• 53.7 Jérém. Mourad.

     Jérém

    Le bogoss recule enfin, et je rentre dans la petite entrée de l’immeuble.
    Jérém n’a pas allumé la lumière. Le petit espace est faiblement illuminé par la réverbération de l’éclairage public filtrant à travers les vitres opaques d’une petite lucarne au-dessus de la porte d’entrée.
    Jérém s’est arrêté en bas de l’escalier, le dos appuyé contre le mur. Il me regarde fixement. Sa respiration est rapide, le mec a vraiment l’air fatigué. Je sens les relents de son haleine chargée d’alcool.
    Le silence s’étire pendant de longues secondes. Jusqu’à ce que le bogoss ne se charge d’annoncer clairement la couleur.
    « Suce-moi ! » fait-il en dégrafant la ceinture et en ouvrant sa braguette, laissant apparaître son boxer blanc moulant le relief de sa queue, insoutenable invitation au plaisir.
    « Ici ? » je m’étonne.
    « T’es venu pour ça, non ? Ici ou ailleurs, une pipe c’est une pipe ».
    « T’es sûr de ton coup… ? »
    « Ecoutes, soit tu me suces là et maintenant, soit tu te casses… ».
    Envie furieuse d'être à ses pieds, à ses genoux, d'avaler sa virilité conquérante, jusqu'à la garde, jusqu'à m'en étouffer, de le laisser me dominer avec ses coups de reins puissants et sauvages, le laisser se défouler sans limite et sans retenue, jusqu’à avaler son jus brûlant. Envie de lui comme c’est pas possible.
    Un instant après je suis à genoux devant lui ; je surmonte avec une relative facilité la crainte de nous faire gauler et je finis par trouver rapidement la situation plutôt excitante.
    Je pose mes mains sur son pantalon pour le descendre sur ses hanches ; j’approche de près le relief de sa queue bien dessiné sous le boxer. Elle est encore au repos et je la titille avec ma langue à travers le coton. Je la parcours avec mes lèvres, j’enserre le gland, je le masse doucement, puis plus fermement, je sens sa puissance de mec se réveiller petit à petit.
    Je me décide enfin à tirer sur l’élastique du boxer pour dégager lentement la bête : je ressens comme une décharge d’un millier de volts à ce simple contact, à ce simple geste.
    Dès qu’elle apparaît, là, devant mes yeux, à quelques centimètres de mon nez, belle, engagée sur la voie d’une magnifique érection, dégageant une petite, typique odeur de mec, je me sens secoué et retourné comme si j’étais touché par la puissance de la foudre.
    Et lorsque ses mains saisissent ma tête, lorsque son bassin avance pour forcer le passage de mes lèvres, lorsque je sens la puissance de sa virilité prendre possession de ma bouche, la remplir, l’envahir, j’oublie la dureté de ses mots, de son regard, la cage d’escalier, mes inquiétudes.
    Ses mains enserrent fermement ma tête de part et d’autre, ses coups de reins s’enchaînent, puissants, rapides, tellement profonds que son gland arrive à taper à l’entrée de ma gorge.
    « Tu aimes ça, hein, tu es vraiment une salope… t’es venu me chercher pour que je t’étouffe avec ma queue, tu es venu pour te faire baiser… » je l’entends me balancer.
    Je reconnais à l’éraillement de sa voix son état d’alcoolémie avancée.
    Non, mon Jérém, pas vraiment… enfin, pas que… bien sûr, une partie de moi jubile, je sais à quel point le sexe avec ce mec peut être sauvage lorsqu’il est dans cet état… dans le bien, comme dans le mal… mais non, je ne suis pas venu « que » pour me faire baiser, non… si tu savais tout ce que j’ai envie de te dire, mec… mais pour l’instant ma bouche est indisponible pour la parole ; on verra ça plus tard…
    Ses coups de reins se succèdent sans répit ; il fait chaud dans la petite entrée, je transpire, je me sens vite en apnée.
    Pendant un petit moment, j’ai l’impression qu’il ne bande pas super dur, je pense que c’est pour remédier à cela qu’il se déchaîne aussi brutalement ; mais à force de va-et-vient, son érection finit par retrouver sa forme habituelle. Elle me remplit bien la bouche, elle m’étouffe.
    Au point que, à un certain moment je suis obligé de dégager ses mains et ma bouche de son engin pour reprendre mon souffle.
    Le bogoss en profite pour remonter le t-shirt et le coincer derrière la tête, dégageant ce que les américains appellent le six-pack, ces putain de tablettes de chocolat que moi j’appellerai plutôt un pack de huit…
    C’est beau, c’est à se damner ; et ça sent tellement bon ; un mélange de parfums de propre, de lessive, de fraîcheur de peau, de gel douche et de déo, et de bonnes odeurs de mec désormais si familiers, et donc si rassurants, tout ce bonheur olfactif que j’appellerais volontiers le « bouquet Jérém », ce bouquet qui me rend dingue dès la première inspiration.
    Je me jette sur sa queue comme un malade, affamé, avec une envie brûlante de le faire jouir ; ses mains saisissent mes épaules, me repoussent, je sens mon corps pivoter, j’ai l’impression d’être une poupée sans volonté dans ses mains.
    Je sais ce dont il a envie, j’en ai terriblement envie aussi.
    Je me retrouve dos contre le mur, tête contre le mur ; sa queue s’enfonce dans ma bouche, ses coups de reins reprennent, puissants, profonds, de plus en plus rapides, de plus en plus violents… parfois il s’arrête, le gland coincé au fond de mon palais, comme s’il voulait m’étouffer ; je le repousse un peu pour reprendre mon souffle, je le laisse revenir à la charge, avec un bonheur intense… tout ce que tu veux, mon Jérém, pourvu que tu me laisses goûter à ton jus de bogoss.
    Je suis hors de moi : d’autant plus qu’une de ses mains s’est glissé dans le col de mon t-shirt pour titiller mon téton ; et même si je sais qu’il ne fait pas ça pour moi, qu’il le fait juste parce qu’il sait que l’excitation que cela me procure se traduit par un plaisir d’autant plus intense pour lui ; mais qu’importe, je suis fou, j’ai envie de tout faire pour lui donner encore plus de frissons ; je lui caresse les boules, elles sont lourdes, chaudes, rebondies, bien pleines ; j’attrape ses fesses, je les serre, c’est musclé, c’est dur comme du béton…
    Il faut avouer que, plus ça va, plus je trouve un côté sacrement excitant dans le fait de faire ça dans l’entrée, au pied de l’escalier, avec le danger de se faire gauler. Un danger limité, certes, vu l’heure, mais un danger quand même.
