont fait craindre le pire.
    Oui, cette femme est un phénix. Et dans sa tenue noire, elle est « impériale ».


    MADONNA, Celebration Tour 2023.

     

    MADONNA, Celebration Tour 2023.



    Elle chante :

    Quand j'étais très jeune/When I was very young
    Rien n'avait vraiment d'importance pour moi/Nothing really mattered to me
    Mais me rendre heureux/But making myself happy
    J'étais le seul/I was the only one
    (Je n’avais besoin de personne pour être heureux, ndr)

    Maintenant que je suis adulte/Now that I am grown
    Tout a changé/Everything's changed
    Je ne serai plus jamais le même/I'll never be the same
    À cause de toi/Because of you

    Et avec sa main, avec son bras, elle fait un grand geste circulaire, comme pour nous désigner.

    Rien n'a vraiment d'importance/Nothing really matters
    L'amour est tout ce dont nous avons besoin/Love is all we need
    Tout ce que je te donne/Everything I give you
    Tout me revient/All comes back to me
    Rien n'a vraiment d'importance/Nothing really matters
    L'amour est tout ce dont nous avons besoin/Love is all we need
    (…)

    Et elle enchaîne avec quelques-uns de ses titres les plus dansants de ses débuts, « Everybody », « Into the groove », « Burning up », « Open your heart ». Les tableaux sont magnifiques, elle est en forme, elle est souriante, on est si heureux de la retrouver !

    Mais à la fin du tube incontournable « Holiday », le ton change. Le beat ralentit. De festif, il se fait presque angoissant. Un homme est à terre. Il semble avoir poussé son dernier souffle. Madonna enlève sa cape et le recouvre avec.
    Des éclairs et des tonnerres font trembler la salle.
    La voix a cappella de Madonna retentit par-dessus la tempête. Elle déclame les deux premiers couplets d’une chanson de 1992, « In this life ».

    Sitting on a park bench, thinking about a friend of mine
    It was only 23, gone before he has is time

    Cette chanson parle de la mort tragique de deux amis de Madonna. Le premier, le chanteur Martin Burgoyne, était un artiste d'origine britannique. Il était également le meilleur ami de la future star et son colocataire à l’époque où elle vivait à New York. C’était le début des années ’80, avant qu’elle ne devienne célèbre. Il a été une figure clé dans les débuts de sa carrière. Il a dirigé sa première tournée de clubs et a conçu la couverture de son single « Burning Up » en 1983. Burgoyne a été emporté par le SIDA en 1986 à l’âge de 23 ans.
    Christopher Flynn était un coach de danse et mentor de Madonna, et il a été lui aussi emporté par le SIDA.

    Voici la prestation du concert « The Girlie Show » de 1993 ». C’était il y a 30 ans, en pleine époque SIDA.





    Voici le texte complet de cette chanson bouleversante :

    Assis sur un banc de parc/Sitting on a park bench
    Je pense à un de mes amis/Thinking about a friend of mine
    Il n'avait que vingt-trois ans /He was only twenty three
    Parti avant d'avoir eu son heure /Gone before he had his time

    C'est arrivé sans avertissement /It came without a warning
    Je ne voulais pas que ses amis le voient pleurer /Didn't want his friends to see him cry
    Il savait que le jour se levait /He knew the day was dawning
    Et je n'ai pas eu l'occasion de dire au revoir/And I didn't have a chance to say goodbye
    Dans cette vie, je t'ai aimé par-dessus tout /In this life I loved you most of all

    Pourquoi? /What for?

    Parce que maintenant tu es parti et je dois me demander /'Cause now you're gone and I have to ask myself
    Pourquoi?/What for?
    Pourquoi? /What for?

    En descendant le boulevard /Driving down the boulevard
    Je pense à un homme que je connaissais /Thinking about a man I knew
    Il était comme un père pour moi /He was like a father to me
    Rien au monde qu'il ne ferait pas /Nothing in the world that he wouldn't do
    M'a appris à me respecter /Taught me to respect myself
    Il a dit que nous sommes tous faits de chair et de sang /He said that we're all made of flesh and blood
    Pourquoi devrait-il être traité différemment /Why should he be treated differently
    Peu importe qui tu choisis d'aimer/Shouldn't matter who you choose to love
    Dans cette vie, je t'ai aimé par-dessus tout /In this life I loved you most of all

    (…)
    Les gens passent et je me demande qui est le prochain /People pass by and I wonder who's next
    Qui détermine, qui sait le mieux /Who determines, who knows best
    Y a-t-il une leçon que je suis censé apprendre dans ce cas /Is there a lesson I'm supposed to learn in this case
    L'ignorance n'est pas le bonheur/Ignorance is not bliss
    Dans cette vie, je t'ai aimé par-dessus tout /In this life I loved you most of all

    (…)

