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    Recevoir une fellation, une bonne pipe, surtout la première de sa vie… c’est un plaisir autant physique, autant purement charnel qu’un plaisir de voir ainsi reconnue et célébrée sa puissance virile, c’est galvanisant, excitant, ça fait éclore en moi un sentiment que je n’avais jamais soupçonné pouvoir un jour éprouver, quelque chose qui ressemblerait à de la fierté purement masculine… ça me donne des ailes de voir un garçon très motivé à me donner du plaisir…  

     

    Putain, je me sens tout drôle… je me sens… je me sens mec, quoi… sous l’effet de l’excitation qui fait taire ma raison et sauter d’un seul coup tout le vernis de mes certitudes pour éveiller mes instincts primaires les plus enfouis, j’ai l’impression que dorénavant on va me regarder tout autrement, que ma queue et ma sexualité me rendent tout puissant… et si ça me fait cet effet à ma première pipe, si j’ai autant envie de jouir, qu’on me fasse jouir, si pour la première fois je ressens en moi cette envie nouvelle, impérieuse, capable même de faire disparaître la seule envie qui n’a jamais été la mienne devant un beau garçon, celle de le faire jouir… lui et juste lui… voilà, je comprends enfin que chez un gars comme Celui-dont-on-ne-doit-pas… un gars dont la sexualité est autrement reconnue et sollicitée que la mienne, ce sentiment de toute puissance sexuelle puisse monter à la tête… 

     

    Sa bouche redescend tout lentement, sa langue s’enroulant autour de mon nombril… et lorsque ses lèvres et sa langue retrouvent ma queue, il me suce encore, longuement 

     

    Et lorsque, après un long moment de bonheur, ses lèvres chaudes quittent ma queue, je ne sais plus où j’habite… j’en veux encore, j’en veux plus… ma queue est si raide, dégoulinante de sa salive, vibrante de plaisir et d’excitation, si proche à exploser dans un feu d’artifice de jouissance… elle réclame désormais ce contact lui étant devenu si indispensable… c’est frustrant… j’ai tellement envie de jouir je suis à deux doigts de lui dire d’y revenir illico… je sens que je suis à tout juste quelques mouvements de main bien administrés de jouir très fort… j’ai presque envie de me branler… sa bouche et sa langue me manquent… dans mon cerveau c’est une profusion de décharges électriques, je suis hors de moi, je n’arrive plus à réfléchir, à penser à autre chose, j’ai du mal à me maîtriser, à ce moment là je ne suis que pur désir… je comprends mieux quand Celui-dont-on-ne-doit-pas… m’ordonne de le sucer… je comprends mieux cette urgence complètement masculine que l’on s’occupe de son plaisir débordant… oui, je comprends mieux…  

     

    Ma queue réclame son « du »… oui, son « du », car on a l’impression, lorsqu’on prend autant de plaisir, que l’on n’est pas en droit de nous le retirer si près du bout… tout cela ne dure qu’un instant… un instant qui me parait une éternité… ma respiration se fait profonde, impatiente, je déglutis bruyamment, tous mes muscles sont tendus, mon cerveau complètement accaparé par la vibration intense de mon excitation…

     

    Ainsi, si sa bouche m’a semblé d’abord injustement délaisser et interrompre ce plaisir, c’est pour m’en offrir un autre encore plus puissant… ça me surprend, ma queue frémit de plaisir lorsque je ressens une pression légère, presque un effleurement sur le frein de mon gland… c’est le bout de sa langue qui vient de s’y poser… elle s’y retire, elle y revient, elle s’en va encore… elle commence à faire des allers et retours réguliers, comme si elle sautillait sur place, elle agace cette zone que je découvre hyper hyper hyper sensible avec des touches légères et rapides… putain de putain de putain que c’est bon…

     

    Les petits coups de sa langue deviennent peu à peu plus appuyés, plus insistants… parfois sa langue se laisse aller à faire le tour de mon gland… revenant toujours au même endroit, me procurant un plaisir intense et exquis… ses mains sur mes deux tétons, ses doigts exerçant une pression alternativement légère et plus accentuée, tout comme le bout de sa langue sur le creux de mon gland… je suis le mec le plus excité de la terre…  

     

    Oui, j’ai l’impression que j’approche à grands pas de l’orgasme, j’ai l’impression que je vais jouir très vite… j’en ai très envie… et ce dont j’ai vraiment envie c’est… soudainement je me surprends à sentir que j’ai envie… très envie de… de jouir dans sa bouche…  

     

    Je sais que ça c’est un truc que Celui-dont-on-ne doit… adore… j’ai envie, mais je sais que je ne vais jamais oser lui imposer ça… et surtout je n’oserais jamais lui demander d’avaler… je ne sais même pas si j’en ai envie… mais de lui jouir dans la bouche… il me faut admettre que de ça j’en ai foutrement envie… 

     

    Il y a en effet quelque chose de terriblement excitant dans cet acte… jouir dans la bouche d’un mec ou bien, à contrario, faire jouir un mec dans sa bouche, le sentir libérer en un long jet toute sa virilité, comme si on allait « avaler » cette virilité même, aspirer sa virilité, voilà l’élément ultime qui vient couronner le plaisir intense qu’on s’est soigneusement appliqués à lui offrir…  

     

    Mon corps est parcouru, secoué par des frissons de plaisir complètement dingues… je sens que je ne vais pas tenir longtemps… s’il continue ainsi je vais jouir… je vais lui jouir sur la langue, sur le visage… je ne peux par lui faire ça… de toute façon j’ai trop envie de lui jouir dans la bouche… mais je ne peux pas lui demander ça, j’ai trop peur qu’il le prenne mal…

     

    Je décide de lui annoncer ce qui va arriver et de lui laisser le choix de « gérer » ça de la façon dont il a envie… et tant pis s’il choisit de me faire jouir juste avec sa main et d’en foutre partout sur moi… même si je préfèrerais bien autre chose…

     

    « Steph… je vais jouir… » je finis par lâcher, la voix déjà à moitié étranglé par l’orgasme qui a commencé à envahir mon cerveau avant de déborder mon corps… une info qui veut à la fois signifier « fais gaffe, je vais jouir » et « je vais jouir, prends moi en bouche »…

     

    Heureusement pour moi, le charmant Stéphane aura envie de prendre mon info dans le sens le plus plaisant pour moi… je n’ai pas fini ma phrase, que ses lèvres enserrent ma queue, faisant des allers retours amples et rapides sur toute sa longueur… ses doigts caressent toujours mes tétons…

     

    Ainsi mon orgasme sera puissant, incroyablement long et intense, je jouirai des grands flots dans sa bouche en émettant des petits râles à la fois contenus et inéluctables… j’ai l’impression que je jouis tellement que je vais lui remplir la bouche… pendant que je jouis, voilà que l’idée qu’il puisse avaler mon jus m’apparaît soudainement comme sacrement excitante… force est d’admette que pendant ce moment de plaisir aussi rapide et aussi puissant que l’éclair, plus rien ne compte à part sa propre jouissance, plus rien n’existe, c’est une éclipse passagère mais complète de la raison, un instant de ténèbre ou l’instinct pur refait surface en nous accompagné par des images et des fantasmes inattendus… c’est une petite mort, mais une mort si plaisante…

     

    Lorsque je reviens à moi, je vois Stéphane partir vers la salle de bain et un instant plus tard je l’entends recracher discrètement… au fond, je suis heureux qu’il en soit ainsi… l’excitation passée, j’aime autant qu’il n’avale pas… je crois que je ne suis pas prêt à demander cela à un garçon… c’est tellement demander… c’est si intime… je me dis que le fait qu’il n’aille pas si loin, ça va rendre plus simple de se retrouver après…

     

    Avaler le jus d’un garçon… c’est d’ailleurs une envie que tous les homos, que ce soit par goût ou par précaution, n’ont pas… moi je l’ai eue dès la première pipe que j’ai faite à Celui-dont-on-ne-doit-pas…, mais je crois que c’est surtout pour la raison que, depuis le temps que je fantasmais sur lui, depuis le nombre de branlettes que je m’étais tapées dans mon lit en pensant à sa sexualité encore inconnue, je l’avais déjà furieusement dans la peau…

     

    Et puis, il y a aussi le fait qu’il me l’ordonné ce jour là sur un ton si décidé, un ton qui n’admet pas de contradiction, un ton chargé d’une puissance virile à laquelle je suis si sensible et à laquelle je ne peux pas m’opposer, un ton qui établira une règle de conduite à laquelle par la suite je ne dérogerai que très très rarement… c’est vrai que j’y ai rapidement pris goût, car j’adore son goût de mec et j’adore le voir kiffer quand je lui fais ça…

     

    La peur de certaines maladies est dissipée devant l’envie de lui faire plaisir, devant sa façon terriblement excitante de l’exiger, j’ai fait taire mes dernières réticences en me disant qu’avec un hétéro, bien que serial baiseur et pas toujours protégé contre les intempéries, je ne risque pas grand-chose… c’est stupide comme réflexion… mais lorsqu’on a 18 ans et que l’on est si amoureux, on n’est pas très futés…

     

    Oui, j’adore avaler son jus, car je considère que le fait de laisser un garçon jouir dans sa propre bouche, d’avaler son jus d’un mec est l’un des trucs les plus excitants qu’on puisse lui faire… une soumission si puissante à sa virilité, une reconnaissance ultime du pouvoir masculin qu’il a sur nous, une affirmation silencieuse qui est presque aussi forte que celle témoignée par une sodomie, même sans capote, si ce n’est davantage…

     

    Oui, faire jouir un garçon dans sa bouche, avaler son jus, lorsqu’il est raisonnablement possible de le faire… là c’est encore une autre dimension du plaisir, et ceci autant pour celui qui donne que pour celui qui reçois… car il y a un truc tellement « intime », tellement… « absolu », tellement symbolique dans cet acte… c’est un truc vraiment très fort qui me rend dingue quand je le vis ou quand tout simplement j’y pense… 

     

    Putain que c’est bon de jouir comme un mec… jouir dans la bouche d’un garçon… j’ai joui et je me sens trop bien… je me sens bien dans mon corps, chacune de ses fibres résonnant encore du plaisir qui vient de le faire vibrer, comme les cordes d’un piano après la dernière note puissante qui conclut une Sonata… oui, je me sens bien dans mon corps, et aussi bien dans mon esprit… car je me sens enfin… mec… après avoir été le vide couilles d’un mec trop sur de lui, après m’être laissé branler par Steph la dernière fois, c’est comme un troisième dépucelage…  

     

    Je profite de ces quelques instants avant le retour de Stéphane pour recouvrir mes esprits… car plusieurs pensées se bousculent dans ma tête… en ordre épars… voilà…  

     

    Primo : je me suis fait sucer et j’ai joui dans la bouche magique de ce garçon adorable… 

     

    Secondo : non seulement j’ai trouvé ça très bon, mais ce qui m’enchante c’est de savoir désormais que Terzo : je peux également prendre mon propre pied sans avoir besoin d'en donner…  

     

    Quarto : je sais que quand on s'occupe bien d'elle, ma queue peut avoir envie et besoin de jouir sans que le mec avec qui je couche ne jouisse d'abord…  

     

    Quinto : je sais aussi que l'urgence de jouir peut s'emparer de moi et que rien d'autre ne compte à ce moment là… 

     

    Ce que je me demande en revanche c’est si cela peut être valable dans toutes mes rencontres sexuelles ou si cela dépend de l'attitude du mec que j'ai en face… en clair, est-ce qu’il existe des mecs comme Celui-dont-on-ne-doit-pas…, des mecs qui m’inspirent une furieuse envie de les sucer, d’autant plus que pour ce genre de mec il n’y a que leur propre pied qui compte, avec qui les rôles sont établis et immuables… et puis il y aurait des mecs comme Stéphane, des mecs auxquels j’ai autant envie de faire plaisir que de me laisser faire plaisir et avec qui les rôles sont remplacés par un plaisir partagé et réciproque ?  

     

    Voilà… voilà comment s’est passée ma première fellation « active »… je ne sais même pas comment l’appeler… c’est ça donc une fellation « active », une fellation que j’ai reçu dans un rôle opposé à celui de soumis à la queue de mon beau brun ? Dans la fellation, plus encore que dans d’autres jeux sexuels, le rôle d’« actif » et de « passif » dépend de la façon de voir les choses… l’actif est-il au final celui qui se fait sucer sans rien faire si ce n’est prendre son pied ? Ou alors, au contraire, l’actif est-il celui qui s’active sur une queue à laquelle il veut offrir le plus grand plaisir ? Voilà une grande question philosophico-érotique sur laquelle on pourrait ouvrir un débat sur HDS… 

     

    Oui je profite de ces quelques instants de solitude en l’absence de Stéphane pour me livrer à ce genre de réflexion… en fait je ne suis pas seul du tout… Gabin est venu me rejoindre… il se frotte contre ma jambe qui tombe nonchalamment sur le coté du lit… ce qui entraînera un beau sourire sur le visage de ce beau Stéphane de retour de la salle de bain…  

     

    Oui, le labrador se frotte contre moi, et son maître va en faire de même… il vient s’installer à coté de moi sur le lit… il s’allonge sur un flanc, sa main libre me caresse les cheveux, le front, le cou… mon dieu que c’est agréable tout cela… et lorsque je me retourne vers lui pour chercher ses lèvres, il me prend dans ses bras et me serre très fort contre lui… 

     

    Oui, Stéphane me serre dans ses bras et me câline… Gabin, assis à coté du lit bouge dans tous les sens…

     

    « Il est jaloux… » m’explique Stéphane.

     

    « Pauvre chien, je te vole ton maître… » je rigole en m’adressant au labra.

     

    « Il n’est pas jaloux de toi, mais de moi… » il relance.

     

    « Comment ça ? » je m’étonne.

     

    « Il est jaloux que je puisse câliner un garçon aussi mignon que toi… » il balance sur un ton tout gentil ; et il continue « il a peur que je le remplace et que je l’oublie… »

     

    « C’est toi qui est mignon, Steph… » je m’émeus en l’embrassant et en le serrant super fort contre moi… car le sentir contre moi m’apaise, me fait du bien, je suis bouleversé.

     

    Je l’entends, je le vois sourire… ses caresses sont si douces, son sourire si charmant qu’il en est excessivement sexy… certes, son corps, sa morphologie n’ont pas la perfection plastique à laquelle je suis habitué avec Celui-dont-on-ne-doit-pas…  mais la douceur et la gentillesse, la bienveillance qui se dégagent de son être tout entier, de ses gestes, dans ses moindres mouvements, dans ses attitudes, dans ses sourires, dans ses mots, dans le ton de sa voix, dans ses regards, dans ses silences, lui donnent un coté craquant qui le rend définitivement séduisant… tout est gentillesse chez ce mec, douceur et sensualité, une douceur pourtant si… virile… si rassurante, si apaisante… 

     

    Une question me traverse l’esprit à cet instant, une question qui restera sans réponse, mais qui aura le mérite d’avoir été portée à la surface de mon esprit grâce à cette magnifique rencontre : est-ce qu’au final ce n’est pas ce genre de mec la qui est le plus sexy, au-delà des plastiques parfaites de mecs scandaleusement beaux ? 

     

    Oui, il a l’air d’un garçon tellement gentil qu’on lui donnerait la bonne pipe sans protection… c’est ce que je vais m’atteler de faire dans les instants immédiatement suivants… 

     

    Ce mec me fait tellement d’effet que je suis à nouveau excité quelques minutes à peine après avoir joui… ma bouche quitte la sienne et me lèvres commencent à se balader sur sa joue, descendent sur sa mâchoire, se perdent dans son cou… notre étreinte se délie tout naturellement, Stéphane se retrouve vite allongé sur le dos et moi… allongé sur lui… ma bouche parcourt son torse, se perd sans cet univers légèrement velu, tiède, doux… il a un petit coté nounours tout doux que je trouve craquant…

     

    Je parcours son chemin du bonheur, j’arrive à la lisière de l’élastique de son boxer DIM orange et blanc déformé par la bosse de sa queue bien tendue… 

     

    Je vais voir sa queue pour la toute première fois… je la caresse avec mon nez au travers du tissu, à la recherche des petits odeurs de mec qui peuvent se dégager de la queue d’un garçon bien excité… mes narines sont aux aguets… et elles finissent par capter quelques phéromones males… c’est tout léger, mais terriblement excitant… 

     

    Il y a là aussi quelque chose de presque « mystique » à l’idée de découvrir l’intimité encore inconnue d’une mec qui nous plait, de retarder le moment de la libérer du tissu du sous-vêtement, de la deviner a travers le tissu, de la sentir, de la toucher… 

     

    J’en profite pour le faire languir un peu, pour faire monter son excitation… j’en profite aussi pour faire durer l’attente, mon attente… sa queue est toujours dissimulée par le tissu de son beau boxer… c’est comme un cadeau que j’ai à la fois hâte de découvrir très vite et peur de déballer pour faire durer encore la surprise, l’inconnu, le désir… l’objet du désir est si près, et il n’appartient qu’à moi de l’approcher… je pense que Stéphane n’est pas du genre à sortir sa queue de son boxer et à me l’enfoncer profondément dans la gorge si je le fais un petit peu trop attendre, alors j’en profite… 

     

    L’envie de découvrir son intimité finit quand même par me décider… c’est un petit frissonnement de sa queue, provoqué par une caresse un peu plus appuyée de mes lèvres qui me fera attraper l’élastique de son boxer et découvrir une belle queue élancée, légèrement courbée vers le haut, naissant d’une touffe de poils tout doux et culminant avec un joli gland luisant… j’ai sacrement envie de l’avoir en bouche… alors je m’y attelle sans plus tarder… 

     

    Je commence par goûter à son gland, bien saillant par rapport à sa tige… mes caresses buccales sont toutes légères, là encore j’ai envie de le faire languir un peu… mais j’ai trop envie de le sentir frissonner sous les coups de ma langue, trop envie de voir comment ce mec ressent le plaisir masculin, alors je vais rapidement passer aux choses sérieuses… un instant plus tard je suis en train de le sucer avec une bonne cadence qui semble le ravir… je vois son diaphragme bouger sous les ondulations de sa respiration qui s’est faite profonde, espacée… je l’entends inspirer et expirer très longuement… j’ai l’impression que le mec est comme entré en connexion avec son corps, qu’il est à l’écoute de la moindre parcelle de son plaisir, qu’il est à l’écoute de moi aussi… 

     

    Car ses mains se portent à nouveau sur mes tétons… mais j’ai l’impression que ce n’est pas pour donner de l’entrain à ma fellation… du moins pas encore… il ne me connaît pas encore assez pour calculer cela, quoique… s’il a capté, comme il l’a captée, la sensibilité de mes tétons, il pourrait vite faire le rapprochement… mais non, j’ai l’impression que Stéphane est en train de me caresser pour me faire plaisir, pour me retourner une petite partie de la jouissance que ma bouche est en train de lui offrir…  

     

    Je continue alors à le sucer avec un plaisir non dissimulé… et Stéphane continue de prendre son pied avec une envie non dissimulée… mon plaisir est même grandissant… surtout depuis que mes papilles ont décelé, légèrement mélangé à ma salive quelque chose qui les ravit… un petit goût tout juste perceptible de ce liquide que, comme je le découvrirai par la suite, certains mecs sécrètent en plus ou moins grande quantité, mais de façon continuelle dès la montée de l’excitation…  

     

    J’ai envie de lui faire autant plaisir qu’il m’en a fait… je descends lui lécher les boules, ma langue s’attarde autour de ses bourses, ensuite elle parcourt sa tige de haut en bas s’attardant encore sur le gland… avec ma langue je titille le creux de son gland… j’ai l’intuition que cette petite chose si puissante qu’il vient de me faire, il doit autant aimer la recevoir… ça aussi je l’apprendrai par la suite… pour faire plaisir à un mec, il est parfois utile lui laisser nous faire plaisir… le laisser nous parler de lui… hélas, lorsqu’on est si porté sur l’envie de donner le plaisir aux hommes, dès qu’on a accès à leur intimité, on se précipite dans notre rôle de dispensateur de bonheur, on se précipite pour les faire jouir… c’est dommage, car bon nombre de mecs aime autant donner que recevoir, et lorsqu’il nous en donne, il nous indique comment il aime en recevoir… 

     

    C’est une chance qui est propre aux homos, celle d’avoir envie de s’occuper de partenaires qui ont notre propre morphologie, la même sexualité, les mêmes envies, les mêmes « équipements », la même façon de prendre le plaisir… lorsqu’on est homo et que l’on commence à connaître son propre corps, il est plus facile de faire plaisir à un autre garçon que pour un hétéro, dont le plaisir du partenaire demeurera à jamais un mystère… 

     

    Pour le coup, lui ayant permis de me donner du plaisir avant de m’atteler à lui en offrir à mon tour, j’ai eu l’occasion d’apprendre ce qui pourrait lui faire drôlement envie… je ne m’y suis pas trompé… et j’en suis ravi… c’est beau de voir un garçon frissonner sous les coups de sa propre langue… 

     

    Je me rends compte que c’est la première fois que je suce une queue qui ne soit pas celle de Celui-dont-on-ne-doit-pas… bon, si on veut être précis, il m’est arrivé de sucer une autre queue… mais ce n’est qu’une seule fois, et de plus il s’agit de celle de son cousin, une queue qu’il m’a autorisé lui même, ou plutôt commandé, de sucer… ce n’est pas non plus la première fois que je prends mon pied avec un garçon à l’insu de Celui-dont-on-ne-doit-pas… Stéphane m’a fait jouir en me branlant lors de notre première rencontre… 

     

    Mais c’est bel et bien la première fois que j’offre du plaisir à un garçon, que je vais le faire jouir à l’insu de Celui-dont-on-ne-doit-pas… si seulement il pouvait imaginer un truc pareil, ça le rendrait fou de jalousie… déjà que rien que le fait de me voir discuter avec Stéphane à la piscine lui a foutu les boules et m’a valu une bonne soirée de baise de rappel suivie d’une petite charmante petite scène… j’aimerais tellement qu’il le sache, j’aimerais tellement lui faire mal… 

     

    Je lève les yeux de sa queue, mais pas mes lèvres, et je le regarde allongé sur le lit, en train de prendre son plaisir… je regarde son nombril, son chemin du bonheur onduler sous la respiration et je me dis que vraiment il me donne envie ce garçon… 

     

    Oui, il me donne envie, très envie, et ce, même s’il n’a pas de tablettes de chocolat dessinées à la règle, ni de pecs de dingue… il a quand même de beaux tétons grands et saillants qui semblent une invitation sensuelle à s’y attarder avec la langue, des tétons dont j’ai déjà décelé une certaine sensibilité… non, Stéphane n’a pas de torse en V au profil délirant et rasé de prés mais un torse aux lignes un peu plus droites, un torse légèrement velu, avec une jolie ligne de poils au milieu un peu plus marquée, descendant vers le nombril, devenant de plus en plus épaisse lorsqu’on emprunte ce petit chemin du bonheur indiquant la direction de son sexe… non, pas de chute de reins vertigineuse mais quand même un joli petit cul… pas de muscle oblique de l’abdomen saillant à faire damner un saint, fut-il hétéro mais quand même un joli physique plutôt agréable à regarder et dégageant de chaque centimètre de peau une sensualité débordante… 

     

    Stéphane n’est pas le petit con qui passe du temps dans la salle de bain… il est assez nature… déjà il ne se rase pas le torse, il s’accepte, il s’assume, il s’aime tel qu’il est… un corps plutôt normal, un corps dont la normalité me met à l’aise, en confiance, un corps qui ressemble au mien et qui au final, dans sa charmante et exceptionnelle normalité, suscite en moi un désir aussi puissant que celui bien plus dessiné de Celui-dont-on-ne-doit-pas 

     

    Le bonheur de l’avoir en bouche est génial… génial est aussi le fait de le sentir frissonner, génial c’est sentir ses mains qui caressent désormais ma nuque, qui caressent mon cou, qui redescendent doucement sur mes épaules, ses doigts qui reviennent caresser mes tétons… en fin de compte, il a du finir par comprendre et intégrer que ce geste possède le pouvoir magique de donner une nouvelle dimension à ma fellation… câlin et coquin à la fois, j’adore…  

     

    Sous ses caresses si agréables, je me rends compte que pendant sa fellation à lui je ne l’ai même pas touché… je m’en veux un peu… mais je finis par me dire que, bon sang, c’était ma première pipe, juteuse qui plus est, et je ne savais plus où j’habitais tellement c’était bon, tellement il y avait de choses à découvrir, tellement j’étais perdu d’aller de surprise en surprise, tellement j’étais occupé à suivre ce plaisir inédit pour voir pas tant où mais surtout quand et comment mon bel amant allait m’y amener… 

     

    Honte à toi Nico de ne pas avoir caressé un peu le garçon qui t’offrait autant de plaisir… ce sera pour la prochaine fois… en attendant j’essaie de me rattraper en lui faisant une pipe du mieux que je peux… je m’imagine que parce qu’il est homo et qu’il a du rencontrer d’autres bouches et d’autres langues de garçons portés sur la chose, il me sera difficile de le surprendre, en tout cas plus difficile qu’avec Celui-dont-on-ne-doit-pas…, ce dernier habitué aux fellations octroyées avec parcimonie par des lèvres féminins n’aimant souvent que très moyennement offrir ce genre de plaisir…  

     

    Stéphane, lui, doit être habitué depuis toujours à des fellations offertes avec grand bonheur et dévouement, à des gorges profondes, à des bouches n’ayant qu’une envie, celle de le faire jouir et d’avaler son jus… oui, j’ai envie de le faire jouir dans ma bouche, il l’a fait pour moi et je pense que je peux lui faire confiance… c’est une pratique que je sais un peu à risque, mais je crois que s’il y avait un blème il me l’aurait dit… alors j’ai envie de lui rendre la pareille… mais je ne me sens pas prêt à avaler son jus… et dans la mesure où il n’a pas avalé le mien, je pense qu’il ne va pas non plus exiger que je le fasse avec le sien… 

     

    Je le suce encore et encore… je ne me lasse par de lui faire plaisir, je ne me lasse pas de sentir ses mains sur moi, je ne me lasse pas de cette complicité de peau et de ressentis et d’envies qui est en train de se créer entre nous, je ne me lasse pas de ce moment de partage, de cette sensation de n’être pas que l’objet du plaisir d’un beau mâle, mais bien un garçon à qui on a envie de faire plaisir, un garçon que l’on considère en tant que tel… qu’on écoute, dont les envies sont prises en compte… 

     

    Avec Stéphane, ni de soumission ni de domination, juste l’envie partagée de donner  autant de plaisir que d’en recevoir… à ce moment précis, devant l’osmose qui est en train de se créer entre nous, je me remet un peu en question par rapport aux fantasmes de soumission que j’affectionne tant avec Celui-dont-on-ne-doit-pas… pendant l’acte sexuel… 

     

    Au final je me dis que je ne récolte que ce que je sème… je cherche un mec dominant, je me retrouve soumis… dans la baise et dans la vie… car ce n’est pas évident de sortir d’un rôle lorsqu’on s’y est si profondément et si longuement calé… oui, depuis le début de ma relation avec Celui-dont-on-ne-doit-pas…  j’aime baiser avec un mec dominant sauf me plaindre après coup que cela ne me suffit pas… 

     

    Est-ce que c’est moi qui suis changeant, incohérent, inconséquent ? Est-ce que je veux le beurre, l’argent du beurre et le mec et/ou le fils de la crémière s’ils sont mignons ? Est-ce que ce ne sont pas les mecs qui m’inspirent des choses différentes à partir de leur façon d’être… avec Stéphane je n’ai pas du tout envie du même rapport qu’avec Celui-dont-on-ne-doit-pas…, même pas au lit… avec Celui-dont-on-ne-doit-pas…, le sexe est une urgence, le faire jouir, obéir a ses désirs de male dominant, une évidence… et, au fond, la seule relation possible au delà de mes envies profondes… 

     

    Alors qu’avec ce petit con de Celui-dont-on-ne-doit-pas…, le plaisir est à sens unique, avec Stéphane j’ai juste envie d’être bien, de prendre le temps de lui offrir du plaisir, d’écouter mon corps et de le laisser m’offrir du plaisir à son tour… puisqu’il le veut et que ça a l’air d’être important pour lui autant que d’en recevoir…  

     

    Stéphane apprécie ma fellation, je le sens à ses petits gémissements suffoqués, au léger tremblement de ses lèvres entrouvertes pendant l’écoute de son plaisir montant … je sais qu’il me regarde faire, j’ai parfois capté son regard… un regard dans lequel il n’y a pas de domination, juste du bonheur et toujours et encore de la douceur, même au milieu de cette excitation extrême…  

     

    J’ai vraiment envie de le faire jouir dans ma bouche… et maintenant même une petite envie montante de l’avaler… pouvoir magique de l’excitation que de changer mes envies et de faire sauter mes principes pour mieux me faire sauter… mais alors que je me prépare à accélérer le mouvement pour provoquer le feu d’artifice le bouquet final, Stéphane relève le torse et, pendant que je continue à le sucer, il me caresse le dos tout doucement, le cou, les cheveux… ses mains attrapent mes épaules et m’obligent à quitter mon poste, à délaisser cette « tache » que j’affectionne tant…  

     

    Je suis son invitation tactile, je relève mon buste, mon visage est à la même hauteur du sien, nos regards s’accrochent… son regard est clair, doux, toujours et encore… pas de regard de braise mais un regard gentil, rassurant… 

     

    Je suis habitué à un garçon aux corps et à l’esprit inaccessible, au caractère abrupte, imprévisible…  alors que chez Stéphane tout est accessible, tout a l’air simple et serein, doux, agréable… aimer Celui-dont-on-ne-doit-pas… est une course à obstacles, semée d’embûches, une course en terrain miné où chaque foulée peut tout faire sauter… aimer Celui-dont-on-ne-doit-pas… est épuisant… aimer Stéphane a l’air de pouvoir être extrêmement reposant, avec lui j’ai l’impression de pouvoir m’abandonner dans des bras chauds et robustes, de pouvoir le laisser aller, être moi-même et être compris, accepté, aimé pour ce que je suis… 

     

    Nos regards restent suspendus l’un à l’autre, et je ressens cela comme une caresse, une caresse de son esprit au mien… ah, putain qu’est-ce qu’il me touche ce garçon… il m’émeut… et puis, qu’est-ce qu’il est beau… j’adore l’odeur de sa peau, la chaleur de sa peau, chaque centimètre de sa peau est séduisant, c’est un ensemble, ce gars dégage un truc incroyablement sexy même au delà de son physique… je ne sais pas… c’est sa simple façon d’être… j’ai vraiment envie de lui… 

     

    Il me regarde dans les yeux et me chuchote : 

     

    « Je suis bien avec toi… » 

     

    « Moi aussi je suis bien avec toi… » je lui réponds, touché. 

     

    Il approche son visage du mien, ses lèvres se posent sur les miennes… il m’embrasse fougueusement en portant ses mains dans mes cheveux et me caressant de façon appuyée, ses bras animés par le désir, par la tendresse, par l’amour… 

     

    Lorsque notre étreinte se délie, il me regarde droit dans les yeux et me dit tout doucement : 

     

    « J’ai envie de toi, Nico… » 

     

    Je suis retourné par son attitude… c’est si gentiment proposé, je le vois un peu hésitant, guettant ma réaction qu’il a l’air de redouter un peu… c’est mignon comme tout… 

     

    Je suis content qu’il me l’ait demandé, car je ne suis pas sur que j’aurais osé le lui demander moi-même et je m’en serai certainement voulu d’être passé à coté de ça… 

     

    Voyant mon hésitation, il précise : 

     

    « Mais je comprendrai si tu n’es pas prêt… ». 

     

    C’est beau… ça me donne des frissons… pour la première fois on me demande si j’ai envie, on s’intéresse à mon opinion… on est prêt à accueillir un « oui » avec désir et avec bonheur mais également à accepter un « non » sans que la sanction de me faire jeter tombe… ça me fait prendre conscience que mon opinion compte, que ce n’est pas parce que j’aime par-dessous tout offrir mon corps, ma bouche et mon ti cul à la jouissance d’un mec, qu’il faut m’imposer des envies d’homme sans se soucier de moi, de mes envies à moi, de mon ressenti, m’humilier…  

     

    Pourtant j’aime ça, les mecs qui savent de quoi ils ont envie, qu’ils prennent leur pied en l’arrachant à moitié… mais parfois avec Celui-dont-on-ne-doit-plus… ça a été trop loin, vraiment trop loin… par sa faute, par ma faute, un peu des deux certainement… est-ce que le jeu de domination/soumission est un jeu qui a tendance à échapper des mains et à se prendre dans une spirale d’humiliation sans fin ? Est-ce que lorsque ces rôles s’établissent au lit, ils finissent par régir une relation toute entière ? Mais quelle relation au juste ? Est-ce que la dégringolade des rapports avec Celui-dont-on-ne-doit-plus… n’est pas seulement due au fait que je suis amoureux fou de lui et que lui il veut juste me baiser ? 

     

    Jamais je me suis entendu dire auparavant : « J’ai envie de toi, Nico… » « Mais je comprendrai si tu n’es pas prêt… ». Et de ce fait, j’apprécie d’autant plus cette attention à sa juste valeur. 

     

    Je ne sais pas en effet si j’en suis prêt… je ne sais pas si je suis prêt à me laisser pénétrer par un autre garçon que Celui-dont-on-ne-doit-plus… le premier garçon qui m’a fait jouir en me baisant… je ne sais pas si je suis prêt à être confronté à ça… à faire des comparaisons entre… garçons… à me dire pendant et après l’acte que « c’était mieux avec l’un » ou que « c’est mieux avec l’autre »… tout ce que je sais c’est que j’en ai envie, très envie... et que je regretterais de ne pas avoir su saisir cette occasion, certainement unique, de faire l’amour avec ce beau Stéphane… 

     

    « Moi aussi j’ai envie de toi… » je finis par lui répondre, le cœur tapant à mille à l’heure dans ma poitrine. 

     

    Il me sourit… 

     

    « T’es vraiment sexy comme garçon… » il me lance de but en blanc en me serrant dans ses bras très fort. 

     

    « C’est toi qui est sexy, Stéphane… » je lui relance à l’oreille. 

     

    On reste collés torse contre torse pendant un bon petit moment très agréable, je suis bien dans cette étreinte… dans ce mélangé explosif de sensualité et de tendresse…  

     

    Et puis à un moment ses mains se portent sur mes épaules pour m’inviter à basculer vers l’arrière… il me sourit toujours… je comprends qu’il veut que je m’allonge sur le dos… je seconde son geste avec bonheur, en me disant qu’il se prépare à venir en moi… 

     

    Je vais vite me rendre compte que Stéphane a prévu autre chose d’abord, quelque chose pour m’exciter très fort, pour m’offrir un plaisir bien puissant, un plaisir pour me préparer en douceur au sien… d’abord, pendant que ses doigts courent à mes tétons, le bout de sa langue revient se poser par petites touches dans le creux de mon gland bien gonflé… putain qu’est-ce qu’il a bien retenu le cours de « Géographie du plaisir de Nico »… et putain qu’est-ce que les mouvements bien appuyé du bout de sa langue à cet endroit me font vraiment vibrer, délirer…  

     

    Et lorsque les coups de sa langue cessent, ma queue s’ennuie d’eux à l’instant même… je vois Stéphane relever son buste, me regarder dans les yeux, une petit étincelle lubrique très sexy dans les yeux accompagné de l’un de ses sourires craquants… je sais que cette étincelle signifie qu’il me réserve encore un truc bien plaisant, qu’il n’a pas fini de me surprendre… je ne me trompe pas…  

     

    Ses mains quittent mes tétons, la droite approche de son visage, le pouce se dégage, il disparait entre ses lèvres d’où il ressort un instant plus tard tout humide… je ne capte pas tout de suite ce qu’il a dans la tête, mais je vais vite comprendre… sa main droite redescend vers mon bassin, s’enroule autour de ma queue, sa paume tiède et douce effleure ma tige sur toute la longueur, l’index enserre un peu plus fermement mon manche juste en dessous du gland… sa main toute entière me branle avec une douceur extrême… et voilà que son pouce humide de sa salive se pose dans le creux de mon gland pour commencer à s’y frotter de façon légère, répétée et rapide… c’est tellement, incroyablement bon que je mouille et le pouce finit par glisser tout seul…  

     

    Voilà, je ne me suis pars trompé… ce nouveau truc qu’il est en train de faire avec sa main autour de ma queue et avec son pouce sur mon gland, c’est du tonnerre… aaaahhhh, ça me fait un de ces effets… ça m’excite terriblement, c’est excessivement plaisant, j’ai l’impression que mon excitation monte mais que je ne vais jamais jouir… c’est incroyablement plaisant et frustrant à la fois… ça me donne des frissons incroyables… j’ai à la fois une envie folle de lui crier de me branler plus vite pour me faire jouir au plus vite et le désir de faire durer cette attente, cette annonce du plaisir à venir… oui, j’ai envie de jouir mais je sais que je dois me retenir, je sais qu’il a envie de moi et que moi j’ai envie de lui… et je sais aussi que si je jouis une fois de plus, je n’aurais plus envie de faire l’amour avec lui… 

     

    Stéphane est toujours en train de branler ma queue en laissant glisser le pouce sur le frein de plus en plus lubrifié par ma mouille… vraiment, ce truc me faire délirer… au milieu des décharges électriques qui parcourent mon corps et des flots de plaisir qui cognent dans ma tête, je me dis que ce truc de dingue, ce mélange d’excitation extrême et de frustration, doit ressembler à un truc que j’ai fait une fois à Celui-dont-on-ne-doit-PLUS…, un truc qu’il avait carrément rendu dingue, au point qu’il avait joui non pas avec des jets de sperme puissants mais avec un flot unique de jus, comme une rivière qui coule doucement, une rivière qui s’était copieusement déversée sur ma langue, dans ma gorge… il avait tellement aimé ce plaisir sans cesse reporté et amplifié, son orgasme avait été tellement puissant, certainement l’un des plus bouleversants de sa vie, qu’il l’avait même verbalisé en me disant que j’étais un grand malade à faire des trucs comme ça, en me demandant où est ce que j’avais appris à faire un truc aussi dingue… je n’avais alors pu lui répondre que la stricte vérité, c'est-à-dire que ce « truc » m’était tout simplement venu dans le feu de l’action… oui, ce truc avait rendu Celui-dont-on-ne-doit-plus… carrément dingue… et encore je n’avais même pas pensé à rajouter mon pouce… je n’ose même pas imaginer dans quel état il aurait été si je lui avais fait ça… dommage de ne pas y avoir pensé à ce moment là, dommage que je n’aurais désormais plus l’occasion lui faire goûter cela… 

     

    Stéphane me regarde prendre mon pied, je le regarde me regarder prendre mon pied et rien que cela en ajoute encore à mon excitation… je sens un deuxième orgasme approcher à grand pas… j’ai envie de lui, et je suis excité à un point que ma raison s’éclipse… ce gars me plait tellement, je le trouve à un point sexy que l’idée de le laisser me prendre sans capote, l’idée de lui offrir mon intimité pour l’y laisser déposer son jus, pour lui offrir un plaisir sexuel maximal, pour lui offrir la fierté de me fourrer avec sa semence s’affiche de façon de plus en plus insistante dans ma tête… 

     

    L’orgasme approche dangereusement, alors je le préviens : 

     

    « Arrête Steph, sinon je vais encore jouir… ». 