    Le bobrun semble vraiment prendre son pied… je lève les yeux et je le vois penché au-dessus de moi, les deux bras croisés appuyés au mur, au-dessus de ma tête coincée un peu plus bas, le front appuyé à ses avant-bras… je l’entends haleter, respirer de plus en plus profondément, comme un petit taureau excité.
    Nos excitations se mélangent, nos transpirations aussi : au fil de ses va-et-vient, ses abdos caressent mon front moite, alors que des gouttes de transpiration tombant de son front tombent sur mon nez, dans mon cou… dans le petit espace la température monte encore, ça sent la transpiration de bogoss, la queue de bogoss, l’orgasme de bogoss tout proche. L’ambiance est moite.
    « Ah, tu aimes ça, hein, te faire défoncer la bouche… tu veux mon jus, hein ? Tu vas l’avoir et tu vas l’avaler comme une bonne chienne… ».
    Bien sûr que je le veux…
    « Je vais jouir, putain… ».
    Le bobrun vient tout juste de m’annoncer cette bonne nouvelle ; et là, on entend des voix dans la rue, des voix approcher à grand pas. Je me dis que, vu la proximité de sa jouissance, on ne va pas s’en inquiéter…
    Pourtant, je vois, je sens mon bobrun reculer comme un éclair, s’arracher de ma bouche ; j’ai juste le temps de voir cette queue tendue et prête à lâcher sa semence disparaître dans le boxer.
    Les voix, une masculine et une féminine, s’arrêtent devant la porte.
    « Où est-ce que j’ai mis ma clef maintenant ? » fait la voix féminine.
    « Dans ton sac, je pense… va la trouver maintenant… » répond le mec, taquin.
    Je regarde Jérém ; il est en panique, en train s’essayer de remballer son matos en vitesse, dans ces enveloppes en coton devenues trop petites pour contenir son excitation maximale ; l’alcool et la panique le rendent maladroit, il a du mal à boutonner son pantalon ; et surtout à boucler sa ceinture.
    Toujours à genoux, je m’avance vers lui, je dégage ses mains et j’entreprends de boucler sa ceinture à sa place ; son haleine chargée d’alcool, de cigarette, de tarpé et d’excitation me fait frémir ; c’est dans un état d’émoi insoutenable que je sens enfin sa ceinture se boucler sous mes doigts.
    « La voilà… tu n’es qu’une mauvaise langue, Quentin… » fait la fille, narquoise.
    J’entends le bruit de la clef insérée dans la serrure. Jérém m’attrape violemment par le poignet, me forçant à me lever.
    Je suis débout, le battant s’ouvre ; je regarde Jérém ; dans l’affolement, son t-shirt est à moitié coincé dans le pantalon, à moitié dehors ; sa ceinture est bouclée, mais le bout dépassant de la boucle pendouille devant sa braguette ; son front est ruisselant de transpiration, son visage affolé… mon bobrun affiche un air débraillé qui le rend, certes, sexy en diable, mais qui semble raconter dans les moindres détails ce qui était en train de se passer un instant plus tôt…
    La fille et le mec rentrent.
    « Ah… tiens… salut Jérémie, ça va ? » fait la fille en lui claquant la bise.
    « Très bien, et toi ? » fait mon bobrun à bout de souffle.
    « T’as couru le marathon ou quoi, t’as l’air tout essoufflé… » elle demande.
    Non, il allait jouir dans ma bouche si tu avais tardé encore quelques secondes, pétasse… mais de quoi je me mêle…
    « Presque… j’ai pris un verre avec des potes, et je suis vite rentré » bafouille Jérém, tout en serrant la main du mec ; puis, il détourne la conversation en se lançant dans les présentations « c’est mon pote Nico… elle c’est Ludivine, la voisine du dessus, et son copain Quentin… ».
    La fille me claque la bise, tout en lâchant :
    « Je crois qu’on s’est déjà croisés une ou deux fois dans l’immeuble… ».
    « C’est possible, on a révisé ensemble avant le bac… » je me lance.
    « Non, c’est plutôt à des heures plus tardives, quand je rentre de l’hôpital… »
    « Ludivine est aide-soignante… » explique Jérém en me regardant ; puis, à l’intention de la voisine « Nico est venu parfois boire une bière à l’appart… ».
    « Il me semble que je t’ai croisé un dimanche matin… ».
    Mais qu’est-ce qu’elle cherche, celle-là ? Lâche-nous un peu les baskets à la fin !
    « Tu veux bien qu’on monte Ludi, on crève de chaud ici… » fait Quentin, me devenant soudainement très sympathique.
    « Allez, bonne soirée les gars… amusez-vous bien… » fait elle en empruntant les premières marches.
    Elle me gonfle celle-là.
    On les regarde monter, on les écoute ouvrir la porte sur le palier du premier, rentrer et refermer derrière eux.
    Sans un mot, Jérém s’engage lui aussi dans l’escalier, la démarche un brin titubante.
    Sans instructions de sa part, je lui emboîte le pas, direction le palier du deuxième, me disant que, malgré ce qui vient de se produire, il doit avoir envie de terminer ce qu’il avait bien commencé et presque fini dans l’entrée.
    Il est tellement rond qu’il a du mal à glisser la clé dans la serrure… heureusement que ça en est autrement avec sa queue dans ma bouche.
    Oui, l'amour nous soulève jusque-là où nous sommes destinés… même si ce n’est que pour faire une pipe à un mec saoul au deuxième étage d’un appartement en ville…
    La porte s’ouvre sur un appart à moitié vide, avec du bazar et ces cartons jonchant le sol, ce qui me renvoie immédiatement au fait que c’est certainement la dernière fois que je fous les pieds dans cet appart qui a été le théâtre de notre histoire.
    Evidemment, Jérém ne trouve pas nécessaire de m’expliquer le pourquoi de ce souk. Peut-être qu’il se dit tout simplement que ce ne sont pas mes oignons. Ou bien, il est tellement défoncé que ça lui passe à des kilomètres au-dessus de sa jolie tête…
    Mais moi je sais ; grâce à Thibault, je sais. Je sais qu’il doit rendre les clefs dans deux jours et que ce lieu symbolique, le théâtre de nos premiers ébats, la scène de mon dépucelage, le cadre de tout ce plaisir qu'on s’est donné, va devenir inaccessible, comme s’il disparaissait de la surface de la Terre.
