• 54.1 Le boblond vs le bobrun. Veni vidi…


    Le lendemain de ce double fiasco avec Jérém et Mourad, je passe le plus clair de la journée à récupérer de la nuit blanche. Je me dis que j’ai vraiment de la chance d’avoir des parents qui ne posent pas trop de questions.
    Le peu de temps que je passe en dehors de ma tanière, lors des repas en particulier, ma principale préoccupation est d’essayer de retenir les larmes qui se pressent à mes yeux. J’ai une furieuse envie de chausser mes lunettes noires pour cacher la tristesse de mon regard, mon désarroi.
    Le « dégage ! » de Jérém résonne sans cesse dans ma tête, comme un écho assourdissant, comme un coup de fouet à la violence sans cesse renouvelée.
    Tant d’années plus tard, lorsque je repense à cette nuit, je me dis que ce fiasco cuisant était en réalité un fiasco annoncé, que j’aurais pu éviter, si seulement j’avais eu l’intelligence de prêter attention aux nombreux signes annonciateurs.
    D’autant plus que, dans le mode d’emploi encore très incomplet que je possédais à l’époque de Jérém, il y avait quand même déjà des éléments importants qui auraient pu m’aiguiller plus judicieusement. J’étais bien conscient de comment les réactions de mon bobrun pouvaient être imprévisibles et virulentes lorsqu’il n’était pas dans son état « normal » ; d’ailleurs, même quand il était dans son « état normal », ses réactions étaient plutôt difficiles à prévoir ; alors, à fortiori, avec l’effet combiné de la fatigue, de l’alcool, de la fumette, des allusions de sa pouffe de voisine, tombée au plus mauvais moment, juste avant son orgasme. Sans compter que les effets de la nuit passée avec Thibault et moi, tout juste une semaine plus tôt, doivent encore être bien vifs dans sa tête et toujours pas vraiment digérés.
    A distance de tant d’années, il est facile de me dire que j’aurais dû savoir m’arrêter avant d’atteindre le point de non-retour. Mais pour cela, il aurait déjà fallu que je sache où se situait ce point de non-retour.
    Bien sûr, ce coup-ci mon esprit n’était pas embrumé comme lors de la nuit avec Thibault : j’aurais dû me douter que, dans l’état où il était, une bonne pipe ne suffirait pas à le mettre dans de bonnes dispositions à mon égard. Au fond de moi, je savais que ça ne se passerait pas bien, que ça ne pouvait pas bien se finir.
    Bref, j’ai vu un mur devant moi, et j’ai foncé dedans à toute allure.
    J’étais jeune, fou amoureux, et sans aucune véritable expérience sentimentale autre que celle avec
    Jérém ; cet amour aveugle me faisait commettre des erreurs de jugement, agir impulsivement, me tromper. Oui, cette nuit-là, j’avais l’esprit pourtant clair, mais fou d’amour… et bonjour l’oxymore.
    Alors, difficile de savoir ce qu’il aurait fallu faire, compte tenu de mon état d’esprit à ce moment-là, de ma folle envie de Jérém, de son corps, de son sexe, de sa proximité tout simplement.
    Partir dès le début, lorsqu’il m’avait proposé une pipe « sans me prendre la tête et tu te tires après » ? Bien sûr, ses mots en disaient long sur son état d’esprit à lui. J’aurais été incapable de partir à cet instant, jamais je n’aurais pu renoncer à lui tailler une bonne pipe.
    Les évènements s’étaient ligués contre moi : qu’est-ce qui lui avait pris de vouloir se faire sucer dans l’entrée de son immeuble ? Pourquoi sa voisine avait dû rentrer pile à cet instant-là ?
    Certainement, sans cette interruption, les choses ne se seraient pas passées de la même façon. Jérém aurait joui, et je serais parti, comme il l’avait préconisé… une fois de plus, je l’aurais satisfait sexuellement, une fois de plus, je n’aurais pas eu le cran et la force de lui dire ce que j’ai sur le cœur. Mais ça se serait arrêté là.
    Alors que l’arrivée de la voisine, interrompant le plaisir de mon bobrun au pire moment et l’agaçant ensuite avec ses sous-entendus à la con, avait tout gâché.
    J’aurais probablement dû lui dire au revoir à ce moment-là, ne pas le suivre dans son appart. J’avais bien remarqué que, après ce petit « accident », Jérém n’était plus le même.
    Cependant, il ne m’avait pas demandé de partir.
    Est-ce j’aurais dû repartir une fois dans l’appart, le voyant fermé sur lui-même, donnant l’impression de presque m’ignorer ?
    Oui, j’aurais dû. J’aurais dû me tirer avant de me jeter à nouveau sur sa braguette : Jérém aurait peut-être été frustré, peut-être même en colère ; mais il n’aurait pas été confronté à son petit « échec ».
    Mais comment deviner que son corps ne réagirait pas comme prévu ? Lui, d’habitude si fringuant, si débordant de puissance sexuelle.
    Lorsque j’avais pris conscience que les choses ne se passaient pas comme prévu, j’avais tout fait, tout tenté pour rattraper le coup : je ne voulais pas laisser Jérém sur un échec ; pour lui avant tout, pour son ego de mâle ; mais aussi parce je savais bien que cet « accident » risquait d’être irrattrapable ; je savais qu’il me rendrait responsable de sa « défaillance », ou du moins « coupable » d’y avoir assisté.
    Aller à la rencontre de Jérém n’avait pas été une mauvaise idée en soi ; la mauvaise idée avait été de ne pas repartir avant que le point de non-retour ne soit atteint.
    Et comme les mauvaises idées ne viennent jamais seules, l’autre mauvaise idée de cette nuit-là, avait été de prendre la direction du On Off, et de me laisser lever par ce Mourad, petit mec à l’emballage alléchant mais au contenu déstabilisant.
    Nouvelle chronique d’un nouveau fiasco annoncé : j’en avais provoqué un premier cette nuit-là, aveuglé par l’envie de Jérém ; j’allais en provoquer un deuxième, aveuglé par la tristesse de m’être fait jeter par Jérém. Toute ma vie tournait en fait autour de ce petit con.
    Là encore, j’avais choisi d’ignorer que tous les voyants étaient au rouge par rapport à mes attentes, à mes besoins.
    Au fond, je ne peux rien reprocher à Mourad, à ses attentes à lui, à ses envies. A part le fait qu’elles étaient foncièrement différentes des miennes.
    Le mec avait annoncé la couleur dès le départ, il voulait juste baiser. Certes, il était plutôt sexy et me faisait bien envie ; je me disais qu’une petite galipette pourrait me changer les idées.
    Pourtant, j’avais accepté d’aller dans son sens plus dans l’espoir d’un moment sensuel, tendre, que pour le sexe ; j’étais naïf et désespéré au point de me dire qu’après le sexe il y aurait forcément un moment de discussion, de partage, un moment où je pourrais déverser ma tristesse dans une oreille attentive, me retrouver dans des bras chauds, rassurants et bienveillants, comme avec Stéphane ; dans ma tête, chez les gays, il n’y avait que des « Stéphane ».
    Hélas, le mec était aux antipodes du « garçon au labrador » : il voulait vraiment juste baiser. Et cette rencontre, au lieu de soigner ma solitude et ma tristesse, en avait encore ajouté une couche, tant à l’une qu’à l’autre.
    S’il y a une chose que cette nuit m’a appris, c’est que c’est inutile de tenter d’essayer d’oublier un mec, et surtout LE mec, avec le premier venu.
    On ne se reconstruit pas en un claquement de doigts et on ne trouve pas l’homme de sa vie, sauf dans de mauvais films, par plus beau des hasards, comme on cligne des yeux ; et encore moins à 4 heures du mat, devant le On Off.
    On ne soigne pas une déception d’amour avec du sexe ; car le sexe ne remplace jamais l’amour. On ne remplace l’amour que par l’amour ; mais avant cela, il faut être guéri de tout mal d’amour, il faut être en paix avec soi-même.

