•  

    Je cherche n’importe quoi pour le retenir…
    « Jérém… »
    « Quoi ? » fait le petit con à casquette, tout en arrêtant son mouvement.
    … et le seul truc qui me vient à l’esprit c’est :
    « Tu veux une bière ? ».
    Je ne sais même pas s’il y en a au frigo, mais je tente le tout pour le tout.
    « Ça va aller, j’ai pas le temps… ».
    « Ou alors, tu veux autre chose… ? » oui, là je tente vraiment le tout pour le tout « sans prise de tête, je te promets… ».
    J’ose à peine le regarder ; Jérém est en train de sourire, je crois même en train de se marrer.
    J’ai dû balancer ça sur un ton tellement pitoyable, j’ai dû me ridiculiser comme jamais.
    Pourtant, ce sourire est tellement beau, tellement aveuglant, tellement Jérém, tellement comme je l’aime ; un sourire, un simple sourire, et je lui pardonne tout, tout, tout ; car c’est un petit con, la quintessence même du petit con.
    Puis, son sourire laisse la place à un regard qui est comme transperçant, avec un semblant de petit hochement de tête qui semble dire "t'as envie de moi, hein, t'as envie ?".
    Il y a un truc tellement intense dans son regard, un truc perçant comme une flèche, quelque chose de sauvage et puissant comme ses coups de reins, comme s’il pouvait te baiser de ce simple regard, putain de mec…
     « T’es seul ? » il se renseigne, tout en revenant pile en face de moi.
    « O… oui… t’es en pause ? ».
    « Je bosse pas aujourd’hui… ».
    « Ok… tu veux rentrer alors ? ».
    Il est toujours sur le pas de la porte. Il me toise en silence. Il me laisse mijoter. Les secondes s’égrènent, le malaise commence à s’installer en moi.
    Puis, soudainement, tout s’emballe : il baisse les yeux, dirige son regard vers sa braguette ; mon regard suit le sien, je reconnais la bosse qui commence à déformer son short ; il me regarde à nouveau, et me balance cette conclusion venant définitivement couronner ce que vraiment on peut appeler l'étalon du petit con, la référence absolue, insurpassable, inclassable :
    « Il y a toujours le temps pour une pipe… ».

    Ok, ok, petit moment, ARRET SUR IMAGE, please.

    Je m’adresse à toi, le lecteur impatient de lire LA véritable confrontation entre Jérém et moi, Nico. J’ai lu tes commentaires :
    « Je suis énervé… il va me falloir des explications, clarifier les choses entre Jérém et Nico… Nico se fait encore piétiner… je veux, j'exige, que nos deux petits mecs s'expliquent ! ».
    Et encore :
    « Même si cette relation doit s'arrêter là, qu'au moins ils se disent les choses le plus simplement, pour ne pas rester sur des interrogations ».
    Et encore :
    « Explication qui n’est toujours pas là, et qui maintient toujours Nico dans un rôle dont on aimerait qu’il s’échappe un peu, enfin… ».
    Et pour finir :
    « Mais ne pas savoir résister à Jérém, ça ne veut pas dire ne rien dire et tout accepter sans condition. Nico prend cette relation comme une fatalité, comme s’il n’y pouvait rien… à chaque fois il dit qu’il a peur des réactions de Jérém, mais s’il n’essaie rien, il ne se passera rien ».
    Vous avez complètement raison.
    Profitions de cette petite pause et prenons un peu de hauteur et de perspective.
    Nous sommes le lundi 30 juillet 2001.
    Dans 10 jours, je serai le garçon le plus triste de l'univers tout entier. Car j’aurai perdu le mec que j'aime, et de la pire des façons.
    Dans 15 jours, je serai loin, très loin, sentimentalement et géographiquement de mon Jérém. En train de tenter de l’oublier ; et cette fois-ci, pour de bon ; en train de tenter d’entamer ce deuil impossible.
    Pourtant, le pire restera encore à venir.
    Quand j’y pense, je me dis que j’ai tellement mal « joué » cette dernière « manche » de ma relation « contre » mon bobrun. D’autant plus que j’avais pas mal de bonnes « cartes » dans mon jeu.
    Il faut reconnaître que j’étais plutôt bien entouré pour un jeune gay de mon âge ; d’abord, une cousine géniale comme confidente ; ensuite, un pote comme Thibault, la personne qui plus que tout autre au monde connaissait mon bobrun et qui semblait vraiment intentionné à m’aider à l’apprivoiser.
    Et pour finir, la rencontre avec Stéphane : ce garçon adorable qui, très tôt dans ma vie, m’avait indiqué que, tout en aimant avec les tripes, il ne faut jamais s’oublier soi-même.
    Je repense à ses mots :
    « Tu es un sacré petit bout de mec… mais fais gaffe à toi, Nico… tu es un bon gars, même trop bon, trop gentil, fais attention que cela ne te joue pas de tours… il y a un passage dans une chanson de Mylène qui m’a toujours touché de par sa vérité, une vérité amère, dure à entendre mais incontestable… « la mauvaise herbe nique souvent ce qui est trop bien cultivé…
    A ton âge j’étais un peu comme toi… tout aussi gentil et tout aussi naïf… je ne me méfiais de personne et j’en ai fait les frais… fais gaffe à ne pas te perdre… veille toujours à rester toi-même… à tout donner mais à ne pas tout accepter par amour… ».
    Oui, je me souviens très bien de ses mots. Pourtant, mon attitude et mon comportement vis-à-vis de Jérém en ce début du mois d’août sont tellement loin de ce conseil, totalement à l'opposé !
    Oui, j’avais pas mal de bonnes cartes dans mes mains, mon jeu n’était pas si pourri que je m’imaginais à l’époque, et je les ai toutes gaspillées : mon problème étant que je ne maitrisais pas les regles du jeu.
    Faiblesse, emprise de l’autre, voilà les raisons de ma dérive.
    Oui, dans trois semaines environ, je ne serai plus le même Nico. Mais avant que cela arrive, il me faudra un de ces électrochocs que la vie sait si bien nous servir quand moins on s’y attend ; un de ces électrochocs qui, plus que tous les mots du monde, sont nécessaires pour provoquer ce déclic à la fois si « à portée de main » et si impossible à déclencher.
    Alors, en attendant cet électrochoc, je me laisse aller aux impératifs des sens, à la folie provoquée par ce premier amour insensé et aveugle.