    Jérém quitte ces lieux ; s’il le faut, à la rentrée, un autre étudiant, peut être un autre petit con ultra bandant, prendra sa place ; comme lui, il baisera des nanas à tout va ; comme lui, peut-être, il dépucèlera ce camarade de classe auquel il a volé le cœur.
    Impossible de ne pas me demander où est-ce que nous nous retrouverions désormais pour nos galipettes, si tant est qu’il le voulait. Cet appart va vraiment me manquer. Il s’en est passé des choses entre ces quatre murs... s’ils pouvaient parler…
    C’est dur de penser qu’une page se tourne avec ce déménagement, une page de nos vies, et que la prochaine page nous ne l’écririons pas forcement ensemble.
    Une page que je sens déjà en train de se tourner à cet instant précis. Bien sûr, je suis content qu’il m’ait permis de monter ; cependant, j’ai quand même une étrange sensation : je le trouve froid, limite hostile à mon égard, comme si ma présence le dérangeait.
    En montant les escaliers, je me disais qu’une fois à l’appart, dès la porte refermée derrière nous, il se dessaperait et m’ordonnerait de le sucer, de le faire jouir... j’adore ses « viens sucer » sans appel qui me font vibrer et qui transforment mon envie en besoin ; j’adore son côté macho très sûr et très fier de sa queue.
    Mais une fois à l’appart, je le vois avancer vers le lit, ôter son t-shirt, allumer une cigarette et s’allonger.
    Je ne l’ai pas souvent vu fumer dans l’appart, sur le lit, cela semble confirmer le fait qu’il doit être vraiment bien défoncé. La fumée se répand vite dans le petit séjour, elle m'irrite le nez.
    Le silence est pesant, son attitude bizarre. Je ne sais pas pourquoi il m’a fait monter, si c’est pour vivre ce malaise.
    Ce malaise qui m’ôte tous mes déjà faibles moyens et qui me rend impossible de lui parler comme je l’avais imaginé. Non, ce n’est pas cette nuit, devant un Jérém rond comme une bille, que je trouverai le courage de lui dire à quel point je l’aime.
    Je le regarde fumer, son torse nu dépassant de son pantalon porté scandaleusement bas, révélant ce pli de l'aine si sexy, laissant devine à peine le tissu du boxer, barrière de coton qui me sépare de cette queue qui me rend dingue ; trop envie de le sucer pendant qu’il fume.
    C’est pas des papillons dans le ventre que j'ai en le regardant, c'est pas mal au ventre, c'est pas des nœuds dans la gorge, c'est comme si j'avais de la lave en moi tellement ça brûle, tellement c'est insoutenable...
    Le regard perdu dans le vide, sa chaînette abandonnée entre ses pecs ; son tatouage si sexy ; sa main libre coincée entre la tête et l’oreiller, son aisselle finement poilue bien en vue, dégageant clairement une appétissante odeur de mec. Il continue de me narguer...
    En fait, je crois qu’il attend tout simplement que je lui défasse la braguette et que je le suce. Je me décide enfin à me glisser entre ses jambes et à aller à la rencontre de la bête.
    « Oui, vas-y, suce moi… ».
    Mon regard est aimanté par ce boxer blanc dessinant avec une précision diabolique sa queue qui semble un peu retombée mais dont le gabarit reste plus que respectable. Tu prêches un convaincu, mon Jérém… évidemment que je vais te sucer, mon beau… mais j’aime bien t’entendre me l’ordonner…
    Je descends son boxer et je le prends entre mes lèvres ; je le suce avidement, poussé par une seule envie, celle de sentir le jus de sa bogossitude se déverser à grands traits dans ma bouche.
    J’y vais comme un fou : l’idée de le sucer, alors que l’ivresse fait ressortir ses instincts de mâle en rut, me plaît bien et me donne envie de me surpasser.
    Pourtant, très rapidement, et en dépit de ma bonne volonté et de mon entrain, sa queue ne semble pas vouloir passer du statut de demi-molle à celui de très très raide, statut dans lequel je l’avais laissée en bas des escaliers une poignée de minutes plus tôt.
    « Vas-y, fais-moi jouir, putain ! » je l’entends m’ordonner rageusement.
    Je redouble d’entrain, d’inventivité, je titille ses tétons, je caresse ses boules, je me pousse même à lui faire ce truc avec ma langue sur son ti trou qu’il affectionne tout particulièrement, mais rien n’y fait.
    J’ai même l’impression, se faisant très vite certitude, qu’il débande.
    Je le sens frustré, de plus en plus énervé ; je ne veux pas le décevoir, je redoute sa réaction de macho si je n’arrive pas à lui offrir son plaisir de mec.
    Je le reprends en bouche, il me repousse. Il se branle. La branlette, le plaisir qu’on se fait à soi-même, valeur refuge pour faire réagir un corps qui ne veut pas. Personne ne sait mieux nous offrir notre plaisir que nous-mêmes. C’est un plaisir moins exaltant, car il exclut la part que le désir et le contact de l’autre apporte à notre jouissance, mais un plaisir assuré.
    Je le regarde se branler longuement : je dois admettre que c’est très excitant de le regarder faire sans pouvoir y toucher.
    Sa respiration se fait de plus en plus bruyante, je sens qu’il fatigue ; pourtant, sous l’effet de sa main, sa queue semble reprendre de la vigueur.
    Il se relève brusquement ; mais alors que j’apprête à le reprendre en bouche, ses mains me retournent, je me trouve à plat ventre sur le lit : le bogoss veut changer son « fusil » d’« épaule ». Je l’entends cracher sur ma rondelle et tenter de s’enfoncer à moi en accompagnant sa queue avec sa main ; il essaie, n’y arrive pas, se retire, se branle, revient à la charge, toujours sans succès.
    Après s’y être repris plusieurs de fois sans succès, il s'arrache de moi. Je le sens frustré et blessé dans son orgueil de mâle, je voudrais trouver les bons mots pour le rassurer, mais je ne sais par où commencer. Il faut dire que jamais je n’aurai imaginé me trouver dans cette situation avec lui, d’habitude si fringuant.
    Je me prépare à me relever, j’ai envie de le serrer contre moi, de lui montrer que ça n’a aucune importance pour moi, que j’ai juste envie d’être avec lui. Mais avant que j’aie pu faire le moindre mouvement, le bobrun me retourne, se met à califourchon sur mon torse, il enfonce direct sa queue mi-molle dans ma bouche…