     

    Sa main s’arrête petit à petit, les mouvements de son pouce et de son poignet perdent de l’intensité jusqu’à disparaître… pendant que sa main quitte ma queue et que mon excitation tarde un instant à se calmer, pendant que ma frustration de voir mon orgasme si près s’éloigner petit à petit, Stéphane me sourit et vient m’embrasser. 

     

    Un instant plus tard il ouvre le tiroir de sa boite de chevet… je le regarde sortir une capote d’une boite déjà ouverte ainsi qu’un tube de gel déjà entamé… je ressens un petit pincement de jalousie mal placée, certes, mais bien présente, en m’imaginant que ce charmant Stéphane a pris son pied et offert du plaisir à d’autres gars avant moi… rien que du normal, bien sur, mais à ce moment là, l’évocation de sa sexualité par cette boite de capote pas vraiment toute neuve, par ce tube de gel bien entamé, cette sexualité qui a existé avant mon passage et qui existera après, me fait quelque chose…  

     

    Je sais qu’on n’est pas ensemble, et surtout qu’on ne l’était pas hier ni le mois dernier, ni avant… mais à chaque fois que je coucherai avec un garçon par la suite, l’idée de m’imaginer sa sexualité « avant moi » et celle « après moi », fera sonner en moi un petite ou grande note de jalousie… pour les mêmes raisons, j’aurais toujours envie de cacher aux garçons ma sexualité « avant et après »… pas envie de faire voir qu’ils ne sont que de passage…  

     

    Ca doit être à cause de cette incapacité d’admettre qu’un plan n’est qu’un plan « merci et au revoir », ça doit être ma peur de la solitude qui me pousse toujours plus ou moins inconsciemment à tenter de poser les bases d’une possible relation future, même au départ d’un pur plan cul… c’est con quand on y pense, c’est puéril, naïf, insupportable… hélas, si je suis ainsi fait…  

     

    Oui, l’idée de me faire prendre sans capote et de me faire fourrer par le jus chaud de ce beau Stéphane m’a traversé l’esprit à plusieurs reprises et est devenu une idée fixe juste avant que je lui dise que je n’allais pas tarder à jouir… mais le fait de le voir bien sagement décidé à nous protéger avec une capote me fait dire qu’il a bien raison… et même si mon désir de le savoir se décharger en moi est fort et tentant, même si je crois que je peux lui faire confiance et qu’il peut me faire confiance, même si je suis persuadé que l’on ne risque rien ni l’un ni l’autre, jamais je n’oserais lui proposer ça… trop peur de passer pour un inconscient, un idiot, un con… il me plait trop, je trouve ce garçon trop bien pour le décevoir de cette façon là… je le trouve trop bien car dans ce cas, comme dans d’autres à l’avenir, il me montre la voie, il me donne des repères… il me rappelle aux principes qui sont par ailleurs les miens mais que j’ai tendance à oublier un peu vite sous l’effet de mon désir…  

     

    Je ressens Stéphane un peu comme un grand frère qui me prendrait en main et qui m’indiquerait la voie à suivre, qui me mettrait en garde, qui veillerait sur moi et qui m’empêcherait de faire des bêtises, des erreurs, comme un guide qui éclaire pour moi ce chemin escarpé et sinueux, semé d’embûches qu’est l’éducation sentimentale d’un garçon gay de 18 ans… Stéphane est un garçon droit et bienveillant, c’est un peu… mon Thibault à moi… 

     

    Sans qu’encore j’arrive à le formuler, avec sa bienveillance qui me met déjà du baume au cœur, ce garçon est en train de m’apprendre quelque chose de terriblement important dans la vie… à me respecter et à m’aimer… 

     

    Oui, même si j'adore l'idée d'avoir en moi le jus d'un beau garçon, même si ça me fait un peu chier de voir que cette boite de capotes et ce tube de gel il ne les a pas entamés avec moi et il ne les terminera pas avec moi, la il faut admettre que la capote s'impose même si sa gentillesse me donne envie de lui faire confiance… elle s’impose dans le respect réciproque, car ni la gentillesse la plus exquise ni le désir le plus brûlant ne protègent hélas des maladies ou des accident de parcours qu’on ignorerait… lui, comme moi, on a pu un jour être exposé à une saloperie qu’on ignorerait… alors, dans le doute… 

     

    Je le regarde tenter de déchirer l’emballage du préservatif avec ses doigts, sans succès… je croise son regard, il me sourit… il se moque de lui-même… il est touchant… il retente avec ses dents… l’emballage cède enfin… je le regarde faire et je trouve ça sacrement excitant… il extrait le bout de caoutchouc, il le regarde de près pour en déceler le sens… il est mignon tout plein… il le place sur son gland, il tente de le dérouler… il n’y arrive pas, ce n’est pas le bon sens… il le retourne et il peut enfin commencer à le développer sur la longueur de sa queue… c’est la première fois que je vois un mec passer une capote et je trouve ça foutrement troublant à voir… il a un peu de mal, j’ai soudainement envie de l’aider… je n’ai même jamais touché une capote, je sais que je vais m’y prendre comme un pied, mais j’ai trop envie d’essayer de la faire glisser sur son manche, de toucher sa queue vibrante de désir, cette queue qui va bientôt être en moi… 

     

    Je relève mon torse et mes doigts effleurent sa queue, se mélangeant aux siens… dévinant mes intentions, il sourit et il me laisse faire… effectivement, je ne m’y prends pas mieux que lui, je m’y prends pile comme un pied… j’ai du mal, je suis gauche au possible mais il est patient, les bras au long de son corps, le bassin légèrement vers l’avant, la queue bien tendue, le regard amusé et adorable, un regard que je croiserai par deux fois braqué sur moi… il sourit, il ne s’impatiente toujours pas, alors que ça commence à durer… je le trouve super mignon et je ne peux me retenir de l’embrasser encore… il m’embrasse à son tour, et son baiser est fougueux… je sens sa queue frissonner entre mes doigts qui cherchent toujours à achever la course de ce bout de caoutchouc qui fait de la résistance… 

     

    Pendant qu’il m’embrasse, pendant que mon geste devient mécanique car ma conscience s’évapore sous l’effet troublant de ce contact de langues, voilà que, comme par miracle, mes doigts trouvent enfin le moyen… les plis du préso se dénouent et j’arrive à le dérouler jusqu’à la base de sa queue, le bord élastique terminant à moins d’un centimètre du début de ses bourses…
    Je lève mon regard, l’air victorieux, pas peu fier de moi…

     

    « C’est pas une mince affaire… » je lui balance sur un ton d’humour, satisfait de moi.

     

    Il sourit. Il est beau. Il est sexy. Il est surtout très très très sensuel. Il déborde de sensualité. Il est craquant avec sa queue bien raide et capoté, un beau petit mec bien chaud et que je devine être très en forme pour me prendre… j’ai autant envie de le serrer à moi que de l’avoir en moi. J’ai trop envie de lui. Je reste un petit instant à le regarder sans arriver à me décider laquelle des deux options je vais saisir en premier…

     

    C’est lui qui choisira pour moi… sa bouche se pose sur la mienne pour y déposer un dernier baiser… lorsque nos lèvres se quittent, je m’allonge tout naturellement sur le dos à nouveau, comme une évidence… il s’allonge sur moi, nos torses se frottent, nos queues se mélangent… on s’embrasse longuement, on se caresse… j’ai envie que cette étreinte dure longtemps mais le fait de sentir sa queue raide contre la mienne me donne très envie qu’il vienne en moi…

     

    Au gré des mouvements de nos bassins, sa queue finit par se faufiler entre mes fesses et caresser ma raie… je frissonne… il s’en rend compte et il continue, il y va de plus en plus franco, son gland glisse dans ma raie de plus en plus précisément, de plus en plus profondément…

     

    Soudainement mon regard est capté par un mouvement sur le coté du lit… Gabin est en train de nous mater avec ses grands yeux tendres et étonnés… je sens que je vais rire, et c’est le genre de truc qui peut gâcher l’instant magique… j’essaie de me retenir, mais je sais déjà que je ne vais pas y arriver… dès que j’ai croisé son regard de chien, j’ai su qu’à ce jeu du « qui rira le premier » l’animal a un avantage sur l’homme… j’essaie de me retenir mais je ne peux rien y faire, à un moment j’éclate dans un rire puissant…

     

    « Désolé… » je lance à Stéphane, un peu honteux… « … c’est de sa faute… ».

     

    Stéphane, d’abord étonné, tourne la tête et capte la présence du labranoir. Lui aussi se laisse aller à un petit sourire qu’on ne peut plus charmant.

     

    « Allez, ouste, va voir ta gamelle… » il lance à l’adresse de la bête, sans succès… Gabin tourne légèrement la tête mais fait la sourde oreille. « J’ai pas entendu, papa ». Il est trop ce chien. Stéphane essaie de le faire partir avec des ordres de plus en plus fermes mais à la fin il lui faut quitter le lit et mon corps pour le sortir de la chambre et fermer la porte… c’est marrant de le voir se lever et voir ses coucougnettes et sa queue capotée se balader à l’air libre… 

     

    La cessation soudaine de ce contact doux et chaud me laisse frustré… vite, Steph, revient… ça ne dure qu’un instant mais ça me manque déjà…

     

    Le voilà de retour, le voilà à nouveau allongé sur moi… ah, putain qu’est-ce que je suis bien… ses mains me caressent partout, ses lèvres ne quittent plus les miennes, sa queue revient dans ma raie, elle s’y frotte au gré de petits mouvements de son bassin… tout doucement, son gland a fini par trouver l’entrée de mon intimité… il appuie de façon de plus en plus précise, insistante… je le vois s’exciter, je le sens m’exciter…

     

    Et puis son torse se relève, ses mains attrapent le tube de gel, sa queue en est généreusement enduite… il en fait à nouveau couler une bonne dose sur ses doigts et cette fois-ci c’est au tour de mon ti trou d’être préparé… ses doigts étalent le liquide un peu froid sur ma rondelle, tout doucement… son medium appuie délicatement dessus et finit par vaincre la résistance… son doigt pénètre en moi, il fait quelques allers retours lents, apportant du gel et préparant mon ti trou au passage de son sexe…

     

    Un instant plus tard sa queue retrouve tout doucement mais précisément le chemin de ma rondelle… son gland s’y appuie fermement, de petits coups de reins lui donnent le petit plus qui fera céder les dernières résistances… elle se relâche et, pendant que ses yeux se ferment et que ses lèvres s’entrouvrent laissant échapper un petit gémissement de plaisir masculin, je sens sa queue glisser tout doucement en moi, comme tout doucement je vois, je sens le beau mâle prendre possession de mon corps…

     

    Il est en moi, complètement en moi… ses coucougnettes bien calés contre mes fesses… il ne bouge pas, il est tellement excité que j’ai l’impression qu’il en tremble… d’ailleurs ce n’est pas qu’une impression… tout son corps est secoué par un petit tremblement… il me regarde, le regard troublé par ce premier plaisir d’être en moi… il est touchant, attendrissant… il ferme à nouveau les yeux, il secoue la tête, il porte la main sur son visage pour le frotter comme pour recouvrir ses esprits… j’ai l’impression qu’il est tellement excité que lui non plus il ne sait plus où il habite… si ce n’est pas mignon, ça…

     

    Et ce qui est encore plus mignon c’est qu’il m’embrasse à nouveau, sans même avoir commencé à coulisser en moi… il est juste en moi, nos corps sont liés par nos sexualités, par nos lèvres… il est en moi et moi en lui… c’est beau cette complicité, cet instant magique où la tendresse est aussi importante que le plaisir, cet instant où les deux se mélangent dans un bouquet de sensations dont l’intensité en résulte ainsi démultipliée…

     

    Putain… mais qui a dit qu’il n’y a que la baise dans la vie ? Qui a dit qu’on ne peut pas se câliner en faisant l’amour… qui a dit que justement, baiser doit remplacer « faire l’amour » ?

     

    Nos câlins sont si doux et si plaisants que je m’aperçois tout juste que son bassin a commencé à bouger et que sa queue est en train de coulisser en moi par petits mouvements, m’apportant des beaux frissons dans tout le corps… je suis tellement enchanté que j’en ferme les yeux… il en tremble, j’en tremble… je rouvre les yeux, je cherche son regard… il est là, devant moi, il attend de croiser le mien… Stéphane est en train de prendre son pied en moi, les lèvres tremblantes et entrouvertes laissant échapper des ahanements traduisant son excitation… oui, il est en train de prendre son pied en moi, mais ses yeux et tous ses autres sens sont à l’écoute de mon plaisir à moi…

     

    Il me lime tout doucement, tout en m’embrassant, ses coups de reins sont de plus en plus profonds mais il y va en douceur, il essaie, il teste, il trouve… il comprend vite là où est mon plaisir, il décèle un par un les mouvements qui me font du bien… il les enregistre, il s’adapte, il innove, il varie… il est doux et entreprenant, attentionné et fougueux… dans son étreinte je sens à la fois le mec gentil et attentionné et le mec… bien mec… 

     

    Il me fait l'amour et c'est tendre et puissant à la fois… je me fais la réflexion qu’il n’est guère nécessaire une attitude macho et arrogante pour exprimer une virilité puissante… je me rends compte avec bonheur que Stéphane est un garçon doux et gentil dans la vie mais qu’au lit, tout en restant adorable, charmant, gentil, tendre et attentionné, est une véritable bête de sexe…

     

    Peu importe qu’un petit coté animal ressorte pendant l’acte sexuel, bien au contraire… c’est tout ce que j’aime… j’adore faire des galipettes bien chaudes avec un garçon dégageant un coté entreprenant, fougueux, osé, coquin… l’important c’est de se retrouver après, de ne pas rester enfermé dans la vie dans les rôles dans lesquels on a tendance parfois à glisser pendant l’acte sexuel…

     

    Pendant un bon petit moment, sa queue coulisse entre mes fesses avec des allers retours de plus en plus amples… et puis, à un moment je le vois, je le sens reculer, j’ai l’impression que sa queue va sortir de mon ti trou… mais non… son gland s’arrête tout juste au bord de ma rondelle, et un instant plus tard son bassin reprend de petits mouvements bien agréables… son gland oeuvrant à l’entrée de mon intimité, excite ma rondelle et je jouis comme un malade… on ne m’a jamais fait un truc pareil… il insiste, il appuie, il relâche… parfois il sort carrément, il revient à la charge, il appuie sur mon ti trou qui s’ouvre de plus en plus facilement, de plus en plus avec bonheur… mon corps est secoué par des frissons incroyables… c’est fou l’effet que cette queue, et surtout ce gland, me fait en insistant à agacer ma rondelle, alors que ses doigts sont reparti à l’assaut de me tétons… je suis dans un état d’excitation indescriptible… je me rends compte que ma queue est en train de mouiller à grands flots… 

     

    Je regarde Stéphane et je me dis que c’est beau et touchant de voir ce beau garçon entièrement avec moi pendant l’amour, ce mec qui partage le plaisir et qui ne fait pas que le chaparder, l’extorquer, l’imposer, le prendre, le donner, l’ôter… son amour est partage, son plaisir l’est aussi, cet acte sexuel est plaisir réciproque… 

     

    Un bogoss qui sait de l’être, qui voit tous les jours se présenter à lui plus de touches qu’il lui en faut, finit par croire que son charme est une monnaie universelle, que le monde entier tourne autour de ses envies, de son plaisir… il finit par se centrer exclusivement sur son plaisir à lui, considérant son partenaire sexuel comme un simple « instrument », accessoire et interchangeable, de son propre plaisir… un mec qui se sent autant désiré, finit par ne pas voir l’utilité de faire attention à l’autre, de s’occuper de l’autre…  

     

    Certes, le fait de voir son partenaire, femme ou homme, jouir tout simplement grâce à son propre plaisir à lui est un plus qui sait flatter pas mal d’ego masculins… mais cela reste pour la plupart du temps accessoire au plaisir que le mec « modèle bogoss » recherche… car pour la plupart des bogoss, la plupart du temps, le seul et unique plaisir qui compte est le sien… celui de sa queue… 

     

    Avec Stéphane tout est si différent, je le vois prendre son pied en moi, tout en me regardant prendre mon plaisir à moi… en fait, il prend son plaisir avec moi… et ça… j’adore… 

     

    Je sens qu’il ne va plus tenir très longtemps… il se penche sur moi et m’embrasse tout en continuant a mettre des bons coups de reins… il m’embrasse fougueusement, une dernière fois…  lorsque je le vois relever son torse, je comprends ce qu’il va se passer… je sais qu’il se prépare à jouir… il va bientôt remplir cette capote que je ne voudrais plus entre nous… le mec a acceleré ses coups de reins, et puis c’est l’apothéose, le bouquet final tant attendu… ses paupières tombent sous l’effet décoiffant de la vague de plaisir qui monte jusqu’à déborder son cerveau et sa conscience… son plaisir de mec est en train de l’accaparer complètement… 

     

    Je ne me lasse pas de regarder ce physique qui me fait craquer... un physique irrésistiblement normal combiné à un charme si puissant car si accessible… je ne me lasse pas de regarder son front désormais moite à cause de l’effort prolongé… je ne me lasse pas de regarder ce mec qui a su faire durer son plaisir, mon plaisir, notre plaisir, tant qu’il a pu pour nous offrir l’orgasme le plus long et le plus puissant possible… non, je ne me lasse pas de le regarder dans  ce moment magique qu’est celui qui précède la jouissance d’un beau garçon, surtout lorsqu’on le voit jouir pour la première fois et qu’on se demande encore comment ça va être, comment l’orgasme va s’afficher sur son visage, va traverser son corps, va s’exprimer dans sa respiration, dans ses râles… 

     

    Le torse relevé devant moi, les bras abandonnés au long de son corps, les yeux pratiquement fermés, la respiration profonde et saccadée, en ce moment d’absence où la puissance de l’orgasme fait basculer tout mec dans une dimension où il est tout seul avec son plaisir masculin…  

     

    Ce n’est qu’un instant, mais lorsqu’il jouit, pendant ces quelques secondes de bonheur pur, un mec est toujours tout seul avec son plaisir débordant, une sensation physique tellement intense qu’il ne peut penser à autre chose, même pas à la personne avec laquelle il est en train de prendre ce plaisir, la personne qui lui a offert ce plaisir… je m’en suis bien rendu compte tout à l’heure quand j’ai joui dans sa bouche, lors des derniers instants qui précèdent l’orgasme et à fortiori pendant la courte durée de ce dernier, tout mon être n’était plus qu’envie de jouir, indépendamment de la personne qui m’apportait cet orgasme… 

     

    C’est beau de voir un beau garçon en train de jouir… c’est beau le voir pousser un râle puissant et qu’il tente d’étouffer sans entièrement y parvenir… c’est beau aussi de le voir s’envoler seul vers les hauteurs de ce plaisir ultime… pendant qu’il jouit, c’est le mâle… c’est un moment d’aliénation où le mec oublie tout, ses sentiments, sa sensibilité, même qui il est… l’important c’est juste qu’après l’orgasme, il retrouve assez vite la mémoire de qui il est, de la personne avec qui il l’a atteint ou qui lui a offert, la conscience que cette personne est toujours une personne et non pas un mouchoir ou une capote à jeter… 

     

    Et Stéphane, cette mémoire et cette conscience il les retrouve très vite… oui, je trouve incroyablement beau de le voir me sourire tout en s’essuyant le front de la transpiration et en poussant un bon soupir signifiant qu’il fait chaud et qu’il est épuisé, deux gestes très sexy à mes yeux… je trouve très touchant de le voir se pencher pour m’embrasser une fois de plus… je trouve définitivement et irrésistiblement craquant de voir que l’effort de contenir le cri de sa jouissance a fini par lui donner le hoquet… et le fait de l’entendre rire des spasmes qui secouent son torse, et le mien en contact avec le sien, me remplit de bonheur… 

     

    Lorsqu’il m’avait demandé de faire l’amour, lorsque pour la première fois j’avais envisagé de me laisser prendre par un mec autre que Celui-dont-on-ne-doit-plus… j’avais eu peur de ne pas pouvoir m’empêcher de faire une comparaison entre… garçons… avec un gagnant et, par conséquent, une deuxième place… 

     

    Mais alors que j’ai souvent baisé avec Celui-dont-on-ne-doit-plus…, et que je viens de faire l’amour avec Stéphane… au final, il faut bien admettre que les deux actes, bien que « mécaniquement comparables » sont si différentes, si « autre chose » qu’on ne peut vraiment pas les comparer…  

     

    Non, la baise effrénée de Celui-dont-on-ne-doit-plus… suivie de son hostilité, de sa froideur, de sa distance ne peut en aucun cas se comparer à l’amour avec Stéphane, un amour fait avec attention, avec douceur, en me regardant dans les yeux… sauf, peut être, la fois ou Celui-dont-on-ne-doit-plus…, après être volé à mon secours dans les chiottes de l’Esmé, m’avait montré une facette de lui un peu plus tendre, peut-être plus vraie, mais, hélas, non assumée… une facette que le matin avait emportée à tout jamais… 

     

    Je suis tellement bien avec lui à ce moment là que je me dis qu’au fond, de savoir que je ne suis ni son premier ni son dernier, n’a plus d’importance… qu’importe au fond… on a fait l’amour, on s’est ’aimés… et même si ce n’est que l’espace d’un après midi, ce qui rend par ailleurs ce moment particulièrement intense, rare et précieux et triste à la fois, cet après midi j’ai l’impression d’être important pour lui, je suis le seul qui compte pour lui… jamais je n’ai encore ressenti cela avec Jérém…

     


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  • A l’approche de Paris, je découvre une banlieue au paysage monotone, grisâtre, peuplée de barres d’immeubles immenses et tristes, de tags plus ou moins heureux, de friches industrielles.
    Puis, alors que le train avance vers la ville intra-muros, la perspective se conforme peu à peu à l’image que je me fais de Paris. Le tout béton-goudron cède la place à la brique, à la pierre, à la grandeur.
    Le train s’arrête en gare de Montparnasse. C’est une gare immense, bien plus grande et imposante que celles de Toulouse ou Bordeaux. Ses espaces, quais, couloirs, halles, sont animés par un flux incessant de gens qui courent dans tous les sens. A Toulouse ou Bordeaux les gens courent aussi. Mais à Paris, ils semblent aller encore plus vite. D’autant plus que c’est la fin de journée et aussi la fin de la semaine.
    Dans toute cette pagaille, j’ai du mal à trouver ma direction, je suis désorienté. Et le flux incessant de la bogossitude ambiante défilant sous mes yeux ne m’aide pas vraiment à m’orienter.
    Un bobrun passe devant moi, puis un autre, puis un autre encore, puis un châtain, un blond, une casquette, une chaînette, un brillant à l’oreille, un t-shirt, une chemise, des shorts, des jeans.
    Un type au physique de basketteur me coupe le chemin sans même me voir et il trace sa route laissant derrière lui une trainée de parfum de mec qui contribue un peu plus à me perdre.
    A chaque fois, c’est comme si je me prenais une baffe inattendue et pleine figure. Ça surprend, ça décoiffé, ça laisse rêveur, ça enchante, ça ensorcèle. Et ça me fait hurler intérieurement : ah putain, qu’est-ce qu’il y a comme bogoss dans cette ville !
    Avec ce corollaire indissociable, indispensable, inévitable, cette sensation brûlante de baigner dans une immense voire infinie mer de sexytudes et de bogossitudes, une multitude de nuances telle qu’on a cette certitude qu’on ne pourra jamais tout capter, tout assimiler, tout percevoir, puisqu’à chaque seconde, chaque instant, une nuance chasse l’autre, la surpassant, la décuplant, avant de franchir un nouveau palier dans l’escalade de l’insoutenable l’instant suivant lorsqu’une nouvelle gifle nous assomme. Vertiges visuels, olfactifs, mentaux, à faire perdre la tête, presque insupportable tant l’esprit ne peut parvenir à se fixer et prendre le temps d’analyser, de profiter.
    Avant de m’engouffrer dans les entrailles de la terre, je ressens le besoin de sortir un instant à l’air libre et frôler le sol de la capitale. J’ai besoin de dire bonjour à Paris. Dès que je sors de la gare, la tour Montparnasse, imposante, se dresse fièrement devant moi. La façade en verre et métal de la gare fait également son effet. Mais pas autant que la foule qui gravite entre. Il y tant de monde qui grouille ici, tant de bogoss qui défilent, à ne plus savoir où donner de la tête. J’ai envie de capturer chaque éclat de bogossitude. J’ai aussi envie de visiter, de découvrir cette ville.
    Mais j’ai avant tout envie de retrouver mon Jérém. Pour mater du bogoss inconnu et pour visiter, j’ai tout un week-end à ma disposition. Mais je ne veux pas gaspiller une seule minute loin du gars que j’aime. Il est déjà 18 heures et mon bobrun m’a dit qu’il serait rentré à 18 heures. Chacune des minutes que je passe à traîner, est une minute volée à notre week-end.
    Je retourne alors à l’intérieur de la gare, et je m’enfonce dans le ventre souterrain de la capitale. Je tente de désactiver le radar à bogoss pour consacrer des ressources de système à la recherche d’un plan du métro qui m’indiquerait comment rejoindre enfin mon Jérém. J’ai vraiment du mal à m’orienter. J’ai l’idée de demander à un passant, mais tout le monde semble si pressé que je n’ose même pas.
    Je suis un peu perdu face à la frénésie du métro, à ses utilisateurs speedés, comme autant d’atomes excités par un courant mystérieux, comme un flux humain incessant qui circule dans les veines souterraines de la capitale.
    Je finis par trouver l’entrée du métro, puis le fameux plan du réseau. Je fixe le dédale de lignes multicolores pour définir la marche à suivre. C’est la première fois que je vois un truc aussi complexe. A Toulouse, il n’y a qu’une seule ligne. A Bordeaux, il n’y en a simplement pas. Je reste un petit moment planté devant ce plan, avant de réaliser que, pour me rapprocher de mon Jérém aux Buttes Chaumont, je dois emprunter la ligne 4, direction Porte de Clignancourt.
    Un brun, jeans et t-shirt blanc traverse mon champ de vision et manque de peu de me fait rater mon couloir de direction dans le métro.
    Je rejoins le quai, une rame arrive aussitôt. Une foule attend pour tenter sa chance. La rame est bondée. Une autre foule en sort, et pourtant la rame paraît toujours aussi bondée. Je me dis qu’il n’y a pas la place pour la plupart des gens qui attendent sur le quai. Et pourtant, ça commence à rentrer, ça se tasse à l’intérieur, et la plupart de ceux qui attendaient sont zippés à l’intérieur. Les portes se referment sans que j’aie pu tenter ma chance. Comment arrivent-ils à respirer ? Qu'est-ce qu'on est serré, au fond de cette boîte…
    Je regarde la rame repartir, disparaître dans le tunnel sombre, remplie de destins, de stress, de fatigue, des innombrables heures perdues par des hommes et des femmes qui se pressent chaque jour dans ce boyau de métal et de verre.
    La rame suivante arrive quelques minutes plus tard. Elle est presque tout autant bondée mais, avec une bonne dose de détermination, j’arrive enfin à m’y faufiler.
    Et je réalise très rapidement que dans ce lieu, ce monde à part, les rencontres avec la bogossitude y sont très nombreuses, tout aussi nombreuses que fugaces.
    Dans la rame, confronté à un renouvellement de paysage humain incessant au gré de arrêts aux stations, ma tête tourne dans tous les sens pour tenter de capter toutes les nuances d’une bogossitude si abondante, si variée et si éphémère que mon cerveau frôle la surchauffe.
    Il y a certains V de chemise ou de t-shirt qui donnent envie de plonger, plonger, plonger. Il y a des parfums qui m’hypnotisent. Des regards pleins de charmes qui m’assomment direct. Des petites gueules à pleurer. Des corps à la fois dissimulés et dévoilés par des vêtements, des corps qui font fantasmer. Des vies et des destins qui font fantasmer.
    Un bobrun assis juste à côté est en train de rigoler avec un pote. Son visage affiche un sourire tellement radieux et contagieux qu’il me donne envie de rigoler même si je n'entends pas ce que lui raconte son pote et qui l’amuse.
    Un peu plus loin, un mec qui est l’archétype du p’tit con avec une trop bonne p’tite gueule que tu as juste envie de gifler juste parce qu’il est sexy à un point que ça en est presque insoutenable. Il a les cheveux très courts autour de la tête, il porte une casquette à l’envers, une veste de jogging ouverte sur un t-shirt gris, un jean taille basse. Voilà un p’tit con qui doit inspirer d’innombrables désirs secrets partout où il passe.
    De l’autre côté de rame, un p’tit reubeu, la vingtaine, lui aussi sexy à mort. Ecouteurs sur les oreilles, jogging un peu satiné, sac à dos. Je ne sais pas ce qu’il écoute, mais ça a l’air de lui faire plaisir, car il affiche un petit sourire en coin très sexy, un petit sourire un peu arrogant, qui va avec la bonne petite arrogance de son attitude générale, avec cette façon de se tenir avec les jambes un peu écartées, les épaules légèrement penchées vers l’arrière, le front bien haut, fier de sa virilité.
    Et ce petit brun, que je n’avais pas remarqué auparavant parce qu’il n’est pas très grand et qu’il était caché par la foule, qui sort de la rame comme une fusée et qui court sur le quai : il va où ? Et cet autre assis contre une vitre, le regard perdu dans le vide, il pense à quoi, il rêve de quoi ?
    Et cet autre gars au profil charmant, les yeux rivés dans un bouquin, aperçu pendant un court instant sur la rame d'en face, lors d’un double arrêt en gare. C’est quoi sa vie ? Rencontre d’un instant, avant que nos deux rames repartent en directions opposées, éloignant à nouveau son destin du mien, et pour toujours, sans même que mon existence ne soit remontée à sa rétine et à sa conscience, sans même que le gars sache que, l’espace d’un instant, un mec venant de Bordeaux l’a trouvé tellement touchant.
    Je suis assommé par tant de nuances de mâlitude, par cette armée dispersée et pourtant impressionnante de détails virils, de brushing divers, de barbes sexy, de parfums, qui inspirent autant d’envies de douceur de plaisirs entre mecs.
    Je me demande combien de désirs, de regards furtifs, de bonjour, d'au revoir, d'adieux silencieux, et bien souvent à sens unique, se perdent chaque jour, chaque instant, dans couloirs, dans les gares, sur les quais, dans les rames, du métro parisien.
    Je suis impressionné par tous ces petits mâles lancés à toute allure vers des destins qui demeureront pour moi à jamais inconnus.
    Je descends à la gare de l’Est, et j’arrive enfin à me procurer un plan du métro. Mais je n’ai pas le réflexe de prendre une correspondance, d’autant plus que je suis toujours un peu perdu dans ce dédale de lignes multicolores. Je regagne la surface et l’air libre, j’ai envie de marcher. Une envie que je regrette un peu plus tard, lorsque je réalise que je suis bien plus loin de ma destination que je l’avais estimé sur le plan du métro.
    Une fois encore, j’ai du mal à trouver mon chemin dans cette ville inconnue. Je suis obligé de demander plusieurs fois à des passants pressés. Je me trompe, je suis obligé de revenir sur mes pas, je me trompe à nouveau, je fais des détours, je peste à cause du temps précieux que je suis en train de gaspiller.
    Puis, soudain, sans vraiment savoir comment, je tombe nez à nez avec le panneau portant le nom de rue indiqué par mon Jérém.
    La résidence où habite mon bobrun est un immeuble assez moderne, plutôt anonyme, avec une façade très minimaliste, sans balcons, peinte en un gris terne totalement quelconque. Et pourtant, cet immeuble brille à mes yeux de tous les feux, car il abrite la nouvelle tanière de l’homme que j’aime.
    Mon cœur bat la chamade lorsque je sonne à l’interphone qui porte une étiquette estampillée « Tommasi J. ».
    « Oui… ».
    Rien que d’entendre sa voix mâle filtrée par le mauvais son de l’interphone me fait vibrer. Putain de mec !
    « C’est moi… ».
    « Quelle surprise ! ».
    « T’es con ! ».
    « Prends l’ascenseur, c’est au 7ème étage, porte 717 ».
    Dans l’ascenseur, je me sens fébrile, j’ai tellement envie de lui. Après une montée qui me paraît interminable, les portes s’ouvrent enfin sur un couloir assez étroit et plutôt sombre.
    J’appuie sur un bouton lumineux et lis les numéros sur les portes. La première qui se présente à moi est la 711. Je n’ai même pas le temps de regarder dans quel sens est fichue la numérotation, lorsque j’entends un déclic de serrure suivi d’un :
    « Psssst ! Par ici ! ».
    Et là, en suivant le son de sa voix, ma tête pivote automatiquement sur ma droite. Et je vois mon bobrun passer sa belle gueule et le haut de son buste massif en biais dans l’encadrement.
    « Nico ! ».
    Dès que son image transperce ma rétine, je suis dans un état second. Mais lorsque j’avance vers sa porte, lorsque je peux apprécier sa présence en entier, je suis proche du KO.
    C’est fou la sexytude que dégage ce mec, avec sa bonne petite gueule sexy, son attitude de petit con ultime, l’épaule nonchalamment appuyée au montant de l’encadrement de la porte, la tête inclinée, elle aussi appuyée, son sourire charmeur et incendiaire.
    Et bien évidemment, sa tenue n’est pas en reste. Elle comporte une casquette rouge vissée à l’envers sur sa tête, avec une touffe de beaux cheveux bruns dépassant en vrac de l’espace au-dessus de la languette de réglage, un débardeur blanc à fines cotes, les bretelles dangereusement tendues sur ses épaules musclées et sur ses pecs saillants, un simple bout de tissu qui sait pourtant s’élever au rang de chef d’œuvre, tant il met bien en valeur le V et la puissance de son torse, ses biceps rebondis, la couleur mate de sa peau, ses tatouages sexy, les beaux poils noirs qui dépassent au-dessus de l’arrondi.
    « Salut » je lui lance, le souffle coupé par une overdose presque fatale de bogossitude et de désir brûlant.
    « Salut, toi » il me relance, en appuyant un peu plus sur son sourire, qui d’incendiaire devient ravageur canaille, coquin, absolument insoutenable. Un sourire agrémenté d'un petit haussement de sourcils qui fait griller mes derniers neurones.
    Car ce sourire, cette petite gueule, ce regard coquin, c'est un scandale absolu, un truc absolument insupportable. Car ce n’est juste pas NORMAL d'être aussi beau et charmant, pas normal et pas juste ! Car dans ce sourire il y a tout ce qui peut rendre un mec craquant, la sexytude, le charme, une bonne dose de coquinerie et de malice. Bref, tous les charmes de l’Homme sont dans ce sourire.
    Une tenue pareille, un sourire pareil, et je suis à lui sans conditions, il peut faire de moi ce qu’il veut.
    J’ai besoin d’un petit instant pour me remettre de ce sourire, si tant est que ce soit possible, et pour prendre une nouvelle claque, en remarquant que sa tenue est complétée par un short gris molletonné qui semble posé directement sur sa peau, sans rien dessous, mis à part sa queue déjà raide qui déforme insolemment le tissu souple.
    « Tu rentres pas ? » je l’entends me questionner, un brin moqueur, alors que je suis toujours figé à contempler sa bogossitude.
    « Si… c’est juste que » je bégaye, ivre de désir.
    « Juste que ? ».
    « C’est juste que tu es trop sexy ».
    Et là, pour toute réponse, le bogoss me lance un regard tellement chargé de sensualité que je dois me faire violence pour ne pas me jeter directement sur sa braguette.
    Car dans ce regard, je lis son désir à lui, parfaitement complémentaire au mien. Je sais qu’il a envie de moi, tout autant que j’ai envie de lui. Je sais qu’il a envie d’être en moi, tout autant que j’ai envie de l’avoir en moi. Je sais qu’il a tout autant envie de gicler en moi que moi j’ai envie de le sentir jouir en moi.
    Pendant un instant encore, nous nous faisons face sur le seuil de la porte, dont l’encadrement est bien occupé par sa silhouette mâle tout en muscles.
    Nos regards se mettent le feu l’un l’autre. Je ne suis plus qu’un être primaire guidé par l’instinct de plaisir. J’aime laisser ce moment suspendu se prolonger, j’aime attendre, sentir son désir, sentir que je vais lui donner du plaisir, j’aime cet instant où tout est possible mais rien n’est encore, cet instant où nos désirs s’entrechoquent, font des étincelles, cet instant pendant lequel l’excitation fait vibrer mon corps, coupe ma respiration. Pas de mots entre nous, mais tant de désir dans nos regards.
    « Allez, viens » je l’entends me lancer sur une voix basse, une invitation, une vibration, un ordre mâle auquel je ne saurais me soustraire.
    Puis, accompagnant le geste à la parole, Jérém pivote sur le côté, libérant un passage pour que je puisse pénétrer dans son appart. J’avance et je passe le seuil en sentant son regard proche et lourd sur moi, un regard qui me suit, qui me déshabille, qui me possède déjà. J’avance hypnotisé par le parfum entêtant de p’tit mâle fraîchement douché qui se dégage de son corps.
    J’ai tout juste le temps de jeter un regard dans le petit espace mansardé et de me faire la remarque que c’est tout aussi minuscule que chez moi à Bordeaux, lorsque je sens ses mains, à la fois douces et fermes, me libérer de mon sac de voyage, attraper mes épaules, me faire pivoter, me coller contre le mur.
    Ses lèvres se posent alors sur les miennes, et nous nous échangeons une longue série de baisers fougueux, au point que nous en oublions presque de reprendre notre souffle. Je suis enivré par sa proximité, son contact, le parfum frais et captivant, cette fragrance de p’tit mâle bien sexy qui se dégage de lui.
    « Ah, ça c’est de l’accueil ! » je me marre, lorsque j’arrive enfin à sortir de l’apnée causée par l’assaut de ses baisers incessants.
    « Tu m’as manqué ! » je l’entends me chuchoter.
    Ah putain, qu’est-ce que ça fait du bien de l’entendre dire ces simples mots ! A cet instant, toutes mes inquiétudes sont effacées par ce bonheur immense. Comment j’ai pu douter de lui, imaginer qu’il puisse aller voir ailleurs ? En tout cas, j’ai envie d’y croire.
    « Toi aussi tu m’as manqué, si tu savais ! ».
    Pour toute réponse, mon bobrun m’embrasse de plus en plus fougueusement, son torse chaud collé au mien, sa bosse raide collée à la mienne.
    Je n’en peux plus, j’ai trop envie de lui. Je le fais pivoter à mon tour, je le colle contre le mur. J’embrasse son cou, ses épaules, les poils dans l’arrondi du débardeur. Je glisse mes mains sous le coton tendu sur sa peau, j’effleure au passage les petits poils en dessous de son nombril, premier frisson. Puis, sa peau tiède et douce, deuxième frisson. Puis, le relief ferme de ses abdos, cette alternance de creux et de rebonds où les bouts de mes doigts lisent comme sur un texte en Braille le code de sa virilité puissante, un code que je ne me prive pas de parcourir plusieurs fois pour en apprécier pleinement le message. Tempête de frissons.
    Un instant plus tard, je me laisser glisser à genoux, je laisse mes lèvres caresser sa bosse chaude et saillante par-dessus le tissu molletonné, je presse mon visage contre, je hume les petites odeurs enivrantes de sa virilité palpitante. Du coin de l’œil, je vois le bogoss s’étirer, bomber son torse, plier ses bras, croiser ses mains derrière la nuque. Et je l’entends soupirer de bonheur et de d’impatience.
    Sans plus tarder, j’attrape le short de chaque côté de ses hanches et je le tire lentement vers le bas. Les poils bruns au-dessus de sa queue se dévoilent peu à peu à mes yeux. Je plonge mon nez dedans, ivre des petites odeurs qui se dégagent. Mais le tissu se tend, il oppose une résistance à mes projets. Le fait est qu’il est pris dans un « obstacle » qui lui empêche d’aller plus loin : il est retenu par sa queue raide.
    Je glisse alors ma main dedans, je saisis doucement son manche brûlant, je le dégage lentement de sa prison de tissu. Dès le premier contact de mes doigts, le bogoss pousse un grand soupir de bonheur. Sa queue se dresse désormais devant mes yeux, belle, fière, gonflée à bloc.
    Et lorsque mes lèvres et ma langue effleurent son gland, je le sens partir en extase, je me sens partir en extase. Je le pompe lentement, je veux faire durer nos excitations et nos plaisirs.
    Comme toujours, dès le premier contact avec la virilité de mon mâle, le premier besoin impérieux que réclament mon corps et mon désir est d’avoir sa queue dans ma bouche.
    Mais une fois assouvi le besoin de le sentir frémir de plaisir sous les assauts de ma bouche, les envies se bousculent en moi. J’ai envie de tout avec Jérém, sans jamais pouvoir faire un choix, sans arriver à me décider sur ce dont j’ai envie en premier. Si c’est d’avoir directement son jus dans ma bouche, de l’avaler, ou si je préfère juste une mise en bouche, au sens propre comme au sens figuré, avant de le sentir me limer, me posséder, avant de me laisser remplir les entrailles de son jus de mâle.
    En fait, j’ai envie de tout à la fois. Impossible pour moi de faire un choix. Comment choisir entre le plaisir et le plaisir ? Entre le bonheur et le bonheur ? Le choix le plus facile étant souvent de me laisser porter par les envies de mon beau mâle brun. Un choix qui a l’ailleurs davantage de me laisser surprendre et m’enchanter.
    Je ne le suce que depuis une petite minute, lorsque le bogoss sexy à mort dans son débardeur blanc et sa casquette à l’envers passe ses mains sous mes aisselles, me fait me relever, défait ma ceinture, puis ma braguette. Il me fait pivoter à nouveau, et je me retrouve face au mur à côté de la porte d’entrée. Sans plus attendre, il baisse mon froc et mon boxer, il les cale en bas de mes cuisses. Ses gestes sont fébriles, dictés par une envie on ne peut plus pressante. Une envie, la sienne, que je ressens dans le moindre de ses gestes et qui me met en confiance, car elle me rassure quant à sa fidélité pendant ces dix jours où nous avons été séparés.
    Quant à ses mains qui empoignent fermement mes fesses pour les écarter lentement, avant que sa langue s’insinue fougueusement à l’entrée de mon trou, voilà qui finit d’achever ma moindre réticence.
    Ainsi, lorsque je l’entends cracher dans sa main, lorsque je sens ses doigts humides badigeonner mon trou, je suis déjà complétement à lui. Et je le suis bien avant que son gland ne se presse contre mon trou, et qu’il gagne la résistance de mes muscles sans presque forcer, bien avant que sa queue s’enfonce lentement en moi, bien avant que mon mâle ne prenne réellement possession de mon corps.
    Et lorsque cela arrive, lorsque je l’entends frissonner de plaisir, c’est un bonheur sans commune mesure qui m’envahit. Sa queue enfoncée en moi jusqu’à garde, le bogoss me débarrasse de mon t-shirt, il colle son torse contre le dos. Le contact avec le coton doux de son débardeur est terriblement excitant.
    Le beau mec à casquette à l’envers pousse un dernier, profond soupir de bonheur avant de commencer à me limer. Son torse enveloppe mon dos, l’une de ses mains me branle, l’autre agace mes tétons avec fébrilité. Son parfum m’enivre et m’assomme de plaisir. Je jouis du cul à chacun de ses va-et-vient. Je jouis tellement que je ne peux m’empêcher de lui lancer, comme dans ivre :
    « Qu’est-ce que c’est bon, Jérém, qu’est-ce que c’est bon ! ».
    « Ah oui, c’est bon » je l’entends confirmer, la voix déformée par l’excitation.
    « Vas-y, défonce-moi bien ! ».
    Pour toute réponse, ses mains saisissent mes hanches, les empoignent d’une façon bien ferme, bien virile, me font sentir bien à lui. Ses va-et-vient deviennent plus rapides, plus puissants, ses couilles frappent lourdement les miennes, et c’est terriblement excitant.
    Mais déjà une minute plus tard à peine, la cadence de ses coups de boutoir ralentit presque d’un coup, sa queue s’immobilise au fond de moi. Et là, après un instant de flottement, j’entends Jérém me lancer, la voix étouffée par un frisson qui le dépasse :
    « Ok non… je viens déjà ».
    Ses coups de reins reprennent. Sa main saisit ma queue, recommence à la branler. Lorsque le bogoss lâche un premier râle de plaisir étouffé, je sais qu’il est en train de jouir en moi. Son souffle rapide excite ma peau, ses râles de plaisir ravissent mes oreilles. Les va-et-vient de sa main sur ma queue ne tardent pas à précipiter également mon orgasme à moi. Je jouis à mon tour, dans sa main.
    « Désolé » je l’entends me glisser, alors qu’il se déboîte lentement de moi.
    « Mais de quoi ? » je le questionne, après m’être retourné vers lui, l’avoir serré très fort dans mes bras et avoir posé quelques bisous fébriles dans son cou. J’ai toujours envie de le couvrir de bisous après qu’il m’a fait l’amour.
    « Je suis venu trop vite. Je n’ai pas pu me retenir ».
    Certes, j’aurais aimé que ça dure plus longtemps. Et pourtant, je suis aux anges. Non seulement, en dépit de la durée, j’ai bien pris mon pied. Mais en plus, son envie débordante et sa jouissance rapide me rassurent aussi quant à son abstinence pendant ces dix jours.
    « C’était trop bien, Jérém ».
    « J’avais trop envie ».
    « J’ai vu, et j’ai kiffé, tu peux même pas savoir combien j’ai kiffé ! ».
    « Tu veux boire quelque chose ? » il me demande, tout en se débarrassant enfin de sa casquette et de son débardeur sexy pour me mettre une énième claque en me dévoilant sa nudité. Le bogoss a l’air d’avoir bien chauffé pendant sa quête de l’orgasme.
    Sa nudité désormais totale me confirme ce que son débardeur m’avait largement annoncé. En dix jours de muscu et d’entraînements supplémentaires, le bogoss a encore pris du muscle et sa plastique est un bonheur absolu.
    « Ton jus de mec » je finis par répondre à sa question, ivre de lui.
    « Eh doucement, le coquin. T’inquiète, tu vas l’avoir mon jus, mais laisse-moi d’abord récupérer un peu ».
    « Je rigole ».
    « Tu veux quoi alors ? ».
    « Quelque chose de frais ».
    « Un jus d’orange ? ».
    « Très bien ».
    Je regarde mon bobrun promener sa nudité avec aisance dans la petite pièce, la queue toujours tendue. Je le regarde attraper deux verres dans un petit meuble suspendu et sortir une bouteille de jus d’orange d’un réfrigérateur tout aussi petit, encastré sous la plaque de cuisson.
    Je prends enfin le temps de jeter un regard un peu plus attentif à ce petit espace, une pièce unique où se côtoient une kitchenette minuscule, une table et deux chaises de Barbie, un lit et une porte qui doit donner sur des toilettes, une petite fenêtre qui est la seule source de lumière de la pièce.
    Le bogoss m’apporte un verre de jus orange et un bisou plein d’amour. Lui aussi il boit du jus d’orange. Je le regarde déglutir lentement, je regarde cette pomme d’Adam bien virile s’agiter nerveusement au gré de la descente du liquide dans son corps. Et je trouve cette image furieusement excitante.
    Un instant plus tard, le bogoss ouvre la petite fenêtre et allume sa cigarette inévitable après orgasme. Je suis content de voir qu’il se sert toujours du briquet que je lui ai offert à Campan, ce briquet que j’avais acheté dans la boutique de Martine et que je lui ai offert pour qu’il ne m’oublie pas.
    Je m’approche de lui, je le prends dans mes bras et je jette un premier regard curieux depuis cette fenêtre sans vis-à-vis, une fenêtre ouverte sur Paris. La butte de Montmartre se dresse au loin avec son église blanche reconnaissable entre mille.
    « C’est génial ici, la vue est magnifique et il n’y a même pas de vis-à-vis » je considère.
    « Oui, mais t’as vu comme c’est petit ? C’est même plus petit qu’à Toulouse ».
    « C’est ton petit chez toi, et moi j’aime bien ».
    Jérém termine sa cigarette et s’allonge sur le lit. Pendant un court instant, je suis happé par la vision de mon étalon allongé, et de ses pilosités. Mon mec à moi a du poil sur le visage, il a des poils tout doux sur les avant-bras, il a du poil bien sexy sur le torse, il a du poil bien viril sur les couilles. Mon mec est vraiment un magnifique jeune mâle.
    Je m’allonge à côté de lui, j’ai envie de le prendre dans mes bras. Mais avec l’agilité d’un félin, mon bobrun musclé se glisse sur moi, et il me couvre de bisous.
    « Je suis heureux d’être là » je lui lance.
    « Moi aussi je suis heureux que tu sois venu ».
    Jérém me serre très fort contre lui, je plonge le nez dans ses poils bruns. Je plonge dans un bonheur fait du goût de ses lèvres, du contact avec sa peau chaude et parfumée, de son amour. Dans ses draps, je suis heureux. Les draps d’un gars comme Jérém, et a fortiori lorsqu’il est amoureux, ce n’est rien d’autre que le Paradis sur Terre.
    Mon bobrun se laisse glisser le long de mon torse et me suce. C’est sacrément bon. Tellement bon que je dois me retenir pour ne pas venir trop vite. Et lorsque le bogoss arrête de me sucer et s’allonge sur le lit, les cuisses écartées, la queue raide comme un piquet, je sais ce qu’il attend de moi. J’avale sa queue, je la pompe comme si ma vie en dépendait, jusqu’à le faire copieusement gicler dans ma bouche.
    « Vas-y, pompe bien, comme ça… oui… tu vas l’avoir mon jus… » il me glisse, alors que ses giclées puissantes percutent mon palais.
    Ah putain, qu’est-ce que c’est bon son jus de mâle !
    Après avoir offert ce deuxième orgasme à mon bobrun, après avoir goûté à cette boisson divine qui me fait du bien, nous nous assoupissons l’un dans les bras de l’autre.