    « Il y a toujours le temps pour une pipe… » fait Jérém sur un ton désinvolte.
    Sur ce, le bogoss s’avance vers moi presque d’un bond, m’obligeant à me décaler pour le laisser passer, pour le laisser pénétrer chez moi. Nouveau frisson inouï en respirant son déo. Je ne vais pas tenir le choc, il va m’achever.
    Je referme la porte alors que déjà sa présence me possède.
    Je me retourne, je me retrouve face à lui. Je n’arrive toujours pas à réaliser qu’il est chez moi. Que je vais le sucer chez moi.
    Mon regard est toujours aimanté par son nouveau tatouage. Ça me rend dingue… pourquoi l’a-t-il fait ? Tout changement inattendu chez la personne aimée est à la fois délicieux et troublant aux yeux de celui qui aime. Surtout tant qu’on n’en connaît pas la raison.
    « T’as un nouveau ta… ta… tatouage… » je ne peux m’empêcher de bégayer, ébloui par l’extrême sexytude de ce nouveau dessin.
    « Je viens tout juste de le faire… ».
    « Il est super beau… ».
    « C’était un pari avec les potes du rugby… si on gagnait le tournoi, j’avais promis de me faire un nouveau tatouage… ».
    « Ok… » je ne trouve pas mieux à lui répondre. Je suis encore sous le choc. Je me sens pas mal désorienté.
    Le bogoss me regarde avec son regard de b(r)aise, regard qui me rappelle qu’il n’est pas rentré pour me parler de son tatouage. Ses mots viennent parfaire le message, si besoin était :
    « Elle est où ta chambre ? ».
    Je me trouve une fois de plus dans la position de devoir mettre mon amour propre de côté, de tout lui céder sans contrepartie ; si je veux qu’il rentre, si je veux le retenir et ne pas le faire fuir, je dois prendre sur moi, faire comme si son « dégage ! » n’avait jamais existé, ou comme s’il ne m’avait jamais blessé ; je vais encore devoir tout accepter de lui sans avoir mon mot à dire ; accepter de prendre tous les risques, sans garanties. Répéter les mêmes erreurs, en échange d’un bonheur aussi intense qu’éphémère.
    Pourtant, il faut quand-même admettre qu’il y a quelque chose de rassurant dans le fait de me soumettre à ses envies, de lui laisser diriger le jeu.
    Certes, une petite voix en moi me dit que ce n’est pas une bonne idée de le laisser rentrer chez moi, et encore moins de l'amener dans ma chambre, de le laisser me baiser dans ce lit où j'ai été enfant, de le laisser accrocher sa présence, son odeur, son souvenir à chaque mur, à chaque meuble, à chaque objet.
    Mais j’ai trop envie de lui. Et je suis prêt à tout pour le retenir.
    « C’est à l’étage » je lui indique tout en lui montrant l’escalier « c’est la porte tout au fond du couloir ».
    Il monte en premier. Je lui emboîte le pas. C’est toujours une expérience « éprouvante » de suivre un bogoss de près dans un escalier ; son parfum donne l’assaut à mes narines comme un shoot puissant.
    Au bout du couloir, le bobrun s’arrête, dos au mur, pour me dégager le passage, pour que je l’introduise dans ma tanière à moi : lorsque je passe devant lui pour ouvrir la porte, nos shorts et nos genoux se frôlent, nos bras aussi. J’ai l’impression que ces simples frottements provoquent des étincelles sur ma peau ; je suis en train de m’embraser de désir, je bande à en exploser ma braguette.
    Je rentre, je tiens la porte ; il passe devant moi, son parfum me frappe et me cogne une nouvelle fois, sa plastique m’assomme, son nouveau tatouage me liquéfie. Je referme la porte, il est dans ma chambre, et je ne suis plus maître de moi-même.
    Le bogoss balaie ma petite tanière de son regard brun, profond ; puis, armé de cette assurance qui lui est propre, comme s’il était carrément chez lui, s’avance vers le lit ; il s’assoit sur le bord, les pieds bien plantés par terre, les jambes et les genoux écartés.
    Et là, sans autre hésitation, avec un geste calculé, parfaitement maîtrisé, guidé par son insolente assurance de petit con modèle premium, il soulève légèrement le t-shirt, tête baissée, il défait lentement le bouton du short, puis la braguette ; il lève très légèrement la tête, lance un regard par en-dessous, un regard coquin et lubrique accompagné d'un petit haussement de sourcil et qui semble demander, simplement pour le plaisir du geste, "est-ce que je continue ?" ; puis, il rebaisse les yeux, écarte les pans du short pour dévoiler un boxer bleu et gris déformé par sa queue tendue ; nouveau coup d’œil incendiaire par en-dessous, petit sourire au coin des lèvres ; il soulève légèrement le bassin, pour permettre de faire un peu glisser le boxer à peine à mi-cuisses, ces dernières légèrement écartées ; il se penche légèrement en arrière et remonte un peu à nouveau le t-shirt d'une main, l'autre caressant négligemment et de façon provocante ses abdos, tout en offrant une vue sublime sur la bosse, fascinante, tentante, captivante ; son regard est transperçant, pénétrant, insolent, impertinent, accompagné de ce p’tit sourire sexy à mourir, un petit sourire qui se passe de mots pour exprimer un message d’une limpidité cristalline : "tu veux la voir, hein, t'as envie ?".
    Je sais qu’il adore mesurer le pouvoir de séduction qu’il a sur moi ; ce qui explique certainement le fait que sa colère de samedi semble en bonne partie dissipée, laissant place à son côté charmeur.
    Bien sûr que j’en ai envie. Et plutôt deux fois qu’une. Je m’avance vers lui, comme une aiguille attirée par un aimant.
    Pendant ce temps, ses pieds s’activent pour se libérer réciproquement des baskets sans défaire les lacets (ça aussi, c’est du petit con, du petit con pressé de se faire sucer, qui plus est) ; son dos s’incline, ses coudes se plient pour maintenir son torse dans cette position qui me fait tant d’effet, le corps magnifique mi allongé, accoudé, le cou relevé, la chaînette abandonnée entre ses pecs moulés dans le t-shirt rouge.
    Je le regarde, comme hypnotisé.
    « Allez, suce-moi ! » il finit par me balancer sèchement.
    Petit con, va, petit con qui ne perd jamais le nord ; petit con qui ne doute de rien ; petit con qui, me semble-t-il, aurait comme une envie de revanche sur une petite défaillance mal digérée.
    Ce qui me ramène à la nuit de samedi à dimanche, et à ses souvenirs douloureux. Soudainement, la blessure de son « dégage ! » se fait ressentir plus vive que jamais.
    Me voilà déchiré entre ma délirante envie de retrouver sa queue raide dans ma bouche et cette douleur persistante qui m’éloignerait définitivement de lui ; quand je le regarde, j’ai envie de le sucer ; quand je repense à son « dégage ! », j’ai envie de le frapper. C’est dur de ressentir des sensations aussi contrastantes vis-à-vis d’un seul et même garçon.
    Mais lorsque je réalise qu’il est bien là, demi allongé sur mon lit, la queue prête à bondir de son boxer ; alors, le sucer devient une évidence.
    Une demi seconde plus tard, je me libère de mon t-shirt et je me glisse à genoux entre ses cuisses musclées ; d’un geste plein d’urgence, mes deux mains s’activent d’un côté et de l’autre de son bassin, attrapent son boxer, le font glisser le long de ses hanches ; son bassin se relève sans attendre.
    Inspiré par tant de coopération, mes gestes se font précis, déterminés : très vite, le short et le boxer glissent le long de ses jambes, de ses chevilles, ses pieds se lèvent, je le débarrasse de ces vêtements devenus inutiles.
    J’ai terriblement envie de revenir illico à sa queue tendue, de m’en occuper comme il se doit, de ressentir le frisson inouï de tenir son plaisir de mec dans ma bouche ; mais mon élan premier est freiné par un autre frisson, inattendu celui-ci, le frisson que j’ai ressenti en lui enlevant ses chaussettes.
    Une envie insoupçonnée se manifeste en moi ; je regarde ce pied avec les orteils en dégradé régulier ; sur le haut, entre les orteils et la cheville, une légère pilosité aimante mon regard, titille mon odorat.
    Je ressens une excitation inattendue à l’idée de sentir le corps de mon mâle baiseur à des endroits où mon nez ne s’est jamais encore aventuré.
    Alors, je me laisse aller. Au point où je suis, je n’ai plus rien à perdre. Il est venu pour baiser, autant que je m’abandonne moi aussi à mes envies.
    J’attrape son pied gauche, je le relève, je plie mon buste, je le plonge mon nez dans l’espace entre le gros orteil et le suivant ; et j’inspire, longuement, profondément.
    Instantanément je reconnais l’odeur de sa peau, de son gel douche, mélangé à quelque chose d’un peu plus fort, une odeur de « chaud », comme de transpiration qui aurait comme « mijoté » dans l’espace clos de ses baskets. Ça sent les humeurs intenses et bien odorantes de jeune mâle.
    Je ressens une chaleur inattendue monter à mon visage, ça m’enivre ; je passe mon nez dans chaque entre-doigts, impatient, fébrile ; j’ai vraiment envie d’aspirer chaque petite odeur.
    J’attrape l’autre pied, je renifle chaque recoin de ce nouveau petit clavier d’orteils harmonieux.
    Puis, une deuxième envie se manifeste, aussi violente et intense que la première.
    Oui, j’ai envie de passer ma langue là où mon nez s’est tant plu. J’effleure d’abord du bout de la langue, je guette sa première réaction ; elle se manifeste sous la forme d’un petit frisson parcourant son corps. Le bogoss se relève et me regarde faire, sans rien trouver à redire. Mais lorsque nos regards se croisent, le sien repart aussitôt, brusquement.
    Pourtant, il l’a l’air de bien kiffer. Confirmation par le fait que, quelques secondes plus tard, il laisse tomber son dos sur le matelas et il commence à se branler.
    J’y vais de plus en plus franco, ma langue se déchaîne, elle lèche les orteils, entre les orteils, sur le haut du pied, sur les côtés, et même au-dessous. Un pied, puis l’autre.
    Jérém se branle de plus en plus vite, il a vraiment l’air de kiffer ; et plus il kiffe, plus je kiffe. J’adore le surprendre, encore et encore.
    Je sens qu’il se branle de plus en plus fort ; j’adore ; mais il ne faudrait pas qu’il se branle au point de jouir avant que j’aie pu le sucer comme il se doit.
    Ma langue impatiente remonte le long de sa cheville, de son mollet puissant et finement poilu ; elle glisse à l’intérieur de son genou, continue imperturbable le long de sa cuisse, arrachant pendant son voyage de nombreux frissons au bogoss allongé sur mon lit.
    Lorsque j’arrive à ses couilles, je m’attarde un instant à humer ses bourses, si douces, si lourdes, si rebondies, si pleines ; bonheur indicible de glisser mon nez et de capter toutes les petites odeurs au beau milieu de ces balloches alléchantes.
    Puis, ma langue est inévitablement attirée entre ses fesses ; je les empoigne, je les écarte, son bassin bascule pour me permettre un meilleur accès ; j’adore sa coopération lorsqu’il s’agit de me faciliter la tache de lui offrir un max de plaisir.
    Je sais qu’il kiffe ça, et j’ai envie de lui faire plaisir comme jamais ; ma langue se faufile entre ses fesses, elle est excitée, frétillante, gourmande ; je sens le bogoss frissonner, ahaner de plaisir, mélodie magique pour mes oreilles.
    Je continue jusqu’à ce que sa main se pose sur ma nuque et m’attire violemment vers sa queue tendue, m’offrant par ailleurs une belle surprise, un léger filet de mouille suintant de son gland ; oh, putain, il est excité ; et moi je le suis d’autant plus, car je me dis qu’il a vraiment kiffé mon trip autour de ses pieds, et tout le reste.
    Je prends enfin en bouche cette queue qui me fait tant envie ; je commence à le pomper avec une faim rageante. Je suis en manque. Et je me jette furieusement sur ma drogue.
    Je n’arrive toujours pas encore à croire que c’est réel. Vraiment j’avais commencé à me faire à l’idée que je ne reverrai plus jamais ce sexe de ouf. Que je ne reverrai plus jamais mon Jérém.
    Quel bonheur de retrouver sa plastique, son visage, sa voix, son odeur, sa présence ; son gabarit dans ma bouche, sa façon de prendre son pied, ses halètements, ses gestes familiers, la prise de ses mains puissantes ; le bonheur de retrouver enfin cette queue à nouveau fière et conquérante, après la petite défaillance de dimanche matin ; le plaisir d’assister à sa revanche, à la revanche de son ego masculin ; et, par-dessus tout, de voir qu’il a encore envie de me baiser, alors que je craignais que cela n’arrive plus.
    J’ai chaud, je me libère de mes chaussures, de mon short et de mon boxer sans pour autant que ma bouche ne quitte son manche, raide comme jamais, ne serait-ce que l’espace d’un instant.
    Je le pompe avec entrain, je le pompe comme il aime.
    Le bogoss s’est remis en position accoudée, la tête relevée, je sens son regard sur moi ; oui, il me regarde le sucer, je sais qu’il adore ça, me mater pendant que je lui offre son plaisir de mec.
    Je le suce avidement, je le suce dans ma chambre. Ça non plus je n’arrive pas encore à le croire.
    Je le suce et je me dis que nos corps sont vraiment faits l’un pour l’autre ; son splendide corps de mec est fait pour jouir ; mon corps est fait pour provoquer et accueillir sa jouissance, pour jouir grâce à son corps à lui, grâce à son plaisir. Deux corps à la compatibilité parfaite.
    Au gré de mes va et vient sur sa tige puissante, mon nez frôle parfois le coton de son beau t-shirt rouge ; putain qu’est-ce qu’il est sexy avec son t-shirt assorti à la couleur de sa casquette à l’envers ; je kiffe à mort de le pomper dans cette tenue de petit branleur sexy ; mais d’un autre côté, je meurs toute façon, d’envie de voir son nouveau tatouage en entier.
    Hélas, le bogoss semble tellement accaparé par le plaisir de se faire sucer qu’il semble complètement avoir oublié de se débarrasser de son t-shirt.
    Mais ça ne va pas se passer comme ça… je DOIS voir ce putain de tatouage en entier !!!
    « Il est beau ton nouveau tatouage, très sexy ! » je finis par lui balancer, en quittant sa queue pendant un instant, tout en le branlant, en espérant lui donner envie de me montrer cette nouvelle merveille.
    Je le regarde, allongé sur le matelas, les paupières lourdes traduisant son bonheur sensuel, la respiration profonde et excitée, la bouche entrouverte laissant échapper des halètements de plaisir ; Jérém est ailleurs, dans une dimension de plaisir masculin total ; il est si loin que ses mots ne doivent même pas l’atteindre. Aucune réaction ne vient de sa part.
    Je n’insiste pas, je le reprends en bouche et je recommence à le pomper ; j’augmente la cadence, je décide de me lancer dans le grand bouquet final, cet ensemble de gestes et de caresses qui ont pour seul but de précipiter la jouissance d’un beau mâle ; dix jours que je suis en manque, je crève d’envie d’avoir son jus dans la bouche.
    C’est une envie furieuse, violente. Rien que le fait de l’imaginer en train de jouir, de voir sa belle petite gueule au moment de l’orgasme, j’en ai des frissons dans tout le corps. Des frissons à m’en donne le tournis.
    Mais pendant que je le suce tout en lui caressant les couilles, voilà que son bassin pivote, ses abdos se contractent, son torse se relève ; ses bras se plient pour ôter d’abord sa caquette, puis, pour attraper son t-shirt par l’arrière du cou et le faire glisser le long de son torse : le geste est tellement « mec » que déjà j’ai envie de pleurer.
    Le voilà enfin complètement à poil, mon bel étalon.  Et là, ma curiosité est telle que je ne peux rien faire d’autre que d’arrêter de le sucer pour me relever et aller voir de près cette nouvelle merveille gravée sur sa peau.
    Ce joli motif tribal, fin et racé à la fois, harmonieux mélange de lignes sinueuses et de lignes droites habilement entortillées, prenant naissance derrière son oreille droite et descendant à la verticale le long de son cou jusqu’à disparaître sous le t-shirt ; voilà que, une fois le t-shirt ôté, il continue tout le long de son épaule, remonte sur l’arrondi musclé au départ de son bras, le suit sur tout son développement pour terminer en pointe pile au milieu de son biceps, plus ou moins à la même hauteur que son brassard tatoué sur l’autre bras.
    Nouveau tatouage de ouf, très mec, très sexy, comme pour souligner un peu plus, si besoin était, la perfection de sa plastique et la sexytude brûlante de sa personne.
    Je ne peux m’empêcher de lâcher, comme un soupir libératoire :
    « Putain, que c’est beau, Jérém… ».
    « Alors, t’es content, tu l’as bien vu ? Maintenant vas-y, suce ! ».
    Et, ce disant, joignant le geste à la parole, il appuie lourdement sur mes épaules pour m’obliger à me remettre à genoux.
    Pourtant, après avoir vu ce tatouage, il n’a pas besoin de m’obliger à quoi que ce soit : j’avais horriblement envie de le faire jouir avant ; j’ai mille fois plus envie encore de le faire jouir après.
    Il est là, complètement nu, beau comme un petit Dieu ; c’est la perfection, il n’y a pas d’autres mot ; il n’y a rien à ajouter à la beauté aveuglante de sa nudité… à part quelque chose qui pourrait encore plus la mettre en valeur, un petit truc, un détail que je trouverais sexy à mort.
    Sa casquette rouge délavé abandonnée sur le lit, renversée, juste à côté de lui, me nargue.
    « Tu veux pas remettre la casquette ? » je finis pas lui balancer.
    « Et pourquoi donc ? ».
    « Parce que tu es bandant à mort avec… » je décide d’y aller cash.
    Oui, Jérém, sois à poil, mais… you can leave your hat on… Garde ta casquette sur ta tête, et garde la même au-delà de neuf semaines et demi.
    Pourtant Jérém ne bouge pas une oreille, toujours accoudé en attendant que je le fasse jouir.
    « Fais-moi jouir ! » il finit d’ailleurs par me balancer.
    Je m’exécute, impatient d’exaucer son vœu. Mais alors que, tout accaparé par le bonheur de l’avoir en bouche, par cet orgasme que je sens approcher à grands pas, j’ai même oublié de le lui avoir demandé, le petit con tend sa main, il saisit la casquette par la visière et il l’enquille sur sa crinière brune ; à l’envers qui plus est, ça va sans dire.
    Casquette à l’envers, le grain de beauté au creux du cou, la chaînette abandonnée sur sa peau mate, entre ses pecs délirants, les abdos finement ciselés et soulevés par la respiration, deux tatouages l’un plus sexy que l’autre : je ne vais pas tenir, je vais devoir le faire jouir sur le champ.
    D’autant plus que je sens toujours et encore son regard sur moi, lourd, insistant, concupiscent ; je vois, je sens qu’il prend du plaisir grâce à ce que je fais à sa queue, mais je sais aussi qu’il prend du plaisir à me regarder faire, et à me voir le kiffer à ce point.
    Je me dis que si non seulement il aime ce que je lui fais mais qu’en plus il aime me regarder le faire, c’est qu’il y prend vraiment goût ; et ce, même si je suis un mec ; peut-être même qu’il kiffe regarder parce que c’est moi qui lui fait ces trucs.
    Je me sens chanceux. Il pourrait s’envoyer toutes les meufs qu’il veut et même, à la limite, tous les pd qu’il veut, et il vient chez moi pour me baiser, moi.
    « Allez, pompe bien, vas-y, ça vient… ».
    Mais alors que ma bouche savoure pleinement sa chance inouïe et s’apprête à recevoir le plus exquis des nectars, je sens mon entrejambe réclamer sa part de bonheur.
    Avant de rentrer chez moi, le bogoss m’a dit qu’il n’avait pas le temps ; puis, alors que je venais de lui proposer une gâterie, qu’« il y a toujours le temps pour une pipe ». Dans tous les cas, j’ai l’impression qu’il est pressé, et qu’à tous les coups il ne jouira qu’une fois avant de se tirer.
    Eternel dilemme, insolvable dilemme, lorsque la galipette est hâtée, le choix impossible entre l’envie de le sentir se répandre dans ma bouche, de sentir ses giclées lourdes, puissantes, chaudes bombarder mon palais, couler sur ma langue, dans ma gorge ; ou bien l’envie de me laisser défoncer comme il sait si bien faire, de me laisser féconder par sa puissance virile, de savoir que sa semence est au plus profond de moi ; sans hélas pouvoir y goûter.
