• Tourne toi, mec... trop envie de voir ta queue... même si le fait de l'imaginer est très excitant... même si je crains qu'une fois que je l'aurai vue, une partie de la magie sera rompue... allez, mec, tourne toi... montre moi comment t'es monté... juste voir comment... le combien je m'en fiche pas mal... juste te connaître un peu plus...
    Je l'ai souhaite de toutes mes forces...
    Et tu finis par le faire... tu fermes le robinet d'eau chaude et tu te retournes pour attraper la serviette, alors que tu aurais pu juste allonger le bras... tu dois être grave à l'aise avec ton corps, sûr de toi, pour te montrer ainsi... évidemment, tu as de quoi...
    Oui, tu te retournes... image furtive de ce corps de petit dieu vivant, les cheveux bruns trempés, la peau de ton visage, de ton cou, de tes bras, de ton torse mouillée et luisante sous l’effet de l’eau… et cette queue qui se montre enfin… cette queue plutôt prometteuse même après la douche...
    A la fois délivrance, bonheur, excitation, fascination, frustration devant cette vision furtive mais si puissante…
    Pensée furtive... en plus, il est bien monté le petit con...
    Image furtive de ton regard qui capte mon regard en train de mater ta queue... image précise de tes cheveux ruisselants, de ton corps mouillé, de tes bras qui stoppent net le mouvement que tu avais entrepris de façon mécanique, celui de porter la serviette à ta tête pour commencer à sécher le haut de ton corps… image de tes bras qui reviennent même un peu sur leur mouvement, comme pour te permettre de bien me dévisager, l’air surpris de me trouver planté là, en train de te mater, avec cette touche de con… oui, tu as l’air surpris, mais en même temps, tu ne fais rien pour cacher ta nudité…
    Grave envie de m’y jeter dessus, de la sentir grossir dans ma bouche… de te faire plaisir… de te faire jouir… j’en ai mal au ventre tellement l’envie me déchire de l’intérieur…
    Pourtant, honteux, je me tire, m’éloignant de ces douches dont je ne me servirai pas aujourd’hui… je m’éloigne pour aller m’habiller, vite, le plus vite possible, et partir, au plus tôt… je m’éloigne en espérant que tu ne viennes pas me chercher des noises ou, pire, que tu ne me traites pas de pd devant tous les camarades...
    Heureusement, tu ne feras ni l'un ni l'autre... ta seule punition à mon égard ce sera de te ramener devant ton casier, ta serviette nouée autour de ta nudité... d'exposer une fois de plus ton corps de dingue à mon regard aimanté... et te payer le luxe de m'envoyer un petit clin d'œil diabolique, limite cruel, comme pour me faire comprendre que tu as tout capté... mon désir, ma préférence, ton pouvoir sur moi…
    Mais ça ne suffit pas… tu veux ma peau… tu m’achèves avec un petit sourire narquois, limite méprisant... le tout voulant peut-être dire dans ton intention : « Je sais que tu me kiffes, espèce de petit pd... tu peux baver tant que tu veux, mais ma queue tu ne l'auras jamais... ».
    Oui, Impressive instant... 

    "Candy Perfume Girl"
     
    Young velvet porcelain boy/Jeune garçon de porcelaine et de velours
    Devour me when you're with me/Dévore-moi quand tu es avec moi
    You're a candy perfume boy/Tu es un bonbon parfum garçon
    A candy perfume boy/Un bonbon parfum garçon
     
    Une des chansons de l'album Ray of light, elle aussi liée aux tout premiers jours du lycée...
    Souvenir de la première fois où je me suis retrouvé dans les vestiaires du lycée avec mes nouveaux camarades... la première fois où je me retrouve dans les vestiaires avec toi... la première fois où je t'ai vu torse nu... souvenir très net de ton boxer DIM orange et blanc pendant que tu déconnes avec les autres, oubliant que t’es à moitié à poil, la bosse du boxer bien saillante, bien en vue… ta main à plat caressant nonchalamment tes abdos, comme pour n souligner la perfection… si scandaleusement à l’aise avec la demi nudité de ton corps, habitué comme tu dois l’être depuis longtemps à la promiscuité des vestiaires de rugby… souvenir très précis aussi de ta chaînette qui descend entre tes pecs, de ce petit grain de beauté sexy au creux de ton cou, de mon envie brûlante de te sauter dessus...

    Candy perfume boy…

    Souvenir de nos regards qui se croisent à un moment... souvenir de ton regard qui soutient le mien… jusqu'à que je cède, honteux, comme toujours...
     
    « Beautiful Stranger »
     
    Haven't we met/Ne s'est-on pas déja rencontrés
    You're some kind of beautiful stranger/Tu es une sorte de bel inconnu
    I looked into your eyes/J'ai regardé dans tes yeux
    And my world came tumbling down/Et mon monde s'est effondré
    To know you is to love you/Te connaître c'est t'aimer
     
    Mai 1999, Beautiful Stranger... il tombe à pic, au même moment où, à la faveur d’une une conversation captée par hasard, j'ai réalisé quelque chose que je n'avais pas réalisé avant… à savoir… tes origines italiennes, Mr Tommasi... dès lors, tu es mon bel « étranger »...

    Le printemps avance, juin se ramène, la fin des cours approche, ma tristesse avec... je ne te verrai pas pendant deux mois... « Beautiful stranger », colonne sonore de mon été sans Jérém...
     
    « Ray of light »
     
    Un pur délice... l'autre bande son du premier regard échangé avec Jérém dans la cour du lycée le jour de la rentrée... une chanson que je retrouverai en bande son d'un autre moment marquant de ma vie, bien des années plus tard, en allant une fois de plus à la rencontre de Madonna, plusieurs tournées mondiales plus tard, dans une autre ville, sur un autre continent... en allant à la rencontre, en même temps, d'un « p'tit branleur sexy », torse nu et casquette à l’envers, niché dans un appart AirBnB avec vue sur les gratte-ciels…
     
    Le deuxième tableau s’ouvre avec un décor japonais. Un arbre magnifique trône aux milieux de la scène.
     
    « Paradise not for me »
     
    Au fil d'une dérive involontaire au cours du concert, je finis par me retrouver tout près du bel animal « Jérém-dans-10-ans » et de son ti reubeu, toujours calé dans ses bras... mon bras finit pas se frotter (in)volontairement contre le sien... putain qu’est-ce que ce simple contact de peau me file des frissons...
    Il faut dire que plus je le regarde, plus je trouve ce mec est indiciblement beau et sexy... très mec mais câlin a la fois... qu'est qu'on doit être bien dans ses bras... jamais personne ne m'a encore enlacé de cette façon... oui, incroyablement beau et sexy, le mec... nouveaux frissons à la vision si rapprochée des poils qui dépassent du col du t-shirt… à la fois très mec et du bon côté de la force... du bon coté de la force et assumé, voilà qui est encore mieux... assumé et à l'aise pour s'afficher en public avec son copain par cette simple accolade...
    Un geste, il me semble, dans lequel il y a moins l'intention de se « montrer » que celle de vivre librement, naturellement, ce truc si beau qu’il y a entre eux... son geste n’a vraiment rien d’une provocation… il n’est ni démesuré, ni voyant, pourtant il est frappant, marquant… discret, touchant et puissant à la fois… en plus d’être immensément beau… ce geste exprimant à lui tout seul l’idée que l’amour entre garçon est tout aussi légitime et beau que celui entre un garçon et une fille… qu’il n’a pas à se cacher ou à se montrer… juste à exister…
    Je me surprends à imaginer l'intimité de ces deux mecs… je ne parle même pas de sexe… plutôt les moments de tendresse… lorsque, en tête à tête, l’amour se fait un peu plus démonstratif que cette simple accolade… oui, imaginer ces deux beaux mecs se serrer dans les bras, se regarder dans les yeux, se faire des bisous, des câlins doux et sensuels...
    Je me demande qui ils sont, comment ils s'appellent, quels sont leurs rêves respectifs, leurs rêves communs… comment ils se sont connus... quand… où… par quel hasard de la vie…quand ils ont échangé le premier regard… quand et comment ils ont ressenti le premier désir pour l’autre… quand et comment ils ont ressenti le premier désir de l’autre…
    Les premiers mots qu’ils ont échangés… ce qu'ils ont éprouvé la première fois que leurs désirs se sont rencontrés, reconnus... leur premier regard, lorsqu'ils se sont enfin enlacés… le premier baiser qu’ils ont échangé… la première fois qu'ils se sont donné du plaisir, du bonheur... la première fois qu’ils se sont réveillés dans le même lit, à côté l'un de l'autre…
    Rien que de me poser ce genre de questions, ça me donne mille et mille frissons...
    Questions sans réponses, questions qui en appellent d'autres... est-ce qu'un jour je pourrais vivre ça avec mon Jérém... me retrouver dans ses bras, ainsi, en public... ou même… juste me retrouver dans ses bras, en privé, mais pas forcement dans le noir, pas forcement après une soirée de dingue... juste parce qu'il se sent bien avec moi...
    Peut-être pas, peut-être jamais... your Paradise, Jérém, is not for me...
     
    "Frozen"
     
    You only see what your eyes want to see/Tu vois seulement ce que tes yeux veulent bien voir
    How can life be what you want it to be/Comment la vie peut-elle être ce que tu désires ?
    Love is bird, she needs to fly/L'amour est un oiseau, il a besoin de voler
    Let all the hurt inside of you die/Laisse mourrir tout ce mal qui est en toi

     Madonna sur scène en kimono noir les bras ouverts prolongés par de manches interminables… sublime moment, intense... sa voix me pénètre jusqu’au plus profond de moi… la chanson est d'une beauté saisissante...
    Toute ma dernière éprouvante année de collège est dans cette chanson... souvenirs lointains, pas agréables à retrouver... souvenirs d’une époque où je ne connaissais pas encore l’existence de Jérémie T.… 


    Nobody’s perfect, Mer Girl, Sky Fits Heaven… les chansons s’enchaînent jusqu’au troisième tableau...

    Place à un style country très énergétique... là encore on en prend plein les yeux…
     
    "What It Feels Like For A Girl" 

    La bande son de l'un des moments les plus importants de ma vie... si ce n'est le plus important... celui par qui tout a commencé…
    Il était une fois, un lycéen nommé Nico, raide dingue d’un putain de bogoss qui ne le calculait même pas…
    Printemps 2001, les sites annoncent une tournée après 8 ans d’absence… le single « What I feel it for a girl » est lancé dans la foulée et passe en boucle dans mon lecteur pendant ces derniers mois avant le bac...
    Un matin ensoleillé du mois de mai, le putain de bogoss ramasse l'énième bâche en maths... et le lycéen nommé Nico lui propose de l’aider à réviser...
    Souvenir très très net de cette fin d'après midi d'il y a tout juste deux mois...
    Je marche dans les allées, tout droit vers la rue de la Colombette... à la fois excité et me maudissant pour m'être embarqué dans quelque chose qui ne m'apporterait rien, à part un bon malaise à me retrouver seul avec lui, seul avec mon désir fou, frustré, piétiné...
    Je traverse le Grand Rond et à chaque pas une question cogne de plus en plus fort dans ma tête… qu’est-ce que je fais là ? Soudaine envie de faire demi tour…
    Qu'est ce que je voudrais être un garçon qui s'intéresse aux filles … ma vie serait tellement, mais tellement plus simple... pourquoi ça m'arrive à moi... aimer le corps, le visage, la voix, l'odeur, le sourire, la façon d'être des garçons, et surtout celle de ce garçon en particulier, ce garçon avec qui je n'ai aucune chance, tout simplement parce je suis un garçon aussi... et que ce garçon n’aime que les filles…
    J’ai le cœur qui bat la chamade et les mains moites… je sais déjà que ça va être insupportablement dur de me retrouver seul avec lui... délicieusement insupportable... je repense à ce t-shirt blanc qu'il portait le matin même... comme un gant sur son torse de malade... envie de me mettre à genoux devant lui... chose que je ne pourrais jamais jamais jamais faire...
    Je viens de traverser le Grand Rond, je m’apprête à en sortir direction le boulevard Carnot… deux mots s’affichent dans ma tête, inéluctables :

    « DEMI-TOUR ».

    Je m’apprête à revenir sur mes pas, cédant à la peur, prisonnier de mes craintes, fuyant la vie… lorsque je l’entends… sa voix enveloppante, le rythme dansant de cette chanson… sortant des enceintes musclées de l’une des voitures arrêtées à un feu rouge, « What I feel it for a girl » résonne à toute puissance dans la rue... le rythme chatouille mes jambes... j'ai envie de danser... j’ai envie d’aller de l’avant… de profiter de la vie… de prendre le risque… et tant pis si je vais me sentir comme un con pendant les deux heures qui vont suivre… je passerai quand même un moment dans la tanière du bogoss… et ce soir chez moi je me branlerai comme un malade…
    Autre chose s’affiche désormais dans ma tête :

    « AVANCE, NICO ».

    Le temps de traverser le passage piéton et que la voiture disparaisse en suivant l'arrondi du Boulingrin, les beats de la chanson me portent encore pendant quelques secondes... je continue mon premier voyage vers la rue de la Colombette, vers la première révision de math, vers la première révision de ma vie sentimentale, vers ma vie d'adulte... 

    "I Deserve It"
     
    This guy was meant for me/Cet homme était fait pour moi
    And I was meant for him/Et j'étais fait pour lui
    This guy was dreamt for me/C'était l'homme rêvé pour moi
    And I was dreamt for him/Et moi je l'étais pour lui 

    "Don't Tell Me" 

    Il fait encore très chaud en ce mois de septembre 2000... la rentrée… le voilà le Jérém… qu'est ce qu'il m'a manqué tout au long de l’été... et là je le retrouve plus beau encore que deux mois plus tôt, plus sexy que jamais, sexy à se damner... le torse moulé dans un débardeur blanc à larges bretelles, histoire de mettre bien en valeur son bronzage de ouf, ainsi que sa masse musculaire qui a encore gagné du volume pendant l’été à la faveur de la muscu et du rugby...
    Un débardeur qui laisse tout le loisir de bien exhiber un putain de brassard au motif tribal tatoué juste en dessous de son biceps gauche…
    Il a du faire ça pendant l'été, peut-être en vacances, peut-être avec ses potes...
    Son brushing aussi a un peu changé… ses cheveux sont un peu plus longs sur le haut, fixés un peu plus en bataille…
    Pour finir, son parfum de mec est étourdissant lorsqu'on échange un « salut », vite fait, en se croisant...
    Affolant cet acharnement à vouloir faire craquer les regards par tous les moyens… mais où va-t-il s'arrêter ?
    Je l'entends parler des vacances à la Grande Motte avec les autres camarades... c’est là qu’il s’est fait tatouer ? Frustration déchirante de ne pas faire partie de sa vie, de ses potes, de ses vacances...
    J'ai envie de pleurer tellement il m'attire, tellement j'ai envie de lui, tellement cette beauté masculine m'est si proche et si inatteignable à la fois...
    Je suis obligé de m'enfermer dans les chiottes du lycée pour me branler, pour me calmer, pour éviter de devenir fou dès le premier jour de la rentrée... ce mec va me rendre dingue, je le sais... si je tiens jusqu’au bac, je vais y arriver à point pour l'internement...
    Jérém de plus en plus populaire au lycée... ses exploits au rugby, nombreux et suivis, suscitent l'admiration… tout comme ses exploits, nombreux et fugaces, avec la gens féminine... la rumeur dit qu’il aurait couché avec la moitié des filles du lycée, et qu’il serait un sacré bon coup...
    « Don't tell me », bande son de ce trimestre encore plus dur que les précédents... voir Jérém torse nu dans les vestiaires au cours de sport est une véritable torture, et encore plus depuis que sa peau dégage ce parfum intense de deo de mec... depuis qu’il arbore ce tatouage qui rajoute du bandant au sexy…
    Plus les temps passe, plus Jérém se fait « mec »... sa côte au lycée ne cesse de grandir… le bobrun prend de l'assurance, il se la pète un peu, il le sait qu'il est beau gosse, qu'il plait, qu'il a un succès fou... alors il cultive tout ça, il soigne son brushing, il s’occupe sa jeune barbe, il rase les poils naissants du torse… il se sape de plus en plus sexy, et il est de plus en plus craquant à mes yeux... j'ai envie de lui, grave envie de lui...
    C'est tellement dur à vivre au quotidien que je voudrais que ça cesse... je voudrais ne plus être si furieusement attiré par lui...
    Mais je n'y peux rien...

    Tell the rain not to drop/Dis à la pluie de ne pas tomber
    Tell the wind not to blow/Dis au vent de ne pas souffler
    Tell the sun not to shine/Dis au soleil de ne pas briller
    But please don't tell me to stop/Mais s'il te plaît ne me demande pas de m'arrêter

     "Human Nature"
     
    Ne me demandez pas d'arrêter d’avoir envie de lui... parce que c’est la nature humaine…
    Express yourself, don't repress yourself/Exprime toi, ne te réprime pas
    And I'm not sorry [I'm not sorry]/Et je ne suis pas désolé[je ne suis pas désolé]
    It's human nature [it's human nature]/C'est la nature humaine[c'est la nature humaine]
    [I don't have to justify anything]/[ Je n'ai rien à justifier]
    [I'm just like you]/[ J'aime juste ça]
    [Why should I be ? ]/[ Pourquoi dois-je être ?][Deal with it]/[Jugé après ça]
     
    "Secret" 

    Things haven't been the same/Les Choses ne sont plus les même
    Since you came into my life/Depuis que tu es arrive dans ma vie
    You found a way to touch my soul/Tu as trouvé un chemin pour toucher mon âme
    And I'm never, ever, ever gonna let it go/Et jamais, jamais, jamais je ne laisserai ça partir 

    Quoi ajouter ?
     
    Quatrième tableau sur un thème latino... le délicieux « Don't Cry For Me Argentina », suivi par l’entraînant « Lo Que Lo Siente La Mujer », suivi à son tour par « La Isla Bonita », grand classique madonnesque... l’une des seule chansons à l’affiche permettant d’attester qu'il y avait déjà une Madonna avant les années '90... 

    Cinquième tableau, au style plus urbain, très novateur… tous debout à hurler et à chanter, y compris les gradins…

    D’abord, le monumental « Holiday »… le début de l’aventure Madonna… ce n’est plus simplement une chanson… c’est un hymne… et on enchaîne, pour le grand final avec… 

    Hey Mr. D.J/Put a record on/I wanna dance with my baby… 

    Le sublimissime « MUSIC » repris au synthétiseur… dès les premières notes le public et moi-même nous sommes en transe… un moment de douce mais puissante folie !!!
    Nouveaux souvenirs… l'été 2000 s'annonce morose... encore deux mois sans Jérém… à la radio ils nous saoulent avec Alizée... « Moi Lolita »… pitié… basta…
    Puis, par une très chaude journée du mois d’août, enfin une chanson fait l’effet d’une bombe sur les ondes radio…
    Hey Mr. D.J/Put a record on/I wanna dance with my baby…
    L’été de mes 17 ans se résumera à MUSIC... deuxième bombe absolue après Ray of light….
    Solitude et ennui, envie de revoir Jérém... compter les jours avant la rentrée, encore et encore… me demander si je serai toujours ainsi, pd... ce que sera ma vie demain, si un jour je rencontrerai quelqu'un de bien pour moi, comment vais-je annoncer ça à ma famille, inquiétude, peur panique de la solitude. 

    Music makes the people come together/La musique rapproche les gens 

    Souvenir d’un soir d'hiver quelques mois plus tard, lors d'une fête d’anniversaire chez un camarade... « Music » qui résonne dans la chaîne hi-fi... et Jérém, une énième bière à la main, la cigarette dans l’autre, qui vient me parler, l'une des rares fois en trois ans…
    « Tu t'amuses ? » me lance-t-il.
    « Oui, ça va... » je réponds, intimidé par sa proximité et mal à l'aise avec son alcoolémie avancée…
    Il est torché grave… je le vois à sa façon de se tenir, titubante… je le sens à son haleine alcoolisée (odeur qui ne m’est pas désagréable en soi… tout comme l’odeur de la cigarette, faisant émerger en moi une très fort envie de goûter ces saveurs directement aux lèvres de celui qui les dégage…)… Jérém est à 3 grammes au moins… je le sens à son souffle haletant, au son de sa voix, une voix tremblante, comme raillée, laissant deviner une conscience altérée où certaines barrières et certaines inhibitions de langage sont prêtes à sauter… j’ai un peu peur de ce qu’il pourrait me sortir…
    « Tu mates qui ce soir ? » me balance-t-il à brûle pourpoint.
    « Comment ça ? » je fais l'innocent, alors je me suis fait chier pendant toute la soirée et que mon activité principale a été de mater les deux bogoss de la soirée, à savoir, Jérém lui même, et son pote Julien.
    « Je t'ai vu... tu mates Julien... » assène-t-il plutôt sèchement.
    Putain, il a vu ça... c'est que je ne suis pas assez discret, et que ça se voit...
    « Arrête de raconter n'importe quoi, t'as trop bu... » je tente de me défendre, alors que j’ai envie de lui dire que des deux, c’est lui que j’ai maté le plus, et de loin...
    « Tu le kif ? » il insiste, l'alcool pas vraiment méchant mais quand même bien rélou « t'as vu comme il est gaulé ce mec ? Il est plus musclé que moi... regarde ses bras... ses épaules... ses pecs... il est mignon, n'est-ce pas... je veux dire... toi tu dois le trouver mignon... enfin… je sais que les filles le trouvent mignon… ».
    Son délire me met super mal à l’aise. Pourtant, il y a quelque chose de profondément touchant dans le fait de déceler une petite faiblesse, une jalousie, un petit complexe chez un mec d’habitude si sûr de lui… ce sont des petits miracles qui se produisent parfois lors de soirées bien alcoolisées… bien souvent, une petite faiblesse, ou une ambivalence cachée, viennent rendre un charme comme le sien un peu plus humain…
    Et lorsqu’on a la chance d’assister à cela… un ti con qui doute, sexytude et fragilité qui se mélangent... c'est la nitro et la glycérine qui se rencontrent… à un moment, ça fait boom... ça fait grave boom... dans ma tête, dans ma poitrine... boooooom !
    Je ne sais plus où j’habite... envie de le câliner, de lui donner du plaisir, encore le câliner, et lui donner du plaisir… je ne saurais même pas par où commencer…
    Envie de le rassurer… oui, Julien est peut-être un brin plus musclé que toi… mais toi… toi t’as un physique de dingue, aux proportions parfaites, une gueule d’enfer et un charme de fou, ce regard brun et sexy que lui il n’a pas… bien sur il est attirant… mais toi… toi t’es juste aveuglant… t’es bien plus charmant et charismatique que lui… la preuve en est que c’est toi le mec le plus populaire du lycée…
    Julien n’est qu’un moyen d’occuper mon regard lors d’une soirée morose… mais toi, Jérém, tu es la plus belle « chose » que je n’ai jamais vue… the most beautiful boy in the world…
    Je voudrais savoir te dire, tout simplement : Tu es juste le mec le plus canon que je connaisse…
    Ce sont les mots qui me viendront, comme une évidente, un peu plus tard dans la soirée… chez moi ! Question timing, je n’ai jamais été bon…
    « Entre moi et Juju… » je l’entends bafouiller pendant que je cherche les mots qui ne viendront que trop tard « si tu étais une meuf… je veux dire… ».
    Il fait une pause, il respire, ses pensées tentent de se dégager du brouillard épais dans sa tête, d’émerger au travers des vapeurs alcoolisées qui embrouillent et à la fois libèrent son esprit…
    « Mais je suis un mec… » je me défends, sans bien savoir ou il veut en venir, mais craignant un peu la suite.
    « Mais si t’étais une meuf… » il insiste, avant d’enchaîner avec le débit de parole lent d’un mec qui décuve debout « entre lui et… moi… ».
    Je ne sais pas où il veut en venir… ou plutôt je ne veux pas savoir où il veut en venir… je suis grave mal à l’aise, alors je tente de l’ignorer en espérant qu’il arrête ses conneries.
    J’évite de le regarder, mais je sens sa présence à travers l’odeur de la fumée qu’il expire… je sens son regard sur moi… perçant… désinhibé…
    Manœuvre inutile, le bogoss alcoolisé ne lâche pas l’affaire.
    « Je te cause… » il revient à la charge, tout en claquant la paume de sa main sur mon épaule.
    « Quoi ? » je réagis, feignant d’être agacé, alors que ce petit contact avec sa main, même si filtré par mon pull, me fait un effet de fou.
    « Entre moi et Juju… tu sucerais qui ? » finit-il par lâcher, comme une gifle.
    Ses mots claquent dans ma tête comme un coup de fusil… je n’ose pas le regarder… je réalise tout juste ce que je viens d’entendre… j’ai chaud… j’ai envie de partir loin, très loin… dans ma tête, la réponse est claire, pourtant inavouable…
    « T’as déjà vu une queue ? » me balance-t-il sans transition…
    Les dernières notes de « Music » résonnent dans la chaine hi-fi… heureusement, l’air de « Joyeux anniversaire » retentit dans le grand salon… un gâteau apparaît et j’en profite pour me tirer de cette situation troublante.
    Ce petit échange avec le beau brun m’a bien secoué, j’en tremble… j’ai les jambes en coton, j’étouffe… j’ai la tête qui tourne…
    Je ne tarde pas à rentrer…
    Dans mon lit, je me branle en regrettant de ne pas avoir trouvé sur le moment le bon mot pour flatter son ego de mâle, en livrant tout simplement mon ressenti… je me branle pour faire taire la frustration que je ressens face à mon incapacité à saisir sa provoc’ et à lui dire clairement que bien évidemment, c’est lui que je voudrais sucer… qui sait… peut-être que Jérém est le genre de mec qu’après trois bières n’est plus si hétéro pur et dur que ça…
    Lorsque je jouis, une grande partie de mon trouble disparaît… dans mon esprit, ces mots de Jérém qui m’ont tant secoué sur le moment, atterrissent à part égales sur le compte de l’alcool et sur celui d’une moquerie de mauvais goût… je me dis qu’il avait bu et qu’il a voulu se foutre de ma gueule… me mettre mal à l’aise… se payer ma tête… quel ptit con… mais quel ptit con sexy…
     
    Les dernières notes de « Music » résonnent dans l’Earls Court... une heure et quarante minutes se sont écoulées à la vitesse de l’éclair... et c'est déjà fini...
    La musique cesse, les lumières de la salle se rallument... derrière moi un type n’arrête pas de crier son nom à tue tête, comme s'il était persuadé que ça la ferait revenir... mais elle ne reviendra pas, pas ce soir du moins...
    Une rivière tranquille sort d'Earls Court et nous nous retrouvons dans la nuit tiède. Je regarde la foule se disperser dans les rues de Londres, chaque spectateur revenant vers sa vie… je me retrouve à penser que, tout comme moi, chacun d’entre eux a pu assister à un double concert… celui à l’affiche, bien sûr… mais également à son propre concert, en connexion directe avec ses souvenirs, sa vie, son destin... un délicieux voyage dans l'espace et dans le temps sur les ailes magiques de ses chansons...
    Je quitte les lieux en remportant avec moi le souvenir d’une soirée exceptionnelle…
    Merci Madonna d’être là, et de tisser avec tes chansons, le fil conducteur de ma vie…
    Oui, une soirée exceptionnelle pour moi, cette première rencontre avec Madonna… une soirée qui, je l’ignore à cet instant précis, n’est pas exceptionnelle que pour moi… à mille km de là, dans une ville rose, deux potes se retrouvent rue de la Colombette pour essayer de soigner les blessures de l’un et les inquiétudes de l’autre… une soirée entre potes comme tant d’autres… une soirée qui marquera pourtant le début d’une série d’évènements qui finiront par sérieusement ébranler une amitié de 10 ans…
    Avant de rentrer à l'hôtel, il nous faut boire un coup afin de nous remettre de tant d’émotions… comme à mon habitude je commanderai un mojito, mon cocktail fétiche… s’ensuivra un débrief avec Elodie de toutes ces émotions de dingue ressenties 2 heures durant…
     
    Vendredi 15 juillet 2001 

    Réveil six heures... réveil avec ce sentiment d’incrédulité vis-à-vis de ce souvenir encore si vif et qui ne me quitte pas… enfin Madonna était là au milieu de la salle, là en train de chanter, de chanter un peu pour moi aussi...

    Réveil enchanté, mais réveil à six heures quand même... dur dur quand on n'a pas dormi plus de deux heures... alors... full breakfast avec ventrèche, saucisse grillée et œuf sur le plat... too much...
    Nous voilà dans le métro... ensuite le Poudlard Express, revoilà Stansted... nouvelle attente dans le hall d'un grand aéroport... nouvelle probable exposition à un concentré de bogossitude... ou pas…
    Mon capteur de bogoss balayant sans succès l'horizon devant moi, je suis sur le point de me résoudre à reprendre le roman laissé en plan trois jours plus tôt...
    Et là, soudainement le temps s'arrête... les écouteurs sur les oreilles, un ange arrive et se pose à ma gauche, trois sièges plus loin... un ange tombé du ciel, ou un petit dieu vivant, ou un être surnaturel, je ne sais pas comment le définir... pourtant je lui ai donne un nom, car il lui ressemblait tellement... Thibault…
    Le dieu vivant doit avoir lui aussi 20 ou 21 ans maxi... même gabarit, taille moyenne, épaules carrées, même regard doux, rassurant, charmant, touchant… habillé d’un t-shirt marron moulant des pecs dessines et les tétons qui pointent légèrement...
    Le même, en couleur… à un détail près... ce « Thibault » a les yeux bleus, un bleu profond, magnétique...
    Le petit dieu semble balayer l’espace au delà de la baie vitrée donnant sur les pistes… son regard est doux, voire un peu triste… par moments, son visage devient lumineux… mais même triste, il est beau. Beau à en pleurer. A quoi pense-il, à qui pense-il ?
    Je ne peux lever les yeux de lui… je veux comme "m'emplir" de son visage, de sa beauté...
    Lorsqu’il se lève, il repasse devant moi... m’offrant la possibilité de mater son jeans moulant, son cul fabuleux... l'espace d'un instant, j'ai envie le suivre, juste voir où il va... mais un instant plus tard le petit dieu a disparu de mon regard, et le temps est reparti...

    Sur Londres, le ciel est (à nouveau) gris...