    Lorsque j’émerge, mon bobrun est en train de fumer une nouvelle cigarette. Le ciel s’est assombri, la nuit tombe, les bruits de la ville remontent comme amplifiés par la fenêtre ouverte.
    « Il est quelle heure ? » je lui demande.
    « Huit heures et demi passés ».
    Une nouvelle fois je m’approche de lui, je le serre contre moi. Nous nous échangeons des bisous, torse nu contre torse nu, alors que les lumières de la grande ville se déploient devant nos yeux. Jérém écrase son mégot et me lance :
    « Allez, on bouge ! J’ai faim ! ».
    « On va où ? ».
    « Là-bas il me répond, tout en m’indiquant un point bien lumineux au loin.
    « A Montmartre ? ».
    Oui, j’aime bien ce quartier, et il y a plein de petits restos ».
    Jérém part à la douche. A travers la porte laissée entrouverte, je peux constater que la salle de bain est à l’image de l’appart, vraiment minuscule, tout comme la cabine de douche, fermée par un simple rideau. Impossible de se glisser dedans à deux, les douches coquines ce ne sera pas ici.
    Puis, quelque chose attire mon attention, quelque chose nonchalamment abandonné sur le sol, à côté du lavabo, un objet qui semble émettre une vibration propre qui fait résonner bien de cordes sensibles en moi. Il s’agit, évidemment, de son sac de sport aux couleurs de son équipe. Un sac refermé quelques heures plus tôt à la fin de son entraînement et très certainement pas rouvert depuis… ah putain !
    Lorsque mon bobrun revient pour chercher ses fringues, à poil et très fraîchement douché, je n’ai qu’une envie, de refaire l’amour avec lui. Mais il se fait tard, il faut qu’on bouge, comme il l’a dit. Je pars illico à la salle de bain, je ferme la porte.
    Je fais couler l’eau pour faire diversion. Puis, je m’approche du précieux objet, je « décachète » lentement l’épaisse fermeture zip. Je ferme les yeux et je plonge mon nez entre les deux pans entrouverts. Et me voilà instantanément téléporté dans un monde fait d’un merveilleux bouquet de bonheurs olfactifs me donnant une description des plus précises et excitantes du Masculin. Transpiration, gel douche, déo, petites odeurs de mâle : voilà le mélange divin.
    Après quelques intenses secondes d’ivresse, je m’autorise à jeter un œil furtif dans le sac. J’y trouve un trésor constitué d’un boxer orange et d’un débardeur blanc, les deux humides de transpiration ; d’un flacon gel de douche, d’un déo spray ; d’un pantalon de jogging, de deux paires de chaussettes, d’une serviette humide elle aussi ; d’un tube de crème chauffante, et d’une bouteille d’eau entamée. Voilà la panoplie du petit rugbyman sexy.
    Je prends ma douche toujours enivré par les petites intenses odeurs de son sac de sport, je me fais achever par la fragrance de son gel douche.
    Mais lorsque je rejoins mon Jérém dans le séjour, une nouvelle bonne claque m’attend. Blouson d’étudiant américain blanc et vert, posé sur un simple t-shirt blanc à col rond mettant bien en valeur ses pecs rebondis, jeans et baskets blanches : mon Jérém m’a réservé l’une des tenues de bogoss les plus sexy qui soit.
    Nous quittons l’appart, nous empruntons l’ascenseur. Pendant la descente je dois me faire violence pour ne pas lui sauter dessus. Nous voilà dans la rue, lancés dans la nuit parisienne. Je suis si heureux de sortir avec lui ! Je n’arrive toujours pas à croire que cette bombasse de mec est le mien, que je fais l’amour avec lui et qu’il est amoureux de moi. Oui, je suis tellement heureux !
    Nous empruntons la ligne 7 jusqu’à Jaurès, puis la ligne 2. Mon bobrun fonce à coup sûr, il semble désormais bien connaître le réseau du métro, on dirait qu’il est en train de devenir un vrai petit parisien.
    A cette heure, il y a un peu moins de monde que lors de mon arrivée en ville.
    En attendant l’arrivée de la rame, je me fais la réflexion qu’avec son ambiance close, sa météo propre, faite des appels d’air à l’entrée et à la sortie des tunnels ; avec sa bande son propre, les sifflements des freins, les claquements des roues sur les rails, métal sur métal, les bruits d’air comprimé à l’ouverture et fermeture des portes, le métro est un véritable petit univers à part.
    Un univers au décor de ciment et de métal souvent déprimant dans lequel, à mes yeux, seule la concentration de bogossitude possède le pouvoir d’apporter un rayon de soleil.
    Et mon bobrun est d’emblée l’un des piliers, et pas des moindres, de cette bogossitude qui rend le métro supportable.
    Dans la rame, Jérém se fait mater par une nana, et même pas discrètement. Elle doit avoir trente ans au moins, mais le physique de rugbyman et la bonne gueule de mon mec semblent vraiment l’émoustiller. J’ai envie d’aller la gifler, même si je comprends son attirance.
    Elle ne quitte pas mon Jérém des yeux et lui lance de grands sourires. Mon bobrun s’en rend compte, et il détourne aussitôt son regard. Il me sourit. D’ailleurs, ce n’est pas la seule meuf par qui il se fait mater. J’ai l’impression que, plus ou moins discrètement, la plupart des nanas dans la rame matent ce petit Dieu vivant qui vient de me faire l’amour. Si elles savaient !
    J’ai même l’impression qu’il y a des mecs qui le matent, ce qui m’inquiète encore plus.
    Un gars embarque à l’un des arrêts. Il doit avoir à peine 2-3 ans de plus que nous, et c’est une bombasse absolue. Un brun incendiaire à la peau mate, avec l’une de ces bonnes petites gueules à faire jouir avec une urgence plus qu’absolue. Une urgence qui se dégage de ses très beaux traits, de ses yeux très noirs, d’un regard à la fois doux, touchant, mais terriblement coquin, malicieux, intrigant.
    Le gars doit faire la même taille que mon Jérém, mais avec un corps plus élancé, moins musclé, mais un corps de parfait petit con, une plastique mise en valeur par une chemisette à carreaux noirs et blancs et qui lui va comme un gant et dont les boutons ouverts en haut dévoilent une naissance de pecs des plus appétissantes. Ses lunettes à la monture noire assez épaisse lui donnent un coté intello hyper sexy qui finit de m’assommer. Le gars est typiquement le genre qui me rend dingue, car il dégage une sensualité de fou, et sa simple présence est un appel hurlant au sexe.
    « Eh, je t’ai vu » j’entends Jérém me glisser discrètement à l’oreille.
    « De quoi ? » je tente de me dérober, en me sachant pris avec « le regard sur le bogoss ».
    « Arrête de le mater » il précise son propos, sur un ton amusé.
    Je ne sais pas trop quoi lui répondre, je m’en veux qu’il puisse croire que je mate ce mec parce que je le trouve plus mignon que lui. Même si en même temps je me dis qu’il est normal de regarder un beau mec, surtout un si beau mec. Comment faire autrement ?
    « J’ai vu que tu as maté le mec avec les lunettes » il enchaîne.
    « Il faudrait être hétéro pour ne pas mater un mec comme toi et lui… ou bien aveugle ! Il y a les trois quarts de la rame qui vous matent ! ».
    Mon bobrun se contente alors de me lancer un sourire des plus canailles.
    « Et puis, si tu as vu que je le matais, c’est que toi aussi tu l’as remarqué ! » je lui lance à la cantonade, alors que nous venons de sortir de la rame et que nous remontons vers la surface.
    « C’est vrai qu’il n’était pas mal du tout ! ».
    C’est à la fois l’apanage et le drame des couples de même sexe de pouvoir tenir ce genre de conversation au sujet d’une même personne. Souvent, on comprend l’attirance de son partenaire pour l’autre, car cet autre suscite en nous exactement la même.
    Nous émergeons à Pigalle, et nous retrouvons Paris en sortant par un accès de métro en parfait style liberty. Nous débarquons non loin du Moulin Rouge, de sa façade rouge, de ses pales en rotation lente. Le Moulin Rouge, ce lieu fabuleux, dont le mythe a été récemment sublimé par le superbe film de Baz Luhrmann avec une Nicole Kidman étincelante et une Ewan McGregor plutôt charmant.
    Me voilà enfin à Paris ! Le vrai, celui qu’on imagine en pensant à cette ville.
    Nous prenons le funiculaire, nous traînons un peu dans le quartier. Avec ses petites rues pavées, ses petites places, sa végétation, son absence presque totale de voitures, son ambiance ressemble à celle d’un village, le quartier de Montmartre possède un charme particulier. On sait qu’on est entourés par la ville, mais l’illusion d’être ailleurs est presque parfaite. Montmartre accueillant, chaleureux et romantique, dont chaque coin dégage une sensation de calme et d’harmonie si propice aux amoureux.
    La terrasse devant le Sacré Cœur offre une vue splendide sur la ville. Depuis là-haut, on a l’impression d’avoir Paris à nos pieds. Ce soir, je suis heureux, heureux comme je ne le suis qu’en compagnie de mon homme. Ce soir, la ville et la vie me paraissent belles comme jamais.
    Au détour d’une rue déserte, mon bobrun m’attire soudainement contre lui et m’embrasse fougueusement. Ce soir il a ce côté joueur, ce côté chien foufou qui me fait craquer au plus haut point. Et il est si sexy dans sa tenue t-shirt blanc, blouson d’étudiant bicolore !
    Jérém a l’air si heureux de me retrouver, et moi je suis si heureux de constater que la magie Campan continue même à Paris ! Et moi qui me faisait tant de souci ! Je suis tellement rassuré par son attitude, mille fois plus rassuré qu’après toutes les discussions du monde. Je n’ai même plus envie de lui parler de fidélité, de protection, de l’avenir de notre relation. J’ai simplement envie d’y croire. Et à cet instant précis, je n’ai aucun mal à le faire.
    Nous croisons de nombreux couples, dont certains sont en train de s’embrasser. Je ressens un pincement au cœur en pensant que je voudrais pouvoir avoir la liberté d’aimer mon Jérém comme s’aiment ces couples, mais que je ne le peux pas. Non pas que je tienne particulièrement à m’afficher mon amour en public. Mais c’est précisément la conscience de ne pas pouvoir le faire qui me fait chier !
    D’autant plus que, même si je le pouvais, je ne suis pas certain que j’aimerais me laisser aller à des effusions publiques ostentatoires comme le font certains couples hétéros. Non pas que ce ne soit pas joli. Je me dis que tant d’étalage d’amour pourrait froisser certain qui « haïssent les couples qui leur rappellent qu’ils sont seuls ».
    Oui, Montmartre est l’endroit de l’amour. Et à l’image de l’amour, rien n’est plat à Montmartre, à chaque pas on monte ou on descend. Lorsque ça redevient plat, c’est que nous ne sommes plus à Montmartre.
    Dans une rue bien en pente, Jérém repère un petit resto à l’allure plutôt rustique et accueillante.
    « C’est un resto à fondue » il me lance, après avoir regardé la carte.
    « Ça te dit ? » il me presse, face à mon hésitation.
    « Si pour toi ça va, pour moi c’est ok ».
    Une fois la porte franchie, l’impression dégagée par la façade se confirme. Nous plongeons dans un petit local aux boiseries bien rustiques, avec des poutres apparentes, des tables et des bancs en bois, avec une ambiance taverne renforcée par une immense cheminée qui domine un mur entier de la petite salle et dans laquelle un beau feu est en train de réchauffer l’air et les esprits. Surtout le mien. Car cette cheminé m’en rappelle une autre, devant laquelle j’ai fait l’amour tant de fois avec mon Jérém.
    La petite salle compte une dizaine de tables, dont à peine la moitié sont occupées. Le propriétaire nous installe juste à côté du feu, sur une table pour quatre. Jérém commande direct une fondue pour deux et une bouteille de blanc sec.
    A côté du feu, Jérém a vite chaud. Il ôte alors son blouson sexy et fait péter son t-shirt blanc tout aussi sexy. Il s’agit d’un t-shirt de marque super bien coupé, tendu sur ses pecs, ses épaules, ses biceps qui semblent prêts à craquer les manchettes, un blanc tellement parfait qui, de la même façon que le débardeur de toute à l’heure, met superbement en valeur la couleur mate de sa peau et le dessin de ses tatouages. Il est tellement sexy, j’ai tellement envie de lui !
    Il ne manque qu’un détail au tableau, une chaînette sexy à son cou. Car son cou est nu depuis qu’il m’a donné la sienne au moment de nous quitter à Campan. Mais ce manque ne va pas tarder à être rattrapé, mon bobrun aura bientôt une belle chaînette de mec en cadeau d’anniversaire.
    « J’ai trop faim ! » il me lance, comme un gosse.
    J’ai faim aussi, le sexe ouvre l’appétit.
    L’hôte nous amène un apéritif maison pour nous faire patienter. C’est sucré, ça passe bien avec les petits feuilletés qui l’accompagnent. Je regarde le feu, je regarde mon Jérém, je suis tellement heureux !
    J’ai bu mon verre un peu vite, l’alcool sucré me monte à la tête, je me sens tout chaud, je me sens partir vers une ivresse où je perds pied, où j’ai juste envie de rigoler, de lui dire à quel point je suis fou de lui, à quel point je l’aime, et de lui faire des milliards de bisous.
    L’hôte arrive avec la marmite à fondue posée sur un réchaud lui-même posé sur une épaisse planche de bois, accompagnée d’une corbeille remplie de morceaux de pain. Jérém en enfourche aussitôt un et il le trempe dans le fromage fondu.
    « Bon appétit bogoss » il me lance discrètement, en retirant son bout de pain généreusement enveloppé dans le fromage doré.
    « C’est toi le bogoss » je lui relance, toujours ivre, le regard rivé sur ce t-shirt bien ajusté qui fait ressortir chacun des muscles de son torse de fou.
    « Bon appétit ! » je me rappelle de lui répondre, après un moment de flottement.
    La fondue, c’est bon, très bon. Mais la partager dans ce petit resto, à Montmartre, à côté du feu, avec le gars que j’aime, c’est absolument fabuleux. Oui, ce petit resto me rappelle l’intimité de la petite maison en pierre à Campan. Mais aussi la bonne franquette de la soirée passée avec les cavaliers de l’ABCR, devant un autre beau feu. Là aussi on avait mangé de la fondue, faite par les mains expertes de Martine. De beaux souvenirs, les premiers vraiment heureux avec mon bobrun.
    Jérém me ressert du blanc sec, ce qui entretien ma petite ivresse, ma sensation de planer sur mon bonheur absolu.
    Nous trempons nos bouts de pain dans le fromage fondu. La fondue est délicieuse, la compagnie de mon Jérém l’est encore plus. Il me parle de son intégration dans l’équipe, de ses nouveaux potes, d’Ulysse, en qui il a trouvé un nouveau pote, quelqu’un qui lui fait confiance et qui l’aide à progresser. Ulysse, un gars pour lequel Jérém semble avoir beaucoup d’admiration et d’estime. Ulysse, un prénom qui revient bien souvent dans la conversation.
    Mais il ressemble à quoi cet Ulysse ? J’aimerais bien le voir. Est-ce que ce week-end va m’en offrir l’occasion ?
    Vers la fin du repas, lorsque la partie la plus épaisse du fromage s’agglutine au fond du caquelon, nous retirons nos croutons en même temps. Ils ressortent reliés par de nombreux fils de fromage. Une image qui me fait sourire, car elle me fait repenser à la fameuse scène des spaghettis dans le dessin animé « La belle et le clochard ».
    Nos regards se croisent, Jérém se marre.
    « Pourquoi tu rigoles ? » je le questionne.
    « Ça ne te fait pas penser à quelque chose ? » fait le bobrun en indiquant nos morceaux de pain reliés par un épais fil de fromage.
    Notre complicité est parfaite, je suis tellement bien, je suis tellement heureux !
    « Si, un dessin animé ».
    Le bogoss me sourit. Son regard me fait fondre, son sourire me fait fondre, notre complicité me rend fou. J’ai tellement envie de lui faire des bisous, de le sentir contre moi, de faire l’amour avec lui.
    Au moment de l’addition, je propose de payer la note. Il refuse. Je lui propose alors de partager la note. Il refuse à nouveau, j’insiste. Comme d’hab, je n’aurai pas le dernier mot.
    « J’ai dit que je t’invite, alors je t’invite ».
    « Mais pourquoi ? ».
    « Parce que. Tu es venu à Paris et puis ça me fait plaisir ».
    De toute façon je suis toujours pompette, je n’ai pas le cran de lui tenir tête. Jérém m’offre un resto et du bonheur, beaucoup de bonheur.
    Dans la rue, la fraîcheur de l’air me secoue un peu de mon engourdissement. Nous marchons en direction de l’escalier pour aller reprendre le métro lorsque, sortant d’une fenêtre, j’entends s’échapper une musique familière. Je reconnais immédiatement l’air d’une chanson qui était dans la collection de 45 tours de maman. Une chanson au rythme entraînant, guilleret, qui inspire la joie, qui fait se sentir bien et que je ne me lassais pas d’écouter en boucle à l’époque.

    https://www.youtube.com/watch?v=u5pxPDMF6SE

    Noyés de bleu sous le ciel grec
    Un bateau, deux bateaux, trois bateaux s'en vont chantant
    Griffant le ciel à coups de bec
    Un oiseau, deux oiseaux, trois oiseaux font du beau temps
    (…)
    Mon dieu que j'aime ce port du bout du monde
    Que le soleil inonde de ses reflets dorés
    Mon dieu que j'aime sous leurs bonnets oranges
    Tous les visages d'anges des enfants du Pirée