    Avez-vous déjà vu un homme adulte pleurer (pourquoi) /Have you ever watched a grown man cry (what for)
    Certains disent que la vie n'est pas juste (pourquoi) /Some say that life isn't fair (what for)
    Je dis que les gens s'en moquent (pourquoi) /I say that people just don't care (what for)
    Ils préfèrent tourner dans l'autre sens (pourquoi) /They'd rather turn the other way (what for)
    Et attendre que cette chose s'en aille (pourquoi) /And wait for this thing to go away (what for)
    Pourquoi devons-nous faire semblant (pourquoi) /Why do we have to pretend (what for)

    Un jour, je prie pour que ça se termine/Some day I pray it will end
    J'espère que c'est dans cette vie /I hope it's in this life
    J'espère que c'est dans cette période de la vie/I hope it's in this life time
    J'espère que c'est dans cette vie /I hope it's in this life

    Pendant sa tournée de 1993, le « Girlie Show », et juste avant de chanter ce titre, Madonna avait fait un court speech à propos de la tragédie du SIDA, en apportant son soutien à ceux qui souffraient. Elle avait terminé son propos en levant la main vers le ciel, tout en déclamant : « Don't give up ! », « N’abandonnez pas ! ».
    Elle était émue lorsqu'elle s'assoyait ensuite dans les escaliers de la scène, toute seule, pour chanter. La chanson clôturait le segment disco du concert, faisant référence à la façon dont le SIDA a mis fin à l'ère disco et à l'hédonisme des années 70.

    A l’instar du concert de 1993, lors de cette tournée, c’est le tableau de « Live to tell » qui a été choisi pour montrer comment le SIDA a sonné le glas de l’insouciance des années 1970.
    Le propos est illustré par des portraits de gens célèbres emportés par ce fléau, suivi d'une mosaïque de visages inconnus de vies fauchées dans la fleur de l'âge.

    « Live to tell », Amsterdam, décembre 2023.




    « Live to tell », Londres, octobre 2023, la captation la plus aboutie.





    Voici le texte de cette chanson :

    J'ai une histoire à raconter/I have a tale to tell
    Parfois, il est si difficile de bien le cacher/Sometimes it gets so hard to hide it well
    Je n'étais pas prêt pour l'automne/I was not ready for the fall
    Trop aveugle pour voir ce qui est écrit sur le mur/Too blind to see the writing on the wall

    Un homme peut dire mille mensonges/A man can tell a thousand lies
    J'ai bien appris ma leçon/I've learned my lesson well
    J'espère que je vis pour le dire/Hope I live to tell
    Le secret que j'ai appris, jusque-là/The secret I have learned, 'til then

    Ça va brûler en moi/It will burn inside of me
    Je sais où habite la beauté/I know where beauty lives
    Je l'ai vu une fois, je connais la chaleur qu'elle donne/
    I've seen it once, I know the warm she gives
    La lumière que tu ne pourrais jamais voir/The light that you could never see
    Ça brille à l'intérieur, tu ne peux pas m'enlever ça/It shines inside, you can't take that from me

    (…)

    La vérité n'est jamais loin derrière/The truth is never far behind
    Tu l'as bien cachée/You kept it hidden well
    Si je vis pour le dire/If I live to tell
    Le secret que je connaissais alors/The secret I knew then

    Aurai-je un jour à nouveau la chance/Will I ever have the chance again
    Si je m'enfuyais, je n'aurais jamais la force/If I ran away, I'd never have the strength
    Pour aller très loin/To go very far

    Comment entendraient-ils les battements de mon cœur/
    How would they hear the beating of my heart
    Est-ce qu'il fera froid/Will it grow cold
    Le secret que je cache, vais-je vieillir/The secret that I hide, will I grow old
    Comment vont-ils entendre/How will they hear
    Quand apprendront-ils/When will they learn
    Comment sauront-ils/How will they know

    Un homme peut dire mille mensonges/A man can tell a thousand lies
    J'ai bien appris ma leçon/I've learned my lesson well
    J'espère que je vis pour le dire/Hope I live to tell
    Le secret que j'ai appris, jusque-là/The secret I have learned, 'til then
    Ça va brûler en moi/It will burn inside of me

    (…)

     

    Pendant tout le tableau, Madonna se balade dans les airs, elle fait face à tous ces portraits de disparus de cette guerre silencieuse, elle leur rend un vibrant hommage, elle les regarde droit dans les yeux, elle crie l’injustice, elle se fait la voix de ceux qui l’ont perdue trop tôt.

    Et à la fin de la chanson, une dédicace apparait sur le plus grand écran.

    « EN SOUVENIR DE TOUTES LES LUMIERES BRILLANTES QUE NOUS AVONS PERDUES A CAUSE DU SIDA ».

    Le tableau de « Live to tell » est l'un des moments les plus émouvants de son spectacle, et de toute sa carrière. C'est l'un des meilleurs moments en absolu auquel j’ai eu la chance d’assister au fil de mes désormais neuf concerts d'elle.

    Aujourd’hui, le 1er décembre, c’est la journée mondiale contre le SIDA.
    Madonna n'a pas attendu cette date pour rendre hommage aux victimes de l'épidémie, puisque l’un des moments forts du Celebration Tour est le tableau sur son tube « Live to tell ».