    « Je ne crois pas que Thibault soit jaloux de toi... en tout cas pas du fait que tu couches avec Jérémie... » fait Elodie de but en blanc alors que l'avion traverse les nuages ; puis elle continue « je crois qu'il est plutôt « jaloux » du fait qu'en partageant la couette de son pote, tu as accès à une complicité à laquelle lui il n'aura jamais accès... il doit bien s'imaginer que, tôt ou tard, sur l'oreiller, Jérém te racontera des choses dont il n' a jamais parlé avec lui et dont il ne parlera jamais... qu’il te montre ou te montrera, des fêlures qu'il n'ose pas lui monter… ».
    « On ne peut pas dire qu’il se soit beaucoup livré… » je proteste.
    « Pas avec les mots… bien sur… un petit macho de 19 ans comme ton bobrun ne se livre pas avec les mots… il est davantage crypté qu’un hiéroglyphe… ».
    « Tu veux dire qu’il s’exprime… par cartouche interposée… ? ».
    « Rhoooo… mon cousin… ta cousine est choquée… ».
    « Je pense… »
    « Je suis sûre qu’entre deux galipettes tu dois percevoir des choses… quand un mec se met à poil devant toi… il n’y a pas que son corps qu’il découvre… tôt ou tard tu en sauras plus sur ton bobrun… il faut juste que tu saches observer, lire entre les lignes, entre ses orgasmes… dans ses cartouches si tu préfères… Jérém finira pas se livrer… que ce soit consciemment ou pas… peut-être malgré lui, juste parce que tu l’auras mis en condition de la faire… ».
    « C'est bien possible, ça... » je laisse échapper, soudainement éclairé sur un aspect de la sensibilité de Thibault auquel je n'avais pas encore pensé.
    « Il croyait tout savoir sur son pote... » elle continue «  et là il découvre qu'il existe toute une partie de sa vie qu'il ignorait, malgré la proximité de toutes ces années... je pense que c’est la perte de complicité qui doit peser dans la tête de Thibault… t’imagine ? Toute une vie de partage et puis un jour il réalise que son pote n’est pas prêt a lui faire confiance... et même... d’une certaine façon, pire que ça... ».
    « Comment ça… pire que ça ? » je l'interpelle.
    « Le fait de penser que Jérém puisse douter de son amitié... même s'il essaie de faire face pour ne pas mettre son pote mal à l'aise, Thibault peut penser que Jérémie ne le connaît finalement pas tant que ça s’il croit qu’il le laisserait tomber s’il lui annonçait qu’il est gay… en même temps, il ne faut pas oublier que leur amitié baigne dans l’ambiance hétéro des vestiaires et des soirées entre potes… peut être qu’un petit câlin entre deux portes ça passe… mais un rugbyman qui aime les mecs… ce n’est pas quelque chose de ‘naturel’… ce n’est pas le sujet le plus facile à aborder… ».
    « Jérém a peur sans doute de « décevoir » Thibault... » je commente.
    « Alors que Thibault est un véritable ami qui ne le jugera pas... » enchaîne la cousine « un ami qui doit se dire aussi que c'est toi, Nico, qui est désormais à ses cotés pour lui faire du bien... et que plus tu lui feras du bien, moins il ira en chercher auprès de lui... surtout que le « bien » que tu lui fais... lui il ne pourra jamais lui faire... ».
    « Tu crois pas que ça l'intrigue d'imaginer ce qu'on fait entre mecs ? » je lance.
    « Dans la tête de Thibault il y a sans doute également une part de curiosité... comme chez bon nombre d’hétéros... de plus, il doit se dire que si son pote, lui qui a couché avec tant de nanas, couche régulièrement avec un garçon et qu'il en a carrément oublié les meufs, c'est que ça doit être particulièrement bon... ».
    « Ca doit lui donner des idées... » j'insiste.
    « Thibault est un garçon de bon sens… et, même s'il peut se sentir tenté à un moment par un câlin sous la couette pour retrouver une parfaite osmose avec son ami d'enfance, celui qu'on ne remplace pas, il sait qu'entre l'amitié qu'il a avec Jérémie et une relation plus sensuelle, un choix s'impose... ».
    « J’espère… » je relance.
    « Soyons réalistes... coucher avec son pote... même si ça pouvait se faire... et après ? Comment devenir sex friends sans que l'amitié en pâtisse ? J'ai du mal à imaginer que leur relation survivrait à quelque chose de ce genre… s'il devait y avoir ce genre de plan entre eux, il y a de fortes chances que ça mette un terme à leur amitié fusionnelle... de manière « définitive », avec une véritable rupture ou de manière plus «insidieuse», en transformant leur amitié en une relation qui n'est plus l'amitié d'avant… »
    « Ca briserait quelque chose entre eux... » je commente, tout en me demandant si on peut être sex friends mais amis au sens fort du terme en même temps…
    « Oui… je pense… et puis... » continue Elodie « à quoi bon partager une dimension encore plus intime de leur relation, si ce n'est que pour rendre encore plus compliqué leur séparation, si vraiment Jérémie part travailler ailleurs ? ».
    « Me parle pas de ça... ça me fout le cafard... » je me lamente.
    « Désolé Nico... » tente-t-elle de me consoler, tout en posant sa main sur la mienne et en la serrant très fort.
    L'idée que Jérém puisse partir loin, vraiment... ça me met fout le moral à zéro.
    Je pense aussi à ce que ce gentil Thibault doit éprouver et qu’il est sans doute très malheureux lui aussi…
    « Et puis... » elle poursuit « n'oublie pas que Thibault est un garçon avec les pieds sur terre, qu'il est déjà entré dans la vie active, qu'il est très mûr pour son âge et qu'il pourrait bien être aussi taraudé par l'envie de fonder une famille, tout comme mon ex Julien... ».
    « Je crois que Thibault m'aime bien... » je divague.
    « Quelque chose me dit qu'il a envie de connaître un peu plus ce Nico qui fait désormais partie de la vie de son meilleur ami... je pense que Thibault n'a pas seulement compris que vous faites des galipettes... je pense qu'il a compris aussi, peut-être mieux et avant son pote lui-même, qu’entre vous deux il y a vraiment quelque chose de fort... je pense que Thibault a avant tout à cœur le bonheur de Jérémie... mais il a aussi envie de garder son pote auprès de lui... du coup, consciemment ou pas, il compte peut-être sur votre rapprochement pour que Jérémie reste dans la région… ».
    « Comme si j'avais le pouvoir d'influencer les choix de mon beau brun... » je réagis.
    « Je suis sûre que tu sous-estimes ton rôle dans cette histoire... tu as une très jolie partition à jouer... tenter de rendre heureux Jérém, et ceci malgré lui... et faire en sorte de préserver l'amitié entre les deux potes... si tu la joues fine, tu arrivera à atteindre le cœur du beau brun tout en trouvant un grand pote en Thibault... si tu t'entends bien avec Thibault, tu marquera des points auprès de Jérémie... d'autre part, Thibault peut t'apporter beaucoup pour mieux connaître Jérémie... et toi tu peux faire beaucoup pour Thibault aussi... ».
    « Comme quoi ? » je m'étonne.
    « Comme... le rassurer… je suis sûre qu'il doit être inquiet de cette distance qui est en train de se créer entre lui et Jérém... il a peur de le perdre... il est possible d’ailleurs que des deux, ce soit en fait Thibault qui ait plus besoin de Jérém que l’inverse… ».
    « Côtoyer Thibault, c'est un bonheur indescriptible... » je réfléchis à haute voix « il a tellement l'air d'être toujours à l’aise avec la vie... ce mec m'impressionne... pourtant, je suis vraiment bien en sa compagnie... c'est un gars simple, humble... un gars extra… il sait me mettre à l'aise, comme rarement je me suis senti dans ma vie… avec lui tout a l'air facile, cool...
    J'adore discuter avec lui... il est sensible, réfléchi, juste, attentionné... dans son regard il y a le respect, l'écoute, la bienveillance... et ça, ça en fait vraiment quelqu'un d'adorable... ».
    Oui, discuter avec Thibault me fait un bien fou... c'est comme se poser devant un feu de cheminée lorsqu'il fait froid... ça chauffe la peau... mais ça chauffe aussi à l'intérieur... ça apporte une sensation diffuse, indéfinissable, mais puissante de bien être...
    « C'est reposant un mec comme lui... » je finis par lâcher « tout le contraire de Jérém... ».
    « T'es sur, mon cousin, que tu n'es pas un peu amoureux de Thibault… aussi ? ».
    Et voilà qu'Elodie s’illustre une fois de plus dans son rôle le plus réussi, celui qui l’a rendue célèbre, connu sous le titre de : « La fille qui met les deux pieds dans le plat ».
    Blagues à part, sa boutade verbalise et matérialise quelque chose qui se baladait dans mon esprit depuis un certain temps mais qui restait (volontairement) coincé entre conscient et subconscient... mais là, Elodie a sorti le grand miroir et m’y a une fois de plus obligé à m’y confronter...
    Thibault. Fascination.
    Niveau feeling, ce mec c'est juste le top... d'humeur toujours égale, souriant... un petit homme en puissance, rassurant, charmant, touchant…
    Thibault. Tentation.
    Coté physique, ce mec me plait tout autant que Jérém... sa proximité me fait un effet de fou... rien que le contact joue contre joue ou la chaleur de ses mains sur les miennes me rendent dingue... il m'est déjà arrivé de me branler en pensant à lui...
    Thibault. Hésitation.
    Est-ce qu'au final, je suis amoureux aussi de Thibault ? Est-ce que c’est seulement « moins » que de Jérém ? Ou « seulement différemment » ? Est-ce que le fait que je ne sois pas encore fou de Thibault ne tient qu'au fait que je n'ai pas couché avec lui et que le lien des sens n'a pas fait sauter des barrières qui gardent notre relation à l'état d'amitié ? Serais je capable de me laisser aller avec Thibault ? En sachant que c'est le meilleur pote de Jérém?
    Thibault. Révélation (ou pas).
    Mais ça va pas, Nico ? Tu dérailles grave, là... c'est Jérém qui fait battre ton cœur à la chamade à chaque fois qu'il rentre dans ton champ de vision... et même lorsqu'il n'y est pas... rien qu'imaginer coucher avec son meilleur pote... tu ne pourrais pas trouver mieux pour le perdre, espèce d'andouille...
    Thibault. Contre-revelation.
    Pourtant... je sens qu'avec Thibault ce serait magique... avec un mec comme lui, ce serait forcement magique...
    « Tu as raison, Elodie... » je finis par lâcher, sur le ton d'une boutade libératoire « je devrais vraiment être amoureux de Thibault... ».
    « Est-ce que ce serait pour autant plus simple ? » fait-elle.
    « Pourquoi ça ne le serait pas ? » je demande.
    « Est-ce que Thibault est vraiment attiré par les garçons, comme l’est finalement Jérémie, au plus profond de lui-même ? »,
    « Je pense qu'il l'aime très fort son Jéjé... » je lance.
    « Le regard de Thibault sur Jérém est peut être d'une certaine façon « amoureux », tout comme celui de Jérém sur lui... mais Thibault n'aime pas forcement les mecs... dans un monde parfait, où une petite galipette ne gâcherait pas une longue amitié, il franchirait peut-être le pas... mais, à mon sens, juste avec lui... ».
    « Tu penses vraiment que Jérém est gay ? » je l'interroge.
    « Moi je pense que ton beau brun est plus gay que tu le penses et qu'il le pense lui même... mais je pense surtout au fait que Thibault est comme un frère à ses yeux, avec qui rien de plus qu'une amitié n'est possible... ».
    « Bien sûr... » je laisse échapper.
    « Et aussi parce que... » elle redémarre en pilant net juste après.
    « Aussi parce que ? » je lui fais écho.
    « Aussi parce que son coeur est déjà pris... même s'il ne veut pas l'assumer... ».
    J'en ai les larmes aux yeux. Je regarde ma cousine. Ses mots me font chaud au cœur. Et j'ai tout autant l’envie que le besoin de les croire.
    « Tu comptes pour Jérémie, c'est certain, et il l'a prouvé malgré lui... » elle enchaîne « déjà, il ne supporte pas que quelqu'un d'autre s'approche de toi... t'as bien vu... ».
    « Thibault aussi m'a dit ça... ».
    « Tu vois ? ».
    « Ce n’est peut être vraiment que de la jalousie mal placée... » j'insiste.
    « Certainement… mais pas que… j'ai quand même le sentiment que malgré ses crasses, malgré son coté macho, son comportement de tête à claques… tu comptes vraiment pour lui... n'oublie jamais que tu es celui qui l’a aidé à se découvrir... tu l'as obligé à affronter des envies et des sentiments longtemps refoulés... »
    « J’ai fait ça, moi ? » je tente de rigoler pour échapper à l’émotion.
    « Mieux que ça... » elle continue « tu lui as permis de le faire tout en douceur... s’il ne t’avait pas croisé, un jour il aurait été tenté par des plans qui ne lui auraient rien apporté à part un soulagement vite fait… ça l’aurait peut être juste effrayé, frustré... au contraire, tu lui as montré qu'être avec un garçon peut être beau, tendre, doux, en plus qu'extrêmement plaisant au pieu... que ce n'est pas sale, ou dégradant...
    « J’aimerais bien qu’il ait compris ça, oui… » je fais.
    « Je suis sûre que le bobrun a senti la présence rassurante de ton amour, même s'il ne l'a pas toujours accepté... tu as été un pilier, un soutien, une source de tendresse, quelqu'un avec qui il a pu partager une intimité et une sensualité qui devaient quand même pas mal le tracasser depuis un certain temps... d'autant plus que, contrairement à ses autres soucis, celui-là il ne pouvait même pas le confier à son pote Thibault... ».
    « Ouais... j'ai foutu un sacré bordel dans sa tête... parfois je me dis que j'aurais mieux fait de ne pas lui proposer de l'aider à réviser... il aurait continué à coucher avec des nanas, et aujourd'hui il ne se poserait pas autant de questions... et finalement il serait plus heureux... ».
    « N’importe what… » j’entends ma cousine se moquer.
    « Quand j'y pense... » je continue pourtant « ma proposition de réviser... au fond ça a été égoïste de ma part... au fond j'espérais qu'il se passerait quelque chose, même si je pensais que ça n'arriverait pas... peut-être que ce jour là j’ai fait une grosse connerie... ».
    « Mon petit Nico... » enchaîne Elodie sur un ton faussement désespéré « parfois je me demande comment on peut avoir des gènes en commun... tu as été amoureux de Jérém depuis la première milliseconde où il est rentré dans ton champ de vision... je me trompe ? ».
    « C’est ça… oui... c’est ça… » je réponds sans hésiter en repensant une fois de plus à la première image de Jérém-t-shirt-noir-regard-de-bo-brun-sexy au milieu de la cour du lycée, image brûlant ma rétine… et me prenant aux tripes…
    « C'est normal alors que tu aies tenté de te rapprocher de lui... » elle continue « je dirais que c'est même méga courageux... en plus ça a été très subtil de ta part… tu ne pouvais pas vraiment attaquer direct… je me suis toujours dit que pour vous les homo, ça doit être sacrement dur de tomber amoureux au lycée... nous autres, on risque juste de prendre des râteaux... vous autres, vous risquez aussi de vous faire démonter la tronche... ».
    « Et de se taper la honte à vie, ce qui est carrément pire... » je précise.
    « Ouais, ça c'est vrai aussi... quoi qu'il en soit... je trouve que tu as été sympa de lui proposer de l'aider... déjà parce qu'il en avait besoin... et même si tu avais une petite idée derrière la tête, même si ta proposition n'était pas complètement désintéressée... ».
    « Pas du tout, même... » je confirme, amusé.
    « Coquin, va... quoi qu'il en soit, le beau brun a accepté en pleine connaissance de cause... il savait ou il s'embarquait
    « Il avait bien compris que j'étais fou de lui... il me l'a même dit l'autre soir... » j’enchaîne en repensant une fois de plus à ce souvenir d’un Jérém torché, me demandant qui je préférerais sucer…
    « Si Jérémie t'a laissé rentrer dans son intimité et qu'il t'y a gardé bien plus longtemps que n'importe quelle nana, c'est parce qu'il a besoin de toi… il a besoin de toi en tant que point de repère dans sa "nouvelle vie"... celle que tu lui as fait découvrir... quelque part, tu as pris un peu le relais de Thibault.... ».
    « Hein ? » je m’étonne…
    « Jusqu’à que tu débarques, Thibault était son seul et unique point de repère, lui fournissant l'équilibre dont il avait besoin dans sa vie... « d'hétéro »... mais toi, Nico, tu es celui qui l'a forcé à regarder en face son attirance pour les garçons... bien sur tu as d'abord foutu le bordel dans sa tête... un bordel qui va durer un moment je pense... mais un bordel bénéfique... tu es peut-être en train de l’empêcher de passer à coté de sa véritable vie... tu lui évites peut-être de se réveiller un matin dans 5, 10, 20 ans, avec une femme, des gosses, une maison impeccable, une pelouse bien taillée, un labrador obèse, prisonnier d'une vie d'hétéro qui l'étouffe, avec une seule envie... celle d'aller se taper le premier mec dans un sauna... ».
    Je me tais, interloqué.
    « Laisse lui faire son chemin, Nico » elle continue « ne le saoule pas… je suis sure que ça avance quand même dans sa petite tête... et qu’il va vite prendre conscience que c’est toi la personne qui lui faut en ce moment… ».
    « En attendant, dimanche il a quitté l’appart avant mon réveil, sans un mot... et dimanche il s’est blessé parce qu’il n’était pas en forme… ».
    « Je ne m'inquiéterais pas trop de tout ça... tu sais bien que Jérémie ne s'exprime pas sur ses sentiments, qu’il garde tout pour lui, qu’il préfère fuir qu'assumer... il s’est passé beaucoup de choses cette fameuse nuit… il a besoin de ruminer ça tout seul… te retrouver au petit dej, ça aurait été too much pour lui… ».
    « Tu dois assurément avoir raison… ».
    « J’ai toujours raison, mon cousin, toujours, tu devrais le savoir, depuis le temps que je te donne d’excellents conseils… ».
    « Je te signale au passage que il n’y a pas longtemps tu me disais de l’oublier… ».
    « Et c’était aussi un excellent conseil… sauf qu’il est hors de ta portée… ».
    J’oscille entre l’amusement et l’émotion.
    En me replongeant dans mon bouquin, je capte des bouts de conversation en français partout autour de nous… soudainement, je repense à non échanges… nous n’avons même pas pris la peine de parler discrètement… pendant un instant j’ai essayé de me mettre à la place des « passagers » a côté qui auraient pu entendre notre conversation… je me dis que j’adorerais capter ce genre de tête-à-tête un jour !

    Sur Londres le ciel était gris... mais à Toulouse c'est un soleil rayonnant qui nous attend...

    13 heures... après 6 heures entre métro, train et avion, me revoilà chez moi…
    Maman me pose une seule et unique question…
    « C’était comment ?? ».
    Et là, je ne sais pas, la fatigue, la tension se font sentir…. les larmes montent, sans que je les aies vues venir… maman me fait un grand sourire...
    Le temps d’un déjeuner, d’un récit aussi décousu que passionné et d’une petite sieste, il est déjà temps de descendre du petit nuage sur lequel je vis depuis le concert…
    Les petits tracas de ma vie d'adolescent amoureux reviennent à la charge…
    Comment retrouver mon Jérém, maintenant...
    Je sors le maillot de Wilkinson de son sac et j’essaie d’imaginer sa tête lorsque je lui donnerai… j’espère que ça va lui faire plaisir... 

    Dans le prochain épisode… 

    C'est cette vibration qui se propage dans les draps, jusqu’à moi... j'émerge du sommeil et je réalise qu'il est en train de se caresser dans le noir, juste à côté de moi... est-ce qu’il est vraiment réveillé ? Est-ce qu’il réalise que je suis juste à coté ?
    Moment inattendu, troublant… j’écoute sa respiration, je me laisse bercer par son excitation... j’évite tout mouvement, le moindre bruit… j’ai peur que s’il se rendait compte que je suis réveillé, il ait le réflexe de tout arrêter…
    Et je ne le veux pas… j’ai envie de sentir son plaisir monter… envie de sentir son plaisir exploser…
    Le sentir se branler, me fait vite bander aussi... l’excitation me gagne, et elle a très vite raison de mes propos de discrétion…
    De nouvelles envie se pressent en moi… que dommage qu'il fasse ça tout seul... envie de la toucher… envie de lui donner un coup de main... très envie… j'hésite... comment réagirait-t-il ?
    Trop envie… comment m'y prendre ? Ma main se décale, presque de son propre chef, effleure son flanc... la vibration s'arrête net... mince… quel dommage…
    J'entends toujours sa respiration, ma respiration, mon cœur qui tape fort dans ma poitrine… je suis à l’affût du moindre mouvement et je devine le mouvement nerveux de sa queue tendue qui se redresse par moments contre les draps... mon autre main se pose sur ma propre queue… j’ai envie de me branler aussi, mais je n’ose pas… comment réagirait-t-il ?
    Peut-être qu’on pourrait se branler côte à côte…
    Des longues secondes passent... silence, respirations profondes… mon cœur qui tape de plus en plus fort… puis sa main se pose sur ma main, la serre, semble amorcer un mouvement... un mouvement que je suis, le cœur qui bat à mille...
    Le sentir frissonner dès que mes doigts effleurent son gland m'encourage à continuer... lentement, je saisis sa queue raide et chaude… un pur bonheur…


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    L'eau chaude ruisselle sur ta peau... ton corps émerge d'un brouillard de vapeur, sublime féerie sensuelle... tu es de dos, face au jet de la douche... la première chose que je vois, la première chose qui capte mon attention, qui embrase mon désir, ce sont tes épaules... leur envergure, l'angle parfait qu'elles dessinent avec ton cou, leur musculature saillante...
    Mon regard enchaîne les délices en se posant sur le V parfait qui se dessine, qui se sculpte entre tes aisselles et tes reins... c'est beau le dos bien bâti d'un beau mec... ça semble dire tant de choses au sujet de sa puissance physique… et de sa virilité...
    Oui, le dos... presque aussi attirant que le torse...
    Ce n'est qu'après avoir étanché la première soif pour ton dos que mon regard se laisse happer par tes fesses musclées... par tes cuisses puissantes... par tes jambes de sportif... bref, par l'ensemble harmonieux et terriblement sensuel de ta nudité...
    Pendant que je te mange des yeux, tes mains parcourent ta peau, du haut du corps vers le bas, étalant le gel douche depuis tes beaux cheveux bruns jusqu'à ton sexe que je ne vois pas...
    Putain, mec... comment je voudrais que tu te retournes et que je puisse voir enfin cette partie de ton anatomie sur laquelle je fantasme depuis plus de deux ans...
    C'est la partie la plus intime de ton corps... et tu ne la montreras pas facilement à tes camarades, et surtout pas à celui qui aimerait la voir plus que les autres...

    Presque 1 an plus tard...