    Il ne s’avoue pas vaincu mon bel étalon… alors, je tente le tout pour tout. Et pendant que je m’affaire pour lui offrir une fellation musclée, je suis étonné de lui voir accomplir ce geste inattendu, un geste qui ne semble pas du tout coller avec son état d’esprit du moment : il attrape un coussin et il le met derrière mon cou pour me caler.
    J’essaie de me concentrer sur cette pipe et ne pas me poser des questions sur l’intention à l’origine de ce geste : espérer de la bienveillance de la part de Jérém, j’ai appris à ne pas rêver ; à tous les coups, ce geste c’est juste pour me mettre en condition de mieux le pomper.
    Je me donne à fond pendant un long moment. Hélas, j’ai beau y mettre tout mon talent et mon énergie, sa queue ne régit guère.
    Je commence à fatiguer moi aussi. J’essaie de caler autrement ma tête contre l’oreiller, mais Jérém recule son bassin et s’arrache à nouveau de ma bouche.
    Je le vois passer le revers de la main sur le front trempé de sueur, je le vois frotter son visage avec ses deux mains, secouer la tête comme pour se réveiller.
    Mon ti Jérém est HS pour cette nuit : l’heure tardive, la fatigue après des semaines de service à la brasserie jusqu’à pas d’heure, l’alcool, le tarpé ; oui, même un ti con de son espèce a des limites.
    Cela ne m’empêche pas de me sentir frustré à mon tour : déjà, parce que j’avais vraiment envie de lui offrir cette jouissance ; ensuite, je suis triste et mal à l’aise pour lui : je devine à quel point pour un petit macho de sa trempe ça doit être humiliant de courir jusqu’à s’essouffler, sans arriver à marquer de but. Je me dis qu’il a peut-être dû ressentir un peu la même frustration lors du match raté de la demi-finale. A cet instant, Jérém doit être vraiment contrarié...
    Certes, moi je sais que mon Jérém a déjà fait bien mieux que ça : j’ai le souvenir de nombreuses fois où le compteur de ses orgasmes semblait ne jamais devoir s’arrêter ; je pense notamment à la nuit avec Romain ; où à celle de samedi dernier, avec Thibault. Que de jouissances, en à peine quelques heures…
    Oui, moi je sais que mon bobrun est capable d’exploits assez incroyables, et il le sera à nouveau après une bonne nuit de sommeil ; mais je suis sûr qu’à cet instant précis, lui ne voit que l’échec.
    J’avais un peu pressenti, déjà lorsque nous étions dans l’entrée, qu’il n’était pas dans sa forme habituelle… ce qui semblait expliquer la virulente de ses coups de reins ; je me dis maintenant que si lui aussi a senti à un moment ou à un autre que ça allait être difficile pour lui d’arriver au bout, c’est peut-être la peur de la panne qui a fini par devenir la cause principale de la panne…
    « Reviens un peu… » je tente de l’encourager, tout en portant une main sur une de ses fesses pour lui suggérer le mouvement de retour vers ma bouche, prêt à tout donner pour relancer la machine et pour ne pas le laisser sur ce sentiment d’échec.
    « Laisse tomber, je te dis ! » je l’entends réagir brusquement, alors que sa main dégage la mienne tout aussi promptement, avec un geste très sec. Il recule, descend du lit, disparaît dans la terrasse ; il s’allume une nouvelle cigarette.
    J’ai envie de lui dire que ça ne fait rien, sa queue je l’ai quand-même bien sentie passer dans tant d’autres occasions, j’ai envie de trouver le moyen pour consoler son ego de jeune mâle blessé.
    Mais je devine que quoi que je dise, ça n’aurait d’autre effet que de le mettre encore plus en pétard : alors, je choisis le silence.
    J’imagine qu’il va falloir que je quitte les lieux rapidement. Pourtant, j’angoisse et je culpabilise à l’idée de le laisser partir sur ce petit échec.
    J’imagine déjà que ça va être carrément impossible de le retrouver après ça ;car il ne me laissera jamais l’occasion de rattraper le coup.
    Je m’apprête à me lever ; et là, je le vois revenir vers la porte vitrée, s’arrêter sur le seuil, prendre appui avec l’épaule sur le montant de l’encadrement, beau comme un dieu dans la nudité dans la pénombre.
    « Tire-toi » je l’entends me lancer, froidement.
    « Tu sais, Jérém, c’est pas gra… ».
    Je n’ai pas le loisir de terminer ma phrase car, cigarette au bec et regard fulminant de colère, il s’avance vers moi comme une furie, m’attrape violemment le bras, m’arrache du lit et me balance vers la porte d’entrée, tout en me lançant méchamment :
    « Putain ! Casse-toi, sinon ça va mal se finir ! ».
    « Jérém, s’il te plaît… » je tente de le raisonner.
    « Dégage ! » il finit par me balancer. Voilà qui est lâché : celui qui je considère le plus blessants des mots.
    Devant son « Dégage ! » je ne trouve plus la force de réagir, je ne trouve plus rien à retorquer. Je suis perdu, abattu. Défait. Il n’y a plus rien à dire, plus rien à faire.
    Il y a une chanson d’ABBA dont le titre résume bien mon état d’âme de cet instant, elle s’appelle « When all is said and done », « Quand tout est dit et fait ».
    Alors, je me tire. En claquant la porte, je me tire.
    Ce n’est que dans l’escalier que je laisse mes larmes monter comme une rivière en crue, embuer ma vue, ruisseler sur mon visage.
    Quel gâchis de dire adieu à cet appart de cette façon, sur cette note. Cet appart c’est l’un des lieux les plus marquants de mon existence ; dans cet appart j’ai découvert l’amour physique, cet amour qui s’est combiné à l’amour tout court, le rendant immense, aveuglant ; dans cet appart, et suivant l’humeur de son locataire, j’ai couché, baisé, fait l’amour ; dans cet appart j’ai passé mes premières nuits avec un garçon. J’ai aussi donné les premiers baisers à garçon ; baisers volés, certes, la plupart du temps, mais baisers si bouleversants.
    Appart de l’amour des illusions. De la haine et des désillusions. Dans cet appart j’ai été heureux, mais aussi triste, très triste : mais jamais comme cette nuit.
    J’ai le cœur lourd en passant dans la petite entrée où j’ai failli faire jouir Jérém. Je ressens un profond désespoir s’emparer de moi lorsque je remonte pour la dernière fois la rue de la Colombette en quittant l’appart de Jérém.
    Car, je le sais, je ne suis pas juste en train de quitter un lieu ; je suis aussi et surtout, en train de quitter le garçon que j’aime. Pour toujours.