    Soudain, je repense à Dalida, cette chanteuse à la carrière étincelante et au destin tragique, Dalida qui vivait, justement, à Montmartre. Soudain, l’ivresse complice, j’ai envie d’une petite folie. J’en fais part à Jérém, qui se moque de moi. Je fonce. Je ne connais pas le nom de la rue. Je demande à des passants, on me renseigne, mais j’ai du mal à trouver. A force de tourner, on finit par tomber sur la place portant le nom de Dalida ainsi qu’un buste de la chanteuse.
    « Nous ne devons pas être bien loin ».
    « T’es pas pd pour rien » me taquine Jérém.
    « Et toi t’es un pur hétéro ».
    « Pourquoi, t’en doutes ? » il fait, moqueur.
    Je finis par tomber sur un passant qui m’indique exactement la marche à suivre. Et au bout de quelques minutes, nous y sommes. La voilà, dans la petite et discrète rue d’Orchampt, la grande maison à plusieurs étages et à l’architecture si particulière où Dalida a vécu pendant tant d’années. Avant de se donner la mort, en un triste dimanche de mai, parce que la vie lui était devenue insupportable. Quel gâchis qu’elle en soit arrivée là, qu’elle ait été si malheureuse, elle qui a donné tant de joie et d’espoir à tant de gens et pendant trois décennies.
    « T’es heureux ? » se moque Jérém.
    « Tu dois me prendre pour un barj ! ».
    « Tu veux qu’on sonne pour demander si elle nous offre un café ? » il me taquine.
    « T’es con ! ».
    « Aaaaarrivaaaaa Gigi l’amorosooooooooooooo ! » je l’entends entonner.
    « Mais tais-toi, tu me fais la honte ! ».
    « On peut rentrer maintenant ? ».
    « Oui, on peut, oui. J’ai envie de toi ».
    « Moi aussi ».
    Nous descendons les marches de la butte. Là encore, nous croisons des couples qui ont l’air bien amoureux, qui se font des bisous. Là encore, je me fais violence pour ne pas enlacer mon bobrun et le couvrir de bisous à mon tour. Faute de mieux, je me dis que l’attente ne fait que faire monter l’excitation.
    Mais alors que je m’attends à rentrer directement à l’appart, mon bobrun me conduit vers une ligne de métro qui n’est pas du tout celle que nous avons empruntée pour venir à Montmartre.
    « Mais t’es sûr que c’est la bonne ligne ? » je l’interpelle.
    « Oui. Mais on ne va pas rentrer tout de suite. Je vais t’amener quelque part ».
    Je le suis, impatient de découvrir la surprise que me prépare mon bobrun.
    Lorsque nous émergeons à nouveau dans la ville réelle, nous sommes à proximité de la Tour Eiffel. Il est 22h55.
    « Dépêche, on va rater le spectacle » il me lance, après avoir regardé sa montre.
    « Quel spectacle ? ».
    « Tu vas voir ».
    Je continue de suivre mon bobrun qui avance presque au pas de course. Il s’arrête enfin aux pieds de la grande tour, à proximité d’un port de bateau mouche. Il regarde à nouveau l’heure.
    « Ça devrait arriver dans pas longtemps ».
    Le bogoss a tout juste le temps de terminer sa phrase, lorsque la robe de la dame de fer se met à clignoter de tous ses feux.
    J’avais entendu parler du scintillement de la tour au début de chaque heure. Mais le voir de si près, c’est magique. Et le voir en compagnie de Jérém, et parce que c’est lui qui m’y a amené, est juste incroyable. Dans un coin de ma tête, je me demande comment mon bobrun connaît ce coin permettant de bien voir le scintillement de la tour. Je me demande surtout qui lui a fait connaître, s’il est venu seul, ou avec qui il est venu ici auparavant. Mais je suis tellement bien à cet instant précis, que je choisis de ne pas penser à ça. Dans la nuit complice, mes doigts cherchent discrètement les siens, les trouvent, les enlacent.
    Puis, alors que le scintillement n’est même pas terminé, mon bobrun me regarde droit dans les yeux et me lance :
    « Ça te dit un tour de bateau sur la Seine ? ».
    « Oui, bien sûr ! ».
    Même s’il me tarde de rentrer pour refaire l’amour avec lui, cette petite balade parisienne nocturne me rend heureux comme jamais. J’ai envie que cette nuit ne se termine jamais. J’ai envie de l’embrasser. J’ai envie de tout avec lui. Ah, putain, qu’est-ce qu’il est craquant, Jérém, avec son blouson vert et blanc, complètement ouvert sur son t-shirt blanc collé à ses pecs !
    « Si on se dépêche on va arriver à attraper le dernier départ ».
    En effet, nous arrivons à embarquer juste avant que les portes ne se ferment derrière nous.
    La croisière démarre, le bateau tangue sur les eaux de la Seine. L’air du soir est frais, ça chatouille la peau et les yeux.  Nous nous éloignons de la Tour Eiffel pendant qu’une sono défaillante nous égraine les monuments que nous trouvons sur notre parcours. Les Invalides, le pont de l’Alma tristement connu depuis 5 ans, le Musée d’Orsay (que je veux visiter à tout prix, car j’adore les peintres impressionnistes), l’Ile de la Cité, la cathédrale de Notre Dame à la silhouette imposante, le pont Alexandre III, le pont Napoléon, la Conciergerie, l’Hôtel de Ville, la Concorde, le Musée du Louvre, le Grand Palais.
    Je regarde mon Jérém, lui aussi visiblement impressionné par ce petit aperçu de la grandeur de notre capitale.
    « Tu avais déjà fait un tour en bateau mouche ? » je le questionne.
    « Non, c’est la première fois. Ça fait des semaines que j’en ai envie. Mais j’attendais de le faire avec toi ».
    « Je t’aime, Jérém ! ».
    Le bobrun me sourit. Son sourire est beau comme l’amour et doux comme une caresse.
    Ce tour en bateau mouche est comme une petite mise en bouche de Paris, comme la bande annonce savamment orchestrée d’un film qui s’annonce particulièrement spectaculaire. Toulouse est une belle ville, et c’est ma ville de cœur, car c’est ma ville. Mais Paris, elle a l’élégance, la stature, le charme, la grandeur, l’allure, la prestance d’une capitale. A Paris, on a l’impression d’être au centre du monde.
    Après avoir fait le tour de l’Ile de la Cité, le bateau revient en sens inverse sur la Seine. Et quelques minutes plus tard, nous approchons à nouveau la Tour Eiffel, le début et la fin de notre petite croisière.
    Nous retrouvons la terre ferme, et je me retrouve à marcher sur les quais avec mon bobrun. Il allume une cigarette et par moments, l’odeur de la fumée arrive à mes narines. C’est une odeur qui m’émeut car elle parle de la présence de mon bobrun à mes côtés.
    Dans la nuit de la ville inconnue, je me sens en sécurité avec Jérém à mes côtés. J’ai l’impression de vivre dans un rêve.
    Jérém est en pleine phase de déconnade, il n’arrête pas de raconter des bêtises, il me taquine, il me chatouille. J’ai l’impression que la bouteille du restaurant qu’il s’est sifflé aux trois quarts n’a pas fini de faire ressentir ses effets. J’adore quand mon Jérém est comme ça. Quand il est un peu éméché sans être « rôti », quand il a l’alcool joyeux, qui s’accompagne souvent à l’« alcool baiseur ».
    Une demi-heure plus tard, je retrouve l’immeuble déjà si familier, je frissonne à l’idée de me renfermer dans ce petit terrier avec mon bobrun, de l’avoir tout pour moi, de pouvoir lui faire mille bisous, de me blottir contre lui, de faire l’amour avec lui.
    Dans l’ascenseur, nous nous tenons sagement. Mais une fois dans le petit appartement, Jérém me saute carrément dessus, il m’embrasse avec une ardeur que je lui ai rarement connue. Le bogoss se débarrasse de son blouson, il fait voler son t-shirt blanc. Puis, il s’attaque à mon blouson et à mon t-shirt à moi. Nous voilà torse contre torse, peau contre peau. Jérém me serre très fort contre lui. Son visage plonge dans le creux de mon épaule, il distille un chapelet infini de bisous. Ses mains caressent fébrilement mon dos, elles remontent ma colonne vertébrale jusqu’à s’enfoncer dans mes cheveux.
    Le bobrun semble prendre un plaisir certain à me sentir contre lui. Et lorsque ses mains quittent mon dos pour partir à l’assaut de mes tétons, lorsque je sens sa queue monter, j’entreprends illico de défaire sa braguette, tout en me penchant pour mordiller ses tétons. Ma main s’est déjà glissée dans son boxer pour saisir son manche raide et le caresser avec des va-et-vient lents qui lui font du bien, lorsque mon Jérém attrape ma tête pour m’embrasser encore et encore, fou de désir.
    Mais un instant plus tard, le bogoss n’en peut déjà plus. Ses envies de mâle le submergent. Il de débarrasse de son froc et de son boxer. Et là, nu et beau comme un Dieu, il pose une main lourde sur mon épaule pour m’inviter à me mettre à genoux. Jérém a envie de se faire sucer, il en a vraiment très envie.
    Sans plus tarder, je me jette sur sa queue, je m’applique à titiller son gland. Puis, je l’avale doucement, je la pompe doucement. Mais déjà sa main se pose sur ma nuque, et ses coups de reins donnent plus d’amplitude à mes va-et-vient.
    Très vite, les oscillations de son bassin se font de plus en plus puissantes, pendant que la prise de ses mains sur ma nuque devient de plus en plus ferme, de plus en plus serrée.
    « Vas-y pompe bien, je sais que tu kiffes ma queue. Elle est bonne hein ? Tu pompes bien, oui, oui, oui… vas-y comme ça, tu vas me faire jouir et tu vas bien avaler… je sais que tu as envie d’avaler parce que tu me kiffes grave… ».
    Toute expression verbale m’étant impossible dans cette situation, ma seule réponse pour entériner ses provocations viriles, est un redoublement d’intensité de mes va-et-vient, dans la tentative de dépasser celle de ses coups de reins qui, eux aussi, ne font qu’augmenter en puissance.
    Ah putain ! Qu’est-ce que j’aime quand il est comme ça, très mec, un bon peu macho, dominant.
    Bien sûr, j’adore le Jérém amoureux, câlin, adorable, qui se soucie de mon plaisir, qui assume le fait d’avoir même parfois envie d’être passif. Mais qu’est-ce que ça me rend dingue quand il est dans cet état, chaud comme la braise, bien décidé à prendre son pied de la façon dont il l’entend. J’aime ce côté queutard bien chaud.
    Est-ce que le vin y est pour quelque chose ? Est-ce que l’ivresse d’alcool a le pouvoir de réveiller son côté macho et de lui donner envie de ressentir une autre ivresse, celle de se sentir mâle dominant qui ne se préoccupe que de son seul plaisir ?
    Pendant un instant, j’ai l’impression d’être revenu dans l’appart de la rue de la Colombette à Toulouse, lorsque je n’étais que son vide couilles. Et je trouve ça sacrement excitant. Et j’adore me soumettre à sa fougue virile.
    « Allez, pompe bien, vas-y ! » il revient à la charge.
    Je tente de le contenter du mieux que je peux. Mais un instant plus tard déjà, ses mains saisissent mes épaules, me font pivoter. Je me retrouve la tête coincée entre le mur de l’appart et le mur de ses abdos, sa queue gonflée à bloc qui remplit ma bouche, son gland qui tape bien au fond de mon palais.
    « Tu le veux mon jus, hein ? ».
    Pour toute réponse, je pousse un grognement qui se veut affirmatif.
    Et un instant plus tard, je le sens frissonner, ahaner bruyamment. Je sens son orgasme venir. Je sens son jus arriver en pression et gonfler la partie inférieure de sa queue. Et alors que de nombreuses giclées, lourdes, chaudes et denses percutent ma langue, je l’entends lâcher des mots qui, sur le coup, resonnent de façon terriblement excitante :
    « Ahhh, je viens… vas-y, avale… avale… avale jusqu’à la dernière goutte… allez !... vas-y, avale… salope ! ».
    Une fois ses éjaculations terminées, le bogoss s’extirpe rapidement de moi. Il me tend aussitôt la main, il m’aide à me relever.
    « Ça va ? » il me questionne, le regard dans le vide, alors qu’il reprend son souffle.
    « Oh, oui, ça va, surtout depuis que je peux à nouveau respirer » je me moque.
    « Je suis désolé, je ne sais pas ce qui m’a pris » il me lance, après avoir tiré une longue taffe sur la cigarette qu’il vient de s’allumer près de la fenêtre ouverte.
    « C’était terriblement excitant » je tente de le rassurer.
    « J’y ai été un peu fort, non ? ».
    « T’inquiètes, je kiffe ça aussi. ».
    « J’ai trop bu ».
    « Vraiment, il n’y a pas de mal, c’était vraiment excitant ».
    « Désolé de t’avoir traité de salo… ».
    « Je te rassure, je kiffe ça aussi quand on est en mode baise » je le coupe « Je kiffe faire l’amour avec toi, et je kiffe quand tu joues ton bon macho dominant. Il y a tellement de façons de se faire du bien ».
    « Coquin, va ! ».
    Après la cigarette, nous nous retrouvons au lit, dans les bras l’un de l’autre. Jérém caresse mon torse, pince mes tétons. Ses lèvres et sa langue titillent chaque millimètre de ma peau, et provoquent en moi d’infinis frissons. Je bande comme un fou.
    Quelques instants plus tard, sa langue glisse sur mes couilles, puis s’attarde sur mon gland. Le bobrun me suce. Puis, il me demande de lui faire l’amour. Pas avec des mots, juste avec des gestes. Il s’allonge sur le dos, il écarte ses cuisses, il me regarde droit dans les yeux, il attrape ma main, il m’attire contre lui.
    Lorsque mon gland gagne la résistance de ses muscles, lorsque je m’enfonce entre les cuisses terriblement fermes de mon beau rugbyman, j’ai l’impression de me téléporter dans une autre dimension, un monde extraordinaire où tout n’est que plaisir inouï, une sorte de Paradis pour garçons.
    Un orage éclate au loin, les éclairs flashent dans la petite pièce, le tonnerre fait trembler les murs. Je suis en train de limer mon bobrun, tout en écoutant chacun de ses ahanements, tout en me félicitant de chacun de ses frissons, tout en guettant chacune des expressions de plaisir qui balaient son beau visage de mec. La pluie commence à tomber, faisant résonner les plaques de zinc recouvrant le toit juste au-dessus de nos têtes, de nos ébats. Ce moment aussi me rappelle Campan, le jour où nous avons fait l’amour, avant d’aller annoncer à Charlène que Jérém partait pour Paris, le jour où New York a vécu l’épisode le plus sombre de son histoire.
    Je regarde mon Jérém, les bras et les mains abandonnés sur le matelas, loin de sa queue raide, de son gland luisant, je le regarde jouir du plaisir que ma queue sait lui offrir. Faire jouir un mec comme Jérém, de cette façon, le sentir souffler, gémir, prendre son pied, c’est tellement beau, tellement excitant et ça fait sacrément du bien à son propre égo !
    « Vas-y défonce moi, montre-moi que tu as des couilles ! » il me cherche.
    Je le lime de plus en plus vite, je laisse mes coups de boutoir se déchaîner. Je suis en nage, et je prends mon pied comme jamais.
    « Ah, oui, comme ça, c’est comme ça que c’est bon ! Allez, Nico, montre-moi qui est le mec cette nuit ! ».
    Et là, soudain, une idée traverse mon esprit vrillé par le plaisir. J’arrête mes va-et-vient, et je m’arrête bien au fond de son cul, je le possède de toute ma bite qui est d’ailleurs à deux doigts de jouir.
    « Tu la sens bien là ? » je le cherche.
    « Oh oui, je la sens bien, oui ! ».
    « Et tu la kiffes ? ».
    « Grave ! T’es un vrai petit mec ! ».
    Ses mots me galvanisent, me donnent de l’assurance.
    « Je te baise bien, hein ? » je poursuis dans mon délire. Un délire qui me semblait un peu artificiel au début, mais qui, au vu de la réaction de Jérém et de mon excitation, commence à prendre sens dans ma tête. Oui, je peux aussi jouer les petits machos pendant que je baise mon Jérém…
    « Tu fais ça comme un chef ».
    « T’as envie que je te gicle dans le cul ? » je me lâche.
    « Oh que oui ! ».
    « J’ai pas entendu… t’as envie que je te fourre le cul ? ».
    Je n’arrive même pas à croire que ces mots sortent de ma bouche à l’adresse du mec qui m’a dépucelé il y a tout juste quelques mois. Et pourtant, cette nuit c’est bien moi qui tiens le rôle que Jérém a tenu tant de fois avec moi.
    « Fais-toi plaisir, p’tit mec… » je l’entends me lancer.
    Sur ce, transporté par un instinct de plaisir capable de lui ôter toute pudeur, le bobrun écarte un peu plus encore ses cuisses musclées, il se donne à moi comme jamais.
    Et pendant que mes mains prennent appui tour à tour sur ses pecs saillants et poilus, sur ses biceps rebondis, sur ses épaules charpentées, les siennes agrippent mes biceps à moi, caressent mes pecs, agacent mes tétons, caressent mes joues. Ses doigts fébriles traduisent la fébrilité de son excitation.
    « T’es beau Nico » je l’entends me lancer.
    « Toi aussi tu es beau ».
    « Vas-y, prends ton pied ».
    « Tu peux pas savoir à quel point je le prends ».
    Ses doigts pincent mes tétons sans relâche et finissent par provoquer Le frisson qui déclenche l’étincelle de mon orgasme.
    Un nouvel éclair flashe dans la pièce, la pluie redouble d’intensité. Mon plaisir s’emballe et échappe à mon contrôle.
    « Je vais jouir » j’annonce à mon beau brun qui, depuis quelques instants, a recommencé à se branler.
    Et alors que je sens de nombreuses giclées partir de ma queue, je vois une, deux, trois, plusieurs trainées blanches et brillantes s’abattre sur ses abdos, entre ses pecs, sur ses poils.
    Gicler dans son beau cul musclé me parait tellement irréel que j’en perds toute raison. Voir mon Jérém jouir en même temps, c’est géant.
    Une nouvelle cigarette à la fenêtre, les corps toujours vibrants de plaisir, les esprits vibrant d’amour, de nouveaux câlins avec vue sur la nuit parisienne, la pluie en fond sonore : c’est le bonheur d’être ensemble, heureux à deux.
    Pendant la nuit, mon bobrun me fait l’amour une nouvelle fois. Il me prend par devant, position que j’adore parce que, en plus de me permettre de bien sentir ses coups de reins, cette position m’offre le bonheur de le voir prendre son pied, de voir ses abdos onduler au rythme de ses va-et-vient, de voir ses biceps et ses pecs saillants se contracter lorsque ses mains empoignent tour à tour mes hanches et mes cuisses pour mieux me pénétrer, m’envahir, me posséder.
    Voir mon mâle prendre son pied, sentir son pieu raide coulisser en moi alors que même pas une heure plus tôt j’ai lâché mon jus dans son cul, c’est juste divin.
    Ce qui est génial dans l’amour entre mecs, c’est de pouvoir se donner du plaisir dans tant de façons différentes. Au début de ma relation, j’ai cru que mon bobrun ferait définitivement de moi un homo passif. Je sais désormais qu’il est en train de faire découvrir toutes les facettes du plaisir entre mecs.
    Une fois de plus, après l’amour, je me retrouve blotti dans ses bras, réchauffé, réconforté, câliné par sa pilosité mâle.
    « Qu’est-ce qu’ils sont beaux tes poils ! » je ne peux m’empêcher de lui lancer.
    « Je ne sais pas si je vais les garder encore longtemps ».
    « Jamais plus tu coupes cette merveille ! Tu me l’as promis à Campan ! ».
    « Il va bien falloir… ».
    « Et pourquoi ? ».
    « Ils commencent à trop pousser, les gars se moquent de moi dans les vestiaires ».
    « Ils sont jaloux ! ».
    Jérém se marre sous la moustache.
    « Moi je les aime » j’insiste « je ne peux même pas te dire à quel point je les aime. Je te trouve tellement viril et sexy avec ces poils ! ».
    « Pourquoi, quand je me rasais je ressemblais à une gonzesse ? ».
    « Je n’ai pas dit ça… je dis juste que ces poils naturels ajoutent un côté très viril qui me rend fou… ».
    « Tu l’aimes bien ton mâle… ».
    « Oh que oui, tu es mon mâle… » je m’empresse de lui confirmer.
    « Sauf quand je te laisse me prendre… ».
    « C’est pas parce que tu me laisse te prendre que tu es moins mâle à mes yeux… au contraire, je pense qu’il faut des couilles pour assumer ses envies, et en particulier cette envie ».
    « Je me sens bien avec toi, Nico ».
    « Moi aussi je me sens bien avec toi, Jérém ».
    « Je t’aime, Jérém ».
    « Tu es mignon et tellement touchant » il finit par me chuchoter, après un instant de silence, tout en me couvrant de bisous.
    Une fois encore, je me demande si un jour mon Jérém arrivera à me dira « Je t’aime » à son tour.
    « Je suis fatigué, Nico. J’ai besoin de dormir » je l’entends m’annoncer pendant qu’il remonte la couette.
    « Tu n’as plus l’âge » je me moque.
    « Mais ta gueule ! Les entraînements me tuent, et demain il y a match ».
    « C’est dur de s’intégrer dans l’équipe ? ».
    « Tu peux pas savoir à quel point… les gars sont tous plus balèzes les uns que les autres. Si je veux me faire une place, je vais devoir bosser comme un malade ».
    « Mais tu vas y arriver ».
    « Je l’espère, mais rien n’est encore gagné ».
    « Je crois en toi, je sais que tu vas faire une grande carrière ».
    « Si tu le dis ! En attendant, j’ai du mal à suivre, aux entraînements ».
    « Et qu’est-ce qu’ils en disent tes co-équipiers ? ».
    « Rien, parce qu’on ne parle pas de ça entre nous. Si on se montre faibles, on devient vite la risée du vestiaire. Alors, on serre les dents et on prend sur nous. Même si on a mal. Ulysse est le seul qui m’encourage et qui me soutient toujours ».
    Ulysse, toujours Ulysse…
    « Il a vraiment l’air sympa ce gars ».
    « Il est génial, un vrai pote, un bon mec ».
    « Tu es la seule personne à qui j’ai parlé de ça »il enchaîne « même Maxime n’est pas au courant que je trime ».
    Ses doutes, ses craintes, sa façon de me les avouer rien qu’à moi, tour cela me touche profondément. Car cette petite faiblesse de mon Jérém le rend un peu plus humain encore.
    « Ulysse m’a dit que lui aussi il avait peur de ne pas y arriver au début. Il m’a dit qu’il faut tenir bon, ne pas se focaliser sur ses faiblesses, cultiver ses forces, et avancer chaque jour un peu plus ».
    « Il est de bon conseil ce gars ».
    « Oui, de très bon conseil ».
    « Au fait, je peux te faire assister au match si tu veux… enfin… si tu n’as pas envie de faire autre chose demain après-midi… ».
    « Il y a plein de choses à voir à Paris, mais rien qui ne puisse attendre, rien de plus important que de voir mon champion de mec jouer au rugby ».
    Et aussi de voir enfin la tête de ce sacré Ulysse, je me dis dans ma tête.
    « Doucement, avec le champion, il débute tout juste ! » il me lance, avec un petit sourire semblant trahir son plaisir de m’entendre l’appeler de cette façon. Mon bobrun a besoin d’être rassuré, et je me plais bien dans ce rôle.
    Jérém va avoir 20 ans et je n’ai jamais été aussi heureux avec lui. Cette nuit, je m’endors dans ses bras, heureux comme jamais. Cette nuit je me dis que, définitivement, la réaction de mon père face à mon coming out n’a pas de sens (1). Comment on peut ne pas comprendre ce bonheur ?


    (1)    Association « Le refuge ».

    Nico n’est pas dans un cas extrême de rejet par sa famille à cause de son homosexualité. Certes, son père vit mal cela, mais il a la chance d’avoir une mère qui le soutient, et il ne risque pas d’être mis à la porte et privé de ressources à cause de sa différence.
    Il n’en va pas de même pour tous les jeunes qui choisissent de faire leur coming out, ou qui sont « outés » malgré eux auprès de leurs familles.
    Même en 2020, certains sont encore mis à la porte, privés de ressources. D’autres sont victimes d’homophobie, de harcèlement.
    Pour tous les jeunes qui sont victimes d'homophobie et de transphobie, y compris dans le cadre de leur propre cellule familiale, il existe une association qui peut leur venir en aide.
    C’est le REFUGE.
    https://www.le-refuge.org/
    Le Refuge est une fondation française conventionnée par l'État dont la vocation est d'offrir un hébergement temporaire et un accompagnement social, médical, psychologique et juridique aux jeunes garçons et filles majeurs, victimes d'homophobie et de transphobie, y compris dans le cadre de leur propre cellule familiale.
    Fondée en 2003, l'association a son siège à Montpellier. Elle se compose de 18 délégations départementales opérationnelles. L'action du Refuge est symbolisée par un ruban bleu.


    Prochain épisode de J&N, vers le 10 juin.




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  •  
    Septembre 2001

    Après mon week-end sur Toulouse suite à la catastrophe d’AZF et mon coming out désastreux auprès de mon père, les cours à la fac m’aident à aller de l’avant, à penser à autre chose.
    Jour après jour, je constate avec bonheur que ce cursus d’étude me correspond vraiment. Les cours, qui paraissent parfois si indigestes à certains, moi je ne les vois pas passer. Lorsque la fin arrive, je me surprends souvent à me dire : « Déjà ? Pas encore, pas maintenant ! », comme à la fin d’un épisode d’une série à suspense. C’est rare et précieux de faire exactement ce que l’on a envie de faire, de se sentir totalement là on a envie d’être. J’ai de la chance, car c’est mon cas.
    Avec mes camarades, Monica, Raphaël et Fabien, nous formons une bonne petite bande. Nous nous motivons mutuellement, nous rigolons beaucoup. Raphaël est toujours très drôle, très taquin. Quant à Monica et Fabien, ils ont un sacré sens de la repartie. Et moi aussi je commence à en avoir. J’arrive même à être drôle au contact de ces trois joyeux lurons. J’arrive à me moquer de moi-même, j’arrive à les faire rire. Ça occasionne souvent des échanges pimentés, qui ajoutent du plaisir à ces cours que j’adore.
    Je trouve la vie à la fac bien plus drôle que la vie au lycée. Ici personne ne se moque de moi, du fait que je ne suis pas le plus viril des mecs, personne ne me traite de pd. Les gens que je rencontre ici, ce sont des adultes. Les blagues pipi caca n’ont pas cours ici. C’est peut-être l’écosystème intellectuel de la fac qui élargit nos horizons, nos esprits, notre raisonnement, qui nous tire vers le haut, nous inspire, nous insuffle la maturité.
    Je crois que si j’étais passé directement de la sixième à la fac, ma vie d’étudiant aurait été moins pénible. Car ici, à la fac, je me sens respecté, intégré. Bref, je me sens bien.
    La seule qui semble avoir un peu plus de mal à s’intégrer dans la petite bande semble être Cécile. Comme je l’avais deviné dès notre toute première rencontre, c’est une nana très réservée, très pudique. Elle ne sourit quasiment jamais, et elle reste de marbre face aux échanges souvent très drôles entre nous autres. Même les vannes bon enfant que Raphaël lui lance parfois pour essayer de l’impliquer dans groupe tombent à plat, lorsqu’elles n’essuient pas des réponses bien sèches. L’absence de sens de l’humour et d’autodérision de Cécile finit par décourager toute tentative de sa part de la décrisper.
    Ce qui a pour conséquence de la laisser à l’écart. Car, même si elle vient toujours s’asseoir à côté de nous, elle parle peu, et on ne sait pas grand-chose d’elle.
    Au fil des jours, je réalise que la personne dont Cécile semble être la plus proche, n’est autre que moi. Elle s’assoit tout le temps à côté de moi. Elle me parle davantage qu’aux autres. J’ai l’impression qu’elle m’aime bien.
    Après la fin des cours, avant de rentrer à l’appart, je prends souvent le temps de me balader dans Bordeaux, souvent attiré par la Garonne et ce pont de Pierre qui me rappelle le Pont Neuf mais en beaucoup plus long, ce cours d’eau que j’affectionne tout particulièrement car il me relie à ma ville natale.
    Rentrer chez moi est devenu également un moment agréable. Mes deux propriétaires sont toujours aussi sympa avec moi. Que ce soit pour un café, un apéro, un dîner, il n’y a presque pas de soir où je ne suis pas reçu chez eux. Parfois ils me demandent des petits services, comme d’aider Denis dans le jardin, ou de balayer la petite cour. Des services que je leur rends avec plaisir et qu’ils me rendent dix fois.
    Albert et Denis jouent le rôle de nouvelle petite famille qui veille sur moi mais sans jamais me demander de comptes. Comme des grands parents bienveillants qui nous montrent la voie sans l’imposer, et qu’on n’a surtout pas envie de décevoir.
    Ils sont aussi de bon conseil. Un jour où je leur reparlais de la réaction de mon père face à mon coming out et aux problèmes que cela engendrait, Albert m’a répondu :
    « Le problème ce n’est pas toi, le problème c’est la fierté de ton père. La crainte du regard des autres, c’est de la fierté. Le fait de te jeter à la figure que tu n’auras pas de gosses, ce qui est une manière de te reprocher que tu ne lui donneras pas de petits enfants, c’est de la fierté. La fierté de vouloir perpétuer sa propre lignée.
    Vouloir que les enfants ressemblent aux parents, qu’ils se conforment aux projets qu’ils avaient imaginés pour eux, c’est aussi de la fierté.
    Mais un enfant n’est pas une extension des parents, c’est un être à part entière et il a le droit de chercher le bonheur auprès de la personne chez laquelle il pense pouvoir le trouver, quel que soit le sexe de cette personne.
    C’est naturel de s’inquiéter du bonheur de son enfant. Mais il ne faut pas l’étouffer ».
    Le week-end suivant le drame d’AZF, le dimanche, je pars en balade avec Monica, accompagnée de son petit ami Fred, et de Raph, assorti de sa conquête du moment, une nana qu’il a levée dans un autre cursus à la fac quelques jours plus tôt. Nous partons faire un tour sur l’un des sites les plus connus de Gironde.
    La dune du Pilat est le genre de site qui se mérite. Pour atteindre son sommet, il faut traverser un bout de forêt, gravir une pente sableuse qui se dérobe sous les pieds à chaque pas. Monter à la dune du Pilat est un parcours qui est loin d’être une promenade de plaisir. Mais une fois au sommet, on en oublie la fatigue, le sable dans les claquettes, les piquants qui se sont enfoncés dans la peau, l’agressivité du soleil. Lorsqu’on se retrouve au sommet, avec sa vue dégagée et panoramique sur l’océan immense, on est happés par ce spectacle naturel d’une beauté saisissante.
    Une fois en haut, nous dévalons la pente comme des gosses. Le sable saute partout, dans les cheveux, les t-shirts, les pantalons, les poches, les yeux.
    La plage est toute pour nous, tout comme cet océan déchaîné et majestueux, une immensité d’eau aux vagues impressionnantes que de rares surfeurs ne cessent de défier et d’essayer de dompter. Le ciel est couvert, le vent musclé. La pluie menace, mais la puissance des éléments qui s’entrechoquent dégage une force palpable qui happe l’esprit. C’est le propre des grands sites naturels, cette vibration qu’ils transmettent et qui nous remet à notre place, qui nous remet les idées en place, qui remet en perspective les destins individuels dans le Grand Dessin du Tout. Cette sorte de vibration de l’Immense, une vibration qui, lorsqu’on prend le temps de l’écouter, nous remet en phase avec l’Univers tout entier et avec nous-même. Cette vibration qui me donne la mesure d’à quel point mon bobrun me manque. Et à quel point, au fond, la réaction de mon père face à mon aspiration au bonheur n’a pas vraiment d’importance.
    A la dune du Pilat, je suis bien avec moi-même, je vois clair dans mon esprit. Une seule chose manque dans ce tableau de bonheur. Les bras de mon bobrun autour de mon corps, ses bisous dans mon cou, comme à Gavarnie, sur la butte face à la grande cascade.

    Jérém me manque chaque jour un peu plus. Heureusement, ses coups de fils quotidiens ensoleillent mes soirées. Chaque fois, le son de sa voix, ainsi que sa façon de m’appeler « ourson », me font un bien fou.
    Mon bobrun me parle de ses entraînements, de ses sorties, de ses nouvelles habitudes. J’ai l’impression qu’il prend de plus en plus ses marques dans la jungle parisienne. Il me parle aussi de ses nouveaux potes. De Léo, d’Anthony, de Jordan, d’Ulysse. Surtout d’Ulysse. J’ai l’impression que ce gars est son nouveau meilleur pote. Qu’ils font les 400 coups ensemble. Je voudrais bien savoir à quoi ressemble ce mec. En attendant, je me l’imagine aussi grand que Jérém, brun, bien gaulé, bogoss. Pourvu qu’il soit complètement hétéro et qu’il n’ait pas des vues sur mon Jérém !
    Je crois qu’une nuit, j’ai rêvé de ce gars. Je me souviens d’avoir rêvé qu’il était bogoss. Et qu’il s’intéressait à mon bobrun. Trop. Dans mon rêve, il l’embrassait, il le caressait, il voulait coucher avec lui. Mon bobrun semblait d’abord rester de marbre face à ces avances, avant d’y céder peu à peu. Je me suis réveillé en nage, car le rêve était si réel !
    Il faut vraiment que j’arrête d’avoir peur que tout le monde veuille se taper mon mec. Facile à dire, alors que le gars que j’aime est une bombasse mâle absolue, une bombasse qui vit dans une ville que j’imagine pleine d’autres bombasses et de tentations, et qui évolue dans un milieu où les sollicitations sont innombrables. Et si on ajoute à cela le fait que cette ville est à plusieurs centaines de bornes de là où je me trouve, que nos rencontres sont au mieux espacées de plusieurs semaines, que Jérém est un garçon de vingt ans avec les besoins qui vont avec, rien n’est fait pour me rassurer.
    Je tente de relativiser, mais je sais que j’ai du souci à me faire. J’ai peur qu’il aille voir ailleurs pour se soulager. J’ai peur qu’il couche avec des nanas. Et j’ai encore plus peur qu’il couche avec des gars. Tant qu’il ne couche qu’avec des filles, je peux me dire que je suis le seul à lui apporter son véritable plaisir. Mais s’il tombe avec un mec, un beau mec, un très beau mec, est ce que je vais toujours faire le poids ?
    Et ce que je crains par-dessus tout, c’est qu’il tombe sur un mec capable non seulement de lui donner du plaisir, mais aussi de lui ravir son cœur. Je crains moins cela de la part d’une nana que de la part d’un gars.
    Je sais que tant que je serai avec Jérém, et tant qu’on sera loin, je serai constamment confronté à ces craintes. Alors, j’essaie de tout envisager, y compris de poursuivre mes études à Paris. Mais je sais que ce serait une folie. Car il faudrait que je trouve une place à la fac là-bas, ce qui est difficilement concevable en cours d’année. Il faudrait aussi que Jérém soit d’accord pour emménager ensemble, ou que je me trouve un appart. Il faudrait que je trouve un travail pour financer des études qui seraient certainement plus coûteuses là-bas. Il faudrait que j’en parle à mes parents. Et en l’état de mes relations actuelles avec mon père, je me vois mal mettre ce sujet sur la table. Surtout quand ma seule motivation dans cet hypothétique changement est de me rapprocher de mon « gigolo », comme il l’a appelé.
    En attendant, mes inquiétudes ne font que grandir de jour en jour et ce, malgré nos coups de fils  quasi-quotidiens qui m’apaisent, d’une certaine manière.
    Bien sûr, le fait de l’avoir quelques minutes au téléphone le soir n’est pas une assurance qu’il se tienne à carreaux, car il lui reste bien d’autres minutes chaque jour et chaque nuit pour faire ce que bon lui semble, sans que je puisse l’en empêcher. Mais j’ai besoin de ces coups de fil. J’y tiens. Car les rares soirs où je n’arrive pas à l’avoir au téléphone, je m’inquiète, je m’inquiète, je m’inquiète.
    Plus les jours passent, plus je me demande s’il peut tenir sans sexe. Parfois j’ai envie de lui demander s’il est sage. Ou bien de lui rappeler de se protéger, si la sagesse devait s’incliner face à la tentation.
    Mais je renonce à chaque fois. J’y renonce de peur de devoir affronter une discussion que le téléphone rendrait encore plus pénible que de vive voix. Je me dis que cette discussion doit avoir lieu les yeux dans les yeux. Mais est-ce que j’oserai un jour la mettre sur la table ?
    En attendant, je prends sur moi, j’essaie de relativiser, de me dire que je ne peux pas lui empêcher d’avoir des aventures, car un mec comme lui ne peut pas tenir des semaines sans sexe. Je me dis qu’il n’est pas con, qu’il connaît les risques liés aux MST, et qu’il se protège. Je me dis qu’il est bien avec moi, qu’il est amoureux de moi, et qu’il ne laissera personne prendre ma place dans son cœur.
    Mais la peur de perdre Jérém devient une pensée obsessionnelle qui me poursuit partout. Rien n’arrive à me faire oublier cette peur, j’y pense même pendant les cours, au fil de mes balades. Enfin, rien ou presque.
    Car il y a bien quelque chose, une force capable de m’en soustraire : c’est la bogossitude ambiante bordelaise.
    Déjà, dans ma rue, il y a un lycée. Souvent, à l’heure où je pars à la fac ou à celle où je rentre, la cour et une partie de la rue est peuplée des petits attroupements de lycéens, des jeunes mecs en grappes.
    Il y a des choupinous de tout genre. Certains, en dépit de leur jeune âge, affichent ostensiblement des attitudes de petits mecs, un brin machos, avec leur façon de se tenir, les jambes un peu écartées, les pieds bien plantés au sol, le buste un peu en arrière, la cigarette à la main, des petits mecs dans lesquels j’ai l’impression de retrouver l’étincelante petitconitude de mon Jérém lors du premier jour du lycée.
    Parmi ces gars, il y en a un qui a tout particulièrement attiré mon attention et que je cherche chaque fois du regard. C’est un beau petit brun que j’ai qualifié de bel « a(b)dolescent », tant ses tablettes de chocolat de petit con, à tous les coups même pas majeur, m’ont impressionné un jour où j’ai eu la chance de le voir se balader dans la rue, torse nu, à la sortie des cours, en compagnie de ses potes. Pile le bogoss capable de faire tomber amoureux secrètement l’un de ses camarades de classe.
    Et puis il y en a d’autres, plus effacés, plus timides, dans lequel je me reconnais à mon premier jour de lycée.
    Evidemment, à chaque fois où je passe devant le lycée, je ne peux m’empêcher de me demander combien de Jérém, combien de Nico se cherchent, se désirent, se fuient dans cette cour, dans les couloirs, dans les salles de cours, dans les vestiaires du gymnase. Combien de désirs cachés, de regards discrets, fuyants dans ce petit monde, dans ce laboratoire de socialisation qu’est l’école et dont les expériences humaines que nous vivons nous marquent souvent à vie ? Combien de Nico soupirants, combien de Jérém enfermés dans leur rôle d’hétéro ? J’ai tellement envie d’aller les voir et de leur dire : « Les Nico, soyez patients, persévérants. Les Jérém, laissez-vous aller ! ». Et à tous les deux, envie de crier : « N’ayez pas peur, c’est possible d’être heureux ! ».

    Mais il n’y a pas que le lycée dans ma rue. La bogossitude ambiante d’une grande ville est une présence imprévisible qui nous guette à chaque déplacement. Un bomec croise mon chemin et sa présence arrive à anesthésier mes soucis pendant le temps d’un trajet en bus, ou un peu plus, tant que l’écho du frisson provoqué par sa bogossitude vibre en moi. C’est le cas de ce beau brun que je croise depuis quelques jours, presque chaque matin, à « mon » arrêt de bus.
    Vingt-cinq ans maximum, un peu plus petit que moi, sans doute 1 mètre 70 ou 72, carrure genre rugbyman mais rugbyman petit gabarit. A bien regarder, le gars semblerait un petit peu enrobé, mais rien de rédhibitoire, au contraire, ça lui va très bien, et c’est très sexy. Le gars a l’air d’être un bon vivant. Il a les cheveux courts mais pas ras, il est très brun, la peau bien mate, et il porte une petite barbe de quelques jours.
    Il est toujours habillé d’un blouson en cuir, d’une chemise ouverte sur au moins deux boutons d’où dépasse à chaque fois un petit bout de t-shirt blanc très sexy, un petit bout de coton bien collé à la peau dans le creux de son cou, ce qui laisse imaginer que le t-shirt en question est porté très près du corps. Il porte également un jeans et des baskets blanches
    Le gars n’est pas forcement hyper canon, et pourtant il est très sexy. C’est un mec plutôt viril, du genre sûrement même pas conscient du fait qu’on puisse le trouver sexy. Un mec qui donne tout autant des envies de baise bien sauvages et des envies tout aussi intenses de lui faire des tas de câlins. Sa douceur virile se manifeste également dans sa voix, que j’ai entendue un matin quand il a demandé un ticket au chauffeur du bus. C’était une bonne voix de mec, mais plutôt douce, pas « grave ».
    En descendant du bus à l’arrêt de la fac, là où nos chemins se séparent car sa destination l’amène à continuer sur la même ligne et à descendre plus loin, je ressens à chaque fois un petit pincement au cœur. Je me dis que je ne sais rien de lui, et que je ne pourrais jamais avoir la réponse aux milles questions qui surgissent en moi à chaque fois que je suis confronté à sa présence, comme à chaque fois que je suis confronté à la vibrante sexytude, au mystère intrigant d’un bel inconnu.
    Qui est ce mec ? Comment s’appelle-t-il ? Quel âge a-t-il exactement ? Que fait-il dans la vie ? Qu’est-ce qu’il aime ? Qu’est-ce qu’il déteste ? Quelles sont ses opinions ? Ses centres d’intérêt ? Comment est-il en compagnie de ses potes ? Est-ce qu’il est drôle, gentil, sympa, charmeur ? Avec qui il couche ? Est-ce qu’il est amoureux ? En couple ? Célibataire ? Fidèle ? Comme est-il à poil ? Comment est sa queue ? Il a joui quand la dernière fois ? Hier soir ? Ce matin ? C’était une pipe ? Une pénétration ? Comment se comporte-t-il au lit ? Qu’est-ce qu’il aime ? A quoi ressemblent ses attitudes pendant le sexe ? A quoi ressemble sa gueule pendant l’orgasme ? Est-ce qu’il a déjà couché avec un mec ?
    Bref, ce mec est vraiment sexy en diable dans son genre. Et les trajets que je passe à le mater m’offrent bien de frissons. Alors que l’instant de la « séparation » provoque en moi un petit pincement au cœur, passager, certes, mais néanmoins assez violent.
    Car ce mec est mon petit rendez-vous du matin, c’est un petit béguin qui me fait me sentir si vivant et qui, pendant quelques minutes, me fait planer bien au-dessus de mes inquiétudes au sujet de mon Jérém.
    Mais le bobrun du bus n’est pas le seul à m’offrir de bons petits frissons. Car il y a un autre gars que je côtoie tous les jours et dont le charme me fait de plus en plus d’effet. Il s’agit de mon camarade Raphaël.
    Ce gars n’a pas un physique musclé du genre qui attire d’habitude mon attention, mais il a un beau visage, des traits fins, un regard magnétique, un sourire à faire fondre des banquises polaires, un rire de bogoss carnassier qui me fait vibrer. Il a aussi de beaux cheveux, un beau brushing, et il porte un parfum captivant.
    Bref, ce mec dégage quelque chose de profondément sensuel et sexuel qui touche mes cordes sensibles. Et le fait qu’il ne se prive pas de me raconter ses aventures avec les nanas, nombreuses, et que je sois aux premières loges pour assister à ses exploits de séduction à la fac, ne fait que contribuer à attiser mon attirance.
    Ce qui me fait craquer chez Raph, c’est son assurance, sa forte personnalité, doublée d’une grande sensibilité et d’une grande acuité d’esprit. C’est sa tchatche, sa gouaille, son attitude iconoclaste, sa personnalité insolente, sa sexytude insolente. Mais aussi son intelligence, son humour, son côté « en dehors du système », ses fortes convictions, son caractère à la fois rêveur et très pragmatique. Tout cela compose un cocktail explosif qui, jour après jour, ravit mon esprit comme une sorte d’ivresse.
    Le soir, je me branle en pensant à mon Jérém. Mais aussi à mon a(b)dolescent préféré capté dans la cour du lycée de ma rue. Le p’tit brun du bus s’invite lui aussi régulièrement dans mes branlettes. Tout comme Raphaël.
    Mais si beaucoup de gars peuplent mes branlettes solitaires, Jérém est le seul à me manquer à en crever.