    « J’ai envie de toi… » je finis par lui balancer, ivre de lui.
    « Tu veux que je te démonte le cul, hein ? ».
    Je ne trouve rien à répondre, à part un hochement de la tête, sorte de supplication silencieuse.
    « Vas-y, suce, ça va vite venir… ».
    Puis, devant mon hésitation :
    « Fais-moi jouir et avale, je te baise après… ».
    Cool, apparemment il n’est pas aussi pressé que je le pensais. J’adore.
    Je le pompe à fond, bien décidé à le faire jouir et à l’avaler comme il me l’a consigné.
    Très vite, des spasmes dans sa respiration et des petites contractions de sa queue m’annoncent l’arrivée imminente de son orgasme.
    Et là, alors que je m’emploie pour goûter à la manifestation liquide et chaude de son plaisir, son buste se relève précipitamment, sa main me repousse d’un mouvement brusque. Surpris, je recule un peu, toujours à genoux. Le bogoss se met debout, tout en se branlant. Nu, avec sa casquette à l’envers sur sa tête, il me domine de toute sa taille et sa musculature. Mon bobrun est droitier mais il se branle de la main gauche. Il se branle à fond ; et c’est beau.
    « Vas-y, sors ta langue, tu vas tout prendre… ».
    Ah oui, il veut la jouer comme ça… il est chaud mon Jérém aujourd’hui. Et qu’est-ce que c’est bon de le sentir exprimer ses envies avec cette fermeté virile, le ton de la voix rendu encore plus sec et directif par l’urgence de son excitation extrême.
    Je m’exécute, j’avance mon buste, je tire ma langue ; il avance son bassin, approche son gland.
    Et là, sur un enchaînement de râles aussi puissants que maitrisés, il charge ma langue de bons traits brûlants, copieux et un peu salés ; quel bonheur de retrouver la puissance de ses giclées et ce goût si chaud, si piquant, si familier.
    J’ai l'impression de boire le nectar des Dieux, une sorte de liqueur magique renfermant l'essence même de sa bogossitude.
    Le bobrun vise ma langue ; mais, l’esprit débordé par l’orgasme, ses mouvements sont de moins en moins contrôlés ; ses giclées sont tellement puissantes qu’elles éclaboussent mes lèvres, ma joue, mon cou.
    Puis, au gré d’un mouvement incontrôlé, ou pas, il recule un peu son bassin ; ce qui fait que ses dernières giclées vont aller asperger mon torse, et même tremper ma queue.
    Ses derniers jets s’enchaînent de façon spectaculaire, j’ai l’impression que ça ne va jamais s’arrêter. Vraiment, il avait les couilles bien pleines le bobrun.
    Le bogoss vient tout juste de finir de décharger que déjà il amorce le mouvement de s’éloigner. Insatiable de son jus, je porte une main sur sa cuisse, si ferme, pour le retenir ; j’avance mon buste, je reprends son gland en bouche pour bien le nettoyer, pour savourer chaque goutte, chaque moindre trace de son jus, pour en capter toute la saveur, tous les arômes de sa virilité, comme si c'était un moyen non seulement de goûter, mais de s'approprier une part de cette virilité, de sa sexytude.
    Le bogoss me laisse faire un court instant, puis il se dégage d’un geste plutôt sec ; il attrape son boxer et son t-shirt ; quel dommage de cacher cette nudité spectaculaire. Je me dis que le bogoss doit se sentir moins à l’aise que dans les murs de l’appart de la rue de la Colombette. Ou alors, il va se tirer tout de suite, contrairement à ce qu’il vient d’annoncer.
    Il passe le boxer, le t-shirt et la casquette sur sa tête, à l’envers : petit con, va. Heureusement, son strip-tease à l’envers s’arrête là.
    « Je peux fumer ? ».
    C’est la première fois qu’il me demande la permission de faire quelque chose. Et même si je sais que je ne pourrais pas le lui refuser, quand bien même je le voulais, je suis touché.
    « Oui, bien sûr ! », je trouve naturel de lui faire plaisir.
    Le bogoss s’avance vers la fenêtre et l’ouvre, allume sa clope et une nuée de fumée se dégage aussitôt autour de lui. L’épaule appuyée contre le montant de la fenêtre, avec ce t-shirt parfaitement coupé sur sa plastique, les deux tatouages dépassant de chaque manchette et, pour l’un d’entre eux, remontant jusqu’à son oreille gauche, la casquette diaboliquement posée à l’envers, ce boxer mettant en valeur son joli cul outrageusement rebondi… ce mec est juste à bouffer.
    Pendant ce temps, j’attrape mon t-shirt et je m’en sers pour éponger mon visage, mon torse et ma queue des éclaboussures du jus de bogoss.
    Puis, je m’assois sur le lit, dos contre les oreillers, le regard rivé sur ce magnifique tableau que j’appellerais, à la mode impressionniste, « Paysage avec bobrun après l’orgasme ».
    Oui, je m’installe confortablement pour profiter de cette magnifique vision, pour jouir de l’image de cet apollon qui vient de jouir, cette image incrustée dans le cadre insolite de ma chambre d’enfant.
    Il fume lentement, en silence, face à la fenêtre, ce qui me laisse tout le loisir de mater ce magnifique dos en V, ses épaules puissantes.
    J’ai envie de lui parler, envie qu’il me regarde, qu’il me considère un minimum ; mais, comme d’habitude, je ne sais pas par où commencer pour ne pas paraître ridicule et/ou pour éviter de me faire jeter. J’ai l’impression que tous les sujets que je pourrais aborder, du moins ceux qui me viennent à l’esprit – son déménagement, notre pote Thibault, et, à fortiori, le présent et l’avenir de notre relation – pourraient casser la magie du moment et le faire partir.
    Les secondes, les minutes s’égrènent. Sa cigarette dure un long moment. Ma fantaisie galope. Je sais bien de quoi il est capable ce jeune étalon, coup sur coup, avec juste une cigarette en guise de temps de récupération.
    Je crois bien qu’il ne va pas manquer à sa promesse de « deuxième mi-temps » sexuelle car je le sens bien chaud aujourd’hui ; et puis, s’il avait voulu partir de suite, sa cigarette il aurait pu la fumer dans la rue, nous épargnant ce silence gênant.
    La cigarette se termine enfin. Le bogoss referme la fenêtre et se retourne. Son regard de b(r)aise est là, il cherche, aimante, pénètre le mien. Rien qu’un regard et je suis déjà à lui.
    Je n’ai pas bougé de ma position, assis contre la tête du lit ; j’ai très envie qu’il me prenne par devant, très envie de le regarder en train de me tringler, très envie de le voir jouir.
    Je crois que je ne connais rien de plus beau que de voir Jérém en train de jouir en moi ; j’adore voir ce p’tit mâle un brin macho et arrogant me pilonner, ne pensant qu’a son plaisir de p’tit mec. Et les mots crus, la vulgarité dont il sait faire preuve parfois, rendent évidemment la chose doublement excitante.
    Le bogoss approche du lit, tout en ôtant à nouveau sa casquette, son t-shirt, son boxer avec des gestes inconscients, rapides, anodins, mais très « mec » ; magnifique vision, l’image de mon Jérém en train de se balader à poil dans ma chambre, en train de monter sur mon lit pour venir me monter.
    Sa queue tout juste libérée de son boxer, donne déjà l’impression d’avoir bien retrouvé la forme. Le petit con à la queue inépuisable est définitivement de retour.
    « Vas-y, mets-toi sur le ventre ! » je l’entends me balancer.
    J’adore entendre ses envies, ses ordres. Et j’adore les exécuter. Pourtant, j’ai vraiment envie d’assister au spectacle grandiose de ce putain de bogoss en train de me démonter.
    Alors, je tente de m’affirmer :
    « J’aimerais dans ce sens… ».
    « M’en fiche, si tu veux te faire sauter, tu te mets sur le ventre… ».
    Je n’aurai jamais le dessus sur Jérém. Avec lui c’est à prendre ou à quitter.
    Alors, je m’exécute. Le contrarier, ce serait le voir partir sur le champ. Et ça, je ne veux pas : j’ai trop envie de lui.
    Ses mains empoignent fermement mes fesses ; il crache sur ma rondelle, copieusement, puissamment ; ses doigts se glissent dans mon entrecuisse, son majeur me pénètre pour lubrifier le passage et préparer l’entrée de son bel engin.
    Ses mains empoignent à nouveau mes fesses, les écartent, ses pouces ouvrent les parois de mon entrée de plaisir, s’y faufilent, provoquant en moi des frissons géants ; c’est la première fois qu’il me fait ça, et c’est rudement bon.
    Et lorsque le gland remplace ses pouces, sa queue glisse en moi sans trop de difficulté.
    Définitivement, mon entrée de plaisir est faite pour recevoir cet engin dur comme du béton armé.
    Il commence à me tringler ; son gland laboure mes entrailles, sa queue martèle mon trou vibrant ; ses couilles frappent violemment mon entrejambe ; ses coups de reins me secouent de fond en comble, sa puissance et sa fougue de jeune étalon me défoncent, me démontent carrément ; sa queue me remplit, m’envahit, me comble, me fait du bien. Ces retrouvailles sexuelles me font un bien fou.
    Mon Jérém sait manier sa queue comme personne, et au fil de ses coups de reins je ne suis plus qu’une torche qui brûle de plaisir.
    Vraiment, le sexe avec mon Jérém est une drogue puissante qui me met dans un état second, dans un état d’altération de la conscience. Je ne suis plus maître de moi. Mon maître, c’est Jérém. Et ma drogue, c’est sa queue.
    D’autant plus que ça fait dix jours que je ne l’ai pas senti en moi, d’autant plus que ses mains agrippent désormais solidement mes épaules pour prendre appui et envoyer des coups de queue de plus en plus profonds et puissants. C’est tellement bon. Sacré couillu, putain…
    Et alors que je chauffe depuis un long moment, soudainement je m’embrase : les décharges électriques provoquées par les frottements de sa queue dans mon entrecuisse se propagent sur toute ma peau, rebondissent illico dans mes tétons, elles explosent dans mon cerveau dans un grand feu d’artifice ; et je sens la boule brûlante monter de mon bas ventre.
    Pendant un instant, qui me paraît une éternité, je suis suspendu entre l’excitation extrême et l’attente d’un plaisir qui s’annonce si intense que mon corps semble comme effrayé de le sentir passer. Ma respiration semble s’arrêter, mon cœur avec.
    Et puis, je jouis. Je sens ma rondelle se contracter autour de sa queue au gré de mes éjaculations. Le plaisir est tellement intense que sans m’en rendre compte, mes râles de bonheur doivent dépasser le seuil de décence pour un logement en ville ; ça doit être pour cette raison que le bogoss porte sa main sur ma bouche pour me bâillonner, tout en me pilonnant de plus en plus puissamment. J’adore.
    Un instant plus tard, il jouit à son tour dans un grand râle, le rugissement de sa jouissance ; nos jouissances s’enchaînent ; et là, faute de le voir, je le sens presque jouir, déverser sa bogossitude, sa puissance virile en moi.
    La tempête de sa jouissance passée, le bogoss s’affale sur moi, le front trempé posé entre mes omoplates. Mais cela ne dure qu’un court instant, le temps de revenir à lui.
    Très vite, il sort de moi, s’allonge sur le lit ; enfin, il se laisse tomber lourdement à côté de moi, visiblement épuisé, la respiration rapide et profonde, tout transpirant, tremblant, la déglutition bruyante et nerveuse, son beau corps semblant parcouru à son tour par de décharges électriques puissantes se traduisant par de petits gestes incontrôlés de ses membres.
    Il reste là, allongé à côté de moi pendant un petit moment, sans apparemment avoir la force de filer direct à l’inévitable cigarette.
    Je mate ce beau mâle baiseur, allongé sur mon lit, à côté de moi, dans son plus simple appareil ; je mate cette queue brillante et brûlante de son jus et qui ne débande toujours pas, je mate ces couilles désormais bien soulagées mais toujours aussi rebondies.
    Je le regarde et j’ai l’impression qu’il est aussi ivre de plaisir que moi, aussi tremblant, chaud, épuisé, bouleversé que moi.
    Je suis tellement ivre de lui et ce qu’il vient de me faire, cet orgasme provoqué juste en me pilonnant avec sa queue, que je ne peux m’empêcher de lui lancer :
    « Tu me rends fou, Jérém… ».
    Mon intention est juste celle d’exprimer mon ressenti profond, et de flatter son ego de mâle par la même occasion. Pourtant, mes mots n’ont pas dû avoir l’effet escompté dans la tête du bobrun.
    Jérém se lève dans la seconde qui suit, pour cacher dare-dare sa magnifique nudité sous son boxer ; décidemment, le match « à l’extérieur » le rend bien pudique par rapport au match « à domicile ».
    Le bogoss est déjà en train de ramasser son t-shirt, c'est-à-dire de préparer son départ. Toujours en silence.
    Je n’ai pas envie de le voir partir si vite ; je tente le tout pour tout, une fois de plus, pour le retenir :
    « Tu veux boire quelque chose ? ».
    « Non, je vais y aller… ».
    Est-ce qu’il est vraiment pressé ? Mais pour quelle raison le serait-il ? Au fond, il ne travaille pas aujourd’hui…
    « Je vais y aller… », fait-il tout en tournant son t-shirt dans ses mains pour trouver le bon sens.
    Ses bras commencent à glisser dans le t-shirt, lorsque le bogoss s’en débarrasse à nouveau et l’abandonne sur le lit. Il a l’air d’avoir très chaud.
    « Elle est où la salle de bain ? » il me lance alors.
    « C’est la porte en face, un peu sur la droite… ».
    Jérém fait le tour du lit, passe la porte sans la refermer derrière lui, traverse le couloir, rentre dans la salle de bain ; un instant plus tard, je l’entends uriner, j’entends son jet dru tomber dans la cuvette ; soudainement, je repense à son pipi au bord du canal, deux jours plus tôt, les jambes un peu écartées, le bassin en avant, le dos en arrière, le visage au ciel, dans cette position dite « plus mec, tu meurs ».
    Le bruit esquisse assez finement une image dont je suis privé.
    Le jet se tarit petit à petit, je tends l’oreille pour capter le bruit des toutes dernières gouttes tombant dans l’eau de la cuvette, avant que la chasse ne sonne comme le générique de fin de ce magnifique petit spectacle.
    Il revient dans la chambre tout muscles, chaînette, tatouages et boxer dehors ; et très vite, son t-shirt glisse sur son torse de malade.
    Je le regarde attraper son short et je suis saisi par une tristesse grandissante ; dans un instant il sera habillé, prêt à partir, dans un instant il descendra l’escalier, il passera la porte d’entrée et il repartira loin de moi.
    Je tente de gagner quelques instants en accrochant son attention avec une conversation :
    « Il semblerait que tu déménages, alors ? ».
    « Comment tu sais ? ».
    « J’ai vu les cartons dans ton appart… ».
    « Ouais… ».
    « T’as trouvé un autre appart ? » je bluffe.
    « Non, pas encore, je m’installe chez Thib pendant quelques temps… ».
    Il est encore là et déjà je sens un énorme sentiment de solitude et d’abandon me submerger, me terrasser ; il est encore là et il me manque déjà ; plus je couche avec lui, plus mon envie se fait dévorante ; coucher avec lui, c’est comme essayer d’éteindre un feu avec de l’essence.
    J’ai envie de savoir que je vais le revoir, j’en ai besoin. Soudainement, une idée s’illumine dans ma tête. Je viens de penser qu’en ce moment, en semaine, maman ne rentre jamais avant 18 heures.
    « Je suis seul tous les après-midis, jusqu’à 18 heures… tu reviens quand tu veux… enfin, si tu veux… ».
    Oui, j’ai besoin de savoir que je vais le revoir, même si c’est chez moi, et que je sais que ce n’est pas une bonne idée ; mais je ne peux pas me passer de lui.
    Le bobrun me regarde, me toise en silence pendant une poignée de secondes. Dans son regard, toujours cette assurance du mec qui se sent désiré et qu’il hume le désir qu’il inspire, l’ivresse du pouvoir qu’il détient grâce à son charme et à sa puissance virile.
    « Si je reviens… » il finit par me servir « c’est pour faire ce qu’on a fait aujourd’hui, rien d’autre… ».
    Je ne sais trop quoi lui répondre, je me sens en équilibre instable sur un fil invisible entre déception sentimentale et envie des sens.
    « T’as compris ? » il insiste.
    Mon corps vibre encore de plaisir, j’en tremble presque ; le plaisir sexuel que ce mec m’apporte est violent, à chaque fois il me retourne comme une chaussette, il me secoue de fond en comble ; le simple fait de savoir qu’il vient de jouir en moi me rend complètement fou ; sa queue me rend complètement soumis à lui.
    « Ouais… j’ai saisi… » je finis pas lui répondre.
    « Ca te plait, ce que je te fais, hein ? ».
    « Tu fais ça comme un Dieu, tu es un vrai mâle… ».
    « Personne ne te fait ce que je te fais, hein ? ».
    « Non, personne… ».
    Pas de réponse de sa part, mais petit sourire de fierté « sous la moustache » qu’il essaie de cacher sans vraiment y parvenir.
    « Si tu me saoules, tu me revois plus… ».
    « T’es qu’un emmerdeur… ».
    « Mais un emmerdeur qui te baise comme un Dieu… ».
    Je ne réponds rien, mais je sais qu’il a raison, et qu’il le sait.
    Il finit de se rhabiller et, pendant qu’il fume une nouvelle cigarette, je me rhabille aussi.
    Marcher derrière mon mâle reproducteur dans l’escalier est une véritable torture olfactive, tout autant en descendant qu’en montant : envie de mordiller tout doucement ses oreilles, envie de poser plein de bisous sur son cou, et tout particulièrement sur la partie « émergée » de son nouveau tatouage ; envie de lui sauter dessus et de recommencer d’autres galipettes, encore et encore.
    Lorsque nous arrivons dans l’entrée, je ne peux résister : je m’approche de lui et je lui pose deux smacks dans le cou sur son nouveau tatouage.
    Le bogoss s’arrête. Encouragé, j’en pose deux autres. Et là, je l’entends me balancer :
    « T’as fini ? ».
    « Oui, mais uniquement parce que tu en as déjà marre, sinon je pourrais continuer longtemps… » je me surprends à lui répondre.
    Le bogoss attrape la poignée de la porte. Soudainement, je réalise qu’une question me taraude l’esprit depuis tout à l’heure, une question maintenue en arrière-plan dans ma tête par l’aveuglement de sa présence.
    « Comment t’as trouvé où j’habitais ? ».
    « Une fois tu m’avais dit le nom de ta rue… ».
    « Mais cette rue est très longue… ».
    « Tu m’avais dit que toi aussi tu habitais à côté d’une épicerie… ».
    « Ok… » je fais, étonné qu’il ait retenu ce détail que je ne me souviens même pas de lui avoir confié.
    « Salut » il me lance froidement, avant de repartir en direction du centre-ville.
    « Salut… » je lui réponds, abasourdi, alors que je ne suis même pas sûr qu’il ait entendu.
    Je n’avais pas prévu ce déchirement en le faisant venir chez moi, le déchirement de le voir partir si vite : jusque-là, c’était toujours moi qui avais dû partir après nos galipettes ; j’avais hésité parfois, car c’était toujours à contre-cœur que je quittais ce bout de Paradis sur terre qu’était pour moi l’appart rue de la Colombette.
    En revanche, lui il n’hésite pas ; il est venu, il a vu que j’avais envie de lui, il a tiré son coup et il se casse. Veni, vidi, baisi, parti.
    Je le regarde marcher, beau comme un dieu, avec son t-shirt moulant, avec sa casquette à l’envers, je le regarde repartir avec les couilles bien plus légères que lorsqu’il est arrivé.
    Mon attention se fige une dernière fois sur son cou et sur ce nouveau tatouage qui me rend dingue ; magnifique tatouage, bien qu’il représente à mes yeux un changement chez Jérém, soulignant le fait qu’il est en train d’évoluer, comme annonçant sa nouvelle vie, dans laquelle ma place est toujours aussi incertaine.
    Il vient tout juste de me baiser et il me manque déjà. Il vient tout juste de partir et il me manque déjà. Est-ce qu’il va vraiment revenir ? On a beau changer de décor, de « table de jeu » : toutes les cartes sont toujours dans ses mains.
    C’est si bon le sexe avec lui, mais je trouve si dommage de devoir me « contenter » de ça.
    Jérém vient de disparaître de ma vue et je me rends compte que, perturbé par son apparition et par sa présence, je ne l’ai même pas remercié pour m’avoir ramené mon portable.