    Le lendemain, lundi, je suis toujours à la ramasse ; je suis tellement pas bien que, malgré le soleil, je passe mon temps enfermé dans ma chambre ; je n’ai pas envie d’aller courir sur le canal. Je n’ai pas envie d’écouter de la musique ; même Madonna ne semble pas à même de me réconforter ; d’autant plus que les deux derniers albums, « Ray of light » et « Music », constituent désormais la bande son de mon amour pour Jérém, chaque chanson étant liée à un souvenir, désormais douloureux des trois années de lycée. Ce con de Jérém va finir par m’éloigner de ma « copine » de toujours… je le déteste !
    Journée de merde, que rien ne semble pouvoir sauver du naufrage. Mais heureusement…
    Oui, heureusement, en fin de matinée, j’ai cours de conduite avec le sexy Julien.
    Petite chemisette claire bien cintrée, deux boutons ouverts, chaînette qui dépasse, et son sourire ravageur aux lèvres, ce sourire qui ferait presque de l’ombre au soleil lui-même, un sourire qu’il partage avec Sandrine ; elle est en train de rigoler avec lui, l’air plus amusée et complice que jamais : qui sait ce que le bogoss a encore sorti comme connerie pour tenter de faire fondre la reine des glaces.
    Je reçois sa puissante poignée de main de mec, je claque la bise à ma camarade.
    Sandrine s’installe au poste de conduite, Julien côté passager, et moi derrière, la place du mateur de bogoss. Je me dis qu’après m’être fait gauler la dernière fois, lorsque son regard a pénétré le mien par rétroviseur interposé avec petit clin d’œil à la clef, je vais essayer de ne pas trop le chercher.
    La voiture démarre, et le sexy Julien démarre aussitôt son numéro de charmeur invétéré.
    Certes, le mec a l’air de s’intéresser à toutes les filles, pour peu qu’elles soient potables ; pourtant, j’ai l’impression qu’il s’applique tout particulièrement avec cette Sandrine ; j’ai l’impression que son caractère, son répondant l’intriguent ; plus elle l’envoie sur les roses, plus le bogoss semble redoubler d’efforts ; comme si le fait de charmer cette fille représentait une espèce de défi, un challenge pour ce bogoss tombeur.
     « Vas-y, applique-toi, et fais-le avec un peu plus d’entrain et de sourire… » lance le sexy moniteur, alors que Sandrine vient de se tromper de vitesse en redémarrant à un feu passé au vert.
    « Je souris si j’en ai envie… » fait elle, plutôt sèchement.
    Mais le sourire amusé et coquin que le bogoss affiche en guise de riposte est si contagieux qu’elle finit par éclater de rire.
    J’ai de plus en plus l’impression que même si Sandrine continue de se la jouer « forteresse imprenable », elle dérive petit à petit dans le jeu de séduction du beau moniteur. En est-elle consciente ou bien est-elle en train de se faire avoir par ce beau parleur ?
    « Je trouve que tu conduis comme une princesse… » enchaîne le bogoss, alors que Sandrine vient d’oublier le mettre le cligno en tournant à gauche.
    Je ne peux résister, mon regard finit par plonger dans le rétroviseur ; et tant pis s’il va comprendre que je le mate… putain, qu’est-ce qu’il est beau !
    Très vite, le piège se referme sur moi, mon regard rencontre le sien… j’ai même l’impression que ça l’amuse, qu’il me balance un petit sourire, assorti d’une sorte de moue qui signifierait, mes semble-t-il « enfin te voilà, je croyais que tu faisais la tête »… je craque… putain de petit allumeur…
    « Je ne sais pas ce que c’est que de conduire comme une princesse… » relance Sandrine, vexée.
    « Ça veut dire que, plus qu’un permis, il te faudrait un chauffeur… ».
    « Tu veux dire par là que je conduis comme un pied ? Mais quel goujat… ».
    Et là, c’est beau à en pleurer… le bogoss ouvre les bras, le cou s’enfonce entre les épaules, la bouche s’ouvre, les yeux se ferment, un grand sourire à la fois lumineux, coupable et canaille illumine son visage jusqu’aux oreilles.
    Et lorsque ses yeux se rouvrent, mon regard toujours aimanté par le rétroviseur capte un clin d’œil, rapide comme l’éclair, mais capable de me retourner de fond en comble.
    Je ne sais pas quoi lire dans ce nouveau clin d’œil : un geste « complice » pour me signaler qu’il sait ce qu’il fait avec Sandrine, qu’il va l’avoir malgré les apparences ; ou bien une sorte de notification du fait qu’il a à nouveau capté mes regards et qu’il a bien compris mon manège ?