    Les jours passent, les semaines s’enchaînent, septembre se termine. Adieu le mois des catastrophes en « 1 » : 11 septembre 2001, puis, 10 jours plus tard, le 21 septembre 2001, AZF. Heureusement, tu n’as pas 31 jours !
    Octobre pointe le bout du nez et amène les premiers froids, avec des rafales de vent d’océan souvent glaciales. Un nouveau week-end arrive. Je n’ai rien de prévu, je pourrais rentrer à Toulouse.
    Maman me manque et je sais que je lui manque aussi. Je pense souvent à elle, et aux relations tendues qu’elle doit avoir avec papa depuis ce fameux lundi soir où j’ai fait mon coming out.
    Je l’appelle tous les deux jours, et à chaque fois elle se veut rassurante. Elle me dit que tout va bien, et que je n’ai pas à m’en faire. Elle me demande régulièrement quand je prévois de revenir sur Toulouse. Je lui promets tout aussi régulièrement de revenir « bientôt ». Pourtant, l’idée de recroiser mon père m’angoisse toujours autant. Je n’arrive pas à oublier ses mots durs, son regard rempli de colère, de dégoût, de déception. Je n’ai pas envie de me heurter à son hostilité.
    Alors, ce vendredi soir j’appelle maman pour lui dire que ce week-end encore, je reste à Bordeaux pour travailler mes cours.
    « Comme tu voudras mon chéri. Mais je t’attends le week-end prochain, sans faute ! Travaille bien ! ».
    En réalité, un week-end bien vide se dresse devant moi. Je n’ai rien de particulier à réviser. Je sais que je vais passer mon temps à penser à mon bobrun, à me demander ce qu’il fait, à me faire du souci.
    Dans un peu plus d’une semaine, ce sera son anniversaire. Je voudrais tellement pouvoir le fêter avec lui. Le week-end prochain, j’aimerais bien monter à Paris le voir. Ça fait quelques jours que cette idée me chatouille l’esprit, mais je ne lui en ai pas encore parlé, de peur d’essuyer un refus de sa part.
    De toute façon, je ne sais pas du tout comment je pourrais faire, vu qu’il crèche toujours à l’hôtel, entouré de ses nouveaux co-équipiers. Je sais à quel point Jérém tient à la discrétion concernant notre relation. Et je sais que cette discrétion est une condition indispensable pour la paix dans notre « ménage ».
    Je voudrais lui faire une surprise. Mais si je débarque à l’hôtel, adieu la discrétion. Certes, je pourrais me faire passer pour un pote, mais j’ai l’impression que ça ferait louche. Quand on a quelque chose à cacher, on a toujours l’impression que notre secret est affiché sur notre front.
    Il n’en demeure pas moins que j’ai terriblement envie de le voir. Je me dis qu’on pourrait prendre une chambre d’hôtel ailleurs, dans un endroit tranquille. Il reste à convaincre mon bobrun. Dans tous les cas, pour la surprise, c’est raté.
    Mais la chance semble se tourner soudainement vers moi car, le soir même, mon bobrun m’annonce que le club lui a trouvé un petit appart dans le quartier des Buttes Chaumont et qu’il va y emménager en tout début de semaine.
    « C’est chouette ! » je réfléchis à haute voix, très heureux des possibilités que cette nouvelle configuration pourrait ouvrir à nos futures rencontres.
    « Moi aussi, je n’en pouvais plus de l’hôtel ».
    « Je vais pouvoir venir te voir, maintenant ».
    « Doucement, il faut que je m’installe d’abord ».
    « J’aimerais venir te voir le week-end prochain ».
    « Tu perds pas de temps ».
    « Le 16, c’est ton anniversaire… » je lâche, en retenant mon souffle, en priant de toutes mes forces pour qu’il accepte ma proposition.
    « Comment tu sais ? » il me questionne, après un court instant de silence qui m’a paru interminable.
    « Je le sais depuis le premier jour du lycée ».
    « Ah ».
    « C’est pour ça que j’ai envie de venir te voir le week-end prochain… ».
    « Bah, viens alors ! ».
    Puis, avant de prendre congé avec un énième « les potes m’attendent pour sortir », mon bobrun me donne sa future adresse parisienne, un enchaînement de lettres et de chiffres magiques qui définissent à mes yeux le futur berceau de notre bonheur.
    Non seulement l’idée de retrouver mon Jérém dans une semaine, d’avoir une date, un compte à rebours pour nos retrouvailles, me remplit de joie, mais cela m’apaise également. Car je me dis que maintenant que Jérém sait que nous allons nous voir dans une semaine, ça va l’aider à tenir bon.
    Et c’est le cœur débordant de cette joie que je trouve le courage de rappeler maman pour lui dire que finalement je reviendrai sur Toulouse dès le lendemain matin et pendant tout le week-end. Maman s’en réjouis et je me réjouis à mon tour de la retrouver.

    Les retrouvailles avec ma ville, toujours marquée par l’explosion d’AZF, malgré les premiers nettoyages et les premiers rafistolages, est toujours aussi chargée d’émotions. Quant aux retrouvailles avec maman, elles sont tout aussi douces et chaleureuses que celles avec papa sont distantes et froides.
    Déjà, il n’est pas là lorsque je débarque à la maison en fin de matinée. Il ne se pointe que pour déjeuner, il met les pieds sous la table, la télé à fond la caisse, et il ne crache pas un mot.
    Heureusement, maman se charge de faire la conversation. Elle me questionne au sujet de mes études, de ma vie dans le petit studio. Mais entre la télé qui gueule et mon père qui fait la gueule, je ne me sens pas vraiment à l’aise pour discuter sereinement. A chacun de mes mots, j’ai l’impression de sentir son dégoût. J’ai juste envie d’être seul avec maman, pour discuter tranquillement avec elle. De plus, le volume de la télé est si fort qu’à plusieurs reprises nous sommes obligés de nous faire répéter nos mots.
    Jusqu’à ce que maman finisse par s’agacer et par lancer à papa :
    « Mais tu ne peux pas éteindre cette télé ? ».
    « J’écoute les infos ».
    « Je te signale que ton fils est là, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué. Ça ne t’intéresse pas de savoir ce qu’il fait de sa vie ? ».
    Et là, papa la regarde fixement et lui lance un laconique :
    « C’est sa vie ».
    « C’est tout ce que tu as à dire ? ».
    « Qu’est-ce que tu veux que je dise ? ».
    « Quelque chose qui a du sens ! ».
    « Ok… passe-moi le sel ! ».
    « Tu te fiches de moi ? ».
    « Je peux repartir tout à l’heure si tu veux » je lâche, très mal à l’aise et un brin agacé.
    « Je m’en fous » fait papa, en baissant le nez dans son plat, sans daigner me lancer un regard.
    « Non, Nico, tu restes comme prévu » décrète maman.
    Au fond de moi, je regrette d’être venu. Et j’ai vraiment envie de repartir par le premier train. Si je reste, c’est vraiment pour faire plaisir à maman.
    Sans même attendre le café, papa se rue dans son sempiternel garage et il n’en sort pas de l’après-midi. Ce qui n’est pas une mauvaise chose car, une fois seul avec maman, je passe enfin un bon moment avec elle. Je l’aide à faire la vaisselle et le ménage. Nous discutons enfin tranquillement. Elle veut tout savoir de ma vie à Bordeaux. Je lui parle de mes camarades de fac, de mes voisins, un couple de vieux gays assumés et heureux. Je lui parle de mon week-end à venir à Paris avec Jérém.
    « Je suis content que tout se passe bien pour toi. Je te trouve tellement plus épanoui qu’au lycée. On est tellement bien quand on est amoureux ».
    Maman est perspicace.
    En fin d’après-midi, je retrouve Elodie chez elle, en compagnie de son bobrun, le très charmant Philippe. Elle a perdu une bonne partie de l’audition de son oreille touchée mais cela ne semble en rien avoir affecté sa joie de vivre. Elle me parle des préparatifs de son mariage, de ses projets. Et lorsque Philippe part faire quelques courses, je me sens à l’aise pour lui déballer tout mon bonheur avec Jérém.
    « Je suis tellement heureuse pour toi, pour vous deux ».
    Mais aussi pour lui parler également de mes craintes.
    « Je suis certaine que ça va bien se passer. Dans votre histoire, il y aura des hauts et des bas, mais vous vous finirez toujours par vous retrouver. Il faut savoir attendre ».
    « Et comment ça se passe avec tonton ? » elle me questionne.
    « Pas génial. Il fait toujours la tête ».
    « Tonton s’en remettra » elle me lance « il faut juste lui laisser le temps d’encaisser ».
    Nous enchaînons avec une soirée pizza et scrabble, ce qui m’évite de devoir affronter un deuxième repas pénible à la maison.
    Le lendemain, je me réveille de bonne heure. L’inévitable perceuse du dimanche matin de papa ne pardonne pas. Je me demande ce que je vais pouvoir faire de ma journée. Je repense à mon week-end à venir en compagnie de mon Jérém, qui va également être ma première fois à Paris. Dans six jours, je me réveillerai dans ses bras. Et je serai heureux. Je ferai peut-être l’amour avec lui. Je le réveillerai peut-être avec l’une de ces pipes du matin qu’il apprécie tout particulièrement. Et je ne peux m’empêcher de me branler.
    Et l’idée de revoir le gars que j’aime, de passer deux jours et deux nuits dans ses bras, c’est justement ce qui me donne la force de me lever ce matin.
    Lorsque je descends, après la douche, maman est dans la cuisine. Le parfum délicat des tartines grillées se mélange à celui plus fort du café qui vient de couler. « There’s no place like home », « c’est bon de revenir à la maison », affiche un magnet collé sur la hotte aspirante. Je crois que le type qui a écrit cette phrase pensait à un petit déj comme celui que je partage ce matin avec maman.
    « Et si on invitait Elodie et Philippe ce midi ? » lance maman.
    « Ah, ce serait super ! ».
    L’idée me plaît tout particulièrement car la présence toujours marrante d’Elodie va empêcher la mauvaise humeur de mon père de gâcher un nouveau repas. Je soupçonne d’ailleurs maman d’avoir pensé la même chose.
    J’appelle ma cousine qui accepte l’invitation avec joie.
    Un peu plus tard dans la matinée, nous nous mettons à deux pour préparer mon plat préféré, les lasagnes. Soudain, un souvenir me revient, comme une claque. Quand j’étais petit, j’aimais tellement les lasagnes que papa avait fini par m’appeler « mon petit Garfield ». Ça fait longtemps qu’il ne m’a pas appelé ainsi. Je sens les larmes monter aux jeux. Je les retiens pour ne pas les mélanger à la béchamel que je suis en train de remuer, je les retiens pour ne pas faire de la peine à maman.
    Pendant le déjeuner, ma cousine nous fait bien rire malgré son pansement à l’oreille. La télé reste éteinte. Papa ne parle pas beaucoup mais il n’ose pas faire autant la tête que la veille.
    Lorsque Elodie et Philippe partent vers 16 heures, il me reste trois heures à occuper avant mon train pour Bordeaux. J’ai envie de voir si Thibault a le temps de prendre un café avec moi. J’ai envie de savoir s’il va bien. Et tant pis pour la mise en garde de Nathalie. Je m’en fous.
    Je l’appelle, mais l’adorable pompier n’est pas sur Toulouse, il est dans sa belle-famille près de Lombez, dans le Gers. Nous n’échangeons que peu de mots, mais j’ai l’impression qu’il reprend du poil de la bête. Je l’entends dans sa voix, lorsqu’il me raconte que les médecins lui ont dit qu’il pourrait probablement rejouer avant la fin de l’année.
    Faute de ne pas pouvoir revoir mon pote Thibault, je contacte mon autre pote toulousain, Julien.
    Le beau moniteur d’auto-école est toujours partant pour un verre. Et il est toujours aussi souriant, toujours aussi charmant lorsqu’il débarque dans le bar dans mon quartier où il m’a rejoint.
    Il me questionne sur ma vie bordelaise, sur mes études, sur mon « mec », comme il l’appelle, en faisant bien claquer le « c » avec son accent toulousain si marqué et si craquant.
    Lorsque je lui réponds que je vais le voir à Paris pour son anniversaire le week-end suivant, il me dit :
    « Tu vas prendre cher. Et lui aussi il va prendre cher ».
    « Et toi, t’as une copine en ce moment ? ».
    « J’en ai plusieurs ».
    Quel incorrigible queutard que mon pote Julien ! Mais qu’est-ce qu’il me fait rire !

    Quitter maman est un déchirement. J’ai l’impression qu’elle ne vit pas si bien mon départ à Bordeaux qu’elle voudrait me le faire croire. J’ai l’impression que ça lui manque de ne plus me voir tous les jours comme avant.
    « Tu reviens quand tu veux, on refera des lasagnes ».
    Le plus dur à supporter en quittant la maison est son regard qui dit « je suis fière de te voir prendre ton envol, chéri, mais qu’est-ce que tu me manques ».
    J’ai de la peine car je sais que je lui fais de la peine. Je sais qu’elle est fière de moi, mais je sais aussi que c’est dur pour elle. Surtout depuis qu’elle ne peut plus compter sur le soutien de papa. J’aurais dû me taire, j’aurais pu attendre pour lui balancer que je suis gay.
    Les premiers pas dans la rue en direction de la gare sont très pénibles. J’ai à la fois très envie de partir loin de l’ambiance pesante que fait régner papa et pas du tout envie de quitter maman.
    J’arrive à Matabiau avec un peu d’avance et j’en profite pour acheter le ticket aller-retour Bordeaux-Paris pour le week-end suivant. Je suis tout content de les acheter, de les toucher, de les ranger dans ma veste, car j’ai l’impression que le fait de les avoir tout près de moi me rapproche un peu plus de Jérém. J’ai tellement hâte de retrouver ses bras chauds, ses poils, son sourire, son empreinte olfactive de mec, si rassurante. J’ai aussi hâte de découvrir Paris, notre belle capitale.
    Il est près de 22 heures lorsque j’arrive à la gare Saint Jean. Une demi-heure plus tard, je retrouve la petite cour au sol peint en rouge. Les volets de l’appart de mes proprios sont déjà fermés. Je rentre dans mon petit studio, je verrouille la porte derrière moi, je me fais chauffer un café et je me sens bien. Je m’installe dans mon canapé.
    Et là, je réalise que je me sens désormais davantage chez moi dans mon petit studio à Bordeaux que dans la maison de mes parents à Toulouse. Dans mon petit chez moi, personne ne me demande de comptes, personne ne me fait la tête. A Bordeaux, j’ai mes études, des études que j’aime, j’ai des potes marrants, des voisins bienveillants. A Bordeaux, j’ai ma nouvelle vie. Ici à Bordeaux rien ne me manque, à part la présence de maman.
    La semaine qui me sépare de mes retrouvailles avec Jérém est ponctuée par les « rencontres » du matin avec le beau petit brun du bus dont j’ignore toujours tout, à partir de son petit nom.
    Le lundi, je le retrouve posté à côté de l’abribus. Il porte toujours la même ténue, t-shirt blanc, chemise, blouson en cuir, jeans. Et il tient un journal plié dans la main gauche. Il est toujours aussi sexy. Je me demande ce qu’il a fait de son week-end, s’il s’est amusé, s’il a fait la fête avec ses potes, s’il a fait l’amour. Le bus se pointe quelques secondes après mon arrivée. Le mec monte et s’assied juste derrière le fauteuil du conducteur. Il n’y a pas de place à proximité et je suis obligé d’avancer vers le fond pour laisser rentrer les autres passagers.
    Pas cool, ce matin je ne peux pas me mettre en face ni à côté de lui pour le mater discrètement. Mon trajet en bus touche à sa fin, je descends par la porte arrière, tout en jetant un dernier regard furtif à ses beaux cheveux bruns. Ah, putain, qu’est-ce qu’il est craquant ce gars ! Ce matin, la frustration est grande de ne pas avoir pu le mater davantage.
    Le mardi, je m’arrange pour arriver à l’arrêt du bus un peu plus tôt. Mais le petit brun n’est pas là, pas encore. Il arrive quelques minutes plus tard. Je me place de sorte à ne pas être loin de là où il va probablement s’arrêter, et je me tourne un peu vers lui. Et là, je croise son regard fixement rivé sur moi. En une fraction de seconde, je passe de la joie de le revoir à la crainte qu’il ait fini par capter mon attention certainement trop insistante et par en être indisposé.
    Mais contre toute attente, le bogoss me lance un « Bonjour » bien sonore avec sa voix douce, accompagné d’un super joli sourire, comme s’il était content de me voir. Après un instant de flottement, je le salue à mon tour. Enivré par ce premier contact inattendu, je cherche le moyen d’engager une conversation. Mais je ne sais vraiment pas par quel bout commencer.
    Au fond, je ne sais pas ce que j’espère. Je ne veux pas essayer de le draguer, j’aime trop mon Jérém. De toute façon, le gars m’est complètement inaccessible. Le fait est qu’il me fait un peu plus envie chaque jour. C’est dur de côtoyer un si beau mec et de ne pas être tenté. Alors qu’est-ce que je peux espérer, de devenir son pote ? J’aimerais bien, mais comment se contenter d’être pote d’un gars dont on a grave envie ? De toute façon la question ne se pose pas, ce n’est pas parce qu’il m’a dit bonjour que le gars a envie de quoi que ce soit d’autre avec moi.
    Le mercredi, lorsque je me pointe à l’abribus, il n’y a encore personne. Mais deux minutes plus tard, je le vois arriver de loin. Je le regarde et le bogoss me lance un nouveau « bonjour » porté par voix mâle et pourtant douce qui me fait vibrer, accompagné par un nouveau beau sourire qui finit de m’achever.
    Comme la veille, j’ai envie de lui parler. J’ai même trouvé un sujet de conversation, je vais lui demander ce qu’il fait comme boulot. Ça n’engage à rien, au fond. La situation est idéale, nous sommes que tous les deux. Je sais que je n’ai qu’une seconde, avant qu’il ne déplie son journal et qu’il s’y plonge dedans. Une seconde où je me sens pousser des ailes, une seconde qui paraît une éternité. Mais pendant cette éternité je n’arrive pas à me décider, et je ne fais rien.
    La seconde d’après, c’est déjà trop tard. Je regarde ses avant-bras se plier, ouvrir les pages avec un geste bien assuré, bien mâle. Je me dis qu’à la rigueur je pourrais encore engager la conversation pendant qu’il tourne une page. J’ai le cœur qui tape à dix-mille.
    Mais déjà trois nanas approchent de l’arrêt de bus tout en discutant bruyamment. Je sens mon courage s’évaporer instantanément. Aujourd’hui non plus, je ne lui parlerai pas.
    Jeudi, même manœuvre que la veille, le beau brun arrive, je croise son regard. Et cette fois, c’est moi qui lui dis bonjour en premier. Et là, je n’y crois pas, le gars me rend le bonjour avec un sourire encore plus grand que les deux jours précédents (genre « je suis vraiment content de te voir »). Une fois de plus, je voudrais savoir profiter de ce premier contact, de cette petite ouverture pour engager une conversation. Mais il y a déjà plein de monde à l’arrêt de bus. Et de toute façon, je suis tellement troublé par son sourire que je perds tous mes moyens. Nous restons côte à côte sans rien dire, lui le nez plongé dans son journal comme d’hab, moi en ressassant ma frustration, comme d’hab, jusqu’à l’arrivée du bus.
    Le vendredi matin, je me sens bien décidé à lui demander ce qu’il fait dans la vie. Pourquoi je devrais avoir honte de lui parler ? Au fond, je n’espère rien de lui, et discuter avec un inconnu ce n’est pas interdit. Ce gars pourrait devenir mon « pote » du bus. Mais ce matin, le mec n’est pas là. Je l’attends avec impatience et fébrilité jusqu’à l’arrivée du bus, jusqu’à la fermeture des portes, jusqu’au démarrage du bus. Mais le bobrun ne vient pas. Il n’est pas là. Du moins physiquement. Car il est bien là, dans mon attente et dans ma déception. L’absence est une présence dans l’esprit, une présence exacerbée. Je me dis que peut-être il a déjà terminé sa semaine. Ou que, comme je le craignais, son chantier est fini et qu’il a changé ses horaires et ses trajets.
    Je me rends compte que tout ce petit manège est idiot, car il ne se serait jamais rien passé avec ce mec. Malgré tout, je trouvais bien sympa ce petit "contact" spontané qui s’était créé « entre nous », ce petit « bonjour » du matin accompagné par ce joli sourire. C’était à la fois un délice et une torture, mais ça faisait du bien et ça m’aidait à bien démarrer la journée.
    Soudain, je me demande ce que j’aurais ressenti, et comment j’aurais réagi si ce gars avait été partant. Non, je ne veux pas tromper Jérém. Mais j’ai tellement envie de sexe. Et ce gars me fait tellement envie ! Heureusement, la question ne se pose pas. Mais que se passerait-il si un jour je croise un mec qui me plaît et qui me fait des avances ?
    Par ricochet, je pense à mon bobrun, soumis aux mêmes tentations dans une ville comme Paris, convoité par des nanas et des mecs. Contrairement à moi, si l’envie lui prend, il n’a qu’à claquer des doigts pour l’assouvir. Comment peut-il résister à des tentations si nombreuses ? Jusqu’à quand ?

    Ce vendredi matin, en cours, je retrouve mes camarades. Tous, sauf Cécile, qui n’est pas là. Ce matin, je trouve mon camarade Raphaël particulièrement sexy, avec sa belle chemise bleu électrique avec deux boutons ouverts qui laissent entrevoir une petite pilosité très virile. Ce matin, il semble particulièrement de bonne humeur. Il finit par m’expliquer qu’il a passé la nuit à baiser « comme jamais » avec sa copine.
    Plus les jours passent, plus mon attirance pour ce gars grandit doucement en moi. Depuis quelques temps, lorsque je suis avec lui, je ressens un tel frisson dans le ventre, un tel désir, que j’ai de plus en plus de mal à contrôler mes regards, et même à suivre les cours. Et ce matin, sa présence, son parfum, sa belle petite gueule, sa proximité m’excitent terriblement.
    Ce vendredi midi, Monica et Fabien nous annoncent qu’ils ne viennent pas manger à la cafétéria et qu’ils ne viendront pas non plus au cours de l’après-midi.
    Depuis quelques jours, j’ai remarqué que ces deux-là semblent inséparables. Je me demande si entre eux, il n’y aurait pas plus que de la camaraderie.
    Comme Cécile n’est pas là non plus, je me retrouve à manger au resto U en tête à tête avec Raph.
    « Fabien va tirer son coup ! » il me lance, alors que nous venons de nous installer à une table devant nos assiettes escalope purée.
    « Tu crois ? ».
    « Monica est prête pour se faire secouer ».
    « Tu crois qu’ils sont ensemble ? ».
    « Je ne sais pas s’ils sont ensemble, mais ce qui est sûr, c’est qu’ils vont baiser cet aprèm. Hier Fabien m’a dit qu’il avait acheté des capotes au cas où… ».
    « Il t’a dit ça… ».
    « Oui, hier ».
    Je me fais la réflexion que ce n’est pas à moi qu’on parlerait de ce genre de sujet. Comme déjà au lycée, je n’existe pas pour ce genre de confidence entre mecs. Mais au fond de moi je me dis que c’est normal qu’il en ait parlé à Raph, car ce mec inspire la confiance et la camaraderie.
    « Toi aussi tu vas pouvoir tirer ton coup… » il enchaîne, de but en blanc.
    « De quoi tu parles ? ».
    « Avec Cécile… ».
    « De quoi ? ».
    « Ne me dis pas que tu n’as pas remarqué qu’elle est folle de toi ! ».
    « Mais non, on s’entend bien, c’est tout ».
    « Mon cul, oui ! Non, ce n’est pas tout, en tout cas ce n’est pas tout de son côté à elle ».
    « Tu dis n’importe quoi ! »
    « Je t’assure, je sais reconnaître une nana prête à se faire secouer ! Mais t’as rien vu, sérieux ? Même Monica l’a vu ».
    « C’est vrai, ça ? ».
    « Mais t’es puceau ou quoi ? ».
    « Non, non… mais… ».
    « Et tu n’as rien vu ?! » il répète, sur un ton dépité « Mais t’es bête ou quoi ? Quand elle te regarde, elle a des étoiles plein les yeux ! ».
    Soudain, je réfléchis à ma relation avec Cécile à la lumière les mots de Raph. Certes, au fil des cours, il s’est installé une complicité entre elle et moi. En cours, elle est tout le temps assise à côté de moi et j’ai l’impression qu’elle s’entend mieux avec moi qu’avec les trois autres. C’est à moi qu’elle demande d’expliquer des passages du cours quand elle n’a pas pigé.
    Elle me questionne sur ma vie à Toulouse, elle s’intéresse à moi. C’est vrai que je suis le seul à qui elle pose autant de questions. Mais de là à ce qu’elle me kiffe, je n’avais pas fait le lien, vraiment pas.
    Mais si même Monica a vu ça, c’est que ça doit être vrai…
    « Si tu le dis… » je fins pas admettre.
    « Je le dis, je confirme et je signe ! Elle a envie de toi ! ».

    Je sèche les cours de l’après-midi pour prendre le train de 14 heures 37 pour Paris Montparnasse. Dans le train, je réfléchis toujours aux mots de Raphaël au sujet de Cécile. Je repense désormais à certains regards, à certains silences, à certaines attitudes. Et je me surprends à trouver flatteur qu’une nana s’intéresse à moi. Le fait de plaire fait du bien à l’égo, d’où que ça vienne. Même si cette attirance est à sens unique.
    Car moi je sais qu’elle est à sens unique, et que je n’aimerai jamais Cécile plus qu’en tant qu’amie. Mais elle ne le sait pas. Je me dis que je ne peux pas la laisser se faire plus longtemps des illusions. Dès que je rentre sur Bordeaux, il faut que je lui dise que j’aime les garçons, pour qu’elle puisse passer à autre chose. Mais comment j’ai pu ne pas voir qu’elle s’attachait à moi ?
    Le train roule à toute allure à travers la campagne. Dans la rame, rien n’attire particulièrement mon attention. Ce qui est à la fois plutôt décevant, car la bogossitude illumine l’existence comme un rayon de soleil, mais propice à la concentration, car en sa présence je suis assez incapable de me concentrer sur autre chose.
    J’en profite pour plonger mon nez dans le deuxième tome de la saga d’Harry Potter. J’en suis à l’exfiltration d’Harry de la maison de l’oncle Vernon, en pleine nuit, par son pote Ron, au bord d’une voiture volante, lorsque quelque chose attire enfin mon attention. Nous venons de repartir de la gare d’Angoulême, après un arrêt de quelques minutes. Et le paysage dans ma rame a quelque peu changé.
    Deux rangées plus loin, de l’autre côté du couloir, assis face à moi, un mec sexy à mort vient de s’installer. Genre 20 ou 21 ans je dirais, brun, même très brun, le regard bien ténébreux, bien viril, avec un petit bouc lui aussi très brun, mat de peau, l’air quand-même un brin racaille. Une impression renforcée par sa tenue, casquette noire vissée à l’envers sur la tête, veste à capuche avec le zip complétement ouvert, laissant apparaître un t-shirt blanc à col rond sur lequel est posée une chaînette de mec assez épaisse. Il porte également un jogging en tissu molletonné gris laissant deviner une bosse plutôt prometteuse, ainsi que des baskets jaunes et bleu fluo, et des chaussettes blanches en coton.
    Bref, le mec est sexy à un point que le simple fait de le regarder, sans même avoir pu croiser son regard, provoque ce flottement si agréable de l’esprit qui ressemble à la fois à une douce ivresse et à une gueule de bois terrible, ce flottement qui est l’éternelle oscillation entre désir et frustration.
    Le bogoss est accompagné d’une pétasse vulgaire à souhait qui est accrochée à son cou comme une moule a son rocher. Quel dommage que très souvent, chez les p’tits cons, chez les petits kékés sexy, leur degré de sexytude ne soit égal qu’à leur mauvais goût en matière de nanas.
    Plus je le regarde, plus je me dis que le gars dégage une sensualité intense, avec un je-ne-sais-quoi d’animal. Je ne peux m’empêcher de me dire que si sa dinde est aussi folle de lui, c’est qu’elle doit l’être de son corps, de sa queue, de ses coups de reins, de sa virilité. J’imagine le bogoss en train de la baiser, et la nana en train de crier son plaisir. J’essaie d’imaginer le mec en train de prendre son pied, en train de jouir. Je bande.
    Après d’innombrables bisous baveux sur l’une des jolies oreilles sexy du bogoss, la pouffe se décolle enfin. Le mec vient de recevoir un message sur son portable, le montre à la nana, qui le prend dans sa main. Ça doit être un truc drôle, car le bogoss se marre. Mais pas la nana. Au contraire, elle semble vexée. Et le mec a l’air de se moquer d’elle, son visage s’illumine d’un beau sourire amusé et plein de malice qui ajoute de nombreux degrés supplémentaires à une sexytude déjà incandescente.
    Puis, un instant plus tard, alors que la nana semble en train de répondre au message, le bogoss s’étale complètement dans son fauteuil, il avance nonchalamment le bassin sur le siège, il écarte un peu ses cuisses, il glisse les mains dans ses poches. Attitude qui déclenche instantanément en moi une furieuse envie de me retrouver à genoux entre ses cuisses et d’avaler sa virilité.
    Et là, il fait le truc qui me rend dingue. Ça ne dure qu’une ou deux secondes, mais je suis sûr d’avoir détecté qu’il se touche la queue et les couilles à travers la poche. Son geste ne dure vraiment pas longtemps, mais il a le pouvoir de me rendre fou. Puis, le bogoss reprend son portable. La grognasse se recolle à son cou et recommence à le dévorer de ses lèvres trop rouges. Je me demande s’ils ont baise hier soir, s’ils vont le faire tout a l’heure…
    Nous allons arriver en Gare de Blois lorsque le bogoss se lève, suivi de sa pouffe. Et une fois debout, il a ce geste s’un érotisme inouï à mes yeux, il lève les bras, il plie les coudes, il croise les mains derrière la tête, il penche le buste et la tête en arrière. Bref, il s’étire.
    Et là, par la magie des glissements des tissus, les pans du pull s’écartent, le bas du t-shirt glisse vers le haut, dévoilant au passage l’élastique de son boxer, ainsi que les deux lignes convergentes et assez marquées du pli de l’aine. Le t-shirt remonte encore un peu, jusqu’à dévoiler une petite mais très excitante portion de pilosité brune sortant de l’élastique du boxer et remontant tout droit en direction de son nombril. Image d’un instant, et néanmoins furieusement érotique, scandaleusement érotique. D’autant plus que ce geste me rappelle certaines attitudes de mon bobrun pendant que je suis à genoux devant lui, en train de rendre honneur à sa virilité comme il se doit. Quand je pense que c’est cette pouffe qui se tape ça !
    Je regarde le mec s’éloigner dans le couloir, les tripes vrillées à l’idée de le voir disparaître de ma vue dans un instant. D’autres passagers se lèvent, le bogoss est englouti par une foule anonyme. Adieu beau brun sexy à mort qui a illuminé de ta présence une partie de mon trajet vers Paris !
    Le train relance sa course, et pendant quelques minutes l’écho de la présence sexy du beau brun à casquette vibre encore dans ma rétine, dans ma mémoire, dans mon esprit, dans mes entrailles.
    Ce n’est qu’au bout d’un petit moment que j’arrive enfin à retrouver Harry et Ron en train de se faire malmener par le saule cogneur du château de Poudlard.
    Le souvenir du beau brun à casquette s’estompant peu à peu de ma mémoire, je frémis à l’idée de retrouver mon bobrun à Paris.
    Car, si chaque bogoss qui rentre dans mon horizon suscite en moi des désirs et des fantasmes, ces derniers disparaissent au moment même où le bogoss en question disparaît de ma vue et de ma vie. Car, même si je ne peux m’empêcher d’être aimanté par la bogossitude, je n’ai aucune envie de tromper Jérém, aucune. Mais c’est quand-même dur de ne pas faire l’amour pendant deux semaines,
    Ça doit être la même chose pour lui. Est-ce que mon Jérém, très porté sur le sexe, a tenu bon ? Est-ce que je ne risque rien en continuant à coucher avec lui sans me protéger ? Je ressens un frisson douloureux en me posant ces questions.
    Mais comment affronter le sujet de la protection ? Comment lui imposer une capote sans le braquer, sans lui faire comprendre que je ne lui fais plus confiance ou sans provoquer en lui le doute que j’ai pu prendre un risque de mon côté ? Comment mettre une capote entre nos deux désirs, au beau milieu de notre complicité sexuelle sans lui mettre un sacré coup ? Comment exiger une capote dont je n’ai, par ailleurs, pas du tout, mais pas du tout envie ?
    Je me pose trop de questions, je ne suis pas bien. J’ai besoin d’être rassuré, j’ai besoin de retrouver confiance, j’ai besoin de penser à autre chose.
    Je sors de la poche de mon blouson les deux petits cadeaux emballés dans du papier cadeau. Je pense que les photos de Campan vont lui faire plaisir. J’espère que ça va être le cas aussi pour cette nouvelle chaînette de mec que je lui ai achetée dans la semaine.
    Moi, en tout cas, je l’aime beaucoup. Dès que je l’ai vue dans la bijouterie de la rue Sainte Catherine, avec ses mailles brillantes, épaisses sans l’être trop, et dès que la vendeuse me l’a mise dans mes mains, en me demandant « c’est un cadeau ? », dès que j’ai senti son poids et sa texture entre mes doigts, je me suis dit que ça lu irait à ravir. Je suis impatient de la voir pendouiller de son cou, se poser sur ses pecs, et de la voir onduler au gré de ses va-et-vient pendant qu’il me fait l’amour.
    Oui, plus je m’approche de Paris, plus j’ai envie de lui. Ah putain, comment il me tarde ! Je compte les heures et les minutes qui me séparent de nos retrouvailles.
    Je suis tellement content qu’il ait son appart et que nous puissions nous voir tranquillement. Et je suis tellement content qu’il ait accepté que je vienne le voir. Je trouve que c’est une belle preuve d’amour.
    A l’approche de Paris, le train ralentit. Il est 17h20, nous sommes à l’heure. Au gré des virages du chemin de fer, j’arrive à apercevoir la tour Eiffel au loin. Paris est là, juste devant moi. Les battements de mon cœur redoublent d’intensité et de vitesse.


    Prochain épisode « 0231 Sous le ciel de Paris (partie 1/3) », dans 10 jours.

     


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  • Après deux heures de sommeil à peine, je me réveille une nouvelle fois à coté de mon Jérém. Le bobrun émerge presque en même temps que moi. Sa proximité virile m’excite, la trique du matin me guette. Son torse nu et poilu me rend dingue. Sa queue pas tout à fait réveillée ni tout à fait endormie est une promesse sensuelle à laquelle j’ai envie de croire.

    « Il est quelle heure ? ».

    « C’est l’heure que je te suce ».

    « Nico… ».

    Je me glisse sous les couvertures et je prends mon bobrun en bouche. Et ses réticences s’évaporent en même temps que sa queue se raidit : c'est-à-dire, presque instantanément. Comme toujours, je ne peux pas le laisser partir sans lui faire une dernière gâterie pour qu’il se souvienne de moi. Je ne peux pas le laisser partir sans goûter une dernière fois à son jus viril, alors que je ne sais pas quand je vais y goûter à nouveau. Alors, je m’évertue à lui offrir un dernier orgasme.

    Le temps nous est compté, je suis obligé de précipiter sa jouissance. Et je reçois avec bonheur de nombreuses giclées bien chaudes, bien fortes.

    Pendant que Jérém est à la douche, j’entends papa m’appeler depuis le séjour.

    « Il est à quelle heure le train de Jérémie ? ».

    « 7 h 45 ».

    « Et il y va comment à la gare ? ».

    « A pied, je crois ».

    « Il ne va jamais avoir le temps ».

    « Je lui dis de se dépêcher ».

    « Déjeunez tranquilles, je vais le déposer en voiture en allant au travail ».

    Pendant que nous prenons le petit déjeuner, papa fait démarrer la voiture au garage.

    « Je ne veux pas vous presser les gars, mais il se fait tard » il vient nous annoncer.

    « On arrive ».

    « Je t’attends dans la voiture » il lui lance, en disparaissant derrière la porte du cellier.

    « Au revoir Jérémie, tu reviens quand tu veux » fait maman en se levant de sa chaise avec son café à la main.

    « Merci pour tout madame ».

    J’adore ma maman. C’est grâce à son tact que je peux donner un dernier bisou à mon Jérém avant de nous quitter à nouveau.

     

    J’ai décidé que je ne rentrerai à Bordeaux que demain, mardi. Aujourd’hui, je vais aider maman à terminer le ménage, et demain je n’ai cours qu’à 14 heures.

    Dans l’après-midi, nous allons rendre visite à Elodie. Le diagnostic pour son tympan se confirme. Elle aura une perte de l’audition. Mais elle est toujours de bonne humeur.

    Pendant le retour vers la maison, maman me parle de Jérémie et de moi.

    « J’ai l’impression que ça se passe vraiment bien entre vous ».

    « C’est génial en ce moment, c’est vrai ».

    « Tu es heureux ? ».

    « Très heureux ».

    « Alors je le suis aussi. J’aime bien ce gars. Et ton père l’apprécie aussi ».

    Pendant tout le reste de l’après-midi, une idée tourne en boucle dans ma tête. Et si… le moment était venu ? C’est une idée qui me remplit à la fois d’excitation, de bonheur et de peur.

     

    Papa ne rentre qu’en toute fin d’après-midi. Après le dîner, j’entends maman lancer :

    « Je suis vraiment vannée ».

    « Le week-end a été long » reconnaît papa « mais l’important c’est qu’on soit tous vivants et entiers ».

    « C’est bien vrai » confirme maman « la santé de ceux qui comptent pour nous est le plus important, tout le reste, ce n’est que détail ».

    « Je suis juste triste pour Elodie » je fais.

    « Oui, c’est triste mais elle s’en remettra. Désormais elle n’est plus seule. Je suis contente qu’elle se marie ».

    « Au fait, tu as des nouvelles du frère de ton pote ? » me questionne papa.

    « Il semblerait qu’il n’y ait pas de blessures plus graves, il devrait s’en sortir avec du repos ».

    « Très bien, très bien. En tout cas ton pote Jérémie est vraiment sympa. C’est un gars très bien élevé et très passionné par ce qu’il fait. Il va faire une belle carrière je pense. C’est quelqu’un de remarquable. Je suis admiratif de son parcours ».

    Pendant que papa me parle de Jérém en ces termes élogieux, l’idée qui m’a suivi pendant tout l’après-midi me rattrape. Au fil de ses mots, je sens monter en moi l’adrénaline, le courage, la peur, l’élan, l’angoisse, l’envie de lui dire la vérité. C’est maintenant ou jamais, Nico.