    Dans le prochain épisode :

    La nuit suivante ces retrouvailles sexuelles avec mon bobrun, j’ai du mal à trouver le sommeil. J’ai beau me branler, plusieurs fois même ; quelque chose me tracasse, m’angoisse, me culpabilise.
    Les effets de la présence de mon bomâle s’estompant du fait de l’absence, mes pensées gagnent enfin en lucidité.
    La nuit porte conseil. Mais avant que le conseil ne se manifeste, il faut passer par la case « tracas ». Oui, lorsque je repense à la venue de Jérém, je sens qu’au-delà de l’intense bonheur sensuel provoqué par nos ébats, j’ai l’impression d’avoir plutôt œuvré pour l’éloigner que pour l’apprivoiser. La sensation d’avoir gâche une occasion de plus pour changer notre relation.
    En repensant à certains de mes mots et de mes attitudes, j’ai envie de me coller des baffes.
    Une question me taraude l’esprit : est-ce que le fait que notre histoire n’aille pas dans la direction que je souhaite, ne tient pas en grande partie à moi ?
    Une question qui va de pair avec une encore plus importante : est-ce qu’il est vraiment utile d’attendre de l’autre ce dont on a envie ?

     

     


    3 commentaires

  • Le lendemain de ce double fiasco avec Jérém et Mourad, je passe le plus clair de la journée à récupérer de la nuit blanche. Je me dis que j’ai vraiment de la chance d’avoir des parents qui ne posent pas trop de questions.
    Le peu de temps que je passe en dehors de ma tanière, lors des repas en particulier, ma principale préoccupation est d’essayer de retenir les larmes qui se pressent à mes yeux. J’ai une furieuse envie de chausser mes lunettes noires pour cacher la tristesse de mon regard, mon désarroi.
    Le « dégage ! » de Jérém résonne sans cesse dans ma tête, comme un écho assourdissant, comme un coup de fouet à la violence sans cesse renouvelée.
    Tant d’années plus tard, lorsque je repense à cette nuit, je me dis que ce fiasco cuisant était en réalité un fiasco annoncé, que j’aurais pu éviter, si seulement j’avais eu l’intelligence de prêter attention aux nombreux signes annonciateurs.
    D’autant plus que, dans le mode d’emploi encore très incomplet que je possédais à l’époque de Jérém, il y avait quand même déjà des éléments importants qui auraient pu m’aiguiller plus judicieusement. J’étais bien conscient de comment les réactions de mon bobrun pouvaient être imprévisibles et virulentes lorsqu’il n’était pas dans son état « normal » ; d’ailleurs, même quand il était dans son « état normal », ses réactions étaient plutôt difficiles à prévoir ; alors, à fortiori, avec l’effet combiné de la fatigue, de l’alcool, de la fumette, des allusions de sa pouffe de voisine, tombée au plus mauvais moment, juste avant son orgasme. Sans compter que les effets de la nuit passée avec Thibault et moi, tout juste une semaine plus tôt, doivent encore être bien vifs dans sa tête et toujours pas vraiment digérés.
    A distance de tant d’années, il est facile de me dire que j’aurais dû savoir m’arrêter avant d’atteindre le point de non-retour. Mais pour cela, il aurait déjà fallu que je sache où se situait ce point de non-retour.
    Bien sûr, ce coup-ci mon esprit n’était pas embrumé comme lors de la nuit avec Thibault : j’aurais dû me douter que, dans l’état où il était, une bonne pipe ne suffirait pas à le mettre dans de bonnes dispositions à mon égard. Au fond de moi, je savais que ça ne se passerait pas bien, que ça ne pouvait pas bien se finir.
    Bref, j’ai vu un mur devant moi, et j’ai foncé dedans à toute allure.
    J’étais jeune, fou amoureux, et sans aucune véritable expérience sentimentale autre que celle avec
    Jérém ; cet amour aveugle me faisait commettre des erreurs de jugement, agir impulsivement, me tromper. Oui, cette nuit-là, j’avais l’esprit pourtant clair, mais fou d’amour… et bonjour l’oxymore.
    Alors, difficile de savoir ce qu’il aurait fallu faire, compte tenu de mon état d’esprit à ce moment-là, de ma folle envie de Jérém, de son corps, de son sexe, de sa proximité tout simplement.
    Partir dès le début, lorsqu’il m’avait proposé une pipe « sans me prendre la tête et tu te tires après » ? Bien sûr, ses mots en disaient long sur son état d’esprit à lui. J’aurais été incapable de partir à cet instant, jamais je n’aurais pu renoncer à lui tailler une bonne pipe.
    Les évènements s’étaient ligués contre moi : qu’est-ce qui lui avait pris de vouloir se faire sucer dans l’entrée de son immeuble ? Pourquoi sa voisine avait dû rentrer pile à cet instant-là ?
    Certainement, sans cette interruption, les choses ne se seraient pas passées de la même façon. Jérém aurait joui, et je serais parti, comme il l’avait préconisé… une fois de plus, je l’aurais satisfait sexuellement, une fois de plus, je n’aurais pas eu le cran et la force de lui dire ce que j’ai sur le cœur. Mais ça se serait arrêté là.
    Alors que l’arrivée de la voisine, interrompant le plaisir de mon bobrun au pire moment et l’agaçant ensuite avec ses sous-entendus à la con, avait tout gâché.
    J’aurais probablement dû lui dire au revoir à ce moment-là, ne pas le suivre dans son appart. J’avais bien remarqué que, après ce petit « accident », Jérém n’était plus le même.
    Cependant, il ne m’avait pas demandé de partir.
    Est-ce j’aurais dû repartir une fois dans l’appart, le voyant fermé sur lui-même, donnant l’impression de presque m’ignorer ?
    Oui, j’aurais dû. J’aurais dû me tirer avant de me jeter à nouveau sur sa braguette : Jérém aurait peut-être été frustré, peut-être même en colère ; mais il n’aurait pas été confronté à son petit « échec ».
    Mais comment deviner que son corps ne réagirait pas comme prévu ? Lui, d’habitude si fringuant, si débordant de puissance sexuelle.
    Lorsque j’avais pris conscience que les choses ne se passaient pas comme prévu, j’avais tout fait, tout tenté pour rattraper le coup : je ne voulais pas laisser Jérém sur un échec ; pour lui avant tout, pour son ego de mâle ; mais aussi parce je savais bien que cet « accident » risquait d’être irrattrapable ; je savais qu’il me rendrait responsable de sa « défaillance », ou du moins « coupable » d’y avoir assisté.
    Aller à la rencontre de Jérém n’avait pas été une mauvaise idée en soi ; la mauvaise idée avait été de ne pas repartir avant que le point de non-retour ne soit atteint.
    Et comme les mauvaises idées ne viennent jamais seules, l’autre mauvaise idée de cette nuit-là, avait été de prendre la direction du On Off, et de me laisser lever par ce Mourad, petit mec à l’emballage alléchant mais au contenu déstabilisant.
    Nouvelle chronique d’un nouveau fiasco annoncé : j’en avais provoqué un premier cette nuit-là, aveuglé par l’envie de Jérém ; j’allais en provoquer un deuxième, aveuglé par la tristesse de m’être fait jeter par Jérém. Toute ma vie tournait en fait autour de ce petit con.
    Là encore, j’avais choisi d’ignorer que tous les voyants étaient au rouge par rapport à mes attentes, à mes besoins.
    Au fond, je ne peux rien reprocher à Mourad, à ses attentes à lui, à ses envies. A part le fait qu’elles étaient foncièrement différentes des miennes.
    Le mec avait annoncé la couleur dès le départ, il voulait juste baiser. Certes, il était plutôt sexy et me faisait bien envie ; je me disais qu’une petite galipette pourrait me changer les idées.
    Pourtant, j’avais accepté d’aller dans son sens plus dans l’espoir d’un moment sensuel, tendre, que pour le sexe ; j’étais naïf et désespéré au point de me dire qu’après le sexe il y aurait forcément un moment de discussion, de partage, un moment où je pourrais déverser ma tristesse dans une oreille attentive, me retrouver dans des bras chauds, rassurants et bienveillants, comme avec Stéphane ; dans ma tête, chez les gays, il n’y avait que des « Stéphane ».
    Hélas, le mec était aux antipodes du « garçon au labrador » : il voulait vraiment juste baiser. Et cette rencontre, au lieu de soigner ma solitude et ma tristesse, en avait encore ajouté une couche, tant à l’une qu’à l’autre.
    S’il y a une chose que cette nuit m’a appris, c’est que c’est inutile de tenter d’essayer d’oublier un mec, et surtout LE mec, avec le premier venu.
    On ne se reconstruit pas en un claquement de doigts et on ne trouve pas l’homme de sa vie, sauf dans de mauvais films, par plus beau des hasards, comme on cligne des yeux ; et encore moins à 4 heures du mat, devant le On Off.
    On ne soigne pas une déception d’amour avec du sexe ; car le sexe ne remplace jamais l’amour. On ne remplace l’amour que par l’amour ; mais avant cela, il faut être guéri de tout mal d’amour, il faut être en paix avec soi-même.

    Le lendemain, lundi, je suis toujours à la ramasse ; je suis tellement pas bien que, malgré le soleil, je passe mon temps enfermé dans ma chambre ; je n’ai pas envie d’aller courir sur le canal. Je n’ai pas envie d’écouter de la musique ; même Madonna ne semble pas à même de me réconforter ; d’autant plus que les deux derniers albums, « Ray of light » et « Music », constituent désormais la bande son de mon amour pour Jérém, chaque chanson étant liée à un souvenir, désormais douloureux des trois années de lycée. Ce con de Jérém va finir par m’éloigner de ma « copine » de toujours… je le déteste !
    Journée de merde, que rien ne semble pouvoir sauver du naufrage. Mais heureusement…
    Oui, heureusement, en fin de matinée, j’ai cours de conduite avec le sexy Julien.
    Petite chemisette claire bien cintrée, deux boutons ouverts, chaînette qui dépasse, et son sourire ravageur aux lèvres, ce sourire qui ferait presque de l’ombre au soleil lui-même, un sourire qu’il partage avec Sandrine ; elle est en train de rigoler avec lui, l’air plus amusée et complice que jamais : qui sait ce que le bogoss a encore sorti comme connerie pour tenter de faire fondre la reine des glaces.
    Je reçois sa puissante poignée de main de mec, je claque la bise à ma camarade.
    Sandrine s’installe au poste de conduite, Julien côté passager, et moi derrière, la place du mateur de bogoss. Je me dis qu’après m’être fait gauler la dernière fois, lorsque son regard a pénétré le mien par rétroviseur interposé avec petit clin d’œil à la clef, je vais essayer de ne pas trop le chercher.
    La voiture démarre, et le sexy Julien démarre aussitôt son numéro de charmeur invétéré.
    Certes, le mec a l’air de s’intéresser à toutes les filles, pour peu qu’elles soient potables ; pourtant, j’ai l’impression qu’il s’applique tout particulièrement avec cette Sandrine ; j’ai l’impression que son caractère, son répondant l’intriguent ; plus elle l’envoie sur les roses, plus le bogoss semble redoubler d’efforts ; comme si le fait de charmer cette fille représentait une espèce de défi, un challenge pour ce bogoss tombeur.
     « Vas-y, applique-toi, et fais-le avec un peu plus d’entrain et de sourire… » lance le sexy moniteur, alors que Sandrine vient de se tromper de vitesse en redémarrant à un feu passé au vert.
    « Je souris si j’en ai envie… » fait elle, plutôt sèchement.
    Mais le sourire amusé et coquin que le bogoss affiche en guise de riposte est si contagieux qu’elle finit par éclater de rire.
    J’ai de plus en plus l’impression que même si Sandrine continue de se la jouer « forteresse imprenable », elle dérive petit à petit dans le jeu de séduction du beau moniteur. En est-elle consciente ou bien est-elle en train de se faire avoir par ce beau parleur ?
    « Je trouve que tu conduis comme une princesse… » enchaîne le bogoss, alors que Sandrine vient d’oublier le mettre le cligno en tournant à gauche.
    Je ne peux résister, mon regard finit par plonger dans le rétroviseur ; et tant pis s’il va comprendre que je le mate… putain, qu’est-ce qu’il est beau !
    Très vite, le piège se referme sur moi, mon regard rencontre le sien… j’ai même l’impression que ça l’amuse, qu’il me balance un petit sourire, assorti d’une sorte de moue qui signifierait, mes semble-t-il « enfin te voilà, je croyais que tu faisais la tête »… je craque… putain de petit allumeur…
    « Je ne sais pas ce que c’est que de conduire comme une princesse… » relance Sandrine, vexée.
    « Ça veut dire que, plus qu’un permis, il te faudrait un chauffeur… ».
    « Tu veux dire par là que je conduis comme un pied ? Mais quel goujat… ».
    Et là, c’est beau à en pleurer… le bogoss ouvre les bras, le cou s’enfonce entre les épaules, la bouche s’ouvre, les yeux se ferment, un grand sourire à la fois lumineux, coupable et canaille illumine son visage jusqu’aux oreilles.
    Et lorsque ses yeux se rouvrent, mon regard toujours aimanté par le rétroviseur capte un clin d’œil, rapide comme l’éclair, mais capable de me retourner de fond en comble.
    Je ne sais pas quoi lire dans ce nouveau clin d’œil : un geste « complice » pour me signaler qu’il sait ce qu’il fait avec Sandrine, qu’il va l’avoir malgré les apparences ; ou bien une sorte de notification du fait qu’il a à nouveau capté mes regards et qu’il a bien compris mon manège ?