    Mourad

    La nuit est tiède et la rue déserte. J'aime ce calme qui s'empare des rues des villes après une certaine heure de la nuit et avant une certaine autre heure du petit matin ; c'est un moment qui n'est jamais trop long, une heure ou deux, quand tout le monde semble couché et personne ne semble encore levé ; on a l'impression que la ville toute entière est en train de dormir, et que la Terre s’est arrêtée de tourner.
    Le bruit de quelques voitures solitaires au loin semble mettre encore davantage l’accent sur ce silence presque parfait.
    Le temps semble comme suspendu, assis sur les toits de la ville, en train de profiter lui aussi de la fraîcheur de la nuit.
    Ce silence me fait du bien, m’apaise. J’ai un bon bout à marcher avant de retrouver mon lit. Je suis sonné, j’ai comme l’impression de planer, l’impression que je ne réalise pas complètement ce qui vient de se passer. Je n’ai pas vraiment envie de retrouver mon lit, je ne veux pas dormir ; je ne veux pas laisser filer cette nuit, pour ne pas devoir me réveiller demain, car je sais que je me réveillerai avec le cœur meurtri. J’ai envie de faire durer cette nuit le plus longtemps possible.
    Voilà pourquoi, j’imagine, lorsque j’arrive au canal, une force inattendue m’empêche de tourner à gauche, en direction de mon lit, pour me pousser avec insistance dans la direction opposée.
    Une force amorcée par le passage d’une petite bande de mecs dont les échanges me laissent entendre qu’ils sont du bon côté de la Force et qui se dirigent vers le On Off.
    Je leur emboîte le pas. Je ne sais pas pourquoi je fais ça, c’est horriblement tard, je suis mort de fatigue, mes parents vont encore s’inquiéter, je vais encore devoir donner un million d’explication bidons ; et, surtout, je suis presque certain que je n’oserai franchir la porte tout seul ; de toute façon, en short, ils ne me laisseraient jamais rentrer.
    Pourtant, je le fais. J’essuie mes larmes, je traverse la route, je marche côté canal, l’air de rien. L’enseigne rouge lumineuse me nargue.
    Je la fixe, comme en hypnose, je ralentis le pas ; lorsque mon regard se détourne enfin, je capte le regard d’un mec qui est en train de fumer juste en dessous de l’enseigne lumineuse ON OFF, comme mon bobrun l’avait fait la fois où il m’avait entraîné dans cette boîte.
    Le mec me regarde de façon insistante ; je le regarde, cherchant à comprendre si vraiment il s’intéresse à moi. Nos regards ne se quittent pas. Je ressens une sensation grisante à l’idée de plaire à ce garçon. Je le détaille : 1 mètre 70, physique pas vraiment baraqué, néanmoins très bien proportionné, genre petit rebeu ; habillé simplement, simplement sexy : t-shirt bleu cintré col en V, jeans clair, baskets blanches.
    Devant ce beau garçon, mon corps me rappelle son envie de sexe, cette envie qui l’avait ravagée comme un incendie une demi-heure plus tôt au pied d’un escalier.
    Une envie qui devient désir brulant lorsque ce bel inconnu semble esquisser un petit sourire, accompagné par un petit signe de la tête m’invitant clairement à traverser la route et à le rejoindre.
    Et moi, devinez quoi ? Je trouve le moyen d’hésiter.
    Heureusement, le mec est du genre déterminé.
    « Viens... » je l’entends me balancer cette fois à mi-voix, mais sur un ton bien ferme, tout en réitérant ce petit geste de la tête. J'aime les mecs qui ont les idées claires.
    Je ne sais pas trop de quoi j’ai envie. Une partie de moi a envie de tracer la route et d’aller me blottir dans mon lit. Alors qu’une autre partie a envie de se laisser aller à l’inconnu que représente ce beau garçon.
    C’est en m’appuyant sur la fausse excuse de l’avoir désormais trop cherché pour pouvoir me dérober, que je me décide enfin à aller le rejoindre.
    La véritable raison étant que ce petit reubeu m’intrigue bien.
    « Tu en veux une ? » il me demande, dès que je mets le pied sur le trottoir, tout en me tendant son paquet de clopes.
    Vu de près, il est encore plus sexy que je l’avais pressenti. Il doit avoir quelques années de plus que moi, 23 ou 24, je pense.
    Très typé, très masculin, la peau bien basanée, des yeux très foncées, vifs, pétillants, perçants. Son regard dégage quelque chose d’un peu brutal, que son sourire coquin se charge d’adoucir.
    « Non, merci, je ne fume pas… ».
    « Qu’est-ce que tu cherches par ici ? » il me demande, après avoir expiré un bon nuage de fumée.
    « Je sais pas trop… ».
    « Tu cherches un plan ? » il va droit au but.
    « Je sais pas, j’en ai jamais fait, ça dépend… ».
    « Ça dépend de quoi ? ».
    « Du mec, du feeling… ».
    « Je te plais ? ».
    « T’es très sexy… ».
    « Toi non plus t’es pas mal… ».
    « Merci… ».
    « Alors, tu trouves qu’il y a assez de feeling ? ».
    « Tu es du genre speedé… » je rigole.
    « Je vais pas te faire la cour, surtout à quatre heures du mat… ».
    « C’est sûr… » j’acquiesce bêtement.
    « On fait un tour ? » il relance sans transition.
    « Ou ça ? » fais-je, impardonnablement naïf.
    « Bah, je pensais chez moi… j’habite pas très loin, si ça te dit » fait-il, tout en m’envoyant un clin d'œil charmant.
    « Oui, ça me dit bien… ».
    « J’habite Port Saint Sauveur » il précise.
    Nous marchons côté à coté dans la fraicheur de la nuit. La situation, inédite pour moi, a un je-ne-sais-quoi de terriblement excitant. Jamais je n’ai été abordé par un mec de cette façon : devant une boîte gay à 4 heures du mat, me proposant de le suivre chez lui, pour un plan ; et, ce, au bout de tout juste dix phrases. Je ne sais pas trop quoi lui dire. Je ne sais pas trop comment me comporter ni sur l’instant, ni lorsque nous serons dans son appart.
    Je repense à Stéphane, qui m’avait invité lui aussi dans son appart. Mais c’était pour prendre un verre, et la première fois il ne s’était rien passé. Il avait su me mettre à l’aise, il avait été adorable. Que devient-il d’ailleurs ce très charmant garçon dans cette lointaine Suisse ?
    Avec ce mec, je sens que les choses ne vont pas du tout se passer de la même façon. Il est charmant lui aussi, mais les choses sont claires, il a juste envie d’un plan.
    De quoi va-t-il avoir envie au pieu ? Jusqu’où j’ai envie d’aller pour oublier ma tristesse et ma solitude ?
    « Moi c'est Nicolas » je finis par lui lancer, la seule chose que j’aie trouvée pour briser ce silence gênant.
    « Moi c'est Mourad... ».
    Joli prénom qui sonne pour mes oreilles comme la promesse d’une belle rencontre sensuelle.
    Nous traversons le canal et nous arrivons devant un grand immeuble. Il tape le digicode et nous voilà dans un grand hall d’entrée. Nous le traversons et nous rentrons dans l’ascenseur.
    Dans le petit espace, je me sens de plus en plus mal à l’aise. Je ne sais pas quoi lui dire, je ne sais pas quoi faire. Est-ce que je devrais lui dire des mots pour le chauffer, ou alors l’embrasser ? Pourquoi ne prend-il pas l’initiative ? En fin de compte, de nous deux, c’est lui le mec expérimenté… ça ne doit pas être la première fois qu’il ramène un mec chez lui pour un plan.
    Les quelques secondes que dure l’ascension me paraissent interminables. Je le regarde du coin de l’œil : il est vraiment sexy. Ce qui ne m’empêche pas d’être de plus en plus mal à l’aise… j’ai l’impression que je perds tous mes moyens, que je ne vais pas être à la hauteur.
    Je le suis dans le couloir et nous arrivons enfin devant la porte de son appart.
    Le mec me plaît, mais pas la situation, pas du tout. Je me surprends à me demander ce que je fais là. Je suis à deux doigts de faire demi-tour. J’ai mal en repensant à mon Jérém, mais c’est de lui que j’ai envie… et j’ai mal en pensant à mon lit, ces draps dans lesquels je n’aurais qu’une envie, celle de pleurer.
    La porte renfermée derrière nous, Mourad me plaque contre la cloison, ses lèvres donnent l’assaut aux miennes, sa langue s’enfonce dans ma bouche.