    Nous voilà à Londres !
    Nous quittons le train et nous prenons le métro direction Earls Court. Nous sortons de la gare un plan à la main en essayant de trouver le meilleur parcours pour rejoindre l'hôtel. Ma cousine et moi on se ressemble, tout aussi mauvais l'un que l'autre dans la lecture d'un plan.
    Nous voyant perdus, une dame s'approche. May I help you? Ils sont si gentils ces anglais... Nous demandons, elle nous explique, nous ne comprenons rien. Nous acquiesçons, nous remercions, nous continuons dans la direction indiquée par la dame, sans savoir où et quand il faudra tourner...
    Nous nous retrouvons à un croisement, toujours le plan à la main. Un mec approche, la cinquantaine, grosse moustache, lunettes de soleil, chemise ouverte jusqu'au nombril (mais sans le physique permettant d'assumer ce genre de tenue), plusieurs chaînes autour du cou... bref, flippant...
    Ma première impression, que ma cousine se charge de verbaliser, est « Mate ça... il n'a pas tété que des glaçons, c'est moi qui te le dis... ».
    La deuxième, qu'elle me chuchote un instant avant que le type rentre carrément dans notre espace vital : « Il pue le shit... je te parie qu'il va vouloir nous en vendre... ».
    Ouais... si tu le dis Elodie... j'ai quand même un peu de mal à le croire... il faut dire que le mec est tellement loin de l'image du vendeur de shit qui s'affiche de façon insistante dans ma tête... car pour moi, le petit dealeur type, diplômé, agrée, ressemble davantage aux keums de téci qui t'abordent le soir place Wilson... des petits mecs bien bruns, en baskets et jogging molletonné à la bosse parfois un peu marquée, veste de survêt ouverte sur des t-shirt caressant des formes prometteuses, souvent équipés de casquette, parfois vissée à l'envers sur la tête... des petits mecs au regard dur, sombre, à l'air un tantinet agressif, qui ont la moitié de son âge, voire moins, un look de petit caillera bien sexy et macho, des petits mecs qu'on aurait souvent envie de payer plutôt en nature et même éventuellement sans contrepartie...
    Bref, ce type ne correspond en rien à l'image de la petite frappe qui se présente de façon insistante dans ma tête...
    May I help you? Il demande à son tour. Il explique, nous comprenons rien, comme d'hab. Sa gentillesse contraste avec son apparence qui n'est franchement pas rassurante...
    Follow me... finit-il par lâcher en nous voyant tenir le plan tête-bêche. Faute d'être toujours rassurants... ils sont toujours serviables ces anglais!
    Pendant qu'il nous accompagne, il nous fait la causette... nous marchons dans des rues inconnues... elles le sont toutes à nos yeux... à ce compte, il pourrait nous amener n’importe où…
    « T'as pas l'impression qu'on va dans la mauvaise direction ? » lance discrètement la cousine...
    « Je crois que t'as raison… » je confirme, sans pour autant savoir nous situer sur le plan...
    Non, vraiment pas très rassurant tout ça…
    « Et si on se fait kidnapper... » revient à la charge Elodie « ou bien voler nos tickets... je te préviens… je te tue de mes propres mains… »...
    Dans ma tête mon sang ne fait qu'un tour… je la prends par la main et nous faisons volte-face… un instant plus tard, entre rires et cris, nous piquons un sprint en revenant sur nos pas, direction inconnue mais loin de ce mec bizarre… je me retourne pour voir si jamais il est à nos trousses... le mec s'est arrêté et il a même enlevé ses lunettes, l'air incrédule... on est con à 20 ans... quand j'y repense, je me demande toujours ce que le mec a du penser de nous... encore des jeunes drogués...
    Nous arrivons essoufflés sur une petite place dont le nom nous évoque un endroit vu sur le plan un peu plus tôt à proximité de la rue de notre hôtel… nous rouvrons le plan et c'est là que nous découvrons l'ampleur de notre détour. L'hôtel n'est qu'à cinq minutes... tout comme il l'était de la sortie du métro, tout à l'heure...
    Il est déjà 16h00. Nous sommes fatigués. Nous prenons notre chambre, nous posons nos bagages et nous allons manger un bout.
    Une fois rassasiés, la priorité c'est repérer l'Earls Court. Même si le concert n'est que dans deux jours, besoin de savoir qu’on ne s’est pas trompé de ville…
    Plan à la main, encore de la route à pied en vue. C’est presque tout droit mais on trouvera le moyen de faire un bon petit détour… on en fera des bornes à pied, lors de ce petit séjour londonien…
    Nous voilà devant la façade massive de l’aréna. Je n'arrive pas encore à croire que dans 48 heures je me presserai devant l'entrée pour aller voir Madonna... je pense à mon billet dans mon sac à l'hôtel... pourvu que personne ne me le pique... je pense que si j'avais un million de francs en liquide à la place du ticket, je ne serai pas plus inquiet...
    En attendant l'heure du dîner, petite excursion à bord d'un bus rouge à toit ouvert pour voir défiler, comme dans un menu déroulant, les sites qu'on visitera de plus près dans les deux jours à venir...
    « Regarde, cousin ! » fait Elodie en m'indiquant une affiche avec la photo de la jaquette de l'album « Music ». Sur l'affiche il est stipulé que le soir même, au « Fire », boite de nuit dont l'enseigne éteinte trône juste au dessus, il y aura une soirée Madonna.
    C'est décidé, on sera de la partie… on repère la rue sur le plan… le plan qu'on ne sait toujours pas lire… ça promet…
    Pour le repas du soir, nous testons le « fish and chips »... nous traînons de rue en rue, encore incrédules d'être à Londres... nous nous installons dans un bar... puis dans un autre... il y en a des dizaines, des centaines, ils ont l'air plus sympa les uns que les autres...
    Minuit arrive, nous voilà devant l'entrée du « Fire ».
    La soirée a déjà commencé… pendant que nous réglons notre entrée, le rythme d' »Express Yourself » provenant de la salle résonne dans mes oreilles et se propage dans mes membres... envie de danser comme un malade, comme jamais, toute la nuit... sur des tubes de Madonna, avec ma cousine, en territoire inconnu, sans la peur de me taper la honte devant des camarades ou, pire, devant Jérém… envie de me lâcher à fond... vraiment envie de bouger, de me laisser submerger par le rythme... envie de rentrer dans le bain, comme un avant goût de l'Earls Court dans moins de 48 heures...
    La boite s'articule sur trois niveaux ouverts sur un grand espace central... la piste de danse en bas est assez grande... pourtant, elle est déjà bondée... sur les deux niveaux supérieurs, on devine des fauteuils, un bar...
    Inutile de dire que, happés par le rythme de l’immense « Music » qui vient d’éclater dans la sono, nous nous sentons, autant ma cousine que moi, irrésistiblement attirés par la piste de danse...
    Au milieu de tous ces gens en train de danser, je ne tarde pas à repérer une étrange créature... une « chose » aux apparences féminines, apparences cependant mise à mal par une barbe d'une semaine... sa tenue, ou plutôt son accoutrement, comprend un t-shirt coupé au dessus du nombril, un short très gainé, des boucles de multiples boucles d’oreilles aux formes indefinies, les yeux maquillés à la truelle, une casquette coiffant une structure capillaire en équilibre instable qui n'est pas sans rappeler le look de la protagoniste de « Recherche Susan désespérément »... ce soir là, pendant une fraction de seconde, j'ai honte d'être fan...
    Les tubes de M s'enchaînent sur un rythme fou... ça fait du bien de se dépenser et de rigoler...
    Bien que le « Fire » soit une boite qui affiche clairement les couleurs de l'arc en ciel, on y retrouve autant de nanas que de garçons... elle doit être vraie alors l'histoire qui m’a pondu Jérém… comme quoi les nanas aimeraient aller en boite gay pour danser sans se faire casser les c.... ou, alors, il s'agît de FAP... filles à pd...
    Ce n'est que la deuxième fois de ma vie que je mets les pieds dans une boite gay... après l'exploit avec Jérém au On Off... et c'est la première fois que j'y vais en « célibataire »... avec ma cousine, certes… mais pas avec le garçon que j’aime… c'est la première fois que je remarque des regards se poser sur moi...
    Evidemment, à l'On Off j'étais trop occupé à recenser les regards qui se posaient sur mon beau brun pour remarquer ceux qui auraient pu s’intéresser à moi... mais là c'est flagrant... même pour un empoté comme moi... je suis une tête inconnue, je représente l'attrait de la nouveauté... surtout lorsque Jérém n'est pas à mes cotés...
    « T’as une touche, mon cousin… » fait Elodie en m'indiquant discrètement un petit mec aux cheveux châtains un peu bouclés, au regard un peu poupin mais pas dépourvu de charme, dansant tout seul à trois-quatre mètres de nous...
    « Il est charmant... » j'admets, alors que nos échanges de regards se font de plus en plus rapprochés.
    « T'as pas envie d'aller lui dire bonjour ? » elle me titille « regarde-le comme il est mimi, en plus il n'attend que ça... ».
    « Ce soir j'ai juste envie de danser, de danser avec toi... » je riposte.
    Oui, ce soir j'ai juste envie de me péter le tympan au décibel et de m'épuiser sur des rythmes familiers envoyés à mes oreilles avec une puissance inédite… besoin de me vider la tête…
    « Ca ne te dit pas de tester l'autochtone ? Un échange de langue… non ? » elle plaisante.
    « Je n'ai pas la tête à ça... » je lui balance.
    « Justement... ça te remettrait peut-être un peu les idées en place... et ça t'aiderait à prendre du recul sur tout ce qui te prend la tête...» fait-elle, plus sérieusement, avant d’enchaîner « je suis même prête à te laisser la chambre toute la nuit s’il le faut… ».
    Je pense qu'Elodie a une fois de plus raison. Ca me ferait du bien de m'envoyer en l'air pour du fun. Mais vraiment je n'ai pas la tête à ça... le fait est que j'ai envie de Jérém, une envie déchirante de lui et de personne d'autre... envie d'être à lui et à personne d'autre...
    Je repense à lui en moi, à sa queue chaude, puissante... à ses baisers... à la caresse de sa chaînette dans mon dos... à la douceur virile de ses derniers coups de reins...
    Jérém me manque et la distance ne fait qu'ajouter à mon désespoir... je me sens incapable de coucher avec un autre mec...
    Tellement envie de le revoir... et au même temps, inquiet de le retrouver... dans quel état d'esprit sera-t-il ? Voudra-t-il seulement me revoir ? Quel comportement aura-t-il à mon égard ? Faut-t-il que je prenne de ses nouvelles ou pas ? Dilemme auquel je ne sais quoi répondre…
    J’ai le sentiment que, quoique je fasse, ce serait mal perçu… chercher à prendre de ses nouvelles risquerait d’énerver le beau brun, mais ne pas en prendre risque… d’énerver le beau brun…
    Animal particulier, que ce Jérém... vraiment, Nico, t'as pas choisi la facilité avec un mec comme lui...
    Alors, tout ce dont j'ai besoin cette nuit, c'est de m'étourdir de cette musique, de sentir mon corps bouger... j'ai besoin de la voix, de la présence de Madonna... j'ai besoin de ma cousine...
    « T'as trop traîné, le bouclé a disparu... » j'entends Elodie me glisser à l'oreille.
    « Tans pis… » je rétorque « tu sais, je suis un garçon très exigeant… j’ai été trop bien habitué… moi il me faut au moins un bobrun rugbyman d'1m80, la peau mate, les épaules solides, le torse en V bien moulé dans un t-shirt bien coupé, le regard ténébreux et un tatouage juste en dessous du biceps... ah... j'oubliais... un petit grain de beauté à la base du cou... sinon je ne prends pas... ».
    « T'es insupportable, mon cousin... » elle se moque.
    La soirée avance, les tubes s'enchaînent... je ne me lasse pas de danser... deux heures, trois heures, quatre heures du mat... la piste de danse est à nous, la nuit aussi... il est plus de cinq heures lorsque nous nous décidons à quitter les lieux pour cause de... fermeture...
    J'en sors les tympans explosés, les jambes en compote, mais l'esprit complètement vidé, léger, heureux... je tombe de sommeil mais je frissonne de bonheur...
    Ma première soirée Madonna, ma première soirée Madonna dans une boite gay, ma première soirée Madonna dans une boite gay avec Elodie... qu'est-ce qu'on a dansé... qu’est ce qu’on s’est marrés... qu'est-ce qu'on a été bien tous les deux...
    Sur la route de l'hôtel, nous prenons un mauvais café et une bonne pâtisserie dans une boulangerie qui vient tout juste d'ouvrir...
    Lorsque j'émerge, il est déjà midi. Elodie sors de la douche enroulée dans une énorme serviette jaune.
    « Bonjour cousin » elle me lance, souriante comme toujours. Ma vie serait bien terne si elle n'était pas là.
    « File donc à la douche et laisse ta cousine s'habiller… ».
    « Ok, chef ! ».
    Visiter Londres en plein été et sur deux jours, équivaut à suivre le parcours du parfait touriste lambda... on sait qu'on n'aura pas tout le temps de tout faire, de tout voir, alors on se cantonne aux incontournables...
    Pour commencer, traversée d'Hyde Park... un petit détour par Buckingham Palace sans jalouser la file de touristes qui se pressent à l'entrée...
    D’un site à l’autre, sans trop s’y attarder, j'ai l'impression de jouer au Monopoly... on tire les dés et quelques cases plus loin, nous voilà à Westmister... nos pions avancent ensuite jusqu'à Big Ben sans passer par la case « Allez en prison »...
    Il est quatre heures... le manque de sommeil nous rattrape... nous nous arrêtons pour nous acheter un sandwich... revigoré, je me sens prêt pour un deuxième round de visiting London... il reste tellement de choses à voir, alors il faut se dépêcher pour en visiter un max...
    Mais ma cousine n'est pas exactement du même avis... alors que je cherche le meilleur itinéraire pour croiser le maximum de choses intéressantes, dans sa tête deux mots s'affichent en lettres clignotantes...
    Covent+Garden...
    Oui, la journée avait bien commencé... elle s'était plutôt bien poursuivie... du moins jusqu'à qu'en milieu d'après midi, la cousine ne prenne la main au Monopoly et laisse libre cours à ses pulsions de meuf dans une grande ville inexplorée...
    Passe encore la visite de la place des artistes de rue... mais remonter l'artère principale du quartier en s'arrêtant à chaque boutique de fringues, comme dans la rue Alsace-Lorraine... c'est juste pas possible... donnez moi une cooooorde !!!
    Je note… ne jamais se promener dans une grande ville avec une cousine fashion… tôt ou tard, la visite tourne irrémédiablement au lèche-vitrines...
    Dans la vitrine d'un magasin de vêtements de sport, un maillot de rugby blanc et rouge bien en vue attire mon attention... en grand, sur le devant, juste en dessus des abdos, le nom du sponsor, une banque anglaise... un peu plus haut, en correspondance du pectoraux gauche je dirais, le dessin d'une aile, avec l'intitulé « Newcastle Falcons ». Le maillot porte le numéro 10, accompagné du nom d'un joueur que je connais tout juste pour l'avoir entendu mentionner dans une conversation captée par hasard entre Jérém et le prof de sport... au fils de cette conversation, j'avais cru comprendre que Jérém vouait une réelle admiration pour ce jeune joueur, étoile montante du rugby anglais...
    Soudainement, une idée folle me traverse l'esprit...
    « Eh, Elodie... tu crois pas que Jérém serait grave sexy dans le maillot de Wilkinson ? ».
    « Il y a de fortes chances... » elle répond en regardant l'objet d'un air interloqué.
    Ma question est purement formelle... Jérém serait grave sexy dans un sac de pommes de terre de toute façon, alors avec le maillot de rugby « Wilkinson »…
    « Qu'est ce que tu en penses, ça fait trop ? » je cherche à me décider… car le prix n'est pas anodin... surtout face à la question : vais-je oser le lui donner ?
    « Evidemment que ça fait trop... » elle finit par répondre « mais tu vas quand même l'acheter... sinon tu vas le regretter... et tu vas me pomper l'air... ».
    Le porte monnaie un peu plus léger, je repars avec un gros sac en plastique avec au fond un ti cado pour mon beau brun... j'espère juste qu'il ne va pas mal le prendre... j'espère juste que je vais oser le lui offrir... j'espère juste que je vais avoir l'occasion de le lui offrir...
    Mon parcours de l'après midi prévoyait de passer par les cases Tour de Londres et Tower Bridge, tout en se poussant jusqu'à la City... hélas, le « Covent Garden Tour », avec ses interminables « sur place » devant une vitrine ou dans un magasin m'a fatigué plus qu'une longue marche au pas soutenu... je suis HS, Elodie aussi, alors nous rentrons à l'hôtel nous reposer...
    On ressort en début de soirée, bien décidés pour une tournée des pubs londoniens traditionnels...
    Nous enchaînons les apéros dans deux endroits différents, avant de rentrer dans un troisième établissement, plus grand que les précédents, plus animé, pour y manger un bout...
    Lorsqu’on passe la porte d’entrée, les premières notes de « Don’t cry » résonnent sous le plafond en bois… dans un coin de la salle, quatre gros rockeurs barbus envoient du lourd…
    « Cool… du Gun’s and Roses… » fait ma cousine, excitée.
    Elle est depuis longtemps « amoureuse » du chanteur aux cheveux longs.
    Nous nous posons au bout de l’une des quatre grandes tables qui occupent l’essentiel de la salle, côte à côte avec des inconnus dont le seul point commun semble se situer dans un degré l'alcoolémie que je définirais comme homogène, certain et avancé... l’ambiance est joyeuse, elle est à la fête, et bien à la fête…
    Et pendant que les musiciens enchaînent avec « Walk this way », la cousine trouve le moyen de se taper la discute avec un petit groupe de jeunes assis juste en face de nous… elle baragouine avec son anglais moyen et moins d’une minute plus tard… elle a déjà réussi à les faire marrer… elle me fera toujours halluciner… il faut dire que si son anglais ne casse pas plus de briques que le mien, sa communication envers l’autochtone est grandement facilitée par son naturel expansif, sociable, par son ouverture d’esprit, ainsi que par son statut de jolie fille au sourire ravageur...
    Les musiciens passent en mode pause… ils rechargent les batteries en vidant de grandes chopes... par dessus le brouhaha de la salle, j'entends ma cousine expliquer que nous sommes français et que nous sommes là pour le concert de Madonna du lendemain...
    Et là, de façon complètement inattendue, un des mecs, celui que je trouve le plus mignon, commence a taper dans les mains comme pour amorcer une rythmique... sa jolie voix de garçon se lève, en entonnant des couplets en langue locale mais parfaitement familiers à mes oreilles...
    « I made it through the wilderness... »...
    Ses potes ont commencé à taper dans les mains à leurs tour, sur le même beat... un pote à lui reprend le couplet suivant... « Somehow I made it through »
    Le troisième reprend à son tour « Didn't know how lost I was/Until I found you ».
    Petit à petit, toute la table rentre dans le groove... une voix à l'autre bout de la table s'élève pour déclamer le refrain, comme une délivrance, bien que de façon prématurée par rapport au texte original : « Like a virgin... ooooh... »
    C'est juste avant que la table toute entière ne reprenne en cœur : « Touched for the very first time... ».
    La contagion se répand vite et elle finit par toucher les musiciens qui écourtent leur session recharge... une guitare d'abord, suivie de la batterie et d'un clavier... le chanteur reprend les couplets suivant au micro... « Like a virgin/When your heart beats/Next to mine... »...
    Like a virgin chanté par la voix caverneuse du gros moustachu, ça vaut son pesant de cacahuètes… mais il y a une ambiance de dingue et tout le pub chante à l'unisson... et moi et Elodie avec eux, à tue tête... quelle ambiance de fou… et tout ça... grâce à la gouaille de ma cousine... je l'adore....
    Les chansons rock s'enchaînent... les pauses « recharge à la chope de bière » aussi… il est presque deux heures du mat lorsque Elodie et moi nous nous levons pour partir… pourtant quelque chose nous retient, nous obligeant à nous rasseoir, après un échange de regards complices... les premières riffes de guitare d’une nouvelle chanson… s'il est une ballade rock que je considère comme un chef d'œuvre ultime, c'est bien celle là... nous restons jusqu'à la dernière note, jusqu'au dernier raclement de gorge du chanteur barbu... il n'y a qu'en écoutant jusqu'à la dernière seconde qu'on rend justice au chef d’œuvre qu’est « November Rain »…
    Le lendemain, je me réveille tout guilleret. Nous y voilà, c'est le jour M. En attendant l’heure de nous rendre à l’Earls Court, nous optons pour une tour du coté de Little Venice... j'aurais également voulu visiter le British Museum, aller voir la Pierre de Rosette... mais Elodie ne semble pas tellement décidée...
    On finit par flâner, sans but, à part celui de profiter sans stress des quelques heures restantes à notre disposition pour nous imprégner de la lumière de cette ville... oui, flâner et… mater… mater et commenter le bogoss, ce charmant gibier qui semble davantage de sortie aujourd’hui que la veille...
    C'est génial ce genre d'exercice en compagnie de ma cousine... parce que nous avons quasiment les mêmes goûts et sensibilités en matière de bogoss (à part les cheveux longs, qu’elle affectionne et que, en ce qui me concerne, je considère comme complètement anti-sexy sur un mec)... parce que nous kiffons les mêmes modèles de mecs, les mêmes regards, les mêmes attitudes, les mêmes tenues... parce le regard de l'un capte et attire l'attention de l'autre sur un détail qui aurait pu lui échapper... parce que nous frémissons des mêmes envies, des mêmes fantasmes, parce que nous réagissons aux mêmes dosages de testostérone... parce que nous nous surprenons à mettre des mots inédits sur les ressentis de l’autre… parce que nous nous entraînons l’un l’autre dans un délire qui pourrait durer à l’infini, tant qu’il y a matière à mater…
    Nous nous retrouvons ainsi assis sur un banc dans un parc à mioches, à se mettre au défi de deviner de quel jeune papa on ferait bien notre quatre heures … nous nous retrouvons à constater que 9 fois sur 10 c'est gagné...
    Cette complicité avec Elodie est un véritable cadeau...
    Oui, mater le bogoss est une activité ludique du plus haut amusement... du moins jusqu'à ce qu'un brun magnifique avec un t-shirt noir moulant à se damner, un short, une chaînette de mec et des lunettes de soleil ne me rappelle un autre brun, dans une autre ville... et l'angoisse pour sa blessure, pour les retrouvailles me happe à nouveau...
    « Et si la blessure à l'épaule de Jérém était plus grave que prévu… si vraiment, comme dans mon rêve, il ne pouvait plus jouer au rugby ? » je lance à brûle pourpoint en mettant fin de ce fait à notre petit jeu.
    « Arrête un peu de te tarauder l'esprit... Thibault t'a dit que le médecin était optimiste... et puis, si vraiment ça te prend autant la tête, envoie lui un sms et demande lui de ses nouvelles... il est peut-être en pétard, mais ça ne peut que lui faire plaisir que tu te soucies de sa blessure... ».
    Elodie a évidemment raison, mais moi j'hésite… car moi je sais à quel point le Jérém est un animal particulier… avec des réactions peu prévisibles et peu communes, surtout vis-à-vis de moi...
    Cependant je vais suivre son conseil, envoyer un sms...
    Moi : Salut. Tu as des nouvelles de Jérém et de son épaule ?
    Quelques minutes plus tard, l'enveloppe clignote sur l'écran de mon portable.
    Thibault : T'as qu'à lui demander direct ;-)
    Sacré Thibault... je ne m'attendais pas à ce genre de réponse de sa part... dois-je y lire un encouragement à prendre des nouvelles de Jérém, comme s'il essayait de me dire que ça pourrait lui faire plaisir ?
    Je commence à écrire un message... j'efface, j'écris, j'efface à nouveau... je recommence au moins dix fois... jusqu'à ce que je sois sans batterie... le portable s'éteint en effaçant à tout jamais le chef d’ouvre « Salut, ça va ? » que je m'apprêtais à lui envoyer après tant d'essais... je regarde l'écran muet... comme un signe... un acte manqué...
    Il est 16 heures... il est temps de repasser à l'hôtel se préparer, manger un bout... il ne faut pas trop traîner… nous avons des places dans la fosse et, à cet emplacement, le premier arrivé est le mieux servi...
    Arrivé devant Earls Court, j’assiste pour la première fois à ce spectacle grandiose auquel je serai confronté de nombreuses fois au cours des années suivantes… à chaque fois que je me déplacerai pour aller retrouver ma star préférée pour l’une de ses tournées, au quatre coins de l'Europe... et même au delà…
    Je reste bouche bée… tout ce peuple… tous venus pour elle… une véritable marée humaine se tient debout devant les grilles et attendant patiemment l'ouverture des portes... et, encore plus hallucinant… des tentes posées aux abords, témoignent du fait que certains sont sur place depuis plusieurs heures, voire quelques jours...
    En nous baladant entre les stands de marchandising, nous rencontrons presque de suite des parisiens, des dijonnais, des bordelais, ainsi qu’un grand suisse venu lui aussi avec sa cousine… on discute, on boit un verre et on se raconte nos périples… le coup de notre course à pied pour échapper au méchant vendeur de shit les fait bien rire…
    Je suis comme sur un nuage, entouré de fans, entouré de personnes pour qui aller à un concert de Madonna représente plus que d’aller retrouver une immense faiseuses de tubes… des fans pour qui Madonna n’est pas seulement la plus grande des stars, mais une copine virtuelle qui les a accompagnés à chaque moment important de leur vie…
    Vers 18 heures, les portes de l’aréna s’ouvrent. On présente nos tickets… ooouuuffff… il est bien là… et il est validé…
    Nous passons à la fouille. Les vigiles cherchent surtout des bouteilles dans les sacs. Je me fais palper par un bogoss bien foutu, brun, de grands biceps, sexy à mort... envie de lui avouer que je suis vraiment un élément très dangereux et qu'il devrait procéder à une fouille bien plus poussée, une fouille qui pourrait devenir réciproque...
    La fouille passée, hélas, trop rapidement, nous parcourons un couloir qui débouche dans l'enceinte de l'aréna...
    Et là… je sens les larmes monter... j’en ai le souffle coupé…. j’en perds mes mots… je me dis… j'y suis, enfin... me voilà dans la maison de la Reine de la pop… je lance un regard à Elodie qui est tout autant émue que moi…
    Malgré le fait d'être arrivé assez tard par rapport à certains, nous arrivons à nous rapprocher pas mal de la scène… c’est grâce au culot d’Elodie, capable de déplacer des montagnes avec pour seul argument cette air-de-rien dont elle seule a le secret… oui, l’air-de-rien, nous entamons une lente dérive qui nous permet au final de nous faufiler gentiment entre le public déjà installé et d’atteindre une bien meilleure position qu’au départ…
    Une fois convenablement installés, il ne reste plus qu’attendre l’arrivée de la Reine. Pas de première partie pour se distraire ou râler, juste une pression qui monte de plus en plus à chaque minute qui passe.
    Le site se remplit peu à peu. Les places dans les gradins semblent se cocher comme dans une tombola géante... je me doute que dans les gradins on doit être mieux installés que dans la fosse... mais c’est dans la fosse qu’est le cœur du spectacle... c'est là qu'on a la chance de la voir du plus près... alors ça vaut bien un peu d’attente debout, coude à coude avec d’autres fans…
    Dans les gradins, ça arrive encore et encore... c'est carrément impressionnant toute cette foule, ces nombreuses petites rivières humaines qui semblent se déverser dans un grand bassin...
    « T'as vu ce mec ? » j'entends ma cousine chuchoter à mon oreille.
    En suivant son regard, je vois un beau brun situé à notre gauche à moins de deux mètres...
    « Mate un peu l'animal... » elle me taquine.
    Et comment, que je le mate… la trentaine, musclé, le regard ténébreux et très très viril, un tatouage qui part du biceps gauche, qui disparaît sous la manchette et qui semble se prolonger jusqu’à ressortir du col de son t-shirt pour remonter jusqu’à son oreille… le t-shirt est plutôt ajusté à sa charmante plastique et le col en V dévoile un torse un peu poilu...
    Ces poils me font un effet de dingue… dans ma tête, une impression s’affiche, criante « Mec !, Très mec, le type »… j’imagine de bonheur de caresser ce pelage brun à l’air si doux, le bonheur d’y plonger le nez, le bonheur d’y laisser traîner la langue… je ne sais pas pourquoi... ce mec me fait penser à un certain Jérém un plus tard dans la vie... Jérém-dans-10-ans, disons… le jour où sa virilité sera apaisée et, de ce fait, encore plus aveuglante… le jour où il aura arrêté de jouer au petit con qui teste son pouvoir de séduction à tout bout de rue… le jour ou il aura arrêté de se raser le torse…
    Car il faut bien l’admettre… si un torse rasé est grave sexy sur un physique de petit con… un torse un peu poilu est carrément hallucinant chez un homme…
    « Mais il est carrément canon ! » je lui confirme en m’arrachant à cette petite révélation sur les bonheurs de la pilosité masculine qui vient de me sauter aux yeux.
    « Ce mec n'est pas pour toi, mon cousin, laisse faire les pros et admire... » et, ce disant, elle commence une nouvelle lente dérive, l’air-de-rien, en sa direction. Je me déplace avec elle, impatient d'assister à son exploit...
    Elle a presque atteint sa cible, lorsqu'un évènement inattendu se produit... un autre mec, un peu plus petit que le premier et plutôt typé reubeu, s'approche du bel animal et vient se positionner juste devant lui... le bel animal fait glisser ses bras autour de sa taille et le serre contre lui... je peux me tromper, mais ces deux là, ils ont l'air d’être plus que des potes...
    Elodie se tourne vers moi, le regard dépité, feignant d'être au bord des larmes.
    « Ma pauvre cousine, ma pauvre cousine... » je me moque en grossissant le trait pour la faire rigoler « si tu veux croiser des hétéros, il faut pas venir à un concert de Madonna... ».
    « Je suis dég... » elle se plaint de façon théâtrale « vraiment dég... ».
    Je suis pété de rire... comme quoi, ma cousine se plante elle aussi, parfois... et, comme je ne tarderai pas à la découvrir en rentrant à Toulouse, il n'y avait pas qu'à ce sujet que ma cousine se plantait, à cette époque...
    Nous attendons le début du concert de plus en plus impatiemment. Je n’arrive toujours pas à y croire, je suis au concert de Madonna... ce n’est qu’une question de minutes, elle va chanter devant nous tous.
    Mais est-ce que je réalise vraiment qu’elle va être là ?
    L’attente n’est pas pénible, au contraire elle permet de savourer ce temps qui précède le moment où elle sera enfin là… et à ne pas penser que ce moment sera forcement trop court et que la fin du spectacle arrivera trop vite…
    Et, au fond, qu’importe l’attente lorsqu'en se retournant vers son passé, on peut faire défiler les 10 dernières années au rythme de ses chansons ? Chacun de ses tubes rimant avec un jour, une heure, un instant, un visage ou une image, une sensation ou une autre, une émotion, une impression heureuse ou pas, mais gravé dans ma tête et prête à ressurgir, inattendue, foudroyante, telle Madeleine proustienne, à chaque nouvelle écoute...
    Elle a déjà presque une heure de retard : la faute aux retardataires qui cherchent encore leur place sur les gradins ?
    La salle l’appelle en improvisant une « holà » qui part d’un bout de la salle, avec des milliers de bras qui se lèvent en même temps… le mouvement tourne, tourne jusqu’à atteindre l’autre bout de la salle, avant de recommencer…
    Enfin l'obscurité tombe dans la salle. Il n’y a plus que la scène et ses avancées qui brillent sous les faisceaux lumineux.
    La musique démarre et l’ovation monte en flèche jusqu’à presque la couvrir.
    Les jeux de lumières s'enchaînent, une épaisse fumée envahit la scène… j'en ai la chair de poule... j'ai envie de crier, de sauter... la pression monte, la salle est en fibrillation...
    Les sons électro se font ressentir de plus en plus puissants, ce qui a pour effet de faire hurler la foule déjà en délire… et moi avec…
    Et là, au milieu des lumières et de la fumée, SA Majesté elle-même débarque en kilt style punk rock… elle avance lentement vers le public, elle avance en chantant les premiers couplets de « Drowned World », avec sa petite voix qui parait si fragile à coté de la puissance des arrangements et de l’émotion du public...
    Je suis enfin en train de réaliser mon rêve... Madonna est là, à quelques mètres de moi... je suis tellement heureux, excité… je me sens tellement léger… pendant quelques secondes, j’ai l’impression de tomber dans les pommes... je suis dans un état second… comme en hypnose… presque en transe...
    La mega Star inaccessible… cette fille qui a tout vécu, qui a connu le succès que l'on sait, une carrière qui dure depuis 20 ans… celle qui a plusieurs fois fait le tour de la planète… elle est là… avec à peine deux heures de retard, elle est là! Elle n’est plus sur un plateau télé ou dans un stade lointain, à des milliers de km et à des mondes entiers loin de moi... elle n'est plus dans un cd, un dvd, un mp3, une photo, un site Internet, un disque dur d’ordinateur… non, cette fois ci elle est bel et bien là, là où je peux la voir de mes propres yeux... l'entendre de mes propres oreilles...
    Les cris et les acclamations des 17.000 de l'Earls Court ne cessent pas. Je ressens un trop plein d’émotions monter dans mon corps, c’est comme si le sang s’accélérait dans mes veines, faisant exploser en moi un désir irrésistible de vivre ce moment à fond; je saute sur place avec tous les autres, je chante à tue tête, pris dans ce délire partagé, un délire qui semble monter de façon exponentielle au fil des secondes...
    J'écoute sa voix balancée avec la puissance délirante des décibels… je me sens comme embrassé par sa voix… cette voix qui est depuis toujours, la seule à posséder le pouvoir de me réconforter… aujourd’hui encore, sa voix me fait vibrer et me transporte ailleurs… elle me fait me sentir bien… elle parle à l’ado mal dans ma peau que j’ai été un jour et que je suis toujours un peu au plus profond de moi…

    « Drowned World / Substitute for Love »

    Superbe ballade, comme une caresse, accompagnant les moments de mélancolie de l’été de mes 15 ans... la chanson que j'ai écoutée en boucle le soir du premier jour du lycée, le jour où le bobrun est rentré dans ma vie, dans mon coeur… la chanson qui a un peu apaisé mon besoin de romantisme après le choc visuel de ce premier regard...

    « Impressive Instant »

    Déjà les beats d'« Impressive instant » résonnent puissants dans la salle... mon coup de cœur de l'album « Music », écouté en boucle pendant l'été 2000 en pensant à mon Jérém qui me manquait, en comptant les jours avant la rentrée des classes...
    You're the one that I've been waiting for/Tu es celui que j'attendais
    I'm in a trance/Je suis en transe
    And the world is spinning/Et le monde tourne
    I'm in a trance/Je suis en transe
    Souvenir d’un Impressive Instant, d’un moment si marquant, peu après la rentrée de terminale…
    L'eau chaude ruisselle sur ta peau... ton corps émerge d'un brouillard de vapeur, sublime féerie sensuelle... tu es de dos, face au jet de la douche... la première chose que je vois, la première chose qui capte mon attention, qui embrase mon désir, ce sont tes épaules... leur envergure, l'angle parfait qu'elles dessinent avec ton cou, leur musculature saillante...
    Mon regard enchaîne les délices en se posant sur le V parfait qui se dessine, qui se sculpte entre tes aisselles et tes reins... c'est beau le dos bien bâti d'un beau mec... ça semble dire tant de choses au sujet de sa puissance physique… et de sa virilité...
    Oui, le dos... presque aussi attirant que le torse...
    Ce n'est qu'après avoir étanché la première soif pour ton dos que mon regard se laisse happer par tes fesses musclées... par tes cuisses puissantes... par tes jambes de sportif... bref, par l'ensemble harmonieux et terriblement sensuel de ta nudité...
    Pendant que je te mange des yeux, tes mains parcourent ta peau, du haut du corps vers le bas, étalant le gel douche depuis tes beaux cheveux bruns jusqu'à ton sexe que je ne vois pas...
    Putain, mec... comment je voudrais que tu te retournes et que je puisse voir enfin cette partie de ton anatomie sur laquelle je fantasme depuis plus de deux ans...
    C'est la partie la plus intime de ton corps... et tu ne la montrera pas facilement à tes camarades, et surtout pas à celui qui aimerait la voir plus que les autres...
    Tu es juste de dos... mais ton corps caressé par l'eau chaude, me rend dingue... la travail des muscles dans le mouvement de tes épaules et de ton dos, provoque en moi un émoustillement, une sensation de bonheur indescriptible... tous mes sens sont en émoi... je suis planté là et je suis hypnotisé, tétanisé par tant de beauté masculine... je voudrais tant être, moi aussi, si bien gaulé... attirer tous les regards... je voudrais tant être si populaire... avoir tant de potes, tant de charme... mais comment est-ce possible d'être aussi bien foutu ?
    Ça me prend aux tripes... ça me brûle à l'intérieur... dur dur de l'admettre... de l'assumer... pourtant, c'est désormais si évident, si flagrant dans mon esprit... j'ai envie de toi, mec... j'ai envie de crier tellement j'ai envie de toi et tellement je sais que cette envie je la garderai à tout jamais, grandissante, ravageuse, frustrée... cette envie qui me consume...
    Si tu savais le nombre de branlettes que je me suis tapées en pensant à toi... sans même encore t'avoir vu nu, de dos, comme aujourd'hui... alors, autant te dire qu'après ce moment, je n'ai pas fini de tacher mes draps en pensant à toi...
    C'est con... tu m'attires plus que n'importe quel mec sur cette terre, pourtant j'ai toujours évité de me trouver aux douches au même temps que toi... peur que le regard échappe à mon contrôle... peur que tu t'aperçoives que je ne peux pas décoller les yeux de ta plastique de fou... peur que tu humes mon désir... peur que tu te moques de moi, peur que tu me mettes ta main dans la gueule...
    Mais là, alors que j'ai fait comme d'hab exprès de traîner sur le terrain de sport pour que tu aies le temps de te doucher avant... alors que je pensais que t'étais déjà parti, je me retrouve devant cette image fantasmée, désirée, inattendue... aveuglante...
    Je suis touché par surprise... comme un lapin pris dans les phares d'une voiture... je perds tous mes moyens... je suis planté là comme un con, le cœur à mille à l'heure, la respiration accélérée, la déglutition bruyante, le ventre en état de choc comme si je venais de ramasser un coup de poing puissant...
    Je te regarde, rien de plus... je te regarde et je m'imprègne de ta nudité... je te regarde et je me sens vivant comme jamais auparavant... j'ai 'impression que pour la première fois de ma vie, je sens l'air passer dans mes poumons... j'ai l'impression que ma peau est devenue hypersensible, que tout, humidité, température, le moindre déplacement d'air provoque en moi des sensations de dingue... mes sens semblent découplés... des papillons, mais carrément des Monarques, remuent dans mon ventre... et ce putain de frissonnement entre mes fesses...
    Putain, l'effet que tu me fais mec... je n'ai jamais « rien » vu ni personne de si beau de ma vie... ta nudité est à mes yeux aussi puissante que la beauté du monde tout entier... tu éveilles tant de choses en moi... devant tant de beauté et de bonheur, je me dis qu'il ne peut vraiment pas y avoir de mal à apprécier la vue d'un beau gosse... car It's human nature... donc... no regrets, no regrets... and I'm not sorry...
    C'est ta beauté, mec, et tout ce qu'elle provoque en moi, que jour après jour m'aide à reconnaître, apprivoiser, assumer ma différence...
    L'odeur d'eau chaude et de gel douche m'assomme comme une drogue puissante... je ne sais pas combien de temps je suis resté là à te mater sous la douche, comme si rien d'autre existait autour de nous... je ne sais pas si ça a duré une, dix ou 100 secondes... je sais en revanche que même si ça n'a duré qu'une seconde, ça a été une seconde si intense de désir, de révélation, un instant d'éternité volé au temps... souvenir à tout jamais gravé dans ma tête que cette première image de nudité de beau brun...
    Tourne toi, mec... trop envie de voir ta queue... même si le fait de l'imaginer est très excitant... même si je crains qu'une fois que je l'aurai vue, une partie de la magie sera rompue... allez, mec, tourne toi... montre moi comment t'es monté... juste voir comment... le combien je m'en fiche pas mal... juste te connaître un peu plus...
    Je l'ai souhaite de toutes mes forces...
    Regarder l'eau couler dans ton dos, envie de poser mes lèvres sur toi comme l'eau ruisselante goutte qui glisse de la lisière de tes cheveux, embrasse tes oreilles, caresse ton cou, glisse sur tes épaules, descend, comme une fatalité, en suivant la ligne parfaitement sinueuse de ton dos... franchit la barrière de tes reins... et coule entre tes fesses...
    Oui, Impressive instant... I’m in a trance…

     


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  • 3 septembre 1998... c'est d'un pas timide, avec une allure craintive que je rentre dans la cour du lycée... et lorsque le laisse mon regard balayer ce grand espace encore inconnu pour essayer de m'y familiariser, je le remarque instantanément... brun, peau mate, un t-shirt noir qui lui va comme un gant sur un torse déjà prometteur à son jeune âge, une chaînette négligemment posée sur le coton noir, un jeans bien coupé, des baskets Nike... et une casquette, noire elle aussi, posée à l'envers sur ses cheveux bruns... il est là, au beau milieu de cet espace ouvert, à l'aise, en train de discuter et de déconner avec d'autres garçons... et ce sourire, ce sourire de dingue qui semble illuminer non seulement toute la cour du lycée, mais la vie toute entière... ma vie toute entière...

    Presque trois ans plus tard...