    Quoi qu’il en soit, son numéro avec Sandrine est loin d’être terminé. Elle le fixe avec un regard de tueuse ; loin de se démonter, le bogoss la regarde fixement, en silence ; puis, ses épaules ont un petit mouvement vers le haut, un petit sourire aux lèvres, une attitude qui semble lancer un message du genre : « tu vois, je ne fais pas exprès, je suis con parfois, mais toujours sexy en diable… tu peux faire ce que tu veux, mais tu ne vas pas pouvoir me résister » ; il a l’air d’une joyeuse petite fripouille qu’on viendrait de gronder pour une bêtise, bêtise qui l’amuse davantage qu’il la regrette.
    Bouleversant jeu de séduction qui consiste à jouer tour à tour au mec sûr de lui, ou bien, au mec naïf, un peu « benêt », avec des airs de gamin parfois dépassé par la situation.
    Alors qu’en fait, je pense qu’il contrôle tout, qu’il maîtrise son petit jeu de A à Z. Et le contraste entre les deux tableaux le rend véritablement craquant.
    « Ça me fait pas rire ton histoire de princesse… » fait Sandrine sur un ton (faussement ?) énervé.
    « Pourtant, j’ai juste dit que tu es une princesse… t’aime pas l’intention ? ».
    « Ouais… ».
    « C’est mignon, non ? ».
    On s’arrête à un feu rouge, elle le regarde fixement sans répondre, l’air entre vexé et amusé.
    Le bogoss enchaîne, inépuisable :
    « T’as pas le droit de me regarder comme ça… ».
    « Comme ça, comment ? » s’étonne Sandrine.
    « Avec ces yeux charmeurs… je ne suis qu’un homme… je suis faible… tu es à deux doigts de me séduire… ».
    Décidemment, ce mec est à lui tout seul l’« Encyclopédie du petit con » en 15 volumes…
    « Ah, ça c’est la meilleure… je croyais que c’était toi qui essayais de me draguer… ».
    « Je ne suis qu’un jouet entre tes mains… ».
    « Si tu le dis… bon… le cours est presque fini… on peut revenir vers chez moi ? ».
    « Ce sera sans problème Sandrine… » fait il sur un ton complaisant et moqueur à la fois « vas-y, tourne à droite… ».
    Nous voilà à nouveau arrêtés à un feu rouge.
    Le moteur tourne, personne ne parle. De but en blanc, le bogoss se tourne vers Sandrine et lui balance :
    « Tu sais… tu me troubles… en général je suis à l’aise avec les filles, mais toi, tu me fais perdre tous mes moyens… ».
    Ce qui me fait hurler c’est que ma présence ne le gêne en rien, il fait comme si je n’étais pas là.
    A moins que ce ne soit exactement l’inverse, c'est-à-dire que le bogoss en rajoute encore plus justement parce qu’il a un spectateur.
    Au début, j’ai été un peu gêné de voir le sexy moniteur dans cette attitude peu déontologique de dragueur impénitent… mais je trouve cela plutôt amusant au final ; surtout que Sandrine n’est pas une gamine, elle a du répondant, et en plus son jeu est assez difficile à cerner ; elle aussi elle souffle le chaud et le froid, elle joue les filles difficiles, les forteresses imprenables, mais je crois bien qu’elle est définitivement en train de tomber sous le charme ; il faut dire que si elle ne l’est pas, c’est qu’elle n’est pas humaine. Même moi je le suis, sans que sa drague me soit destinée.
    Le bogoss vient de lâcher sa nouvelle boutade et elle le regarde fixement, comme si elle essayait de le déstabiliser.
    « Tu me fais penser à la chanson ‘Paroles paroles’… mais tu ne dois pas connaître… » elle finit par lâcher.
    « Tu es comme le vent qui fait chanter les violons/et emporte au loin le parfum des roses… » recite le bogoss sans la moindre faute, le tout sublimé par son accent chantant.
    « Ok, là tu marques un petit point… » fait Sandrine, visiblement surprise.
    « Je ne sais plus comment te dire… » continue le sexy moniteur, à l’aise, accompagnant ses mots avec un sourire amusé et charmeur à faire fondre un bloc de granit « mais tu es cette belle histoire d'amour que je ne cesserai jamais de lire… ».
    Sandrine rigole comme une malade…
    « Je ne sais pas où est ce que tu as vu l’histoire d’amour, mon coco… ».
    « Qui sait, elle va s’écrire demain, peut-être… ».
    « Paroles et paroles et paroles… » balance Sandrine.
    « Écoute-moi… » enchaîne le bogoss.
    « Paroles et paroles et paroles… ».
    « Je t'en prie… ».
    « Paroles et paroles et paroles… ».
    « Je te jure… ».
    « Paroles et paroles et paroles… ».
    « Que tu es belle ! ».
    « Que tu es belle ! ».
    « Que tu es belle ! ».
    « C’est bon, j’ai compris, lâche-moi ! » rigole Sandrine.
    « Ça t’étonne que je connaisse, hein ? ».
    « Là, c’est clair… ».
    « Je ne suis pas complètement abruti, tu sais… ».
    « Je croyais qu’il n’y avait que les meufs qui t’intéressaient… »
    « Tu te trompes… ».
    « Mais t’es un mec, et un coureur qui plus est… ».
    « Tu as une si mauvaise opinion de moi, ça me désole… ».
    « … et j’ai lu quelque part que vous les mecs, vous pensez au sexe tous les 7 secondes… ».
    « Ça c’est une idée reçue… » fait le bogoss avec un sourire moqueur à tomber.
    « Moi je suis sûre que vous les mecs ne pensez qu’à ça… n’est-ce pas Nico, que c’est vrai… vous passez toute la journée à penser à votre bite… toute la journée avec « la bite dans la tête », si je peux dire… ».
    J’ai envie de lui dire que oui, bien sûr, elle a raison… toute la journée « avec la bite dans la tête »… je me retiens de justesse d’ajouter que l’avantage, en étant homo, c’est qu'en plus, parfois, j’ai la chance de l’avoir ailleurs aussi.
    Nous nous arrêtons au dernier feu rouge avant son immeuble.
    « Alors, t’aime bien les cours de conduite ? ».
    « Ouais, ça va… ».
    « Mais tu aimes bien parce que c’est moi qui te fais cours ou ce serait pareil avec n’importe qui ? ».
    « Je ne sais pas… » fait elle en rigolant.
    « C'est très dur de draguer une fille comme toi… ».
    « Ah, parce que tu me dragues ? ».
    « Ça ne se voit pas ? » fait-il avec son sourire ravageur au coin des lèvres.
    « Ah, bah, si c’est le cas, c’est pas une réussite… ».
    « Et que je rame, que je rame, que je rame… ».
    « Bah, rame alors, si ça te fait plaisir… »
    « Tu me troubles quand même pas mal… ».
    « C’est ça, un coureur comme toi… ».
    « Dans la vie de tous les jours, aucune fille me déstabilise… vraiment… mais toi, toi tu fais partie d’une catégorie de fille à part… celle qui me fait perdre tous mes moyens… ».
    « Tu lâches jamais le morceau… ».
    « Sinon, tu remercieras ta maman de ma part… » fait-il sans transition.
    « Pourquoi ça ? » fait Sandrine, étonnée.
    « Ne vois pas le mal partout… j’ai juste envie de la remercier de t’avoir mise au monde… nan, parce que sans elle, je n’aurais jamais pu te rencontrer… ».
    « Elle va être ravie… » fait elle en essayant de retenir un fou rire devant le culot du bogoss.
    « Dis-lui de me garder une assiette à Noel… ».
    Sandrine rigole désormais à gorge déployée… non, elle hurle carrément de rire. Oui, Sandrine est bel et bien en train de baisser la garde.
    Le feu tarde à passer au vert, le bogoss enchaîne, sur un ton plus sérieux, avec des nuances de victimisme aussi appuyées que peu crédibles :
    « Jamais de la vie je ne cours autant derrière une fille… et là j’ai quoi en retour ? Je me dis que je vais arrêter peut-être… peut-être que je te dérange… je ne sais même pas ce que tu penses, je ne veux pas être relou… »
    « Je t’aime bien… » finit par admettre Sandrine, sur un ton neutre, voire froid, pendant qu’elle se gare pas loin de son immeuble.
    « C’est tout ce que j’aurai aujourd’hui comme compliment ? ».
    Elle s’esclaffe à nouveau dans une franche rigolade.
    « Bye… » elle coupe court en défaisant sa ceinture et en claquant la bise au bogoss.
    « C’est la loose à Toulouse… » je l’entends commenter.
    Sandrine quitte la voiture en rigolant, je lui claque la bise à mon tour avant de prendre sa place.
    Je m’installe à côté de Julien, je boucle la ceinture, je cale mon regard sur le regard du bogoss en train de suivre Sandrine dans la rue. Puis, à un moment, il se retourne brusquement vers moi, me regarde fixement dans les yeux et il me balance :
    « Cette fille, c’est un sacré morceau… elle n’est vraiment pas facile à draguer… mais dans une semaine, tu vas voir, elle va me manger dans la main… ».
    Je commence à conduire, direction Rangueil.
    « Ça va pas fort, toi, aujourd’hui… » il me balance, de but en blanc.
    « Si, pourquoi ? » je tente de mentir.
    « On dirait que tu reviens d’un enterrement… ».
    « Je suis juste fatigué » je tente de désamorcer.
    « Week-end difficile ? ».
    « C’est ça… ».
    « Alors, tu l’as revu ton pote qui te fait la gueule ? » fait-il sans prêter attention à mes mots.
    Je n’ai pas envie de répondre. Mais je sens son regard perçant sur moi, je sais qu’il ne va pas lâcher le morceau.
    « Tu l’as revu, alors ? » fait il en posant une main sur mon épaule et en me secouant légèrement pour attirer mon attention.
    « Oui… » je finis par lui balancer, agacé.
    « C’est un petit oui, ça… ».
    « J’ai pas envie d’en parler ».
    « Laisse-moi deviner… toi t’as envie de coucher avec lui, mais lui il ne veut pas… ».
    « Pffff, laisse tomber, je te dis… ».
    « Ou alors… il ne veut plus… ».
    « C’est ça, maintenant c’est bon, Julien… ».
    « Mais tu le kiffes à mort… » il enchaîne pourtant.
    « Oui, mais on va arrêter d’en parler, ok ? Sinon je vais encore faire plein de conneries avec la voiture ! ».
    « Ok, ok… ».
    Le cours continue dans un silence interrompu uniquement par ses instructions.
    Du moins jusqu’à ce que je sois obligé de m’arrêter à un feu rouge. C’est là que le bogoss revient à la charge :
    « Ça doit pas être facile d’être pd… enfin, gay, je veux dire… » je l’entends balancer sur un ton posé, affable.
    « Je te confirme ».
    « Tomber amoureux d’un mec qui aime les filles… parce que c’est ça, n’est-ce pas ? Ton brun s’est amusé avec toi, mais au fond il aime les filles, je me trompe… pas ? ».
    Je ne sais pas, mais j’ai comme l’impression que cette réflexion sent étrangement le vécu. Soudainement je repense à Martin, et je me demande si… mais mon imagination est certainement trop débordante… ou pas…
    « Ça doit être ça… pourtant, il fait son jaloux s’il me voit avec un autre gars… tiens, comme la fois qu’il m’a vu avec Martin… » je décide de le tester à mon tour.
    « T’as baisé avec Martin ? » il réagit du tac-au-tac, comme interloqué.
    « Non, et toi ? » j’ai envie de lui demander.
    Au lieu de quoi, je me contente de :
    « Non, pourquoi ? ».
    « Pour rien, t’inquiète… » il coupe court, avant de continuer « vraiment tu dois le kiffer ce mec pour te mettre dans cet état… ».
    « Oui, je le kiffe grave » je finis par admettre.
    Et là, sans transition, je l’entends me balancer :
    « Et moi, tu me kiffes aussi ? ».
    D’abord, je crois avoir mal entendu. Instinctivement, je me tourne vers lui. Il me balance le même regard qu’il sert aux filles, un regard charmeur, provocateur, indéchiffrable, les sourcils en chapeau, sexy à mort, un regard illuminé d’un petit un sourire sournois, coquin, une attitude en équilibre sur un fil invisible, entre charme et moquerie, entre sérieux et facétieux, entre premier et deuxième degré ; je sens que le bogoss est prêt à se laisser choir du côté du charme ou de la bêtise suivant la réaction à sa boutade ; son regard est « tout » et son contraire à la fois, je me demande comment il arrive à faire ça ; mais cette attitude de Julien est du grand art, car elle permet au beau gosse de toujours retomber sur ses pattes.
    Ah putain… je ne m’y attendais pas à celle-là… jamais je m’attendais à quelque chose de si direct… j’aurais dû mieux surveiller mes regards.
    Je suis tellement secoué par ses mots que je maque d'emboutir une voiture arrêtée à un STOP.
    « Ok ok, j’arrête mes bêtises… vas-y, mets le cligno à gauche… ».
    Ainsi c’était juste de la bêtise… ça avait pourtant l’air si réelle sa question.
    Nous arrivons à proximité de l’autoécole et le bogoss me demande de garer la voiture sur une des places réservées sur le petit parking un peu plus loin.
    Je viens d’éteindre le moteur et de mettre le frein à main ; et là, je l’entends me glisser, la voix caressante, charmante, les yeux pétillants, un petit sourire coquin aux lèvres :
    « Je sais que tu me kiffes… t’arrête pas de me mater depuis le premier cours… assume… ».
    Je le regarde sans arriver à trouver quoi répondre.
    « Tu me trouves pas beau ? » il finit par me balancer avec un naturel déconcertant, avec une petite moue de déception et avec des yeux suppliants, comme si on avait porté un affront fatal à son ego.
    Mais il cherche quoi ? Il se fiche de moi ? Et si… il me cherchait vraiment…
    « Si, t’es un bomec… » je finis par lâcher.
    « Tu vois, c’est pas si difficile… » fait-il en recouvrant soudainement son beau sourire charmeur, accompagné d’une petite étincelle de fierté dans le regard.
    Et il continue :
    « Mais moi je ne suis pas Martin, moi je ne baise que les nanas… on se revoit en fin de semaine, bye ».