    Ah, putain… si seulement mon Jérém avait pu faire ça cette nuit…
    Mais son élan est aussi enflammé que bref. Quelques instants plus tard, il attrape le bas de mon t-shirt et il le remonte le long de mon torse. Je n’ai plus qu’à suivre le mouvement en levant les bras, et je me retrouve torse nu.
    Il commence à me bouffer les tétons, provoquant chez moi une érection immédiate. Il me lèche fougueusement, sa langue court partout, curieuse, humide, avisée ; elle descend le long de mon torse jusqu'à mon nombril, provoquant des bons frissons sur son passage.
    Pourtant je suis toujours ailleurs… je n’ai de cesse que de penser à Jérém, à son corps, à nos corps à corps…
    Mourad défait ma ceinture, ouvre mon short, descend mon boxer et il prend direct ma queue dans sa bouche. Il entreprend de me sucer, expérience quasi-inédite pour moi, seul Stéphane m’avait offert ça jusque-là ; expérience qui se révèle d’ailleurs très agréable... oui, définitivement, j’aime bien me faire sucer… c’est presque aussi bon que de sucer… surtout sucer mon connard de bobrun…
    Là aussi, sa fougue se révèle aussi intense qu’éphémère.
    Très vite, le jeune reubeu se relève, se débarrasse de son t-shirt bleu, dévoilant ainsi un joli torse naturellement imberbe, une plastique tonique, sans être vraiment musclée ; à l’évidence, le mec n’est pas un adepte de salle de sport ou de terrain de jeu ; pourtant, son torse et son cou élancés constituent une brûlante invitation au plaisir. Sa peau basanée, douce et soyeuse, est aussi appétissante qu’un croissant de boulangerie encore tiède ; et ses deux beaux tétons bien bruns, bien sombres, donnent franchement envie de croquer dedans.
    Et lorsqu’il descend son jeans et son boxer, c’est une belle queue tendue qui apparaît devant mes yeux. Là aussi, c’est très sombre ; de par une pilosité assez importante, mais aussi et surtout de par la couleur bistre de son service trois pièces, couleur assortie à celle de ses tétons. Un charmant code couleur semblant tracer la géographie des zones érogènes de ce beau petit mâle.
    Mourad est à poil, la main sur sa queue, cette queue que, comme d’habitude, je ne peux m’empêcher de comparer à celle qui me rend dingue, celle de mon bobrun … mais au fond, les centimètres ont une importance relative, lorsque le plaisir qu’on recherche est celui d’offrir du plaisir à un beau garçon.
    « Allez, viens me sucer… » me balance le sexy Mourad sur un ton d’impatience.
    Si en plus il me parle comme Jérém, comment me concentrer sur l’instant présent…
    Pendant que je me mets à genoux, je me revois me mettre à genoux devant mon Jérém une heure plus tôt dans l’entrée de son immeuble… quand je pense qu’on a failli se faire gauler. Je regarde cette jolie queue bistre tendue devant mon nez, mais c’est de la queue de mon Jérém dont j’ai envie…
    « Allez, suce… on va pas y passer la nuit ! » s’impatiente le mec.
    Sa peau dégage une odeur fraîche et fruitée, j’adore ce genre le gel douche. Une petite odeur tiède de transpiration s’y mélange, ce qui n’est pas fait pour me déplaire.
    J’entreprends alors de le sucer, bien déterminé à m’appliquer pour lui faire plaisir. Je porte les doigts à ses tétons pour le titiller, mais très vite ses mains interviennent pour dégager les miennes.
    « J’aime pas ça… » je l’entends me lancer. Comme quoi, les codes couleur peuvent parfois être trompeur.
    Je continue de le sucer, du mieux que je peux. Pourtant, j’ai vite l’impression que je n’arrive pas à lui faire plaisir. J’ai du mal à trouver les bons boutons, les cordes sensibles. Avec Jérém, je sais exactement où toucher, caresser, lécher, pour le faire monter au rideau. Avec Mourad, ce n’est pas du tout le cas : oui, c’est vrai, je ne connais pas son corps ; mais, surtout, le cœur n’y est pas.
    De plus, Mourad n’est vraiment pas du genre très expressif ; ça fait déjà un petit moment que je le suce, j’ai essayé à peu près tous les trucs qui peuvent faire délirer un mec… pourtant, pas un gémissement, pas un mot, sa respiration ne semble même pas s’affoler.
    Je finis par me dire que je suis vraiment mauvais. Une sensation qui semble se confirmer lorsque le mec prend la situation en main, au sens propre comme au sens figuré, en me tenant la tête avec ses deux mains, tout en envoyant des coups de reins puissants, destinées à envoyer sa queue de plus en plus loin dans ma bouche.
    Si en plus, il s’y prend comme Jérém, comment me concentrer sur l’instant présent…
    Dans la théorie, j’adore ce qu’il est en train de me faire… dans la pratique, je crois que mon excitation est en train de retomber… et surtout, il y a des choses que j’ai envie avec mon Jérém, et qu’avec mon Jérém…
    Je suis également inquiet (ce qui me rend crispé, la crispation étant le « tue l’amour » par excellence), au sujet des intentions de ce mec… j’ignore s’il est près de jouir, et j’ignore s’il est du genre clean ou du genre qui s’en tape… alors, je prends quand même le temps de me dégager et de lui dire que je ne veux pas qu'il jouisse dans ma bouche.
    « T’inquiète, je sais me retenir... » fait-il tout en fourrant à nouveau sa queue entre mes lèvres et en reprenant ses coups de reins de plus belle.
    Je suis un peu rassuré… mais j’ai envie du jus de mon Jérém…
    Je continue à endurer ses assauts ; puis, au bout d’un moment, il retire sa queue de ma bouche, et il me demande :
    « Tu te fais sodo ? ».
    Je ne sais pas, je ne me suis franchement pas posé la question. Je n’ai pas de réponse.
    Mourad est beau, sexy, le mec est à mes yeux une espèce de fantasme sur pattes.
    Mais le cœur n’y est toujours pas. C’est certainement à cause du contexte, de cette façon de baiser, de juste baiser, de cet enchaînement d’actes mécaniques où l’on ne partage que des sensations tactiles de deux corps… il n’y a aucune connexion entre Mourad et moi, à part nos envies. Et encore, la mienne, je la cherche.
    Je voulais me sentir désiré, coucher avec un mec pour ne pas penser à mon Jérém ; pourtant, paradoxalement, en baisant avec Mourad, je n’arrête pas de penser à Jérém.
    J’essaie de le chasser de mes pensées et de me concentrer sur mon amant basané. Je décide de mettre à profit l’occasion et découvrir une nouvelle façon de faire l’… la baise…
    « Oui, j’ai bien envie… » je finis par répondre à sa question.
    Sans rien rajouter, il se penche pour rattraper son jeans, il fait les poches une après l’autre et il finir par sortir une capote.
    « Viens… » il me lance en s’engageant dans un petit couloir ; il ouvre une porte, allume la lumière ; c’est sa chambre, un grand lit monopolise la presque totalité de l’espace.
    « T’aimes en levrette ? ».
    « J’aime les deux ».
    « Moi je préfère la levrette ».
    « Ok… ».
    « Allonge-toi… ».
    Je m'exécute, je m’allonge à plat ventre sur le lit.
    Je l’entends déchirer l'emballage de la capote, la sortir et la glisser sur sa queue. Il applique du gel sur sa queue et entre mes fesses.
    « Vas-y, cambre bien ton cul… ».
    Là aussi je m’exécute sans broncher.
    Un instant plus tard, son gland vise l’entrée entre mes fesses. Son bassin applique une pression de plus en plus forte mais mes muscles ne semblent pas vouloir céder, comme s’ils n’étaient pas prêts.
    Ou bien c’est le corps qui parle à la place de la tête qui ne veut pas dire non.
    Il recule, il introduit un doigt pour préparer le passage. Rien que la présence de son doigt me fait déjà mal. Je pressens que ça ne va pas être génial.
    Il revient à la charge en écartant mes fesses avec ses mains. Mais à nouveau mon ti trou refuse de céder ; le mec exerce une pression de plus en plus forte, tellement forte que j’ai peur que la capote casse. Ses mains écartent un peu plus mes fesses ; et son gland arrive enfin à se faufiler dans mon entrée toujours très serrée.
    Tellement serrée que j’ai vite mal.
    « Arrête, s’il te plaît… ».
    « Qu’est-ce qui se passe ? ».