    Quoi qu’il en soit, son numéro avec Sandrine est loin d’être terminé. Elle le fixe avec un regard de tueuse ; loin de se démonter, le bogoss la regarde fixement, en silence ; puis, ses épaules ont un petit mouvement vers le haut, un petit sourire aux lèvres, une attitude qui semble lancer un message du genre : « tu vois, je ne fais pas exprès, je suis con parfois, mais toujours sexy en diable… tu peux faire ce que tu veux, mais tu ne vas pas pouvoir me résister » ; il a l’air d’une joyeuse petite fripouille qu’on viendrait de gronder pour une bêtise, bêtise qui l’amuse davantage qu’il la regrette.
    Bouleversant jeu de séduction qui consiste à jouer tour à tour au mec sûr de lui, ou bien, au mec naïf, un peu « benêt », avec des airs de gamin parfois dépassé par la situation.
    Alors qu’en fait, je pense qu’il contrôle tout, qu’il maîtrise son petit jeu de A à Z. Et le contraste entre les deux tableaux le rend véritablement craquant.
    « Ça me fait pas rire ton histoire de princesse… » fait Sandrine sur un ton (faussement ?) énervé.
    « Pourtant, j’ai juste dit que tu es une princesse… t’aime pas l’intention ? ».
    « Ouais… ».
    « C’est mignon, non ? ».
    On s’arrête à un feu rouge, elle le regarde fixement sans répondre, l’air entre vexé et amusé.
    Le bogoss enchaîne, inépuisable :
    « T’as pas le droit de me regarder comme ça… ».
    « Comme ça, comment ? » s’étonne Sandrine.
    « Avec ces yeux charmeurs… je ne suis qu’un homme… je suis faible… tu es à deux doigts de me séduire… ».
    Décidemment, ce mec est à lui tout seul l’« Encyclopédie du petit con » en 15 volumes…
    « Ah, ça c’est la meilleure… je croyais que c’était toi qui essayais de me draguer… ».
    « Je ne suis qu’un jouet entre tes mains… ».
    « Si tu le dis… bon… le cours est presque fini… on peut revenir vers chez moi ? ».
    « Ce sera sans problème Sandrine… » fait il sur un ton complaisant et moqueur à la fois « vas-y, tourne à droite… ».
    Nous voilà à nouveau arrêtés à un feu rouge.
    Le moteur tourne, personne ne parle. De but en blanc, le bogoss se tourne vers Sandrine et lui balance :
    « Tu sais… tu me troubles… en général je suis à l’aise avec les filles, mais toi, tu me fais perdre tous mes moyens… ».
    Ce qui me fait hurler c’est que ma présence ne le gêne en rien, il fait comme si je n’étais pas là.
    A moins que ce ne soit exactement l’inverse, c'est-à-dire que le bogoss en rajoute encore plus justement parce qu’il a un spectateur.
    Au début, j’ai été un peu gêné de voir le sexy moniteur dans cette attitude peu déontologique de dragueur impénitent… mais je trouve cela plutôt amusant au final ; surtout que Sandrine n’est pas une gamine, elle a du répondant, et en plus son jeu est assez difficile à cerner ; elle aussi elle souffle le chaud et le froid, elle joue les filles difficiles, les forteresses imprenables, mais je crois bien qu’elle est définitivement en train de tomber sous le charme ; il faut dire que si elle ne l’est pas, c’est qu’elle n’est pas humaine. Même moi je le suis, sans que sa drague me soit destinée.
    Le bogoss vient de lâcher sa nouvelle boutade et elle le regarde fixement, comme si elle essayait de le déstabiliser.
    « Tu me fais penser à la chanson ‘Paroles paroles’… mais tu ne dois pas connaître… » elle finit par lâcher.
    « Tu es comme le vent qui fait chanter les violons/et emporte au loin le parfum des roses… » recite le bogoss sans la moindre faute, le tout sublimé par son accent chantant.
    « Ok, là tu marques un petit point… » fait Sandrine, visiblement surprise.
    « Je ne sais plus comment te dire… » continue le sexy moniteur, à l’aise, accompagnant ses mots avec un sourire amusé et charmeur à faire fondre un bloc de granit « mais tu es cette belle histoire d'amour que je ne cesserai jamais de lire… ».
    Sandrine rigole comme une malade…
    « Je ne sais pas où est ce que tu as vu l’histoire d’amour, mon coco… ».
    « Qui sait, elle va s’écrire demain, peut-être… ».
    « Paroles et paroles et paroles… » balance Sandrine.
    « Écoute-moi… » enchaîne le bogoss.
    « Paroles et paroles et paroles… ».
    « Je t'en prie… ».
    « Paroles et paroles et paroles… ».
    « Je te jure… ».
    « Paroles et paroles et paroles… ».
    « Que tu es belle ! ».
    « Que tu es belle ! ».