    « Papa il faut que je te dise quelque chose » je m’entends lâcher, comme si ces mots sortaient d’ailleurs que de ma bouche, alors que mon cœur tape à grands coups de massue dans ma poitrine.

    « C’est quoi que tu veux me dire ? » fait papa distraitement, les yeux rivés sur la télé.

    Du coin de l’œil, je vois maman en train de retenir son souffle.

    « Alors ? » s’impatiente papa.

    « Tu sais, Jérémie et moi… nous ne sommes pas que des anciens camarades de lycée ».

    « Vous êtes amis ».

    « Pas seulement ».

    « Et vous êtes quoi ? » il me demande sèchement, en changeant d’expression, le regard soudainement posé sur moi, un regard lourd et inquiet.

    « Nous sommes ensemble, papa ».

    « Ensemble comment ? ».

    Maman reste toujours en retrait, on dirait qu’elle surveille l’action sur la ligne de but, les cartons jaunes et rouges cachés dans sa jupe, prête à intervenir comme un arbitre au premier dérapage.

    « Ensemble comme deux garçons qui s’aiment » je trouve la force de lui annoncer.

    « Mais qu’est-ce que tu racontes ? ».

    « J’aime ce gars et il m’aime aussi ».

    Papa se tait, le regard dans le vide. Son silence se prolonge et devient de plus en plus insupportable.

    « Tu ne dis rien, papa ? ».

    « Ça fait un moment que je me pose des questions sur toi » il finit par lâcher « jamais tu nous as présenté une nana… ».

    « Je n’ai jamais été attiré par les nanas ».

    « Mais ce mec… un gars qui fait aussi mec, qui fait du rugby, jamais je n’aurais cru… ».

    « Dans le rugby aussi il y a des gays ! ».

    « N’importe quoi, le rugby est un sport de mec, de vrais mecs ».

    « Bien sûr qu’il y en a. Et ce n’est pas parce qu’ils sont gays qu’ils ne sont pas des bonshommes ».

    « En tout cas, il cache bien son jeu ce salaud » il continue sur sa lancée, sans prêter la moindre attention à mes mots.

    « Ce n’est pas un salaud ! ».

    « Si, c’est un menteur, alors c’est un salaud ! ».

    « Il ne t’a pas menti ! Il ne t’a juste pas parlé de sa vie intime ! Est-ce que tu lui as parlé de la tienne ? ».

    « Tais-toi, Nico, tais-toi ! ».

    « Tu l’appréciais quand tu croyais qu’il était hétéro, pourquoi tu lui craches dessus maintenant que tu sais qu’il est gay ? ».

    « Parce que ça me dégoûte. Je l’ai accueilli sous mon toit, j’ai partagé des repas avec lui, je l’ai même déposé à la gare ce matin. Je, je lui ai serré la main. Je croyais que c’était un gars bien ».

    « Mais c’est un gars bien ! ».

    « J’espère que vous n’avez pas fait de saloperies sous mon toit » fait-il, l’air complètement révolté.

    « Papa… ».

    « Alain ! » fait maman.

    « Plus jamais tu ne le ramènes ici, ni lui, ni n’importe quel autre gigolo dans son style, compris ? ».

    « Ce n’est pas un gigolo, c’est un gars adorable ».

    A cet instant précis, je suis assommé. Mon coming out après de mon père tourne au désastre. Je n’aurais jamais pensé que ça se passerait si mal.

    « Vous me faites pitié ! » il fait presque en criant.

    « Alain, je ne peux pas te laisser dire ça ! » intervient maman.

    « Et tu veux que je dise quoi ? Que je le félicite ? ».

    « Je te croyais un peu plus tolérant ».

    « Ça me dégoûte, je n’y peux rien ! ».

    « Alain, ferme un peu ta gueule, tu racontes que des conneries ! »

    « Tu savais ? » il lance à maman.

    « Oui, mais depuis pas longtemps ».

    « Personne ne me dit jamais rien dans cette maison ! ».

    « Et pour cause ! T’as vu comment tu réagis ? On dirait qu’il a tué quelqu’un. Il est juste amoureux, bordel ! ».

    « T’aurais dû me prévenir ! ».

    « Mais te prévenir de quoi ? C’était à lui de te le dire quand il se sentirait prêt ! ».

    « Depuis quand ça dure ce cirque ? » il me demande, hors de lui.

    « Depuis le mois de mai. Papa, je suis bien avec lui, je suis heureux ».

    « Et les nanas ? ».

    « C'est pas pour moi ».

    « T'as essayé au moins ? ».

    « Ça ne me dit rien ».

    Papa a l’air vraiment secoué. Maman tente de le calmer avec des arguments imparables.

    « Ecoute, Alain, s'il est heureux comme ça, il vaut mieux qu'il s'assume plutôt qu'il se cache et soit malheureux. Nico est un bon gars, il bosse, il n'a jamais fait le con. On n’a rien à lui reprocher, et on ne peut surtout pas lui reprocher d'être lui-même, et de nous dire la vérité. On ne peut pas lui reprocher d’essayer d'être heureux comme il le souhaite ».

    Des arguments d’une justesse totale mais qui, à l’évidence, n’ont pas de prise sur la colère aveugle de mon père.

    « Moi je pense que c’est ce mec qui t’a retourné le cerveau ».

    « Alain ! ».

    « Non, je suis comme ça, si ce n’était pas lui ce serait un autre ».

    « Tu devrais aller voir un psy pour te faire soigner ».

    Soudain, je repense à l’histoire d’Albert, mon proprio. Les années passent, mais les réactions face à l’homosexualité ne changent pas. Je ne peux m’empêcher de me demander si, dans une autre époque, dans une autre position sociale, en ayant la possibilité et les moyens, mon père ne me contraindrait pas moi-aussi à des électrochocs comme l’avait fait le père d’Albert quarante ans plus tôt.

    « Mais tu t’entends, Alain ? Ça ne se guérit pas ça, parce que ce n’est pas une maladie. C’est comme ça, un point c’est tout ! ».

    « Je n’ai pas choisi de préférer les garçons, c’est quelque chose qui s’est imposé à moi. Juste, un jour je me suis rendu compte que j’étais comme ça et que je ne pouvais pas être autrement ».

    « Mais tu te rends compte de ce que ça implique ? ».

    « Tu penses à quoi ? » je veux savoir.

    « Qu’est-ce qu’ils vont penser dans la famille, les voisins ? ».

    « On s’en tape de ça ! » fait maman.

    « Tu vas être méprisé, tu vas être malheureux. Les pd se font humilier, tabasser. Et tu n’auras jamais d’enfants. C’est une vie de merde que tu t’offres ».

    « Alain, un mot de plus et cette nuit tu dors sur le canapé ! ».

    « Je n’ai le droit de rien dire dans cette maison ».

    « Si tu as que ça à dire, c’est sûr que non ! Laisse le tranquille. C’est suffisamment difficile de s’accepter, il faut au moins que la famille offre du soutien ».

    Papa se lève et part en claquant la porte. J’ai envie de pleurer.

    « Ça lui passera, t’inquiète. Ton père est comme ça, il lui faut du temps pour encaisser quelque chose qui le contrarie. Je suis sûr qu’il regrette déjà ses mots et sa réaction » tente de me consoler mon adorable maman.

    Papa revient une heure plus tard, alors que je regarde la télé avec maman. Je l’entends trifouiller dans le garage-atelier, sa pièce préférée de la maison. Je n’arrive même pas à suivre le film. Après le générique de fin, maman et moi nous montons nous coucher.

    Je passe l’une des soirées les plus tristes de ma vie. Je suis humilié et déçu par la réaction de papa.

    Je n’ai jamais été très complice avec papa, qui n’a jamais raté une occasion pour me faire comprendre que je ne suis pas exactement le fils dont il aurait rêvé. Un fils qui ne s’intéresse pas au sport, qui ne marche pas dans ses anciens pas de rugbyman, qui fait des études dans lesquelles il ne croit pas, qui est trop timide, pas assez affirmé. Qui ne ramène pas de nanas à la maison. Et qui, désormais s’affiche en tant que gay.

    Une partie de moi savait que mon coming out allait constituer la classique « goutte qui fait déborder le vase » de cette frustration qu’il ressent à mon égard. Mais je n’avais pas prévu que ce soit si violent. Bien entendu, il y a plus violent encore dans le genre réaction face à un coming out.

    Je ne me suis pas entendu dire, comme certains « tu n’es plus mon fils », ou « dégage d’ici, cette maison n’est plus la tienne ». Je ne crois pas non plus qu’il va arrêter de payer mes études, je sais qu’il n’oserait pas vis-à-vis de maman, qui en paie une partie elle aussi. Mais ses mots, son agressivité, sa colère m’ont profondément blessé.

    Et même si dans certains de ses mots, bien que lancés avec mépris, il semble quand même pointer un souci vis-à-vis de mon bonheur futur (« Tu vas être méprisé, tu vas être malheureux. Les pd se font humilier, tabasser. Et tu n’auras jamais d’enfants. C’est une vie de merde que tu t’offres »), ce premier véritable affrontement avec papa m’a épuisé. Emotionnellement et physiquement. Je suis content d’avoir riposté, d’avoir tenté de lui expliquer, de lui avoir tenu tête sans m’énerver, mais ce court échange m’a mis KO.

    Heureusement que j’ai une maman qui prend ma défense et qui m’aime pour celui que je suis et non pas pour celui qu’elle aimerait que je sois.

    Allongé dans mon lit, dans le noir, je me sens vidé de toute énergie. Les nerfs en pelote, je n’arrive pas à me calmer.

    Je repense à mon Jérém, dont je n’ai pas de nouvelles depuis ce matin. Je repense à sa phrase, prémonitoire, quand je lui ai dit que mon père l’appréciait bien : « Parce qu’il ne sait pas tout ». C’est vrai que maintenant qu’il sait, tout a changé.

    Ce soir, j’ai très envie de l’avoir à coté de moi, mais loin d’ici. Je voudrais être à Paris avec lui. Je voudrais pleurer dans ses bras, sentir son amour.

    J’attends son coup de fil, tout en le redoutant. J’ai besoin d’entendre sa voix, plus que jamais. Même si je ne sais pas bien ce que je vais lui raconter. Je ne sais pas si j’ai envie de lui expliquer comment mon coming out s’est passé. De lui montrer qu’il a raison, qu’il faut vivre caché pour vivre heureux. Je ne sais même pas si j’ai envie de lui parler, de constater, de subir, de supporter cette distance physique qui me pèse de plus en plus, car je ne sais pas comment je vais pouvoir retenir mes larmes.

    Il est presque 23h30 heures lorsque mon portable se met à vibrer dans le noir. Depuis presque une heure, je me suis refugié dans ma chambre, dans le noir. Je me suis allongé sur mon lit, et je n’ai pas fait le moindre mouvement, je n’ai pas produit le moindre bruit. J’ai mis le téléphone en sourdine. J’ai envie de passer inaperçu, de me faire oublier, de disparaître pour ne plus déranger, pour fuir l’hostilité.

    J’hésite avant de décrocher, de peur de me faire remarquer, de peur que mes mots traversent les cloisons, qu’ils soient entendus, qu’ils dérangent à nouveau, qu’ils ajoutent du dégoût au dégoût, qu’ils m’attirent une réaction violente. Je ne suis plus à l’aise dans ma chambre, dans ma maison. C’est une sensation dévastatrice. Heureusement que je rentre sur Bordeaux demain matin à la première heure. Si je n’avais pas été aussi fatigué, si j’avais eu ma voiture, j’aurais voulu partir ce soir.

    Oui, j’hésite avant de décrocher. Mais j’ai trop besoin d’entendre sa voix.

    « Ourson ».

    Ah putain, qu’est ce que ça fait du bien d’entendre ce petit mot chargé de tendresse !

    « Salut toi. Tu as fait bon voyage ? ».

    « Oui, bien. Un peu long, mais ça va ».

    « Tu as été aux entraînements ? ».

    « J’ai fait de la muscu cet après-midi ».

    Comme toujours, le simple fait d’imaginer mon bobrun en débardeur, en train de soulever de la fonte, la peau moite de transpiration, suffit à provoquer en moi d’intenses frissons.

    « Et toi, tu as fait quoi ? ».

    « Je suis retourné voir ma cousine ».

    « Comment ça se passe pour elle ? ».

    « Toujours pareil, les médecins disent qu’elle va perdre l’audition d’une oreille ».

    « Merde, je suis désolé ».

    « Elle… elle… elle… » je tente de poursuivre la conversation.

    Mais quelque chose se bloque en moi. Soudain, j’ai la gorge nouée. Je n’arrive plus à parler. J’ai trop envie de pleurer.

    « Ça va, toi ? » je l’entends me lancer.

    « Oui, oui ».

    « Ça n’a pas l’air. Qu’est-ce qui se passe ? ».

    « J’ai parlé à papa ».

    « De… nous ? ».

    « Oui… ».

    « Et ça s’est pas bien passé… ».

    « Non… ».

    « Il a mis ma tête à prix ? » il se marre.

    « Il a eu des mots très durs… ».

    « Je t’avais prévenu, Nico… ».

    « Je sais, mais un jour il fallait que ça se fasse de toute façon. Et quand j’ai vu que vous vous entendiez si bien, j’ai cru que ce serait plus facile ».

    « Il a été vraiment très dur ? ».

    « Oui ».

    « Il t’a pas foutu à la porte quand même… ».

    « Non, pas pour l’instant ».

    « Je suis désolé, vraiment ».

    « Je voudrais être avec toi ».

    « Moi aussi ».

    « Tu penses qu’il va garder ça pour lui ? ».

    « Oui, je crois. Il a trop peur de ce que le gens peuvent dire ».

    « Moi aussi, j’ai peur de ce que les gens peuvent dire. Parce que la plupart des gens sont très cons vis-à-vis de ça. Et je ne veux pas que cette connerie gâche ma vie et mes projets ».

    « Ça veut dire qu’on n’a pas le droit d’être nous même si on veut s’intégrer à cette société… ».

    « C’est ça, malheureusement ».

    « Ça veut dire que la société nous dicte nos comportements et elle nous oblige à nous cacher ».

    « Malheureusement ».

    « Cette société ne me convient pas alors. Il faut la changer ».

    « On ne peut pas batailler sur tous les fronts. On s’épuiserait à la tâche et on n’arriverait à rien. Soit on poursuit nos projets en gardant les apparences, soit on fonce dans le tas en prenant un gros risque de se casser les dents ».

    « C’est horrible de devoir vivre avec ça ».

    « L’important, c’est ce qu’il y a entre nous. Et ça ne regarde pas les autres, même pas ton père. Je sais que si je parlais de ça au mien, je ne le reverrais plus jamais ».

    « Ça te suffit à toi de devoir vivre caché pendant toute ta vie ? ».

    « On n’a pas le choix ».

     

    En raccrochant d’avec Jérém, je suis tout aussi triste, voire davantage, qu’avant son coup de fil. Je me sens étouffer, je ne me sens pas à ma place dans ce monde qui refuse une différence sans jamais expliquer le pourquoi de ce refus. Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi l’amour entre deux gars ou entre deux nanas doit poser un problème à qui que ce soit. Pourquoi ça doit inspirer le dégoût, le rejet, la haine, la violence. Pourquoi on doit vivre cachés. C’est un non-sens. Dans ce monde, on peut commettre des atrocités sans attirer autant de haine que deux gars ou deux nanas qui s’aiment sans rien demander à personne.

    Vers minuit, j’entends enfin papa monter les escaliers pour rejoindre maman au lit.

    J’entends ses pas faire craquer l’escalier en bois, faire grincer la vieille charpente, approcher sur le vieux parquet. J’ai le cœur qui tape à mille. Pendant quelques instants je ressens l’espoir, la peur, l’envie, l’angoisse que mon père veuille venir me parler. Pour modérer ses propos, ou pour m’enfoncer davantage. Pour se réconcilier ou pour me mettre à la porte.

    Mais ses pas glissent devant ma porte et continuent dans le couloir. Un instant plus tard, j’entends la porte de la chambre parentale s’ouvrir et se refermer aussitôt. Puis, le silence.

    L’idée que la maison s’apprête à s’endormir a le pouvoir de m’apaiser enfin. Mon père ne viendra plus me parler ce soir, il ne m’enfoncera pas davantage. Mais nous nous ne réconcilierons pas non plus. C’est triste mais je préfère ça à une nouvelle dispute. Je profite de ce silence, je commence à espérer trouver le sommeil.

    Hélas, mon espoir est de courte durée. Il ne s’est pas écoulé deux minutes lorsque j’entends un vif échange entre mes parents. Je n’arrive pas à capter les mots, mais je sais qu’ils sont en train de se disputer à cause de moi. Ça me fait terriblement mal. Le ton monte, et les mots finissent par devenir intelligibles derrière la cloison qui sépare les deux chambres.

    « C’est comme ça et tu ne pourras rien y faire » j’entends maman lancer.

    « Et on va l’expliquer comment dans la famille ? ».

    « Il n’y a rien à expliquer ».

    « Ils vont se demander pourquoi il n’a pas de copine ».

    « Ils ont qu’à se le demander tant qu’ils veulent, ça leur fera une occupation ! ».

    « Si un jour ça se sait, je n’oserai même plus sortir de la maison ! ».

    « Tu dis n’importe quoi ».

    « Je ne l’ai pas élevé comme ça ».

    « On l’a très bien élevé, on lui a appris à être honnête, et à l’être avec lui-même avant tout ».

    « Ça c’est de ta faute ! ».

    « Je te demande pardon ? ».

    « Tu l’as trop couvé ! ».

    « Et toi tu n’as pas été assez présent dans sa vie ».

    « Ça veut dire quoi ça ? ».

    « Ça veut dire qu’on a fait chacun ce qu’on pouvait ».

    « Tu n’es quand même pas en train de dire que c’est de ma faute ! ».

    « Mais il n’y a pas de faute, quand est-ce que tu vas arriver à te mettre ça dans le crâne ?! ».

    « Tu m’emmerdes ».

    « Si je t’emmerde, va dormir sur le canapé ! ».

    « Avec grand plaisir ! ».

    « J’espère que la nuit va te porter conseil. Moi je suis fière de mon fils, et quand tu auras bien réfléchi, tu sauras que tu peux l’être aussi ».

    Sur ce, j’entends mon père claquer la porte de la chambre. Je ressens un nouveau frisson de panique à l’idée qu’il puisse venir m’engueuler dans cet état de colère. Je n’ai pas envie de subir une fois de plus son agressivité, sa violence verbale. J’ai une horreur sacrée de la violence verbale, car j’ai toujours peur qu’elle puisse dégénérer en violence physique. Je ne suis pas programmé pour affronter la violence physique.

    Mais il n’en est rien, je l’entends traverser le couloir et descendre les escaliers quatre à quatre. Papa s’installe dans le canapé du salon et allume la télé. Au milieu de mon inquiétude, je trouve quand même amusante l’idée que papa cherche à s’éloigner de ses soucis dans ce canapé où quelques semaines plus tôt j’ai fait l’amour avec mon Jérém !

    Sa colère, ainsi que la tension avec maman, provoquent en moi un malaise qui m’empêche de dormir. Le fil de lumière qui se glisse sous ma porte, ainsi que le volume assez élevé de la télé, témoins du fait que cette nuit la maison ne dort pas paisiblement, n’arrangent rien.

    L’idée que maman soit obligée de se « battre » avec papa à cause de mon coming out me fait très mal. J’ai envie de la rejoindre dans sa chambre pour voir comment elle va, pour la remercier et pour la laisser me consoler. Mais je n’ose pas bouger de mon lit, j’ai peur que mon père s’en rende compte et que cela attise davantage sa colère.

    Je tremble à l’idée que mon coming out puisse créer des problèmes dans le couple de mes parents. Je suis triste de penser que c’est maman qui va devoir gérer la colère de papa, alors qu’elle n’y est pour rien. D’autant plus que demain je repars à Bordeaux et que je ne vais pas pouvoir être là pour voir comment les choses évoluent. Je sais que la distance va faire que je vais beaucoup m’inquiéter.

    D’une certaine façon, Jérém a peut-être raison. Oser être soi-même a un prix, un gros prix, et ça peut faire d’énormes dégâts. Pourquoi je ne me suis pas tu ?

     

    Au final, je passe une nuit épouvantable. Je dors très peu. Heureusement que j’ai un train à prendre et non pas le volant. Lorsque je descends après la douche, à 5h30, papa est déjà parti au travail. Je suis à la fois soulagé et attristé. Je n’avais franchement pas envie d’affronter son regard « dégoûté ». Mais ça me rend triste de partir à Bordeaux en étant brouillé avec papa.

    La vue de la couverture abandonnée en vrac sur le canapé sape un peu plus encore mon moral.

    Maman est déjà dans la cuisine, cette petite pièce qui est à bien des égards le vrai foyer de la maison, le fief de notre complicité, le terrain où elle nous montre son amour sous la forme de bons petits plats pleins d’amour. L’air de la cuisine est saturé d’une délicieuse odeur de café matinal.

    « Ça va mon chéri ? » elle me questionne, en me faisant un bisou.

    « Ça va et toi ? ».

    « Bien, bien ».

    « Papa a dormi en bas » je lance.

    « Il avait besoin de se changer les idées ».

    « Je suis désolé de poser autant de problèmes ».

    « Tu n’as pas à être désolé. Tu ne poses aucun problème. C’est ton père qui a un problème. Mais ça lui passera ».

    « J’espère que ça va aller ».

    « T’inquiète, c’est pas la première fois qu’il dort sur le canapé, et cette expérience l’a toujours fait réfléchir ».

    « Merci maman ».

    « Merci de quoi ? ».

    « De toujours me soutenir, d’être toujours là pour moi ».

    « Ça fait partir de la fiche de poste de « maman » ! » elle plaisante.

    « Vraiment, Nico, il ne faut pas t’en faire, il va se calmer, je t’assure » elle enchaîne « Tout ce qui doit te préoccuper désormais ce sont tes études. Et ton bonheur avec le gars que tu aimes. Ton père fait sa petite crise mais il s’en remettra. Il faut qu’il accepte que ton bonheur passe avant tout et que tu ne peux pas te conformer à ses attentes si elles ne te correspondent pas. Un jour il comprendra qu’il n’a rien à te reprocher et que tu es un gars génial ».

     

    A ma grande surprise, j’arrive à dormir dans le train. Je me réveille en gare de Bordeaux et je suis bien. Un peu engourdi mais bien. La distance de Toulouse, ainsi que la journée à venir, la fac, les retrouvailles avec ma petite bande de camarades, d’autres retrouvailles avec la petite cour au sol rouge et ses habitants si bienveillants m’aident pour l’instant à relativiser mes soucis.

    En effet, le fait de retrouver les cours, ainsi que mes camarades Monica, Raphaël et Fabien me fait un bien fou.

    « Salut mon pote » m’accueille Raphaël, avec le ton festif et bienveillant qui est sa marque de fabrique, tout en me serrant dans ses bras et en mettant des petites tapes sur mon épaule.

    « Tu connais Cécile ? » il continue.

    En mon absence, notre petite bande semble s’être enrichie d’une nouvelle recrue.

    Cécile est une nana assez élancée, les cheveux châtain clair tendant au roux, assez longs, tenus en une queue de cheval, la peau très claire, avec des taches de rousseur de naissance autour du nez et sous les yeux. Elle a l’air d’une nana très discrète.

    « Non, je ne la connaissais pas encore. Enchanté Cécile » je fais, en lui faisant la bise.

    « Enchantée moi aussi, Nico ».

    « Comment ça va ? » me demande Monica en me faisant la bise à son tour.

    « J’ai eu beaucoup de chance. Il n’y a pas de victimes dans mon entourage. Mais ma cousine a perdu un tympan. Deux potes, dont un qui est pompier, ont été blessés mais pas trop gravement. La ville est un champ de guerre. Ma maison est une ruine. Toutes les portes et fenêtres sont sorties de leur encadrement, les meubles sont tombés. Il faudra beaucoup de temps pour tout remettre en état. Mais ça va, le pire c’est pour les familles qui sont en deuil et pour les blessés graves pour qui la vie va être complètement bouleversée ».

    « On ne sait toujours pas ce qui s’est passé » commente Fabien.

    « Il semblerait que l’enquête penche plutôt pour l’accident » je considère.

    « De toute façon, on ne saura jamais. La presse relayera le mensonge d’Etat, ce qu’on appelle communément la « version officielle », c'est-à-dire celle qui arrange le Pouvoir. Comme à chaque fois qu’il y a une catastrophe » fait Raphaël.

    « C’est vrai que chez tes potes soviétiques ou chinois, la transparence et au cœur de la vie politique » se moque Fabien.

    « Mais votre gueule les gars » fait Monique.

    Cécile se tait, elle a l’air d’une nana très simple et très réservée. Elle a un regard très intense.

     

    Ce premier jour de fac après la double catastrophe de Toulouse et de mon coming out houleux auprès de mon père me fait vraiment du bien. Ça m’aide à penser à autre chose, à m’évader.

    Je redoute la fin des cours, ce laps de temps entre le moment où je quitte mes camarades et le moment où je retrouve le petit monde de mon immeuble. Mais les retrouvailles avec la petite cour au sol rouge sont bien chaleureuses.

    « Nico ! » je m’entends appeler alors que je m’apprête à déverrouiller la porte de mon appart.

    Albert et Denis me proposent un café et me demandent à leur tour des nouvelles de mes proches et de ma ville. Leur amitié et leur bienveillance me font un bien fou.

    « Mais tu n’as pas l’air très en forme aujourd’hui » me titille Albert.

    « Ça va » je tente de détourner ses questions.

    « C’est le choc de voir ta ville défigurée ? ».

    « Oui… mais aussi ce qui s’est passé chez moi ».

    Je leur raconte alors la venue de Jérém, son accueil chaleureux par mes parents. Et aussi mon coming out, et le rejet de mon père.

    « Ça lui passera, il faut juste un peu de temps » me lance Albert.

    « C’est ce que m’a dit maman ».

    « Les pères sont souvent plus cons que les mères sur ce sujet, je suis bien placé pour le savoir ».

    « Viens dîner à la maison ce soir » me propose Denis.

    « C’est gentil, mais je crois que j’ai envie de rester seul ».

    « Allez, viens. Ne reste pas tout seul à broyer du noir. En plus, ce soir il y aura un pote à nous, tu verras, il est très sympa ».

    Voilà comment je me retrouve une fois encore invité à dîner chez mes propriétaires. A 19 heures je suis chez eux. L’invité des deux papis se fait attendre, nous attaquons l’apéro.

    Nous sommes à la deuxième tournée lorsque l’interphone sonne.

    « C’est qui ? » fait Denis.

    « Mère Teresa » j’entends répondre.

    « Je crois que tu n’as pas vraiment le profil du poste » se moque Denis.

    « Ouvre pétasse ! ».

    Quelques instants plus tard, le pote de mes deux proprios débarque dans l’appartement. C’est un petit bonhomme chauve, d’un âge indéfinissable, avec des lunettes fines, des petits yeux perçants.

    Il fait la bise à Albert et Denis, avant de s’adresser à moi.

    « Bonjour jeune homme » il me lance, avec un grand sourire.

    « Bonjour ».

    « Moi c’est Laurent ».

    « Et moi c’est Nico ».

    « Et tu débarques d’où, Nico ? ».

    « Je suis le locataire du studio juste à côté de leur appart ».

    « Ça ne fait pas longtemps que tu es arrivé ? ».

    « Une semaine ».

    « Nico est un garçon très sympathique » commente Denis « et en plus, il est des nôtres. Il dîne avec nous ce soir ».

    « C’est bien, ce ne sera pas un repas entre vieux croûtons ».

    « Mais ta gueule ! » fait Denis en rigolant.

    « Et tu fais quoi dans la vie, tu es étudiant ? » me questionne Laurent.

    « Oui, je suis un cursus en sciences de la terre ».

    « C’est bien, c’est bien. Et ces études vont te permettre de prétendre à quel métier plus tard ? ».

    « Je ne sais pas encore trop, mais ça peut être la recherche, l’étude du sol, du sous-sol, des ressources hydrogéologiques. Tout dépend jusqu’où je déciderai de pousser mes études ».

    « Tu m’as l’air d’un gars qui sait ce qu’il veut, et c’est une très bonne chose ».

    « Tout n’est pas encore clair dans ma tête, je vais voir au fur et à mesure ».

    « En tout cas » continue Laurent « enchanté de faire ta connaissance, Nico ».

    « Enchanté moi aussi ».

    « Allez, Laurent, arrête de draguer le petit, il est bien trop jeune pour toi » lance Albert, taquin.

    « C’est un charmant garçon. Allez, assez parlé, faites pèter le Lillet Blanc ! » il lance à l’adresses de mes propriétaires.

    « Laurent est un très bon ami » m’explique Albert, le ton et le regard taquin « c’est un grand architecte, mais qu’est-ce qu’il picole ! C’est pour ça qu’on ne l’invite pas souvent ».

    « Le grand architecte t’emmerde, le vieux ! ».

    Je trouve qu’architecte colle bien avec l’allure de ce bonhomme pas dépourvu d’une certaine élégance, dans les manières avant même que dans le style vestimentaire.

    « Alors, ton mari italien va bien ? » le questionne Denis.

    « Oui, Giovanni va bien, je vais le retrouver le mois prochain à Capri ».

    « Ça fait combien de temps que vous vous connaissez maintenant ? ».

    « Près de dix ans ».

    « Comment ça vole le temps ! » s’exclame Albert « Et sa femme ne se doute toujours de rien ? ».

    « Je n’en sais rien. Tant qu’elle ne nous empêche pas de nous voir, je m’en fiche. Enfin, je préfère autant qu’elle ne l’apprenne pas. Tout le monde vivra plus heureux ».

    « Ils habitent toujours dans ta maison de vacances avec leurs gosses ? ».

    « Oui, ils occupent le rez-de-chaussée. Giovanni est le gardien et l’homme à tout faire de ma maison de vacances ».

    « Ah oui, ça, pour être un homme à tout faire… » se moque gentiment Albert.

    « Giovanni est un bol d’air frais que je m’octroie pendant quelques jours chaque trois ou quatre mois. Il m’a fallu arriver presque à cinquante ans pour m’épanouir sexuellement. Giovanni est arrivé dans ma vie à point nommé. Il m’a remis en phase avec moi-même ».

    « C’est vrai que tu t’es longtemps égaré… » commente Denis sur un ton taquin.

    « Un petit peu… ».

    « Quand même… tu as été marié pendant des années avec ta femme et tu lui as fait deux gosses ».

    « J’ai eu besoin d’en passer par là pour enfin regarder les choses en face ».

    « Sacré histoire que la tienne » fait Denis.

    « Et maintenant vous êtes avec un homme ? » je demande, perplexe.

    « Oui, je me suis enfin autorisé à être moi-même ».

    « Et vous vous vous considérez comment, bisexuel ? ».

    « Ah non ! Il n’y a pas plus gay que moi ! ».

    « Mais depuis quand vous savez que vous êtes gay, alors ? ».

    « Depuis toujours. Enfin, au moins depuis le collège. Depuis les cours de sport du jeudi. Je me souviens très bien des cours de sport du jeudi. Au milieu des copains qui se déshabillaient dans le vestiaire, je me sentais tout bizarre, tout chaud. Je me souviens qu’un jour j’ai été troublé en voyant un camarade qui avait déjà des poils sur le torse.

    J'avais tellement honte de ce que je ressentais que je me suis dit : personne ne doit le savoir ».

    « Et alors vous avez essayé de faire comme les autres ? » je demande.

    « Regarder les filles avec les copains, c'était naturel, ça allait de soi, c'est ce qu'on attendait de moi. C’était simple et rassurant.

    Finalement, je me suis mis à jouer un rôle et à y croire. On finit par croire vraiment à ses propres mensonges, j'imagine que notre cerveau fonctionne comme cela. J'avais conscience d'avoir des fantasmes homosexuels mais ça ne m'empêchait pas de me considérer comme hétéro.

    Plus tard, j'ai rencontré une femme. On s’entendait bien. Très vite, elle est tombée enceinte. Nous nous sommes mariés parce qu’il fallait donner une famille à ce gosse qui était en route. Je me suis dit que ça marcherait. Nous avons eu deux autres enfants, qui sont ce que nous avons de plus précieux ».

    « Et à quel moment avez-vous franchi le pas d’aller vers les garçons ? Qu’est-ce que qui a fait que vous avez décidé de vivre autrement ? ».

    « Un jour, l’année de mes 35 ans, je suis monté sur Paris pour le travail. Et dans la rue, devant moi, j’ai vu deux hommes, deux amoureux, qui marchaient main dans la main.

    Et pour moi ça a été un choc. En les voyant heureux, spontanément, je me suis dit : « c'est ça que je veux, c'est ça dont j'ai envie ». D'un coup j’ai pris conscience que ça faisait 20 ans que j’avais honte de moi. Comment peut-on s'habituer à avoir honte de soi ? ».

    « C’était le lot quotidien de nous tous, la honte, à cette époque » commente Albert.

    « Je ne voulais plus avoir honte de moi » continue Laurent « C’est lors de mon déplacement suivant à Paris que j’ai franchi le pas. Un soir, je me suis rendu dans une boîte de nuit gay. J’ai eu une aventure. Puis une autre, le soir d’après. Je vivais à 35 ans ce que beaucoup aujourd’hui vivent entre 15 et 25. La prise de conscience de qui on est, la prise de contact avec ceux qui sont comme soi ».

    « Mieux vaut tard que jamais » fait Denis.

    « C’est vrai. Même si au début je culpabilisais un max. Je me disais : « je me suis marié, j’ai des enfants, je ne peux pas faire ça ». Entre ressentir des désirs homosexuels et se dire « je suis gay », il y a tout un travail d'acceptation. Et lorsqu’on a tout fait pour se convaincre d’être hétéro, pendant longtemps, c’est encore plus difficile. Car il faut faire le deuil de celui qu’on s’était persuadé d’être… ».

    « Mais qu’on n’est pas » je réfléchis à haute voix.

    « On doit se réconcilier avec soi-même » il continue « se pardonner du mensonge qu’on s’est raconté. Aussi, il faut accepter de prendre sur soi tout ce qu'on a intériorisé de négatif sur les homosexuels. Il faut du temps pour se dire qu’on n’est pas moins bien que les autres, pour passer de la considération à propos de soi « je suis différent des autres » à « je suis comme ceux-là qui sont comme moi ».

    J’ai mis un certain temps à m’émanciper. Je devais d’abord vaincre la peur. J'avais des fantasmes, des envies, mais la peur était très forte. Plus forte que mon aspiration au bonheur. La pulsion sexuelle s’associait à cette peur. J’étais prisonnier de la peur ».

    « Et alors, comment êtes-vous arrivé à assumer votre homosexualité ? » je demande.

    « Quand j’ai décidé de sortir du placard, vers mes 40 ans, on m'a dit : « tu es en train de briser ta famille pour du sexe ». A nouveau, j’ai culpabilisé à mort. Mais peu à peu je me suis donné le droit de vivre une vie qui me correspond. Car il ne s'agit pas de sexe, il s'agit d'être moi-même ».

    En entendant le récit de Laurent, je ne peux m’empêcher de repenser à mon ami Thibault et de faire le parallèle avec son histoire à lui. Aujourd’hui, il est avec Nathalie à cause de l’enfant à venir, pour l’assumer. Mais cet enfant a été un « accident », même si ça a l’air de le rendre heureux. C’est de cet « accident » dont découle sa vie actuelle et à venir d’hétéro. Mais qu’en serait-il de sa vie, de ses choix, si cet événement n’était pas arrivé à ce moment de son parcours ? Est-ce qu’il n’aurait pas choisi de vivre, du moins pendant un temps, « du côté des garçons », de faire des rencontres, de prendre le temps de savoir quelle était vraiment sa voie, avant de choisir ?

    Aujourd’hui il accepte cette vie de parfait petit « mari ». Mais jusqu’à quand pourra-t-il refouler ses véritables désirs en les faisant passer après le bien-être de son enfant et de celui de son couple ? Jusqu’à quand pourra-t-il tenir sans que l’envie du contact physique avec un gars ne le tenaille jusqu’à devenir insupportable ? Jusqu’à quand pourra-t-il vivre avec cet interdit ? Quand on sait que c’est précisément l’interdit qui attise le désir…

    « Avec ma femme » continue Denis « j’ai essayé que cela se passe au mieux. J’ai été clair avec elle. C’est quelqu’un d’intelligent, et elle a compris ce que je ressentais. Ce qui a été libérateur, c’est quand elle a décidé de partir, et sans me déclarer la guerre. Nous avons divorcé en bonne intelligence, dans le respect mutuel. Nous avons gardé une profonde estime l’un envers l’autre ».

    « Et vos enfants, ils sont au courant ? » je le questionne.

    « Mes enfants, j'avais envie qu'ils sachent eux aussi qui je suis. Et, aussi, leur offrir l'exemple de quelqu’un qui accepte sa différence.

    Même si je n’y arrive pas moi-même tous les jours. Ça m'arrive encore, parfois, quand des gens parlent des homos devant moi, quand j’entends une blague homophobe, de rougir. Je sais pourtant que ce n'est pas honteux, mais mon corps semble penser autrement. C'est comme ça ».

    « Ça ne t’a pas empêché de rencontrer un homme charmant » fait Albert.

    « C’est vrai que Giovanni me fait beaucoup de bien. Quand je suis dans ses bras, les matins où sa femme est au travail et ses gosses à l’école, je suis bien, comme je ne l’ai jamais été de ma vie. Dans ses bras, je suis heureux. Heureux comme ne le sont que ceux qui ont mis longtemps à se trouver. Même si nous devons vivre cachés ».

    « Vivons cachés, vivons heureux, c’est notre philosophie de vie à nous tous » lance Denis.

    « C’est la philosophie de mon copain aussi » je réfléchis à haute voix.

    « Les générations passent, mais le problème d’acceptation demeure » fait Laurent.

    « Le pire c’est que je commence à croire qu’il a raison ».

    « Les mentalités évoluent quand même » tente de me rassurer Laurent.