    Mais ce vendredi, Madonna a voulu marquer le coup.

    Au beau milieu du concert, elle a fait un long speech sur ce que le SIDA a été, et sur ce qu’il est encore aujourd’hui.





    Aujourd’hui, c’est la journée mondiale contre le SIDA.
    Vous pensez à ça ? C’est important pour tout le monde ?
    Peut-être que tout ça peut paraitre très lointain, peut-être que cela ne vous parle pas, on peut même penser que chaque jour est un jour de fête.
    Mais laissez-moi vous expliquer quelque chose. Il n’y a pas de cure pour le SIDA. Les gens continuent de mourir du SIDA, vous savez ?
    Quand j’ai débarqué à New York, j’ai eu la chance de rencontrer et devenir amie avec de nombreux magnifiques artistes, musiciens, peintres, chanteurs, danseurs, écrivains.
    Et puis, un jour, ces gens ont commencé à devenir malades, et personne ne comprenait ce qui se passait. Les gens commençaient par perdre du poids, et puis ils tombaient comme des mouches. Ils allaient à l’hôpital, et là non plus personne ne comprenait ce qui était en train de se passer.
    Les infos appelaient ça le « cancer gay », parce que ça sévissait principalement dans la communauté gay. Et ça, c’était une honte terrible. Parce que, je ne sais pas si vous comprenez ça, maintenant, mais dans les premières années ’80 ce n’était pas cool d’être gay, ce n’était pas accepté d’être gay. Vous comprenez ça ou vous considérez juste vos droits pour acquis ?
    Aujourd’hui, on peut se tenir debout et dire « je suis gay ».
    Mais à l’époque, s’assumer était une action très brave et très courageuse.
    Je ne sais pas si vous imaginez vraiment ce qu’a été, à cette époque où être gay était considéré comme un péché, comme quelque chose de dégoûtant, de voir soudainement une vaste portion de la communauté gay commencer à tomber comme des mouches.
    Les gens mouraient partout. Et quand je dis qu’ils mouraient partout, je ne suis pas en train d’exagérer. Chaque jour je me réveillais et j’apprenais qu’un nouvel ami était touché. J’allais leur rendre visite, je m’assoyais sur le côté du lit pour les regarder mourir.
    Et pendant ce temps, dans la communauté médicale personne ne voulait faire quoi que ce soit. Parce qu’ils disaient que ces gens méritaient de mourir. Oui, c’est ce qu’ils disaient.
    C’étaient des temps affreux. J’ai personnellement perdu beaucoup d’amis bien aimés. J’aurais donné mes bras si j’avais pu trouver une cure pour leur permettre de vivre.
    J’ai vu tellement de gens mourir, homme et femmes, enfants, hétéros, gays, etc. Parce qu’à cette époque le sang des transfusions n’était pas testé.
    Les enfants aussi étaient ostracisés s’ils avaient le HIV. Je ne sais pas si vous comprenez, mais c’étaient des temps dévastateurs. Pour moi, c’est comme si une entière génération avait été anéantie.
    Et j’ai vu mon meilleur ami Martin en train de mourir. J’ai serré sa main, il souffrait énormément, il pouvait tout juste respirer, il voulait me chanter Maria Callas, Casta Diva. Et je lui ai dit, s’il te plaît, Martin, laisse tomber. Et je regardais son esprit quitter son corps. Je ne sais pas si vous le savez, mais pendant « Live to tell », il est le premier visage qui apparaît.
    Et il y en a beaucoup d’autres après.
    Mais je ne dis pas ça pour que vous vous sentiez désolés pour moi. Je veux que vous sachiez à quel point vous êtes chanceux maintenant, à quel point vous êtes chanceux d’être vivants. Maintenant vous pouvez prendre un médicament et être protégés, c’est fou.
    Et je me retiens chanceuse d’avoir moi-même survécu à cette triste époque.
    Quand j’ai été à l’hôpital Saint Vincent à New York pour visiter des patients qui étaient mourants, leurs familles ne voulaient plus rien avoir affaire avec eux. C’était dans les années ’80.
    Il y avait toute une salle dans laquelle il n’y avait que deux infirmières qui acceptaient de rentrer et de soigner ces malades. Car tout le monde disait « si tu touches une personne avec le SIDA, tu vas l’attraper ».
    Et j’ai avance dans cette salle et j’ai vu tous ces hommes haletant leur dernier souffle, et tout ce qu’ils voulaient, c’était un câlin. Et j’ai marché entre les lits de beaucoup d’entre eux, et je leur ai fait des câlins. Et ils étaient dans un état de démence et ils pensaient que j’étais leur mère et ils disaient « Maman, merci d’être enfin venue ».
    Je ne sais pas si cette scène, cette salle de spectacle est le bon endroit pour raconter ça, mais vous n’avez pas idée de ce que c’était pour tous ces personnes d’être laissés sur le côté, comme s’ils n’avaient pas d’importance, comme si leurs vies n’avaient pas d’importance.
    Vous n’avez pas idée d’à quel point vous êtes chanceux maintenant, à quel point nous sommes chanceux.
    Mais les gens peuvent être si cruels, vous savez ?
    Et quand je suis revenue à la maison ce jour-là, après avoir visité cet hôpital, la presse était postée devant l’immeuble de mon appartement à Central Park West, et on m’a demandé : « Madonna, Madonna, c’est vrai que vous avez le SIDA ? ».
    Je leur ai répondu : « Non, je me soucie juste des gens qui ont le SIDA ».
    Il y a quelques années, j’ai écrit des livres pour enfants. Un jour, une femme s’est approchée de moi, elle est venue me parler et m’a dit : « Vous écrivez des livres pour enfants, vous avez des enfants, vous prenez soin des enfants, est ce que vous savez qu’il y a un pays en Afrique où plus d’un million d’enfants sont nés avec le SIDA ? ».
    Et je lui ai dit : « De quoi parlez-vous ? ».
    Et elle m’a parlé de ce pays appelé Malawi.
    Et j’y suis allée, et c’était comme une histoire qui se répète. Je suis allée dans les hôpitaux, j’ai vu les corps empilés les uns sur les autres.
    J’ai vu les gens mourir partout. Il n’y avait pas de médicament, aucun traitement, rien, pas d’antirétroviraux disponibles.
    Des décennies plus tard, c’était comme voir l’histoire se répéter. Et c’est de cette façon que j’ai rencontré mon fils David, dont la mère était morte du SIDA, et tous mes enfants que j’ai adoptés au Malawi. Mes beaux enfants.
    Une fois de plus, je ne vous raconte pas ça pour avoir votre compassion, je n’essaie pas de me faire mousser. Je veux juste parler de l’étroitesse d’esprit de certains gens. Et cela me rend malade, et cela devrait tous vous rendre malades aussi.
    Où je veux donc en venir ?
    Je veux juste honorer tous ceux que nous avons perdus à cause du SIDA, ceux qui vivent avec le SIDA, et ils sont nombreux.
    Merci à la recherche médicale et aux gens qui ont consacré du temps à la sensibilisation.
    Mais vous savez, à notre époque où nous avons accès à tant d’informations, l’ignorance n’a pas d’excuses. Si on peut mettre un terme à quoi que ce soit, que nous puissions s’il vous plaît mettre un STOP à l’ignorance !
    Est-ce que je vous ai endormis ? Pensez-vous que j'allais terminer le spectacle de ce soir et ne pas parler de ça ?
    La seule chose qui peut tous nous sauver, c’est la lumière qui nous fait briller, la lumière qui est dans chacun de nous. Nous devons la partager avec tout le monde. Alors, s’il vous plaît, allumez vos lumières, s’il vous plaît, allumez vos lumières, ne me faites pas supplier !
     