    « Laisse-moi souffler une seconde… ».
    Le mec se retire, mais il me laisse vraiment juste une seconde de répit avant de revenir à la charge. Cette fois-ci, il finit par glisser en moi jusqu’aux couilles. J’ai un peu mal mais je me dis que mes muscles vont se détendre, que ça va passer.
    « T’as un bon cul ! » ce sera son seul commentaire.
    Celle-là aussi, je l’ai déjà entendue.
    Mourad commence à envoyer ses va-et-vient entre mes fesses : ses coups de reins sont puissants, ses couilles bien pendantes frappent lourdement mon entrejambe ; ses mains saisissent mes épaules pour donner à la fois appui à son corps et davantage d’élan à son bassin.
    Je suis en train de me faire tringler par un petit reubeu bien charmant et bien chaud. La douleur finit par disparaître ; mais je ne ressens pas vraiment de plaisir pour autant.
    Déjà, le mec ne s’occupe que de prendre son pied ; bien sûr, cela ne m’a jamais gêné avec Jérém. Mais avec Jérém, il y a plus que du désir, avec Jérém il y a cette étincelle que je n’ai pas avec Mourad, cette étincelle qui rend tout magique. Du moins, pour moi.
    Et, une fois de plus, nos corps ne se connaissent pas : engin différent, angle de pénétration différent, mouvements différents ; une première coucherie est souvent une répétition en vue de la grande première qui viendra plus tard. Mais lors d’un plan, on n’a pas droit aux répétitions.
    Bien sûr, avec Jérém, Stéphane et Thibault les trois garçons qui ont, chacun à leur façon et à leur degré, compté pour moi, l’alchimie a été pleine et parfaite dès la première fois… avec Jérém, c’était comme si nos corps se connaissaient depuis toujours, c’était une évidence ; Stéphane, Thibault, d’autres évidences, pour des raisons différentes : ces garçons ont su me mettre à l’aise, me faire sentir bien ; et dans ces conditions, le plaisir nous tend la main presque à coup sûr.
    Avec Mourad, ni les corps ni les esprits ne semblent en phase. Déjà, il a voulu me prendre par derrière. Quand je couche avec mon Jérém, je préfère l’autre position, celle qui me permet de le voir prendre son pied.
    Bien sûr, le fait de ne pas le voir m’évite de devoir soutenir des regards gênants ; mais déjà que je ne l’entends pas, car il n’émet aucun son traduisant son plaisir ; le fait de ne pas le voir, me prive d’une bonne partie de mon excitation ; je suis comme un pilote sans radar, je ne sais pas ce qui se passe, je ne sais pas où je vais.
    Je me fais la réflexion que le missionnaire semble une position conçue pour des gens qui ont des choses à échanger, alors que la levrette est faite pour des gens qui veulent juste conclure et éviter des regards gênants.
    Je commence à fatiguer, à ressentir une douleur aux reins sur lesquels le mec s’appuie de tout son poids ; je flippe à mort que la capote puisse casser ; non, je ne prends pas de plaisir, et je commence même à avoir mal.
    Qu’est-ce que je donnerais pour que ce soit Jérém, mon beau Jérém, à la place de Mourad, pour que ce lit ce soit celui de l’appart rue de la Colombette... je crève d’envie de m’offrir à lui, de le voir prendre son pied, en espérant qu’il me tringle le plus longtemps possible, tout en attendant avec impatience qu’il jouisse en moi, qu’il me remplisse de son jus brûlant.
    Heureusement, Mourad jouit assez rapidement ; mais même en jouissant, il est aussi expressif qu’une souche de bois ; il émet juste une expiration légèrement plus intense et prolongée ; petit orage de plaisir ; si loin des rugissements de jouissance de mon petit con de Jérém.
    Dès son affaire terminée, il sort de moi ; je me retourne et je le vois enlever la capote, lui faire un nœud et la jeter négligemment dans un coin. Au moins je suis rassuré de ce côté-là. La capote a tenu bon.
    Il attrape un t-shirt gris et un boxer noir dans le placard ouvert à côté du lit ; il les passe en silence, comme s’il était seul dans la pièce.
    Je suis un peu déçu qu’il s’habille si vite, que le t-shirt et le boxer cachent sa nudité, comme un rideau qui se ferme sur une scène où il n’y aura pas de rappel ; comme s’il considérait que tout est fini avec sa jouissance, comme s’il considérait qu’il n’a rien à faire, ni me branler, même pas me caresser, au moins pour la forme, pour que je puisse jouir à mon tour ; à l’évidence, le mec considère que je n’ai pas besoin de jouir.
    De toute façon, je n’ai pas envie de jouir ; j’étais tellement stressé et ailleurs que j’ai même débandé.
    Je suis toujours allongé sur le lit : je sais que je n’ai rien de plus à attendre de ce mec, ni un câlin, ni un baiser, ni un mot rassurant, ni un verre, ni qu’il me demande de rester dormir, et encore moins qu’il me file son portable ou qu’il me dise qu’il a envie de me revoir. Il voulait un plan, juste un plan, j’ai été son plan, comme tant d’autres mecs auraient pu l’être à ma place ; je l’ai bien voulu ; mais soudainement je me sens vraiment mal. J’ai à a fois envie de partir très vite, mais je me sens comme incapable de bouger, vidé de mon énergie, tout accaparé par mon malaise.
    « Je vais te demander de partir, je vais me coucher… » je l’entends lâcher froidement alors qu’il porte une nouvelle cigarette aux lèvres.
    Vraiment, il ne me fait cadeau de rien. Et je parle moins du fait qu’il est en train de me foutre carrément à la porte que de cette cigarette après le sexe qui me rappelle tant les habitudes d’un autre garçon.
    Je me fais violence pour me lever du lit ; je regagne vite le séjour, et mes vêtements.
    J’ai envie de lui dire que c’était bien, même si je ne le pense pas. C’est con, même si je n’ai pas vraiment pris mon pied, je n’arrive pas à zapper un mec comme ça. A me dire qu’on a baisé une fois, qu’on va se dire au revoir, ou plutôt adieu, tchao et basta.
    Je ne sais pas si j’aurais envie de le revoir, mais le fait d’être mis à la porte de façon si expéditive me touche, me déçoit, m’apporte un sentiment de solitude et d’humiliation.
    Bien sûr, je savais dans quoi je m’embarquais. Mais je suis quand même choqué par ce sentiment de m’être fait baiser par un mec qui ne voulait vraiment que tirer un coup vite fait. Oui, je sais, je suis naïf à la limite de la bêtise.
    « Salut… et à un de ces quatre… » je ne peux m’empêcher de lui lancer pendant que je passe la porte, alors que déjà la fumée de la cigarette irrite mes narines.
    « Ouais, salut… » voilà sa réponse laconique pendant qu’il referme le battant presque sur mon nez.
    En marchant le long du canal, je me sens envahi par un sentiment de tristesse et de désolation ; j’ai l’impression de n’avoir été qu’un jouet sexuel, rien de plus. S’il le faut, demain soir Mourad lèvera un autre mec et il oubliera tout aussi vite mon visage, mon prénom, mon si bon cul.
    En marchant le long du canal, je réalise que les plans, les baises, c’est rude pour le moral. Je suis trop sensible, trop naïf. Mais les plans, ce n’est pas pour moi.
    En marchant le long du canal, je ne peux m’empêcher de ressentir un malaise à l’idée d’avoir « trompé » Jérém... c’est très con, je sais, pourtant, cette idée me dérange.
    Même si, de toute façon, cette fois-ci c’est vraiment fini. Cette nuit il m’a balancé ce « dégage », clair et sans appel. Comme à un chien. Il ne veut plus me voir. Et je ne veux plus le voir.
    Non, je n’ai pas trompé Jérém mais je me suis trompé sur Jérém ; finalement, je lui ai prêté une sensibilité qu’il n’a pas, finalement j’ai juste pris mes rêves pour des réalités ; j’ai tout accepté de lui, en me disant qu’en dehors de nos baises il avait un minimum de respect pour moi ; apparemment, ce n’est pas le cas ; finalement, entre l’attitude de Jérém et celle de Mourad, je ne vois pas où est la différence. Vraiment, je n’ai été que son vide couilles, rien de plus.
    Je suis presque arrivé chez moi lorsque, dans un éclair, comme une évidence éclatante, je trouve enfin d’où viennent ces putains de couplets.