    « Que tu es belle ! ».
    « C’est bon, j’ai compris, lâche-moi ! » rigole Sandrine.
    « Ça t’étonne que je connaisse, hein ? ».
    « Là, c’est clair… ».
    « Je ne suis pas complètement abruti, tu sais… ».
    « Je croyais qu’il n’y avait que les meufs qui t’intéressaient… »
    « Tu te trompes… ».
    « Mais t’es un mec, et un coureur qui plus est… ».
    « Tu as une si mauvaise opinion de moi, ça me désole… ».
    « … et j’ai lu quelque part que vous les mecs, vous pensez au sexe tous les 7 secondes… ».
    « Ça c’est une idée reçue… » fait le bogoss avec un sourire moqueur à tomber.
    « Moi je suis sûre que vous les mecs ne pensez qu’à ça… n’est-ce pas Nico, que c’est vrai… vous passez toute la journée à penser à votre bite… toute la journée avec « la bite dans la tête », si je peux dire… ».
    J’ai envie de lui dire que oui, bien sûr, elle a raison… toute la journée « avec la bite dans la tête »… je me retiens de justesse d’ajouter que l’avantage, en étant homo, c’est qu'en plus, parfois, j’ai la chance de l’avoir ailleurs aussi.
    Nous nous arrêtons au dernier feu rouge avant son immeuble.
    « Alors, t’aime bien les cours de conduite ? ».
    « Ouais, ça va… ».
    « Mais tu aimes bien parce que c’est moi qui te fais cours ou ce serait pareil avec n’importe qui ? ».
    « Je ne sais pas… » fait elle en rigolant.
    « C'est très dur de draguer une fille comme toi… ».
    « Ah, parce que tu me dragues ? ».
    « Ça ne se voit pas ? » fait-il avec son sourire ravageur au coin des lèvres.
    « Ah, bah, si c’est le cas, c’est pas une réussite… ».
    « Et que je rame, que je rame, que je rame… ».
    « Bah, rame alors, si ça te fait plaisir… »
    « Tu me troubles quand même pas mal… ».
    « C’est ça, un coureur comme toi… ».
    « Dans la vie de tous les jours, aucune fille me déstabilise… vraiment… mais toi, toi tu fais partie d’une catégorie de fille à part… celle qui me fait perdre tous mes moyens… ».
    « Tu lâches jamais le morceau… ».
    « Sinon, tu remercieras ta maman de ma part… » fait-il sans transition.
    « Pourquoi ça ? » fait Sandrine, étonnée.
    « Ne vois pas le mal partout… j’ai juste envie de la remercier de t’avoir mise au monde… nan, parce que sans elle, je n’aurais jamais pu te rencontrer… ».
    « Elle va être ravie… » fait elle en essayant de retenir un fou rire devant le culot du bogoss.
    « Dis-lui de me garder une assiette à Noel… ».
    Sandrine rigole désormais à gorge déployée… non, elle hurle carrément de rire. Oui, Sandrine est bel et bien en train de baisser la garde.
    Le feu tarde à passer au vert, le bogoss enchaîne, sur un ton plus sérieux, avec des nuances de victimisme aussi appuyées que peu crédibles :
    « Jamais de la vie je ne cours autant derrière une fille… et là j’ai quoi en retour ? Je me dis que je vais arrêter peut-être… peut-être que je te dérange… je ne sais même pas ce que tu penses, je ne veux pas être relou… »
    « Je t’aime bien… » finit par admettre Sandrine, sur un ton neutre, voire froid, pendant qu’elle se gare pas loin de son immeuble.
    « C’est tout ce que j’aurai aujourd’hui comme compliment ? ».
    Elle s’esclaffe à nouveau dans une franche rigolade.
    « Bye… » elle coupe court en défaisant sa ceinture et en claquant la bise au bogoss.
    « C’est la loose à Toulouse… » je l’entends commenter.
    Sandrine quitte la voiture en rigolant, je lui claque la bise à mon tour avant de prendre sa place.
    Je m’installe à côté de Julien, je boucle la ceinture, je cale mon regard sur le regard du bogoss en train de suivre Sandrine dans la rue. Puis, à un moment, il se retourne brusquement vers moi, me regarde fixement dans les yeux et il me balance :
    « Cette fille, c’est un sacré morceau… elle n’est vraiment pas facile à draguer… mais dans une semaine, tu vas voir, elle va me manger dans la main… ».
    Je commence à conduire, direction Rangueil.
    « Ça va pas fort, toi, aujourd’hui… » il me balance, de but en blanc.
    « Si, pourquoi ? » je tente de mentir.
    « On dirait que tu reviens d’un enterrement… ».
    « Je suis juste fatigué » je tente de désamorcer.
    « Week-end difficile ? ».
    « C’est ça… ».
    « Alors, tu l’as revu ton pote qui te fait la gueule ? » fait-il sans prêter attention à mes mots.
    Je n’ai pas envie de répondre. Mais je sens son regard perçant sur moi, je sais qu’il ne va pas lâcher le morceau.