    Son émotion lors de son discours est palpable par toutes et par tous. Sa voix chevrotante lorsqu’elle évoque tous ces amis touchés par la maladie et décédés m’a ému. Ses mots semblaient venir directement de ses tripes. J’étais assez près d’elle, à quelques mètres à peine, pour voir qu’elle était tellement habitée par ses propos qu'elle en tremblait comme une feuille. J’ai même cru que la petite bouteille qu’elle tenait entre sa paume et son pouce allait se fracasser au sol. Je la voyais si menue, si fragile, elle était si émouvante à cet instant.
    J’ai envie de la croire sincère. En fait, je trouve que plus elle vieillit, plus elle devient humaine et touchante.

    Elle demande qu’on allume les torches de nos portables.

    « Ne me faites pas vous prier ! » elle nous encourage

     

    MADONNA, Celebration Tour 2023.



    A cet instant, la salle est illuminée par des milliers de lumières de portables. C’est beau et terriblement émouvant.

    Et là, elle chante « I will survive » juste avec un accompagnement de guitare, elle chante avec le public :





    Au début j'avais peur, j'étais pétrifié/At first I was afraid, I was petrified
    Je pensais que je ne pourrais jamais vivre sans toi à mes côtés/
    Kept thinking I could never live without you by my side
    Mais ensuite j'ai passé tellement de nuits à penser à quel point tu m'avais fait du mal/
    But then I spent so many nights thinking how you did me wrong

    Et je suis devenu fort/And I grew strong
    Et j'ai appris à m'entendre/And I learned how to get along

    (…)

    Vas-y maintenant, vas-y, sors par la porte/Go on now, go, walk out the door
    Tourne-toi maintenant/Just turn around now
    Parce que tu n'es plus le bienvenu/'Cause you're not welcome anymore
    N'est-ce pas toi qui as essayé de me faire du mal en me disant au revoir ?/
    Weren't you the one who tried to hurt me with goodbye?