    Le lendemain de la rencontre avec Thibault, je me réveille avec des sentiments partagés.
    Pendant la nuit, j'ai rêvé du beau pompier... oui, j'ai rêvé du beau et adorable Thibault dans sa belle tenue de soldat du feu... cette uniforme qui souligne la beauté des corps, tout en leur donnant cette « aura », cette dimension de force et de soumission à l’autorité... et, dans le cas des pompiers, du courage, du don de soi… cette putain de tenue qui ajoute du charme au charme...
    Oui, cette nuit j'ai à la fois rêvé de Thibault et cauchemardé sur sa mission... dans mon délire onirique, Thibault secourait Jérém après sa blessure lors du match (oui, c'est un faux raccord... dans un plan Thibault était en maillot, et dans le plan suivant il était en uniforme, cherchez l'erreur... ça a du foirer au montage...) et l'amenait aux urgences... dans... sa propre bagnole... oui, c'est toujours un rêve... un rêve qui se transforme en véritable cauchemar lorsque le beau médecin qui prend en charge mon Jérém déclare, après radio, que la blessure est plus grave que ce qu'elle n'y paraît... le beau médecin est formel... Jérém ne pourra plus jamais jouer au rugby... le médecin est aussi très séduisant... il ressemble trait par trait au charmant Martin...
    A l'annonce du diagnostic, Jérém s'énerve, bondit comme un fauve, il veut cogner le médecin, d'autant plus que je sais qu'il a reconnu en lui le mec qui m'a dragué au KL... ça ne tient qu'à Thibault que ça ne parte pas en vrille, Thibault qui retient son pote, le fait asseoir, le serre dans ses bras... Jérém est très énervé, terrassé par cette nouvelle... plus jamais pouvoir jouer au rugby... toute sa vie qui vole en éclat... des sanglots secouent son torse sculpté... Thibault le prend dans ses bras, il pose ses lèvres sur son front, sur sa joue, jusque dans son cou...
    Leur étreinte est si tendre, si forte, si belle à voir... front contre front, Thibault essaie de calmer son pote le serrant très fort contre lui, pleurant avec lui... c'est si touchant que je me réveille en larmes...
    Et je me réveille avec un profond sentiment de malaise... bien sur, ce n'est qu'un rêve... mais c'est le genre de rêve capable d'éveiller l'angoisse et de la laisser retentir un moment après le réveil...
    Mince alors... c'est le jour J... je devrais être tout guilleret de partir  trois jours à Londres avec ma cousine, avec pour point d'orgue mon premier concert de Madonna... pourtant, je me sens tellement mal vis à vis de Jérém, que si je pouvais décaler notre départ d'un jour ou deux, je le ferais sans réfléchir... tiens, je vais appeler Madonna pour voir si elle peut reporter… ce qui serait par ailleurs très con... je sais bien que ça ne servirait à rien... ça n'arrangerait rien... bien au contraire... essayer de le voir, ce serait même sûrement un très mauvais choix... pourtant, j'ai très envie de savoir comment il va... j'ai le sentiment qu'il m'en veut... le silence avec lequel il a répliqué à mon sms m'inquiète... et aussi... j'ai très envie de lui faire une dernière pipe avant de partir... ma contribution pour soigner sa blessure... j'ai lu quelque part que l'orgasme libère des endorphines qui ont un effet antidouleur et relaxant, avec une effet positive sur l'humeur...
    Mais je n'en aurai pas l'occasion... le temps presse, l'avion décolle dans moins de 4 heures... de toute façon, je sais que je le laisse dans de bonnes mains... celles de Thibault... ce garçon si touchant, si droit, si adorable... je sais qu'il est le plus à même de s'occuper de Jérém... bien plus que moi...
    Thibault saura aller le voir quand ce sera le moment et trouver les mots pour l'apaiser... si moi j'y allais, ça n'aurait probablement d'autre effet que de le mettre encore plus en pétard... Jérém a besoin de temps pour guérir sa blessure à l'épaule, et surtout la blessure à son ego de mâle et de joueur... il a juste besoin de son pote...
    Et si tout rentre dans l'ordre avant dimanche... si j'évite de le remettre un peu plus en pétard avec une visite qu'il n'apprécierait pas... peut-être que j'ai encore quelques chances de  le revoir... il faut qu'il puisse jouer et qu'il gagne dimanche... ça le mettra de bonne humeur et peut-être il aura envie de fêter ça avec moi sous la couette...
    En attendant, merci Thibault pour m'avoir rassuré...
    « Là il est un peu abattu…mais je suis sûr qu'il va vite se remettre en état de marche et que dimanche prochain il va tout déchirer... on va tout déchirer... Jéjé est comme ça... quand le vent tourne, il démarre vite... mais il est aussi capable d'incroyables sursauts pour obtenir ce qui lui tient à cœur... ».
    Merci aussi pour ces mots qui me font un bien fou lorsque je les repasse dans ma tête...
    « Il tient à toi, c’est sûr… il peut se comporter comme un con, mais il tient à toi… je pense qu’il aurait été très malheureux si tu étais parti avec l’autre mec… ».
    Merci d'être là Thibault, je sais que tu sauras le remettre debout. Pour lui, pour toi, pour moi.
    Petit à petit j'arrive à positiver. Il est 8 heures passées, j'ai rendez vous dans une heure et demie avec Elodie à Jean Jaurès pour prendre la navette direction Blagnac. Je me félicite tout seul d'avoir pensé à préparer ma valise hier soir, pas besoin de courir ce matin...
    Je me lève, j'ouvre le rideau... il fait super beau dehors... j'attrape mon portable... une enveloppe clignote... un sms d'Elodie...
    « Ready to meet Madonna ? »
    Je l'adore. J'émerge petit à petit de mon sommeil. Je m'étire... j'ai bien dormi, je me sens bien... c'est vrai, dans deux jours, le jeudi 12 juillet 2001, ce sera le jour J. Mieux. Le Jour M... Soudainement, autour de moi, tout est calme, luxe et volupté... je suis heureux...
    Je me douche, je m'habille, je descends prendre le petit déjeuner.
    « Alors, prêt pour le grand jour ? » me demande maman avec un grand sourire.
    « Oui, très impatient... ».
    « Ca fait longtemps que tu attends ce moment, tu vas t'amuser comme un petit fou... je me souviens du concert de Michael Jackson, ici à Toulouse en 1992... un truc de malade... tu vas t'amuser, c'est certain... ».
    « J'en suis sur... » je rétorque, m'installant définitivement sur un petit nuage se levant de plus en plus haut dans le ciel.
    « Si j'avais le temps et si je n'avais pas peur de te mettre la honte, je serais venue moi aussi... » me lance maman.
    Elle est géniale maman. Je souris. Elle aussi. On rigole. Ca fait du bien.
    « Ca me fait plaisir de te voir si heureux... en plus avec Elodie, vous allez rigoler comme des bossus... ».
    Maman a raison. Si je suis heureux d'aller voir ce concert, je le suis deux fois plus du fait de la présence d'Elodie... la perspective de pouvoir partager ce moment avec elle, ainsi que pleins d'autres pendant ces trois jours, mes premières vacances à l'étranger sans mes parents... me rend tout guilleret...
    Je regarde l'heure... elle tourne vite ce matin... il faut que je me dépêche, le rendez-vous avec Elodie approche. Je monte chercher ma valise. Je descends.
    « Envoie un sms pour dire que vous étés bien arrivés... » fait maman.
    Ooops... je remonte chercher mon portable, je redescends.
    « T'as pris le chargeur? ».
    Re-ooops... je remonte chercher le chargeur, je redescends. Je me dirige vers l'entrée.
    « Nico » j'entends appeler, alors que je me prépare à prendre congé avec un simple « Bisous ».
    Je me retourne. Maman approche et me fait un vrai bisou. Ca me touche, car ça arrive de moins en moins souvent. Je lui rends et je lui promets de l'appeler dès que l'avion se sera posé.
    « Amuse toi bien, Nico !» je l'entends à nouveau lancer pendant que je ferme la porte derrière moi.
    Me voilà dans la rue, dans la lumière pure et claire du matin d'été toulousain.
    Le fond de l'air est encore frais... une légère brise caresse mon visage, mes bras, s'insinue à travers le coton de mon t-shirt... je me sens bien... je vais prendre l'avion... dans quelques minutes je serai avec Elodie...
    Jean Jaurès, c'est la même direction que pour la rue de la Colombette...  c'est la même direction que mon Jérém... Jérém qui est encore avec moi, dans les courbatures de mes membres, dans de petites brûlures à des endroits qui ont été un peu trop sollicités... petit retour de bâton pour un bonheur si intense... un bonheur réciproque... coucher avec mon beau brun... on s'en souvient un petit moment...
    Me voilà boulevard Carnot... et bien que jusqu'à là je me sois promis de tracer direct jusqu'aux allées... lorsque je vois la plaque de la rue de la Colombette, je suis irrésistiblement attiré... ça me fait un petit détour, mais je suis happé... c'est la rue la plus importante de Toulouse à mes yeux... et lorsque j'approche du numéro impair de son immeuble, mon cœur s'accélère comme s'il voulait bondir de ma poitrine...
    Très mal à l'aise, me sentant presque coupable et honteux de passer par là, je lève les yeux discrètement vers la terrasse... envie de le voir, crainte de le voir, peur de croiser son regard noir... le store de la porte fenêtre est baissé... il doit être encore couché...
    Je presse mon pas vers le canal et je le longe jusqu'à l'intersection avec Jean Jaurès... je continue en  direction de l'arrêt de bus...
    Je la repère de loin, avec ses grandes lunettes noires de star...
    Lorsqu'elle me voit arriver, elle s'anime... elle crie, elle s'agite, elle court vers moi, se jette dans mes bras, me fait 10 fois la bise... je suis heureux de voir autant d'enthousiasme, même si elle me fout un peu la honte, car il y a du monde autour de nous... elle a l'air presque plus excité que moi, du moins elle est davantage démonstrative... et malgré la honte, ça fait plaisir à voir...
    « T'as pris ton ticket ? » elle me lance.
    « T'as pris ton billet d'avion ? » je la questionne à mon tour.
    « Petit con ! » sera sa réponse.
    La navette arrive, nous nous installons ; les portes se ferment, nous roulons vers l'aéroport.
    « Je n'arrive pas à réaliser que nous y sommes... » fait-elle derrière ses lunettes noires.
    « C'est clair, moi non plus » je réponds.
    « H-59... » elle relance.
    « Si elle n'est pas en retard... » je commente.
    « Elle ne va pas faire sa pétasse... » elle balance.
    Nous sommes complètement excités, nous avons du mal à tenir en place… nous vérifions toutes les deux minutes que oui… nous avons bien les précieux sésames, ticket de concert et billet d'avion, les clefs du Paradis qui feront que, dans deux soirs, nous serons avec elle.., à chanter, à danser, à hurler… j’en ai la boule au ventre….
    10 heures pétantes nous sommes dans le Hall départs de l'aéroport. Le vol est à 12h06. Direction l'enregistrement… ensuite, trouver le gate qui nous amènera à l'avion qui nous guidera auprès de Madonna… Nico et Elodie en mode euphorique...
    Presque deux heures à attendre... Elodie a amené un bouquin, qu'elle semble dévorer page après page... moi aussi j'ai apporté un bouquin, mais je n'ai pas l'esprit à me concentrer sur la lecture... non pas que l'histoire ne soit pas intéressante, non...
    Le fait est que l'aéroport est un va et vient ininterrompu... et que dans la masse, le bogoss est souvent au rendez-vous...
    Comment me concentrer sur mon bouquin quand un brun incendiaire genre 25 ans, est assis à tout juste trois mètres de moi, presque en face de moi, et que son t-shirt orange et gris ajusté à son torse en V et à ses épaules parfaites est la promesse d'une beauté plastique à couper le souffle ? Seule ombre au tableau... sa copine est assise juste à coté de lui et elle pose sa main sur sa cuisse, comme pour montrer que le bogoss est à elle... et pas touche...
    Ou vas-tu beau brun ? Es tu heureux d'y aller avec elle ? Tu fais quoi dans la vie ? Qui sont tes potes ? Tu fais quel sport pour être aussi bien gaulé ? Comment te savonnes-tu sous la douche ? Il a quelle odeur ton boxer à la fin de la journée ?
    Ta copine st mignonne, certes... elle a l'air sympa et douce comme nana... pas petite mais fine... une jolie brune... quand je la regarde à côté de toi, beau mâle... le contraste est saisissant... la puissance que tu dégages, sa fragilité apparente... je l'imagine dans tes bras... peau contre peau... enlacée par toi, beau mâle... se faisant s...uter par toi, beau mâle... comment tu te comportes au lit ? T'es davantage du genre câlin ou plutôt bestial et passionnel ? A quoi ressemble ta jolie petite gueule lorsque ton cerveau est submergé par l'orgasme ? T'imaginer au lit avec elle, nu, avec la trique du matin... ta nudité caressée par les draps chauds... la chaleur de ta peau... imaginer la puissance de ton étreinte... imaginer te réveiller avec plein de bisous doux... caresser et embrasser ton torse puissant... te donner envie... envie de te faire sucer et de jouir...
    J'ai envie de me lever et de dire à la jolie brune qu'elle a une chance inouïe d'être avec un mec comme toi... bien sur, toi aussi tu dois être heureux de l'avoir... vous êtes mignons tous les deux... pourtant, j'ai envie de lui dire... OK, t'es une chouette fille... mais j'espère vraiment que tu le suces comme un mec aussi beau et charmant et adorable mérite, hein ?... j'espère que tu lui fais tout ce qu'il a envie... sinon je me propose de te remplacer... je suis un garçon toujours prêt à rendre service...
    Oui, quand un mec aussi beau et charmant s'installe presque en face de moi... comment me concentrer sur la lecture... j'essaie de faire gaffe de ne pas trop croiser son regard pour ne pas le mettre en pétard, mais je ne peux pas le lâcher des yeux... car j'ai envie de le regarder encore et encore, comme pour m'imprégner de sa beauté, de sa jeunesse, comme pour m'en « approprier » une partie, comme pour la voler, l’absorber, et conserver à jamais en moi l'emotion provoquée par cette puissante sensualité qu'il dégage...
    La seule façon d'arrêter de le mater, c'est qu'un autre mec, au moins aussi attirant, rentre dans votre champs de vision... j'avais déjà du mal à avancer dans la lecture avec ce brun assis en face de moi... j'oublie carrément mon bouquin lorsque un p'tit mec s'installe à peine un peu plus loin... un petit gabarit, mais au physique de rugbyman, pas forcement très beau, mais avec cette bonne petite gueule de ptit mec un peu bourrin... brun lui aussi, cheveux un peu bouclés, oreilles un peu décollées mais juste ce qu'il faut pour que ce soit sexy... veste à capuche bordeaux, et un de ce pantalons de jogging si magiques car molletonnés... car qui dit molletonné... dit souvent jolie bosse sur le devant... et là, elle était bien visible, bien prometteuse, bien tentante... surtout lorsqu'il se met à l'aise sur le siège, les bassin bien avancé, les jambes légèrement écartées, en mode détente cool en écoutant de la musique dans son casque... putain de bosse... furieuse envie de me retrouver a genoux devant lui, le voir baisser son jogging sans hésiter, descendre son boxer, me présenter sa queue avec autorité, m'attraper la tête...
    Dans un monde parfait... "Suce" aurait été son seul mot, avant des gémissements et un grognement de plaisir... dans un monde parfait il croiserait mon regard et il comprendrait à quel point j'ai envie de lui... il saurait que je veux juste lui faire plaisir et il l'accepterait avec bonheur et reconnaissance... dans un monde parfait, il n'y aurait pas la peur des mst... dans un monde parfait l'idée de baiser avec un autre mec ne me ferait pas culpabiliser vis-à-vis de Jérém... oui, dans un monde parfait je n'aurais qu'à baisser ce jogging, découvrir sa queue, le faire jouir très fort, et l'avaler...
    Je le regarde encore et encore, étalé sur le siège, nonchalamment, comme s'il était installé dans son canapé, la bosse bien en vue, les yeux fermés, comme une invitation à aller entre ses cuisses, sans se douter un seul instant de l'envie furieuse que son attitude provoque dans un garçon assis à tout juste quelques mètres de lui...
    J'imagine ce ptit mec en soirée avec ses potes, une bière a la main... je l'imagine déconner, parler cul... et puis je l'imagine aussi le soir dans son lit, en train de se branler ou, hélas, avec une pouffe... ou peut être, pourquoi pas, avec un pote... on a le droit de rêver d'un monde meilleur... ou le matin sous la douche, en train de se savonner, de toucher son corps musclé...
    Putain de mecs... le beau brun avec sa copine... le brun bouclé avec son jogging et sa jolie bosse... autant de piqûres d'aiguille dans le ventre... des mecs que je ne pourrai jamais avoir...
    Alors, me faire violence pour essayer de fuir cette beauté masculine débordante, délicieuse, cette brûlante frustration... essayer de me replonger dans la lecture... facile à dire, lorsque le cerveau est embrouillé par tant d'images, tant de désirs, tant de fantasmes, tant d'envies... oui, essayer de replonger dans la lecture...
    Essayer encore et encore, mais abandonner définitivement lorsqu'un parfum de mec nous oblige a lever les yeux une fois de plus... un choupinou passe et laisse derrière lui une traînée de déo à embrouiller les neurones... il passe pour aller s'asseoir sur un siège à proximité de la copine du premier brun...
    Sorte de ptit dieu vivant, à croquer, avec dans son attitude un coté à la fois adorable mais si mec... 19 ou 20 ans maxi, cheveux très courts style mili (je ne serais pas étonné qu'il en soit vraiment), t-shirt bleu marine, avec un pantalon gris, vraiment une jolie ptite gueule... lui aussi ses écouteurs sur les oreilles, le nez colle dans son portable, en train de textoter à toute vitesse avec je ne sais pas qui... il lève la tête de temps en temps, parfois dans ma direction... une fois j'ose soutenir son regard, ça dure tout juste 2 secondes, je ne saurais dire ce qu'il a pu en penser, s'il a compris tout ce que mon regard pouvait dire... mais je n'ose recommencer, insister, lui faire comprendre... lui faire comprendre juste que je le trouve mignon a pleurer, qu'il est beau a hurler... petit mec, qui es-tu, comment t'appelles-tu ? Ou vas tu ? Que fais-tu dans ta vie, qui inspire tes branlettes, qui te fait jouir ????  Oui, petit mec... qui a la chance de te voir quand tu baisses ton pantalon et le slip ou le boxer que tu portes dessous, ne serait-ce que tes potes dans les vestiaires, peut-être en caserne si tu es vraiment mili... soupirs... soupiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiirs... putaaaaaaaain...
    « Il est bien ton bouquin ? » j'entends vaguement ma cousine demander.
    « Oui... je crois... » je lui répond en mode automatique alors que mon regard bondit de mâle en mâle.
    Il faut qu'on m'explique comment, avec cette brochette de bomecs devant les yeux, pourrais-je me concentrer sur la lecture...
    Mon regard varie toujours et encore les plaisir en passant de l'un à l'autre de ces trois beaux spécimens, lorsque un événement inattendu se produit... le mec au jogging se lève, il entreprends de marcher et sans que j'aie eu le temps de réaliser, il passe devant moi, à moins d'un mètre de mon nez, m'offrant une vue involontaire mais imprenable sur la jolie petite bosse sur le devant de son pantalon, cette bosse pas impressionnante, mais si attirante, si prometteuse, si synonyme de bonheur... cette bosse « magique », à la fois si proche, et si inaccessible…..
    Et lorsque, en suivant sa trajectoire, je devine la raison pour laquelle il s'est levé, j'ai soudainement envie de le suivre... c'est idiot, bien sur, mais j'ai senti un besoin irrépréhensible d'aller aux toilettes au même temps que lui... non pas que j'espère quoi que ce soit de ce moment... mais l'idée de me retrouver proche de lui pendant qu'il se soulage me fait kiffer... même pas l'intention de me poster à coté de lui pour mater par dessus la cloison... ça, je n'oserais jamais... juste faire semblant de ma laver les mains, de me débarbouiller... juste envie de le lorgner se poster devant un urinoir, l'entendre défaire sa braguette, entendre le jet dru sur le grés émaillé... c'est animal comme réaction à la testostérone...
    Je le rattrape juste à temps pour voir que, contre toute attente, le bogoss choisit une cabine fermée... changement de stratégie... je m'engouffre dans la cabine juste à coté...
    Je tends l'oreille... l'entendre juste a coté, déboucler sa ceinture et déboutonner le jeans, l'imaginer en train de sortir sa queue, l'imaginer en train de la tenir, imaginer ses poils pubiens, imaginer l'odeur de sa teub... puis entendre le bruit du jet, tendre l'oreille pendant toute la durée, et entendre a nouveau le bruit de la ceinture qu'il rattache... putain, l'effet que ca me fait... le bruit de la chasse, la porte qui se rouvre... je peux enfin faire pipi à mon tour... et dans la foulée me taper une branlette pour me calmer... lorsque je ressors de ma cabine, le bogoss a évidemment disparu... lorsque je reviens auprès de ma cousine, je constate qu'il n'est pas revenu à la place ou il était assis... qu'il a définitivement disparu, a jamais inconnu, filant a travers sa vie, loin….
    « Alors, c'était comment ? » fait Elodie sans lever le nez de son bouquin. Putain, ça doit etre prenant ce qu'elle lit.
    « De quoi ? » je tente de divaguer, alors que je me remets à peine de mon plaisir solitaire.
    « Tu l'as coincé dans les chiottes ? » elle revient à la charge, impitoyable.
    Elle m'énerve, elle a beau être plongée dans sa lecture, elle voit tout.
    « Même pas... » je fais, dépité.
    « Tu me déçois, cousin... » elle plaisante.
    « Je n'oserais jamais... et si même... j'aurais du mal à me laisser aller... ».
    « C'est vrai que t'es marié, mon cousin... »
    « C'est ça »... oui, je suis marié... pas à la Mairie, mais dans le cœur je le suis. Surtout après ce week-end...
    Les deux mecs, le brun avec sa copine et le petit « militaire » sont toujours là... grâce à la branlette recente , j'arrive à me calmer un peu... je ferme les yeux et j'arrive presque à m'assoupir malgré le brouhaha du hall d'attente.
    C'est ma cousine qui me secoue de ma torpeur, m'annonçant que les portes d'embarquement viennent d'ouvrir.
    Nous nous engouffrons dans le petit couloir qui donne accès à l'avion. Nous venons juste de prendre place que déjà Elodie trouve le moyen de discuter avec les deux mecs assis devant nous... ils vont aussi au concert... je les regarde un peu mieux et je finis par me demander s'ils ne seraient pas du bâtiment, eux aussi... un couple, peut-être ?
    Ca m'intrigue un brin, mais pas longtemps... dans ma tête je suis heureux... nous nous envolons pour Londres, nous partons loin de Toulouse, de mes petits tracas sentimentaux... je me sens bien, j’ai la banane et je souris bêtement…
    Encore quelques minutes d'attente, le temps que tout le monde prenne place, que le personnel de bord nous indique comment mettre des masques à oxygène en cas que l'avion pique du nez... c'est toujours la partir la plus rassurante...
    L'avion démarre, se met face à la piste. Il s'élance, vite, vite, il accélère. Et on sent cette propulsion dans le ventre, tellement puissante, ça fait toujours son impression. Et puis il y a cet instant où on ne touche plus le sol. Une fille de l'autre coté du couloir plante ses griffes dans le fauteuil comme un chat face au danger imminent. C’est rassurant aussi.
    Ca y est, on est en l'air! La piste disparaît, et Toulouse se fait de plus en plus petite, jusqu'à s'éclipser elle aussi... on survole la France, et tout parait si petit vu d'en haut. On se sent aussi tout petits là haut. Et vulnérables... c'est une grande leçon d'humilité que de prendre un avion, lorsqu'on y réfléchit...
    Elodie est toujours plongée dans sa lecture. Je ne suis pas encore arrivé à voir ce qu'elle dévore si avidement.
    Ce n'est que lorsque Toulouse et ses personnages masculins sont à quelques centaines de bornes derrière nous, que je me sens prêt à m'ouvrir à ma cousine.
    « Elodie... » je m'annonce après bonne hésitation.
    « Oui, mon cousin... » fait-elle, toujours dans son bouquin.
    « Tu sais que Jérém s'est blessé dimanche dernier au rugby ? » j'entre en matière.
    « Ah, non... je ne sais pas... mais qu'est ce qu'il s'est passé ? » fait-elle en levant enfin son nez de la page imprimée.
    « Il s'est fait plaquer et il est mal tombé... » je précise.
    « Rien de grave ? ».
    « Apparemment non, mais il n'a pas pu finir le match... ».
    « Et comment ça s'est terminé ? ».
    « Aux urgences à Purpan... »
    « Le match... ».
    « Ah, oui... ils ont  perdu... ».
    « Ah merde... ».
    « Le fait est que je me sens fautif... ».
    « Pourquoi fautif ? ».
    « Apparemment l'accident s'est produit parce que Jérém n'était pas en forme... ».
    « A cause des galipettes de la nuit d'avant ? ».
    « Certainement... c'est pour ça que je me sens fautif... et non seulement il était fatigué, mais de très mauvais poil... »
    « A cause des galipettes de la nuit d'avant ? ».
    « C'est bien possible aussi... ».
    « Franchement, Nico, je ne vois pas pourquoi tu te sentirais fautif... s'il a eu envie de baiser comme un lapin, il doit en assumer les conséquences... tu ne l'as pas obligé que je sache... d'accord tu le rends si fou de toi qu'il en devient accro... mais il l'a bien voulu... ».
    « C'est ce que m'a dit Thibault aussi... ».
    « Tu l'as revu ? » elle s'étonne.
    « Oui, hier soir on a pris un verre ensemble... ».
    « Encore ? ».
    « Je venais de passer à la brasserie pour faire un petit coucou et c'est là que j'ai appris ce qui s'était passé dimanche... alors j'ai voulu en en savoir un peu plus... et comme je n'ai pas osé passer le voir... j'ai été chercher Thibault... ».
    « Joker... coup de fil à un ami... » fait-elle.
    « C'est ça... ».
    « Je pense que t'as bien fait de pas aller voir Jérémie... ».
    « Je pense aussi... ».
    « En tout cas, t'as pas à t'en faire de ce qui s'est passé... ».
    « Je sais bien, mais je n'y arrive pas... ».
    « Ta gueule, Nico... tu vas pas me bassiner avec ça pendant trois jours... il a raté son match, il a raté son match... il aurait tout aussi bien pu le rater en prenant une cuite... c'est pas le premier mec de son âge qui a une nuit très agitée avant un match et qui n'arrive pas à assumer... ce sont des choses qui arrivent... ».
    « Oui, oui, je sais... mais ce qui me fait peur c'est qu'il puisse quand même m'en vouloir... ».
    « S'il t'en veut, c'est qu'il est vraiment con... il a bien aimé te sauter toute la nuit... et si jamais il te tient pour responsable de son petit accident, franchement, ce mec n'en vaut pas le peine... tu ne vas pas vivre toute ta vie en te réglant par rapport à ses caprices... laisse le mijoter... si tu l'as bien fait jouir, une fois son caca nerveux de mâle-blessé-dans-son-orgueil passé, il reviendra vers toi... essaie de profiter de ces trois jours de vacances et essaye de ne pas trop casser les couilles à ta cousine... veux-tu, mon Nico adoré ? ».
    « Oui, chef... ».
    « Sans déconner... te sentir coupable de lui avoir fait tomber la queue comme jamais de sa vie... il vaut mieux entendre ça que d'être sourde ! » fait-elle en se replongeant dans son bouquin.
    Je regarde par le hublot. La France défile toujours sous nos pieds à 800 km/heure... une hôtesse passe dans le petit couloir avec son chariot... nous nous laissons tenter par un « « café » ». Je mets ce mot entre doubles guillemets car, à mon sens, un truc servi dans un gobelet format coca moyen de chez Mcdo, dans lequel flotte un sachet brunâtre qui est censé donner à de l'eau chaude un goût caféiné... on ne peut pas décemment appeler ça un café... quand on pense qu'on vient de payer plus de 20 balles chacun pour... ça... mais alors que l'aspect est peu engageant, le goût est carrément dégueulasse... nous tentons d'avaler cette affreuse bouillie en grimaçant et en rigolant à chaque gorgée...
    Je note : ne plus jamais me laisser tenter par une boisson chaude dans un avion.
    Elodie fait pour se replonger dans sa lecture. Avant qu'elle s'isole à nouveau, j'ai envie de discuter un peu plus avec elle.
    « Tu savais que Thibault était pompier ? ».
    « Oui, mon cousin... ».
    « Tu le sais d'ou ? ».
    « Nous les nanas, on a nos reseaux... » elle se pavane en forçant le trait « tu ne savais pas ça, mon ti cousin ? ».
    « Je viens de l'apprendre... ».
    « Thibault n'a pas l'air d'un frimeur » fait-elle.
    « Bien au contraire, c'est un garçon très discret... » je confirme.
    « C'est lui qui t'en a parlé ? ».
    « Indirectement... il a été appelé pour un feu route de Muret ».
    « Ce mec a l'air d'un type formidable... » fait Elodie, admirative.
    « Je confirme... j'ai encore passé un de ces moments fabuleux en face de lui... ».
    « J'étais sure qu'il finirait par te plaire, lui aussi... ».
    « Comment pourrait-on ne pas être attiré par un mec comme Thibault ? » je reconnais.
    « C'est vrai, j'admets... » finit par concéder Elodie « ton Jérém est d'une sexytude bouillante, mais Thibault... quand on pense qu'il n'a même pas vingt ans... il fait déjà si mur… il fait si... si... si homme, quoi… comme quoi... la maturité a moins à voir avec l'âge qu'avec le naturel… ».
    Je réfléchis à ce qu'Elodie vient de dire et je le trouve très juste.
    « J'ai côtoyé un mec dans le style de Thibault il y a quelques années » elle continue, après une petite pause « même gabarit, puissant et musclé, même attitude, même gentillesse, même bienveillance... il s'appelle Julien... à l'époque... on est sortis ensemble pendant presque un an... il était adorable sous tout point de vue... un mec prévenant, attentionné, droit, rassurant... et en plus, au lit c'était le feu d'artifice... ».
    « Et pourquoi ça c'est fini alors ? » je demande, intrigué.
    « On ne cherchait pas les mêmes choses... du moins pas à ce moment là... ».
    « A savoir ? ».
    « Il n'avait que 20 ans mais il voulait qu'on s'installe ensemble, il parlait même d'avoir rapidement des enfants... mais moi je n'étais pas prête... je ne me voyais pas maman à vingt ans... ».
    « Je n'arrive pas à comprendre comment on peut avoir envie d'avoir des enfants à tout juste 20 ans... on a tout à découvrir, encore, à cette âge là... » je m'étonne.
    « Julien bossait, il avait un salaire convenable, il était bien dans son boulot... tu sais, ce genre de mec très carré, très équilibré cherche souvent de bonheurs très simples, une nana à aimer, des enfants à chouchouter, un nid douillet, quoi... ».
    « Mais 20 ans c'est jeune... ».
    « Ce genre de mec a les idées claires... il sait ce qu'il veut... ».
    « Tu l'aimais ? ».
    « Oui, je pense... oui... j'en suis sure... je l'ai quitté à contrecoeur, je pense que j'ai eu autant de peine que lui... mais j'ai été honnête... je ne me sentais pas prête.. et je ne voulais pas le faire attendre ou me forcer la main... ».
    « Qu'est ce qu'il est devenu ce garçon ? » je me renseigne.
    « Deux ans après notre rupture, j'ai appris qu'il allait être papa... un garçon si adorable ne reste pas longtemps célibataire... et un jour je l'ai croisé au supermarché avec sa copine et le bébé... et j'ai quand même un peu regretté d'avoir passé mon tour avec lui... aujourd'hui, cinq ans plus tard, il est toujours avec la même nana et avec deux enfants... je l'ai croisé à nouveau il y a quelques semaines avec le plus grand, Nathan... Julien  est un jeune papa poule, aimant et adorable avec son gosse... et ça le rend sexy en diable... ».
    « J'imagine... » fais-je en repensant soudainement à un mec, un bobrun croisé au Jardin des Plantes le dimanche de la promenade avec Stéphane... menant une poussette, sa copine à coté... on entend le gosse chialer... le mec se penche, il tend ses bras, il sort son rejeton et le colle contre son torse... au contact rassurant de ses bras et de la chaleur dégagée de son t-shirt, le bébé se calme rapidement... qui ne se calmerait pas dans ce genre de contact avec un bobrun... soudainement je retrouve dans ma tête le souvenir de ces photos de jeunes papas qu'on voit parfois chez des photographes ou sur certaines revues pour nanas, le mec torse nu, bien gaulé évidemment, avec son bébé dans les bras, peau contre peau... ça donne franchement envie de suggérer au mec de confier le poupon à sa maman et de venir se serrer contre nous, torse contre torse, peau contre peau...
    « Quand tu me parles de Thibault » continue Elodie «  j'ai l'impression de retrouver Julien... un garçon droit, loyal, excessivement fidèle en amitié, prêt à tout pour son meilleur pote... ».
    « C'est sur que Thibault ferait n'importe quoi pour son Jéjé... » je commente.
    « Le sien s'appelait Bastien... ils faisaient du foot ensemble... ils étaient comme deux frères... ».
    «  Ce qui est très touchant chez ce genre de mec, c'est le contraste entre leur puissance physique et leur profonde gentillesse... cette putain de gentillesse dans sa voix profonde, chaude... ça me fait fondre... » je continue en allant un peu plus loin dans mon ressenti.
    « Le ton calme, posé... la parole est mesurée mais juste, elle met en confiance, elle témoigne du respect à tout un chacun... c'est ça, n'est-ce pas, ton Thibault ? » fait Elodie.
    « C'est exactement ça... en plus, ce mec n'a jamais un mot plus haut que l’autre… » je continue.
    « Ce sont des mecs qui ne s'emballent pas à la première difficulté qui savent garder la tête froide et réfléchir pour trouver la bonne solution... » fait-elle.
    « Avec ce genre de mec, t'as l'impression qu'il n'y a pas de problèmes, que de solutions... » je m'avance.
    « C’est le genre de gars sur qui on sent de pouvoir compter à chaque instant, avec qui on se sent en sécurité… » fait Elodie.
    « Ces garçons inspirent la confiance et forcent le respect... » je résume « ils dégagent à la fois un calme, une force et une solidité qui donnent envie de s'appuyer sur leurs épaules et de se perdre dans leurs bras… ».
    « Ce genre de mec sait apaiser, rassurer, donner confiance… il sait repérer ce qu'il y a de meilleur dans toute circonstances et dans tout un chacun... et donner envie de faire ressortir le meilleur de soi-même… » fait Elodie, rêveuse.
    « C'est vrai que je me sens bien quand je suis avec lui, je me sens à l'aise et j'ai envie d'être aussi droit que lui... ».
    Je me fais la réflexion que les considérations de ma cousine sont comme d'habitude d'une justesse extrême.
    C'est vrai que Thibault possède une sensibilité qui lui permet de cerner quelqu'un au quart de tour… dans la foulée, il sait trouver la clef pour mettre à l’aise… car il a le bon mot pour toute circonstance... ce mec sait reconnaître tes qualités et t'amener à les apprécier... à t'apprécier toi même…
    Thibault sait faire confiance, mettre en confiance, apprendre à se faire confiance… dans son regard, qui n’est pas flatterie, mais juste bienveillance, on se sent bien, on se sent meilleurs… par sa droiture, et sans que rien ne soit dit directement, il sait montrer la voie…
    Thibault est un mec tout simplement adorable... puisque on le tient en grande estime, on a besoin de son estime… j'en ai besoin... et Jérém aussi en a besoin, plus encore que moi...
    La Manche arrive, avec ses petits bateaux et leurs traînées dans l'eau. Londres approche, l'atterrissage n'est plus qu'une question de minutes.
    Je me rends compte que dans mon ressenti vis-à-vis de Thibault il y pas mal de choses qui se mélangent… une estime profonde, le sentiment d’une belle amitié naissante… et au milieu de tout ça, une attraction sensuelle de plus en plus vive… c’est dur, en tant qu’homo, de se cantonner à rester ami d’un garçon que la nature a à ce point gâté en charme, en beauté masculine… et en beauté intérieure...
    Soudainement, Jérém et Thibault s'affichent dans ma tête en confrontation directe... et je réalise à quel point les deux potes sont différents... et complémentaires...
    Jérém est un meneur naturel, le mec qui en met plein la vue avec ses exploits à la fois frimés et assurés. Jérém est un mec qui a besoin de capter l'attention et de susciter la fascination...
    Thibault, au contraire, est un garçon discret, réfléchi, avec les pieds bien sur terre. Il ne cherche pas le devant de la scène, mais il assure grave, il se tient le plus souvent en coulisses, prêt à se rendre utile au besoin.
    Jérém est le gars à qui tout réussit, le rugby, les filles, le gars sur de lui qui a l'air bien dans ses baskets...
    Thibault est un garçon qui écoute davantage qu'il ne parle... on sait que son point de vue est sensé et pertinent. Et quand on finit par lui demander son avis, on l'écoute.
    Oui, Jérém est le gars qui fait rêver les potes... on a du mal à imaginer que son assurance n'est au fond qu'apparence... que bien de démons s'agitent dans sa petite tête... car les apparences suffisent pour faire rêver autour de soi, surtout lorsqu'on emploie autant d'énergie pour les garder... oui, l'apparence suffit à faire rêver, à susciter l'admiration, la jalousie, à charmer, à faire désirer son amitié... et, qui sait... à faire naître autour de lui des désirs inavouables...
    Et si Thibault, malgré sa solidité, s'était pris les pieds dans ce genre de désirs vis-à-vis de son pote ?
    Dans cet avion qui m'amène loin des deux potes, je me sens soudainement impuissant à empêcher l'inévitable... et si ça se produisait en mon absence ? C'est bizarre... autant dans le rêve de dimanche je n'étais même pas jaloux qu'ils couchent ensemble, limite je trouvais ça beau et naturel... autant là, à cet instant précis, l'idée que Jérém couche avec Thibault m'est insupportable...
    « Et si Thibault avait envie d'essayer un truc avec son pote, surtout maintenant qu'il sait pour nous, maintenant qu'il sait que Jérém est open au sexe entre mecs... ? » je finis pas échapper à haute voix.
    Elodie lève lentement le regard de son bouquin. Son regard est agacé.
    « J'ai adoré l'autre jour quand tu m'as balancé que Jérém et Thibault, c'est un lot... » je lui sors pour la faire sourire.
    Et ça marche. Elle se décrispe, elle referme son bouquin et elle embraye.
    « Ca m'est venu comme ça, sur le moment... ».
    « C'était bien trouvé... ».
    « J’y ai repensé, dimanche, après qu’on se soit quittés... ».
    « Pendant ton rancard ? » je me moque.
    « T’es con, mon cousin… je ne te l’ai jamais dit ? ».
    « Oui, tu me le dis tout le temps... ».
    « C'est qu'il doit y avoir du vrai, alors... ».
    « Je n'en doute pas » je plaisante.
    « Ces deux là ont tout partagé depuis l'enfance... ils sont indispensables l'un pour l'autre... mais le fait d'avoir tout partagé n'implique pas forcement qu'ils ont également envie de partager un lit... j'ai une vision un peu différente de la tienne du « dilemme de Thibault »... ».
    « Je veux bien entendre ça... » je la met au défi.
    « A mon sens, Thibault n'est pas véritablement amoureux de son pote, ni vraiment jaloux de toi, au sens sentimental et charnel. Seulement, depuis que tu es rentré dans la vie de Jérémie, il sent qu'une partie de la complicité avec son pote lui échappe... et je ne parle pas de la complicité sous la couette... je veux juste parler du fait que ton beau brun ne doit pas lui parler de ce qu'il y a entre toi et lui... de ce qui se passe dans sa tête en ce moment... de ce petit grand bouleversement qu'il est en train de vivre... d’ailleurs… bref… le fait d'être tenu à l'écart, alors qu'il a toujours été là pour son pote, le cœur sur la main... Thibault doit le vivre plutôt mal... ça doit être dur pour lui... ».
    « J'avais pas pensé à ça... » j'admets. Que je peux être bête parfois.
    « Si j'ai bien suivi » elle poursuit « c’est toi que Thibault a branché pour en savoir un peu plus sur cette histoire… c’est à la fois malin et touchant de sa part, je trouve… ».
    Je ne trouve rien à répondre, mais je sais qu'elle a raison.
    « Sa frustration » elle continue « traduit peut être juste un sentiment désagréable qu'un non-dit sans précédent, voire une insupportable incompréhension, s'installe entre eux. Il a vite deviné ce qui se passait entre vous deux parce qu'il connaît son pote par coeur. Il est dérouté parce que d'un côté il se rend compte que ta présence a des effets bénéfiques sur son pote, mais de l'autre il ne peut s'empêcher de se demander si, à terme, cela ne va pas le changer en profondeur, et l'éloigner définitivement de lui... ».
    « On a du mal à imaginer qu'un gars solide comme Thibault puisse lui aussi avoir de la peine... » je réfléchis à haute voix.
    « Un corps tout en muscles, une attitude rassurante... c’est trompeur parfois… » continue Elodie « ça peut cacher un cœur et une sensibilité à fleur de peu… et pour peu que le mec soit pudique, on a tendance à ne pas le voir… sous sa carrure de rugbyman, Thibault n'en est pas moins un jeune garçon qui a des besoins affectifs, et pour qui l'amitié avec son pote de toujours est indispensable... je pense que quand il regarde Jérém, il voit « un petit frère », un petit frère en train d’essayer de voler de ses propres ailes... je pense que ça doit lui faire plaisir, mais l’inquiéter aussi… je pense qu'en ce moment, Thibault a surtout besoin d'être rassuré... ».
    « C’est bien vu ce que tu viens de dire… » je commente, presque ému.
    Le commandant de bord annonce l'atterrissage imminent... c'est à ce moment là que j'arrive enfin à voir la couverture du bouquin d'Elodie.
    « Le Prisonnier d'Azkaban... » je lis à haute voix « connais pas... si... enfin... mais jamais lu... ».
    « Tu vois, cousin, elle est là la différence entre ta cousine et toi... ».
    « Quoi donc ? » je fais, ne voyant pas où elle veut en venir.
    « Moi je lis les aventures d'Harry Potter et de sa baguette magique, alors que toi... ».
    « Alors que moi ? »
    « Bah, toi t'es plutôt branché sur les aventures de Jérémie T. et sa braguette magique... ».
    « Tu m'énerves... ».
    « Toi aussi, crois moi, cousin... ».
    « Pareil, après ce qui s'est passé, je ne vais jamais la revoir sa braguette magique... ».
    L'avion se pose sur la piste avec un léger sursaut et l'ensemble des passagers se lance dans des applaudissements à l'attention du pilote qui nous a conduit à bon port. Va savoir pourquoi cette coutume... comme si c'était un exploit que de nous amener à destination sains et saufs...
    Nous récupérons nos bagages et nous cherchons sur les tableaux d'affichage des indications pour les trains vers Londres. Pas réalisé que l'aéroport de Stansted est à une heure de train de Londres. Ok, c'est parti. Nous rejoignons le quai pour monter sur le train direction Liverpool Street.
    « Allez, nous embarquons sur le Poudlard Express, sur le quai 9 et 3/4 » lance ma cousine, fière de sa boutade.
    Je suis dans le train vers Londres, vers Madonna... et c'est là que tout remonte...
    1993, j'ai tout juste 10 ans... ma première « rencontre » avec elle... la première fois que je la vois à la télé... un reportage sur le Girlie Show dans le journal de 20 heures... un extrait de Fever... les cheveux très courts, couleur platine, un rouge à lèvres d'un rouge très vif, un sourire immense, un visage et un corps dégageant une jeunesse et une énergie insolentes... toute de cuir vêtue, entourée de deux danseurs noirs, je la trouve belle, sexy, lascive... juste sublime...
    Ma mère prépare le dîner et me dit : c’est Madonna. C'est la première fois que j'entends ce nom. Episode sans suite immédiate. Pourtant, je crois bien que c'est ce soir là que le mythe prend racine en moi.
    1996, j'ai 13 ans... « You must love me » passe à la radio... le texte me parle, me parle de moi :
    Dans mon coeur tout est caché/Il y a des choses que je meurs d'envie de dire/Effrayée de confesser mes sentiments
    Au lycée, je me sens seul, pas vraiment de potes, et au fond de moi ce truc de plus en plus insistant que je ressens pour les beaux garçons... seul avec mes questionnements... suis je pd ? Comment le vivre ? Comment le cacher ?
    Je vais voir Evita au cinéma. La musique, les images, Madonna… tout est magnifique et rayonnant dans ce film.
    Un dimanche après midi, sur M6, rétrospective vidéo sur Madonna... Like a Prayer... j’adore son image, la force, la fraîcheur et l’insoumission qu’elle dégage... le rythme puissant d’Express Yourself et son clip magnifique me charment à blanc.... Material Girl en rouge Marylin... Like a Virgin à Venise, True Blue en décor années 50... Vogue : la chanson est du plaisir à l’état pur, le clip une perle d'un esthetisme parfait en noir et blanc... autre délire en noir et blanc... le clip sulfureux de Justify my Love... et encore... le clip sm soft d'Erotica... le clip plein de couleurs de Deeper and Deeper... le clip vidéo dans les quartiers pauvres de Secret... le monde de la corrida pour Take a bow...
    Cet après midi là, je suis conquis par un charme qui ne me quittera plus jamais... dans les mois suivants, je casse ma tire lire pour récupérer l'un après l'autre tous ses cd.
    1998, j'ai 15 ans, je suis un jeune garçon introverti de plus en plus attiré par les bomecs... un garçon solitaire, pas doué en sport, un garçon dont on se moque... un garçon qui n'a pas envie d'aller au collège... le collège, son fardeau...
    Et puis au mois de février, une bombe explose à la radio... Frozen... encore une chanson qui me parle...
    Tu vois seulement ce que tes yeux veulent bien voir/Comment la vie peut-elle être ce que tu désires ?/Tu es frigorifié lorsque ton coeur n'est pas ouvert...
    Quelques semaines plus tard sort l'album... une débauche de musique électronique, un son si frais, si avant-gardiste, un régal pour les oreilles. Chaque chanson est d’une puissance, d’une intensité unique…. tel Phénix renaissant de ses propres cendres, Madonna renaît des notes électroniques de Ray of light, elle rayonne à nouveau et plus que jamais.... et elle s’installe définitivement sur son trône de Star.
    Internet commence à être un instrument d’information et de diffusion très important, il me renseigne sur toute l’actualité de ma star favorite, ainsi je n’en rate pas une miette.
    Deux mois plus tard, le single de la chanson Ray of light est lancé et s'installera définitivement comme ma colonne sonore de l'été 1998... que dire de Ray of light… la chanson de tous les superlatifs... peut être le morceau le plus puissant de l'album... accompagné d'une vidéo d’un esthétisme absolu… vivre la vie à mille à l’heure… tout l'inverse de ma vie, une vie ou rien ne se produit... du moins... jusqu'à là...
    L'été passe sans véritables vacances... la rentrée au lycée approche... le lycée... nouvelle aventure qui me fait peur, nouveau camarades, nouveaux et vieux questionnements... comment vais-je m'intégrer dans ce nouveau monde ? Vais je me sentir à nouveau isolé comme au collège, vilain petit canard dont personne s'intéresse, sauf à se moquer de lui, de sa timidité, de son coté « à part » ?
    Comme pour me mettre du baume au cœur, le vendredi juste avant la rentrée, un troisième single est lancé... Drowned world... mélancolique... la chanson passe à la radio, le clip dans Hit Machine...