    « Mais pas trop vite, pas trop vite » conclut Denis.

    « Et pour vous comment ça s’est passé ? Vous avez fait votre coming out ? » je questionne ce dernier.

    « De mon temps, l’expression même « coming out » n’existait pas » il se moque.

    « Tu sais, de notre temps, il n’y avait pas de gays » fait Albert « Juste des célibataires. Des vieux garçons. On préférait croire qu’un célibataire était trop nul pour se trouver une femme plutôt qu’il ne voulait pas trouver une femme. On n’était gays que si on se faisait choper en flagrant délit. A ce moment-là, on était mis au ban de la société. Mais, je t’ai coupé la parole, mon chéri, désolé, tu allais nous raconter ton parcours ».

    « Il n’y a pas grand-chose à dire » continue Denis « Je suis issu d’une famille modeste, mais j’ai quand même eu droit à une éducation religieuse. Alors, quand vers l’âge de 11-12 ans j’ai commencé à ressentir de l’attirance vis-à-vis des garçons j’ai vite senti que ça allait à l’encontre de cette éducation. « Dieu a détruit les villes de Sodome et de Gomorrhe pour punir leurs habitants immoraux » est écrit dans la Bible qu’on nous faisait étudier au catéchisme.

    Le pire dans tout ça c’était de ne pas pouvoir en parler. Je ne pouvais me confier à personne, personne.

    Je sentais que je n’étais pas comme les autres et je me sentais coupable. J’avais honte. Je me sentais comme un déchet ».

    « C’est dur de ne pas pouvoir parler à personne » je commente « on se sent seuls au monde ».

    « Oh que oui ! L’année de mes 21 ans, j’ai fait une dépression. A l’époque on ne parlait pas encore de dépression, je ne pouvais même pas mettre de mots sur mon mal être. J’ai commencé à sentir des vertiges, à faire des malaises. J’étais incapable de me lever le matin.

    Je suis allé voir un médecin. Je lui ai dit que j’avais des vertiges. Il m’a donné des calmants. Et il m’a envoyé voir un psy, ce qui était un truc pas banal pour l’époque. Car les psys ne couraient pas encore les rues comme aujourd’hui, où ils sont plus nombreux que les boulangeries et les bars ».

    « Mais il faut se remettre dans le contexte » il continue « Les psys du début des années ‘60 n’étaient pas des psychologues, mais des psychiatres.

    Le passage chez le psy ne m’a pas apporté grand-chose. Je ne me suis pas confié, mais je pense qu’il avait compris. Mais je n’ai pas eu le courage de mettre des mots sur ce que j’étais et il a eu la pudeur de ne pas le faire à ma place ».

    « Et vous l’avez revu, ce psy ? » je veux savoir, tout en repensant aux mots de colère de mon père qui m’invitait à aller voir un psy pour qu’il puisse me guérir.

    « Oui, un peu plus tard. Un jour, j’ai eu besoin de me confier. J’ai pensé à mon psy. Je lui ai écrit une lettre. Je ne savais pas exactement ce que j’attendais de lui. Qu’il me fasse parler. Qu’il m’aide à parler. Qu’il m’oblige à parler. Qu’il me guérisse peut-être. Je voulais surtout que mon mal être cesse. Dans ma lettre, je ne savais pas bien comment aborder le sujet. Alors je lui ai écrit que je faisais partie de ces êtres décrits dans les romans de Roger Peyrefitte que je venais de découvrir.

    Quelques temps plus tard, je suis retourné en consultation. Nous avons parlé de la lettre. Il m’a dit que je n’étais pas malade, que mon attirance pour les hommes était un état des choses. C’était la première fois que j’entendais ça et ça m’a fait un bien de fou ».

    « Si seulement mon père pouvait entendre ça de la bouche d’un psy » je lâche, comme un cri du cœur, avant de le questionner à nouveau « et ce psy n’a pas essayé de vous changer ? ».

    « Non, il n’a pas essayé. Nous sommes devenus amis par la suite ».

    « Et vous avez pu commencer à vous assumer après ça ? ».

    « Oui et non, parce que ce n’était pas facile de faire des rencontres. Il n’y avait pas de bars, ou des boîtes de nuit. Dans les villes, les lieux de rencontres par excellence étaient les tasses ».

    « Les quoi ? ».

    « Les tasses. C’était le surnom qui avait été donné aux pissottières publiques à Paris. Et faire les tasses, c’était aller chercher des rencontres. Mais on y allait la peur au ventre de se faire tabasser par des cons ou de se faire embarquer et brutaliser par les forces de l’ordre. A l’époque, l’homosexualité était un délit infamant et stigmatisant. Une fois inscrit dans son casier judiciaire on se traînait cette « honte » à vie. L’homosexualité était aussi considérée comme une maladie mentale, et comme un fléau social, au même titre que l’alcoolisme ».

    « Un soir, au milieu des années ’70 » se remémore Laurent « j’étais en voiture, sur un parking isolé, avec un gars que j’avais rencontré dans une boîte à Paris. Une voiture de Police approche, on nous demande les papiers. Je me souviens du regard des deux policiers, un regard plein de mépris. J’avais peur, très peur. Peur qu’ils nous embarquent, ou qu’ils envoient un courrier chez moi, que ma femme tombe dessus, ou qu’ils envoient un courrier à mon cabinet, que mon associé tombe dessus. Je leur ai expliqué que c’était ma voiture du travail, que j’étais marié, je leur ai fait comprendre que si ça s’ébruitait je risquais de tout perdre. J’étais gêné à mort, je tremblais de trouille. Ils ont fini par nous laisser répartir sans faire d’histoires. Pendant des mois j’ai eu peur d’un courrier qui aurait détruit ma vie. Mais il n’est jamais arrivé ».

    « Heureusement, aujourd’hui, au moins ces peurs, celle du chantage et celle du gendarme, ont disparu » je commente.

    « Je pense qu’aujourd’hui, les jeunes générations sont beaucoup plus libres que ne l'était la nôtre » estime Denis. Elles le sont beaucoup plus sur le plan de la parole. Avant de passer à l'acte, il faut quand même mettre des mots sur les choses. Et à cette époque, les mots ne venaient pas. Pour que les mots viennent, il faut commencer à vaincre la peur. Et dans les années ‘60, elle était énorme, c’était notre principal ennemi ».

    « Après la libération sexuelle, les années ’70 ont été une époque débridée » continue Denis « Ainsi, les années ’80 s’annonçaient sous les meilleurs auspices. La gauche au pouvoir, la dépénalisation de l’homosexualité. Mais tout ça paraissait trop beau pour durer. Les SIDA n’a pas tardé à venir gâcher la fête, et les années ’80 ont été surtout marquées par cette saloperie, le cancer gay comme il était appelé à l’époque. Il y avait des gens pour dire que ça ferait juste du ménage parmi ceux qui ne méritaient que ça. Certains y voyaient un châtiment divin.

    Ça nous est tombé dessus presque du jour au lendemain. Il n’y avait pas de remède. Les gays tombaient comme des mouches. La mort de Le Luron et de Freddy Mercury, deux personnalités que j’appréciais beaucoup, m’a beaucoup affecté. Vous les jeunes de maintenant vous êtes nés avec le SIDA et on vous a appris à vous protéger. A nous, on ne nous l’avait pas appris ».

    « C’est vrai, mais ce n’est pas tout rose pour eux non plus » considère Laurent « car il y a une autre maladie qui fait des ravages à notre époque, comme dans chaque époque, une maladie pour laquelle il n’y a pas et il n’y aura jamais ni de traitement ni de vaccin. Je veux parler de la connerie humaine de certains, et particulièrement de l’une de ses souches les plus odieuses, l’homophobie ».

    « Sale race, ces gens-là ! » lâche Albert.

    « Les homophobes (1) sont des gens qui veulent décider à la place d’autres gens qui ont le droit d’aimer ou pas » considère Laurent « Ils voudraient nous empêcher de nous exprimer, ils voudraient réprimer toute forme de sexualité différente de la leur ».

    Soudain, je repense à un couplet d’une chanson de Madonna remontant à quelques années déjà :

     

    Express yourself, don't repress yourself/Exprime toi, ne te réprime pas

    And I'm not sorry/Et je ne suis pas désolé

    It's human nature/C'est la nature humaine

     

    https://www.youtube.com/watch?v=XPL_qGqSJxA 

     

    « Et ces gens-là, quand tu leur demandes pourquoi ils sont contre l’homosexualité » continue Laurent « tu as droit à des « ouais, mais tu vois, c’est contre nature, en fait, l’homme n’est pas fait pour ça ». Parce que l’homme a été créé pour voler ou aller sur la Lune ? ».

     

    Did I say something wrong ?/Ai je dis quelque chose de mal ?

    Oops, I didn't know I couldn't talk about sex/Oops, je ne savais pas que je ne pouvais pas parler du sexe

    Oops, I didn't know I couldn't speak my mind/Oops, je ne savais pas que je ne pouvais pas m’exprimer

     

    « On a le droit d’être gêné par ça, par deux mecs qui s’aiment, chacun est libre de penser ce qu’il veut. Tant que tu ne fais chier personne il n’y a pas de problème.

    Le problème ce sont ceux qui insultent, frappent, menacent, harcèlent d’autres juste parce qu’ils sont homosexuels. Et eux, ça se voit qu’ils sont cons. Ce sont des pauvres gens ».

     

    You punished me for telling you my fantasies/Tu m'as puni pour t'avoir raconté mes fantasmes

    I'm breakin' all the rules I didn't make/Je vais briser toutes les règles que je n'ai pas faites

     

    « Comme si les insultes, les coups, les menaces, le harcèlement pouvaient guérir pas de l’homosexualité, remettre les gens dans le « droit chemin ». L’homosexualité n’est pas un choix, c’est une orientation qui échappe à la volonté ».

     

    Express yourself, don't repress yourself/Exprime toi, ne te réprime pas

    Did I say something true ?/Ai je dis quelque chose de vrai/bien ?

     

    « En vrai ça dérange qui l’homosexualité ? Pourquoi ? L’homophobie c’est soit de la jalousie et de la frustration, soit de la peur ».

    « Moi je ne comprends même pas le sens du mot « homophobe ». Dans homophobie il y a peur. Mais quand tu es homophobe, tu n’as pas peur, tu es juste con » conclut Albert (2). 

     

    Express yourself, don't repress yourself/Exprime toi, ne te réprime pas

    « I'm not your bitch don't hang your shit on me/Je ne suis pas ta pute, n'accroche pas ta merde sur moi ».

     

    « J’ai pu constater dans ma vie que les gens qui sont très agressifs par rapport à l’homosexualité sont ceux qui ont l’homosexualité à fleur de peau » considère Laurent « je pense que l’envie de « casser la du PD », c’est une façon de casser la gueule à leur propre homosexualité, qui les dérange.

    « Si on en croit tes mots, tous les homophobes sont des gays refoulés ? ».

    « Dans certains pays, il y a une profonde hypocrisie au sujet de l’homosexualité. Dans certaines cultures latines très machistes, on accepte que des hommes aient des relations sexuelles avec d'autres hommes, mais seulement s'ils tiennent le rôle actif.

    Le mépris pour l'homosexuel efféminé, ou pour celui qui est passif, est précisément ce qui rend acceptable la bisexualité pour les hommes masculins. C’est pourquoi l'homophobie, le machisme et la bisexualité masculine semblent marchent souvent ensemble ».

    « Lorsque vous jetez votre haine sur moi, ce sont vos peurs que vous projetez sur moi » conclut Albert.

    « Qui a le droit de nous dire ce qui est bon pour nous ? » fait Laurent.

    « Albert et moi on a passé une bonne partie de notre vie ensemble » explique Denis « On a mis en commun nos solitudes, Pour ne pas vivre seul, comme chantait Dalida. Et ça nous a offert les meilleures années de notre vie ».

     

    https://www.youtube.com/watch?v=4NI_rhdY7DE

     

    « On a vécu de bons moments, de moins bons, on s’est soutenus mutuellement » il continue « Il y a eu le sexe, ce qui dérange les homophobes. Mais il n’y a pas eu que ça, loin de là. Le sexe ne dure qu’un temps, comme pour tout un chacun, y compris les hétéros. Mais avec l’âge, ce qu’on demande à l’autre, c’est la présence de l’autre à ses côtés, de la tendresse, du partage. Ce que j’apprécie, c’est justement de ne pas être seul, de partager un bon bouquin, un bon film, un bon concert, un opéra au Capitole. J’apprécie notre complicité. Et ce que j’apprécie par-dessus tout c’est que la vie et ses tracas sont bien plus supportables depuis qu’il est là » fait-il en cherchant la main de son compagnon de vie.

    « Même depuis que je suis en fauteuil roulant et que je suis un fardeau pour toi ? » le questionne ce dernier, visiblement ému.

    « Je te promets de t’être fidèle dans le bonheur et dans les épreuves, dans la santé et dans la maladie, pour t'aimer tous les jours de ma vie » récite Denis en guise de réponse.

    « Jusqu’à ce que la mort nous sépare » complète Albert « mais ça ne presse pas, chaque jour avec toi est un cadeau ».

    « Merci Denis » fait Albert, les yeux embués de larmes.

    « Tu aurais fait pareil pour moi ».

    Les deux vieux hommes sont émus. Denis se lève et prend son compagnon dans ses bras. Puis, lui enlève les lunettes et essuie les larmes qui coulent sur ses joues.

    « Qui a le droit de mépriser ça ? » conclut Laurent, en posant un regard plein d’émotion sur ses deux potes.

     

    (1)    Quelques exemples révoltants de la connerie humaine de certains :

     

    https://tetu.com/2020/03/27/coronavirus-une-menace-homophobe-decouverte-par-un-couple-gay-a-marseille/ 

     

    http://www.leparisien.fr/essonne-91/infirmiere-menacee-en-essonne-si-un-cas-se-confirme-dans-la-residence-vous-serez-tenue-pour-responsable-30-03-2020-8290968.php 

     

    https://www.instagram.com/p/B-WtkzBicac/ 

     

    (2)    Les propos compris entre les indicateurs (2) sont extraits et adaptés des propos contenus dans une vidéo du youtubeur « Jimmyfaitlecon », dont voici le lien :

    https://www.youtube.com/watch?v=qbQRu0EOUjI 

     

    (3)    Très drôle et intelligemment traité aussi :

    https://www.youtube.com/watch?v=-xbzAWx_2Pg 

     

     

     

     


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  • Lorsque je me réveille, il est 7h20. Mon bobrun dort comme un bébé. Je suis bien. Sa présence à mes côtés me fait un bien fou.

    Je prends mon Jérém dans mes bras, je pose un bisou léger sur sa joue à la barbe de quelques jours. La chaleur de son corps est revigorante, sa présence olfactive est rassurante. Qu’est-ce que j’aime me réveiller et le sentir contre moi ! La simple idée de commencer la journée avec lui, de nous dire bonjour avec un bisou, de prendre le petit déj ensemble suffit à me rendre heureux comme un gosse à Noel.

    Je culpabilise presque d’être aussi bien alors que tant de gens dans ma ville souffrent au même instant. Mais est-ce une raison pour m’empêcher de profiter de l’instant présent, d’être heureux ?

    J’attends impatiemment son réveil pour pouvoir lui faire des bisous. Mais rien ne presse. Je ne me lasse pas de le regarder dormir, beau comme un Dieu, avec ses cheveux en vrac et sa belle petite gueule qui demeure incroyablement sexy même les yeux fermés. Je ne me lasse pas d’écouter sa respiration apaisée, régulière, de regarder le drap léger qui couvre son torse onduler au gré de ses inspirations.

    Et je ne me lasse pas de constater à quel point notre relation a évolué en quelques mois.

    Depuis Campan, c’est le bonheur absolu entre nous. Je n’aurais jamais osé espérer qu’un jour on se réveillerait tous les deux dans mon lit, dans ma chambre, dans la maison de mes parents, après avoir fait l’amour.

    Et qu’est-ce que je suis content que Jérém et mon père aient bien accroché autour du rugby ! C’est important l’entente entre un beau-père et un beau fils ! Je rêve d’un avenir radieux avec mon bobrun, un coming out sans entraves auprès de mon père. Quand on est heureux, on rêve facilement. Car, oui, à cet instant précis, je suis heureux. Du moins dans ma vie sentimentale avec Jérém. Si seulement il avait été recruté par un club à Bordeaux, ou si j’avais pu choisir des études à Paris… Ça me manque terriblement de ne pas être avec lui tous les jours.

    Lorsque Jérém émerge enfin, il a l’air un brin déboussolé. Il est tellement touchant !

    « Salut toi » je lui lance.

    « Salut. Il est quelle heure ? ».

    « Huit heures. Tu as bien dormi ? ».

    « Ça va. Toi aussi ? ».

    « Je dors toujours bien quand tu es avec moi » je lui lance, en l’embrassant doucement.

    Pour toute réponse, mon bobrun se glisse sur moi, prend ma tête entre ses mains et me fait plein de bisous. Les petits frottements de nos deux torses provoque en moi une montée d’excitation presque instantanée. Une tempête de frissons se déclenche dans mon corps. Et je bande en un éclair.

    « Tu me fais bander, Jérém » je lui chuchote, en frissonnant de bonheur.

    « Je sais, toi aussi tu me fais bander ».

    « J’ai envie de toi ».

    Et là, le bogoss se laisse glisser sur moi, tout en posant un délicieux chapelet de bisous sur mon torse, en s’attardant à mordiller mes tétons, en descendant lentement mais assurément vers ma queue. Lorsque ses lèvres et sa langue enveloppent mon gland, c’est un bonheur inouï.

    Jérém entreprend de me pomper avec douceur, faisant monter mon excitation et mon envie de jouir à chaque va-et-vient.

    Mais le bogoss a bien d’autres projets en tête. A un moment, il se relève brusquement, il glisse deux oreillers derrière ma nuque. Il s’installe à cheval sur mon torse, en appui sur ses genoux et il approche sa queue bien tendue de mes lèvres. Je regarde son torse de bas en haut et j’en suis impressionné. J’ai beau les avoir vus des dizaines de fois à poil, ce torse et ce mec m’impressionnent toujours autant.

    Mais qu’est-ce qu’il est bien foutu mon Jérém, putain ! Ses pecs et ses abdos et ses biceps sont plus saillants que jamais. Qu’est-ce que ce jeune mâle donne envie de se faire déglinguer et de satisfaire le moindre de ses désirs sexuels !

    J’avale son manche tendu avec bonheur, je regarde l’ondulation de ses abdos avec enchantement j’accueille ses coups de reins virils mais doux avec délice. J’ai envie de sentir ses giclées percuter mon palais, j’ai envie de retrouver son goût viril.

    Mais là encore, le bogoss a d’autres projets. Et je me laisse porter, comme ensorcelé par sa virilité flamboyante.

    Jérém passe une main sous ma nuque, ce qui provoque en moi des frissons inouïs, la soulève doucement, il récupère l’un des oreillers pour le glisser sous mes reins.

    Un instant plus tard, il vient en moi, me remplit avec son manche gonflé à bloc. Il se laisse glisser lentement, jusqu’à la garde. Puis, il se penche sur moi, m’embrasse longuement, tout en envoyant de tout petits coups de reins, comme des caresses intimes et divinement sensuelles.

    Mais lorsqu’il se relève, lorsque son beau torse me domine de toute sa puissance, ses coups de reins se font bien plus musclés. Ses mains attrapent mes chevilles, les posent sur ses épaules. J’adore sa façon de manipuler mon corps pour rechercher son plaisir. J’adore le voir dans cette position, le torse légèrement vers l’arrière, les pecs bien bombés, les biceps tendus, les abdos qui travaillent avec son bassin pour envoyer des coups de reins amples et souples.

    Et ce qui rend la chose encore plus excitante, c’est d’entendre autour de nous de petits bruits venant de la cuisine, nous rappelant que mes parents ne sont pas loin.

    Et j’adore guetter la montée de son plaisir, dans ses gestes, les attitudes de son corps, les expressions involontaires de son visage, les mouvements de sa tête, les changements d’allure de ses coups de reins, les évolutions du rythme de sa respiration.

    Et lorsque l’orgasme vient enfin, lorsque son corps se raidit, lorsque son visage se crispe, lorsque son esprit s’évapore sous l’effet d’un frisson de plaisir débordant ; lorsque je le sais, son jus de mec quitte ses couilles, gicle de sa queue et vient se loger au plus profond de moi, je ressens tellement de bonheur et de plaisir que je connais une sorte d’orgasme mental, tout aussi fort que l’orgasme physique.

    Quant à ce dernier, il n’est jamais trop loin après que mon bobrun m’ait bien limé et rempli. Ainsi, il suffit que sa main enserre ma queue, qu’elle la secoue avec quelques mouvements fermes, pour que ma jouissance explose et que de nombreuses giclées s’abattent sur la peau de mon torse, jusqu’à mes tétons, jusqu’à mon menton.

    « Je croyais que ça te gênait de faire l’amour chez mes parents » je le charrie.

    « C’est tellement bon » il se contente de me répondre, avant de poser un bisou sur mes lèvres.

    « Putain, que oui… ».

    « Je peux reprendre une douche ? » il me demande.

    Sa question me fait sourire et me remplit de tendresse. Comme si pouvais lui dire non.

    « Bien sûr que oui, tu peux » je fais, sur un ton moqueur.

    « Je demande, je ne suis pas chez moi ».

    « Si, tu es chez toi ici ».

    Nous passons à la douche l’un après l’autre. En haut des escaliers, juste avant de descendre, et alors que mon père est dans le salon en bas, je vole un dernier bisou à mon bobrun gêné.

    Ça me fait une drôle de sensation de descendre retrouver mes parents alors que nous venons de faire l’amour une nouvelle fois. Une sensation qui se dissipe rapidement au contact de l’accueil chaleureux de mon père.

    « Ça va les gars ? Vous avez bien dormi ? ».

    « Très bien, monsieur. Et vous ? » fait Jérém.

    « Il faut arrêter de m’appeler monsieur. Moi c’est Alain ».

    « D’accord, Alain ».

    « Tu veux un café, Jérémie ? ».

    « Avec plaisir ».

    Ça me fait un bien fou de les voir si proches. Jérém semble avoir accompli le tour de force de se mettre papa dans la poche. Papa qui n’est pas vraiment du genre à donner facilement son estime à qui que ce soit, je suis bien placé pour le savoir. Alors, ça me fait d’autant plus plaisir de voir que ça se passe bien entre eux.

    « Bonjour les garçons » fait maman en apportant un plat avec des tranches de pain grillé.

    « Jérémie, comme je ne sais pas ce que tu prends au petit déjeuner, j’ai fait griller du pain. Il y a des confitures. Mais si tu veux autre chose tu me dis ».

    « Ça ira, madame, merci ».

    J’adore cette façon de Jérém d’appeler papa « monsieur » et maman « madame », comme un gosse qui s’adresse à des adultes. Et j’adore aussi le fait que mes parents ont comme « adopté » le garçon qui me rend heureux. Le seul bémol, c’est que si maman l’a fait en toute connaissance de cause, papa l’a fait en ignorant encore un détail plutôt essentiel de notre relation. J’espère vraiment que quand je vais lui apprendre ce détail, ça va bien se passer.

    « Quels sont tes projets pour aujourd’hui, Jérémie ? » le questionne mon père.

    « Je vais aller revoir mon frère à Purpan et après je vais aller voir mon père ».

    « Il habite où ? ».

    « Il est du côté de Condom, dans le Gers ».

    « Et il fait quoi par là-bas ? ».

    « Il cultive de la vigne, il a une cave ».

    « Ah, c’est un beau métier ça ».

    « Il aime ça ».

    « Et tu ne voudras pas reprendre l’affaire plus tard ? ».

    « Je ne pense pas. Ce n’est pas dans mes projets ».

    « Tu verras bien. Et au fait, comment tu vas y aller à Condom ? Si t’as besoin d’une voiture, je peux te filer la vieille Golf. Elle n’est plus toute fraîche mais elle roule bien ».

    Alors là, papa me cloue le bec.

    « C’est gentil mais je viens de demander à un pote de m’en prêter une ».

    « Ok, mais si tu as besoin, tu sais que tu peux demander. Et tu reviens sur Toulouse ce soir ? ».

    « Je ne sais pas encore ».

    « En tout cas, sois à l’aise, tu peux revenir dîner et dormir ici autant que besoin ».

    « Merci, je ne sais pas quoi dire, à part merci ».

    « De rien. Moi aussi j’ai été rugbyman. Ça m’a toujours désolé que Nico ne s’y intéresse pas… ».

    Ça c’est papa tout craché. Jamais un encouragement, mais jamais rater une occasion pour dire quand il est déçu par moi.

    « Entre rugbymen » il ajoute « il faut se serrer les coudes ».

    « Merci monsieur ».

    « Alain ! ».

    « Oui, Alain… ».

    « Tu veux un autre café ? » lui demande maman.

    « Non, merci. Je vais y aller. Merci pour tout ».

    J’accompagne mon adorable Jérém vers l’entrée de la maison. Nous sommes à la vue de mes parents, alors je ne peux même pas lui faire un bisou.

    « Tes parents sont vraiment géniaux ».

    « Tu es un garçon adorable, c’est normal ».

    « Tu parles ».

    « Reviens dormir à la maison ce soir ».

    « Je te tiens au courant ».

    « Je vais essayer de rappeler Thibault ».

    « Tiens-moi au courant aussi ».

    « Bien sûr. Et toi aussi, donne-moi des nouvelles de Maxime ».

    « Ok, pas de problème ».

    « Je t’aime Jérém ».

    Son beau sourire doux et touché est une réponse qui vaut tous les mots de la terre.

    Je le regarde s’éloigner dans la rue, mes yeux ont du mal à se détourner du gars qui m’a fait l’amour cette nuit et ce matin encore. Il beau comme un Dieu. Et il fait l’amour comme un Dieu. Et je suis tellement fier du gars qu’il est devenu !

    A l’instant où il disparaît de ma vue, Jérém me manque déjà.

    Je reviens dans le séjour, j’aide maman à débarrasser. J’essaie ensuite de rappeler Thibault, mais je tombe à nouveau sur le répondeur. De plus en plus inquiet à son sujet, je lui laisse un nouveau message.

    « Salut, Thibault. Je sais que tu m’as dit que tu veux prendre un peu de distance pour l’instant, mais je m’inquiète pour toi, après ce qui s’est passé à Toulouse. J’espère que tu vas bien. Envoie-moi au moins un petit message pour me dire comment ça va ».

    J’occupe le reste de la matinée à aider papa à remettre en place les étages des placards des chambres. En début d’après-midi, je vais retrouver Elodie. Elle garde toujours le sourire, malgré la douleur à l’oreille et un diagnostic qui se confirme comme étant plutôt défavorable pour son tympan touché.

    Je passe l’après-midi à attendre les coups de fil de Jérém et de Thibault. Des coups de fil qui ne viennent pas.

    Ce n’est que vers 19 heures, alors que nous sommes en train de dîner, que mon portable sonne enfin. Et l’écran affiche : « Thibault ».

    « C’est un autre pote qui est pompier » je lance à mes parents, pour justifier le fait de répondre au téléphone alors qu’on est à table, chose qu’ils voient à juste titre comme un manque se savoir vivre.

    Papa et maman acquiescent d’un simple geste de la tête.

    « Salut Thibault ».

    « Salut, Nico, comment ça me fait plaisir de t’entendre. Tu vas bien ? ».

    « Moi ça va. Et toi ? ».

    « Ça va » il lâche sur un ton qui me paraît abattu.

    Ses mots sont suivis d’un long silence.

    « T’es sûr que ça va ? ».

    « Non, ça ne va pas vraiment ».

    « Qu’est-ce qu’il se passe ? ».

    « Je me suis blessé pendant l’intervention ».

    « Qu’est-ce que tu as ? ».

    « Un genou en vrac ».

    « Je suis désolé. Mais tu es à l’hôpital ? ».

    « Non, je suis chez moi. Je viens de rentrer ».

    Je sens à sa voix que le beau pompier a le moral plus bas que ses chaussettes.

    « Je peux passer te voir si tu veux… ».

    « Mais tu es sur Toulouse ? ».

    « Oui, je suis rentré hier soir ».

    « Ta famille va bien ? ».

    « Oui, à part ma cousine qui a un tympan touché ».

    « C’est pas trop grave ? ».

    « Elle pense qu’elle va le perdre ».

    « C’est horrible, horrible, c’est un désastre ».

    Je sens dans ses mots une tristesse et un épuisement qui m’inquiètent. Je voudrais trouver les mots pour le rassurer mais je n’y arrive pas.

    « Nico… » je l’entends me lancer après un nouveau lourd silence.

    « Oui ? ».

    « Passe me voir, ça me fera du bien ».

    J’entends dans sa demande comme un appel à l’aide. Appel auquel je ne peux me soustraire.

    « J’arrive ».

    Une demi-heure plus tard, je sonne à l’interphone du jeune pompier.

    « Je t’ouvre » j’entends une voix féminine m’annoncer.

    Il doit s’agir de sa copine. Je suis un peu déçu d’apprendre que Thibault n’est pas seul. Mais je me dois quand-même d’être là pour lui, alors qu’il a l’air d’aller vraiment mal.

    La porte de l’appart est entrouverte.

    « Nico ! » m’accueille chaleureusement le jeune stadiste.

    Thibault est installé en position demi-assise sur le clic clac ouvert en mode lit, le dos calé par plusieurs oreillers. Il a un grand pansement autour du genou droit, un autre sur l’arcade sourcilière gauche, son visage présente de nombreuses traces de blessures. Même s’il se force à sourire, je vois qu’il a l’air sonné. Mon Dieu qu’il a l’air mal en point mon adorable pote Thibault !

    « Salut Thibault » je lui lance en m’approchant de lui.

    « Ne bouge pas » j’ajoute, en voyant le beau pompier essayer de se lever avec grande difficulté.

    « Mais qu’est-ce que tu fais, chéri ? Le médecin t’a dit de ne pas bouger ! » lui lance une petite brune déboulant au pas de course depuis la cuisine.

    « Je suis foutu » fait Thibault, en essayant de rigoler. Mais je sens qu’il ne rigole qu’à moitié.

    « Mais non, t’as juste besoin de repos pour te remettre » fait la petite brune.

    Je me penche vers Thibault pour lui faire la bise. Et là, à ma grande surprise, le jeune pompier me serre très fort dans ses bras puissants, tellement fort que je manque de partir vers l’avant. Je dois prendre appui sur le dossier du clic clac pour ne pas tomber sur lui de tout mon poids.

    Je suis surpris de ces effusions de Thibault devant sa copine. Mais ça me fait plaisir de retrouver cette intimité amicale. Je suis aussi enivré par le parfum qui se dégage de lui, le même que d’habitude, un délicieux bouquet composé du parfum délicat de lessive et d’une fragrance légère de gel douche et de déo, un mélange de linge propre et de bogoss sexy.

    « Je suis content que tu sois venu » il me lance en me regardant droit dans les yeux, son visage à quelques centimètres à peine du mien.

    Touchant, adorable, émouvant, beau, doux et viril, puits à câlins au regard vert-marron dans lequel on a envie de se noyer, magnifique Thibault, ange et petit Dieu, généreux, altruiste. Ce sont des gars comme lui qui donnent envie de croire en l'espèce humaine.

    Lorsque je me relève, je surprends le regard fixe de Nathalie sur moi.

    « Nico, je te présente Nathalie » fait Thibault « ma copine. Mais aussi, mon infirmière à domicile ».

    « L’infirmière a un patient difficile à gérer » elle fait sur un ton railleur.

    « Mais l’infirmière est très dévouée à la tâche ».

    « Elle est fatiguée l’infirmière, elle n’a pas dormi depuis près de 24 heures et elle va encore se taper une garde de nuit ».

    Après avoir une nouvelle fois arrangé les oreillers dans le dos du beau pompier, Nathalie vient me faire la bise. Elle n’est pas très grande, et fine. Une petite brune pétillante. Elle est plutôt mignonne. Elle a l’air douce mais avec un caractère bien trempé.

    « Comment tu te sens ? » je questionne Thibault.

    « Bien, bien, je tiens le coup ».

    « Allez, je vous laisse entre mecs. Moi je file à l’hôpital. Tu le surveilles un peu, Nico ? » me branche Nathalie.

    « Pas de problème ».

    « Je compte sur toi pour l’empêcher de faire des bêtises ».

    « Je veille sur lui ».

    « A demain matin » elle lance, tout en embrassant longuement son chéri.

    Quand je regarde cette petite brune à côté de ce beau mâle, et je ne peux m’empêcher de mettre en parallèle la puissance du mec et le petit gabarit de la fille, je ne peux m’empêcher de l’imaginer dans les bras puissants du beau pompier, enveloppée par cette étreinte douce, virile et rassurante que je connais bien. Je les imagine peau contre peau, enlacés, en train de faire l’amour. J’imagine surtout Thibault en train de faire l’amour.

    Pendant que je lui refais la bise, alors qu’elle s’apprête à partir, j’ai envie de lui dire qu'elle a une chance inouïe d’être avec un mec pareil. Elle a l’air d’une chouette fille, j'espère qu’elle saura lui apporter le bonheur qu’un mec aussi charmant et adorable mérite. Car cette nana porte l’enfant de mon pote, et elle détient la clef de son bonheur.

    Nathalie vient tout juste de passer la porte lorsque Thibault pousse un grand soupir. Mais ce n’est pas un soupir de soulagement, c’est clairement un soupir de souffrance.

    « Ça va pas ? » je m’inquiète.

    « Je souffre le martyre ».

    « Au genou ? ».

    « Oui, mais aussi au dos, au cou ».

    Thibault soulève son t-shirt et dévoile son torse de statue grecque. C’est beau à en pleurer. Mais le frisson sensuel provoqué par la vision de son torse de malade se mélange très vite à la tristesse de voir son dos parsemé d’ecchymoses.

    « Oh, Thibault… ».

    « J’ai failli y passer, Nico. Ce coup-ci, c’est vraiment pas passé loin ».

    « Qu’est-ce qui s’est passé ? ».

    « On était sur le site une heure après l’explosion, on cherchait des blessés. On est rentrés dans un hangar et des pièces sont tombées du plafond. Je m’en suis pris une sur la tête et sur le dos. Ça m’a projeté au sol. C’était tellement violent que le casque a été déformé. Je suis tombé sur un autre débris et je l’ai heurté avec le genou. J’ai perdu connaissance, alors que le toit se disloquait. Heureusement un collègue m’a sorti de là, sinon j’y serais passé ».

    « Je suis vraiment désolé Thibault ».

    « J’ai eu peur, Nico, très peur. Et j’ai toujours peur, je n’arrive pas à oublier cette peur » fait-il, les yeux rougis, en retenant de justesse ses larmes.

    Je vois cette peur dans ses yeux. Je m’approche de lui et je le serre dans mes bras. Le jeune pompier se lâche enfin et pleure dans le creux de mon épaule.

    « C’est fini, c’est fini ».

    « Je suis désolé de t’imposer ça ».

    « T’inquiète, tu es mon meilleur pote et je suis content d’être là ».

    « Merci d’être venu, Nico, merci ».

    « J’ai senti que ça n’allait pas fort ».

    « Je n’ai jamais vu un tel désastre, Nico, je n’ai jamais vu de telles horreurs de ma vie. J’ai vu des trucs vraiment horribles. Je n’arrive pas à penser à autre chose, je me passe la scène en boucle ».

     « Pourquoi tu caches ta souffrance à Nathalie ? ».

    « Elle est enceinte, je ne veux pas qu’elle s’inquiète ».

    « Mais tu ne peux pas garder tout ça pour toi ».

    « Je n’ai pas envie de lui infliger ça. De toute façon, c’est trop dur. J’en fais des cauchemars. Je n’arrive plus à dormir. J’ai l’impression que je vais devenir fou ».

    « C’est encore frais, ça va se calmer avec le temps » je tente de le rassurer.

    « Ces blessures vont guérir » il répond, en indiquant son pansement au genou « Mais ces autres » il ajoute, en indiquant sa tête « ne vont pas guérir de sitôt ».

    « Si tu veux en parler, tu peux compter sur moi ».

    « Je n’y tiens pas Nico ».

    « Je comprends. Mais je pense que tu devrais en parler quand-même. Je suis certain que ton médecin pourrait t’orienter vers quelqu’un qui pourrait t’aider ».

    Thibault ne répond pas, il a l’air tellement mal. Je le vois mordiller sa lèvre, respirer fort, essayer de retenir ses larmes. Il est tellement touchant, tellement émouvant. Je le prends une nouvelle fois dans mes bras et il éclate à nouveau en sanglots.

    Je le serre contre moi pour essayer de le réconforter mais je n’arrive pas à le calmer. Je suis bouleversé par sa souffrance. Son mal être est profond, et tellement injuste. Je sais que pompier est un métier à risque. Mais je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi le sort est si injuste avec un gars aussi merveilleux.

    Soudain, je réalise que je suis en train d’enlacer Thibault dans ce clic clac où Jérém et lui ont couché ensemble. Mais cela n’a plus d’importance, je ne sais même pas comment j’ai pu lui en vouloir autant.

    Le contact avec le beau pompier me procure d’intenses frissons. La solidité, la puissance, la chaleur de son corps, même meurtri, m’impressionnent. Le contraste entre la puissance du muscle et la douceur de la peau de ses biceps me rappelle des moments d’intense sensualité et de plaisir de la nuit où nous avions partagée avec Jérém. Son empreinte olfactive de jeune mec m’enivre. Son cou puissant à portée de bisous est si tentant.

    « Je suis tellement fatigué » je l’entends soupirer.

    « Ça va aller Thibault, tu es un sacré bonhomme, tu vas remonter la pente ».

    « Je ne sais pas si j’en ai l’énergie ».

    « Tu as une équipe qui t’attend ».

    « Avec mon genou en vrac, je ne pourrai pas jouer pendant des mois ».

    « Et franchement, je ne sais même plus si j’ai envie » il continue, avec une voix faible « Être payé pour jouer au ballon, ça me parait tellement vide de sens. Passer ma vie à m’occuper de mon corps, de mes performances, de mon alimentation, à tourner autour de moi, juste pour être prêt à courir après un ballon, je sens que je ne pourrai pas faire ça longtemps. Après ce que j’ai vu vendredi, je crois que je ne pourrai plus le faire du tout ».