    Tu penses que je m'effondrerais ?/You think I'd crumble?
    Tu penses que je m'allongerais et mourrais ?/You think I'd lay down and die?
    Oh non, pas moi, je survivrai/Oh no, not I, I will survive

    Oh, tant que je sais aimer, je sais que je resterai en vie/
    Oh, as long as I know how to love, I know I'll stay alive

    J'ai toute ma vie à vivre/I've got all my life to live
    Et j'ai tout mon amour à donner et je survivrai/
    And I've got all my love to give and I'll survive
    Je survivrai, hé, hé/I will survive, hey, hey

    Et après un tel discours, après les soucis de santé qu’elle a eu pendant l’été dernier ont auraient failli faire capoter cette sublime tournée ou, pire encore, éteindre sa belle voix à tout jamais, la chanson « I will survive » prend tout son sens.

    « I will survive » un message qui parle à tout le monde.

    Un peu plus tard pendant le spectacle, elle apparait avec le drapeau de l’arc en ciel en manteau, et c’est sans conteste l’une de mes plus belles photos de la soirée, si ce n’est pas la plus belle.


    MADONNA, Celebration Tour 2023.



    D’aucuns diront cyniquement qu’elle ne fait que flatter une frange de son public, le caresser dans le sens du poil.
    Là encore, j’ai envie de la croire sincère dans son propos de tolérance et de soutien à la communauté LGBT.
    C'est pour ça aussi qu'on l'aime.

    Le reste du spectacle est festif, étincelant, grandiose, alternant des moments dansants, festifs, esthétiques, iconiques et des ballades magnifiques. Elle n’a pas oublié non plus de rendre hommage aux deux autres piliers de la trilogie des stars ultimes des années ’80, tous conscrits de l’année 1958, à savoir, Michael Jackson et Prince. Elle est la seule survivante.
    Une tournée pour fêter ses 40 ans de carrière, un enchaînement de ses plus grand tubes remis au goût du jour, que ce soit musicalement ou visuellement. Une débauche de danseurs, d’écrans, de lumières, de projections, de jeux scéniques pour nous en mettre plein la vue, sans pour autant trahir l’essence du propos artistique d’origine.
    La tournée récolte de très bonnes critiques dans les médias. Il souffle comme un air de retour en grâce. Je suis si heureux de voir qu'avec cette tournée Madonna nous montre qu'elle n'a pas dit son dernier mot, et qu'elle nous met tous d'accord.
    Ce spectacle est du meilleur niveau « madonnesque », dans le top 5 des 12 tournées de sa carrière.
    Un show de près de plus de deux heures, mené tambour battant malgré ses 65 ans, malgré les problèmes de santé de cet été et sa protection au genou signe d’une fragilité toujours présente de ce côté-là.
    C’est un magnifique doigt d’honneur à ceux qui ont voulu la croire finie.
    Madonna est une force de la nature. Ou, du moins, l'illusion est là.
    Dans tous les cas, elle essaie comme toujours de donner le meilleur, tout en commençant à accepter de nous montrer que le temps passe sur son corps et son visage.


    MADONNA, Celebration Tour 2023.



    Au-delà de sa musique, de son image et de son soutien LGBT, ce qui m'émeut le plus chez elle ça a toujours été sa volonté de fer qui déplace des montagnes.
    Sa façon de dire merde à ses détracteurs, de toujours trouver la force de s’accrocher et d’avancer, malgré l’âge, les problèmes et les critiques.
    Dans sa chanson « Justify my love » elle chuchote « Poor is the man that pleasures depends by the permission of another ».
    Et ça, quand on est gay, et que pendant près de dix ans on s’est fait harceler à l’école à a cause de ça, quand on a cru qu’être différent c’était mal parce que les autres ne sont pas assez intelligents pour l’accepter, ça parle, ça parle, ça parle.
    Madonna m’a d’abord appris à croire en moi et en ce que je fais, et à ne jamais cesser d’y croire. Elle m’a appris à oser et à ne jamais avoir honte d’oser. Elle m’a montré que l’action et la persévérance finissent très souvent par porter leurs fruits, et que certains finiront par le remarquer. Que le respect et la légitimité se méritent. Qu’on vit pour raconter. D’où, le titre de l’une de ses plus belles ballades, « Live to tell ».
    Elle m'a également appris à rester debout malgré les années qui passent et qui nous cabossent, à regarder vers l’avenir même quand la tentation est forte de se laisser emporter par la nostalgie du passé, la crainte de l’avenir et l’aliénation du présent.
    Une philosophie de vie qu’elle a fait sienne le long de toute sa carrière, mais qui avait pris une dimension particulière lors du Madame X Tour de 2019, tournée qu’elle a mené au bout malgré des souffrances physiques importantes.
    Une philosophie de vie qu’elle n’a jamais laissé tomber, même pendant ces quatre années de traversée du désert. Et qui a pris toute sa dimension lors du Celebration Tour, en remontant sur scène alors qu’elle revient de loi, de très loin.