    « Tu l’as revu, alors ? » fait il en posant une main sur mon épaule et en me secouant légèrement pour attirer mon attention.
    « Oui… » je finis par lui balancer, agacé.
    « C’est un petit oui, ça… ».
    « J’ai pas envie d’en parler ».
    « Laisse-moi deviner… toi t’as envie de coucher avec lui, mais lui il ne veut pas… ».
    « Pffff, laisse tomber, je te dis… ».
    « Ou alors… il ne veut plus… ».
    « C’est ça, maintenant c’est bon, Julien… ».
    « Mais tu le kiffes à mort… » il enchaîne pourtant.
    « Oui, mais on va arrêter d’en parler, ok ? Sinon je vais encore faire plein de conneries avec la voiture ! ».
    « Ok, ok… ».
    Le cours continue dans un silence interrompu uniquement par ses instructions.
    Du moins jusqu’à ce que je sois obligé de m’arrêter à un feu rouge. C’est là que le bogoss revient à la charge :
    « Ça doit pas être facile d’être pd… enfin, gay, je veux dire… » je l’entends balancer sur un ton posé, affable.
    « Je te confirme ».
    « Tomber amoureux d’un mec qui aime les filles… parce que c’est ça, n’est-ce pas ? Ton brun s’est amusé avec toi, mais au fond il aime les filles, je me trompe… pas ? ».
    Je ne sais pas, mais j’ai comme l’impression que cette réflexion sent étrangement le vécu. Soudainement je repense à Martin, et je me demande si… mais mon imagination est certainement trop débordante… ou pas…
    « Ça doit être ça… pourtant, il fait son jaloux s’il me voit avec un autre gars… tiens, comme la fois qu’il m’a vu avec Martin… » je décide de le tester à mon tour.
    « T’as baisé avec Martin ? » il réagit du tac-au-tac, comme interloqué.
    « Non, et toi ? » j’ai envie de lui demander.
    Au lieu de quoi, je me contente de :
    « Non, pourquoi ? ».
    « Pour rien, t’inquiète… » il coupe court, avant de continuer « vraiment tu dois le kiffer ce mec pour te mettre dans cet état… ».
    « Oui, je le kiffe grave » je finis par admettre.
    Et là, sans transition, je l’entends me balancer :
    « Et moi, tu me kiffes aussi ? ».
    D’abord, je crois avoir mal entendu. Instinctivement, je me tourne vers lui. Il me balance le même regard qu’il sert aux filles, un regard charmeur, provocateur, indéchiffrable, les sourcils en chapeau, sexy à mort, un regard illuminé d’un petit un sourire sournois, coquin, une attitude en équilibre sur un fil invisible, entre charme et moquerie, entre sérieux et facétieux, entre premier et deuxième degré ; je sens que le bogoss est prêt à se laisser choir du côté du charme ou de la bêtise suivant la réaction à sa boutade ; son regard est « tout » et son contraire à la fois, je me demande comment il arrive à faire ça ; mais cette attitude de Julien est du grand art, car elle permet au beau gosse de toujours retomber sur ses pattes.
    Ah putain… je ne m’y attendais pas à celle-là… jamais je m’attendais à quelque chose de si direct… j’aurais dû mieux surveiller mes regards.
    Je suis tellement secoué par ses mots que je maque d'emboutir une voiture arrêtée à un STOP.
    « Ok ok, j’arrête mes bêtises… vas-y, mets le cligno à gauche… ».
    Ainsi c’était juste de la bêtise… ça avait pourtant l’air si réelle sa question.
    Nous arrivons à proximité de l’autoécole et le bogoss me demande de garer la voiture sur une des places réservées sur le petit parking un peu plus loin.
    Je viens d’éteindre le moteur et de mettre le frein à main ; et là, je l’entends me glisser, la voix caressante, charmante, les yeux pétillants, un petit sourire coquin aux lèvres :
    « Je sais que tu me kiffes… t’arrête pas de me mater depuis le premier cours… assume… ».
    Je le regarde sans arriver à trouver quoi répondre.
    « Tu me trouves pas beau ? » il finit par me balancer avec un naturel déconcertant, avec une petite moue de déception et avec des yeux suppliants, comme si on avait porté un affront fatal à son ego.
    Mais il cherche quoi ? Il se fiche de moi ? Et si… il me cherchait vraiment…
    « Si, t’es un bomec… » je finis par lâcher.
    « Tu vois, c’est pas si difficile… » fait-il en recouvrant soudainement son beau sourire charmeur, accompagné d’une petite étincelle de fierté dans le regard.
    Et il continue :
    « Mais moi je ne suis pas Martin, moi je ne baise que les nanas… on se revoit en fin de semaine, bye ».

    L’après-midi, je me sens encore un peu plus sens dessus dessous que le matin et que la veille. Déjà que je me prends la tête pour tout un tas d’autres choses, il fallait que Julien en rajoute du sien.
    Mais à quoi il joue ce petit con ? Pourquoi me poser cette question ? Si je le kiffe ? Ça lui intéresse vraiment de savoir ? A quoi bon ? Surtout pour me balancer après qu’il « ne baise que les nanas »… en fait, il veut juste se moquer, se payer ma tête.
    Maman est partie au travail et je m’enferme dans ma chambre. Je n’ai toujours pas envie d’aller courir sur le canal. Je sens un grand vide en moi, et ce, malgré les mille pensées qui s’agitent dans ma tête. Je repense à Mourad, à ce plan désastreux ; je repense à Thibault, à sa gentillesse ; je repense à Julien, à sa question à brûle pourpoint : « Et moi, tu me kiffes aussi ? ».
    Et je repense à Jérém. Sans cesse. Je sais que la seule personne qui pourrait me faire du bien, apaiser mes angoisses, c’est lui. Car il en est à l’origine.
    Ainsi, les deux derniers couplets de la chanson « Erotica » résonnent dans ma tête.
    Only the one that hurts you can make you feel better/Seul celui qui te blesse peut te faire te sentir mieux
    Only the one that inflicts pain can take it away/Seul celui qui inflige la peine peut l'ôter
    J’ai besoin de le retrouver, besoin de retrouver son odeur, la chaleur de son corps, ses gestes de mec pendant qu’il se dessape, pendant l’amour, pendant qu’il se rhabille, qu’il fume sa cigarette ; besoin de retrouver les lignes de la plastique, de son visage, besoin d’entendre sa voix, besoin de retrouver les sensations au contact de ce corps, de ce sexe familier, un contact rassurant, d’une certaine façon.
    Ce mec est ma drogue et je me sens en manque ; et le manque est si fort que je me sens prêt à tout pour une nouvelle « dose » de mon Jérém. Prêt à tout faire, à tout accepter, à tout renoncer.
    J’en arrive même à me dire que si « La plus grande chose que vous apprendrez jamais/Est juste d'aimer et d'être aimé en retour… », je pourrais peut-être envisager de l’aimer même si je ne le suis pas en retour.
    J’ai envie de pleurer, de crier, de tout casser ; je me sens comme un animal en cage à qui on a arraché son plus grand bonheur ; je me sens abandonné, rejeté, méprisé.
    Je ne peux pas me résigner à ce que ça se termine de cette façon avec Jérém, sur cet échec, sur un « dégage ! ». Si ça doit se terminer, ça doit être sur un feu d’artifice grandiose.
    Je voudrais le voir une dernière fois avant qu’il ne quitte définitivement son appart ; mais on est déjà le 30, et s’il doit quitter les lieux à la fin du mois, le déménagement c’est pour aujourd’hui ou demain. La fin du déménagement, car samedi dernier l’appart était déjà à moitié vide.
    Autant me mettre le cœur en paix ; il n’y aura plus d’endroit pour se voir, alors pourquoi espérer ? Espérer quoi, d’ailleurs ?
    De toute façon, après son « dégage », je n’oserai même pas aller le voir à la brasserie, le seul endroit où je suis sûr de le trouver ; aller le voir pour quoi faire, à la fin ?
    C’est dur, mais je dois tenir bon, jusqu’à ce que ça passe. Il me manque horriblement. Mais je ne dois plus le voir. Je ne veux plus le voir.
    Mais en attendant, je déambule dans la maison vide, sans savoir quoi faire de mon après-midi trop long.
    Il est 15 heures, lorsque ça sonne à la porte. Je me rends dans l’entrée, j’ouvre la porte.
    Et là, PAF !
    Je tire le battant et c’est comme si je recevais un poing en pleine figure.
    Pendant un instant, une fraction infinitésimale de nanoseconde qui me paraît une éternité, mon sang arrête de circuler, mes poumons de respirer, mon cœur a des ratés, la boule et les papillons au ventre et le nœud dans la gorge sont là, mes entrailles se vrillent ; je me liquéfie ; dans ma tête, c’est le black-out.
    IL est là.
    D’un coup, le temps s’est ralenti. J’ai l’impression que le silence s’est brutalement fait autour de moi pour que je me concentre sur le p’tit Dieu qui est apparu, éblouissant, aveuglant, incandescent, radioactif.
    Une petite gueule si sexy, si « mec », qui te donne envie de hurler à t’en détruire les cordes vocales ; un regard brun qui semble comme contenir tout le monde qui l’entoure et dans lequel j’ai juste envie de me perdre et de me noyer ; une jolie bouche sensuelle, et cette petite barbe de trois jours affirmant le côté viril.
    Petit t-shirt rouge délavé, bien moulant, col en V avec trois petits boutons laissés ouverts sur la peau mate rasée de près, sur le grain de beauté dans le creux du cou, sur sa chaînette de mec ; t-shirt laissant peu à l’imagination en ce qui concerne les pecs très bien dessinés et les tétons qui pointent scandaleusement, le biceps qui semble vouloir défoncer la manchette au-dessus de son brassard tatoué bien mis en valeur ; t-shirt au travers duquel on devinerait presque la tablette de chocolat raccord avec le haut.
    T-shirt qui est véritable supplice visuel, une pure provocation, une invitation, une injonction à l’arracher sur le champ ; d’autant plus qu’il est accompagné d’une casquette de la même couleur, portée à l’envers, ça va sans dire ; une touffe de cheveux bruns en bataille dépasse de l’ouverture au-dessus de la bande de réglage, lui donnant un air un brin négligé et sexy à craquer.
    Oui, Jérém est là, devant moi. Il se tient bien droit, les bras légèrement écartés le long du corps, ce qui a pour effet de bien mettre en avant le torse. Et de remonter ses épaules, de sorte que le deltoïde, ce muscle arrondi qui fait la jonction entre l’épaule et le bras, si saillant lorsqu’il est travaillé par la musculation et sublimé par la jeunesse, apparaît dans toute sa puissance.
    Tout est beau dans sa plastique de dingue ; mais moi ce qui me rend tout particulièrement dingue à ce moment, c'est le dessin de ses épaules, dessin qui ressort encore plus nettement lorsqu’il est en colère.
    Je le revois, l’autre soir, à poil, en train d’avancer vers moi, très énervé, menaçant, juste avant de me foutre à la porte ; sous le coup de l’énervement, ses bras étaient remontés, ses épaules avec, ses biceps avaient doublé de volume : on aurait dit un véritable petit taureau sexy.
    Je n’aime pas le voir en colère, mais il faut admettre qu’il est magnifique quand il l’est.
    Je suis aimanté par son regard, son t-shirt, sa casquette, par la couleur sa peau qui fonce à vue d'œil au contact du soleil d'été. Mais il y a autre chose sur lui qui me rend carrément fou… c’est…
    … c’est…
    … c’est…
    … c’est…
    … un putain un nouveau tatouage !
    Je suis comme aveuglé, tellement c'est sexy ; je crois que ce coup-ci je vais vraiment fondre sur place.
    J’ose tout juste regarder ce nouveau dessin qui parcourt sa peau.
    C’est encore un motif tribal du même style que son brassard, composé des lignes sinueuses mélangées à des lignes droites ; un dessin très net, aux bords vifs, « tranchants » ; ça prend naissance derrière l’oreille droite et descend à la verticale le long de son cou pour disparaître, tronqué, sous le coton rouge de son t-shirt… pour réapparaitre, comme à l’improviste, comme une scène tronquée en plein milieu, sous la forme d’une pointe travaillée juste en dessus de la manchette droite.
    Frustration insoutenable de ne pas pouvoir le voir en entier… de ne pas savoir jusqu’où il court… en attendant, c’est fin, bien dessiné, c’est hyper hyper hyper sexy ; soudainement, son t-shirt de fou devient mon pire ennemi.
    C’est un peu rouge tout autour du dessin, ça a l’air tout frais. Il vient surement de se le faire faire, vu qu’il y a moins de 48 heures il ne l’avait pas.
    Envie de lui arracher le t-shirt sur le champ pour voir ce tatouage en entier. J’en ai le souffle coupé.
    J’ai rêvé de ce genre de tatouage sur mon Jérém en croisant un mec qui en avait un semblable pas plus tard que la semaine dernière lors de mon « Toulouse summer bogoss city tour » ; j’en ai rêvé, et lui il l’a fait.
    Naaaaaaaaaaaaaaan, mais putaaaaaaaaaaaaaaaain, comment c'est possible ??? Comment c'est possible qu'un mec aussi sexy existe ???
    Mais là, la véritable question, la plus importante, est : comment se fait qu'un ptit con sexy comme Jérém, dont on pense qu'il a déjà exprimé toute sa sexytude bouillante, étalé sa palette de p’tit con Premium, comment se fait-il qu'il trouve encore et encore le moyen d’en mettre encore plein la vue, d’aveugler, de brûler les rétines avec un nouveau tatouage… cette petite gueule à hurler, ce regard de tueur sexy qui te terrasse en une seule seconde, ce torse de malade, et ce nouveau tatouage sexy à mourir, mais comment, comment est-ce possible ???
    Oui, je sais, la réponse est évidente : Jérém appartient à la catégorie des p’tits cons, et le petit con est source inépuisable d’émotion sensuelle. Je veux bien, je veux bien… mais là, il faut admettre qu’on atteint des sommets.
    J’ai envie de me jeter dessus, de le bouffer de la tête aux pieds, envie de l’avoir en bouche, envie de ses coups de reins furieux et sauvages, envie de lui, graaaaaaaaaaaaaaaave envie de lui !!!!!!!!!!!!!
    Je sais, j’en fais beaucoup. Mais si vous l’aviez vu, comme moi je l’ai vu, ça vous aurait arraché les tripes à vous aussi.
    « Salut ! » je l’entends lancer sur un ton calme et assuré, mais distant.
    « Salut… » je réponds, tout tremblant, les jambes en coton. Ce mec a un effet épouvantable sur moi. Ça me fait presque peur.
    Une fois passé le premier choc, j’en viens à me demander ce qu’il fait là. Ma réponse vient rapidement. Un instant plus tard, Jérém me tend la main et me balance :
    « Tiens, je pense que ça c’est à toi ».
    Dans sa paume, mon portable.
    Il m’avait fallu jusqu’à dimanche soir pour me rendre compte que je l’avais perdu. J’espérais que ce n’était pas chez lui. De toute façon je ne me voyais pas aller lui réclamer. Je m’étais dit que si par malchance je l’avais perdu à l’appart, puisqu’il ne voulait plus me voir, il me l’aurait fait passer par Thibault. En attendant, j’ai fait opposition ce matin. Putain de téléphone miniature qui semble fait pour être égaré, le seul argument marketing des constructeurs à cette époque étant le « toujours plus petit ».
    Frisson inouï se diffusant sur toute ma peau, hérissant tous mes poils, décharge électrique puissante se propageant le long de ma colonne vertébrale, en effleurant simplement ses doigts pour le récupérer.
    Je n’ai pas le temps de me remettre de cette émotion que déjà le bogoss me balance :
    « Bye », toujours aussi distant et froid.
    Et il entame le mouvement pour repartir.
    Aaaaaaaahhhhh… non, pas si vite ! Certes, son « dégage ! » resonne toujours aussi douloureusement dans ma tête ; j’ai envie de le gifler, de le frapper, mais putain qu’est-ce qu’il est sexy, putain qu’est-ce que j’ai envie de lui… et puis, ce tatouage, je DOIS le voir en entier, j’ai BESOIN de le voir en entier !
    Je cherche n’importe quoi pour le retenir…
    « Jérém… »
    « Quoi ? » fait le petit con à casquette en arrêtant son mouvement.
    … et le seul truc qui me vient c’est :
    « Tu veux une bière ? ».
    Je ne sais même pas s’il y en a au frigo, mais je tente le tout pour le tout.
    « Ça va aller, j’ai pas le temps… ».
    « Ou alors, tu veux autre chose… ? » oui, je tente vraiment le tout pour le tout « sans prise de tête, je te promets… ».
    Jérém est en train de sourire, je crois même en train de se marrer.
    J’ai dû balancer ça sur un ton tellement pitoyable, j’ai dû me ridiculiser comme jamais.
    Pourtant, ce sourire est tellement beau, tellement aveuglant, tellement Jérém, tellement comme je l’aime ; un sourire, un simple sourire, et je lui pardonne tout, tout, tout ; car c’est un petit con, la quintessence même du petit con.
    Puis, son sourire laisse la place à un regard qui est comme transperçant, avec un semblant de petit hochement de tête qui semble dire "t'as envie de moi, hein, t'as envie ?".
    Il y a un truc tellement intense dans son regard, un truc perçant comme une flèche, quelque chose de sauvage et puissant comme ses coups de reins, comme s’il pouvait te baiser de ce simple regard… putain de mec…