    « Tu veux plaquer le rugby ? ».

    « J’y pense de plus en plus ».

    « Pour faire quoi ? ».

    « Je vais revenir au garage. Mon ancien patron me reprendra ».

    « Et les pompiers ? ».

    « Je ne peux plus. J’ai vu trop d’horreurs, je ne peux plus ».

    « Mais tu ne peux pas renoncer à tous tes rêves ».

    « Quelque chose s’est brisé en moi vendredi dernier et je ne crois pas que je vais arriver à le réparer de sitôt. J’ai eu peur et la peur ne me quitte plus. J’ai besoin de me concentrer sur l’essentiel. D’avoir un taf, un salaire, une vie tranquille. J’ai besoin d’être là quand mon gosse va arriver. C’est peut-être égoïste, mais c’est comme ça ».

    « Thibault, tu es un gars merveilleux. Je crois, non, je suis sûr que je ne connais personne d’aussi courageux, altruiste et généreux que toi ».

    « Ce Thibault-là n’existe plus ».

    « Je suis sûr que si. Il se cache parce qu’il a peur. Mais il ne pourra pas rester planqué longtemps. Tu es un pompier dans l’âme et tu le seras toute ta vie. Tu as des valeurs, des merveilleuses valeurs. Tu as besoin de te sentir utile. Non pas parce que ça fait du bien à ton égo, mais parce que tu es quelqu’un de bien, un gars comme il n’en existe pas des légions. Tu es un gars rare, Thibault. Et je suis heureux, à un point que tu n’imagines même pas, de te connaître et d’avoir ton amitié ».

    « Ça me touche ce que tu viens de dire ».

    « Je le pense vraiment, vraiment. Ne change jamais Thibault, jamais, ne laisse pas la vie t’atteindre au point d’oublier qui tu es. Tu es quelqu’un de trop précieux ».

    « Nico » il soupire, en me serrant très fort contre lui et en posant des bisous dans mon cou. Mais un instant plus tard, comme s’il regrettait son geste, il se laisse glisser de côté, la nuque sur mon ventre. Je caresse ses cheveux et son visage meurtri et le jeune pompier semble s’apaiser peu à peu.

    Nous restons ainsi, en silence, pendant un bon moment. Des longues minutes pendant lesquelles mon regard est aimanté par ses traits doux et virils à la fois, par son cou puissant, ses épaules charpentées, ses biceps musclés, ses pecs ondulant au rythme de sa respiration.

    Ma tête se met à tourner, mon cœur s’emballe. Mon corps est sans cesse parcouru par d’intenses frissons, j’ai du mal à respirer calmement. Sa peau douce, comme un aimant à câlins, est à portée de mes mains, à quelques centimètres de ma bouche.

    Je crève d’envie de poser un chapelet de bisous sur son cou, à la base de sa nuque, sur les quelques petits poils sur ses avant-bras, sur cette petite légère tache de naissance sombre derrière le biceps que je n'avais jamais encore remarquée.

    Ses bisous m’ont touché. Car il a tant de détresse dans ces baisers. Et pourtant, je ne peux m’empêcher de ressentir dans ces baisers comme une note de sensualité. Je ressens un doux frisson d’excitation parcourir mon corps. Je bande. J’ai envie de lui.

    Je sais que je ne devrais pas ressentir ça pour un autre gars que Jérém. Et pourtant, je ne peux pas m’en empêcher. La beauté et la sensualité masculines me font tellement d’effet. Un effet qui est totalement hors de mon contrôle. Et en matière de beauté et de sensualité, Thibault est un sacré morceau.

    Le désir est un réflexe, un instinct primaire qui me tombe dessus comme l’appétit, la soif, le sommeil. Et là-dedans, ma volonté n’a aucune voix au chapitre. Je peux maîtriser mes actes, mais en aucun cas mon désir.

    Comme je comprends désormais la tentation qui a été celle de Thibault, sur ce même clic clac, en cherchant le contact physique avec son Jé, pour le réconforter, lorsqu’il était en détresse comme lui l’est maintenant.

    La tendresse qu’on offre pour réconforter à un gars qui nous attire est comme posée sur un plan incliné sur lequel elle risque à tout moment de glisser vers la sensualité.

    L’excitation de mes sens ne trouve de répit que lorsque j’entends la respiration du bomécano s’apaiser et glisser vers un tout petit ronflement, si mignon, qui m’annonce son assoupissement.

    Repose-toi, bonhomme, reprends tes forces, tu l’as bien mérité.

    Je sens mes muscles se relâcher peu à peu, je sens la fatigue me gagner. Et je finis par m’assoupir à mon tour.

     

    C’est la sonnerie de mon portable qui me fait émerger brusquement. Je le cherche dans ma poche, j’ai du mal à le sortir. Lorsque j’y arrive enfin, j’ai tout juste le temps de voir « MonJérém » s’afficher sur l’écran, que la sonnerie cesse d’un coup.

    J’ai le cœur qui bat à mille. Entre autres, parce que la situation me paraît soudainement gênante. Parler avec Jérém alors que je suis dans le clic clac de Thibault, alors qu’il dort la tête posée sur mon torse, même s’il ne s’est rien passé entre nous à part des câlins, me met mal à l’aise. Je me dis que je le rappellerai une fois sur le chemin vers chez moi.

    Je regarde Thibault bouger sa tête, émerger à son tour, l’air complètement assommé.

    « Il est quelle heure ? » il me questionne, la voix pâteuse.

    « Dix heures quarante. Je devrais y aller… ».

    J’ai tout juste le temps de terminer ma phrase alors que mon portable sonne à nouveau.

    « Excuse-moi, je dois répondre » je lui glisse, en soulevant doucement sa tête pour me lever du clic clac. Je me dirige vers la fenêtre donnant sur le paysage urbain illuminé. Je me fais la réflexion que ma ville est à l’image de Thibault. Qu’est-ce qu’elle belle, même lorsqu’elle est meurtrie !

    « Allo ? » je décroche enfin.

    « Ourson… ».

    « Ça va toi ? ».

    « Bien, bien ».

    « Et ton frangin ? ».

    « Bien aussi, son trauma crânien est toujours en observation. Les médecins ne veulent pas se prononcer pour l’instant. Ecoute, Nico, je n’ai pas beaucoup de batterie, ça risque de couper. Je suis toujours dans le Gers, j’ai dîné chez des voisins. Je vais rester dormir chez mon père cette nuit. Je reviens sur Toulouse demain, je passerai te voir dans la matinée. Bonne nu… ».

    Je n’ai pas le temps de lui souhaiter une bonne nuit à mon tour que la communication est coupée.

    « C’était Jé, hein ? » me lance Thibault, alors que je range mon téléphone dans ma poche.

    « Oui ».

    « Il va bien ? ».

    « Oui, il va bien, mais il s’inquiète pour son frère ».

    « Il va bien Maxime ? ».

    « Il a été blessé dans son lycée. Il a un trauma crânien, et les médecins ne savent pas trop comment ça va évoluer ».

    « Du coup, Jé est sur Toulouse ».

    « Oui, depuis hier. Là il est chez son père ».

    « Tu lui passera le bonjour de ma part » fait le beau pompier, l’air ailleurs.

    « Je n’y manquerai pas. Thibault, il se fait tard, je crois que je vais y aller ».

    « D’accord, Nico. En tout cas, merci encore d’être venu ».

    « T’as besoin de quelque chose ? ».

    « Aide moi à me lever, s’il te plaît pour aller à la salle de bain ».

    J’attrape la bonne paluche que le beau pompier me tend. Je l’aide dans ses mouvements pour se mettre debout. Je lui passe ses béquilles et je le regarde avancer lentement vers la salle de bain. Ça me rend terriblement triste de le voir si mal en point. Et ce ne sont pas ses blessures visibles qui m’inquiètent le plus.

    « Merci Nico ».

    « Ça va aller ? » je le questionne, alors qu’il trébuche et se rattrape de justesse à la cloison du couloir pour ne pas tomber.

    « Oui, ça va aller. J’ai envie d’un café, tu en voudrais un aussi ? ».

    « Pourquoi pas ».

    « Tu veux nous en faire chauffer, s’il te plaît ? ».

    « Avec plaisir ».

    Ainsi, pendant que le beau pompier se soulage, je fais chauffer deux tasses de café.

    Thibault revient une minute plus tard et nous buvons nos boissons en silence. Je cherche son regard, en vain. Car son regard semble perdu dans le vide, comme quelqu’un qui est à moitié endormi. Ou très soucieux.

    « Tu veux m’accompagner dans la chambre avant de partir ? ».

    « Avec plaisir ».

    Thibault a bien de mal à se remettre debout. Ses pas sont mal assurés Je l’accompagne en tenant ses épaules massives, je surveille à chaque pas qu’il ne tombe pas. Je l’accompagne ainsi jusqu’à sa chambre.

    C’est la première fois que je rentre dans cette pièce qui, d’une certaine façon, représente à mes yeux l’intimité ultime d’un garçon. C’est ici que le beau pompier dort, rêve, fait l’amour. Découvrir cette chambre n’est pas sans me faire un certain effet.

    Je l’aide également à s’installer au lit. Je l’aide à enlever son short et son t-shirt. La vision de ses cuisses musclées et de son torse massif, taillé en V, sculpté, de ses pecs légèrement poilus, de ses grands tétons saillants, de la belle bosse que fait son boxer bleu me donne des frissons intenses. Mon Dieu qu’est-ce qu’il est bien foutu ce petit Dieu !

    Soudain, le souvenir du plaisir de la nuit chez Jérém remonte violemment à mon esprit. Je revois le beau pompier en train de me faire l’amour, de me donner du plaisir, de prendre du plaisir. Je sens mon esprit vaciller sous l’effet d’un désir dévorant. Une fois de plus, je culpabilise de ressentir autant d’attirance pour Thibault, alors que je suis si bien avec Jérém, alors que la nuit d’avant j’ai fait l’amour avec lui dans ma chambre, chez mes parents. Mon cœur tape très fort dans ma poitrine, ma respiration est tremblante. J’ai besoin de prendre l’air. Il faut que je parte, il faut que j’arrête de penser à ça.

    Le beau pompier se glisse sous les draps, son corps de malade disparaît de ma vue. Je profite de ce répit pour prendre congé.

    « Ça va aller, Thibault ? ».

    « Ça va aller ».

    « Je file alors » je fais, en me penchant sur lui pour lui faire la bise.

    « Merci encore d’être venu, ça m’a fait du bien ».

    « De rien, ça m’a fait plaisir, même si j’aurais préféré te voir plus en forme ».

    « Il ne faut pas te faire du souci pour moi. J’ai juste un coup de blues, mais ça va passer ».

    Pourtant, malgré ses mots qui se veulent rassurants, j’ai mal au cœur de le laisser. Il a l’air si mal, si angoissé.

    « Prends soin de toi, Thibault. Passe une bonne nuit ».

    « Bonne nuit, Nico ».

    J’ai tout juste le temps d’approcher le battant de la porte de la chambre lorsque j’entends Thibault m’appeler.

    « Nico… ».

    Je reviens illico dans la chambre.

    « Qu’est-ce qui se passe ? ».

    « Je ne veux pas rester seul cette nuit. Tu peux rester dormir ? ».

     

    J’ai un peu hésité. Je me suis demandé si c’était bien. Je me suis demandé ce qu’en penserait Jérém. Je me suis demandé à quel point ce serait dur pour moi de passer la nuit à côté d’un si beau garçon, avec qui j’ai déjà couché, et de devoir faire face à un désir violent, à une tentation impitoyable.

    Mais devant la détresse de mon ami Thibault, je n’ai pas pu dire non. J’ai envoyé un sms à maman et je me suis glissé sous ses draps. Il est venu se blottir contre moi. Peu à peu, j’ai senti sa respiration s’apaiser. Le beau mécano a fini par s’endormir.

    Thibault a besoin de repos. Je l’ai trouvé très fatigué, physiquement et moralement. Il a besoin de dormir longuement.

    Pour ma part, j’ai plus de mal à m’endormir. C’est dur de dormir à côté d’un mec aussi sensuel, de le sentir blotti contre moi, sans avoir envie que ça aille plus loin qu’un simple câlin. Le contact avec son corps, de son torse nu, de sa peau chaude (même si j’ai heureusement gardé mon t-shirt), la proximité de son sexe caché par une fine couche de coton, le parfum de sa peau, sa présence virile me donnent des frissons.

    Bien sûr, je sais que la demande de Thibault n’a pas d’arrière-pensée. Mon pote ne veut rien tenter de sensuel. De toute façon, il n’est pas vraiment en état pour ça. Ce dont il a besoin cette nuit, pour trouver le sommeil, est d’une présence rassurante à ses côtés. Celle d’un pote avec qui il est à l’aise pour partager ce qu’il cache certainement à son entourage. Son mal être.

    Quant à moi, j’essaie de me maîtriser mais je suis excité, je bande à nouveau. La proximité est le terreau de la tentation.

    Mais ça me fait plaisir d’être là pour lui, vraiment plaisir.

    A un moment, Thibault réémerge et me lance :

    « Tu es un bon gars, Nico ».

    « Toi aussi, toi aussi ».

    Et là, après un petit silence, il me lance une phrase qui va me bouleverser :

    « Tu sais, si on s’était rencontrés dans une autre vie, dans un autre monde, dans d’autres circonstances, je pense qu’on pourrait être plus que des potes ».

    Depuis notre précédente rencontre, depuis que Thibault m’avait parlé de ce gars qui lui faisait de l’effet mais qui lui était tout aussi inaccessible que Jérém, je me doutais bien que ça pouvait bien s’agir de moi. Mais je n’avais pas osé, je n’avais pas voulu le croire. Car cette idée me flattait et me faisait peur à la fois.

     

    Lorsque je me réveille, il est près de 9h00. Thibault dort sur le dos, le drap en travers de son torse, dévoilant un téton et cachant l’autre. Son visage est serein, apaisé. Il est terriblement beau. Ma trique matinale rend ma frustration insupportable. J’ai envie de me branler. Je suis sur le point de me lever pour aller me soulager dans la salle de bain.

    Soudain, je suis surpris par un bruit venant du séjour. Suivi d’un claquement de porte. Et des bruits de pas sur le carrelage.

    Zut alors, Nathalie est rentrée. Soudain, je ressens un immense malaise me submerger. Je suis dans le lit avec Thibault, son mec, le futur père de son enfant. Bien sûr, il ne s’est rien passé entre nous, à part de la tendresse, beaucoup de tendresse. Mais j’ai l’impression d’être pris avec la main dans le pot de Nutella. En plus, je bande comme un fou.

    Je bondis hors des draps de mon pote, je ramasse mes fringues, je me glisse dans la salle de bain en vitesse, tout en faisant moins de bruit qu’un félin ayant retracté ses griffes et ne marchant que sur ses coussinets. Je me rhabille en vitesse, j’arrange un brin ma tignasse. Et je ressors dans le couloir, je vais à l’encontre de Nathalie, tout en en l’appelant par son prénom, afin de pas la surprendre et de ne pas lui faire peur.

    « Oh, Nico, tu as dormi là ? ».

    « Oui, on a discuté jusqu’à tard avec Thibault. J’ai dormi sur le clic clac… je viens de me lever ».

    « Tu l’as trouvé comment ? » elle me questionne en me faisant la bise.

    « Pas bien. Mais il va aller mieux je pense ».

    « Je l’espère. Il dort toujours ? ».

    « Je crois ».

    « Je vais aller le voir ».

    « Je vais y aller, moi ».

    « Reste pour le petit déj. J’ai rapporté des croissants ».

    Nathalie revient quelques secondes plus tard.

    « Il dort comme un ange. Tu veux un café, Nico ? ».

    « Avec plaisir ».

    « J’ai eu très peur pour lui » me lance Nathalie.

    « Je comprends ».

    « Thibault est un gars unique ».

    « Je le sais, c’est mon meilleur pote ».

    « Alors tu dois savoir que je suis enceinte et qu’il va être papa ».

    « Il me l’a dit, oui ».

    « Je suis heureuse que ce soit lui. Il fera un papa extra ».

    « Je le crois aussi ».

    « Mais il faut le laisser tranquille, Nico » elle me lance, en baissant soudainement le ton de la voix et en me regardant droit dans les yeux.

    « Je sais qu’il a besoin de repos » j’imagine aller dans son sens, naïvement.

    « Je ne te parle pas de repos. Je vais être claire, Nico. Je pense que Thibault est attiré par toi ».

    « Pardon ? ».

    « Ça fait un moment que je me demande si Thibault est bi » elle me lance direct sans prêter attention à mon interrogation.

    « Et je suis certaine que tu es attiré par lui » elle enchaîne « je me demande même s’il ne s’est pas déjà passé quelque chose entre vous ».

    « Mais qu’est ce qui te fait penser ça ? ».

    « Une intuition. Certains de vos regards et de vos attitudes l’un envers l’autre. Je me trompe ? ».

    Je ne sais plus quoi lui répondre. Sa perspicacité me prend de court.

    « Regarde-moi dans les yeux et dis-moi qu’il ne s’est jamais rien passé entre vous… si c’est le cas ».

    « Nathalie… »

    « Allez, je ne vais pas me fâcher. Je veux juste savoir ».

    « Ça ne te regarde pas ».

    « C’est vrai, ce qui s’est passé ou pas dans sa vie d’avant ne me regarde pas. En revanche, ce qui va se passer à partir de maintenant, ça me regarde ».

    « Mais moi j’ai un mec, et je n’ai aucune intention de le tromper » je tente de la rassurer.

    « Tant mieux, je suis heureuse pour toi et je vous souhaite tout le bonheur possible. Mais Thibault, il faut le laisser en dehors de tout ça, d’accord ? Je vais fonder une famille avec lui, tu comprends ça, n’est-ce pas ? Je pense que tu peux comprendre ce que je ressens ».

    « Oui, je peux comprendre… » je suis obligé d’admettre.

    « je ne vais pas te demander de ne pas le voir, car il a besoin de ses potes pour remonter la pente. Mais il ne faut pas que ça dérape, ok ? ».

    « Ça n’arrivera pas, je ne veux pas tromper le gars que j’aime ».

    « Merci, Nico. Inutile de parler à Thibault de cette conversation, ça va sans dire ».

    « Ça va sans dire » je répète machinalement.

     

    Je quitte l’appart des Minimes sans avoir dit au revoir à mon pote blessé. Je quitte l’appart avec un étrange sentiment, avec un goût amer dans la bouche. Les mots de Nathalie sont justes, mais dures à entendre. Je pense que sa réaction est compréhensible. Mais en aucun cas je renoncerai à garder contact avec Thibault. Son amitié est trop précieuse pour moi. En ce moment, il ne va pas bien. Et on se doit de répondre présent lorsqu’un ami a besoin de nous.

    Il est environ 10 heures lorsque je rentre à la maison.

    « J’ai dormi chez un copain qui est pompier et qui a été touché pendant l'intervention à AZF » je réponds aux questionnements de mon père.

    Je suis toujours secoué par la conversation avec Nathalie.

    Il est presque midi lorsque je reçois un coup de fil de Thibault.

    « Désolé d’avoir dormi si tard. Je ne t’ai pas entendu partir ».

    « Ça t’a fait du bien ? ».

    « J’en avais besoin. C’est la première nuit où je dors bien depuis trois jours ».

    « Je suis content pour toi ».

    « Merci encore d’être resté, Nico ».

    « C’était un plaisir ».

    « Tu rentres bientôt à Bordeaux ? ».

    « Demain, je pense ».

    « Fais moi signe quand tu reviens sur Toulouse ».

    « Promis, mais ça risque de ne pas être avant quelques temps ».

    « N’oublie pas de passer le bonjour à Jé ».

    « C’est comme si c’était fait ».

    Pendant le coup de fil, j’ai l’impression de ressentir dans le ton de sa voix la présence persistante de cette détresse qui m’inquiète. Je sens qu’il ne va toujours pas bien et je ne suis pas tranquille. Je passe la matinée à penser à tout ça. Mais aussi à attendre un coup de fil de Jérém. J’essaie de l’appeler plusieurs fois, je tombe toujours sur le répondeur.

    Il est 13 heures lorsque mon portable sonne enfin. L’écran affiche un numéro en 05, mais dont les chiffres suivants n’ont rien de toulousain.

    « Allo ? ».

    « Ourson ».

    « Tu es où p’tit loup ? ».

    « Chez mon père, à la ferme ».

    « C’est son téléphone fixe qui s’affiche ? ».

    « Oui, j’ai oublié mon chargeur à Paris et je n’ai plus de batterie ».

    « Tu fais quoi ? ».

    « On va manger, là ».

    « Ça s’est arrangé entre vous ? ».

    « Sa pétasse est partie dans sa famille, alors on se supporte mieux ».

    « Tu as des nouvelles de Maxime ? ».

    « Ça va mieux, apparemment les médecins sont plus optimistes aujourd’hui. Il a surtout besoin de repos ».

    « Tu rentres sur Toulouse ce soir ? ».

    « Oui, car j’ai un train très tôt demain matin pour Paris ».

    « Viens dîner et dormir à la maison ».

    « Non, Nico, ce serait abuser ».

    « J’insiste. Ma mère sera contente. Et mon père aussi. Je crois qu’il t’apprécie bien ».

    « C’est ça » il se marre.

    « Allez, viens. J’ai envie de te voir avant que tu repartes à Paris… ».

    « On se verra plus tard ».

    « Mais j’ai grave envie de toi… ».

    « Coquin, va ».

    « Toi non… ».

    « Tu as des nouvelles de Thib ? ».

    « Je l’ai vu hier soir ».

    « Il va bien ? ».

    « Il a été blessé en intervention, il a un genou en vrac ».

    « Merde ! ».

    « Mais c’est surtout le moral qu’il a en vrac. Ce qu’il a vécu l’a vraiment secoué. Il a le moral dans les chaussettes. Mais il te passe le bonjour ».

    « Tu sais quoi, Nico ? ».

    « Quoi ? ».

    « Je vais passer quelques coups de fil et je vais organiser une petite soirée ».

    « A quoi tu penses ? ».

    « Je vais voir. Je te tiens au courant ».

     

    Jérém me rappelle en milieu d’après-midi.

    « On se retrouve à 18h30 en bas de chez Thib ».

    « D’accord, j’y serai ».

    « Tu savais qu’il avait une copine, et qu’elle vit chez lui ? » il me questionne.

    « Je l’ai rencontrée hier soir ».

    Jérém m’explique que Nathalie a été contactée pour savoir si Thibault était assez en forme pour apprécier une petite soirée entre mecs. Elle a répondu que oui, mais qu’elle ne serait pas de la partie puisqu’elle part travailler à l’hôpital à 18 heures pour la garde de nuit. Ce qui tombe plutôt bien, car une soirée entre mecs, c’est une soirée entre mecs ! Je me dis qu’elle doit ignorer que je fais partie de l’expédition. Et puis, de toute façon, je l’emmerde.

    A 18h30, en bas de chez Thib, nous sommes quatre. Je me retrouve en compagnie de trois rugbymen, mon Jérém, ainsi que Thierry et Julien, les bras chargés de pizzas et de bières. Ce soir, les « quatre fantastiques », les « quatre inséparables » de l’ancienne équipe de rugby vont à nouveau être réunis. La soirée s’annonce belle et émouvante.

    Je regarde les trois potes discuter et déconner entre eux. Julien et Thierry questionnent Jérém sur ses entraînements parisiens, ils le charrient. Leur complicité me fascine toujours autant.

    Je suis très fier de l’initiative de Jérém. Y aller tout seul, ça aurait été compliqué. Mais réunir les « quatre fantastiques », je trouve ça une idée de génie. Je suis certain que revoir ses potes va faire du bien au jeune pompier blessé. Je suis tout excité à l’idée de voir sa réaction.

    Nous prenons l’ascenseur et dans le petit espace je suis happé par le mélange de parfums de jeunes mecs, par leurs rires, leur bonne humeur, leur joie de vivre. Je me dis que c’est exactement ça dont Thibault a besoin.

    C’est Thierry qui se charge de taper à la porte du jeune pompier.

    « Qui c’est ? » j’entends Thibault demander depuis le salon.

    « Le livreur de pizzas ».

    « C’est pas ici, je n’ai rien commandé. Vous faites erreur ».

    « Non, il n’y a pas d’erreur. Sur l’adresse il y a marqué « Sacré Thib, pompier valeureux, futur gagnant du Brennus, un pote en or massif ».

    « Thierry, c’est toi ? ».

    « Tu le sauras quand tu auras ouvert la porte ».

    « Il va me falloir un peu de temps, andouille ».

    « Je ne suis pas pressé. Ne te casse pas la gueule, papi ».

    « Qu’est-ce que tu… » fait Thibault en ouvrant la porte.

    « Salut !!! » lancent les gars, en une seule voix, un cœur viril.

    « Qu’est-ce que vous… » il tente de se reprendre.

    « On s’invite pour une petite soirée. On a tout prévu, la bouffe et surtout la boisson » lâche Thierry, face à un Thibault bouche bée, l’air surpris et touché.

    Les retrouvailles démarrent à grands coups de bises viriles.

    Nous nous retrouvons ainsi chez le beau pompier à partager des pizzas, des bières (juste une pour moi), des pétards (à peine quelques taffes pour moi) et de la bonne humeur. Beaucoup de bonne humeur. Thierry est vraiment un joyeux luron, je pense qu’il serait capable de faire rire une statue de cire.

    Très vite, la complicité des quatre fantastiques renaît de l’évocation des souvenirs des expériences marquantes qu’ils ont partagées. Pendant de longs moments, la conversation porte sur le rugby, sur les matchs, sur les actions de la dernière saison qui ont mené leur équipe à gagner le tournoi.

    Très vite, comme la veille pendant la conversation entre Jérém et mon père, je me sens un brin exclus de cette conversation, mais je m’en fiche. C’est une soirée pour Thibault et l’important c’est qu’il se sente bien. Et le beau pompier a l’air heureux et ça fait plaisir à voir. Et ce qui me fait plaisir par-dessus tout, c’est de le voir discuter avec Jérém, rigoler avec, dans une complicité qui ressemble à celle du bon vieux temps. Je serais tellement heureux s’ils pouvaient enfin retrouver leur amitié d’antan !

    La soirée avance dans la bonne humeur et la détresse semble peu à peu disparaître du regard du jeune pompier. Je le regarde prendre vigoureusement part à la conversation, rigoler jusqu’à ce que ses blessures ne le rappellent à l’ordre.

    « Putain, ça fait mal » fait-il à un moment, en se tenant le cœur.

    « T’es bon pour la casse » fait Thierry en passant un bras autour du cou de son pote blessé.

    « Je crois, oui… ».

    « Allez, à partir de maintenant, on va se raconter des trucs qui ne font pas rire. On va parler de taf et de filles moches. Il faut économiser papi ».

    « Mais ta gueule ! ».

    Et la conversation repart de plus belle, les rires fusent, alors que Thibault apprend à maîtriser les siens pour ne pas avoir mal.

    A aucun moment, il est question de parler de ce que Toulouse a vécu deux jours plus tôt. A aucun moment, il est question de parler de ce que Thibault a vécu deux jours plus tôt.

    On le questionne sur ses débuts au Stade Toulousain, on le félicite pour sa chance. Son discours, son attitude me semblent plus optimistes que ceux de la veille. Cette soirée a vraiment l’air de faire du bien à mon pote Thibault.

    « Eh les gars, vous savez qui j’ai vu il y a quelques jours ? » fait Julien, le petit blond gaulé comme un Dieu, au cours d’un joint partagé à quatre, alors que minuit a sonné depuis quelques minutes.

    « Qui donc, le Pape en culotte ? » déconne Thierry, dont l’humour est en train de virer au stone.

    « T’es con… j’ai vu Akim ! ».

    « Ah, il est toujours vivant celui-là ? » fait Jérém.

    « Oui, il m’a appelé un week-end et j’ai été le voir à Albi ».

    « J’ai toujours trouvé dommage qu’il parte en milieu de saison » fait Thierry « c’était un bon joueur ».

    « Il a trouvé du taf là-bas » explique Julien.

    « Mais il n’a pas vécu la finale. Il n’a pas été champion. Alors qu’il le méritait » considère Thibault.

    « Et si on allait lui faire un petit coucou ? » lance Thierry, telle une folle idée.

    « N’importe quoi » fait Julien.

    « Pourquoi pas, les gars ? » insiste le joyeux luron.

    « Là, maintenant ? » fait Jérém, étonné.

    « Oui, maintenant, patate ! Je pense que tout le monde a envie de lui faire un petit coucou. C’est l’occasion ou jamais. Depuis quelques temps, on ne se voit plus tous les jours, si tu as remarqué ».

    « C’est pas faux ».

    « Mais c’est tard » fait Julien.

    « Akim a toujours été un couche-tard ».

    « Mais on a tous bu et fumé » insiste Julien.

    « Pas Nico » fait Thierry « Qui est partant ? ».

     

    L’immeuble des Minimes possède un ascenseur mais Thibault est évacué par les escaliers à bout de bras par ses anciens co-équipiers, ce qui a l’air de bien l’amuser.

    Nous voilà à cinq dans la voiture de Thierry, sur la route vers Albi. Je suis au volant, je promène cette joyeuse bande de bogoss déconneurs. Il n’y a presque pas de circulation à cette heure, nous avons la route que pour nous. La nuit étoilée est à nous aussi, cette escapade, tout comme cet instant de folie et de liberté. Enveloppé par la musique à fond a caisse, par une ambiance de camaraderie qui me touche profondément, je suis heureux. J’adore cette drôle de soirée.

    « Appuie sur le champignon, papi ! » me charrie Thierry.

    « Fiche lui la paix » fait Thibault.

    « Si on continue comme ça, il va être reparti au taf quand nous allons arriver ! » persiste le clown de la bande.

    Thierry se moque de ma conduite qu’il trouve excessivement prudente. Mais je m’en fous. Car, je le sens, c’est sa façon de m’intégrer à ce petit groupe.

    Encore que, sur le fond, il n’a pas tort. Il me faut plus d’une heure pour arriver à Albi. Il est 1h30 quand Thierry sonne (longuement) à l’interphone d’Akim.

    Akim, le genre de prénom qui sonne à mon oreille comme une promesse de sexytude masculine d’ailleurs.

    « C’est qui ? » fait une voix enrouée.

    « Police Nationale » fait Thierry « nous savons que vous détenez des substances illicites chez vous ».

    « Quoi, c’est quoi ces conneries ? Vous avez vu l’heure ? » fait la voix masculine dans l’interphone.

    « Ouvrez monsieur Akim, magicien de mêlée, ou nous allons envoyer les équipes d’assaut ».

    « Thierry, c’est toi ? ».

    « Comment tu m’as reconnu ? ».

    « Magicien de mêlée ».

    « Ah, je me suis trahi… ».

    « Tu fais quoi là ? ».

    « Je ne suis pas seul ».

    « Y a qui avec toi ».

    « Ouvre et tu verras ».

    « Putain, tu fais chier, je dormais, je travaille demain… ».

    « OUVRE !!! ».

    Nous retrouvons ledit Akim dans un petit appart. Mon intuition ne m’a pas trompé. Comme prévu, le prénom Akim s’applique à un gars bien sexy. L’ancien co-équipier de Jérém est un charmant reubeu au physique élancé, très brun et au regard de braise. Il nous accueille habillé d’un débardeur blanc qui met bien en valeur la couleur mate de sa peau et d’un survet en tissu molletonné.

    Là encore, les retrouvailles sont touchantes. Thibault est ému. Je crois comprendre que lui et Akim étaient très proches lorsqu’ils jouaient ensemble.

    « Je trinque à Thibault » fait le beau reubeu après avoir appris la mésaventure du jeune pompier, en entrechoquant sa bière avec celles de ses anciens co-équipiers « un gars comme ça » il continue, tout en levant fièrement le pouce « le gars qui m’a tout appris au rugby ».

    « Tu savais déjà jouer » tente de se « dédouaner » Thibault.

    « Je savais jouer mais je n’étais pas un joueur. Tu m’as appris l’esprit d’équipe. Tu m’as intégré à l’équipe. Si tu n’avais pas fait des pieds et des mains pour que je joue avec vous, j’aurais recommencé mes conneries de petit dealeur minable. Et les keufs m’auraient embarqué pour de bon. J’étais dans la cité, au chômage et le rugby était tout ce que j’avais. Tu m’as donné la chance de m’en sortir. Alors, oui, tu m’as tout appris au rugby. Et à la vie aussi. Parce que tu m’as appris avant tout comment être un mec bien. Tu m’as obligé à être un mec bien. Je voulais que tu sois mon pote et j’ai vite compris que pour que cela arrive, il fallait que je sois un mec bien, comme toi. Tu es un modèle pour moi et tu le resteras toujours. Ça me fait de la peine de te voir blessé. J’imagine que tu as vu des choses qui t’ont secoué. Mais ne baisse pas les bras, jamais, jamais… ».

    Thibault est très ému. Les deux anciens co-équipiers se serrent longuement dans les bras l’un de l’autre. C’est beau et terriblement émouvant.

    Soudain, je repense aux mots du beau pompier de la veille. Et je me dis que moi aussi, dans une autre vie, dans un autre monde, dans d’autres circonstances, j’aurais tellement aimé être plus que pote avec cet adorable garçon !

    « Arrêtez un peu, les gars, avant de changer de bord » fait Thierry.

    C’est lorsque leur accolade virile prend fin que Thibault fait l’annonce que j’ai d’une certaine façon attendue pendant toute la soirée.

    « J’ai un truc à vous dire les gars… ».

    « De quoi ? Tu vas te faire curé ? » plaisante Thierry.

    « Je vais être papa… ».

    « Sacré Thibault ! » fait le même Thierry en brisant le petit blanc amené par l’annonce du jeune pompier « félicitations mon grand ! ».

    Tout le monde congratule le beau pompier, avec des bises, des accolades. Sur le coup, Jérém a l’air désarçonné par la nouvelle. Comme les autres, mais peut-être davantage encore que les autres. Mais il finit par féliciter Thibault à son tour.

     

    Lorsque nous arrivons à Toulouse, il est près de 4 heures du mat. J’arrête la voiture en bas de chez Thibault et je laisse le volant à Thierry. Jérém, Thibault et moi descendons de la voiture. Thierry repart aussitôt, tout en nous lançant un adorable : « Je vous adore les gars ! Jamais on ne se perd de vue, ok ? ».

    « Ok !!! »

    Jérém et moi aidons Thibault à regagner son appart.

    Plusieurs mois après notre nuit ensemble, nous nous retrouvons enfin tous les trois réunis. J’ai peur que maintenant que nous ne sommes plus que tous les trois il y ait comme une distance entre nous. Alors, je suis heureux d’entendre Thibault nous lancer :

     « J’ai envie d’un café. Vous voulez un café les gars ? ».

    « Je veux bien » fait Jérém.

    « Moi aussi » je suis le mouvement.

    Thibault entreprend de préparer la cafetière, mais il galère. Jérém le rejoins aussitôt pour l’aider. Thibault le regarde faire sans le quitter des yeux et finit par lui lancer, l’air ému :

    « Merci, Jé, merci, merci, infiniment merci »

    « T’emballe pas, c’est juste une cafetière » plaisante mon Jérém.

    « Je ne parle pas de ça. Thierry m’a dit que c’était toi qui avais eu l’idée de cette soirée et qui avait tout organisé ».

    « Ah, ça… c’est rien ».

    « Au contraire, c’est tout. Tu ne peux pas savoir comment ça m’a fait plaisir de vous revoir. Et de te revoir. Tu m’as beaucoup manqué ».

    « Je suis désolé de comment les choses se sont passées » lance alors Jérém « je n’ai jamais voulu te faire du mal »

    « Je sais, je sais » admet Thibault, faisant face à son meilleur pote.

    « Si tu savais comment tu m’as manqué aussi, frérot » fait mon bobrun, en prenant son pote dans ses bras et en le serrant très fort contre lui.

    « Et merde, tu vas encore me faire chialer » fait Thibault.

    A ce moment précis, je suis tellement fier de mon Jérém. Ces retrouvailles entre meilleurs potes c’est tellement beau à voir !

    « Akim a raison » fait Jérém « tu es un gars génial. A moi aussi tu m’as appris un tas de choses, mais avant tout tu m’as appris comment être un mec bien. Ton amitié compte énormément pour moi. C’est l’une des choses les plus précieuses que je possède. Tu as vécu des choses difficiles, mais tu vas t’en sortir. Je suis à Paris, mais tu pourras toujours compter sur moi. Ne baisse jamais les bras, jamais ».

    « Toi aussi tu pourras toujours compter sur moi, mon pote ».

    « Je le sais, je le sais ».

    « Je suis content pour ce qui t’arrive. Avoir un enfant est une grande responsabilité et tu vas gérer ça comme un chef ».

    « Je l’espère ».

    « J’en suis convaincu ».

    « Et merci à toi aussi, Nico » fait alors Thibault « parce que je suis certain que c’est toi qui as dit à Jé que j’étais pas bien ».

    Je me contente de lui sourire, en essayant de retenir mes larmes.

    « Toi aussi tu es un bon gars » il continue « et je suis content de vous voir heureux ensemble ».

    Avant de quitter Thibault nous nous serrons tous les trois dans une étreinte virile qui fait battre fort mon cœur, de joie et de bonheur.

     

    Il est cinq heures lorsque nous arrivons chez mes parents.

    Je tombe de fatigue, Jérém aussi. Son train est à 7h45, il lui reste à peine deux heures de sommeil avant le réveil.

    Alors, nous nous couchons illico. Pas de sexe cette nuit, juste quelques bisous, quelques caresses, et ses bras qui enlacent mon corps.

    Cette nuit, je suis heureux. Je le suis, même si je n’ai pas fait l’amour avec Jérém. Je suis heureux parce qu’un petit miracle s’est produit. Plusieurs miracles même. Le moral retrouvé de Thibault. Ses retrouvailles avec son Jé. Cette nuit je suis heureux parce que je sais que Thibault est heureux et que Jérém l’est aussi.

    Oui, je viens de vivre un dimanche que je n’oublierai pas.

     


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