    Love lift us up where we belong/L'amour nous soulève jusque-là où nous sommes destinés
    Where the eagles cry, on a mountain high/Là où les aigles pleurent, sur le haut d'une montagne

    Ça fait quelques années déjà que j’ai vu le film dont cette chanson est issue, quelques années déjà que j’ai été sensible au charme ravageur d’un jeune Richard Gere en uniforme blanc ; charme qui, faut bien l’avouer, m’a accompagné lors de quelques bonnes branlettes d’adolescent.
    Alors, dans ma tête, je remplace la voix sexy et jeune d’Ewan par la voix rocailleuse d’un célèbre chanteur barbu.
    En repensant à la scène de Moulin Rouge, je me dis que finalement ce n’est pas Christian qui a raison, lorsqu’il clame ces couplets à Satine… mais bien cette dernière, lorsqu’elle lui rétorque, sur le même air :

    Love makes us act like we are fools/L'amour nous fait agir comme si nous étions fous,
    Throw lifes away, for one happy day !/Gâche nos vies, pour un jour de bonheur !

    Oui, l’amour peut nous amener très haut ; mais il peut tout aussi bien nous mettre plus bas que terre.
    Je rentre chez moi en me disant que je ne lui ai toujours pas donné le t-shirt de Wilkinson que j’avais acheté à Londres. Je n’ai plus qu’à le jeter. Avec sa chemise, son t-shirt, son boxer.
    Je rentre chez moi en repensant aux mots de la chanson de David Bowie…

    Oui, la plus grande chose que vous apprendrez jamais/Est juste d'aimer et d'être aimé en retour…

    Rien que ça, rien que ça…


  • Commentaires

    1
    Virginie-aux-accents
    Samedi 2 Septembre 2017 à 23:59

    Le cœur de Nico est en morceaux, et le mien se brise en te lisant...

     

    2
    Yann
    Lundi 4 Septembre 2017 à 11:06

     

    Après la lecture de cet épisode on est triste pour Nico. Nico qui découvre que le partage entre les partenaires est la condition pour qu'une relation soit heureuse et que c'est dans ce contexte que le sexe vient la sublimer. Sans cela le sexe reste juste un moment d'autosatisfaction celui d'avoir tiré son coup. Mourad en est l'exemple type. Pour Jerem c'est plus complexe même si il n'y a pas de partage en dehors du sexe. Est-il hétéro, homo ou bi c'est la question qui se pose à lui et à laquelle il n'a toujours pas décidé de répondre par peur de découvrir une réalité qu'il ne supporterait pas à savoir aimer les garçons. Cette réalité qu'il a pris du plaisir avec Nico lui fait peur d'où son attitude limite violente. Est-ce juste une expérience sans suite qu'il a quand même eue aussi avec Romain et un peu Thibault ou bien une réelle attirance pour les garçons ? Le saura-t-on avant la fin de l'histoire ? L'épilogue de cette histoire risque, pour des raisons différentes, de faire deux malheureux  Jerem et Nico. On a hâte de lire la suite même si cela risque d'être pour nous aussi un déchirement.

     Yann

    3
    Etienne
    Mercredi 6 Septembre 2017 à 22:22

    Peut-être un mal pour un bien ?

    Cette première relation a permis à Nico de connaître ce qui lui conviendrait, à l'opposé de ce que Jerem lui a donné.

    Nico a besoin et mérite mieux que ça, assurément.

    On verra bien ce que Fabien nous concoctera...

    Etienne

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