    L’après-midi, je me sens encore un peu plus sens dessus dessous que le matin et que la veille. Déjà que je me prends la tête pour tout un tas d’autres choses, il fallait que Julien en rajoute du sien.
    Mais à quoi il joue ce petit con ? Pourquoi me poser cette question ? Si je le kiffe ? Ça lui intéresse vraiment de savoir ? A quoi bon ? Surtout pour me balancer après qu’il « ne baise que les nanas »… en fait, il veut juste se moquer, se payer ma tête.
    Maman est partie au travail et je m’enferme dans ma chambre. Je n’ai toujours pas envie d’aller courir sur le canal. Je sens un grand vide en moi, et ce, malgré les mille pensées qui s’agitent dans ma tête. Je repense à Mourad, à ce plan désastreux ; je repense à Thibault, à sa gentillesse ; je repense à Julien, à sa question à brûle pourpoint : « Et moi, tu me kiffes aussi ? ».
    Et je repense à Jérém. Sans cesse. Je sais que la seule personne qui pourrait me faire du bien, apaiser mes angoisses, c’est lui. Car il en est à l’origine.
    Ainsi, les deux derniers couplets de la chanson « Erotica » résonnent dans ma tête.
    Only the one that hurts you can make you feel better/Seul celui qui te blesse peut te faire te sentir mieux
    Only the one that inflicts pain can take it away/Seul celui qui inflige la peine peut l'ôter
    J’ai besoin de le retrouver, besoin de retrouver son odeur, la chaleur de son corps, ses gestes de mec pendant qu’il se dessape, pendant l’amour, pendant qu’il se rhabille, qu’il fume sa cigarette ; besoin de retrouver les lignes de la plastique, de son visage, besoin d’entendre sa voix, besoin de retrouver les sensations au contact de ce corps, de ce sexe familier, un contact rassurant, d’une certaine façon.
    Ce mec est ma drogue et je me sens en manque ; et le manque est si fort que je me sens prêt à tout pour une nouvelle « dose » de mon Jérém. Prêt à tout faire, à tout accepter, à tout renoncer.
    J’en arrive même à me dire que si « La plus grande chose que vous apprendrez jamais/Est juste d'aimer et d'être aimé en retour… », je pourrais peut-être envisager de l’aimer même si je ne le suis pas en retour.
    J’ai envie de pleurer, de crier, de tout casser ; je me sens comme un animal en cage à qui on a arraché son plus grand bonheur ; je me sens abandonné, rejeté, méprisé.
    Je ne peux pas me résigner à ce que ça se termine de cette façon avec Jérém, sur cet échec, sur un « dégage ! ». Si ça doit se terminer, ça doit être sur un feu d’artifice grandiose.
    Je voudrais le voir une dernière fois avant qu’il ne quitte définitivement son appart ; mais on est déjà le 30, et s’il doit quitter les lieux à la fin du mois, le déménagement c’est pour aujourd’hui ou demain. La fin du déménagement, car samedi dernier l’appart était déjà à moitié vide.
    Autant me mettre le cœur en paix ; il n’y aura plus d’endroit pour se voir, alors pourquoi espérer ? Espérer quoi, d’ailleurs ?
    De toute façon, après son « dégage », je n’oserai même pas aller le voir à la brasserie, le seul endroit où je suis sûr de le trouver ; aller le voir pour quoi faire, à la fin ?
    C’est dur, mais je dois tenir bon, jusqu’à ce que ça passe. Il me manque horriblement. Mais je ne dois plus le voir. Je ne veux plus le voir.
    Mais en attendant, je déambule dans la maison vide, sans savoir quoi faire de mon après-midi trop long.
    Il est 15 heures, lorsque ça sonne à la porte. Je me rends dans l’entrée, j’ouvre la porte.
    Et là, PAF !
    Je tire le battant et c’est comme si je recevais un poing en pleine figure.
    Pendant un instant, une fraction infinitésimale de nanoseconde qui me paraît une éternité, mon sang arrête de circuler, mes poumons de respirer, mon cœur a des ratés, la boule et les papillons au ventre et le nœud dans la gorge sont là, mes entrailles se vrillent ; je me liquéfie ; dans ma tête, c’est le black-out.
    IL est là.
    D’un coup, le temps s’est ralenti. J’ai l’impression que le silence s’est brutalement fait autour de moi pour que je me concentre sur le p’tit Dieu qui est apparu, éblouissant, aveuglant, incandescent, radioactif.
    Une petite gueule si sexy, si « mec », qui te donne envie de hurler à t’en détruire les cordes vocales ; un regard brun qui semble comme contenir tout le monde qui l’entoure et dans lequel j’ai juste envie de me perdre et de me noyer ; une jolie bouche sensuelle, et cette petite barbe de trois jours affirmant le côté viril.
    Petit t-shirt rouge délavé, bien moulant, col en V avec trois petits boutons laissés ouverts sur la peau mate rasée de près, sur le grain de beauté dans le creux du cou, sur sa chaînette de mec ; t-shirt laissant peu à l’imagination en ce qui concerne les pecs très bien dessinés et les tétons qui pointent scandaleusement, le biceps qui semble vouloir défoncer la manchette au-dessus de son brassard tatoué bien mis en valeur ; t-shirt au travers duquel on devinerait presque la tablette de chocolat raccord avec le haut.
    T-shirt qui est véritable supplice visuel, une pure provocation, une invitation, une injonction à l’arracher sur le champ ; d’autant plus qu’il est accompagné d’une casquette de la même couleur, portée à l’envers, ça va sans dire ; une touffe de cheveux bruns en bataille dépasse de l’ouverture au-dessus de la bande de réglage, lui donnant un air un brin négligé et sexy à craquer.
    Oui, Jérém est là, devant moi. Il se tient bien droit, les bras légèrement écartés le long du corps, ce qui a pour effet de bien mettre en avant le torse. Et de remonter ses épaules, de sorte que le deltoïde, ce muscle arrondi qui fait la jonction entre l’épaule et le bras, si saillant lorsqu’il est travaillé par la musculation et sublimé par la jeunesse, apparaît dans toute sa puissance.
    Tout est beau dans sa plastique de dingue ; mais moi ce qui me rend tout particulièrement dingue à ce moment, c'est le dessin de ses épaules, dessin qui ressort encore plus nettement lorsqu’il est en colère.
    Je le revois, l’autre soir, à poil, en train d’avancer vers moi, très énervé, menaçant, juste avant de me foutre à la porte ; sous le coup de l’énervement, ses bras étaient remontés, ses épaules avec, ses biceps avaient doublé de volume : on aurait dit un véritable petit taureau sexy.
    Je n’aime pas le voir en colère, mais il faut admettre qu’il est magnifique quand il l’est.
    Je suis aimanté par son regard, son t-shirt, sa casquette, par la couleur sa peau qui fonce à vue d'œil au contact du soleil d'été. Mais il y a autre chose sur lui qui me rend carrément fou… c’est…
    … c’est…
    … c’est…
    … c’est…
    … un putain un nouveau tatouage !
    Je suis comme aveuglé, tellement c'est sexy ; je crois que ce coup-ci je vais vraiment fondre sur place.
    J’ose tout juste regarder ce nouveau dessin qui parcourt sa peau.
    C’est encore un motif tribal du même style que son brassard, composé des lignes sinueuses mélangées à des lignes droites ; un dessin très net, aux bords vifs, « tranchants » ; ça prend naissance derrière l’oreille droite et descend à la verticale le long de son cou pour disparaître, tronqué, sous le coton rouge de son t-shirt… pour réapparaitre, comme à l’improviste, comme une scène tronquée en plein milieu, sous la forme d’une pointe travaillée juste en dessus de la manchette droite.
    Frustration insoutenable de ne pas pouvoir le voir en entier… de ne pas savoir jusqu’où il court… en attendant, c’est fin, bien dessiné, c’est hyper hyper hyper sexy ; soudainement, son t-shirt de fou devient mon pire ennemi.
    C’est un peu rouge tout autour du dessin, ça a l’air tout frais. Il vient surement de se le faire faire, vu qu’il y a moins de 48 heures il ne l’avait pas.
    Envie de lui arracher le t-shirt sur le champ pour voir ce tatouage en entier. J’en ai le souffle coupé.
    J’ai rêvé de ce genre de tatouage sur mon Jérém en croisant un mec qui en avait un semblable pas plus tard que la semaine dernière lors de mon « Toulouse summer bogoss city tour » ; j’en ai rêvé, et lui il l’a fait.
    Naaaaaaaaaaaaaaan, mais putaaaaaaaaaaaaaaaain, comment c'est possible ??? Comment c'est possible qu'un mec aussi sexy existe ???
    Mais là, la véritable question, la plus importante, est : comment se fait qu'un ptit con sexy comme Jérém, dont on pense qu'il a déjà exprimé toute sa sexytude bouillante, étalé sa palette de p’tit con Premium, comment se fait-il qu'il trouve encore et encore le moyen d’en mettre encore plein la vue, d’aveugler, de brûler les rétines avec un nouveau tatouage… cette petite gueule à hurler, ce regard de tueur sexy qui te terrasse en une seule seconde, ce torse de malade, et ce nouveau tatouage sexy à mourir, mais comment, comment est-ce possible ???
    Oui, je sais, la réponse est évidente : Jérém appartient à la catégorie des p’tits cons, et le petit con est source inépuisable d’émotion sensuelle. Je veux bien, je veux bien… mais là, il faut admettre qu’on atteint des sommets.
    J’ai envie de me jeter dessus, de le bouffer de la tête aux pieds, envie de l’avoir en bouche, envie de ses coups de reins furieux et sauvages, envie de lui, graaaaaaaaaaaaaaaave envie de lui !!!!!!!!!!!!!
    Je sais, j’en fais beaucoup. Mais si vous l’aviez vu, comme moi je l’ai vu, ça vous aurait arraché les tripes à vous aussi.
    « Salut ! » je l’entends lancer sur un ton calme et assuré, mais distant.
    « Salut… » je réponds, tout tremblant, les jambes en coton. Ce mec a un effet épouvantable sur moi. Ça me fait presque peur.
    Une fois passé le premier choc, j’en viens à me demander ce qu’il fait là. Ma réponse vient rapidement. Un instant plus tard, Jérém me tend la main et me balance :
    « Tiens, je pense que ça c’est à toi ».
    Dans sa paume, mon portable.
    Il m’avait fallu jusqu’à dimanche soir pour me rendre compte que je l’avais perdu. J’espérais que ce n’était pas chez lui. De toute façon je ne me voyais pas aller lui réclamer. Je m’étais dit que si par malchance je l’avais perdu à l’appart, puisqu’il ne voulait plus me voir, il me l’aurait fait passer par Thibault. En attendant, j’ai fait opposition ce matin. Putain de téléphone miniature qui semble fait pour être égaré, le seul argument marketing des constructeurs à cette époque étant le « toujours plus petit ».
    Frisson inouï se diffusant sur toute ma peau, hérissant tous mes poils, décharge électrique puissante se propageant le long de ma colonne vertébrale, en effleurant simplement ses doigts pour le récupérer.
    Je n’ai pas le temps de me remettre de cette émotion que déjà le bogoss me balance :
    « Bye », toujours aussi distant et froid.
    Et il entame le mouvement pour repartir.
    Aaaaaaaahhhhh… non, pas si vite ! Certes, son « dégage ! » resonne toujours aussi douloureusement dans ma tête ; j’ai envie de le gifler, de le frapper, mais putain qu’est-ce qu’il est sexy, putain qu’est-ce que j’ai envie de lui… et puis, ce tatouage, je DOIS le voir en entier, j’ai BESOIN de le voir en entier !
    Je cherche n’importe quoi pour le retenir…
    « Jérém… »
    « Quoi ? » fait le petit con à casquette en arrêtant son mouvement.
    … et le seul truc qui me vient c’est :
    « Tu veux une bière ? ».
    Je ne sais même pas s’il y en a au frigo, mais je tente le tout pour le tout.
    « Ça va aller, j’ai pas le temps… ».
    « Ou alors, tu veux autre chose… ? » oui, je tente vraiment le tout pour le tout « sans prise de tête, je te promets… ».
    Jérém est en train de sourire, je crois même en train de se marrer.
    J’ai dû balancer ça sur un ton tellement pitoyable, j’ai dû me ridiculiser comme jamais.
    Pourtant, ce sourire est tellement beau, tellement aveuglant, tellement Jérém, tellement comme je l’aime ; un sourire, un simple sourire, et je lui pardonne tout, tout, tout ; car c’est un petit con, la quintessence même du petit con.
    Puis, son sourire laisse la place à un regard qui est comme transperçant, avec un semblant de petit hochement de tête qui semble dire "t'as envie de moi, hein, t'as envie ?".
    Il y a un truc tellement intense dans son regard, un truc perçant comme une flèche, quelque chose de sauvage et puissant comme ses coups de reins, comme s’il pouvait te baiser de ce simple regard… putain de mec…