  • Commentaires

    1
    Yann
    Mardi 19 Septembre 2017 à 12:27

     

    Cet épisode est bouleversant au possible. D'abord, dans sa première partie, où Nico se remémore ce qui s'est passé avec quelques années de recul. C'en est que plus émouvant car sans colère il rejoue l'histoire, ce qu'il aurait fallu ou pas fallu faire. Il se fait du mal et c'est si triste. Et puis on revient dans l'instant présent , cette apparition inattendue de Jerem. Va-t-il se racheter de son dégage ? S'expliquer ? S'il décidait tout simplement de parler à Nico de lui dire ce qui le trouble et le tourmente de s'ouvrir un peu à lui pour qu'il comprenne. Car c'est bien là le problème, même si leur relation doit s'arrêter là, qu'au moins  ils se disent les choses le plus simplement pour ne pas rester  sur des interrogations. Comme toujours on est impatient de lire la suite.

    Merci Fabien pour ce bel épisode toujours si bien écrit et plein de délicatesse.

    Yann

     

    2
    romainT
    Mercredi 20 Septembre 2017 à 00:27

    Alors le "« Je ne sais pas ce que c’est que de conduire comme une princesse… » relance Sandrine, vexée.
    « Ça veut dire que, plus qu’un permis, il te faudrait un chauffeur… »." c'était merveilleux... j'en pleure encore!

    Ensuite je suis énerver Fabien! Là il va me falloir des explications! Je te laisse un été pour nous clarifier les choses entre jerem et nico et toi tu me les compliques encore plus! Et Nico ce fait encore piétiné... ;(

    Je veux, j'exige! que nos deux petits mecs s'explique!

    Bon après le petit julien je le sent bien jerem sur les bords... donc affaire à suivre :)

    Donc Fabien tu sais ce qu'il te reste à faire :)

    Romain

     

    Ps : c'est toujours aussi génial :p

    Ps2 : Désolé pour les fautes d'orthographes mais je suis trop naze pour me relire ou même faire attention.... Désolé pour les yeux

     

    3
    Virginie-aux-accents
    Mercredi 20 Septembre 2017 à 16:13

    "On ne remplace l’amour que par l’amour ; mais avant cela, il faut être guéri de tout mal d’amour, il faut être en paix avec soi-même", c'est douloureusement vrai, n'est-ce pas? Comme toujours, tu touches juste.

    Et Jérèm qui débarque chez Nico... Waouh!! Je ne l'avais pas vu venir, et j'attends la suite (^_-) 

    4
    corbeaux
    Samedi 30 Septembre 2017 à 20:33

    je trouve cette histoire triste.. a quand le réveil de Nico???

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