    3 septembre 1998... en allant à reculons à l'encontre de ma première rentrée du lycée, je ne savais pas encore que ce jour là, à l'approche de mes 15 ans, une rencontre allait complètement bouleverser ma vie.
    C'est d'un pas timide, avec une allure craintive que je rentre dans la cour du lycée... et lorsque le laisse mon regard balayer ce grand espace encore inconnu pour essayer de m'y familiariser, je le remarque instantanément... brun, peau mate, un t-shirt noir qui lui va comme un gant sur un torse déjà prometteur à son jeune âge, une chaînette négligemment posée sur le coton noir, un jeans bien coupé, des baskets Nike... et une casquette, noire elle aussi, posée à l'envers sur ses cheveux bruns... il est là, au beau milieu de cet espace ouvert, à l'aise, en train de discuter et de déconner avec d'autres garçons... et ce sourire, ce sourire de dingue qui semble illuminer non seulement toute la cour du lycée, mais la vie toute entière... ma vie toute entière...
    Je suis tétanisé... jamais de ma vie je n'ai vu un garçon aussi beau... dans la cour du lycée, on ne voyait que lui... dans ma tête, je ne voyais que lui... tout disparaît autour de lui... la cour du lycée se vide d'un coup, le bruit est remplacé par un silence total sur lequel je n'entends plus que les battements de mon cœur et ma respiration saccadée... tout semble se derouler au ralenti...juste une seconde, infinie….
    Dans mon for intérieur, un déclic s'est produit ce jour là...
    Oui, je ne voyais que lui... car ce mec était déjà à ce moment là, si jeune, un coup de poing dans le ventre, une agression visuelle, un truc de fou qui te fait dire que ça devrait être interdit d'être aussi canon...
    J'ai du rester planté un long moment à le mater... la gorge nouée, la respiration bloquée, mes jambes inaptes à faire le moindre pas, mon cerveau incapable de m'apporter d'autres pensées mis à part l'attraction débordante que je ressentais pour ce garçon... comme si chaque fibre de mon corps s'était réveillée à cet instant et elle criait l'envie de m'unir à lui... comme si ma peau réclamait sa peau, mes lèvres les siennes... j'ai eu envie de lui des le premier instant, une envie si furieuse à en avoir mal au ventre... me demander qui il était, dans quelle classe pouvait-il bien être, imaginer la chance de ses camarades de le côtoyer tous les jours, de discuter avec lui... me demander comment il s'appelait, ou il habitait, qui il côtoyait en dehors du lycée, qui étaient ses potes, s'il avait une copine...
    Je l'ai tellement maté qu'à un certain moment nos regards se sont croisés... et son regard a soutenu le mien... et j'ai ressenti en moi la peur qu'il laisse ses potes pour venir me mettre un pain dans la gueule...
    J'ai baissé mon regard, je me suis accroupi et j'ai ouvert mon sac à la hâte, les mains tremblantes, juste pour créer une diversion, style je cherche un truc...
    Un instant plus tard, on nous appelait pour qu'on rejoigne nos classes respectives... lorsque j'ai enfin osé relever les yeux, il discutait toujours avec ses potes... je me dirige vers ma classe d'un pas pressé... je suis obligé de le quitter des yeux... je me demande quand est-ce que je le reverrai... sans doute à la recréé... putain que ça va être long...
    Je m'installe dans la classe parmi les premiers... je regarde les autres camarades prendre place petit à petit, en essayant de définir lesquels pourraient devenir mes potes... c'est un tri silencieux qui ne donne pas de grandes indications pour l'instant... autre tri, d'un autre genre... sur des critères physiques... là non plus, ça ne donne pas de masses... à 15 ans, c'est encore rare de trouver des garçons vraiment attirants... la puberté n'est pas terminée, il faut attendre encore quelques années pour que la musculature s'installe et le garçonnet laisse entrevoir le jeune mâle...
    Ca c'est ce que je me disais juste avant... juste avant que le beau brun au t-shirt noir passe la porte en rigolant avec deux potes... il faut imaginer ma surprise et mon excitation lorsque je l'ai vu débouler, alors que cette possibilité ne m'avait même pas effleuré l'esprit... le voir tracer avec son sac à dos rouge et blanc, avec son air de parfait branleur, de lycéen en mode touriste... avec sa putain de casquette à l'envers...
    Il passe à coté de moi, sa hanche percute mon coude... premier contact... j'entends un « Excuse » lancé à la hâte... premier contact avec sa voix... j'aime sa voix... je me retourne... je le regarde aller bien au fond de la classe et s'y installer avec ses deux potes... ce mec n'est pas seulement beau... ce mec va me brûler les rétines... je n'ai pas osé espérer qu'il soit dans la même classe que moi... j'ai jalousé d'avance les camarades qui le côtoieraient... mais maintenant que je sais que je vais être en classe avec lui, j'entrevois la torture que je vais endurer pendant les trois prochaines années... comment côtoyer un mec aussi attirant sans péter un plomb... comment sentir cette déchirure dans les tripes entre l'envie qu'on ressent pour lui et le fait de devoir y renoncer chaque jour, chaque heure, chaque instant ? Et je n'ose même pas l'imaginer pendant le cours de sport, dans les vestiaires...
    Le prof arrive juste après nous, s'installe. L'appel commence. Prénom, nom, options choisies et...  date de naissance... que de bonnes nouvelles en perspective...
    J'écoute attentivement la succession de noms sans la volonté de les associer aux garçons et aux filles qui lèvent la main ou qui s'annoncent « présent »... tout ce qui m'intéresse c'est de retenir le dernier prénom (si masculin), le nom de famille avec la date de naissance... tout ce qui m'intéresse c'est de capter le moment où le beau brun répondra présent... une bonne partie des camarades a déjà levé la main... c'est mon tour... Nico S., né le 15 septembre 1983... présent... deux prénoms féminins suivent le mien...
    Et puis... un prénom masculin sort des lèvres du prof... Jérémie... suivi d'un nom qui ne sonne pas d'ici... Tommasi... et d'une date qui résonne en moi avec l'importance des codes pour contrôler l'arme nucléaire... le 16 octobre 1982...
    « Me voilà, monsieur... » j'entends répondre, en se marrant, sur un ton insolent. Je reconnais sa voix. Déjà je reconnais sa voix... je me retourne, faisant comme d'autres élèves pour voir qui c'est ce petit con qui se fait remarques dès le premier jour.
    Et c'est ainsi que j'ai su qu'il s'appelait Jérémie... joli prénom qui lui va à merveille, je trouve... Tommasi... ça sonne d'ailleurs... et ça en rajoute au charme... 1982... ainsi le bogoss a un an de plus que moi... et ça en rajoute encore au charme... je me dis qu'il doit redoubler... ce qui va avec le coté branleur qu'il dégage naturellement ainsi qu'avec le coté insolent qu'il vient de montrer en répondant à l'appel...
    Pendant que le prof donne l'emploi du temps, j'entends rigoler au le fond de la classe... je me retourne un peu, juste ce qu'il faut pour le voir du coin de l'oeil, le voir se marrer avec ses potes.
    « On se calme, on se calme... » fait le prof à un moment « Monsieur Tommasi, s'il vous plait... dois-je vous rappeler que vous êtes ici parce que un autre lycée ne veut plus de vous... faisons en sorte que l'expérience ne se renouvelle pas... ».
    « D'accord monsieur... » fait-il sur un ton moqueur.
    « Commencez déjà par ôter votre casquette pendant les cours... » fait le prof en suivant.
    « D'accord monsieur... » répète le bogoss sur le même ton, le regard taquin et malicieux pendant qu'il s'exécute en dévoilant sa belle crinière brune. Ce qui le rend, évidemment, sexy en diable... les nanas le regardent... Nico le regarde, conquis par un charme qui ne le quittera plus jamais...
    Premier jour du lycée, première branlette en rentrant à la maison en pensant à ce mec si beau qui a provoqué ce truc si violent en moi, balayé d'un seul sourire tous mes doutes et toutes mes tergiversations au sujet de mon attirance vis-à-vis des garçons...
    Car lorsqu'on éprouvé une attirance si violente pour un garçon... quand le regarder donne à la fois le plus exquis des plaisirs et la plus brûlante des frustrations... lorsqu'en le regardant on a envie de pleurer et d'hurler... à m'arracher les tripes, à m’arracher le cœur... lorsqu'on ne peut plus détacher les yeux de lui... lorsqu'on est à ce point persuadé que son propre bonheur serait dans ses bras et dans ses draps... ce jour là on comprend qu'on est assurément gay... et qu'on ne pourra jamais rien y faire... et que surtout on a pas à y faire quoi que ce soit... car être gay ça n'a rien de sale, c'es au contraire très beau... et c'est tout simplement ce que je suis...
    Et quand le désir physique déchirant se mélange a l'envie de tout savoir de lui, de le câliner...de mélanger nos souffles, de me perdre en lui, c'est qu'on est amoureux... tu as raison Elodie... depuis la première milliseconde où son image a traversé ma rétine...
    Oui, il y a eu un avant et un après ce lundi 3 septembre 1998... et dans ma chaîne hi-fi, toujours et encore les chansons de Madonna en bande son de ma vie...
    Pas de regrets, pas de regrets, it's Human nature... tu me donnes la Fever... Erotic, j'ai besoin de tes mains partout sur mon corps... je veux t'embrasser à Paris, je veux tenir ta main à Rome, je veux courir tout nu sous une tempête de pluie, faire l'amour dans un train traversant le pays, tu as provoqué cela en moi... et maintenant quoi, et maintenant quoi ? Je te veux, j'ai besoin de toi, j'attends que tu soit digne de mon amour, espérant, priant, pour que tu soit digne de mon amour... for you to Justify my love... exprime-toi... tu dois le faire... t'exprimer... hey, hey, hey, hey... Express yourself... je suis fou de toi... Crazy for you...
    Oui, fou de toi, mon Jérém... quand le lendemain, en classe, tu viendras me serrer la main, chose que tu ne fera pas souvent par la suite, en me balançant... « Nico, c'est ça ? ».
    Putain... il a retenu mon prénom... ce n'est qu'à ce moment prècis, trois ans après, que je réalise enfin à quel point ce détail pouvait avoir son importance... il avait retenu mon prénom dès le premier jour...
    Oui, crazy for you, mon Jérém...

     


    2 commentaires
  •    
    C’est inexprimable… une image vague mais insistante… ça donne des frissons bizarres, mais intenses… ça éveille les sens… ça fait se poser la main autour de la queue… ça s’annonce comme un fantasme qui va bien accompagner cette branlette dans le noir, sous les draps, pour appeler le sommeil…
    C’est juste une image qui fait surface, venue d’on ne sait pas trop où… enfin, qui refait surface… car elle s’est déjà présentée à son esprit, parfois… mais elle est aussitôt repartie… et jamais elle n'est venue en même temps que l’envie d’une branlette… jamais elle n’est venue inspirer une branlette… pas avant ce soir…
    Deux potes… c’est peut-être juste cette bière de trop… cette heure tardive qui appelle aux confidences, à la proximité, à un besoin de tendresse qu’on n’a pas vu venir… ou alors juste la curiosité… oui, la curiosité… mais peut-être aussi à cause de cette envie longtemps refoulée…
     
    Suite de la rencontre avec le beau mécano.
     
    « Qu'est-ce qui est arrivé à Jérém ? Il s'est blessé? » je demande direct.
    « Tu l’as eu ? » je l’entends demander pour toute réponse.
    « Non… mais comme il ne répond pas à mes messages, je suis passé à la brasserie... j’ai entendu un serveur en parler... ».
    « C’est l'épaule qui est touchée... » m’explique-t-il.
    « C'est grave ? » je me renseigne.
    « Apparemment il n'y a rien de cassé, c’est douloureux car il a pris un sacré pet’... ».
    « Qu'est-ce qui s’est passé ? ».
    « Le rugby est un sport dangereux… » il plaisante.
    « J’imagine… ».
    « Le match a été très dur... » il reprend sur un ton plus sérieux  « au milieu de la deuxième mi-temps, un joueur de Cugnaux l’a plaqué et Jéjé est mal tombé... ».
    « Toi non plus tu n’as pas l'air en forme... » je relance.
    « Le match a été dur... » il répète.
    « Et comment ça s'est fini, vous avez gagné ? » je m'inquiète.
    « Malheureusement... non… » soupire le beau mécano « malheureusement, non… ».
    « Ah... merde... je croyais que c'était dans la poche... ».
    « Oui, c'était tout à fait dans nos cordes... si Jéjé avait été en forme... ».
    Voilà ce que je craignais... Jérém pas en forme, le match raté… le pire scénario possible… avec en malus, cette blessure…
    Soudainement je repense aux mots que Thibault m’avait glissé à l’oreille juste avant le départ du KL avec Jérém… de ne pas abuser des bonnes choses car le lendemain il avait besoin de son capitaine en pleine forme… sur le coup, cette sympathique complicité m’avait fait sourire… mais là, ça me met terriblement mal à l’aise…
    Heureusement que la fatigue m’a empêché d'aller au match, j'aurais vraiment été super mal à l'aise de le voir mal dans ses baskets… de le voir se blesser… mon pauvre Jérém…
    Pourtant…un instant plus tard je me dis que j’aurais dû être là… bien sûr, ça n’aurait rien empêché… mais je me sens coupable d’avoir passé mon après midi à roupiller et à rêvasser alors que mon beau brun souffrait…
    « Viens, Nico, on va prendre un verre... » me propose le beau mécano.
    Le soleil tape fort en cette fin d’après-midi… Thibault vient de sortir de ce garage où il devait faire très chaud… de grosses gouttes de transpiration perlent sur son front… depuis qu’on discute, le bogoss passe régulièrement les doigts ou bien le revers de la main sur les tempes pour s’essuyer… mais là, débout à discuter en plein soleil, en dépit de ses efforts, la transpiration ne lui donne pas de répit…
    Et c’est là que le beau mécano a ce geste, un geste d’une inconscience qui n’appartient qu’à ce style de mec, le style « nature », qui ne cherche pas à s’exhiber, qui n’a pas d’arrière-pensées… et qui ne mesure pas la portée de certains de ses actes dont il ne se rend d’ailleurs même pas compte…
    Le bogoss a chaud, son front dégouline de sueur… alors, dans l’absolu, le geste est naturel, évident, pratique, instinctif… pourtant… tellement chargé d’images et de fantasmes à mes yeux…
    Tout se passe en un éclair… les doigts se portent sur le bord inférieur du t-shirt… le coude se plie, au même temps que le buste… le coton se soulève, le cou s’incline, le front se pose sur le tissu pour y être épongé… geste naturel, anodin, presque enfantin…
    Ça ne dure qu’un instant, avant que les doigts ne relâchent le tissu, que ce dernier retombe sur le jeans et que le buste se relève, que tout revienne à la normale… mais pendant ce court instant, le temps s’est arrêté pour moi… à partir du moment où je me suis rendu compte des conséquences et des possibilités offertes par son geste, tout s’est passé comme au ralenti…
    Mes yeux ont filmé la courte scène en HD et chaque image est imprimée dans mon disque dur…
    Voilà la scène… le tissu commence à monter, dévoilant dans l’ordre, la partie haute de sa braguette, un joli rebondi derrière la toile, le bouton haut du jeans, presque totalement caché par une belle ceinture noire de mec… les millisecondes s’égrainent et le rideau de coton continue de monter… le spectacle vient juste de commencer… on passe du noir de la bande de cuir à une couleur plus claire… sa peau… et, comme une piqûre dans le ventre, l’apparition d’un alignement de poils régulier, assez large, fourni, des poils qui ont l’air par ailleurs très doux… et ça continue de monter… l’horizon s’ouvre sur le bas du torse du beau mâle… le territoire vallonné de ses abdos commence à se profiler… mon regard rencontre bientôt la dépression de son nombril, moins marquée que celle de mon beau brun, mais non moins érotique à mes yeux… ça remonte encore, et ses abdos se dévoilent presque dans leur intégralité… et là…
    Et là… BAM ! le rideau tombe brusquement… circulez, rien à voir…
    Mais, putain… comment s’arrêter en si bon chemin ? Putain, mec… t’as chaud… ne te gêne pas… ôte carrément ton t-shirt… on est entre potes, oui ou quoi ? Envie de voir en entier ce torse de fou… ces épaules larges, ce cou puissant de petit taureau complètement dénudé… ses tétons diaboliques que j’ai vu pointer derrière le tissu tendu… ALLEZ !!! laisse-moi te voir torse nu intégral… laisse-moi te regarder en train de passer ton t-shirt partout ou la transpiration te gêne… front… aisselles, cou, dos… et je n’ose même pas imaginer ce qui se passe en-dessous de ta ceinture… vas y, éponge partout… et à la fin, on échange nos t-shirts…
    Je deviens dingue… le fait est que ce geste, soulever le t-shirt pour s’essuyer le front, avec cette nonchalance que j’appellerais délictuelle, me fait un effet de fou… de tous les gestes érotiques qu’un garçon peut accomplir sans s’en rendre compte… celui-là, il est dans mon top 3…
    Image à la fois indelebile et si furtive, si fragile… image dont ne reste qu’une delicieuse impression, un souvenir flou mais tellement vif… provocant le bonheur en se le rememorant, et aussi la frustration, une forme de regret de ne pas en avoir profiter plus longtemps sur l’instant, ne pas se l’etre d’avantage « approprieé», s’en etre impregné, abreuvé… ne realiser qu’une fois le geste terminé, la scene terminée combien elle avait ete magique…..soupiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiirs…
    Et merci le soleil… un rayon de trop et voilà les détails anatomiques qui me manquaient pour rendre mon rêve de la veille parfait… pas tous, évidemment… mais c’est déjà pas mal… putain, que c’est déjà pas mal… putain le rugby… quel sport, quel artiste, quel façonneur de physiques de petits dieux vivants, sculpteur d’abdos à s’en rendre dingue…
    « T’as le temps ? » je l’entends de me demander, chose qui me fait penser qu’avant que je parte dans mes délires, le bogoss venait de m’inviter prendre un verre… combien de temps, après que le t-shirt soit retombé, suis-je resté à mater ses joues et son menton légèrement brunis par un duvet qu’on devine bien fourni, même rasés de près… combien de temps me suis-je attardé sur ces deux biceps qui remplissent les manchettes, au point qu'on dirait qu'elles vont exploser dès qu'il plie le bras et que les muscles bandent un peu... et il n'y a pas que ses biceps qui bandent, c'est moi qui te le dis... mec…
    « Ok, je te suis… » je réponds devant le ton empreint de gentillesse et de chaleur de sa voix, même si je suis un peu inquiet pour la conversation qui s'annonce.
    « Il fait trop chaud, ici… » commente-t-il pendant qu’on traverse la rue.
    Si tu savais à quel point, mon Thib, si tu savais à quel point…
    Une fois installés en terrasse et les deux bières commandées, Thibault démarre en trombe.
    « Je ne sais pas ce qui s'est passé, hier après-midi... Jéjé était complètement ailleurs... déjà il est arrivé en retard… ».
    « Ah bon ??? »
    « Oui… tout juste pour le début du match, et ça ne lui ressemble pas... ».
    « C’était à quelle heure, le match ? » je demande.
    « 14 heures… ».
    « Ah, bon... » je laisse à nouveau échapper bêtement, alors que je suis en train de me demander où est-ce qu'il était entre le moment où il est parti avant mon réveil et le début du match… en gros, pendant environ trois heures...
    « D'entrée il était de mauvais poil... » continue le beau mécano « il a tout juste dit bonjour... ensuite, pendant le match, on aurait dit qu’il tournait au ralenti… il a multiplié les erreurs de débutant... très vite l'autre équipe a commencé à marquer… et très vite Jéjé a commencé à s’énerver... au bout de quelques minutes, il était tendu au possible, il était hors de lui... il a été limite insultant avec certains joueurs... on a frôlé la bagarre… je ne l’ai jamais vu jouer aussi mal, et surtout je ne l'ai jamais vu s’énerver de cette façon dans un match... surtout si près de la finale… de tout le championnat il n'a pas fait un écart... et hier on s'est tapé deux mêlées et on a perdu deux fois le ballon à cause de lui... il a même eu droit à un rappel à l’ordre par l’entraîneur… ».
    Pendant que Thibault me raconte tout ça, j’essaie de déchiffrer le comportement de mon bobrun avec les cartes que j’ai en main et qui manquent au beau mécano... si Jérém était si fatigué... c'est que la nuit a été particulièrement intense, certes... je repense à Elodie comptant jusqu'à cinq sur les doigts de sa main... mais si cela explique la fatigue, ça ne dit rien au sujet du fait que, selon Thibault, « d'entrée Jérém était de mauvais poil »…
    Voilà qui est déjà plus inquiétant… Que s'est-il donc passé dans sa tête depuis notre conversation sur l’oreiller, depuis notre câlin au petit matin ? Regrette-t-il ce plan à trois qu'il a pourtant voulu ? Regrette-t-il la tendresse de cette nuit, qu'il a pourtant voulue ? Est-il encore tracassé par le fait d'avoir joué avec sa jalousie tout au long de la soirée ? Est-ce que ce sont les mots de Romain qui ont remué quelque chose de sensible ? Notamment sa dernière bonne provoc’ avant son départ un brin précipité ?
    Quoi qu’il en soit… Jérém était à l’ouest… ça lui a valu une blessure et une défaite… merde, alors...
    « Je ne l'ai jamais vu dans cet état... » continue Thibault « il était maladroit... et surtout… absent… une équipe a besoin de son capitaine… ça n’y paraît pas, mais ça compte… Jérém n’avait pas le moral… l’équipe non plus… on est partis perdants… c’était presque couru d’avance… sans Jéjé aux manettes, on s’est fait laminer...  je ne l'ai jamais vu aussi à côté de ses pompes... même physiquement... on aurait dit qu'il avait perdu tous ses moyens... au bout de quelques minutes il était complètement essoufflé... son maillot était trempé... même s’il n’avait pas été blessé, je doute fort qu’il aurait tenu jusqu’à la fin du match… ».
    « Complètement essoufflé... son maillot était trempé... »… les mots de Thibault me font soudainement penser à sa douleur dans la poitrine après notre dernière galipette… mais qu’est-ce qu’il a mon Jérém ? Juste une grosse fatigue, un gros stress… ou alors quelque chose de plus grave ? Est-ce que je vais oser parler de ça à Thibault ? Lui parler de la-douleur-à-la-poitrine-accusée-par-Jérém-juste-après-notre-dernière-galipette ?
    « Nico... » j'entends le beau mécano s’adresser à moi avec sa voix chaude, m'obligeant à lever mon regard de ses mains puissantes et à le regarder dans les yeux « est-ce qu'il s'est passé quelque chose l'autre nuit ? Vous vous êtes disputés ? ».
    Ça, pour être direct… voilà le genre de question que je redoutais…
    « Non... non... il ne s'est rien passé... » j'arrive à proférer, alors qu'évidemment mon esprit ressasse à vitesse grand V tous les événements de cette soirée, en essayant de trier ce qui a pu troubler Jérém à ce point... évidemment je ne peux pas lui dire que nous n’avons pas assez dormi car il a voulu aller au On Off, qu'il a levé/qu'il s'est fait lever par un beau barbu, qu'on a fini tous les trois à l'appart pour un plan de dingues et qu'on a baisé comme des malades jusqu'au petit matin... je choisis de répondre sans trop en dire :
    « Non, on ne s'est pas disputés... il m'a même demandé de passer la nuit chez lui... mais quand je me suis réveillé hier matin, il était déjà parti... ».
    « Et tu t’es réveillé à quelle heure ? »
    « Un peu avant midi, mais je pense qu’il était parti depuis un moment… ».
    « Qu’est-ce qu’il a foutu entre midi et deux ? Quand l’entraîneur lui a passé un savon parce qu’il était en retard, il a prétexté un problème de voiture… ».
    « Je n’en sais rien… c’est la question que je me pose moi aussi… » je lui réponds.
    « T’es sûr qu’il ne s’est rien passé qui aurait pu le mettre en rogne ? » il revient à la charge, le ton de voix toujours apaisé, pas un mot plus haut que l’autre.
    « Tu sais, Thibault… c’est pas facile avec lui… » je me lâche « entre ce qu’il voudrait être, ce dont il a envie, ce qu’il pense, ce qu’il dit, ce qu’il fait… ses sautes d’humeur… un jour blanc, un jour noir sans que lui-même sache pourquoi… c’est la pagaille… j’essaie de prendre les choses telles qu’elles viennent… parfois il se laisse aller, un peu… et il regrette ensuite… tiens… la nuit dernière il m’a un peu parlé de lui… de sa famille… évidemment je ne lui ai pas dit que certaines choses n’étaient pas nouvelles pour moi… (c’est là que je marque une pause complice en regardant tout droit le beau mécano dans les yeux et en lui montrant un petit sourire, pause pendant laquelle il me balance un clin d’œil tout aussi complice)… il m’a parlé de l’importance du rugby dans sa vie… ».
    « Jéjé s’est construit autour du rugby… » m’explique-t-il « il a besoin de ça… c’est sa façon d’exister, de se sentir vivre… de faire taire ses angoisses… ».
    « Oui, mais il y a plus important que le rugby à ses yeux… » je pense pouvoir affirmer sans me tromper.
    « Je ne suis pas sûr… » fait Thibault « si tu lui enlèves ça, Jéjé est une bombe à retardement… ».
    « Moi je te dis que si… » j’insiste.
    « Je ne vois pas… enfin… c’est vrai que j’ai l’impression que tu prends de plus en plus de place dans sa vie… » je l’entends lâcher, phrase qui arrive à mon cerveau en provoquant un bonheur certain.
    « Je parle de ton amitié, Thibault… » je continue sur ma lancée, en essayant de ne pas me laisser émoustiller par les mots du beau mécano « quand je l’entends parler de toi, j’ai l’impression, la certitude même, que Jérém n’a rien de plus cher au monde… et l’autre soir il m’a fait comprendre à quel point tu es important pour lui… depuis longtemps… à quel point il a besoin de toi… Jérém a une telle estime pour toi, un truc de fou… bien sûr… je le comprends… tu es un mec tellement chouette… il a de la chance de t’avoir… ».
    Voir un garçon comme Thibault m’écouter attentivement et apprendre de mes propres lèvres une info plaisante à ses oreilles est une expérience grisante… mais voir un garçon comme Thibault, si solide, si bien dans ses baskets, se laisser rattraper par l’émotion est une expérience touchante, émouvante. Ainsi, lorsque le regard du beau mécano s’emplit de tendresse et qu’un sourire pudique vient essayer de contenir un trouble pourtant manifeste, je le trouve attendrissant… cette belle bête toute en muscles rattrapée par l’émotion… si c’est pas une image d’une beauté surnaturelle…
    Je me trouve là devant un Thibault mis à nu sur ce qu’il a de plus intime. Son amitié avec mon bobrun. Avec son Jéjé. C’est là que je me dis qu’au fond, derrière son image de mec solide, derrière son caractère apaisé, inébranlable… Thibault n’en demeure pas moi un adorable choupinou de 19 ans, un garçon excessivement sensible et avec des besoins affectifs, comme tout le monde…
    Et pendant que je le regarde lutter contre l’émotion, je vois apparaître en filigrane dans son regard, cet enfant qui pleure et qui est quelque part en chacun de nous, sans exception, et à tout âge… je sais qu’il pleure parce que son pote lui manque… parce qu’il s’inquiète pour lui… pour l’avenir, pour son départ…
    J’ai soudainement très envie de le serrer très fort contre moi… envie de le câliner, le prendre dans les bras, lui donner de la tendresse, le rassurer… une envie qui va même au-delà de la sensualité furieuse qu’il m’inspire… oui, Thibault… toi, de tout temps si protecteur, rassurant… toi aussi tu mériterait de connaître cela, pouvoir t’abandonner, te laisser aller, te sentir protégé, réconforté… tu es tout le temps en train de veiller sur ton pote, tout le temps en train de faire attention aux personnes autour de toi…  dans l’intimité, tu dois être un garçon à qui il fait bon s’abandonner… rassurer… c’est le rôle du mec, ça… bien sûr, on ne peut jamais présager des équilibres dans l’intimité d’un couple… parfois l’élément « fort » n’est pas celui qu’on croit… en tout cas, rassurer c’est très souvent le rôle d’un mec comme toi, Thibault… un mec qui prend tout le monde dans tes bras, que ce soit au sens propre, ou au sens figuré…
    Mais toi, beau Thibault… qui te prend, toi, dans les siens ? Qui te fait un vrai câlin, celui que tu mérites, quand vraiment tu en as besoin ? »… tu es tellement touchant… si j’osais, je passerais mes mains autour des tiennes comme tu l’as fait la dernière fois, pour me réconforter… mais je n’ose pas…
    « On aurait dit que quelque chose le tracassait... » relance le beau mécano comme pour se secouer de cette émotion et reprendre le dessus.
    « On a parlé aussi de mes études à Bordeaux… » je lance, la voix encore marquée par l’émotion.
    « Tu sais, Nico… toi aussi tu es important pour lui… il ne veut pas l’admettre, mais c’est bien le cas… et moi je le sais, je le sens… ».
    « Je ne sais pas… je ne sais pas… » je bégaie, ému à mon tour. Je n’ai pas envie de chialer une fois de plus devant cet adorable Thibault qui s’est lui aussi retenu de justesse, alors je tente de changer de sujet.
    « Et le championnat ? » je lance, tout en attendant la réponse à ma question avec une certaine inquiétude.
    « Si on avait gagné hier, on serait arrivés peinards dimanche prochain face à Colomiers... maintenant, il nous faut impérativement gagner dimanche prochain, sinon c'est foutu… ».
    « Il pourra jouer ? » je m’inquiète.
    « On en sait rien, il faut voir comment son épaule évolue dans la semaine... ».
    « Et s’il ne peut pas ? »
    « Pas cool… sans lui, ça va être plus compliqué... ».
    « Merde… ».
    « C’est la vie, c’est le sport… c’est comme dans Forrest Gump… » fait le beau mécano.
    « La vie est comme une boite de chocolats… »
    « Et le rugby c’est pas mieux… »
    « Oui mais ce serait dommage… ».
    « Ça c’est sûr… tous ces efforts pour rater le dernier coche... surtout que déjà l’an dernier on est passés si près du but… Jéjé était tellement déçu il y a un an… on y avait cru jusqu’à la dernière minute… perdre en finale pour une poignée de points… ça fait mal… alors, depuis la rentrée, il s'est donné comme jamais... tout le monde s’est donné à fond… mais Jéjé a mouillé le maillot plus que son dû... il était tellement heureux d'y arriver enfin... qu'on y arrive tous ensemble... si ça foire... il va péter un câble... je le sens... ».
    « J’espère vraiment qu’il va être en forme pour dimanche prochain… ».
    « J'ai passé la soirée avec lui aux Urgences à Purpan... apparemment ce n'est rien qui ne se soigne pas avec un anti-inflammatoire, un analgésique et une bonne dose de repos... ».
    « Il n’a pas eu des douleurs à la poitrine ? » je demande à brûle-pourpoint. Il fallait que ça sorte à un moment ou à un autre.
    « Si… si… mais comment tu sais ça ? ».
    « La nuit dernière il a eu mal aussi… après la dernière… je veux dire… le dernier… enfin… » voilà comment je me lance dans un pétrin sans nom.
    « Le dernier câlin ? Ce qui laisse imaginer qu’il y en a eu plusieurs… et voilà qui explique pas mal de choses… » fait-il avec un beau sourire dans lequel il me semble déceler une petite étincelle coquine.
    « Oui… » je réponds, gêné, limite honteux.
    « Nico, il ne faut pas avoir peur des mots… t’as pas à avoir honte… vous vous faites du bien, et il n’y a aucun mal à ça… ».
    « Je sais… » je fais, à la fois rassuré sur le fond mais gêné à cause de ma bêtise.
    « Quel petit con, quand même ! » s’exclame Thibault sans transition « il m’a juré que c’était la première fois que ça lui arrivait ! ».
    « Il en a parlé aux urgences ? » je demande.
    « T’imagine bien qu’il ne voulait rien dire… j’ai dû commencer à en parler à sa place pour qu’il se décide à se mettre à table… à force, il lui ont fait passer un électrocardiogramme… résultat des courses… le médecin  a décrété qu’il a rarement vu un cœur en aussi bonne forme, aussi musclé et bien rythmé… on a perdu une heure de plus, mais il fallait en avoir le cœur net… ».
    « Ah… c’est clair… je suis rassuré… la nuit dernière je me suis inquiété aussi… je voulais l’amener aux urgences, car il avait l’air d’avoir vraiment mal… mais moi… moi il ne m’écoute pas… ».
    « C’est pas un mec facile, le Jéjé… il a un sacré caractère… » plaisante le beau mécano.
    « Ça, je ne te le fais pas dire… » je lui confirme du tac au tac, avant de lui lancer « mais toi au moins tu arrives à le raisonner… ».
    « C’est que je ne lui laisse pas le choix ! » plaisante-t-il, adorable, et il continue, sur le même ton « si tu savais, Nico… le dresser a été un travail de longue haleine… et encore… il n’en fait souvent qu’à sa tête… je me bats tout le temps avec… ».
    « J’imagine.. j’imagine… » je lui fais en écho, amusé.
    « Le médecin lui a juste dit de se ménager… » explique-t-il « car il a quand même fini par remarquer que si Jéjé avait une petite forme, c’était probablement à cause d’un manque de sommeil… il lui a carrément balancé qu’il ne fallait pas faire la nouba jusqu’à pas d’heures une veille de match… parce que c’est ça qui est arrivé, n’est-ce pas Nico ? ».
    « Un peu… » je tente de rigoler, démasqué.
    « Enfin, moi aussi je suis rassuré… » fait-il « si sa petite forme n’était due qu’à un excès de bonnes choses… ce n’est pas bien grave… ».
    « J’aurais dû rentrer chez moi… ». Sans transition, le Nico passe en mode auto-flagellation.
    « Je suis sûr qu’il avait besoin de toi hier soir… » réagit Thibault, rassurant « je pense qu’il a été très surpris de te voir prendre la direction de la sortie au KL avec ce mec… ».
    « Il ne me calculait pas… je me suis dit qu’il allait encore se taper… un… » je tente de m’expliquer en remplaçant de justesse ‘plan à 4’ par « …une nana… j’avais pas envie de le regarder partir de son côté… et puis c’est ce mec qui est venu me voir… je ne m’y attendais pas… et… ».
    « T’as pas à te justifier, Nico… » il me coupe, rassurant « t’as fait ce qui te semblait juste… et en plus… t’as vu comment il a rappliqué ? ».
    « Oui… ».
    « Il tient à toi, c’est sûr… il peut se comporter comme un con, mais il tient à toi… je pense qu’il aurait été très malheureux si tu étais parti avec l’autre mec… ».
    « Ouais… mais je pense vraiment que, une fois en ville, j’aurais dû repartir chez moi… » j’insiste.
    « Tu plaisantes, j’espère… quoiqu’il se soit passé cette nuit, il l’a voulu, autant que tu l’as voulu… et tu n’y es pour rien… un accident est un accident… et puis ça lui est déjà arrivé de foirer un match parce qu’il a trop donné de sa personne la nuit d’avant… si tu vois ce que je veux dire… » rigole le beau mécano qui n’a pas son pareil pour rassurer, dédramatiser, relativiser, soigner l’angoisse, pardonner chez l’autre, donner envie de faire la paix avec soi-même et faire mieux la prochaine fois.
    « Il a dû être très déçu de ne pas pouvoir finir le match… » je relance.
    « Oui... il était très déçu... c'est le moral qui a pris le plus gros coup, plus que l'épaule... surtout quand l’entraîneur l’a obligé à sortir… Jéjé ne voulait pas… là encore il s’est énervé grave… j’ai eu peur qu’ils en viennent aux mains… mais l’entraîneur a bien fait d’insister… ça aurait pu être plus grave… ».
    Ça me rend triste de savoir Jérém et Thibault dans la merde vis à vis du championnat... après tous leurs efforts... je tente d’imaginer l’ampleur des séquelles laissées par le passage de cette nuit sur mon beau brun… j’imagine qu’elle a dû avoir l’effet d’un rouleau compresseur... sur son corps, dans sa tête... ce n’est vraiment pas le genre de nuit qu'il faut la veille d’un match décisif... si seulement j'avais su me tenir à carreau... ne pas flirter avec Martin... ne pas le provoquer… on serait rentré ensemble... ou pas... mais la nuit aurait été bien plus calme pour lui... physiquement autant que mentalement… son corps se serait reposé et son esprit n'aurait pas connu tant de sollicitations troublantes... et le match se serait mieux passé…
    Je ressens un malaise grandissant devant cet adorable Thibault... un Thibault qui ne me demande pas de comptes, un Thibault qui se veut rassurant comme à son habitude, mais un Thibault qui dégage quand même une certaine inquiétude au sujet de son pote, une inquiétude qui résonne en moi...
    Je n'ose à nouveau plus le regarder dans les yeux, je fuis son regard... j’ai l’impression que je ne lui ai pas tout dit… l’impression de lui mentir… même si ce n’est que par omission, et que mes omissions relèvent d’une intimité avec mon beau brun qu’il serait certainement malvenu de partager, même avec lui…
    Oui, je ne lui mens que par omission et déjà je me sens très mal à l’aise… je me fais la réflexion que c'est dur de mentir à un garçon aussi exceptionnel que Thibault... car dès qu’on le connaît un peu, on a envie de mériter sa confiance… mieux que ça, on en a réellement besoin… Thibault est le genre de mec qui, rien qu’avec un regard, rien qu’avec sa présence, donne envie de marcher droit, dans son sillage…
    C’est dur de lui cacher des choses, mais je devine que ce serait encore plus dur de voir la déception dans son regard… car c’est sans doute de la déception qu’il ressentirait si jamais il savait pourquoi son pote n’était pas en forme… s’il pouvait apprécier le rôle de mon comportement dans la séquence d’événements de la nuit dernière qui ont amené à un Jérém HS sur le terrain de jeu…
    J’ai l’impression que décevoir un gars comme Thibault, serait dur, dur c'est comme se décevoir soi-même...
    Soudainement, je me mets à la place de Jérém pendant le match, lorsqu’il s’est rendu compte qu’il n’était pas en état de mener le jeu… Jérém croisant le regard de Thibault pendant les adversités du match, à cause de son insuffisance physique... lui aussi, et plus encore que moi, a dû craindre de lire la déception dans le regard de son meilleur pote... je n'ose imaginer le bordel dans sa tête… le malaise vis-à-vis de son équipe qui compte sur lui et qu’il va décevoir… mais surtout le malaise vis-à-vis de Thibault, l'ami le plus proche, dont l'estime lui est indispensable…
    Oui, décevoir un gars comme Thibault, doit être dur, comme se décevoir soi-même... mais décevoir un pote comme Thibault, ça doit être carrément insupportable...
    « T'en fais pas… » tente de me rassurer le beau mécano, en laissant un sourire charmant illuminer son visage et faire vibrer nombre de cordes sensibles en moi « Jéjé est comme ça... quand le vent tourne, il démarre vite... mais il est aussi capable d'incroyables sursauts pour obtenir ce qui lui tient à cœur... ».
    Pendant qu’il parle, je le regarde, hypnotisé par son sourire… qu’est-ce qu’il est sexy, ce mec… sexy, rayonnant de sensualité… une sensualité bien à lui, une sensualité frappante, puissante, mais si différente de celle de mon Jérém…
    Jérém est un magnifique animal sauvage, au physique d’une beauté aveuglante, brûlante évoquant une sexualité torride, débridée... Thibault possède un autre genre de physique, un physique dont le charme résulte d’un mélange subtil entre puissance, assurance et douceur… un style si différent de celui "je suis bogoss, je le sais, je me la pète" de mon bobrun… Thibault fait très naturel, gentil, doux, « calinable » et « baisable »… on se dit que l’amour avec lui ce serait doux, tendre mais sensuellement puissant, sûrement très intense… Thibault fait garçon sage… mais on aime imaginer, tapi derrière sa sagesse, un potentiel de sensualité peut-être encore inexploré… bref, on est conquis par son côté gentil garçon… mais en même temps on a envie de déclencher chez lui toute la fougue qu'il semble retenir derrière son air de genre parfait… on voudrait le voir se lâcher... assister au spectacle sans prix de la découverte de plaisirs inconnus…
    Putain, je m’égare… me voilà hors-sujet…
    Thibault, Jérém, deux potes, si proches, si différents…Thibault attachant, Jérém plus distant… Thibault réfléchi, Jérém impulsif… Thibault doux, Jérém cassant… Thibault posé, rassurant, Jérém constamment en mouvement, imprévisible… Jérém meneur fougueux, Thibault tout en équilibre, en retenue et sagesse.
    Tant d’années plus tard, me promenant dans une fête d’été en ville, je me trouve si souvent confronté à des gifles visuelles et olfactives de bogoss croisés ici et là, à en avoir le tournis… dans nombre d’entre eux, je retrouve un côté petit con à la Jérém… mais il est beaucoup plus rare de croiser un charme viril à la Thibault… car le « Thibault » est un animal plus rare, plus discret que le petit con à la Jérém… surtout à l’âge de 19 ans…
    « Là il est un peu abattu… » j’entends le beau mécano continuer « mais je suis sûr qu'il va vite se remettre en état de marche et que dimanche prochain il va tout déchirer... on va tout déchirer... ».
    Pendant que je jongle entre mes réflexions, le son doux et chaud de sa voix, ses mots que je bois comme du petit lait, j’ai tout juste remarqué que la sonnerie de son portable a commencé à retentir.
    Tout en terminant sa phrase, le beau mécano extrait l’appareil de la poche de son jeans et, après avoir consulté l’écran, il me lance :
    « Désolé, il faut que je réponde… c’est important… ».
    J’essaie de le mettre à l’aise en lui adressant un petit sourire.
    « Allo ? » fait-il en décrochant. Le ton est ferme, chaud, assuré, gentil, adorable. Ça donne envie de l’appeler.
    Un « âllo » suivi de près d’un certain nombre de réponses et d’interrogations, de courts échanges dont je n’entends pas les répliques, une conversation dont je ne comprendrai les tenants et aboutissants qu’une fois la communication terminée, tout en découvrant quelque chose de fondamental au sujet du beau mécano.
    « Je viens de sortir du taf… ».
    « Je suis à proximité de la Gare Matabiau… ».
    « Avec les bus, je peux y être dans dix minutes ».
    « Qu’est-ce qui se passe ? ».
    « Où ça? ».
    « Dans un immeuble ? ».
    « Ok, ok, j'arrive… à tout… ».
    « Désolé, Nico » fait-il en raccrochant et en se levant au même temps ; il n’a pas terminé sa bière, mais il n’a pas oublié de glisser deux pièces de dix francs sur la table ; il a l’air soudainement très pressé « il me faut y aller… ».
    « Rien de grave ? » je l’interroge, sans encore comprendre ce qui se passe.
    « Non… enfin… je ne sais pas trop… il y a un feu dans un immeuble vers chez toi... avenue de Muret… je dois me rendre à la caserne au plus vite… ».
    Soudainement ça fait tilt dans ma petite tête engourdie.
    « Mais tu es pompier... ? » je finis par laisser échapper bêtement.
    « Je suis juste volontaire, depuis deux ans… ».
    « Ah, oui… je ne savais pas… »… de plus en plus bête, Nico…
    « Je dois y aller, Nico… » il coupe court « on se recapte un de ces quatre si tu veux, je te tiens au courant pour Jéjé… et t’en fais pas, ça va aller… ».
    « Ok, bon courage… ».
    Venir à la rencontre de celui qui était jusque là le meilleur pote de mon Jérém, un beau mécano… échanger la bise, comme des potes… sentir sa main qui se pose sur mon bras pour empêcher de me vautrer sur le goudron… voilà une expérience magique…
    Mais me séparer de celui qui sera désormais et avant tout à mes yeux un jeune pompier volontaire… nous quitter en me laissant serrer brièvement dans ses bras et en nous claquant la bise à nouveau mais de façon plus pressée, en sachant qu’il part en mission… voilà que ça me donne carrément des frissons indicibles…
    Thibault jeune pompier volontaire… et voilà un truc qui m'avait échappé… un truc dont je suis étonné de ne pas en avoir entendu parler plus tôt… bien sûr, je ne le connais pas depuis longtemps… mais je trouve bizarre que ni lui ni Jérém ne m’en aient jamais parlé… en même temps… entre la discrétion de Thibault qui n’est pas du tout le genre de mec à se faire mousser pour quelque chose qu’il fait en plein esprit civique… et un Jérém avec qui, après des mois de baise pure, je commence tout juste à avoir des conversations… pas étonnant que ce genre d’info ne me soit pas parvenue plus tôt…
    Putain… Thibault… pompier… ça en jette grave… en même temps… ça ne m’étonne pas de lui… ça lui ressemble tellement… pompier… c’est tellement Thibault, ça…
    Je regarde ce physique de bogoss s’éloigner, soudainement animé par un empressement qui est pur dévouement à une noble cause… mon regard se pose une fois encore sur ces putains de biceps qui non seulement remplissent bien ces manchettes bicolores… mais qui semblent carrément en forcer le coton au moindre mouvement musculaire…
    Oui, je mate ce beau physique en me disant que désormais je le regarderai autrement… car à chaque fois que je verrai apparaître ses bras, son torse… je ne verrai plus seulement le bogoss, charmant, gentil et bienveillant au possible… le meilleur pote de mon Jérém… ou encore… un rugbyman scandaleusement sexy... ni seulement un mécano consciencieux passant sa journée les mains dans le cambouis...
    Désormais, lorsque je croiserai son regard, je me dirai que parfois ce même regard a dû voir des choses difficiles à affronter… qu’il a vu la souffrance… et que ses bras, ses jambes, et certainement ses mots, sa voix rassurante, ont contribué à la soigner…
    Oui, « pompier » éveille en moi une estime et une admiration sans limites… pompier est un mec qui peut être appelé à devenir un héros... pompier est un mec qui peut sauver des vies... parfois au péril de la sienne…
    Bien sûr, l’estime avant tout… et si en plus on parle du côté charme… il faut admettre que « pompier » ça en rajoute grave… je n’ose même pas l'imaginer dans son uniforme de service… cet élément si spécial, part intégrante du fantasme : l’uniforme, symbole de l’autorité, de la soumission à l’autorité… et de vestiaires communs…
    Oui, c'est à partir de ce moment-là que Thibault à été propulsé à mes yeux dans une nouvelle dimension... une dimension où il m’apparaît désormais comme étant un être supérieur… soudainement, son amitié me devient indispensable… on a forcément envie d’être pote avec un mec pareil… même si devant tant de noblesse d’esprit… on se dit que cette amitié, il faudra la mériter… et c’est peut-être là qu’est la plus grande valeur d’un garçon comme Thibault… un mec comme ça, aussi pur, aussi droit, ça donne envie d’être meilleurs.
    Je le regarde partir d’un pas soutenu… et à un moment, partir carrément au pas de course… je le regarde jusqu’à ce qu’il disparaisse de mon champ de vision… je le regarde en me disant que ce mec est un ange tombé du ciel, par erreur…
    Quand je pense que je n’ai même pas pensé à le féliciter…
    Soudainement mes petits tracas sentimentaux prennent une autre proportion, je relativise. Mais ça ne dure qu’un temps… hélas, lorsque sa présence rassurante s'éloigne... lorsque je regarde l’écran de mon portable immuablement vide… mes petits soucis reviennent au galop… l'angoisse me happe à nouveau... je sais que l’accident de Jérém… ça va me tomber sur le coin de la gueule...
    Après ce que je viens d’apprendre, je sais que je n’oserais pas aller le voir. Je n’ai pas demandé l’avis de Thibault à ce sujet, je n’ai pas eu le temps, je n’ai pas osé.
    De toute manière, son silence après mon sms semble assez explicite… « fiche-moi la paix ! »… j’ai l’impression de l’entendre d’ici…
    Demain je m'envole pour Londres et cette angoisse risque fort de gâcher le plaisir de ce concert tant attendu... comment je vais retrouver Jérém à mon retour ? Est ce que je vais seulement le revoir ? Quand ?
    Tout part en vrille… je pense que Jérém doit m’en vouloir pour cette défaite, pour sa blessure... et si jamais dimanche prochain il n'est pas en état d'assurer le jeu... que son équipe gagne sans lui ou, pire, qu'elle perde sans lui, il va me détester…
    Mais quoi faire ? Ce qui est fait, est fait… et, comme le dit le jeune pompier, « ce qui s’est passé la nuit dernière, Jérém l’a voulu autant que moi »… je repense au concert… mon esprit est déjà dans l’avion… heureusement qu’Elodie sera du voyage… on va bien se marrer ensemble… sa présence me rassure… c’est la première fois que je prends l’avion, que je pars dans une très grande ville à l’étranger…on va passer trois jours ensemble, trois jours de dingue… et les soucis de Toulouse, je vais essayer de les laisser à Toulouse…
     
    Allongé seul dans son lit, les draps propres sur sa peau fraîche tout juste douchée, il attend le sommeil.
    Son corps est fatigué, il sent qu’il ne va pas tarder à venir. Il repense à sa journée. Au boulot ça s’est bien passé… une journée bien remplie mais ça a bien avancé… ça se passe bien tout le temps… il faut dire que son métier, il l’aime, il ne se verrait pas faire autre chose. Il y a bonne ambiance au taf, les gars sont sympa. Il repense à la déconnade avec ses collègues à la pause de midi et il en rigole tout seul, dans le noir.
    Oui, au taf l’ambiance est bonne.. et lui, pour sa part, il fait tout ce qu’il peut pour qu’elle le reste. Il fait tout ce qu’il peut pour rendre service. Pour désamorcer les tensions. Pour que tout se passe bien. Toujours prêt à donner un coup de main, ou juste un conseil quand on lui demande, et avec le sourire en prime.
    Depuis un an qu’il est embauché, il sait qu’il a beaucoup appris… il sait que le patron l’apprécie beaucoup, et il lui a déjà parlé à mi-mots d’un poste de responsable d’atelier à pourvoir sous peu dans le deuxième garage qui va bientôt ouvrir à Balma. Une belle promotion. Il sait que c’est un gros challenge, qu’il a encore des choses à apprendre, et il se donne à fond.
    L’intervention route de Muret aussi s’est bien passée. Plus de peur que de mal. Juste un feu de poubelles. Encore des mômes désœuvrés. Leurs parents n’ont pas dû avoir l’idée ou les moyens de les initier au rugby ou au foot, c’est dommage… taper dans un ballon avec ses potes évite souvent de faire des conneries avec ses potes… c’est dommage que tout le monde n’ait pas la même chance dans la vie…
    Oui, plus de peur que de mal, mais il vaut mieux ça… bien sûr, c’est con et coupable de faire déplacer des pompiers pour des bêtises de mômes… mais il vaut encore mieux ça que de devoir se rendre sur un accident de la route et passer des heures en essayant de désincarcérer un corps inanimé dont on ne connaît pas la gravité des blessures… car cela lui est arrivé, lors de l’une de ses toutes premières missions… il n’a pas oublié cette sensation d’impuissance, cette leçon d’humilité qu’on se prend en pleine gueule, cette angoisse qui guette face à une vie en danger… surtout lorsqu’on a tout juste 18 ans.
    Il a toujours voulu être pompier. Rendre service est dans ses gènes. Aider et soulager, sa devise. Et ce soir il est fatigué, mais il se sent bien.
    Entre le taf et l’intervention, il y a eu une rencontre intéressante, qu’il regrette d’avoir dû interrompre un peu brusquement. La conversation avec Nico a été enrichissante. Car, depuis, il a désormais en main un début d’explication pour la mauvaise performance et l’état physique de son pote lors du match de la veille… il est rassuré, du moins de ce côté-là…
    Et puis il y a eu ces mots de Nico qui l’ont touché, vraiment touché… comme quoi Jérém ressentirait pour lui une estime et une amitié sans limites… il ne sait pas pourquoi les mots de Nico l’ont autant touché… il le sait depuis longtemps que l’amitié qui le lie à son pote de toujours est profonde, sincère, irremplaçable, et il sait aussi qu’elle l’est dans les deux sens… car, même si Jérém n’a jamais été trop bavard à ce sujet, préférant se retrancher pudiquement derrière des non-dits typiques des mecs de leur âge, il l’avait bien ressenti, à bien des occasions… dans leur complicité, leur entente, leur confiance réciproque…
    Oui, ça fait longtemps qu’il sait qu’il a une place importante dans la vie de son Jéjé… mais entre ressentir les choses et les entendre, même si elles sont rapportées… il y a juste un surplus d’émotion qu’il a failli ne pas arriver à contenir… il sait que le petit Nico a été sincère… lui, si proche de la source de l’info, il sait qu’il peut lui faire confiance…
    Ce sacré Nico… envie de le connaître un peu mieux, envie de comprendre qui est ce garçon qui a chamboulé la vie de son pote, ce sacré bonhomme qui a l’air sincèrement amoureux de son Jéjé... envie de se rapprocher de Nico… et non pas pour avoir de lui les réponses qu’il n’a pas de son pote, mais juste pour garder un œil bienveillant sur lui…
    Car s’il est rassuré sur la forme physique de Jérém, à ses yeux d’autres inquiétudes demeurent, notamment dans le fait qu’un malaise, des non-dits, des malentendus s’installent entre eux justement à cause de la relation avec Nico…
    Il repense à l’état de Jérém en arrivant dans les vestiaires tout juste avant le match… son regard fuyant… gêné, honteux… est-ce que Nico lui a vraiment tout dit ? Par ailleurs… est-ce que vraiment il aurait pu lui en dire plus ? Bien sûr, il le sait… les histoires sur l’oreiller, ça ne le regarde pas…
    Pourtant… très dur de se sentir tenu à l’écart… et encore plus dur de sentir les non-dits, de plus en plus nombreux, de plus en plus encombrants, comme un mur invisible mais de plus en plus épais, se cumuler entre son pote et lui, les éloigner…
    Les non-dits… il a eu l’impression de s’y cogner de plein fouet justement pendant ce maudit match… dans cette chronique d’une défaite, une image le hante plus que toute autre… un regard… le regard de son Jéjé à bout de forces… un Jéjé qui se sent impuissant face à l’ampleur de la tâche et à son manque de ressources pour y parvenir… Jéjé perdu, désemparé… un regard qu’il n’arrive pas à oublier… c'est triste le regard d’un mec sur le point de voir son rêve de toujours lui échapper des mains… son visage défait… la honte de ne pas y arriver… voir sa déception… et, dur par-dessus tout, arriver à capter dans ce regard quelque chose qui ressemblerait à une autre peur, la peur de le décevoir, lui, l’ami de toujours…
    Cet échange de regards avec Jéjé l’a vraiment marqué et attristé... jamais encore il n’avait vu ce regard dans les yeux de son pote… il l’avait déjà vu déçu, mais jamais dépité à ce point… il l’avait déjà vu déçu, mais encore il y a quelques semaines ils en auraient parlé juste après le match, dans les vestiaires, la serviette à la main, sous la douche, sans faute. Jéjé lui aurait dit ce qui se passait, quels soucis le tracassaient… et lui il aurait joué son rôle de grand frère, il l’aurait rassuré…
    Mais pas cette fois-ci. Dès la fin du match, il était parti le rejoindre aux urgences à Purpan. Ils avaient attendu un long moment. Il avait tout tenté pour essayer de le détendre, de le déculpabiliser, de relativiser l’échec… l’humour, les mots apaisants dont il avait le secret, le rappel d’autres moment difficiles qu’ils avaient fini par surmonter… pourtant, malgré les nombreuses perches, Jérém n’avait pas voulu en parler… il avait quand même continué à lui faire la conversation, pour tenter de l’extirper de son broyage intensif de noir… chose qui avait fini par agacer Jérém qui avait fini par balancer, sur un ton très agacé : « J’ai été minable !, je n’ai pas d’excuse, rien à dire de plus ! », et il s’était refermé comme une huître…
    Thibault avait été surpris et s’était tu. Il avait attrapé une vieille revue auto sur la table basse juste à côté et il s’était plongé dedans. Et le malaise s’était encore un peu plus installé entre eux…
    Et ce soir, dans son lit, les yeux ouverts dans le noir, il revoit encore le regard dépité de son pote en plein match… à force de ressasser cette image, il finit par se demander si dans le malaise de Jérém il y avait aussi le fait de se sentir comme sali, honteux par rapport à ce qui s’était passé la nuit précédente avec Nico… ces excès inavouables qui étaient à la base de son forfait physique…
    Trop de non-dits, depuis trop longtemps déjà… se dit Thibault, dans son lit… il faudrait évacuer ça… au plus vite… car une amitié sans partage… une amitié où l’on n’ose plus se dire les choses… où les différences s’ignorent, c’est une amitié qui a les jours comptés… à force d’ignorer nos différences nous ne marcherons plus ensemble… ce couplet de Mylène entendu à la radio ce jour-là, résonne soudainement dans sa tête comme une sonnette d’alarme…
    Et parce qu’il ne veut pas perdre son pote, pour rien au monde, surtout si dans quelques temps il part travailler loin… pour que la distance de cœur ne s’ajoute pas à la distance physique, Thibault se sent motivé pour faire le premier pas vers son pote… pour lui parler… évacuer le malaise, affronter le « dossier Nico », ce si beau dossier au fond, ce dossier qui n’a rien à se reprocher…
    Oui, l’affronter, mais sans forcement affronter le sujet « Sexualité » plus en général… si Jéjé a besoin de Nico, ce n’est pas pour autant qu’il a changé du tout au tout… que ce soit une passade ou quelque chose destiné à durer, Jéjé a besoin d’être rassuré, de se sentir compris, accepté…
    Mais comment arriver à lui montrer tout ça, la force de son amitié, s’il ne lui parle pas, s’il ne lui en offre pas la possibilité ?
    C’est bien la  première fois qu’il ne cherche pas à se rassurer auprès de lui… et c’est dur à vivre pour le jeune pompier…
    Mais il faut à tout prix que Jéjé sache que lui, Thibault, il sait et que ça ne pose aucun problème, que ça ne change rien, absolument rien dans leur amitié… il faut qu’il sache, sans pour autant que son pote pense qu’il est passé par Nico pour avoir des infos qu’il ne voulait pas encore partager avec lui… bien sûr, il a aimé échanger avec Nico… mais de toute façon… même avant de parler avec Nico, le beau pompier avait tout compris… c’est juste que… parler avec Nico au sujet de son pote… le rassure…
    Il lui faut à tout prix parler à Jérém… crever l’abcès avant qu’il ne tue leur amitié… mais comment s’y prendre pour parler à Jéjé sans blesser son amour propre, sans qu’il se sente jugé, regardé différemment, démasqué, sans qu’il ait honte, sans le braquer… comment s’y prendre pour lui faire comprendre qu’il n’a pas à se cacher de lui, et à se cacher tout court, au sujet de ce qui se passe avec Nico… qu’il n’a pas à craindre son jugement…
     
    C’est inexprimable… … une image vague mais insistante… ça donne des frissons bizarres, mais intenses… ça éveille les sens… ça fait se poser la main autour de la queue… ça s’annonce comme un fantasme qui va bien accompagner cette branlette dans le noir, sous les draps, pour appeler le sommeil…
    C’est juste une image qui fait surface, venue d’on ne sait pas trop où… enfin, qui refait surface… car elle s’est déjà présentée à son esprit, parfois… mais elle est aussitôt repartie… et jamais elle n’est venue en même temps que l’envie d’une branlette… jamais elle n’est venue inspirer une branlette… pas avant ce soir…
    Deux potes… c’est peut-être juste cette bière de trop… cette heure tardive qui appelle aux confidences, à la proximité, à un besoin de tendresse qu’on n’a pas vu venir… ou alors juste la curiosité… oui, la curiosité… mais peut-être aussi à cause de cette envie longtemps refoulée…
    Deux potes qui décident de se laisser aller… qui se disent que si l’autre est partant, pourquoi pas… que, ma foi, il n’y a pas de mal à se faire du bien… d’autant plus que l’envie est là, bien là…
    Deux potes qui vont goûter aux plaisirs entre mecs… leurs premières caresses timides, encore freinées par les interdits… et puis, les barrières tombent les unes après les autres… désormais guidés par  l’instinct, les voilà s’autorisant le premier baiser, timide, hésitant… un premier baiser qu’ils auront trouvé rudement bon, excitant, suivi par d’autres, de plus en plus passionnés, de plus en plus sensuels…
    Deux corps qui cèdent à l’envie de se mélanger, de partager un plaisir inconnu… un plaisir qu’on a envie de partager avec lui, et avec lui uniquement… le pote de toujours… celui qui nous connaît plus que quiconque, par qui on se sent compris plus que par quiconque… avec qui on se sent en confiance, plus qu’avec quiconque… à qui on a envie de faire du bien… plus qu’à quiconque… ce pote qui nous intrigue, dont la sexualité, dernière facette inconnue dans une complicité presque parfaite, nous intrigue…
    Le mains qui s’affolent, l’urgence du plaisir qui s’empare des corps, qui embrase les esprits… rencontre d’envies, chacun déshabillant l’autre à la découverte de ce corps anatomiquement identique au sien, mais si inconnu encore…
    Enfin… presque inconnu… car, bien sûr, il y a eu les vestiaires, les douches… mais ce n’est rien par rapport à cette découverte visuelle rapprochée… bien sûr, il y a eu des gestes de potes, une main sur l’épaule, un bras autour du cou, les contacts pendant le jeu… mais ce n’est rien par rapport à cette découverte tactile libérée, passionnée… et aussi… on connaît depuis longtemps l’« odeur » de l’autre, ce ressenti olfactif si unique, si familier, si rassurant… ce mélange de déo, de gel douche, de transpi… mais ce n’est rien par rapport à cette découverte olfactive pendant que les peaux se frôlent, une proximité où les narines se chargent de l’odeur légère et tiède de l’autre… où les petites odeurs de mec se mélangent, au même titre que les corps…
    Connaître la douceur et le goût de la peau de l’autre, de ses lèvres… goûter au plaisir indescriptible d’une langue qui court et glisse dans le cou, sur le torse, les tétons, une langue qui provoque à la fois des frissons chez soi et chez l’autre… ressentir un frisson inouï lorsque les braguettes s’ouvrent… lorsque les sous-vêtements se baissent petit à petit… lorsque les mains, enfin débridées, libèrent, dévoilent…
    Le premier contact avec une queue autre que la sienne… expérience inédite, qu’ils pensaient interdite, impossible, quelle expérience pour ces deux mecs, eux si hétéros, si portés sur les nanas… expérience qui sera leur truc à eux, rien qu’à eux…
     
    … et sur cette image de découverte de bonheur entre garçons, la jouissance arrive… elle vient mouiller des abdos musclés, ainsi qu’un chemin de bonheur large, brun et fourni… les jets se succèdent, dans le noir, lourds, chauds, denses… lorsqu’ils cessent, la main arrête aussitôt ses va-et-vient…
    La jouissance a été puissante… elle vient de s’abattre comme un éclair, comme une décharge électrique dans le cerveau et dans le corps du beau mécano…
    Le beau pompier vient tout juste de jouir… et déjà le fantasme s’évapore, comme une petite fumée balayée par un vent puissant, laissant derrière lui un petit mais insistant arrière-goût de culpabilité…

     


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  • Et lorsque sa silhouette déboule dans la rue, lancée à bonne allure, le pas assuré, la sensation est toujours la même… putain, qu’est ce qu’il est bien gaulé, qu’est ce qu’il est charmant et séduisant, comment tout transpire la gentillesse et la droiture chez lui…

    T-shirt vert scandaleusement ajusté à son torse tout en muscles… avec un bord blanc autour de ces manchettes si bien remplies, ainsi qu’autour de son cou puissant… ce t-shirt est un truc de ouf… mais comment peut-on être aussi bien foutu… et si sexy… avec un simple t-shirt, un jeans, et des baskets ? Secret de bogoss…

    « Thibaut ! » je l’interpelle en traversant la rue, alors qu’il ne m’avait pas encore capté.

     

    Après cette folle nuit pour fêter le bac, nuit ayant fait escale aussi bien dans les boites toulousaines classiques, la Bodega, le KL... que dans d'autres un peu plus originales, comme la célèbre boite à pd, le On Off… après cette nuit peuplée de beaux mâles... mon Jérém, notre pote Thibault, le très classe et bien lubrique Martin, le beau barbu Romain... cette nuit de rencontres, de révélations volontaires ou involontaires, de folies sexuelles en tout genre... oui, après cette longue, incroyable nuit terminée rue de la Colombette en faisant l'amour avec mon beau couillu ; après le réveil dans un lit déserté par son propriétaire, parti avant mon réveil ; après un déjeuner pris en essayant d'esquiver les questions de ma mère sur le fait que j'avais découché ; après tout cela, poussé par un nombre très insuffisant d'heures de sommeil, voilà que ma seule aspiration, mon seul projet, mon seul but, mon seul kif pour l'après midi était...

    …la sieste...

    Evidemment, en fermant les yeux et en me laissant glisser dans les bras de Morphée, j'étais loin de me douter que, pendant mon rattrapage de sommeil, mon subconscient m'apporterait un joli rêve érotique, le genre de rêve qui fait que, évidemment, les draps s'en souviennent...

    Ca m'apprendra à voler et garder sur moi un t-shirt marqué par l’empreinte olfactive de mon beau mâle... m'endormir en reniflant son odeur... cela rime très fort avec bonheur... mais aussi avec rêveur...

    Et le rêve a été tellement intense qu'en me réveillant, je l'ai d’abord cru réel... au point que pendant un instant mes yeux ont cherché dans le noir les deux protagonistes principaux… avant que ma conscience ne réalise que rien de ce que je venais de rêvasser, deux potes de rugby mélangeant leurs corps dans un plaisir intense, avant de venir en moi à tour de rôle, n'était réel.

    Pourtant, le rêve avait été si long, si détaillé... si réaliste...

    Evidemment, à bien regarder, certaines petites incohérences de scénario auraient du me mettre sur la piste...

    D’abord, cette trace de cambouis sur l'avant bras de Thibault, revenant sans cesse à mon attention.... bien sur, ce style de négligence n'est pas du tout le genre de Thibault... ensuite, le trouble de Jérém en arrivant à l'appart, son mutisme, son regard fuyant, tellement ressemblants à ceux que je lui avais connus lors du plan avec Romain… le même malaise, bien que pour des raisons à priori différentes... et encore… la cigarette fumée par le beau mécano... image très sexy mais pas du tout le genre de Thibault non plus... le premier rapprochement entre mâles, de leurs corps... déjà vu à l'identique, mais avec Romain en vrai dans le rôle onirique de Thibault... la façon de Jérém de se pencher sur la queue de Thibault.... imaginée à l'identique, encore en présence de Romain... la façon de Jérém de poser la main entre les pecs de son pote pour lui annoncer son intention de le prendre... là aussi comme un petit rappel d’épisodes précédents... et tout cela sans compter... l'absence de détails de l'anatomie de Thibault, une anatomie que je ne connais pas...

    Oui, quelque chose clochait dans cette « scène » depuis le début. Tout était si infiniment, insoutenablement, presque douloureusement beau… scène infiniment parfaite, fabuleuse, mais scène trop parfaite pour être honnête, pour être « vraie »…

    Un truc de fou, sauvage, puissant, torride, brûlant… et à la fois tendre, touchant... toute l’expression la plus absolue de l’érotisme le plus puissant, infini frisson de beauté, définition même de l’amour entre garçons… ainsi, la beauté de cette scène avait suffit à me faire ignorer tous les signes discordants et à seconder mon envie d'y croire...

    Dans les rêves tout est possible, et un rêve est toujours plausible pendant qu'on est dedans, même s’il n'est pas réaliste...d’autant plus lorsque le rêve est si agréable à vivre...

    Pendant que j'allais tout droit vers ma sieste, loin d'imaginer que j'allais rêver d’un bon gros fantasme de sexe entre deux beaux rugbymen, je pensais à mon beau brun... je pensais non seulement à sa nudité d'une beauté aveuglante... non seulement à sa virilité puissante dont le souvenir persistait dans ma tête, dans mon corps, dans le bien être que connaissaient l'une et l'autre après les multiples plaisirs récents, dans mon envie toujours brûlante, malgré de bonnes courbatures dans des régions sensibles... 

    Oui, en m'allongeant dans mon lit, je pensais à mon beau et vaillant Jérém, au moins aussi fatigué que moi, levé avant moi, obligé de jouer un match important, un match de demi finale de championnat...

    Bien sur, après qu'il m'ait parlé de cette façon si émouvante de sa passion pour le rugby, de ce que représentait pour lui ce sport autour duquel il s’était grandement construit, il aurait était logique et bienvenue que j'aille le voir jouer ce dimanche après midi, que j'aille assister à son triomphe dans cet avant dernier sas avant la finale de la semaine suivante...

    Pourtant, la fatigue a eu raison de moi… elle a eu raison de la tentation d’aller voir jouer mon Jérém, du plaisir de le mater évoluer sur un terrain de sport entouré de mecs l’admirant, le jalousant ou encore le redoutant… de le voir dévoré du regard par une foule de jeunes filles criant à tue tête et mouillant la culotte tout en pensant au fameux sketch de Bigard… le lâcher... d’adolescentes en rut… de le (sa)voir certainement aussi désiré en silence, mais pas moins intensément, par quelques jeunes garçons criant intérieurement et mouillant le boxer à chacun de ses exploits...

    Oui, cet après midi là, j'étais très fatigué... après, il faut que j'avoue aussi que... assister à un match de rugby en entier... c'est comme qui dirait... au dessus de mes forces... quand bien même ce match allait offrir l'attrait indéniable de la présence de mon beau brun, de son pote Thibault et de quelques autres joueurs plutôt agréables à regarder... pour moi un match de rugby est aussi intéressant qu'un programme nocturne d'Arte...

    Certes, le rugby a ses bons cotés... le coté « sportif », le coté « bon enfant », l’« esprit d'équipe », le coté « potes au jeu et dans la vie »... et encore... le coté « proximité, promiscuité entre bogoss grave bien gaulés que je mate en essayant de définir qui j'aimerais voir coucher avec qui et dans quel rôle... »… oups… je m’égare là...

    Pourtant, au delà de ces aspects fort appréciables mais peu en relation avec le sport lui même, voir des bogoss se ruer dans la boue, se jeter l'un sur l'autre comme des sacs de patates, pousser comme des bulldozers dans une mêlée en courant le claquage musculaire... aucun intérêt pour moi... si au moins je pouvais avoir accès aux vestiaires, aux douches… voilà qui saurait relever mon intérêt pour le rugby(man)…

    Car mon intérêt pour le rugby réside moins dans le jeu lui même que dans ses joueurs... surtout depuis que je couche avec un rugbyman... le plus beau de tous...  il commence devant la tenue adamique de mon beau brun et se termine devant de belles photos en noir et blanc sur les pages en papier glacé de la première édition du calendrier des Dieux du stade...

    Couché dans le noir, les membres engourdis par une fatigue qui me happe, je me dis que, dans le but de marquer des points aux yeux de mon beau couillu, je devrais quand même faire l'effort d'y aller... assister à ce match, m’offrirait des sujets de conversation pour la prochaine fois que je le verrai, pour pouvoir lui envoyer un sms complice le soir même, pour avoir quelque chose à partager, pour lui montrer que je ne suis pas qu’un pd qui ne s’intéresse pas aux « sports de mecs »… que je m’intéresse à ce qu’il fait, que je m’intéresse à quelque chose qui l’intéresse par-dessus tout... qu’on peut avoir quelque chose à partager à part nos sexualités…

    Pendant que le brouillard envahit peu à peu mon esprit et m'amène tout droit vers la sieste... je me répète une fois de plus les mots de mon beau brun faisant état d'un très bon classement de son équipe, et du fait que ce match avait plutôt l'air d'une formalité que d'un enjeu…

     

    Lorsque je reviens à moi, je suis tout sens dessus dessous, ce putain de rêve m'a bouleversé... mon cerveau est en état de chauffe... et mon torse a besoin d'être essuyé..

    J'ai besoin de me changer les idées... et quelle meilleure façon de me changer les idées que de passer un moment à déconner avec ma cousine préférée ?

    Elodie... ça fait un petit moment que je ne l'ai pas vue... un petit moment que je ne l'ai pas tenue au courant de mes exploits... j'ai tellement de trucs à lui raconter... ou pas... j'avoue qu'il s'est passé tellement de choses depuis une semaine, et surtout depuis 24 heures, que je ne saurais pas par ou commencer... et surtout où m'arrêter... quoi censurer pour ne pas m'attirer ses foudres... je sais qu'elle n'approuverait peut-être pas tous mes agissements... notamment le fait d’avoir cédé au caprice de Jérém à la sortie du KL... le fait de l'avoir suivi au On Off... ce plan à trois... le fait que je sois resté dormir...

    Mais peu importe. J’ai très envie de la voir. J’attrape on portable et je tapote quelques mots.

    Moi : Apéro fin aprèm en ville ?

    Sa réponse moins d’une minute plus tard.

    Elle : Tu vas pas le croire... j'allais justement t'écrire

    Elle et moi, on se capte, comprend, entend au quart de tour. Non, mieux que ça, c'est de la télépathie. On est des jumeaux séparés à la naissance.

    Moi : C'est magique...

    Elle : Non, c'est juste que j'ai envie de boire un coup

    Moi : Conasse !

    Elle : Pétasse, s’il te plait… gardons les politesses... 18 h aux Américains, en terrasse. Envie de Mojito.

    Moi : Ok, mdr

    Elle : Parfait, à tout

    Moi : A tout

    Je l'adore.

    En attendant l'apéro avec Elodie, je ne peux m’empêcher de revenir sur cette longue nuit marqué par la présence du beau Romain… elle remonte par flash à mon esprit... elle m’apporte mille et un questionnements… mais, au milieu de tous ces points d’interrogation qui s’élèvent de mon esprit comme des ballons de baudruche, la grande question qui monopolise mon attention est la suivante : que signifie donc le départ de Jérém avant mon réveil?

    S'est-il réveillé avec la gueule de bois en se disant : « Tiens il est encore là, lui ? C’est moi en plus qui lui ai demandé de rester… pourquoi j’ai fait ça ? Qu'est ce que je vais en faire, maintenant ? »…

    Et encore : que signifie le fait de ne pas m’avoir réveillé ? Etait-t-il réellement pressé ou avait-t-il juste besoin de m’éviter, de fuir une confrontation trop pénible au réveil, tout comme trop pénible avait du lui paraître le fait de me retrouver après tout ce qui s’est passé la nuit dernière ?

    Ou alors… est-ce qu'il faut au contraire y voir un geste mignon… me laisser dormir chez lui... me laisser squatter chez lui… je réalise que c’est la première fois que je me retrouve seul chez lui… est-ce que finalement il aime bien l'idée que je sois chez lui ?

    Je voudrais tant savoir dans quel état d’esprit est mon Jérém après cette folle nuit de tous les dangers… dans quel état est son ego de mec… comment est-il luné à mon égard… car une seule chose est sure... si son ego en est sorti malmené, c'est moi qui vais en faire les frais… soit ce qui s’est passé cette nuit va créer des liens forts entre nous… soit cette soirée va mette un point final ferme et définitif à nos câlins...

    Oui, nos câlins… nos gros câlins... lorsque je repense aux nouvelles envies de Jérém… ces envies frôlées pendant le plan avec Romain... je me demande si nos câlins vont désormais lui suffire… s’il ne cherche pas désormais un mec capable de lui faire découvrir justement « l’autre coté du plaisir »… un coté qu’il ne saurait pas envisager avec moi… celui qu’il voit comme son passif, et passif uniquement… bien sur… parfois… l’idée me traverse l’esprit… mais je sais que je n’oserais jamais lui proposer… trop peur qu’il refuse, trop peur de me ridiculiser… et s’il accepte… trop peur de ne pas être à la hauteur… de me ridiculiser… peur de le décevoir… il faut dire que, sans mauvais jeu de mots, dans ce domaine la barre a été mise très haute par mon Jérém...

    Et maintenant, il me faut en plus composer avec ce putain de rêve qui me hante... ce rêve qui du coup relance mes craintes au sujet de l'amitié entre Jérém et Thibault, de leur proximité, de leur promiscuité, de leur attirance... je repense à leur plan avec les deux pouffes... ils se sont vus nus... en train de baiser... est-ce que cela n'a pas pu leur donner des idées ?

    Comme dans mon rêve, Jérém serait en confiance avec Thibault, peut être plus en confiance qu’avec moi… car tous les deux, potes depuis toujours, se retrouveraient dans une relation sur un pied d’égalité, sans soumission/domination, une relation de réciprocité de rôles qui leur permettrait d'accéder à tout ce qu'il peuvent désirer dans une union entre mecs… Jérém pourrait ainsi découvrir avec Thibault des choses que je ne peux pas lui offrir…

    Et un instant plus tard je me trouve ridicule… je me dis que ce n'était qu'un rêve, si intense et mouillé soit-il... je relativise, j'essaie de penser à autre chose...

    Je ne peux m’empêcher pourtant de me sentir un peu coupable... coupable d'avoir rêvé non seulement de coucher avec mon beau brun, ce qui est par ailleurs image plutôt proche du bonheur absolu… mais aussi avec Thibault, le gentil Thibault... rêvé de l’entraîner dans un triangle amoureux qui ne serait peut-être bon pour personne…

    Heureusement l’heure du rendez vous avec ma cousine approche. Et ça… ça va m’aider à me changer les idées.

     

    Retrouver Elodie un dimanche après midi, équivaut sans faute à sauver un dimanche après midi, à le secouer de sa morosité persistante qui plombe cette dernière demi journée de week-end… oui, parfois il me semble que le dimanche après-midi m’ amène déjà des échos de lundi matin... il n'y a pas pire moment et plus angoissant qu'un dimanche après midi passé sans rien faire... si... il y a le générique de début, et surtout celui de fin, du film du dimanche soir... le film peut raconter ce qu'il veut... pour moi il raconte toujours la même chose... va te coucher, andouille, demain y a boulot...

    Bien sur, je suis en vacances, mais un dimanche vide reste un dimanche vide, ennuyeux... angoissant... surtout lorsque tant de choses et de questions sans réponse apparente trottent dans la tête, surtout quand une sieste trop longue vous a laissé engourdi, hébété...

    Aux Américains à coté de la Fnac Wilson, la terrasse est presque bondée en ce début de soirée ensoleillé qui sent bon les vacances qui approchent.

    Ma cousine est déjà là, lunettes de soleil de star, une couleur plus claire que d’habitude dans les cheveux... elle est presque blonde… comme toujours, simple et classe à la fois… avec ses énormes lunettes de marque, on dirait qu’elle se la joue pétasse… sciemment… pétasse assumée, pétasse avec humour... et avec humour, tout passe…

    Je la regarde textoter sur son portable… son pouce doit se déplacer à une vitesse approchant celle de la lumière… je la regarde faire et ça me donne presque le tournis…

    Elle est tellement prise par ses affaires que, au milieu du brouhaha et du va et vient incessant de clients et de serveurs, elle ne s'aperçoit même pas de mon arrivée.

    Je finis par signaler ma présence en me raclant bruyamment la gorge. Elle se décide enfin à lever la tête, mon image traverse ainsi ses verres noirs et ça fait tilt dans sa tête...

    « Mon cousin !!! » elle s'exclame avec un grand sourire.

    Elle pose illico son téléphone, se lève et vient me claquer deux bises bruyantes tout en me serrant très fort dans ses bras.

    « Ca fait plaisir de te voir… » elle me lance en retournant dare dare s'asseoir.

    « Moi aussi ma cousine, moi aussi… » je lui confirme sur un ton lourd de sens qui semble vouloir dire « si tu savais tout ce que j’ai à te raconter… ». Un « ton » qui n’échappe pas à la miss.

    « Oh oh oh oh oh... » fait-elle avec un air moqueur « tu m'as l'air d'un cousin qui a bien de choses à raconter à sa cousine...  tu ferais bien de commencer de suite... j'ai un rancard dans deux heures... ».

    « Tu m'a casé entre deux rancards ? » je feins de m’offusquer.

    « Oui, parfaitement... mais ce n'est pas le sujet... allez, accouche... ».

    « Tu vas m'engueuler... » je temporise.

    « Ok, pause... si je dois t’engueuler, on commande d'abord... avec un peu d'alcool dans le sang ça passera mieux... » et elle enchaîne, en gueulant joyeusement « serveur !!!! ».

    Lorsque le serveur approche, elle y va franco :

    « Deux Mojitos, s'il vous plait... ».

    « Mais... » je tente de m'imposer alors que le serveur est déjà reparti sans que je puisse lui faire savoir que j'ai plutôt une envie de bière blanche...

    « Tais toi, toi aussi t'as besoin d'alcool... » elle me coupe « je sens qu'il va te falloir du courage pour me balancer toutes tes bêtises... ».

    « T'es insupportable... » je rigole. Et encore, Elodie, tu ne te doutes même pas a quel point…

    « Oui, je sais... mais ce n'est toujours pas le sujet... » elle enchaîne « allez, crache le morceau... de toute façon, t'es plus à une engueulade près... ».

    « C'est pas faux... » je tergiverse.

    « Alors, tu es revenu dans le lit de ton beau serveur dès qu'il a claqué des doigts ? » elle balance en frappant plutôt juste.

    De toute façon je suis un livre ouvert pour Elodie. Autant l'assumer.

    « C'est plus compliqué que ça ma cousine... bien plus compliqué... » je tente de temporiser.

    « Tic tac, tic tac... la montre tourne... » fait-t-elle sur un ton pressant .

    Alors, contrairement à ce que je m'était promis, je lâche tout... un mot en appelle un autre, un fait en implique un autre, alors je ne peux rien taire… je lui raconte comment son t-shirt blanc moulant, son nouveau parfum et sa bise devant le restaurant boulevard de Strasbourg ont eu raison de toutes mes résolutions de ne plus rien lui concéder avant une mise au point, avant une bonne explication... comment devant son charme fou, j'ai été l'instigateur de cette pipe de dingue dans les chiottes de la Bodega (c’est là qu’elle a failli s'étouffer avec sa boisson)... de comment Jérém a fait le con au KL, de ma rencontre avec Martin, du sketch de Jérém à cause de Martin, de mon hésitation, de ma capitulation devant son chantage… du retour en 205, de sa jalousie qui me met en pétard et qui me pousse à lui balancer que j'ai couché avec Stéphane... je lui raconte la virée au On Off, ma façon de le suivre comme un sage toutou, son petit tour dans la back room avec les deux mecs… je lui parle de la rencontre avec Romain, de la drague avec Romain, du plan avec Romain, de sa baise avec Romain, de son « rien à foutre » avec Romain, de ma baise avec Romain, de la provocation de Romain, de l'affrontement avec Romain, de notre conversation après le départ précipité de Romain, de ses questions sur mes rencontres, de ses confidences sur sa famille, sur le rugby et sur Thibault… et, pour finir, de l'amour dans le noir...

    Et, en bonus, je lui parlerai aussi de la rencontre en tête à tête avec Thibault, quelques jours auparavant, de sa profonde tendresse vis à vis de Jérém... de mes questionnements intérieurs sur leurs relations... la seule chose que je ne lui raconterai pas, pour l'instant, ce sera ce putain de rêve de fou que je viens de faire cet après-midi là...

    Je balance tout d'une traite, et elle m'écoute sans un mot, en sirotant son Mojito, tout en rythmant ma narration, mes rebondissements avec un jeu d'expressions du visage dont elle seule a le secret. Sans qu'elle ne dise rien, je devine à son attitude un brin surjouée les passages qu’elle « approuve » et ceux qui lui font grincer les dents... je sais qu'elle fait la conne pour m'amuser... et je sais qu'au final, même si elle n’approuve pas tout, elle comprend et ne juge pas.

    Pendant ma tirade, j'avais remarqué quelque chose de bizarre... elle semblait utiliser les doigts de sa main droite comme pour énumérer quelque chose... et j'avais remarqué aussi qu'à chaque fois qu'un nouveau doigt était levé dans ce comptage dont j'ignorais le but, derrière ses lunettes noires, l’expression de son visage se faisait de plus en plus dépitée...

    Lorsque je m'arrête enfin, les cinq doigts de sa main droite son levés... elle vient de terminer son Mojito... elle me regarde fixement derrière ses grosses lunettes de soleil et elle ne dit rien... on dirait qu'elle est figée, médusée, pétrifiée par ce que je viens de lui raconter.

    « Tu ne dis rien ? » je l'interroge au bout de quelques secondes « je t'ai définitivement fermé le clapet ? Quel exploit... »

    « Je crois... » elle commence et elle s'arrête aussitôt, elle fait sa star.

    « Oui.... » je la taquine.

    « Je crois qu'avant de parler... » recommence-t-elle.

    « Allez... » je m'impatiente.

    « Je pense qu'avant de parler, j'ai d'abord j'ai besoin d'un deuxième Mojito... » finit-elle par lâcher sur un ton faussement dramatique. Son air dépité, bien que sur joué, est drolissime.

    Je suis pété de rire. Et elle ajoute :

    « Oui, j'ai besoin d'un autre Mojito... le Mojito, c'est une dose de pur bonheur coulé dans un verre... ».

    « Allez... fais pas ta pétasse... engueule-moi... » je la relance.

    « Non, d'abord une autre dose d'alcool... serveur... s'il vous plait... ».

    Lorsque le serveur approche, elle joue la comédie façon diva.

    « Vous n'auriez pas... euh... voyons... de l'absinthe ? Ou de l'alcool à brûler ? Ou un flingue ? ».

    « Pardon ? » fait le serveur, pressé et un peu agacé.

    « Naaan, je déconne... la même chose, s’il vous plait… mais avec plus de rhum, s'il vous plait... et pour lui... ».

    « Un coca ! » je m'impose.

    « Un coca, un coca... » elle se moque.

    « Oui, un coca ! » je confirme.

    « Je vais faire pipi ! » elle m'annonce alors qu'elle est déjà en train de se lever.

    Pendant les quelques minutes de son absence, je me demande si je ne lui ai pas rencontré trop de choses... je commence à redouter un peu ce qu'elle est capable de me balancer.

    Elle revient au même temps que le serveur avec les nouvelles boissons.

    Je commence à tirer sur ma paille, en silence. J'attends. Elle commence à siroter son deuxième Mojito. Elle n'a toujours pas proféré un mot depuis qu'elle est revenue des toilettes.

    Je sais qu'elle me fait mijoter avant de me balancer des trucs bien à elle... elle soigne son entrée en scène... alors, pour précipiter le démarrage du spectacle, je la fixe avec un sourire appuyé. C'est là qu'elle lâche sa paille, qu'elle soulève légèrement son verre avant de le poser à nouveau, bruyamment sur la petite table métallique, avant de s'exclamer soudainement :

    « CINQ !!! ».

    « Quoi ? » j'interroge, pris au dépourvu.

    « Cinq ! Sans blagues... » enchaîne-t-elle, sans me calculer, sur le même ton affolé « je ne savais même pas que c'était possible ! ».

    « Quoi donc ? » je feins à nouveau de m'étonner alors que je viens soudainement de réaliser à quoi tenait son décompte.

    C'est en s'aidant à nouveau avec ses doigts qu'elle énumère lentement :

    « Une mise en bouche dans les chiottes de la Bodega... une première dégustation pour ce Romain... une sodo... euh... partagée... une autre pipe en terrasse pour bien finir la soirée... et ce feu d'artifice en t'arrachant du sommeil au petit matin... cinq fois... quoi... ».

    « C'est ça, cinq... » j'assume, tout en rigolant comme un bossu « c’est grave ? ».

    « Moque toi, cousin... » fait-elle, victimiste, juste avant d’enchaîner sur le même ton « je n'ai jamais rencontré un mec capable de ça... cinq fois en une nuit... ».

    « Tu déconnes... » je la charrie tout en me rendant bien compte de l’exploit de mon bel étalon.

    « Naaaan... je t'assure... max 3 fois et puis on nettoie et on range le matos... ».

    « C'est vrai qu'il était en forme le petit con... » je confirme.

    « Plus qu'en forme, oui... » elle commente « je ne sais pas à quoi il carbure, mais à mon avis aujourd’hui il a passé sa journée à roupiller... ».

    « Même pas… cet après midi ils avaient match... » je précise.

    « En plus... » considère ma cousine « il est vraiment incroyable ce mec... ».

    « C'est tout ce que tu as à me dire par rapport à tout ce que je viens de te raconter ? » je la provoque.

    « Ouais... » fait-elle avec une tout petite voix.

    « Tu me fais marcher... » je la taquine.

    « Bah... non... » elle insiste.

    « Si, tu me fais marcher... » j'insiste.

    « Ok… comment te dire... mon cousin... euh... euh... eh bien... les mots m'en manquent... CINQ !!! Mais tu lui fais quoi à ce mec ? CINQ !!! Je t'oublie pendant une poignée de jours et tu te lâches... tu te lâches grave... naaaan... mais... t'es fou.... t'es un grand malade de raconter tout ça à ta pauvre cousine au cœur fragile et surtout à la vie sexuelle désertique en ce moment... ».

    « Arrête un peu, tu vas me faire chialer... » je lui balance « …tsssss… ça a connu plus de saucisses qu’un barbecue et ça se dit fille en manque… ».

    « Tu peux bien parler… toi, le boulimique de la queue… » elle renvoie du tac-au-tac.

    « Tu vas pas me dire que tu n'as pas tiré ton coup ce week-end... et si c'est pas encore fait ça va être réglé avec ton rencard de tout à l'heure... ».

    « Si, j'ai eu un tir de rappel vendredi soir... mais c'était un coup vite fait et niveau bogosse, le mec n'arrivait pas à la cheville de ton étalon habituel, ni de ce... Romain... que, si j'en crois ta description, était non seulement un sacré spécimen, mais un autre sacré bon coup...

    Je me contente de sourire, tout en redoutant le moment ou ça va basculer en mode plus « posé »...

    « Tu t'éclates mon cousin... » fait-elle en redevenant soudainement un peu plus sérieuse (mince, elle va déjà me faire la morale) «  mais il me semble que ce n'est pas des baises à deux, à trois, à 27 que tu attends de ton beau brun... ».

    « je ne sais pas… je crois que je viens de réaliser que si je veux avancer avec mon beau couillu, je dois être patient… » je rétorque du tac au tac ; comme je m'attendais à cette considération de sa part, j'avais travaillé les arguments à opposer « je sais qu’il n'est toujours pas prêt à assumer notre relation... alors, ma priorité c’est de ne pas le perdre… alors, dans l’immédiat je suis prêt à accepter de lui juste ce dont il a envie, quand il en a envie, comme il en a envie... et au milieu de nos baises... apprécier parfois un moment de tendresse et de partage comme ce matin... déjà le fait de savoir qu’il en est capable, c’est une belle victoire… ».

    « Tu penses vraiment que tout lui passer va servir à vous rapprocher ? » elle rétorque.

    « Oui. » je réponds avec assurance.

    « T'es vraiment prêt à tout lui céder ? » elle insiste.

    « Oui. ». Toujours avec aplomb et sans regret.

    « Vraiment tout ? Sans limites ? » elle me pique.

    « Oui, je pense... » je ne me laisse pas démonter.

    « Tu lui donnes de belles habitudes... » elle commente.

    « J'adore l'idée d'être sexuellement à sa complète disposition... » je concède.

    « Ca je peux comprendre... mais tu aspires aussi à autre chose... alors, où est-ce que ça va t'amener tout ça ? ».

    Elle est chiante... mais j'ai encore des arguments.

    « Bah... disons que « tout ça» nous a déjà amené quelque chose d'important... » je tente d'expliquer, avant qu’elle me coupe :

    « Comme par exemple à entrevoir entre ses mots et au fil de ses contradictions quelque chose qui ressemble à de la jalousie à ton égard... une jalousie super mal placée... culottée... limite hypocrite... mais bien présente... ».

    « Ce qui me laisse imaginer que peut-être il tient un peu à moi... » je la coupe à mon tour « et pas seulement parce que je le fais jouir comme un dingue... ».

    « Ouais, tu marques un point, là... cousin... » elle concède.

    « Tout ça » je continue « nous a amené aussi à avoir notre première véritable conversation... « tout ça » a amené Jérém à s'ouvrir un peu à moi, à me laisser entrevoir ses fêlures... ».

    « Là non plus tu n’as peut être pas complètement tort, mon cousin... et quand tu mets tout ça ensemble... la fuite de sa famille, son besoin d'appartenir à un groupe, d'avoir des potes, de se sentir admiré… son amitié avec Thibault... je pense que si tu regardes bien, mon petit Nico, pour la première fois tu as en main une clé, encore imparfaite et incomplète, mais un début de clé pour percer le mystère Jérémie T.… évidemment, je pense que le chemin sera encore très long avant que tu aies en main toute la notice et le mode d'emploi de ton bel étalon, mais c'est un bon début... je pense que cette nuit a marqué un tournant dans votre histoire... ».

    « J’ai l’impression aussi… ».

    Et elle continue : « Du coup, ça va vraiment être intéressant, par la suite, la façon dont tu vas te « servir » des cartes que tu as désormais en main pour commencer à décrypter sa façon d'agir... cette nuit risque de changer pas mal de choses entre vous... oui, « tout ça » peut décanter pas mal de choses... ».

    « Tout ça... » je complète « nous a aussi amené tout droit a ce dernier gros câlin dans le noir... très doux, très sensuel… ».

    « Un câlin qui ressemblait plutôt à « faire l'amour » que « baiser »... » elle commente.

    « Oui, c’est exactement ça… » je confirme.

    « Je pense que tout ça a été déclenché par le fait qu'il s'est senti en danger... » elle continue « il a compris qu'il pouvait te perdre... et ça l'a mis en pétard et ça l’a remué... alors, plutôt que d'assumer sa jalousie, il a du chercher une façon de sortir la tête haute... une façon de te rendre plus jaloux encore... ».

    « Tu crois que c'est pour ça qu'il a voulu aller à l'On Off ? ».

    « Je n'en sais rien, mon cousin... possible... à mon avis, s’il a voulu aller dans une boite gay, ça peut être pour plusieurs raisons... se faire mater, exercer son pouvoir de séduction sur un public différent de celui habituel... il avait peut-être envie de voir si d'autres mecs lui faisaient l'effet que toi tu lui fais... se prouver... je ne sais pas trop quoi... tu sais, la plupart des mecs on tout le temps besoin de se prouver quelque chose... ou peut-être qu'il voulait juste te faire chier, pour se venger du fait que tu lui ais tenu tête, que tu lui ais ôté l'illusion d'être sa chose exclusive... ».

    « Ca doit être ça, oui... » je réfléchis à haute voix.

    « Ou alors... » continue-t-elle « Jérém est tout simplement un garçon de 19 ans en train de perdre tous ses repères… et lorsqu’un mec est en perte de repères, c’est souvent dans la confrontation et dans le défi qu’il cherche à se raccrocher… ».

    « Et le beau Romain s'est trouvé sur sa route, au bon endroit, au bon moment... » je commente « quand je pense que Jérém m’a entraîné dans un plan de dingue avec le premier venu... ».

    « Au fait... » elle relance avec une moue dubitative « je ne suis pas sûre que ce mec était vraiment le « premier venu », comme tu le dis... je ne sais pas s'il s'est incrusté dans votre soirée par hasard… à mon avis, ce mec a déclenché quelque chose chez ton bobrun… alors, je crois plutôt que ce mec a été quelque part « choisi » par ton Jérémie, consciemment ou pas… choisi pour ce qu’il représentait, un séducteur, un chasseur, un mec avec auquel se confronter… un mec plus âgé que lui, expérimenté… et non pas un minet transi… un nouveau challenge pour sa capacité de séduction… » .

    Je réfléchis. Je sirote nerveusement mon coca. Je ne sais pas trop quoi rétorquer. Profitant de mon silence, elle enchaîne :

    « Et tu t'es senti comment devant les ébats de ton beau brun avec ce mec ? Je veux dire... tu y a pris part à plusieurs reprises, si j’ai bien suivi... mais quand tu les regardais juste faire... pas trop frustré ? Excité ??? ».

    « Abasourdi… je dirais… » j'avoue « j'étais partagé entre une excitation de dingue devant cette scène de sexe entre deux bogoss... et voir mon mec en train de prendre son pied avec un autre... c’est juste… comment dire… hummmmm... ».

    « Je te l'avais dit... » elle me coupe « ça fait partie des bons gros fantasmes... un fantasme un peu risqué quand on est amoureux, mais un très bon fantasme... ».

    « Mais à coté de ça… et par moments j’ai également ressenti un sentiment d’humiliation… ».

    « Humiliation ? » elle s'étonne.

    « Oui... l'humiliation de m’avoir fait venir pour assister à ça… alors que ce connard de mec connaît très bien mes sentiments pour lui... je trouvais ça méchant... ».

    « T'es incroyable, cousin... mais tu t'attendais à quoi en acceptant de prendre partie à ce plan à trois ? ».

    « J'en sais rien... j'avoue que je n'y ai pas trop pensé sur le moment... ce qui comptait à mes yeux c'est de ne pas rentrer en sachant que mon Jérém allait coucher avec ce gars… j’aurais trouvé ça insupportable... ».

    « Alors tout va bien… » elle simplifie « il ne t’a pas laissé sur le carreau… ça aurait été pire s’il t’avait dit « tchao » en rentrant avec le barbu… ».

    « C’est vrai… mais.. le fait est… » je tente d’expliquer «  que tout ça a été tellement rapide… inattendu… déstabilisant… étrange… ».

    « Je comprends... » elle me rassure « mais en même temps… le comportement de Jérémie, dérouté par l'effet « Romain », ne pouvait être qu’"impulsif"… à mon sens tout devait se passer dans l’instinct, la pulsion, le coup de tête... en plus tu étais là... ça devait être un sacré bordel dans sa tête... même si au même temps s’il t’a invité à te joindre à eux, c’est pour se rassurer… ».

    « Je suis inquiet, Elodie... » j'enchaîne sans transition.

    « Pourquoi, inquiet ? » elle s'étonne à nouveau.

    « Justement à cause de ce que tu appelles « l'effet Romain... »… du fait que si mon beau brun s'est découvert un penchant pour se frotter à des bogoss aussi virils que ce Romain… un jour il aura envie de recommencer… et, avec sa gueule et son physique, il n’aura aucun mal à le faire… à le faire sans moi... et sans moi à le perturber… aller au fond de ses fantasmes... je suis inquiet que cette envie puisse le prendre, que cela puisse le perdre… ».

    « Je vois, je vois… » fait ma cousine.

    « Sur le moment, j’ai trouvé ce plan excitant » je continue « mais à posteriori, plus j’y pense, plus je suis quand même jaloux… oui, j'ai aussi ressenti de la jalousie en voyant ce gars profiter de mon Jérém…».  

    « C’est normal que tu sois inquiet et jaloux… tu es amoureux mon cousin… ».

    « Je suis aussi inquiet de savoir comment tout ça va changer notre relation demain, dans une semaine… comment Jérém va vivre ça dans sa tête… je me demande dans quel état d’esprit il est là, à l’heure qu’on parle... en ce moment il doit être en train de fêter la victoire avec ses potes… mais je me demande quand est-ce que je vais le revoir... et dans quelle disposition il va être envers moi... ».

    « Tu te prends trop le chou, Nico... » se lâche Elodie « laisse le mijoter un peu... ne le saoule pas trop avec tes états d'âme et tes questionnements... et quand il ne se l'attendra pas, balance lui une proposition de sexe à brûle pourpoint comme hier soir à la Bodega... il a aimé ça, non ? Rends-toi sexuellement indispensable, mais pas chiant... ».

    « Je me demande s’il a déjà couché avec d’autres mecs… sans moi... » je divague.

    Ma cousine est en train de tirer sur sa paille, alors j'en profite pour aller plus loin :

    « Est-ce qu’il a déjà fait ça avec un pote ? Tiens... pourquoi pas... avec... avec Thibault... ».

    « Tu délires mon cousin, tu délires... tu prend ton cas pour des généralités et tes rêves pour des réalités... » elle plaisante.

    « Ils sont tellement proches ces deux là... » je continue sans tenir compte de sa remarque « lorsqu'il parle de son Jéjé... Thibault a un regard si particulier... un regard de mec... ».

    « Amoureux ? » elle me coupe, moqueuse.

    « Je ne sais pas... quand je pense à ses mots... à sa gentillesse... à son affection pour Jérém... j'ai l'impression qu'il tient à lui plus qu'à quiconque... et Jérém c'est pareil... son pote Thibault, c'est sacré, il l'adore... et puis... Thibault sait tout de moi et Jérém... il avait déjà deviné avant, mais depuis qu'on en a parlé, ça doit tourner dans sa tête... je me demande si dans certains de ses regards... comme lorsqu'il nous voit partir de boite rien que tous les deux... je me demande s'il n'y a pas de la jalousie... ».

    Et j’essaie d’étayer mes crainte en lui racontant de comment Thibault a débarqué dans les chiottes de la Bodega juste après le départ de Jérém pendant que je me lavais les mains, de comment son regard m’avait semblé frustré, affecté.

    « Thibault jaloux ? » elle relance « Tu veux dire... jaloux que tu couches avec son pote ? Et, dans ce cas... jaloux de qui ? De Jérém ? De toi ? Ou alors tous simplement jaloux que tu lui piques son pote, que tu l'éloignes de ce fait un peu de lui... jaloux ou juste frustré du fait qu'à cause de toi ils passent moins de temps ensemble et qu'ils partagent moins de choses ? ».

    « Je ne sais pas trop... je ne sais plus trop quoi penser... » j'admets, juste avant de me laisser échapper « j'ai même rêvé qu'ils couchaient ensemble... ».

    « Qui... Jérémie et Thibault ? »

    « Ouais... tout à l'heure à la sieste... Jérém et Thibault couchaient ensemble... et à la fin, ils s'occupaient tous les deux de moi à tour de rôle... ».

    « Elle n'est pas belle la vie ? » elle se moque.

    « Tu rigoles... je ne m'en suis toujours pas remis... c'était si réel, si bon !!! » j'admets , rêveur.

    « T'es dingue mon cousin... » elle commente.

    « Je ne veux pas me brouiller avec Thibault... » je continue « je l'aime vraiment bien ce gars et je ne veux pas le blesser... Thibault est un garçon tellement gentil et adorable... pas envie de m'interposer dans leur amitié, je ne veux surtout pas les éloigner... Thibault le vivrait très mal... mais Jérém ne me le pardonnerait pas... je veux être ami avec Thibault... mais comment être pote avec lui s'il en pince lui aussi pour le gars que j'aime ? D’un coté je pense que je trouverais ça presque naturel que ces deux là se fassent du bien… beau… magique… comme dans mon rêve… mais je pense qu’au final je serais pire que jaloux de les savoir l’un dans les bras de l’autre… je serais jaloux car leur longue complicité pourrait donner envie à Jérém à s’abandonner à des gestes tendres avec Thibault, des gestes qu’il a du mal à assumer avec moi… ».

    « Mon cousin, je pense que tu fais fausse route au sujet de Thibault... ».

    « Tu crois ? ».

    « Jérémy et Thibault, ce sont deux potes inséparables, amis d'enfance, coéquipiers au rugby... depuis toujours, leur relation est fusionnelle... j'ai envie de dire que Jérém et Thibault... c’est un lot... ».

    « J'adore l'image, « Jérém et Thibault, c'est un lot... » je note... » je plaisante. Ma cousine a vraiment le sens de la formule.

    C’est sur cette bonne note qu’on se quittera ce soir là.

    « Bon, allez... mon cousin... » elle enchaîne sans transition « c'est pas tout, mais je suis attendue... ne te prends pas trop la tête avec tout ça... prends les choses comme elles viennent... mais essaie de te protéger... ».

    « Facile à dire... »

    « C’est pour ça que je préfère donner des conseils que les suivre… » elle se marre.

    « Ca m'a fait du bien de discuter avec toi, comme toujours… » je tente de la remercier.

    « Pas à moi... vos exploits entre mecs m'ont sapé le moral… » elle recommence.

    Je rigole. Elle aussi. On se prend dans les bras l'un de l'autre et on se serre très fort.

    « Il faut qu’on trouve un soir pour aller voir un film qui est sorti il y a déjà quelques temps mais qui a l’air super bien… ».

    « A savoir ? ».

    « Moulin Rouge, tu vois ? ».

    « Ah, oui, j’en ai entendu parler… ».

    « Avec la grande Nicole… ».

    « Et surtout le charmant Ewan… ».

    « Tu perds jamais le nord, mon cousin… ».

    « C’est une comédie musicale, non ? ».

    « Genre, mais ça a l’air complètement déjanté… je pense que je vais adorer… ».

    « On se fera ça, promis… ».

    Je l'accompagne jusqu'à l'entrée du Métro Capitole et je rentre chez moi un brin rassuré par cette conversation avec ma cousine.

    Il est 20 heures, je me dis que le match doit être terminé depuis longtemps... que les bogoss doivent être à la troisième mi temps... je suis heureux de savoir que mon Jérém s'éclate au rugby... franchement, j'aurais du faire l'effort d'aller le voir jouer... malgré la fatigue... lui il a bien joué, malgré la fatigue... je suis impardonnable...

    Alors, pour essayer de rattraper un peu le coup en lui montrant que je m'intéresse quand même un peu à sa passion, je trouve bien de lui envoyer un sms pour lui demander comment ça s'est passé.

    Ainsi, après maintes écritures et corrections, je finirai par lui envoyer :

    #Pas trop dur le match ? Quel score ?#

     

    A la maison, tout est prêt pour dîner. C'est quand même bien la vie d'étudiant en vacances... On mange, on sort, on baise, on dors, on mange, on sort, on est amoureux, on dort... il faut en profiter, car la vie ne sera pas toujours aussi simple et belle...

    « Elle racontait quoi Elodie ? » me demande ma mère en plein dîner.

    Une question simple, appelle des réponses claires.

    « Qu'elle baise chaque week-end avec au moins deux gars différents », « qu’elle a été impressionné par ma vie sexuelle avec mon bel étalon », « Qu'il faut pas que je m'inquiète pour le meilleur pote du mec avec qui je couche, car il ne me le piquera pas… ».

    Des réponses qui ne franchiront par la barrière de mes pensées et qui seront remplacées par des banalités, style nos projets de sorties cinéma, une imaginaire conversation « prise de tête » au sujet d'un mec qu'elle aurait rencontré… bref, je deviens bon, voire très bon, dans l'art de l'esquive.

    Le dîner terminé, j’aide maman à débarrasser ; je monte ensuite dans ma chambre et je commence à zapper. Et c’est là que je tombe avec bonheur sur le générique de début d’un grand classique… du pur bonheur…

    La première fois que j'ai vu ce film à la télé, j’étais très jeune, mais déjà je trouvais que cette musique avait une dimension sensuelle... et je ne parle pas des paroles ou des gestes du protagoniste masculin...

    aujourd'hui encore, ce générique me fait l'effet d'une petite ivresse...

    Ca démarre avec des accords de guitare lents, voluptueux comme une excitation qui déferle par grandes rafales... les cordes  prennent le relais peu après, pétillantes, nouveau plaisir, plaisir intense... la voix arrive et se mélange avec la musique dans une étreinte puissante... elles ondulent ensemble sur une répétition mélodique incessante, inlassable, comme des corps enlacés dans l'amour... le rythme est puissant, chaque coup de batterie est un pur plaisir, un plaisir un peu plus agréable que le précédent, comme une ivresse des sens qui monte… cette musique est pour les oreilles comme une rafale de vent frais, inattendue, sur la peau... une sensation qui nous fait sentir vivants et qui, pendant un instant, nous secoue de nos soucis, nous fait sentir libres, comme en nous annonçant que tout est à notre portée... sans même parler du texte, où il est question d'un amour qui a raison de tout...

    Le générique défile, le film commence... les années 50... l'insouciance dorée des étudiants américains... les blousons en cuir portés sur de simples t-shirts blancs... Danny avec ses potes... Sandy avec ses copines... les chanson s'égrainent... les scènes et les tableaux se succèdent, entre rythmes entêtants et tableaux de danse à couper le souffle... Summer night... Hoplessy devoted to you... ****** lighting... You are the one... Oh Sandy... autant d’hymnes à la jeunesse et à la beauté, à la passion, au bonheur de cet âge où les plus grands malheurs sont les peines de coeur... comment ne pas se laisser transporter...

    Ainsi, sans que j'ai vu le temps passer... « Love is a many splendored thing » enchaîne déjà avec le générique de fin... le même que celui du début, écrit par Barry Gibb... ah, si les Bee Gees n'avaient pas existé.... quelle tristesse...

    Ce film, cette musique... du pur bonheur à jamais gravé sur vinyle et imprimé sur pellicule... aussi bon que du ABBA pour filer la pêche...

    J'avais 12 ans la première fois que j'ai vu ces images et entendu cette musique, la première fois que j'ai vu Grease à la télé... c'était une sensation indéfinissable... mais au fond de moi, je savais déjà que ce seraient les Danny et non pas les Sandy qui attireraient mon attention plus tard...

    J'éteins la télé dès la fin du générique, j'ai envie de silence, envie de laisser résonner un peu plus longtemps en moi cette petite ivresse...

    J'attrape mon portable pour voir s'il n'y aurait pas une réponse de mon beau brun. On peut toujours rêver. Il y a bien un message, mais c'est Elodie me notifiant que son plan du dimanche soir a foiré et m'annonçant vouloir changer de sexe pour devenir pd et avoir une vie sexuelle épanouie.

    Je vais me coucher en pensant à mon beau brun... j'ai envie de le revoir, vite... j'ai envie de lui... mais ce soir j'ai surtout envie d'un bon câlin doux... de le serrer dans mes bras... même pas un gros câlin… juste être avec lui, m’endormir à ses cotés…

    Je me décide enfin à ranger son t-shirt dans l'armoire... et lorsque je me mets au lit, je sens la fatigue me happer à nouveau... j'ai fait une longue sieste mais j'ai tellement de sommeil en retard, que je sens que je ne vais pas tarder à plonger à nouveau... j'espère que le match s'est bien passé... il aurait quand même pu me répondre... j'ai envie de lui... juste le voir, juste voir son sourire...

     

    Je me réveille à 9 heures pétantes en ayant dormi comme un bébé. C'est beau d'être étudiant en vacances... je me douche, m'habille, je vais courir. Midi arrive... je rentre... je mets les pieds sous la table... c'est beau d'être étudiant en vacances... pourvu que j'aie de ses nouvelles avant ce soir... demain c'est le départ pour Londres... je suis tellement inquiet de ne pas le revoir avant mon départ que j’en arrive presque à trouver fastidieux de devoir partir… alors que je devrais être excité comme un poux, car je vais à mon premier concert de Madonna !

    Je voudrais bien le voir avant de partir, mais ça va être court...

    L'après midi je travaille un peu le code à la maison... je repense à Martin... ça va être simple de le revoir à l'autoécole et de prendre des cours de conduite après la drague de samedi soir et l'énorme lapin que je lui ai posé... quand je pense qu’il a du se la mettre sur l’oreille pour la fumer plus tard…

    De temps en temps, je regarde mon portable... toujours pas d’sms de Jérém.

    Je suis un peu déçu, de plus en plus déçu au fil des heures qui passent, mais ça c'est du Jérémie. Il peut très bien ignorer mes messages après m'avoir fait des câlins et m'avoir fait l'amour...

    Un message arrive enfin vers 16 heures... je me précipite dessus... ce n'est pas le message que j'attends, toujours ma cousine... putain... j'aime ses messages drôles, mais il faudrait qu'elle arrête de me faire des fausses joies...

    J'ai envie de le relancer, d'envoyer un autre message... mais je ne sais pas quoi écrire, tout me semble rélou venant de ma part... et n'ai pas envie qu'il se sente harcelé... je décide d'aller marcher le long du canal... j’adore marcher sur le canal… c’est apaisant, dépaysant… en marchant je me dis que cette nuit il a du faire la nouba jusqu’à tard avec ses potes… et qu’aujourd’hui il doit bosser à la brasserie… voilà pourquoi il n'a pas encore répondu à mon message...

    Enfin... il aurait quand même pu m’envoyer un petit coucou… ça prend dix secondes... bref... du Jérém... il faut que j’arrête de penser à lui… à Jérém en tenue de serveur, avec sa chemise blanche si sexy… il faut que j’arrête d’y penser car plus j’y pense, plus je sens que cette rue de Metz m'attire comme un aimant...

    Il ne faut surtout pas que je cède à la tentation… une fois ça va, en compagnie de Thibault, pour marquer le coup de son premier jour de taf, ça passe… mais si je me pointe seul... avec ma tête de mec en manque… ça ne va pas le faire...

    Je marche toujours… et pris dans mes pensées, je me surprends à roder dans les quartiers autour du Pont Neuf... je dérive… comme pris dans un courant marin imperceptible…  je tente de résister… de mettre de grandes brassées pour repartir vers le rivage… le quartier St Michel… mais rien n’y fait… je pars à la dérive… j'ai trop envie de le voir avant de m'envoler pour Londres…

    Je me dis qu'après tout, un petit coucou style mec qui passe vite faire un coucou sans s’arrêter, car il est pressé, ça pourrait passer... j’ai juste besoin de le voir… de voir son sourire... en dirigeant désormais mes pas vers la rue de Metz par le chemin le plus court et à bonne allure, je cherche quelque chose d'original et/ou marrant à lui balancer si jamais son sourire m’autorisait à m’arrêter une seconde… bien sur, je ne trouve rien de valable... l'important c'est de voir mon beau brun… pour le reste je vais improviser...

    Evidemment, plus j'approche, plus je me sens mal à l'aise... j'angoisse... je commence à me laisser gagner par l'idée que s'il ne m'a pas répondu, c'est qu'il fait la gueule...

    Lorsque je rentre dans la rue de Metz, mes pas ralentissent tout seuls... je m'arrête carrément, indécis si je dois continuer ou si je dois faire demi tour...

    Mon envie de le revoir aura raison de mes hésitations. Je me fais violence pour avancer, pour y aller d'une seule traite, sans ralentir. Et lorsque j'arrive à proximité du fameux abribus où la dernière fois je m'étais fait gauler par Thibault, je me poste pour guetter sa présence...

    Je reste plusieurs minutes... je vois défiler tous ses collègues... mais pas de Jérém... je me dis qu’il est peut-être à l'intérieur... je décide de prendre sur moi… je décide d'en avoir le cœur net.... et tant pis s’il me regarde de travers… rentrer dans une brasserie pour prendre un café et accessoirement chercher à voir le mec qu’on aime, n’est pas puni par la loi, que je sache…

    Je rentre donc à l'intérieur en essayant de dissimuler mon malaise coupable qui doit se lire sur ma personne, et je commande un café... pendant que le mec derrière le comptoir trafique à la machine expresso et que le parfum de torréfaction ravit mes narines, je laisse courir mon regard dans la salle… quelques clients… mais pas de trace de mon beau brun... mais il est où, alors ?

    Je n'aurai pas vraiment l’occasion de me poser trop longtemps la question, car une petite conversation captée entre le patron et l'un des serveurs, me donnera un début de réponse :

    « Julien... » fait le type derrière le comptoir en s’adressant à un charmant serveur qui vient de le rejoindre.

    « Oui, patron » lui répond le jeune serveur.

    « Tu peux faire l'après midi demain, exceptionnellement ? ».

    « Jérémie ne sera pas là ? ».

    « Non, apparemment il est en arrêt au moins jusqu'à jeudi ».

    « Qu'est ce qui lui arrive ? ».

    « Une blessure au rugby, un truc à l'épaule si j'ai bien compris… ».

    Mon café manque de partir en travers dans ma gorge. Merde… voilà pourquoi mon bobrun n'est pas au taf… soudainement je sens mon adrénaline monter en flèche, rapidement je suis dans un état de fébrilité intenable... j'en tremble...

    Jérém blessé... au rugby... lors du match contre Cugnaux... mais que s'est-t-il passé ? Est-ce que c’est grave ? Est ce qu'il pourra jouer dimanche prochain pour la finale ? Il doit avoir le moral dans les chaussettes, surtout s'il n'a pas pu terminer le match... il doit être chez lui… je vais aller le voir… je me lève… je me dirige vers l’entrée… j’entend quelqu’un qui m’appelle avec insistance « monsieur ! monsieur ! s’il vous plait »… bien sur, je n’ai pas réglé mon café… j’ouvre mon portefeuille, les mains tremblantes… je fais tomber les pièces…

    Je suis enfin dans la rue… aller le voir… est-ce vraiment une bonne idée ? S’il est en pétard… je vais être reçu… impossible de pas me dire que notre folle nuit n’y est pas pour quelque chose dans son accident… bien sur, un accident, est un accident… c’est la faute à pas de chance… mais si seulement il avait dormi un peu plus… il aurait peut être été plus en forme… et ça ne serait pas arrivé…

    C’est sur, je suis peut être la dernière personne qu’il a envie de voir… mais j’ai besoin d’en savoir plus… alors devant mon QCM à la Jean-Pierre Foucault :

    A – Il est blessé et c’est grave

    B – Il est blessé, c’est pas grave, il est en pétard

    C – Il est blessé, il m’en veut à mort

    D – Il est blessé, mais une visite lui ferait plaisir,

    je choisis le joker… coup de fil à un ami… enfin… puisque je ne suis pas loin… ce sera plutôt, visite surprise à un amis.

    Je traîne de rue en rue, en attendant 18 heures, je passe dans la rue Alsace Lorraine devant le magasin de portables… le beau Mathieu est là, en train de montrer un appareil à un mec qui n’est pas moche non plus… Mathieu, qui a couché avec Romain… Romain, qui a couché avec Jérém… Jérém, qui s’est fait mal au rugby… pourvu que ce ne soit pas grave…

    Je presse mon pas, car c’est l’heure de faire appel à mon joker… ma stratégie est toujours la même, l’attendre à la sortie de son taf près de la gare Matabiau. Et lorsque sa silhouette déboule dans la rue, lancée à bonne allure, le pas assuré, la sensation est toujours la même… putain, qu’est ce qu’il est bien gaulé, qu’est ce qu’il est charmant et séduisant, comment tout transpire la gentillesse et la droiture chez le beau et bon Thibault… un mec comme si beau ça donne envie de faire de la mécanique… 

    Thibault t-shirt vert scandaleusement ajusté à son torse tout en muscles… avec un bord blanc autour de ces manchettes si bien remplies, ainsi qu’autour de son cou puissant… ce t-shirt est un truc de ouf… mais comment peut-on être aussi bien foutu… et si sexy… avec un simple t-shirt, un jeans, et des baskets ? Secret de bogoss…

    Le pire chez les garçons comme Thibault, c’est qu’ils ne le font même pas exprès, il n’y a pas de « but » recherche, contrairement a un Jérém, au look soigneusement réfléchi… Thibault est juste beau, nature… et ça… putaiiiin…

    « Thibaut ! » je l’interpelle en traversant la rue, alors qu’il ne m’avait pas encore capté.

    Lorsque son regard se tourne vers moi, je me sens mis à nu. C’est dingue la puissance de son regard… il y a tant de beauté et de gentillesse dans ce regard… on a envie de lui faire un bisou…

    C’est ce qu’on fera… un échange de bises, bien viriles…

    Ce sera l’occasion de sentir une fois encore sa présence dans mon espace vital, bonheur indescriptible… de sentir un mélange d’odeurs dans lequel je crois pouvoir distinguer l’odeur de propre de son t-shirt… l’odeur du savon avec lequel il s’est lavé avant de débaucher… le tout mélangé avec une petite odeur de cambouis persistante… bref, une odeur de propre et de bon, une odeur de mec bosseur et bien dans ses baskets…

    La bise faite, mon regard tombe sur son avant-bras… évidemment qu’il est propre, pas comme dans ce putain de rêve... si tu savais Thibault... comment j'ai rêvé de toi et de ton pote hier après midi... stop Nico, arrête d'y penser, la trique te guette… il te faut garder tes moyens… déjà que en reculant je n’ai pas fait attention au bord du trottoir, et que la seule chose qui a failli me faire casser la gueule c’est la main de Thibault, aussitôt tendue, qui m’attrape par l’avant-bras… ainsi que ma main, s’élançant pas réflexe et s’agrippant, non sans bonheur, au biceps tendu du beau mécano… putain qu’est ce que c’est puissant ce biceps… le voir est une chose… le sentir, c’est une expérience à part entière…

    « Ca va Nico ? » il enchaîne avec un beau sourire qui me fait un peu oublier la gêne du fait d’avoir que j’ai failli me casser la gueule devant lui. Quand je dis qu’il est adorable…

    « Ca va, et toi ? » je relance.

    « Ouais ça va... » sera sa réponse. Pourtant, j’ai l’impression que son regard ne colle pas avec ses mots. Je remarque sur son visage, sur le nez, la joue et le front, les contusions typiques d'un match de rugby difficile.

    Je crains un peu la réponse à la question qui me brûle les lèvres, mais j’ai besoin de savoir. Alors j’y vais sans détours. 

    « Qu'est ce qui est arrivé à Jérém ? Il s'est blessé? ».

    « Tu l’as eu ? ».

    « Non… mais comme il ne répond pas à mes messages, tout à l’heure je suis passé à la brasserie... j’ai entendu un serveur en parler... ».

    « C’est l'épaule qui est touchée... ».

    « C'est grave ? »

    « Apparemment il n'y a rien de cassé, c’est douloureux car il a pris un sacré pet’... ».

    « Qu'est ce qui s’est passé ? ».

    « Le rugby est un sport dangereux » il plaisante.

    « J’imagine… ».

    « Le match a été très dur... » il reprend sur un ton plus sérieux  « au milieu de la deuxième mi temps, un joueur de Cugnaux l’a plaqué et Jéjé est mal tombé... ».

    « Toi aussi t'as pas l'air en forme... » je relance.

    « Le match a été dur... » il répète.

    « Et comment ça s'est fini, vous avez gagné ? » je m'inquiète.

    « Malheureusement... non… » soupire le beau mécano « malheureusement, non… ».


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