    4 commentaires
  •  Jérém

    Le bogoss recule enfin, et je rentre dans la petite entrée de l’immeuble.
    Jérém n’a pas allumé la lumière. Le petit espace est faiblement illuminé par la réverbération de l’éclairage public filtrant à travers les vitres opaques d’une petite lucarne au-dessus de la porte d’entrée.
    Jérém s’est arrêté en bas de l’escalier, le dos appuyé contre le mur. Il me regarde fixement. Sa respiration est rapide, le mec a vraiment l’air fatigué. Je sens les relents de son haleine chargée d’alcool.
    Le silence s’étire pendant de longues secondes. Jusqu’à ce que le bogoss ne se charge d’annoncer clairement la couleur.
    « Suce-moi ! » fait-il en dégrafant la ceinture et en ouvrant sa braguette, laissant apparaître son boxer blanc moulant le relief de sa queue, insoutenable invitation au plaisir.
    « Ici ? » je m’étonne.
    « T’es venu pour ça, non ? Ici ou ailleurs, une pipe c’est une pipe ».
    « T’es sûr de ton coup… ? »
    « Ecoutes, soit tu me suces là et maintenant, soit tu te casses… ».
    Envie furieuse d'être à ses pieds, à ses genoux, d'avaler sa virilité conquérante, jusqu'à la garde, jusqu'à m'en étouffer, de le laisser me dominer avec ses coups de reins puissants et sauvages, le laisser se défouler sans limite et sans retenue, jusqu’à avaler son jus brûlant. Envie de lui comme c’est pas possible.
    Un instant après je suis à genoux devant lui ; je surmonte avec une relative facilité la crainte de nous faire gauler et je finis par trouver rapidement la situation plutôt excitante.
    Je pose mes mains sur son pantalon pour le descendre sur ses hanches ; j’approche de près le relief de sa queue bien dessiné sous le boxer. Elle est encore au repos et je la titille avec ma langue à travers le coton. Je la parcours avec mes lèvres, j’enserre le gland, je le masse doucement, puis plus fermement, je sens sa puissance de mec se réveiller petit à petit.
    Je me décide enfin à tirer sur l’élastique du boxer pour dégager lentement la bête : je ressens comme une décharge d’un millier de volts à ce simple contact, à ce simple geste.
    Dès qu’elle apparaît, là, devant mes yeux, à quelques centimètres de mon nez, belle, engagée sur la voie d’une magnifique érection, dégageant une petite, typique odeur de mec, je me sens secoué et retourné comme si j’étais touché par la puissance de la foudre.
    Et lorsque ses mains saisissent ma tête, lorsque son bassin avance pour forcer le passage de mes lèvres, lorsque je sens la puissance de sa virilité prendre possession de ma bouche, la remplir, l’envahir, j’oublie la dureté de ses mots, de son regard, la cage d’escalier, mes inquiétudes.
    Ses mains enserrent fermement ma tête de part et d’autre, ses coups de reins s’enchaînent, puissants, rapides, tellement profonds que son gland arrive à taper à l’entrée de ma gorge.
    « Tu aimes ça, hein, tu es vraiment une salope… t’es venu me chercher pour que je t’étouffe avec ma queue, tu es venu pour te faire baiser… » je l’entends me balancer.
    Je reconnais à l’éraillement de sa voix son état d’alcoolémie avancée.
    Non, mon Jérém, pas vraiment… enfin, pas que… bien sûr, une partie de moi jubile, je sais à quel point le sexe avec ce mec peut être sauvage lorsqu’il est dans cet état… dans le bien, comme dans le mal… mais non, je ne suis pas venu « que » pour me faire baiser, non… si tu savais tout ce que j’ai envie de te dire, mec… mais pour l’instant ma bouche est indisponible pour la parole ; on verra ça plus tard…
    Ses coups de reins se succèdent sans répit ; il fait chaud dans la petite entrée, je transpire, je me sens vite en apnée.
    Pendant un petit moment, j’ai l’impression qu’il ne bande pas super dur, je pense que c’est pour remédier à cela qu’il se déchaîne aussi brutalement ; mais à force de va-et-vient, son érection finit par retrouver sa forme habituelle. Elle me remplit bien la bouche, elle m’étouffe.
    Au point que, à un certain moment je suis obligé de dégager ses mains et ma bouche de son engin pour reprendre mon souffle.
    Le bogoss en profite pour remonter le t-shirt et le coincer derrière la tête, dégageant ce que les américains appellent le six-pack, ces putain de tablettes de chocolat que moi j’appellerai plutôt un pack de huit…
    C’est beau, c’est à se damner ; et ça sent tellement bon ; un mélange de parfums de propre, de lessive, de fraîcheur de peau, de gel douche et de déo, et de bonnes odeurs de mec désormais si familiers, et donc si rassurants, tout ce bonheur olfactif que j’appellerais volontiers le « bouquet Jérém », ce bouquet qui me rend dingue dès la première inspiration.
    Je me jette sur sa queue comme un malade, affamé, avec une envie brûlante de le faire jouir ; ses mains saisissent mes épaules, me repoussent, je sens mon corps pivoter, j’ai l’impression d’être une poupée sans volonté dans ses mains.
    Je sais ce dont il a envie, j’en ai terriblement envie aussi.
    Je me retrouve dos contre le mur, tête contre le mur ; sa queue s’enfonce dans ma bouche, ses coups de reins reprennent, puissants, profonds, de plus en plus rapides, de plus en plus violents… parfois il s’arrête, le gland coincé au fond de mon palais, comme s’il voulait m’étouffer ; je le repousse un peu pour reprendre mon souffle, je le laisse revenir à la charge, avec un bonheur intense… tout ce que tu veux, mon Jérém, pourvu que tu me laisses goûter à ton jus de bogoss.
    Je suis hors de moi : d’autant plus qu’une de ses mains s’est glissé dans le col de mon t-shirt pour titiller mon téton ; et même si je sais qu’il ne fait pas ça pour moi, qu’il le fait juste parce qu’il sait que l’excitation que cela me procure se traduit par un plaisir d’autant plus intense pour lui ; mais qu’importe, je suis fou, j’ai envie de tout faire pour lui donner encore plus de frissons ; je lui caresse les boules, elles sont lourdes, chaudes, rebondies, bien pleines ; j’attrape ses fesses, je les serre, c’est musclé, c’est dur comme du béton…
    Il faut avouer que, plus ça va, plus je trouve un côté sacrement excitant dans le fait de faire ça dans l’entrée, au pied de l’escalier, avec le danger de se faire gauler. Un danger limité, certes, vu l’heure, mais un danger quand même.
    Le bobrun semble vraiment prendre son pied… je lève les yeux et je le vois penché au-dessus de moi, les deux bras croisés appuyés au mur, au-dessus de ma tête coincée un peu plus bas, le front appuyé à ses avant-bras… je l’entends haleter, respirer de plus en plus profondément, comme un petit taureau excité.
    Nos excitations se mélangent, nos transpirations aussi : au fil de ses va-et-vient, ses abdos caressent mon front moite, alors que des gouttes de transpiration tombant de son front tombent sur mon nez, dans mon cou… dans le petit espace la température monte encore, ça sent la transpiration de bogoss, la queue de bogoss, l’orgasme de bogoss tout proche. L’ambiance est moite.
    « Ah, tu aimes ça, hein, te faire défoncer la bouche… tu veux mon jus, hein ? Tu vas l’avoir et tu vas l’avaler comme une bonne chienne… ».
    Bien sûr que je le veux…
    « Je vais jouir, putain… ».
    Le bobrun vient tout juste de m’annoncer cette bonne nouvelle ; et là, on entend des voix dans la rue, des voix approcher à grand pas. Je me dis que, vu la proximité de sa jouissance, on ne va pas s’en inquiéter…
    Pourtant, je vois, je sens mon bobrun reculer comme un éclair, s’arracher de ma bouche ; j’ai juste le temps de voir cette queue tendue et prête à lâcher sa semence disparaître dans le boxer.
    Les voix, une masculine et une féminine, s’arrêtent devant la porte.
    « Où est-ce que j’ai mis ma clef maintenant ? » fait la voix féminine.
    « Dans ton sac, je pense… va la trouver maintenant… » répond le mec, taquin.
    Je regarde Jérém ; il est en panique, en train s’essayer de remballer son matos en vitesse, dans ces enveloppes en coton devenues trop petites pour contenir son excitation maximale ; l’alcool et la panique le rendent maladroit, il a du mal à boutonner son pantalon ; et surtout à boucler sa ceinture.
    Toujours à genoux, je m’avance vers lui, je dégage ses mains et j’entreprends de boucler sa ceinture à sa place ; son haleine chargée d’alcool, de cigarette, de tarpé et d’excitation me fait frémir ; c’est dans un état d’émoi insoutenable que je sens enfin sa ceinture se boucler sous mes doigts.
    « La voilà… tu n’es qu’une mauvaise langue, Quentin… » fait la fille, narquoise.
    J’entends le bruit de la clef insérée dans la serrure. Jérém m’attrape violemment par le poignet, me forçant à me lever.
    Je suis débout, le battant s’ouvre ; je regarde Jérém ; dans l’affolement, son t-shirt est à moitié coincé dans le pantalon, à moitié dehors ; sa ceinture est bouclée, mais le bout dépassant de la boucle pendouille devant sa braguette ; son front est ruisselant de transpiration, son visage affolé… mon bobrun affiche un air débraillé qui le rend, certes, sexy en diable, mais qui semble raconter dans les moindres détails ce qui était en train de se passer un instant plus tôt…
    La fille et le mec rentrent.
    « Ah… tiens… salut Jérémie, ça va ? » fait la fille en lui claquant la bise.
    « Très bien, et toi ? » fait mon bobrun à bout de souffle.
    « T’as couru le marathon ou quoi, t’as l’air tout essoufflé… » elle demande.
    Non, il allait jouir dans ma bouche si tu avais tardé encore quelques secondes, pétasse… mais de quoi je me mêle…
    « Presque… j’ai pris un verre avec des potes, et je suis vite rentré » bafouille Jérém, tout en serrant la main du mec ; puis, il détourne la conversation en se lançant dans les présentations « c’est mon pote Nico… elle c’est Ludivine, la voisine du dessus, et son copain Quentin… ».
    La fille me claque la bise, tout en lâchant :
    « Je crois qu’on s’est déjà croisés une ou deux fois dans l’immeuble… ».
    « C’est possible, on a révisé ensemble avant le bac… » je me lance.
    « Non, c’est plutôt à des heures plus tardives, quand je rentre de l’hôpital… »
    « Ludivine est aide-soignante… » explique Jérém en me regardant ; puis, à l’intention de la voisine « Nico est venu parfois boire une bière à l’appart… ».
    « Il me semble que je t’ai croisé un dimanche matin… ».
    Mais qu’est-ce qu’elle cherche, celle-là ? Lâche-nous un peu les baskets à la fin !
    « Tu veux bien qu’on monte Ludi, on crève de chaud ici… » fait Quentin, me devenant soudainement très sympathique.
    « Allez, bonne soirée les gars… amusez-vous bien… » fait elle en empruntant les premières marches.
    Elle me gonfle celle-là.
    On les regarde monter, on les écoute ouvrir la porte sur le palier du premier, rentrer et refermer derrière eux.
    Sans un mot, Jérém s’engage lui aussi dans l’escalier, la démarche un brin titubante.
    Sans instructions de sa part, je lui emboîte le pas, direction le palier du deuxième, me disant que, malgré ce qui vient de se produire, il doit avoir envie de terminer ce qu’il avait bien commencé et presque fini dans l’entrée.
    Il est tellement rond qu’il a du mal à glisser la clé dans la serrure… heureusement que ça en est autrement avec sa queue dans ma bouche.
    Oui, l'amour nous soulève jusque-là où nous sommes destinés… même si ce n’est que pour faire une pipe à un mec saoul au deuxième étage d’un appartement en ville…
    La porte s’ouvre sur un appart à moitié vide, avec du bazar et ces cartons jonchant le sol, ce qui me renvoie immédiatement au fait que c’est certainement la dernière fois que je fous les pieds dans cet appart qui a été le théâtre de notre histoire.
    Evidemment, Jérém ne trouve pas nécessaire de m’expliquer le pourquoi de ce souk. Peut-être qu’il se dit tout simplement que ce ne sont pas mes oignons. Ou bien, il est tellement défoncé que ça lui passe à des kilomètres au-dessus de sa jolie tête…
    Mais moi je sais ; grâce à Thibault, je sais. Je sais qu’il doit rendre les clefs dans deux jours et que ce lieu symbolique, le théâtre de nos premiers ébats, la scène de mon dépucelage, le cadre de tout ce plaisir qu'on s’est donné, va devenir inaccessible, comme s’il disparaissait de la surface de la Terre.
    Jérém quitte ces lieux ; s’il le faut, à la rentrée, un autre étudiant, peut être un autre petit con ultra bandant, prendra sa place ; comme lui, il baisera des nanas à tout va ; comme lui, peut-être, il dépucèlera ce camarade de classe auquel il a volé le cœur.
    Impossible de ne pas me demander où est-ce que nous nous retrouverions désormais pour nos galipettes, si tant est qu’il le voulait. Cet appart va vraiment me manquer. Il s’en est passé des choses entre ces quatre murs... s’ils pouvaient parler…
    C’est dur de penser qu’une page se tourne avec ce déménagement, une page de nos vies, et que la prochaine page nous ne l’écririons pas forcement ensemble.
    Une page que je sens déjà en train de se tourner à cet instant précis. Bien sûr, je suis content qu’il m’ait permis de monter ; cependant, j’ai quand même une étrange sensation : je le trouve froid, limite hostile à mon égard, comme si ma présence le dérangeait.
    En montant les escaliers, je me disais qu’une fois à l’appart, dès la porte refermée derrière nous, il se dessaperait et m’ordonnerait de le sucer, de le faire jouir... j’adore ses « viens sucer » sans appel qui me font vibrer et qui transforment mon envie en besoin ; j’adore son côté macho très sûr et très fier de sa queue.
    Mais une fois à l’appart, je le vois avancer vers le lit, ôter son t-shirt, allumer une cigarette et s’allonger.
    Je ne l’ai pas souvent vu fumer dans l’appart, sur le lit, cela semble confirmer le fait qu’il doit être vraiment bien défoncé. La fumée se répand vite dans le petit séjour, elle m'irrite le nez.
    Le silence est pesant, son attitude bizarre. Je ne sais pas pourquoi il m’a fait monter, si c’est pour vivre ce malaise.
    Ce malaise qui m’ôte tous mes déjà faibles moyens et qui me rend impossible de lui parler comme je l’avais imaginé. Non, ce n’est pas cette nuit, devant un Jérém rond comme une bille, que je trouverai le courage de lui dire à quel point je l’aime.
    Je le regarde fumer, son torse nu dépassant de son pantalon porté scandaleusement bas, révélant ce pli de l'aine si sexy, laissant devine à peine le tissu du boxer, barrière de coton qui me sépare de cette queue qui me rend dingue ; trop envie de le sucer pendant qu’il fume.
    C’est pas des papillons dans le ventre que j'ai en le regardant, c'est pas mal au ventre, c'est pas des nœuds dans la gorge, c'est comme si j'avais de la lave en moi tellement ça brûle, tellement c'est insoutenable...
    Le regard perdu dans le vide, sa chaînette abandonnée entre ses pecs ; son tatouage si sexy ; sa main libre coincée entre la tête et l’oreiller, son aisselle finement poilue bien en vue, dégageant clairement une appétissante odeur de mec. Il continue de me narguer...
    En fait, je crois qu’il attend tout simplement que je lui défasse la braguette et que je le suce. Je me décide enfin à me glisser entre ses jambes et à aller à la rencontre de la bête.
    « Oui, vas-y, suce moi… ».
    Mon regard est aimanté par ce boxer blanc dessinant avec une précision diabolique sa queue qui semble un peu retombée mais dont le gabarit reste plus que respectable. Tu prêches un convaincu, mon Jérém… évidemment que je vais te sucer, mon beau… mais j’aime bien t’entendre me l’ordonner…
    Je descends son boxer et je le prends entre mes lèvres ; je le suce avidement, poussé par une seule envie, celle de sentir le jus de sa bogossitude se déverser à grands traits dans ma bouche.
    J’y vais comme un fou : l’idée de le sucer, alors que l’ivresse fait ressortir ses instincts de mâle en rut, me plaît bien et me donne envie de me surpasser.
    Pourtant, très rapidement, et en dépit de ma bonne volonté et de mon entrain, sa queue ne semble pas vouloir passer du statut de demi-molle à celui de très très raide, statut dans lequel je l’avais laissée en bas des escaliers une poignée de minutes plus tôt.
    « Vas-y, fais-moi jouir, putain ! » je l’entends m’ordonner rageusement.
    Je redouble d’entrain, d’inventivité, je titille ses tétons, je caresse ses boules, je me pousse même à lui faire ce truc avec ma langue sur son ti trou qu’il affectionne tout particulièrement, mais rien n’y fait.
    J’ai même l’impression, se faisant très vite certitude, qu’il débande.
    Je le sens frustré, de plus en plus énervé ; je ne veux pas le décevoir, je redoute sa réaction de macho si je n’arrive pas à lui offrir son plaisir de mec.
    Je le reprends en bouche, il me repousse. Il se branle. La branlette, le plaisir qu’on se fait à soi-même, valeur refuge pour faire réagir un corps qui ne veut pas. Personne ne sait mieux nous offrir notre plaisir que nous-mêmes. C’est un plaisir moins exaltant, car il exclut la part que le désir et le contact de l’autre apporte à notre jouissance, mais un plaisir assuré.
    Je le regarde se branler longuement : je dois admettre que c’est très excitant de le regarder faire sans pouvoir y toucher.
    Sa respiration se fait de plus en plus bruyante, je sens qu’il fatigue ; pourtant, sous l’effet de sa main, sa queue semble reprendre de la vigueur.
    Il se relève brusquement ; mais alors que j’apprête à le reprendre en bouche, ses mains me retournent, je me trouve à plat ventre sur le lit : le bogoss veut changer son « fusil » d’« épaule ». Je l’entends cracher sur ma rondelle et tenter de s’enfoncer à moi en accompagnant sa queue avec sa main ; il essaie, n’y arrive pas, se retire, se branle, revient à la charge, toujours sans succès.
    Après s’y être repris plusieurs de fois sans succès, il s'arrache de moi. Je le sens frustré et blessé dans son orgueil de mâle, je voudrais trouver les bons mots pour le rassurer, mais je ne sais par où commencer. Il faut dire que jamais je n’aurai imaginé me trouver dans cette situation avec lui, d’habitude si fringuant.
    Je me prépare à me relever, j’ai envie de le serrer contre moi, de lui montrer que ça n’a aucune importance pour moi, que j’ai juste envie d’être avec lui. Mais avant que j’aie pu faire le moindre mouvement, le bobrun me retourne, se met à califourchon sur mon torse, il enfonce direct sa queue mi-molle dans ma bouche…
    Il ne s’avoue pas vaincu mon bel étalon… alors, je tente le tout pour tout. Et pendant que je m’affaire pour lui offrir une fellation musclée, je suis étonné de lui voir accomplir ce geste inattendu, un geste qui ne semble pas du tout coller avec son état d’esprit du moment : il attrape un coussin et il le met derrière mon cou pour me caler.
    J’essaie de me concentrer sur cette pipe et ne pas me poser des questions sur l’intention à l’origine de ce geste : espérer de la bienveillance de la part de Jérém, j’ai appris à ne pas rêver ; à tous les coups, ce geste c’est juste pour me mettre en condition de mieux le pomper.
    Je me donne à fond pendant un long moment. Hélas, j’ai beau y mettre tout mon talent et mon énergie, sa queue ne régit guère.
    Je commence à fatiguer moi aussi. J’essaie de caler autrement ma tête contre l’oreiller, mais Jérém recule son bassin et s’arrache à nouveau de ma bouche.
    Je le vois passer le revers de la main sur le front trempé de sueur, je le vois frotter son visage avec ses deux mains, secouer la tête comme pour se réveiller.
    Mon ti Jérém est HS pour cette nuit : l’heure tardive, la fatigue après des semaines de service à la brasserie jusqu’à pas d’heure, l’alcool, le tarpé ; oui, même un ti con de son espèce a des limites.
    Cela ne m’empêche pas de me sentir frustré à mon tour : déjà, parce que j’avais vraiment envie de lui offrir cette jouissance ; ensuite, je suis triste et mal à l’aise pour lui : je devine à quel point pour un petit macho de sa trempe ça doit être humiliant de courir jusqu’à s’essouffler, sans arriver à marquer de but. Je me dis qu’il a peut-être dû ressentir un peu la même frustration lors du match raté de la demi-finale. A cet instant, Jérém doit être vraiment contrarié...
    Certes, moi je sais que mon Jérém a déjà fait bien mieux que ça : j’ai le souvenir de nombreuses fois où le compteur de ses orgasmes semblait ne jamais devoir s’arrêter ; je pense notamment à la nuit avec Romain ; où à celle de samedi dernier, avec Thibault. Que de jouissances, en à peine quelques heures…
    Oui, moi je sais que mon bobrun est capable d’exploits assez incroyables, et il le sera à nouveau après une bonne nuit de sommeil ; mais je suis sûr qu’à cet instant précis, lui ne voit que l’échec.
    J’avais un peu pressenti, déjà lorsque nous étions dans l’entrée, qu’il n’était pas dans sa forme habituelle… ce qui semblait expliquer la virulente de ses coups de reins ; je me dis maintenant que si lui aussi a senti à un moment ou à un autre que ça allait être difficile pour lui d’arriver au bout, c’est peut-être la peur de la panne qui a fini par devenir la cause principale de la panne…
    « Reviens un peu… » je tente de l’encourager, tout en portant une main sur une de ses fesses pour lui suggérer le mouvement de retour vers ma bouche, prêt à tout donner pour relancer la machine et pour ne pas le laisser sur ce sentiment d’échec.
    « Laisse tomber, je te dis ! » je l’entends réagir brusquement, alors que sa main dégage la mienne tout aussi promptement, avec un geste très sec. Il recule, descend du lit, disparaît dans la terrasse ; il s’allume une nouvelle cigarette.
    J’ai envie de lui dire que ça ne fait rien, sa queue je l’ai quand-même bien sentie passer dans tant d’autres occasions, j’ai envie de trouver le moyen pour consoler son ego de jeune mâle blessé.
    Mais je devine que quoi que je dise, ça n’aurait d’autre effet que de le mettre encore plus en pétard : alors, je choisis le silence.
    J’imagine qu’il va falloir que je quitte les lieux rapidement. Pourtant, j’angoisse et je culpabilise à l’idée de le laisser partir sur ce petit échec.
    J’imagine déjà que ça va être carrément impossible de le retrouver après ça ;car il ne me laissera jamais l’occasion de rattraper le coup.
    Je m’apprête à me lever ; et là, je le vois revenir vers la porte vitrée, s’arrêter sur le seuil, prendre appui avec l’épaule sur le montant de l’encadrement, beau comme un dieu dans la nudité dans la pénombre.
    « Tire-toi » je l’entends me lancer, froidement.
    « Tu sais, Jérém, c’est pas gra… ».
    Je n’ai pas le loisir de terminer ma phrase car, cigarette au bec et regard fulminant de colère, il s’avance vers moi comme une furie, m’attrape violemment le bras, m’arrache du lit et me balance vers la porte d’entrée, tout en me lançant méchamment :
    « Putain ! Casse-toi, sinon ça va mal se finir ! ».
    « Jérém, s’il te plaît… » je tente de le raisonner.
    « Dégage ! » il finit par me balancer. Voilà qui est lâché : celui qui je considère le plus blessants des mots.
    Devant son « Dégage ! » je ne trouve plus la force de réagir, je ne trouve plus rien à retorquer. Je suis perdu, abattu. Défait. Il n’y a plus rien à dire, plus rien à faire.
    Il y a une chanson d’ABBA dont le titre résume bien mon état d’âme de cet instant, elle s’appelle « When all is said and done », « Quand tout est dit et fait ».
    Alors, je me tire. En claquant la porte, je me tire.
    Ce n’est que dans l’escalier que je laisse mes larmes monter comme une rivière en crue, embuer ma vue, ruisseler sur mon visage.
    Quel gâchis de dire adieu à cet appart de cette façon, sur cette note. Cet appart c’est l’un des lieux les plus marquants de mon existence ; dans cet appart j’ai découvert l’amour physique, cet amour qui s’est combiné à l’amour tout court, le rendant immense, aveuglant ; dans cet appart, et suivant l’humeur de son locataire, j’ai couché, baisé, fait l’amour ; dans cet appart j’ai passé mes premières nuits avec un garçon. J’ai aussi donné les premiers baisers à garçon ; baisers volés, certes, la plupart du temps, mais baisers si bouleversants.
    Appart de l’amour des illusions. De la haine et des désillusions. Dans cet appart j’ai été heureux, mais aussi triste, très triste : mais jamais comme cette nuit.
    J’ai le cœur lourd en passant dans la petite entrée où j’ai failli faire jouir Jérém. Je ressens un profond désespoir s’emparer de moi lorsque je remonte pour la dernière fois la rue de la Colombette en quittant l’appart de Jérém.
    Car, je le sais, je ne suis pas juste en train de quitter un lieu ; je suis aussi et surtout, en train de quitter le garçon que j’aime. Pour toujours.