    C'est cette attitude que j'ai toujours aimé chez elle et c'est ça qui me l'a chevillé au corps.
    Un jour elle a dit : « The most controversial thing I ever done… is to stick around ! ».
    La chose la plus controversée que j’ai jamais fait, c’est de m’accrocher.
    C’est cette attitude qui l’a établie définitivement en tant qu’icone de la communauté LGBT.
    Ça résume toute sa carrière.
    On peut aimer ou pas l’artiste, ses chansons, son image, la star, ses caprices. Mais il est un fait incontestable. Sa volonté, sa persévérance et sa résilience imposent le respect.

    Voilà ce qu’elle représente pour moi.

    Voilà ce que j’aime chez elle.

    Voilà pourquoi son attitude m'inspire beaucoup.

    A Amsterdam elle était radieuse et magnifique.
    Oui, cette femme est un phénix. Et je l’aime plus que jamais.
    Jamais un concert de Madonna n’a autant fait sens pour moi.

    C’est peut-être la dernière fois que je l’aurai vue en spectacle, en vrai, et de si près.

    Dans l’attente de la future captation officielle, qui sera encore ultra travaillée, avec des plans qui ne dureront que des fractions de seconde, où tout sera mis en œuvre pour continuer à dessiner le mythe en effaçant ce naturel qui fait toute la valeur ajoutée de ces spectacles, je ne me lasse pas de regarder les nombreuses captations de fans des différentes dates.
    Car ces images tournées avec amour, ou l'on voit à la fois Madonna et Veronica, sont les plus précieuses qui soient.

    Merci d’exister, Madonna, et à la prochaine !


    CELEBRATION TOUR 2023
    Le contexte depuis l’époque Madame X (2019-2020).


    Malgré un dernier album plutôt original et bien réalisé, l’époque « Madame X » (2019) a été caractérisée par un retour en demi-teinte, entre looks peu convaincants, prestations télévisées ratées et critiques et tous azimuts – sur son physique, sur son visage, sur son âge, sur ses capacités artistiques, sa « hasbeenisation » – sur les réseaux sociaux et dans les médias. Madonna vieillit, et on ne le lui pardonne pas. D’ailleurs, elle-même semble ne pas l’accepter.
    L’album s’est peu vendu, mais les tickets pour la tournée des théâtres, organisée sous la forme de mini-résidences dans plusieurs villes américaines et européennes, se sont écoulés en un claquement de doigts.
    Mais le Madame X Tour ne s’est pas passé comme prévu. Il s’est en effet avéré être la tournée la plus difficile de Madonna, des problèmes de santé ayant entrainé des annulations tardives de plusieurs spectacles.
    Après la fin du Madame X Tour, l’actualité de Madonna a été quelque peu chaotique. D’abord, il y a eu des longs mois de soins et de rééducation pour tenter de soigner ses problèmes articulaires. Puis, une longue, très longue, interminable traversée du désert, caractérisée par de nombreux posts Instagram aux propos douteux, aux images souvent de mauvais goût, aux provocations à deux balles. Une période ponctuée par quelques prestations live sans queue ni tête, par quelques collaborations musicales à oublier, ainsi que par la désastreuse tentative de remise au goût du jour de certains de ses titres iconiques avec des artistes à la mode, tentative se traduisant en autant de désastres.
    Certes, de nos jours, il faut être présent sur les réseaux et avoir une actu régulière pour exister et ne pas tomber dans l’oubli. Et oui, le dicton « en bien ou en mal, pourvu qu’on en parle » est toujours l’une des bases du marketing. Mais tout cela est indigne de la légende vivante qu’elle est.
    Fournissant ainsi à ses détracteurs d’innombrables bâtons pour se faire battre, elle n’a pas été épargnée par les coups, certains bas à souhait. Elle a tout pris, sur son âge, son apparence, sa mollesse, sa voix, sa chirurgie plastique, son cul, ses fringues, son maquillage, ses bijoux, ses lèvres, ses yeux, j’en passe et des meilleures.
    Plus elle était moquée et insultée, plus elle se vautrait dans une provocation de plus en plus trash. Et plus elle se faisait descendre. En quelques années, elle est devenue la risée de la presse et du grand public. Elle a été bannie des télés, des radios, et des playlists.
    Même les fans de la première heure doutaient qu’elle puisse un jour se relever du pétrin où elle s’était embourbée. D’autant plus que Madame X était le dernier album prévu par son contrat d’artiste.
    Puis fin 2022, la tournée est annoncée. Une tournée mondiale, dans des arénas. Une tournée sans album à promouvoir, pour célébrer ses 40 ans de carrière.
    On n’y croyait plus. On est heureux, mais on se demande si elle va pouvoir assurer.

    Janvier 2023, les tickets sont mis en vente. Quarante dates sont annoncées au départ, mais au vu de l’engouement, elles deviennent vite 80. J’arrive à avoir des tickets pour Amsterdam pour le 1er décembre. Un pour moi, un pour Elodie, et l’un pour Lucie, elle va avoir 21 ans déjà, jolie fille à qui sa maman a inculqué les bases du goût musical, elle a été biberonnée à grands coups de tubes de Madonna. Et un pour le garçon qui devait m’accompagner.
    Le début de la tournée est prévu pour le 15 juillet à Vancouver.
    Les mois passent, les premières photos des répétitions filtrent sur Internet. L’été arrivé. L’impatience monte en flèche en ces derniers jours de juin à l’approche de la première date de la tournée. Je suis très impatient de voir les premières images du spectacle sur Internet, si elle ne nous fait pas à nouveau le sketch de nous kidnapper les portables à l’entrée comme lors du Madame X Tour.
    Puis, le samedi 24 juin 2023 c’est la douche froide. Guy Oseary, le manager de Madonna annonce par un court communiqué sur Instagram que la star est hospitalisée en soins intensifs suite à une « attaque bactérienne sérieuse ».
    A côté de cette version officielle, d’autres infos circulent sur la toile. Elle aurait été trouvée inconsciente chez elle et elle aurait été réanimée de justesse. En cause, le surmenage lié à la préparation de la tournée, définie comme étant « très ambitieuse » par des voix bien renseignées. Ah, non, non, non ! Pourvu qu’elle ne nous fasse pas une « Michael Jackson », qu’elle ne range pas l’arme à gauche en préparant un retour au-dessus de ses forces ! Je préfèrerais encore que tout soit annulé plutôt qu’elle mette en danger sa vie. Aucune tournée ne mérite autant de dévouement. Mourir sur scène, ce n’est pas une bonne idée !
    Pendant deux longues semaines, aucune autre info ne filtre sur son état de santé.
    Enfin, le 9 juillet, une photo fait surface sur la toile. On la voir debout, en pleine rue, avec un grand chapeau. Le lendemain, elle se fend d’un long post de remerciements pour tous ce qui se sont inquiétés pour sa santé. Pour elle.
    Bien évidemment, elle a besoin de temps pour récupérer. Toute la première partie du tour, les dates en Amérique du Nord, est reportée à début 2024. Le Celebration Tour débutera désormais à Londres le 14 octobre 2023.
    Toutes les autres dates européennes sont maintenues, je suis rassuré. Un peu, mais pas totalement. Pourvu que la tournée ne soit pas à nouveau marquée par des soucis de santé. Pourvu qu’elle ne se mette pas en danger !


    Hommages à Madonna.


    Un Megamix audio vidéo de grande qualité qui offre un vaste panoramique de l'étendue et de la richesse de la carrière de Madonna. Ça donne le vertige de voir toutes ces images, le travail produit, le temps qui passe. Never forget.




    Madonna Rusical

    Un hommage tout en humour et bienveillance.






    GLEE S01E15 La puissance de Madonna

    SUE:
    —    Madonna. En prononçant simplement ce nom à haute voix, je me sens puissante. Désolé, Angie Jolie, Catherine La Grande, Madonna est la plus grande femme qui n'a jamais marché sur cette terre. Madonna est une légende. Madonna est la force, l’indépendance. Personne n’est comme la material girl.
    —    Qu'est-ce qui vous vient à l'esprit quand vous voyez ce nom ? Génie. Icône. Gloire. MILF.
    —    Donc, nous sommes tous conscient de la signification culturelle de la musique de Madonna. Culturellement, elle transcende sa musique, parce que généralement, les textes de ses chansons portent sur le fait d’être fort, indépendant, confiant, sans différence de sexe. Mais plus que tout, le message de Madonna est porté sur l'égalité. Prendre le contrôle de soi même et de son corps.

    Express Yourself

    Tu mérites le meilleur de la vie/You deserve the best in life
    Donc si le moment n'est pas venu, alors passe à autre chose/So if the time isn't right, then move on
    Le deuxième meilleur n'est jamais suffisant/Second best is never enough
    Tu feras beaucoup mieux, bébé, tout seul/You'll do much better, baby, on your own
    Ne opte pas pour un pis-aller, bébé/Don't go for second best, baby
    (…)
    Exprimez-vous/Express yourself
    Tu dois le faire/You've got to make him
    S'exprimer/Express himself
    (…)
    Respecte-toi, hé, hé/Respect yourself, hey, hey
    (…)
    Exprimez-vous/Express yourself

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


    Podcasts :




    https://www.radiofrance.fr/personnes/madonna


     


    Billboard Femme de l’année 2016.





    « D’abord, merci d’avoir reconnu ma capacité à mener ma carrière pendant 34 ans, face à une misogynie flagrante, le sexisme, des brimades constantes, et des abus incessants.
    Lorsque j’ai débarqué à New York, j’étais une adolescente. C’était en 1979, et New York était un lieu très effrayant. La première année, j’ai été menacée avec une arme, violée sur un toit avec un couteau sous la gorge, et mon appartement a été cambriolé tellement de fois que j’ai fini par arrêter de verrouiller la porte.
    Au cours des années qui ont suivi, j’ai perdu presque tous mes amis à cause du SIDA, de la drogue, des balles d’arme à feu.
    Vous pouvez imaginer que tous ces évènements inattendus m’ont non seulement aidée à devenir la femme audacieuse qui se tient devant vous, mais cela m’a également rappelé que je suis vulnérable et que dans la vie il n’y a pas de véritable sécurité, mis à part la confiance en moi et la compréhension que je ne suis pas propriétaire de mes talents, que je ne suis pas propriétaire de rien, que tout ce que je possède est un don de Dieu. Et que tout ce qui m’est arrivé, c’est arrivé pour me donner de leçons et me rendre plus forte.
    Lorsqu’on m’a annoncé qu’on me remettrait un prix pour avoir été « la femme de l’année dans la musique », je me suis demandé que puis-je dire sur le fait d’être une femme dans le monde de la musique. Quand j’ai commencé à écrire des chansons, je ne pensais pas au féminisme, je voulais juste être une artiste. J’ai bien sûr été inspirées par des femmes comme Debbie Harry, Chrissy Hind, ou Aretha Franklin. Mais ma vraie muse était David Bowie, il incarnait l’esprit à la fois masculin et féminin et cela me convenait très bien. Il m’a laissé imaginer qu’il n’y avait pas de règles, que je pouvais faire ce que je voulais.
    Mais j’avais tort de penser cela. Il n’y a pas de règles, si tu es un garçon. Si tu es une fille, tu dois jouer le jeu. C’est quoi ce jeu ? Vous avez le droit d’être jolie, mignonne, et sexy. Mais n’agissez pas trop intelligemment, n’ayez pas d’opinion, n’ayez surtout pas d’opinion qui ne correspond pas au status quo. Lorsque je suis devenue célèbre, il y avait des photos de nues de moi dans Playboy et Penthouse, elles étaient issues d’écoles d’art pour lesquelles je posais à l’époque pour gagner de l’argent. Elles n’étaient pas très sexy, en fait j’ai l’air assez ennuyée, car je l’étais. On s’attendait à ce que j’aie honte quand ces photos sont sorties, et je n’avais pas honte. Mauvaise réponse !
    Vous êtes autorisée à être « objectifiée » par les hommes, et habillée come une pute, mais, surtout, ne partagez pas vos propres fantasmes sexuels avec le monde. Soyez ce que les hommes veulent que vous soyez, mais plus important encore, soyez ce que les femmes veulent que vous soyez pour qu’elles se sentent à l’aise avec vous.
    Et enfin, ne vieillissez pas. Parce que vieillir est un péché. Et lorsque cela arrivera, vous serez critiquées, vous serez vilipendées. Et vous ne serez plus jamais diffusée à la radio.
    Les gens disent que je suis quelqu’un de très controversé. Mais je pense que la chose la plus controversée que j’ai jamais faite, c’est de m’accrocher.
    Ce que j’aimerais dire à toutes les femmes ici aujourd’hui, c’est que les femmes ont été tellement opprimées, pendant si longtemps, qu’elles ont fini par croire que pour se sentir accomplies, elles doivent soutenir un homme. Car il n’y a que de très bons hommes qui valent la peine d’être soutenus.
    En tant que femmes, nous devons commencer à apprécier notre propre valeur. Nous devons aller vers des femmes fortes avec lesquelles se lier d’amitié et collaborer, des femmes qui nous apprennent des choses, qui nous inspirent, qui nous soutiennent, qui nous éclairent.
    Pour moi, le plus important ce n’est pas de recevoir ce prix pour recevoir ce prix. Le plus important à mes yeux, c’est plutôt l’opportunité qui m’est donnée de me tenir devant vous et vous dire merci en tant que femme, en tant qu’artiste, en tant qu’être humain. Non seulement aux personnes qui m’ont aimée et soutenue tout au long de mon chemin. Tant d’entre-elles sont assises devant moi en ce moment, et vous n’avez pas idée d’à quel point cela compte pour moi.
    Madonna est émue, elle marque une pause, les applaudissements l’encouragent et la soutiennent.
    Je veux également remercier les sceptiques, les opposants, tous ceux qui m’ont fait la misère, qui m’ont fait vivre l’enfer, ceux qui ont dit que je ne le pouvais pas, que je ne le ferais pas, que je ne devais pas le faire. Votre résistance m’a rendue plus forte. Vous avez fait de moi la combattante que je suis aujourd’hui. Vous avez fait de moi la femme que je suis aujourd’hui.
    Alors, merci.


  • Commentaires

    1
    Virginie-aux-accents
    Samedi 11 Mai à 23:52

    Quand j'étais ado dans les années 80 (et oui, je suis vieille), j'avais des badges avec son portrait. Son militantisme ne m'avait pas frappée mais sa puissance et son charisme étaient une évidence pour moi.

    Oui c'est une icône, comme Jackson (j'avais un billet pour son retour à Londres) et elle peut encore nous surprendre.

    Merci pour ce bel hommage.

      • Mardi 14 Mai à 23:25
        Merci à toi Virginie d'avoir pris le temps de commenter ce récit qui n'est pas une fiction.
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