    Mourad

    La nuit est tiède et la rue déserte. J'aime ce calme qui s'empare des rues des villes après une certaine heure de la nuit et avant une certaine autre heure du petit matin ; c'est un moment qui n'est jamais trop long, une heure ou deux, quand tout le monde semble couché et personne ne semble encore levé ; on a l'impression que la ville toute entière est en train de dormir, et que la Terre s’est arrêtée de tourner.
    Le bruit de quelques voitures solitaires au loin semble mettre encore davantage l’accent sur ce silence presque parfait.
    Le temps semble comme suspendu, assis sur les toits de la ville, en train de profiter lui aussi de la fraîcheur de la nuit.
    Ce silence me fait du bien, m’apaise. J’ai un bon bout à marcher avant de retrouver mon lit. Je suis sonné, j’ai comme l’impression de planer, l’impression que je ne réalise pas complètement ce qui vient de se passer. Je n’ai pas vraiment envie de retrouver mon lit, je ne veux pas dormir ; je ne veux pas laisser filer cette nuit, pour ne pas devoir me réveiller demain, car je sais que je me réveillerai avec le cœur meurtri. J’ai envie de faire durer cette nuit le plus longtemps possible.
    Voilà pourquoi, j’imagine, lorsque j’arrive au canal, une force inattendue m’empêche de tourner à gauche, en direction de mon lit, pour me pousser avec insistance dans la direction opposée.
    Une force amorcée par le passage d’une petite bande de mecs dont les échanges me laissent entendre qu’ils sont du bon côté de la Force et qui se dirigent vers le On Off.
    Je leur emboîte le pas. Je ne sais pas pourquoi je fais ça, c’est horriblement tard, je suis mort de fatigue, mes parents vont encore s’inquiéter, je vais encore devoir donner un million d’explication bidons ; et, surtout, je suis presque certain que je n’oserai franchir la porte tout seul ; de toute façon, en short, ils ne me laisseraient jamais rentrer.
    Pourtant, je le fais. J’essuie mes larmes, je traverse la route, je marche côté canal, l’air de rien. L’enseigne rouge lumineuse me nargue.
    Je la fixe, comme en hypnose, je ralentis le pas ; lorsque mon regard se détourne enfin, je capte le regard d’un mec qui est en train de fumer juste en dessous de l’enseigne lumineuse ON OFF, comme mon bobrun l’avait fait la fois où il m’avait entraîné dans cette boîte.
    Le mec me regarde de façon insistante ; je le regarde, cherchant à comprendre si vraiment il s’intéresse à moi. Nos regards ne se quittent pas. Je ressens une sensation grisante à l’idée de plaire à ce garçon. Je le détaille : 1 mètre 70, physique pas vraiment baraqué, néanmoins très bien proportionné, genre petit rebeu ; habillé simplement, simplement sexy : t-shirt bleu cintré col en V, jeans clair, baskets blanches.
    Devant ce beau garçon, mon corps me rappelle son envie de sexe, cette envie qui l’avait ravagée comme un incendie une demi-heure plus tôt au pied d’un escalier.
    Une envie qui devient désir brulant lorsque ce bel inconnu semble esquisser un petit sourire, accompagné par un petit signe de la tête m’invitant clairement à traverser la route et à le rejoindre.
    Et moi, devinez quoi ? Je trouve le moyen d’hésiter.
    Heureusement, le mec est du genre déterminé.
    « Viens... » je l’entends me balancer cette fois à mi-voix, mais sur un ton bien ferme, tout en réitérant ce petit geste de la tête. J'aime les mecs qui ont les idées claires.
    Je ne sais pas trop de quoi j’ai envie. Une partie de moi a envie de tracer la route et d’aller me blottir dans mon lit. Alors qu’une autre partie a envie de se laisser aller à l’inconnu que représente ce beau garçon.
    C’est en m’appuyant sur la fausse excuse de l’avoir désormais trop cherché pour pouvoir me dérober, que je me décide enfin à aller le rejoindre.
    La véritable raison étant que ce petit reubeu m’intrigue bien.
    « Tu en veux une ? » il me demande, dès que je mets le pied sur le trottoir, tout en me tendant son paquet de clopes.
    Vu de près, il est encore plus sexy que je l’avais pressenti. Il doit avoir quelques années de plus que moi, 23 ou 24, je pense.
    Très typé, très masculin, la peau bien basanée, des yeux très foncées, vifs, pétillants, perçants. Son regard dégage quelque chose d’un peu brutal, que son sourire coquin se charge d’adoucir.
    « Non, merci, je ne fume pas… ».
    « Qu’est-ce que tu cherches par ici ? » il me demande, après avoir expiré un bon nuage de fumée.
    « Je sais pas trop… ».
    « Tu cherches un plan ? » il va droit au but.
    « Je sais pas, j’en ai jamais fait, ça dépend… ».
    « Ça dépend de quoi ? ».
    « Du mec, du feeling… ».
    « Je te plais ? ».
    « T’es très sexy… ».
    « Toi non plus t’es pas mal… ».
    « Merci… ».
    « Alors, tu trouves qu’il y a assez de feeling ? ».
    « Tu es du genre speedé… » je rigole.
    « Je vais pas te faire la cour, surtout à quatre heures du mat… ».
    « C’est sûr… » j’acquiesce bêtement.
    « On fait un tour ? » il relance sans transition.
    « Ou ça ? » fais-je, impardonnablement naïf.
    « Bah, je pensais chez moi… j’habite pas très loin, si ça te dit » fait-il, tout en m’envoyant un clin d'œil charmant.
    « Oui, ça me dit bien… ».
    « J’habite Port Saint Sauveur » il précise.
    Nous marchons côté à coté dans la fraicheur de la nuit. La situation, inédite pour moi, a un je-ne-sais-quoi de terriblement excitant. Jamais je n’ai été abordé par un mec de cette façon : devant une boîte gay à 4 heures du mat, me proposant de le suivre chez lui, pour un plan ; et, ce, au bout de tout juste dix phrases. Je ne sais pas trop quoi lui dire. Je ne sais pas trop comment me comporter ni sur l’instant, ni lorsque nous serons dans son appart.
    Je repense à Stéphane, qui m’avait invité lui aussi dans son appart. Mais c’était pour prendre un verre, et la première fois il ne s’était rien passé. Il avait su me mettre à l’aise, il avait été adorable. Que devient-il d’ailleurs ce très charmant garçon dans cette lointaine Suisse ?
    Avec ce mec, je sens que les choses ne vont pas du tout se passer de la même façon. Il est charmant lui aussi, mais les choses sont claires, il a juste envie d’un plan.
    De quoi va-t-il avoir envie au pieu ? Jusqu’où j’ai envie d’aller pour oublier ma tristesse et ma solitude ?
    « Moi c'est Nicolas » je finis par lui lancer, la seule chose que j’aie trouvée pour briser ce silence gênant.
    « Moi c'est Mourad... ».
    Joli prénom qui sonne pour mes oreilles comme la promesse d’une belle rencontre sensuelle.
    Nous traversons le canal et nous arrivons devant un grand immeuble. Il tape le digicode et nous voilà dans un grand hall d’entrée. Nous le traversons et nous rentrons dans l’ascenseur.
    Dans le petit espace, je me sens de plus en plus mal à l’aise. Je ne sais pas quoi lui dire, je ne sais pas quoi faire. Est-ce que je devrais lui dire des mots pour le chauffer, ou alors l’embrasser ? Pourquoi ne prend-il pas l’initiative ? En fin de compte, de nous deux, c’est lui le mec expérimenté… ça ne doit pas être la première fois qu’il ramène un mec chez lui pour un plan.
    Les quelques secondes que dure l’ascension me paraissent interminables. Je le regarde du coin de l’œil : il est vraiment sexy. Ce qui ne m’empêche pas d’être de plus en plus mal à l’aise… j’ai l’impression que je perds tous mes moyens, que je ne vais pas être à la hauteur.
    Je le suis dans le couloir et nous arrivons enfin devant la porte de son appart.
    Le mec me plaît, mais pas la situation, pas du tout. Je me surprends à me demander ce que je fais là. Je suis à deux doigts de faire demi-tour. J’ai mal en repensant à mon Jérém, mais c’est de lui que j’ai envie… et j’ai mal en pensant à mon lit, ces draps dans lesquels je n’aurais qu’une envie, celle de pleurer.
    La porte renfermée derrière nous, Mourad me plaque contre la cloison, ses lèvres donnent l’assaut aux miennes, sa langue s’enfonce dans ma bouche.
    Ah, putain… si seulement mon Jérém avait pu faire ça cette nuit…
    Mais son élan est aussi enflammé que bref. Quelques instants plus tard, il attrape le bas de mon t-shirt et il le remonte le long de mon torse. Je n’ai plus qu’à suivre le mouvement en levant les bras, et je me retrouve torse nu.
    Il commence à me bouffer les tétons, provoquant chez moi une érection immédiate. Il me lèche fougueusement, sa langue court partout, curieuse, humide, avisée ; elle descend le long de mon torse jusqu'à mon nombril, provoquant des bons frissons sur son passage.
    Pourtant je suis toujours ailleurs… je n’ai de cesse que de penser à Jérém, à son corps, à nos corps à corps…
    Mourad défait ma ceinture, ouvre mon short, descend mon boxer et il prend direct ma queue dans sa bouche. Il entreprend de me sucer, expérience quasi-inédite pour moi, seul Stéphane m’avait offert ça jusque-là ; expérience qui se révèle d’ailleurs très agréable... oui, définitivement, j’aime bien me faire sucer… c’est presque aussi bon que de sucer… surtout sucer mon connard de bobrun…
    Là aussi, sa fougue se révèle aussi intense qu’éphémère.
    Très vite, le jeune reubeu se relève, se débarrasse de son t-shirt bleu, dévoilant ainsi un joli torse naturellement imberbe, une plastique tonique, sans être vraiment musclée ; à l’évidence, le mec n’est pas un adepte de salle de sport ou de terrain de jeu ; pourtant, son torse et son cou élancés constituent une brûlante invitation au plaisir. Sa peau basanée, douce et soyeuse, est aussi appétissante qu’un croissant de boulangerie encore tiède ; et ses deux beaux tétons bien bruns, bien sombres, donnent franchement envie de croquer dedans.
    Et lorsqu’il descend son jeans et son boxer, c’est une belle queue tendue qui apparaît devant mes yeux. Là aussi, c’est très sombre ; de par une pilosité assez importante, mais aussi et surtout de par la couleur bistre de son service trois pièces, couleur assortie à celle de ses tétons. Un charmant code couleur semblant tracer la géographie des zones érogènes de ce beau petit mâle.
    Mourad est à poil, la main sur sa queue, cette queue que, comme d’habitude, je ne peux m’empêcher de comparer à celle qui me rend dingue, celle de mon bobrun … mais au fond, les centimètres ont une importance relative, lorsque le plaisir qu’on recherche est celui d’offrir du plaisir à un beau garçon.
    « Allez, viens me sucer… » me balance le sexy Mourad sur un ton d’impatience.
    Si en plus il me parle comme Jérém, comment me concentrer sur l’instant présent…
    Pendant que je me mets à genoux, je me revois me mettre à genoux devant mon Jérém une heure plus tôt dans l’entrée de son immeuble… quand je pense qu’on a failli se faire gauler. Je regarde cette jolie queue bistre tendue devant mon nez, mais c’est de la queue de mon Jérém dont j’ai envie…
    « Allez, suce… on va pas y passer la nuit ! » s’impatiente le mec.
    Sa peau dégage une odeur fraîche et fruitée, j’adore ce genre le gel douche. Une petite odeur tiède de transpiration s’y mélange, ce qui n’est pas fait pour me déplaire.
    J’entreprends alors de le sucer, bien déterminé à m’appliquer pour lui faire plaisir. Je porte les doigts à ses tétons pour le titiller, mais très vite ses mains interviennent pour dégager les miennes.
    « J’aime pas ça… » je l’entends me lancer. Comme quoi, les codes couleur peuvent parfois être trompeur.
    Je continue de le sucer, du mieux que je peux. Pourtant, j’ai vite l’impression que je n’arrive pas à lui faire plaisir. J’ai du mal à trouver les bons boutons, les cordes sensibles. Avec Jérém, je sais exactement où toucher, caresser, lécher, pour le faire monter au rideau. Avec Mourad, ce n’est pas du tout le cas : oui, c’est vrai, je ne connais pas son corps ; mais, surtout, le cœur n’y est pas.
    De plus, Mourad n’est vraiment pas du genre très expressif ; ça fait déjà un petit moment que je le suce, j’ai essayé à peu près tous les trucs qui peuvent faire délirer un mec… pourtant, pas un gémissement, pas un mot, sa respiration ne semble même pas s’affoler.
    Je finis par me dire que je suis vraiment mauvais. Une sensation qui semble se confirmer lorsque le mec prend la situation en main, au sens propre comme au sens figuré, en me tenant la tête avec ses deux mains, tout en envoyant des coups de reins puissants, destinées à envoyer sa queue de plus en plus loin dans ma bouche.
    Si en plus, il s’y prend comme Jérém, comment me concentrer sur l’instant présent…
    Dans la théorie, j’adore ce qu’il est en train de me faire… dans la pratique, je crois que mon excitation est en train de retomber… et surtout, il y a des choses que j’ai envie avec mon Jérém, et qu’avec mon Jérém…
    Je suis également inquiet (ce qui me rend crispé, la crispation étant le « tue l’amour » par excellence), au sujet des intentions de ce mec… j’ignore s’il est près de jouir, et j’ignore s’il est du genre clean ou du genre qui s’en tape… alors, je prends quand même le temps de me dégager et de lui dire que je ne veux pas qu'il jouisse dans ma bouche.
    « T’inquiète, je sais me retenir... » fait-il tout en fourrant à nouveau sa queue entre mes lèvres et en reprenant ses coups de reins de plus belle.
    Je suis un peu rassuré… mais j’ai envie du jus de mon Jérém…
    Je continue à endurer ses assauts ; puis, au bout d’un moment, il retire sa queue de ma bouche, et il me demande :
    « Tu te fais sodo ? ».
    Je ne sais pas, je ne me suis franchement pas posé la question. Je n’ai pas de réponse.
    Mourad est beau, sexy, le mec est à mes yeux une espèce de fantasme sur pattes.
    Mais le cœur n’y est toujours pas. C’est certainement à cause du contexte, de cette façon de baiser, de juste baiser, de cet enchaînement d’actes mécaniques où l’on ne partage que des sensations tactiles de deux corps… il n’y a aucune connexion entre Mourad et moi, à part nos envies. Et encore, la mienne, je la cherche.
    Je voulais me sentir désiré, coucher avec un mec pour ne pas penser à mon Jérém ; pourtant, paradoxalement, en baisant avec Mourad, je n’arrête pas de penser à Jérém.
    J’essaie de le chasser de mes pensées et de me concentrer sur mon amant basané. Je décide de mettre à profit l’occasion et découvrir une nouvelle façon de faire l’… la baise…
    « Oui, j’ai bien envie… » je finis par répondre à sa question.
    Sans rien rajouter, il se penche pour rattraper son jeans, il fait les poches une après l’autre et il finir par sortir une capote.
    « Viens… » il me lance en s’engageant dans un petit couloir ; il ouvre une porte, allume la lumière ; c’est sa chambre, un grand lit monopolise la presque totalité de l’espace.
    « T’aimes en levrette ? ».
    « J’aime les deux ».
    « Moi je préfère la levrette ».
    « Ok… ».
    « Allonge-toi… ».
    Je m'exécute, je m’allonge à plat ventre sur le lit.
    Je l’entends déchirer l'emballage de la capote, la sortir et la glisser sur sa queue. Il applique du gel sur sa queue et entre mes fesses.
    « Vas-y, cambre bien ton cul… ».
    Là aussi je m’exécute sans broncher.
    Un instant plus tard, son gland vise l’entrée entre mes fesses. Son bassin applique une pression de plus en plus forte mais mes muscles ne semblent pas vouloir céder, comme s’ils n’étaient pas prêts.
    Ou bien c’est le corps qui parle à la place de la tête qui ne veut pas dire non.
    Il recule, il introduit un doigt pour préparer le passage. Rien que la présence de son doigt me fait déjà mal. Je pressens que ça ne va pas être génial.
    Il revient à la charge en écartant mes fesses avec ses mains. Mais à nouveau mon ti trou refuse de céder ; le mec exerce une pression de plus en plus forte, tellement forte que j’ai peur que la capote casse. Ses mains écartent un peu plus mes fesses ; et son gland arrive enfin à se faufiler dans mon entrée toujours très serrée.
    Tellement serrée que j’ai vite mal.
    « Arrête, s’il te plaît… ».
    « Qu’est-ce qui se passe ? ».
    « Laisse-moi souffler une seconde… ».
    Le mec se retire, mais il me laisse vraiment juste une seconde de répit avant de revenir à la charge. Cette fois-ci, il finit par glisser en moi jusqu’aux couilles. J’ai un peu mal mais je me dis que mes muscles vont se détendre, que ça va passer.
    « T’as un bon cul ! » ce sera son seul commentaire.
    Celle-là aussi, je l’ai déjà entendue.
    Mourad commence à envoyer ses va-et-vient entre mes fesses : ses coups de reins sont puissants, ses couilles bien pendantes frappent lourdement mon entrejambe ; ses mains saisissent mes épaules pour donner à la fois appui à son corps et davantage d’élan à son bassin.
    Je suis en train de me faire tringler par un petit reubeu bien charmant et bien chaud. La douleur finit par disparaître ; mais je ne ressens pas vraiment de plaisir pour autant.
    Déjà, le mec ne s’occupe que de prendre son pied ; bien sûr, cela ne m’a jamais gêné avec Jérém. Mais avec Jérém, il y a plus que du désir, avec Jérém il y a cette étincelle que je n’ai pas avec Mourad, cette étincelle qui rend tout magique. Du moins, pour moi.
    Et, une fois de plus, nos corps ne se connaissent pas : engin différent, angle de pénétration différent, mouvements différents ; une première coucherie est souvent une répétition en vue de la grande première qui viendra plus tard. Mais lors d’un plan, on n’a pas droit aux répétitions.
    Bien sûr, avec Jérém, Stéphane et Thibault les trois garçons qui ont, chacun à leur façon et à leur degré, compté pour moi, l’alchimie a été pleine et parfaite dès la première fois… avec Jérém, c’était comme si nos corps se connaissaient depuis toujours, c’était une évidence ; Stéphane, Thibault, d’autres évidences, pour des raisons différentes : ces garçons ont su me mettre à l’aise, me faire sentir bien ; et dans ces conditions, le plaisir nous tend la main presque à coup sûr.
    Avec Mourad, ni les corps ni les esprits ne semblent en phase. Déjà, il a voulu me prendre par derrière. Quand je couche avec mon Jérém, je préfère l’autre position, celle qui me permet de le voir prendre son pied.
    Bien sûr, le fait de ne pas le voir m’évite de devoir soutenir des regards gênants ; mais déjà que je ne l’entends pas, car il n’émet aucun son traduisant son plaisir ; le fait de ne pas le voir, me prive d’une bonne partie de mon excitation ; je suis comme un pilote sans radar, je ne sais pas ce qui se passe, je ne sais pas où je vais.
    Je me fais la réflexion que le missionnaire semble une position conçue pour des gens qui ont des choses à échanger, alors que la levrette est faite pour des gens qui veulent juste conclure et éviter des regards gênants.
    Je commence à fatiguer, à ressentir une douleur aux reins sur lesquels le mec s’appuie de tout son poids ; je flippe à mort que la capote puisse casser ; non, je ne prends pas de plaisir, et je commence même à avoir mal.
    Qu’est-ce que je donnerais pour que ce soit Jérém, mon beau Jérém, à la place de Mourad, pour que ce lit ce soit celui de l’appart rue de la Colombette... je crève d’envie de m’offrir à lui, de le voir prendre son pied, en espérant qu’il me tringle le plus longtemps possible, tout en attendant avec impatience qu’il jouisse en moi, qu’il me remplisse de son jus brûlant.
    Heureusement, Mourad jouit assez rapidement ; mais même en jouissant, il est aussi expressif qu’une souche de bois ; il émet juste une expiration légèrement plus intense et prolongée ; petit orage de plaisir ; si loin des rugissements de jouissance de mon petit con de Jérém.
    Dès son affaire terminée, il sort de moi ; je me retourne et je le vois enlever la capote, lui faire un nœud et la jeter négligemment dans un coin. Au moins je suis rassuré de ce côté-là. La capote a tenu bon.
    Il attrape un t-shirt gris et un boxer noir dans le placard ouvert à côté du lit ; il les passe en silence, comme s’il était seul dans la pièce.
    Je suis un peu déçu qu’il s’habille si vite, que le t-shirt et le boxer cachent sa nudité, comme un rideau qui se ferme sur une scène où il n’y aura pas de rappel ; comme s’il considérait que tout est fini avec sa jouissance, comme s’il considérait qu’il n’a rien à faire, ni me branler, même pas me caresser, au moins pour la forme, pour que je puisse jouir à mon tour ; à l’évidence, le mec considère que je n’ai pas besoin de jouir.
    De toute façon, je n’ai pas envie de jouir ; j’étais tellement stressé et ailleurs que j’ai même débandé.
    Je suis toujours allongé sur le lit : je sais que je n’ai rien de plus à attendre de ce mec, ni un câlin, ni un baiser, ni un mot rassurant, ni un verre, ni qu’il me demande de rester dormir, et encore moins qu’il me file son portable ou qu’il me dise qu’il a envie de me revoir. Il voulait un plan, juste un plan, j’ai été son plan, comme tant d’autres mecs auraient pu l’être à ma place ; je l’ai bien voulu ; mais soudainement je me sens vraiment mal. J’ai à a fois envie de partir très vite, mais je me sens comme incapable de bouger, vidé de mon énergie, tout accaparé par mon malaise.
    « Je vais te demander de partir, je vais me coucher… » je l’entends lâcher froidement alors qu’il porte une nouvelle cigarette aux lèvres.
    Vraiment, il ne me fait cadeau de rien. Et je parle moins du fait qu’il est en train de me foutre carrément à la porte que de cette cigarette après le sexe qui me rappelle tant les habitudes d’un autre garçon.
    Je me fais violence pour me lever du lit ; je regagne vite le séjour, et mes vêtements.
    J’ai envie de lui dire que c’était bien, même si je ne le pense pas. C’est con, même si je n’ai pas vraiment pris mon pied, je n’arrive pas à zapper un mec comme ça. A me dire qu’on a baisé une fois, qu’on va se dire au revoir, ou plutôt adieu, tchao et basta.
    Je ne sais pas si j’aurais envie de le revoir, mais le fait d’être mis à la porte de façon si expéditive me touche, me déçoit, m’apporte un sentiment de solitude et d’humiliation.
    Bien sûr, je savais dans quoi je m’embarquais. Mais je suis quand même choqué par ce sentiment de m’être fait baiser par un mec qui ne voulait vraiment que tirer un coup vite fait. Oui, je sais, je suis naïf à la limite de la bêtise.
    « Salut… et à un de ces quatre… » je ne peux m’empêcher de lui lancer pendant que je passe la porte, alors que déjà la fumée de la cigarette irrite mes narines.
    « Ouais, salut… » voilà sa réponse laconique pendant qu’il referme le battant presque sur mon nez.
    En marchant le long du canal, je me sens envahi par un sentiment de tristesse et de désolation ; j’ai l’impression de n’avoir été qu’un jouet sexuel, rien de plus. S’il le faut, demain soir Mourad lèvera un autre mec et il oubliera tout aussi vite mon visage, mon prénom, mon si bon cul.
    En marchant le long du canal, je réalise que les plans, les baises, c’est rude pour le moral. Je suis trop sensible, trop naïf. Mais les plans, ce n’est pas pour moi.
    En marchant le long du canal, je ne peux m’empêcher de ressentir un malaise à l’idée d’avoir « trompé » Jérém... c’est très con, je sais, pourtant, cette idée me dérange.
    Même si, de toute façon, cette fois-ci c’est vraiment fini. Cette nuit il m’a balancé ce « dégage », clair et sans appel. Comme à un chien. Il ne veut plus me voir. Et je ne veux plus le voir.
    Non, je n’ai pas trompé Jérém mais je me suis trompé sur Jérém ; finalement, je lui ai prêté une sensibilité qu’il n’a pas, finalement j’ai juste pris mes rêves pour des réalités ; j’ai tout accepté de lui, en me disant qu’en dehors de nos baises il avait un minimum de respect pour moi ; apparemment, ce n’est pas le cas ; finalement, entre l’attitude de Jérém et celle de Mourad, je ne vois pas où est la différence. Vraiment, je n’ai été que son vide couilles, rien de plus.
    Je suis presque arrivé chez moi lorsque, dans un éclair, comme une évidence éclatante, je trouve enfin d’où viennent ces putains de couplets.

    Love lift us up where we belong/L'amour nous soulève jusque-là où nous sommes destinés
    Where the eagles cry, on a mountain high/Là où les aigles pleurent, sur le haut d'une montagne

    Ça fait quelques années déjà que j’ai vu le film dont cette chanson est issue, quelques années déjà que j’ai été sensible au charme ravageur d’un jeune Richard Gere en uniforme blanc ; charme qui, faut bien l’avouer, m’a accompagné lors de quelques bonnes branlettes d’adolescent.
    Alors, dans ma tête, je remplace la voix sexy et jeune d’Ewan par la voix rocailleuse d’un célèbre chanteur barbu.
    En repensant à la scène de Moulin Rouge, je me dis que finalement ce n’est pas Christian qui a raison, lorsqu’il clame ces couplets à Satine… mais bien cette dernière, lorsqu’elle lui rétorque, sur le même air :

    Love makes us act like we are fools/L'amour nous fait agir comme si nous étions fous,
    Throw lifes away, for one happy day !/Gâche nos vies, pour un jour de bonheur !

    Oui, l’amour peut nous amener très haut ; mais il peut tout aussi bien nous mettre plus bas que terre.
    Je rentre chez moi en me disant que je ne lui ai toujours pas donné le t-shirt de Wilkinson que j’avais acheté à Londres. Je n’ai plus qu’à le jeter. Avec sa chemise, son t-shirt, son boxer.
    Je rentre chez moi en repensant aux mots de la chanson de David Bowie…

    Oui, la plus grande chose que vous apprendrez jamais/Est juste d'aimer et d'être aimé en retour…

    Rien que ça, rien que ça…


    3 commentaires



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires