• Octobre 2008.

    C’est à ce moment, lorsque je suis à nouveau au plus mal, qu’un ange tombé du ciel revient dans ma vie. Ce n’est pas dans le milieu que je le retrouve, mais dans une salle de cinéma du centre-ville. Le hasard a fait que tous deux avons choisi d’aller voir le même film, plusieurs semaines après sa sortie, dans la même salle de cinéma, et à la même séance.
    C’est après deux heures passées à suivre les pérégrinations de Meryl Streep sur une île grecque tout en chantant du ABBA à tout va, après avoir attendu religieusement, lui comme moi, que le fondu au noir et le silence tombent après les titres de fin, et que les lumières se rallument, c’est au moment de quitter la salle que nous nous croisons, que nous tombons littéralement l’un sur l’autre. Je m’arrête pour le laisser passer, il insiste pour me laisser passer.
    Il n’a pas changé, il est toujours aussi gentil garçon. Et soudain, mon cœur s’emplit de bonheur, comme lorsqu’on rencontre un visage familier après s’être longtemps égaré dans un désert ou dans une forêt.

    Stéphane !!!!!!!!!

    —    Oh Nico ! il me lance, visiblement aussi surpris que je le suis.
    —    Stéphane ! Mais que fais-tu ici à Toulouse ?
    —    C’est une longue histoire. Mais viens-là, Nico !
    Et ce disant, il vient vers moi, me serre fort dans ses bras et me claque deux bonnes bises bien sonores.
    Sa démonstration d’affection si débordante me donne envie de pleurer.
    —    Ça me fait plaisir de te voir, Nico !
    —    Moi aussi, je suis super content de te voir !
    —    Tu as grandi, et très bien grandi ! T’es beau ! Ça te fait quel âge maintenant ?
    —    Vingt-six, depuis peu.
    —    Comment tu vas ?
    —    Ça va, ça va…
    —    Ça n’a pas l’air.
    —    Disons que j’ai déjà connu des jours meilleurs…
    —    Eh, ça te dit d’aller boire un verre ? On pourra discuter au calme, il enchaîne sans transition.
    —    Mais avec plaisir !
    —    T’as envie de marcher un peu ?
    —    Pourquoi pas.
    —    Alors je vais te montrer mon nouvel appart. Il est à quinze minutes de marche.

    Si mes souvenirs sont bons, Stéphane avait 26 ans en 2001, il doit donc en avoir 33 aujourd’hui. Depuis notre dernière rencontre il y a sept ans, il s’est un peu épaissi, et quelques cheveux blancs se sont glissés au milieu de sa belle chevelure brune, notamment au niveau des tempes.
    Mais il n’a rien perdu de son charme. Bien au contraire, ces quelques années lui ont apporté une virilité nouvelle, encore plus intense qu’auparavant. Stéphane est maintenant un homme très séduisant.
    Le temps n’a pas changé sa profonde gentillesse, son sourire est toujours aussi attachant. Sept ans, et il n’a rien perdu de ce côté nounours tout doux qui m’a attiré vers lui en cette journée de printemps de 2001. Et ces lunettes qu’il porte désormais en permanence ajoutent un charme studieux à ses yeux toujours aussi charmants.

    Nous remontons les allées Jean Jaurès, nous traversons le pont sur le Canal et nous longeons ce dernier.
    —    Je suis revenu à Toulouse il y a quelques semaines, il m’explique pendant que nous marchons. J’ai changé de job, maintenant je travaille à Blagnac, je suis gestionnaire de compte pour les clients allemands.
    —    Et tu t’y plais ?
    —    Je suis revenu chez moi, je suis content.
    —    Et Gabin ?
    —    Il est toujours là, avec quelques années de plus, mais toujours fidèle au poste.
    —    C’est cool !
    —    Voilà, c’est ici, il m’annonce, en s’arrêtant devant un immeuble à proximité de celui où habitait Thibault avant d’aller jouer au Stade Toulousain.
    —    Dès que j’ai été installé, j’ai eu envie de prendre de tes nouvelles, il continue pendant que nous traversons un couloir qui nous mène dans l’arrière-cour de l’immeuble. Mais je ne savais pas comment te retrouver. Je n’avais plus ton numéro. Et puis, je ne savais même pas si tu étais toujours à Toulouse…
    —    Je suis désolé de pas t’avoir donné de nouvelles pendant tout ce temps, je profite pour m’excuser.
    —    J’imagine que tu avais plein de choses à vivre, et tu as eu raison de les vivre. Et puis, moi non plus je ne t’en ai pas vraiment données. Mais maintenant, on va rattraper le temps perdu !
    Stéphane tourne la clé dans la serrure et, dès la porte d’entrée ouverte, la fougue de Gabin nous déborde comme une tornade. Le labranoir a pris du poil blanc sous le menton et sur le bas des babines, il a un peu changé, la tête, le corps, mais sa mignonnerie naturelle demeure intacte, il est toujours ce puits à câlins que j’ai connu à l’époque de notre première rencontre sur la pelouse de la cathédrale de Saint Etienne. Et je jurerais, ou du moins j’ai envie d’y croire, qu’il m’a reconnu, malgré les années passées.
    —    Allez, rentre, tu vas te mettre à l’aise et tu vas me raconter ce que tu as fait pendant ces sept années !
    —    Tu as des RTT à poser ? je blague, car ça risque de prendre du temps !
    —    Je pense qu’on va faire ça par épisodes, il plaisante à son tour.
    —    Ça me va…
    —    Tu bois quoi ? Une bière blanche ? Il me semble que tu aimes la bière blanche…
    —    Tu te souviens de ça ?
    —    Je me trompe ?
    —    Non, pas du tout, quelle mémoire ! je lâche, passablement impressionné.
    Pendant que Stéphane prépare les boissons, Gabin me souhaite la bienvenue à sa façon. Il bondit vers un coin de la pièce, il se saisit d’un « pouic pouic » en forme de ballon de rugby et il vient le laisser tomber sonorement à côté de moi comme pour me dire : « Ça fait des heures que je suis seul, maintenant, on joue ! ». Ou encore : « Ça fait des années que tu n’as pas daigné venir me voir, alors, maintenant, joue ! ».
    Le Labranoir me fixe avec sa bonne bouille, avec son regard d’une douceur désarmante, il me toise avec insistance, l’air joueur, impatient.
    J’attrape le jouet et je le lui lance à l’autre bout du couloir. Gabin détale aussitôt, si vite qu’il patine sur le carrelage, il glisse, puis il part enfin le récupérer en bondissant, avec une attitude de chiot fougueux qu’il n’a pas perdue malgré les années passées.
    Lorsqu’il saisit le ballon, au bout d’un dernier bond très calculé, il commence à le mâchouiller vigoureusement, provoquant des « pouic pouic » d’intensité variable, comme volontairement modulés. On dirait qu’il essaie de communiquer, sa joie, son plaisir du jeu, son envie de continuer. Il est vraiment adorable et il dégage une tendresse, une innocence, une douceur qui me font fondre.
    Gabin revient vers moi, mais il ne me tend pas la balle. Il me regarde avec un air canaille, prêt à démarrer pour m’empêcher de lui prendre son jouet, tout en me mettant au défi d’arriver à le lui attraper.
    —    Ce qu’il aime, c’est que tu lui coures après pour la récupérer ! m’explique Stéphane en déposant les boissons sur la table basse.
    Stéphane se joint à nous, nous nous mettons à ses trousses. Nous finissons par le coincer en le cernant des deux côtés de la table. Je récupère enfin le ballon d’entre ses mâchoires et je le relance. Le contact avec son poil doux est comme une caresse, sa spontanéité est touchante.
    Nous continuons à jouer pendant un petit moment, tous les trois, et c’est vraiment marrant. Gabin finit par se lasser et par se caler sur un grand tapis qui est son coin de repos dédié.
    —    Ce chien, est vraiment « le chien de ma vie », m’explique Stéphane. Quand je pense qu’il a déjà onze ans, j’ai un pincement au cœur. Chaque soir, au moment de me mettre au lit, je me dis que c’est un jour de plus qui me rapproche du jour où sa bonne bouille ne sera plus là pour m’apporter du bonheur. Car il m’apporte tellement de bonheur ! Alors que j’ai l’impression de lui consacrer si peu de temps !
    Oui, Gabin est toujours aussi adorable. Tout comme son maître, adorable et touchant garçon.
    Aussitôt installés sur le canapé, ce dernier me lance :
    —    Et maintenant, parle-moi de toi.

    En quelques mots, je lui parle, de mes études à Bordeaux, de mon travail à Montaudran. En quelques autres mots, puis en quelques sanglots, je lui parle de mon histoire avec Jérém, de notre bonheur, de notre agression, de notre séparation, de ce garçon anglais qui a pris ma place dans son cœur. Je lui parle du fait que, malgré cette année écoulée depuis notre séparation, je l’aime toujours, j’attends toujours son retour. Je lui parle de ma difficulté à accepter cette rupture, à m’en faire une raison, à aller de l’avant.
    —    Une rupture est une épreuve difficile à endurer quand on est amoureux. Voir un autre prendre notre place, « voler » notre bonheur, ça, ça ne passe pas. Ça m’est arrivé aussi, quelques années avant que nous nous croisions. A vingt ans, j’ai rencontré un gars qui était animateur d’une radio locale. Il avait quelques années de plus que moi, et c’est lui qui m’a fait découvrir l’amour entre garçons. C’est lui qui m’a appris à m’aimer et à m’assumer. Ce garçon, je l’ai aimé comme un fou. Au bout de quelques mois de relation, il a rencontré un autre gars qui travaillait aussi dans la radio, il en est tombé amoureux et ils sont partis travailler pour une antenne nationale à Paris. Il m’a quitté presque du jour au lendemain. J’ai cru que j’allais en crever.
    J’apprends ainsi que Stéphane a également connu l’abandon, la perte de l’être aimé, la séparation, il a vu l’être aimé partir avec un autre.
    —    Bref, je sais à quel point c’est dur, il enchaîne. On se retrouve seuls, désemparés, désorientés et on a l’impression que nous ne pourrons plus jamais faire confiance, plus jamais connaître la moindre joie, le moindre bonheur. La douleur qu’on ressent nous renferme dans une bulle qui nous éloigne des autres et des belles rencontres que nous pourrions faire. On a l’impression de vivre sous une chape de plomb qui ne se lèvera plus jamais.
    —    C’est tellement ça, tellement ça ! je sanglote.
    —    Et pourtant, il faut rebondir, il faut réapprendre à vivre, même si on a l’impression qu’on nous a arraché le cœur, et que, sans le cœur, on ne peut pas vivre.
    Stéphane me prend dans ses bras. Sa présence bienveillante me fait un bien fou. Mes sanglots s’estompent peu à peu. Gabin, intrigué par la scène et/ou jaloux que son maître délivre des câlins ailleurs que sur son poil, approche en trottinant et vient chercher son dû de tendresse. C’est tellement mignon !
    —    Ça ne sert à rien de ressasser le passé, il continue, de rester coincé dans le souvenir du bonheur qui n’est plus. Hier n’est plus, et il ne reviendra pas. Et demain, on ne sait pas de quoi il sera fait. Seul compte aujourd’hui, l’instant présent, le seul sur lequel on a une quelconque prise. La vie est trop courte, il ne faut pas la gâcher avec des regrets, il ne faut pas vivre dans le passé, et il ne faut surtout pas laisser le bonheur perdu nous empêcher d’en vivre d’autres !
    Je suis profondément touché par ses mots, son vécu, sa maturité, son empathie. Nous continuons à discuter pendant une bonne partie de la nuit, de lui, de moi, de choses et d’autres. Je retrouve la complicité qui a été la nôtre dès le premier instant, celle que nous avons connue pendant les quelques rencontres avant son déménagement en Suisse, et que les années n’ont pas effacée. Il y a des Êtres comme ça, avec qui on est relié par un fil invisible qui traverse l’espace et le temps, des êtres avec lesquels on est connectés à tout jamais. Ça fait sept ans que nous ne sommes pas vus, que nous ne nous sommes pas donnés de nouvelles, et j’ai l’impression que nous nous sommes quittés la veille.

    Novembre 2008.

    Ces retrouvailles inattendues tombent à point nommé. Avec Stéphane, je retrouve un ami au moment où j’en ai le plus besoin.
    Je le revois dès la semaine suivante. Nous allons prendre un verre, manger une pizza, nous balader sur la Garonne. Entre deux sorties, nous échangeons par SMS. Il n’y a pas un jour où je n’ai pas de ses nouvelles, où il ne prend pas de mes nouvelles. Peu à peu, nos échanges deviennent un rendez-vous incontournable du matin, et du soir, et à chaque fois que nous en avons envie.
    La présence et l’écoute de Stéphane me font un bien fou. Nous avons des longues discussions sur les sujets les plus disparates, toujours dans la bienveillance et le respect mutuel. Nous partageons des moments de franche rigolade, d’autres plus profonds. Comme toujours, la maturité de Stéphane m’impressionne.

    Puis, un soir, je manque de peu de tout faire capoter.
    Nous passons un bon moment à discuter à bâtons rompus sur son canapé autour d’une bière.
    Au fur et à mesure que la soirée avance, que la deuxième bière enivre mon esprit, et que la douce bienveillance de Stéphane cajole mon cœur meurtri, je repense à nos belles conversations d’il y a sept ans, à notre balade au Jardin des Plantes, à son risotto, au DVD d’Aladin.
    Mais également à sa douceur pendant l’amour, à sa sensualité. Si Jérém est le garçon qui m’a dépucelé et qui m’a fait connaître le plaisir de baiser, Stéphane restera à tout jamais pour moi le garçon qui m’a montré ce que c’était de faire l’amour. A une époque où Jérém ne voulait que me baiser, me refusait le moindre geste de tendresse, et cachait notre relation à la Terre entière comme quelque chose de sale et honteux, Stéphane m’avait montré que le sexe ne devait pas forcément ressembler à un rapport de force entre soumis et dominant, qu’on pouvait s’assumer en tant qu’homo et être heureux, et que je n’avais pas à avoir honte de qui j’étais.
    Je me souviens de son torse délicatement velu, tiède, doux.
    Je me souviens de ses jambes poilues et plutôt musclées.
    Je me souviens de ses caresses, de sa façon de m’apporter un plaisir fou et inconnu, de me faire découvrir une nouvelle sexualité.
    Je me souviens de sa façon de me renvoyer une nouvelle image de moi, l’image d’un garçon désirable et non pas seulement d’un trou à bite, sensation qui était à ce moment-là totalement nouvelle pour moi, et si agréable.
    Je me souviens de la douceur de son physique qui n’était pas façonné à la salle de sport, mais nature et assumé.
    Plus la soirée avance, plus je le trouve séduisant, plus encore qu’il y a sept ans. Et je sens monter en moi une envie de plus en plus débordante de sensualité.
    Je n’ai pas envie de rentrer, j’ai envie de me sentir désiré et aimé, compris et rassuré. J’ai envie de faire l’amour avec Stéphane comme au bon vieux temps. J’ai envie de cet amour des sens et de l’esprit, j’en ai furieusement envie cette nuit, avec Stéphane.
    J’ai envie de penser que lui aussi se souvient de nos moments de sensualité. J’ai envie de tenter ma chance. Je m’approche de lui et je l’embrasse.
    Ses lèvres sont toujours aussi douces, mais elles demeurent immobiles. Stéphane ne me repousse pas, mais son manque de réaction en dit long.
    —    Excuse-moi, je regrette à haute voix, soudain gêné par mon geste.
    —    Ne t’excuse pas.
    —    Je n’aurais pas dû.
    —    Ne te méprends pas, Nico. Tu es vraiment beau garçon, et je te trouve très attirant. Mais en ce moment, tu n’as pas besoin de ça. Tu n’es toujours pas guéri de ta séparation, et tant que tu ne te seras pas reconstruit, tu ne seras pas prêt, tu ne seras pas assez solide pour te lancer dans une nouvelle histoire. Et même le sexe, ça ne t’apporterait pas grand-chose. Aujourd’hui, tu n’as pas besoin d’un amant, mais plutôt d’un pote.

    C’est difficile d’entendre ces mots lorsqu’on aspire plus que tout à retrouver au plus vite un amour et une sensualité que l’on croit, à tort, capables de nous faire oublier ce qu’on a perdu.
    Lorsque le manque d’amour est déchirant, on a envie de brûler les étapes, de retrouver le bonheur d’avant, au plus vite. Mais Stéphane a raison, il a terriblement raison.
    —    Tu veux qu’on soit potes ? il me questionne.
    —    Je ne demande pas mieux.
    —    Je crois que ce sera plus simple d’être potes si on ne couche pas ensemble.
    —    C’est pas faux.

    Un peu plus tard en novembre.

    Depuis que nous sommes officiellement potes, un nouveau sujet de conversation et de débat s’est invité entre Stéphane et moi et occupe désormais une partie importante de nos échanges. Ce sujet, ce thème majeur de l’existence est, je vous le donne en mille, le Masculin. Assis à une terrasse ou en marchant dans la rue, nous partageons nos impressions au sujet des spécimens qui nous font nous retourner sur leur passage ou sur leur présence. C’est marrant, c’est libératoire, c’est jouissif.
    Je n’ai jamais eu ce genre de partage et de complicité avec qui que ce soit, pas même avec Jérém. Je l’ai eu un peu avec Elodie, au bon vieux temps où nous avons fait « les quatre cents coups » ensemble, mais jamais à ce niveau de partage. Entre mon pote Stéphane et moi, il n’y a pas de place pour les tabous. Si on trouve un mec bandant, on se le dit, on se dit pourquoi et comment, et on se dit ce qu’on aurait envie de lui faire, ou de le laisser nous faire. On se raconte nos expériences, on revient sur nos erreurs, sur nos bonheurs, sur nos échecs.
    Je découvre l’humour de Stéphane, souvent mordant, parfois égrillard, ou encore polisson, mais jamais vulgaire.
    Une bonne blague, une glace place du Capitole, une balade avec Gabin le long du Canal, un resto, un bon film à regarder au cinéma ou en DVD, un bon CD à faire tourner en buvant du Jurançon frais et moelleux, un mot réconfortant toujours prêt à être dégainé lorsque, parfois, la mélancolie me saisit encore sans prévenir.
    Tout ça, c’est mon pote Stéphane.
    On a du mal à l’admettre quand on va mal et qu’on a qu’une envie, celle de se rouler en boule et de crever, mais l’amitié est vraiment l’un des rares remèdes contre les peines de cœur.
    Un pote, un vrai, c’est un trésor inestimable.

    Toujours en novembre 2008.

    Un an déjà que Jérém m’a quitté. Il y a un an, je montais à Londres pour savoir. Il y a un an, je découvrais Jérém amoureux d’un autre garçon. Triste anniversaire. Heureusement, Stéphane est là pour me sortir et me changer les idées.

    Toujours et encore en novembre 2008.

    En cette fin d’année, quelque chose d’impensable se produit dans l’une des plus grandes nations du monde. Le premier président noir des Etats-Unis d’Amérique s’installe à la Maison Blanche, suscitant un engouement populaire sans précédent depuis Kennedy. Qui l’eût cru encore quelques mois plus tôt ?

    Début décembre 2008.

    Au fil des semaines, je vais mieux. Sans doute parce qu’il estime que je suis prêt, Stéphane me propose une sortie un peu différente de nos classiques resto/ciné.
    —    On se fait une sortie au B-Machine ce week-end ? il me propose un mercredi soir après m’avoir encore battu au Scrabble.
    —    Je ne sais pas si j’en ai envie. Je suis pas mal sorti cet été, et les coups d’un soir, j’ai donné. En ce moment, ça ne me botte pas vraiment.
    —    Je ne te parle pas d’aller lever un mec, je te parle d’aller boire un coup, danser, nous amuser. Le reste viendra en temps et en heure. No stress, mon pote !

    Oui, no stress. Ça pourrait être la devise de Stéphane. Avec lui, tout semble si naturel, si simple, si apaisant. Alors, j’accepte sa proposition.

    Le samedi suivant, je franchis une nouvelle fois le seuil de la boîte où j’ai retrouvé Romain quelques semaines plus tôt, et d’autres mecs par la suite, je retourne dans ce milieu par lequel j’ai été dégoûté à un moment. Je le franchis accompagné de Stéphane.
    C’est bon d’aller en boîte avec un pote. C’est beaucoup moins glauque que d’y aller tout seul en espérant lever un type. On a quelqu’un à qui parler, avec qui partager un verre. Mais aussi des impressions, des commentaires, des avis, des classements, des blagues au sujet de la faune masculine circulant dans cet écosystème si particulier.
    Stéphane ne rechigne pas non plus devant la « piste de danse ». Quand un morceau lui plaît, il n’hésite pas à se « jeter » dans le flow, et à y rester parfois des heures durant.

    Décembre 2008.

    Depuis mes retrouvailles avec Stéphane, je vais mieux, beaucoup mieux. Je retrouve le sourire, l’envie d’écouter de la musique, de sortir, je reprends goût à la vie.
    Puis, la période de Noël arrive, les magasins et les rues se chargent de décorations, les chaînes de télé des films de Noël dont le seul intérêt est le bogoss de service au casting, et la morosité me cueille à nouveau. Noël, c’est une période chargée de souvenirs, notamment celui de 2003. Ça va faire déjà cinq ans que Jérém était venu me chercher à la maison de mes parents, qu’il m’avait amené à l’hôtel, qu’il m’avait fait l’amour, c’était un Noël magique.
    Je sais qu’il ne viendra pas me chercher, mais au fond de moi, « All I want for Christmas » c’est toujours lui, lui, lui !
    Heureusement Stéphane est là. Toujours et encore. Un jour, au détour d’une conversation, je lui ai dit que Tchaïkovski était l’un de mes compositeurs classiques préférés, si ce n’est carrément mon préféré. Et que le fait qu’il ait été du bon côté de la force à une époque et dans une nation où cela était sévèrement réprimé le rendait encore plus cher à mon cœur. Nous avons passé un vendredi soir à écouter du Tchaïkovski sur sa super sono, avec mes CD, tout en parlant de « Tribunal d’honneur », le livre de Dominique Fernandez épousant une théorie troublante autour de la mort prématurée du grand compositeur, théorie liée justement à son homosexualité.
    Stéphane n’a ni oublié que j’aime la bière blanche, ni que j’aime Tchaïkovski. Quelques jours avant Noël, il m’annonce qu’il a acheté deux places pour le Casse-Noisette qui se joue au théâtre du Capitole. Si ce n’est pas adorable, ça !
    Il ne me reste qu’à le remercier. Je ne peux me retenir de le prendre dans mes bras et de lui dire, venant du plus profond de mon cœur :
    —    Merci d’être là ! Je suis tellement chanceux de t’avoir comme ami !
    —    Moi aussi je suis content qu’on soit devenu de véritables amis.
    —    Et tu sais quoi ? il enchaîne sans transition, on va bien se saper… chemise, veste, cravate… on se fait beaux, ça te dit ?

    Samedi 20 décembre 2008.

    Ce soir, à quelques jours de Noël, la place du Capitole est animée par son traditionnel marché de Noël, et elle brille de mille feux. Le théâtre du même nom en impose à partir de sa façade, bâtie de pierre blanche et de briques rose. Ça continue dans l’entrée, tout y est précieux et solennel.
    C’est la première fois que je mets les pieds dans ce théâtre. Et j’avoue que ça ne me serait jamais passé par la tête d’en franchir la porte si Stéphane ne m’y avait pas invité. Sacré Stéphane !
    J’ai joué le jeu, j’ai sorti ma chemise blanche, ma cravate sur des tons de bleus, mon costume gris métal. J’ai voulu « innover » avec un jeans et des chaussures de ville.
    Quant à Stéphane, il est super beau dans sa chemise bleu intense qui me rappelle celle de Jérém lorsqu’il était venu me voir à Bordeaux la première fois pour mon anniversaire, son nœud papillon bleu, et sa belle veste anthracite. Il est vraiment séduisant, et carrément sexy.
    Parfois, il m’arrive quand même de regretter que notre statut de meilleurs potes du monde nous interdise de partager du plaisir sensuel.
    Ce soir, je nous trouve très beaux, et je me sens bien, tellement bien.
    Dès le premier regard, la grande salle m’en met plein la vue avec ses dorures, ses velours, son allure de théâtre à l’italienne.
    Contrairement aux concerts auxquels je suis habitué, le spectacle commence pile à l’heure prévue. Et dès le lever le rideau, j’en prends encore et toujours plus plein la vue.


    C’est la première fois que j’assiste à une grande représentation classique, la première fois que j’assiste à un ballet en bonne et due forme, la première fois que j’écoute du Tchaïkovski joué par un orchestre. Et j’en suis carrément enchanté. Je croyais connaître par cœur le Casse-Noisette, en fait je ne connais que la suite du Casse-Noisette. En fait, je découvre plein de musiques de raccord que je ne connais pas.
    « Un conte féérique qui finit bien, une atmosphère de Noël dont on ne se lasse pas, des mélodies reconnaissables dès les premières notes » était écrit sur le programme du théâtre.
    Casse-Noisette est avant tout du bonheur à l’état pur distillé sur une partition musicale. Quant à la danse et à la mise en scène, ce sont autant de sortilèges qui achèvent de nous faire basculer dans un monde où tout est grâce, harmonie, volupté.
    Il est près de 23 heures lorsque la représentation prend fin. Je sors du théâtre avec des étoiles plein les yeux.
    —    Merci Stéphane, mille fois merci, j’ai passé une magnifique soirée.

    Mercredi 24 décembre 2008.

    Stéphane fête le réveillon dans sa famille, et moi dans la mienne. C’est le deuxième réveillon sans Jérém. Je sais qu’il n’y a aucun espoir qu’il vienne me chercher. Je me demande où il le passera, est-ce qu’il sera avec Rodney ? Est-ce qu’ils le fêteront chacun dans leur famille ou est-ce qu’ils en sont déjà au stade de faire des présentations et des réveillons officiels ? Ce ne serait pas impossible, car ça fait déjà plus d’un an qu’ils sont ensemble ! Et si c’est le cas, ce sera dans la famille de Rodney ou bien dans le domaine viticole Tommasi ?
    Est-ce qu’ils vont faire l’amour cette nuit comme nous l’avions fait en cette fameuse nuit de réveillon que nous avions terminée à l’hôtel ? Est-ce que, de la même façon, ils vont partir à Campan dès demain ? Charlène m’avait dit que Jérém lui avait annoncé sa venue avec Rodney pendant la période de Noël…
    Est-il toujours heureux avec Rodney ? J’espère que oui. En fait, non, j’espère que non. Au fond de moi, j’espère que Jérém va se raviser, que cette histoire abusive va se terminer comme un cauchemar, j’espère toujours que Jérém va revenir vers moi !

    Mercredi 31 décembre 2008.

    Pour le réveillon du 31, j’invite Stéphane chez mes parents. C’est l’occasion de leur présenter enfin mon nouveau grand pote, le garçon qui m’a enfin arraché de la morosité qui s’était emparée de moi depuis ma séparation d’avec Jérém. Depuis le temps que je leur parle de lui, ils sont heureux de mettre enfin un visage sur ce prénom.
    L’apéro n’est pas terminé, qu’ils sont déjà sous son charme.

    ***

    L’année 2009.

    Janvier 2009.

    En plus de nos sorties cinéma, resto, de nos soirées DVD/Musique/Scrabble, Stéphane et moi sortons dans le milieu presque tous les week-ends. Il nous arrive de nous faire mater, mais jamais aborder ou draguer ouvertement. Nous sommes tellement complices et tellement « tout le temps ensemble » que parfois on doit nous croire en couple. Mais ni Stéphane ni moi ne sommes pas particulièrement en quête d’aventures. Je crois que notre amitié nous est si précieuse que nous la préférons aux plans d’un soir. Je crois que nous nous faisons du bien mutuellement, et ça me fait chaud au cœur.
    Stéphane est pour moi à la fois le pote et le grand frère qui m’ont fait défaut pendant mon enfance et mon adolescence.

    Si j’ai envie de tirer un coup, il existe désormais des réseaux facilement accessibles depuis mon ordinateur. Je m’offre un plan de temps à autre. Parfois c’est sympa, du moins sur le moment, le plus souvent c’est décevant. Si le gars me plaît, j’ai envie de le revoir. Le plaisir des corps crée chez moi un attachement que les autres ne semblent pas ressentir. Bien au contraire, là où je ressens l’envie de remettre ça, la plupart des autres gars ressentent l’envie de surtout de ne pas remettre ça.
    Au début, ça me faisait me questionner à mon sujet. Je me disais qu’ils devaient percevoir ma détresse et que ça devait les faire fuir, je me disais que je n’étais pas prêt, que mon cœur était toujours ailleurs, que mon corps ne réclamait toujours que le contact de celui qui n’est plus là, que mon plaisir, et celui que je peux offrir, était toujours verrouillé au Grand Absent.
    Mais au fil du temps, j’ai réalisé que dans le milieu, les aventures sont la norme, l’attachement l’exception. La relation suivie est fuie à la faveur de la multiplication des conquêtes. D’ailleurs, Stéphane en fait lui aussi l’expérience.
    Puis, ce qui devait arriver arriva. Il est arrivé qu’un gars se montre plus attaché que je ne l’étais. Et ça m’a effrayé. Je suis bizarrement constitué. J’ai envie de revoir certains gars qui ne veulent pas me revoir, et quand un gars veut me revoir, j’ai envie de prendre les jambes à mon cou.
    Ce qui est bien dans tout cela, c’est d’avoir un pote avec qui parler de tout ça librement, de pouvoir recueillir son ressenti, ses impressions, ses conseils.
    Stéphane avait bien raison, j’avais avant tout besoin d’un pote. Si je ne l’avais pas, je serais bien mal aujourd’hui.

    Lorsque le spleen m’attrape parfois, je sais que je peux trouver en Stéphane une oreille attentive. Il m’écoute, avec bienveillance, il me questionne, à la fois avec tact mais aussi avec une pertinence redoutable, me mettant parfois devant mes contradictions, sans pour autant me faire la morale, et en me livrant des analyses très intéressantes.
    —    Je pense que ce garçon t’a aimé sincèrement, il considère un soir, alors que la mélancolie m’a amené à verbaliser mes éternels questionnements au sujet des raisons de l’éloignement de Jérém.
    —    Et visiblement tu lui as apporté beaucoup de bonheur, tout comme il t’en a apporté. Mais quand je t’entends parler de son attirance pour les garçons plus âgés, plus virils, pour des garçons appartenant à son monde, au monde du rugby, je ne peux m’empêcher de penser qu’il a toujours eu besoin de quelqu’un de plus fort que lui, plus fort mentalement, je veux dire. Pour le pousser à surmonter les difficultés, que ce soit dans le rugby ou dans la vie plus en général.
    —    Tu as fait du mieux que tu as pu, tu as essayé de le rassurer, tu l’as aidé à s’assumer et à être heureux. Et tu as réussi, pendant un temps. Mais l’agression dont vous avez été victimes a certainement ravivé ses peurs et sa honte. Ça l’a fait se sentir vulnérable. Quand il s’est senti outé dans le milieu du rugby, il a paniqué en pensant devoir renoncer à sa carrière. Tu m’as dit qu’il était parti en Australie. En général quand on part si loin et si longtemps, c’est qu’on est vraiment perdus.
    —    Tu as raison, je n’ai pas su le faire se sentir en sécurité, j’admets, les larmes aux yeux.
    —    Parfois, même si on aime comme des fous, on n’est pas en mesure d’apporter à l’Être aimé ce dont il a besoin. Parce que la vie ne nous a pas encore équipés pour cela, ou parce que notre nature profonde fait qu’…
    —    … fait qu’on a tous besoin d’être rassurés, de nous sentir protégés, je le coupe, en larmes.
    —    Je pense que c’est ça, tu as dit le mot. Protégé. Ce garçon se sent vulnérable et il a besoin de se sentir protégé.
    —    Mais s’il a si mal vécu le fait de se sentir outé dans le milieu du rugby français, pourquoi il s’est remis dans la même situation inconfortable dans le rugby anglais ? Et même dans une situation encore pire, se mettre avec un coéquipier, vivre ensemble…
    —    On ne peut pas savoir ce qui s’est passé dans sa tête. Ce Rodney appartient à son monde, et ça a dû probablement le faire se sentir conforté à la fois sur le plan sportif et personnel. Et ça, ça a pu conquérir son cœur. Et quand on tombe amoureux, quand on se sent protégés par l’amour de l’autre, on a tendance à prendre des risques. Parfois l’amour peut nous donner l’illusion que les mêmes ingrédients peuvent donner un résultant différent…
    —    Je le lui souhaite, je le lui souhaite de tout cœur. Car, s’il devait vivre une nouvelle fois ce qui s’est passé après notre agression, je crois qu’il ne le supporterait pas.

    Toujours janvier 2009.

    Plus le temps passe, plus je me dis qu’en tombant sur Stéphane en ce jour d’automne, j’ai vraiment trouvé le meilleur des potes. Un pote à qui je dois toute la sincérité qu’il mérite.
    Un soir, j’ai envie de revenir sur un moment assez crucial dans ma vie, et de lui donner une explication que je lui dois depuis longtemps.
    —    Je suis désolé d’avoir annulé notre dernier rendez-vous il y a sept ans…
    —    Tu es allé voir Jérém, ce soir-là, n’est-ce pas ?
    —    Oui…
    —    Je m’en suis toujours douté. Mais tu sais, c’est pas grave. Ce garçon, tu l’avais tellement dans la peau !
    —    Tu m’en veux pas ?
    —    Non, pas du tout. J’ai apprécié chacun des moments que nous avons passés ensemble. Mais tu as bien fait d’aller le rejoindre. Ça t’a ouvert les portes de quelques années de bonheur avec lui. Et le bonheur, il ne faut jamais le laisser passer quand il se présente à nous.

    Parfois, je me demande si en cette fameuse nuit où j’avais annulé le rendez-vous avec Stéphane – parce que Jérém m’avait sommé de le rejoindre à la salle de muscu du terrain de rugby pour une de ces sublimes séances de baise dont il avait le secret – j’ai fait le bon choix. Je me demande comment aurait été ma vie si ce soir-là j’avais laissé tomber Jérém et que j’avais décidé d’aller plutôt vers Stéphane. Est-ce que j’aurais été plus heureux, est-ce que j’aurais moins souffert ? Certes, Stéphane allait partir. Mais si ça n’avait pas été le cas ? Avec les si…
    Et pourtant, l’idée me trotte parfois dans la tête.

    Février 2009.

    Le mois de février est marqué par une rencontre inattendue. Un dimanche matin, je reçois un coup de fil de Ulysse. Le beau blond est à Toulouse pour un match Stade contre Stade, et il me propose d’aller prendre un verre ensemble en fin d’après-midi. J’accepte avec plaisir.
    —    Je m’en suis tellement voulu pour ce qui vous est arrivé, il me glisse de façon un peu abrupte au détour d’une conversation, comme s’il avait besoin de se délivrer d’un poids qui écrasait son cœur depuis longtemps.
    —    Pourquoi tu t’en voudrais ? je m’étonne.
    —    Si je ne vous avais pas invités chez moi, vous n’auriez pas croisé cette bande de fumiers !
    —    Tu as voulu bien faire, tu as voulu fêter l’anniversaire de ton pote. C’était adorable.
    —    Tu tiens le coup, Nico ?
    —    Il me manque tellement…
    —    A moi aussi il me manque. Sans lui, l’équipe n’est plus la même. J’avais prévu de continuer jusqu’en 2010, mais je suis tellement dégoûté que finalement je vais raccrocher les crampons à la fin de cette saison.
    —    Et ton projet de resto avance comme tu le veux ?
    —    Il avance très bien. L’ouverture est prévue pour l’été.
    —    Je suis heureux pour toi.
    —    Tu as des nouvelles de Jérém ? je ne peux m’empêcher de le questionner. Mes bonnes résolutions de début d’année de ne plus chercher à avoir des nouvelles de Bobrun n’auront pas tenu longtemps.
    —    Je l’ai de temps en temps au téléphone.
    —    Il est parti en Afrique du Sud ?
    —    Il y est depuis deux mois. Le Super 14 commence dans un mois.
    —    Avec Rodney ?
    —    Oui, avec Rodney.
    —    Tu l’as rencontré, ce… Rodney ?
    —    Je le connais depuis des années, j’ai joué contre son équipe plusieurs fois, et nous nous sommes retrouvés parfois en soirée, après les matches…
    —    Je veux dire… tu l’as rencontré avec Jérém ?
    —    Je suis allé en Ecosse cet été, oui…
    —    En Ecosse ?
    —    Le frère de Rodney habite là-bas… il m’explique, l’air un brin embarrassé.
    Alors, ça y est. Le temps des présentations familiales est venu. Jérém a été accepté par la famille de Rodney. J’ai l’impression qu’on arrache une nouvelle brique de mon cœur.
    Quand apprendras-tu, Nico, que si tu ne veux pas avoir des réponses déplaisantes, il ne faut pas poser les questions qui sont susceptibles de les générer ?

    Toujours en février 2009.

    Je sais que le Super 14, ce tournoi entre équipes du Pacifique commence à cette période. Je choisis de l’ignorer. Jérém a disparu pour moi, alors il me semble que c’est inutile de tenter de suivre sa trace.

    Mai 2009.

    Mon amitié avec Stéphane ne connaît pas la crise. Lors de l’un des premiers ponts du mois de mai, nous allons à l’Océan, à Biscarrosse. C’est mon premier voyage de l’après Jérém.

    Juin 2009.

    —    Cette année, j’ai envie d’aller à la Pride, m’annonce Stéphane un soir.
    Sur le coup, je suis un brin réticent.
    —    Je ne suis pas certain de me reconnaître dans l’exubérance et la provocation de cette manifestation tape à l’œil… j’avance.
    —    Je te rassure, moi non plus je ne me sens pas prêt à passer une perruque et à monter sur un char les fesses à l’air. Mais il est important que cette manifestation vive, qu’elle soit nourrie, nous avons besoin de montrer que nous existons, et que nous avons des revendications, comme la lutte contre l’homophobie, les discriminations, la stigmatisation…

    Samedi 20 juin 2009.

    J’ai lu que cette année on célèbre le 40ème anniversaire des émeutes du « StoneWall Inn » à New York, le 28 juin 1969, une date clef dans l'histoire de la lutte contre toute forme de maltraitance liée à l'orientation sexuelle.
    La marche des Fiertés démarre de la place Jeanne d'Arc à 14 heures. Il fait chaud, il y a un monde fou, c’est très coloré, c’est bruyant, c’est vivant, c’est beau. Une bande de percussions ouvre le cortège, les basses à fond la caisse, ça fait vibrer les tympans, les entrailles, la rue, jusqu’aux immeubles.
    Des filles qui aiment des filles, des garçons qui aiment les garçons, des beaux, des moins beaux, des gros, des laids, des sexy, des efféminés, des vieux, des jeunes, des discrets, des démonstratifs – deux garçons qui se tiennent la main dans la rue, d’autres qui s’embrassent, comme c'est mignon – des décolorés, des maquillés, des solitaires, des bandes de potes, toutes les couleurs sont dans l’arc en ciel.
    Je suis submergé par l’émotion de me trouver au milieu d’un événement important où chacun a le droit d’être celui qu’il veut, sans peur des regards, des jugements, des conséquences. Un droit qui n’a pas toujours existé et qui a été arraché il y a bien longtemps au terme d’une lutte parfois violente. A tous ceux qui ont manifesté en premier il y a quarante ans contre une police qui avait le droit de tabasser, j’ai envie de dire un immense MERCI.
    Je suis heureux d’y être, et je suis heureux d’y être en compagnie de Stéphane.
    Le défilé continue boulevard de Strasbourg, puis boulevard Carnot. Passer devant la rue de la Colombette éveille en moi des souvenirs et une blessure encore bien douloureux. Mais Stéphane me parle, et ça m’arrache à ma tristesse.

    Les pancartes et les banderoles brandies par les manifestants sont nombreuses. Au milieu d’innombrables drapeaux arc en ciel se glissent des slogans contre les discriminations :

    « Sous les paillettes, la rage ! ».
    « Je suis un criminel dans 69 pays, car j’ose aimer ».
    « Fatigay de se cacher ».

    Certains choisissent l’humour pour toucher les esprits :

    « Only Beyonce can judge me ».

    D’autres encore, celle de la provocation des jeux de mots :

    « Nos désirs font désordres ».

    La fierté est un thème récurrent :

    « Sois fier(e) de qui tu es »
    « Je n’ai pas choisi d’être gay, mais putain, qu’est-ce que j’aime ça ! »
    « J’ai le droit d’aimer qui je veux ».

    L’homophobie en prend pour son grade :

    « L’homophobie tue »
    « La haine n’aura jamais le dernier mot »
    « A quand le vaccin contre la haine ? ».

    Et mon préféré :

     

     0403 Un phare dans la nuit de bourrasque.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     



    Je suis de plus en plus content de participer à la Pride, j’emmerde mes agresseurs parisiens, ils ne sont que de pauvres gens. Des minables qui ont quand même réussi à détruire ma vie. Les souvenirs de cette horrible nuit remontent en flash, comme des lames qui transpercent mon cœur. Je revis les coups, la peur de ne pas nous en sortir, l’humiliation, le goût du sang dans ma bouche.
    J’en ai le souffle coupé, j’ai la tête qui tourne, j’ai mal au cœur. Stéphane comprend que je ne me sens pas bien et me propose de faire une pause à l’ombre.
    —    C’est quoi l’homophobie ? j’entends éructer d’un mégaphone.
    —    Une façon de s’inscrire en faux vis-à-vis de celui qu’on ne veut pas être accusé d’être ? J’agresse les pédés, donc je n’en suis pas ?
    —    Une manière d’exorciser une part inacceptable de soi ? Quel hétéro ne s’est pas surpris un jour à douter un tant soit peu de l’inébranlabilité de son hétérosexualité ?
    —    L’homophobie est-elle un biais intellectuel qui tend à stigmatiser ou à dévaloriser celui qui est différent de soi pour affirmer par contraste sa propre « valeur » ?
    —    L’homophobie fait souvent appel à des valeurs religieuses. Combien d'atrocités ont été justifiées au nom des valeurs religieuses !
    —    Elle fait parfois appel à des valeurs morales. Est-ce que le respect de l’autre n’en est pas une ? La morale est très souvent un concept à géométrie variable, suivant comme ça arrange !
    —    Quels que soient les mécanismes psychologiques qui en sont à la base, l’homophobie est un marqueur incontestable de limitation intellectuelle, de faiblesse d’esprit, de mauvaise foi, d’incapacité à accepter la complexité de la Création.
    —    On emmerde les homophobes !
    —    On emmerde les homophobes !!!!!!!!!!!! reprend la foule d’une seule voix qui fait trembler la ville.
    —    Il est temps, il est temps, que la honte change de camp !
    —    Il est temps, il est temps, que la honte change de camp !!!!!!!!!!!!!!

    Oui, il est temps, il est vraiment temps.

    Parmi les pancartes brandies, on peut lire également des slogans au sujet des droits et de l’égalité :

    « Mariage, parentalité, l’égalité, c’est pour quand ? ».

    Nous sommes en 2009. Difficile d’imaginer à cet instant que dans quatre ans à peine la loi Taubira sera à l’ordre du jour, qu’elle cristallisera le débat citoyen à un niveau rarement atteint, qu’elle provoquera un immense tollé dans ce pays, qu’elle amènera des dizaines de milliers de gens dans la rue pour manifester pour voir ses droits reconnus, et des centaines de milliers pour manifester pour que les inégalités persistent.

    C’est au Monument aux Morts que les chars font leur entrée en scène. Nous nous arrêtons pour les laisser passer, pour les observer. Au menu, des garçons qui dansent en petite tenue, des distributions de tracts, de capotes et de gel, et toute sorte de musique festive, de YMCA à Vogue, de Rasputine à Express Yourself, de Daddy cool à Dancing Queen, de Pokerface à Human Nature (celle de Madonna, la chanson où elle dit qu’elle ne regrette aucun de ses choix).

    Tout est chaos, à côté…

     



    Partout autour de nous la fête est dans l’air et elle semble égayer la ville tout entière de ses couleurs, de ses sons, de sa fierté.
    Depuis un char me parviennent les basses d’un tube iconique de Dalida, au rythme disco et fêtard.

     



    Dalida, Dalida. Elle n’est pas seulement la chanteuse du disco ou de « Gigi l’amoroso », elle est aussi l’interprète de « Pour ne pas vivre seul »,



    Et de « Depuis qu’il vient chez nous ».

     



    Deux chansons qui traitent chacune à leur façon du sujet pour lequel nous tous sommes venus manifester dans la rue aujourd’hui.

    J’ai toujours été très touché par Dalida. J’ai toujours aimé m’identifier à des personnalités qui, forgées par les épreuves, savent sublimer leurs blessures pour créer, et devenir des stars adulées.
    Dalida s’inscrit dans la lignée de stars féminines à la fois glamour, sensuelles, sombres, amoureuses et malheureuses, sensibles, fatales, qui ont su faire de leur différence, de leur singularité, ne serait-ce que celle d’être des femmes dans un monde régi par les hommes, une force de la nature. Des stars qui renvoient à la fois une image de perfection et de fragilité, de courage et de panache aussi. Soit l'exact opposé de la peur, de la honte, de l’opprobre sociale, de la mésestime et du manque de confiance en soi dont on est souvent victimes en tant que gay.
    De Dalida à Madonna, en passant par Mylène et tant d’autres, nos icônes sont nos poupées cathartiques, des saintes et des putains, qu’on adore, qu’on envie, elles sont des modèles, celles que l’on voudrait être (parfois) et celles que l’on voudrait comme amies, aussi.
    Et nos « icônes », sont aujourd’hui toutes réunies à Toulouse. Sur un char haut en couleur, je repère une Madonna Ultra Low Cost, une Britney Spears de recup’, une Lady Gaga avec le contrôle technique largement périmé, une Cher plus refaite que nature, une Mylène aux cheveux sur le point de s’embraser, et même une Dalida à moustaches.
    Ça m’amuse. Et même si je ne me reconnais pas dans toutes les nuances de l’arc en ciel, je suis conscient que les difficultés que nous devons affronter sont les mêmes, et que si nous voulons obtenir le respect de la part des « moldus » nous nous devons avant tout du respect mutuel, nous devons montrer l’exemple, être solidaires, nous serrer les coudes, nous montrer unis, car c’est de l’union que naît la force.
    Un jeune photographe au t-shirt jaune et à la belle petite gueule barbue perché sur un échafaudage aimante mon regard. Le mec capte mon désir insistant, et ça a l’air de l’amuser. Il me sourit, il pointe l’appareil vers moi et fait mine de me prendre en photo.
    Nous laissons passer les derniers chars et nous nous remettons dans le flux des Fiertés. Pendant que nous parcourons la rue de Metz, je pense à Esquirol, à cette brasserie où Jérém a bossé le temps d’un été, avant de rentrer dans le monde du rugby professionnel. Je me souviens des fois où je suis passé devant la terrasse juste pour le mater, je me souviens des pauses de l’après-midi lorsqu’il venait me baiser dans ma chambre, je me souviens de cette baise qu’il m’avait offerte dans l’arrière-boutique un jour où j’avais osé me pointer pour prendre un verre.
    Les souvenirs remontent, la nostalgie avec, j’ai du mal à retenir mes larmes.
    Le cortège emprunte la rue Alsace-Lorraine et la rue Lafayette pour arriver place du Capitole.

    Pour le mot de la fin de cette belle journée, j’aime garder celui inscrit sur fond arc en ciel sur une pancarte qui dit :

    « Soyons fiers d’aimer ! ».

     

     0403 Un phare dans la nuit de bourrasque.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     



    Le soir même de la Pride, Stéphane me parle de son cheminement personnel pour apprendre à se connaître et à s’accepter.
    —    Dès l'enfance on ressent quelques signaux, on a quelques indices, mais on ne les comprend pas. On se sent différent, sans arriver à s’avouer pourquoi. Au fond, on sait, mais on ne veut pas savoir. Et avant qu’on arrive à faire la paix avec soi-même, les insultes et les humiliations commencent à pleuvoir. Quand on est gay, l’insulte précède la prise de conscience de qui on est. C’est dur de se construire dans la honte et l’humiliation.
    —    C’est à partir du collège que j'ai véritablement compris que je m'intéressais aux garçons. Pendant des années, je me suis dit que je devais changer, que je devais essayer d’aller vers les filles. J’ai un peu essayé, mais je n’y arrivais pas. De toute façon, j’étais déjà catalogué comme le « pédé de la classe », alors, à quoi bon essayer d’être autre chose ?
    —    J’avais déjà connu des picotements dans le ventre à cause de certains garçons, et à cette époque j’en pinçais pour un camarade qui s’appelait Jordan. Je me branlais chaque soir en pensant à lui dans mon lit. Mais je n’ai jamais osé aller vers lui. Je n’ai jamais osé parce que j’étais certain que si j’avais osé lui dire ce que je ressentais j’aurais ramassé une beigne et une honte dont je ne me serais pas remis. A 14 ans, j’étais un ado solitaire avec pour seuls compagnons mes bouquins et mes CD de musique classique.
    —    C’est là qu’une sorte de « coup de tonnerre » a traversé l’horizon de mon existence. C’était au printemps 1989, c’était la dernière année de collège, et j’étais en voyage scolaire à Londres. Sylvie, une camarade de classe, avait amené la cassette et elle l’avait donnée au chauffeur. Je me souviens qu’au gré de l’autoreverse, elle avait tournée en boucle dans les enceintes du bus. A ce moment-là, je n’accrochais pas à toutes les chansons, mais surtout à la chanson « Like a prayer » qui a donné le nom à l’album, que je connaissais déjà depuis quelque temps.
    —    Avant le voyage, il y avait eu la pub Pepsy, avec une Madonna rayonnante, souriante, effrontée, l’air d’oser. Et cet « air d’oser » m’a beaucoup ému, à une époque où, justement, je n’osais pas, ni aimer, ni être en phase avec moi-même, ni même être franc avec moi-même.
    —    Le deuxième extrait de l’album a été Express Yourself. Quand je l’entendais chanter qu’« on mérite tous le meilleur dans la vie », « qu’on ne doit jamais se résigner à être rabaissé », « qu’on doit pouvoir s’exprimer librement », j’en avais des frissons. Alors, oui, cette chanteuse si effrontée, avançant tout droit sur son chemin, l’air de dire « personne ne va me dire ce que je dois faire » forçait l’admiration chez moi.
    —    En plus, ce titre a été illustré par un clip bluffant, inspiré de l’ambiance du film « Metropolis ». On y voyait une flopée de mâles musclés bosser puis danser dans une grande usine. Madonna y était sublime.
    —    Cet album contenait également pas mal de ballades, et quelles ballades ! Des chansons aux mélodies empreintes de mélancolie. Une mélancolie qui épousait bien la mienne, une tristesse d’ado solitaire et mal dans sa peau.
    —    Et puis, il avait le tract…
    —    Ah, oui, celui au sujet du SIDA ! je réalise.

     

     0403 Un phare dans la nuit de bourrasque.



    —    Exact ! Je suis tombé dessus en feuilletant le livret, et ça a été un choc. Quand j’ai lu le mot « AIDS », j’ai été interpellé. A l’époque, on entendait de tout au sujet du Sida, mais en même temps pas assez, et surtout pas mal de choses inexactes, car cette nouvelle maladie était à la fois ignorance, tabous et stigmatisation. Alors, quand j’ai lu ces quatre mots :

    « Regardless of sexual orientation »,

    —    Je crois bien que j’ai pleuré. J’ai pleuré parce que ces quatre mots me disaient qu’il y avait d’autres gars comme moi, que je n’étais pas le seul pédé de la planète. J’ai pleuré parce que dans ce texte il n’y avait pas de jugement, pas de condamnation, il y avait juste des faits. Ça peut paraître banal en 2009, mais en 1989, pour un garçon de 14 ans qui se découvrait différent, ces quelques mots sonnaient comme une révélation.
    —    Dans ce tract il était également question d’« anal sex », et de « putting on a condom ». Là non plus il n’y avait pas de jugement, juste un constat et du bon sens. Ce petit texte était d’une clarté exemplaire, et il a fait exister pour moi une réalité que je n’arrivais même pas à concevoir auparavant. AIDS is no party ! J’avais enfin l’impression que quelqu’un me parlait franchement, qu’il me mettait en garde avec une bienveillance qui me touchait immensément.
    —    A cette époque je ne suivais pas encore Madonna, je savais tout juste qu’elle existait. Cet album m’a carrément explosé à la figure, une chanson après l’autre. Il s’est étalé sur cette période de ma vie, il en a aimanté les souvenirs. Et il me les rend à chaque écoute.
    Cet album est indissociablement lié à l’époque de mes 14 ans, l’époque de mes humiliations et de ma solitude au collège. Sa musique, sa « présence » me donnaient de la force de tenir bon, d’attendre que ça passe. Son impertinence, son effronterie m’inspiraient. Ses mélodies, sa voix et sa présence suffisaient à mon bonheur.
     « Like a prayer » est l’album par lequel tout a commencé. Ma vie d’adolescent, ma prise de conscience de qui j’étais. Mon éveil à la vie.

    C’est émouvant de découvrir à travers son récit que Stéphane n’a pas toujours été le garçon bien dans ses baskets que j’ai connu en 2001, qu’il a traversé des moments difficiles, que nous avons vécu les mêmes frustrations et les mêmes humiliations au collège. Et c’est bon de constater que malgré tout ça, il a su avancer la tête haute et devenir l’homme terriblement séduisant qu’il est aujourd’hui.
    Je découvre également que nous partageons une admiration commune vis-à-vis de cette figure emblématique de la pop culture. Notre différence d’âge fait que son histoire de fan a commencé quelques années et quelques albums plus tôt que la mienne. Mais elle est jalonnée des mêmes ressentis, des mêmes frissons, des mêmes prises de conscience.

    Jeudi 25 juin 2009.

    Ça faisait longtemps qu’on le voyait dépérir dans les médias. Mais, perso, j’ai toujours cru, espéré qu’il rebondirait un jour. L’annonce de ses concerts londoniens semblait avoir relancé la machine après toutes les frasques des dernières années. Le destin et le propofol en ont décidé autrement.
    Il est des événements qui nous marquent au fer rouge. Je me souviens parfaitement où j’étais et ce que je faisais lorsque j’ai appris que le 11 septembre était devenu à tout jamais le 11 septembre, ou lorsque le 21 septembre était devenu lui aussi une date marquée d’une pierre blanche pour la ville de Toulouse.
    Et je me souviens très bien où j’étais et ce que je faisais lorsque ce jour-là, entre midi et deux, Stéphane m’a annoncé au téléphone que Michael Jackson n’était plus. La plus grande des stars contemporaines, l’un des piliers de la Trilogie Fantastique du cru 1958 avec Prince et Madonna, venait de disparaître.
    J’ai toujours aimé sa musique, et ses sorties d’album, notamment celle de l’album « History », ont marqué mon adolescence. Il faisait partie du paysage de mon existence. Ainsi, un monde privé de Michael Jackson me paraît inconcevable.
    Je ressors mon CD de « Dangerous », mon album préféré de Mickael, et je l’écoute en boucle.

    Eté 2009.

    En juillet, je pars deux semaines sur la côte méditerranéenne avec Stéphane. Du Cap d’Agde à Saint Tropez, nous changeons de camping presque chaque jour. Nous sortons dans une boîte gay et je me fais draguer. J’ai une aventure, et ça réveille mon envie d’aventure.
    De retour à Toulouse, le vent d’Autan souffle sur les braises de mes envies de baises. Je recommence à chercher des garçons.
    Je prends goût aux frissons de la séduction, aux regards d’abord timides et puis téméraires, aux frissons des manœuvres d’approche, à la surprise des premiers mots échangés, à la découverte du son d’une voix, des attitudes de l’autre, à la promesse de nouveaux bonheurs inscrite dans toute rencontre. J’adore cet instant entièrement empli par le désir inspiré par un parfait inconnu, sexy et mystérieux, un être dont on ne connaît pas les fêlures et que l’on peut encore croire différent de tous ceux que nous avons connus, un mystère mâle qui fait tout son attrait.
    Ces rencontres m’apportent une certaine satisfaction sur le moment, mais elles me laissent toujours cet arrière-goût amer des baises sans tendresse et sans suite.

    Toujours pendant l’été 2009.

    C’est en rentrant à Toulouse qu’un immense coup de tonnerre déchire mon horizon. Il s’annonce par le biais du vent d’Autan qui souffle dans les rues de Toulouse.
    Toute la presse en parle. Rodney Williams vient d’annoncer son retrait définitif du rugby professionnel à la veille du coup d’envoi de la Currie Cup, le tournoi de rugby d’Afrique du Sud auquel il devait participer au sein des Sharks.
    Mais la nouvelle de son retrait soudain et « inexplicable » de la scène rugbystique est totalement éclipsée par une autre info bien plus croustillante pour la presse à scandale. Rodney Williams vient de faire son coming out dans un talk-show sur une grande chaîne de télévision anglaise. Et, de ce fait, devant la Terre entière.



    4 commentaires
  • L’année 2006.

    Après le voyage en Islande, le réveillon de Noël au domaine Tommasi, celui du 31 à Campan, l’année 2006 démarre sur les chapeaux de roue.
    Côté études, je valide tous mes partiels. Jérém a un peu moins de succès, mais un rattrapage lui est proposé en contrôle continu. Quand on est joueur pro, on bénéficie de quelques avantages.
    Si on fait abstraction d’un petit décrochage contre Agen en février, en ce début d’année le Stade Français cumule les victoires et confirme sa position de leader du Top14. Il tient même une belle revanche contre Biarritz, l’équipe qui lui a ravi le Brennus en 2005.
    Côté carrière personnelle, tous les voyants sont au vert pour mon beau brun. Le match XV de France - Irlande se déroule le 11 février 2006 au Stade de France devant 80000 supporteurs très démonstratifs. Cette deuxième journée du tournoi des Six Nations se termine par la victoire du XV de France sur le score de 43 à 31.
    Oui, Jérém est toujours très pris par sa vie de joueur professionnel. Ce qui laisse peu d’occasions pour nous retrouver. Mais nos sentiments sont toujours forts. Et la distance, celle qui crée l’absence et le manque, même si elle est dure à supporter, contribue sans doute à les préserver.
    Je comble les jours loin de Jérém en lisant de bons livres, en me rendant plus souvent à Toulouse. Et en faisant du vélo avec Ruben. Une belle amitié est restée entre nous, et ça me fait chaud au cœur. Il m’arrive même de lui parler de Jérém, sans qu’il y ait le moindre malaise.
    Au printemps, la nouvelle tournée de Madonna, le « Confessions Tour », pendant scénique de l’ère « Hung Up », est annoncé pour l’été. Après la claque musicale et esthétique de l’album sorti quelques semaines plus tôt, après la claque visuelle du Réinvention Tour deux ans plus tôt, l’attente est grande. Comment pourra-t-elle faire encore plus beau, encore plus grandiose ?
    Adjugé, cette fois-ci, ce sera Bercy pour moi.

    En ce printemps 2006, la course du Stade Français semble inarrêtable. Du moins, jusqu’à ce que sa route sportive ne croise celle de l’autre Stade, celui des Rouge et Noir. Et là, c’est la grosse, grosse, grosse branlée.
    Le 15 avril, au Stadium de foot de Toulouse, les Parisiens s’inclinent sur un score de 15 à …. 0 face aux locaux. Une cata. Du jamais vu de mémoire de supporters. Du jamais vu depuis 70 ans de mémoire de statistique.
    Rien n’a marché au Stade Français. L’équipe étant épuisée par le cumul des matches en Top 14 et en H-Cup, diminuée par l’absence de nombreux titulaires suite à des blessures dans les derniers matches – Ulysse fait partie des grands absents – les Parisiens se sont embourbés dans un jeu décousu, laborieux. Au final, Jérém n’a pu, pas même une seule fois, aller au but.
    Côté Toulousains, en revanche, le jeu était rôdé et la coordination des joueurs parfaite. A la fin du match, Jérém est épuisé et dégoûté. Son père tente de lui parler à la sortie du terrain, mais Jérém prend congé très vite, il a besoin d’être seul.
    Il revient une heure plus tard, douché, en costard cravate, avec une bonne dose de parfum, sexy à en crever, mais toujours aussi dégoûté. Il n’a même pas envie d’aller à la troisième mi-temps. Il rentre à l’appart et se cale devant la télé, sans un mot mais entouré par beaucoup de bières. Je sens qu’il est d’humeur massacrante, je n’ose même pas lui parler.
    Oui, la soirée s’annonce morose. Jusqu’à ce que ça sonne à la porte. Thibault est là.
    —    Je suis désolé, Jé, il glisse à son pote, autour d’une bière.
    —    T’as pas à être désolé !
    —    On n’aurait pas dû insister… mais tu sais comment sont les gars…
    —    C’est le but du jeu de marquer des points.
    —    On aurait pu se contenter de moins… surtout à la fin.
    —    Ça n’aurait rien changé.
    —    Tu as super bien joué, Jé. Ton équipe avait été beaucoup remaniée et la sauce n’a pas pris.
    —    Ça a été la cata.
    —    Ça ira mieux la prochaine fois, tu verras.
    —    On change de sujet, ok ? Tu vois toujours Paul ?
    —    Avec Paul, c’est fini, nous annonce le jeune papa.
    —    Ah, merde !
    —    Il n’avait pas assez de temps pour une relation, et sans doute on ne cherchait pas la même chose.
    —    T’inquiète, ça ira mieux la prochaine fois, tu verras ! fait Jérém, taquin.
    —    Ça y est, je suis déjà à la « prochaine fois » !
    —    Comment ça ?
    —    J’ai rencontré quelqu’un. Il s’appelle Arthur et il est pompier, lui aussi.

    Mardi 23 mai 2006.




    C’est ce soir, à 20h45, que le commun des mortels, celui qui n’est pas abonné à la seule chaîne payante de cette époque, entend pour la première fois ce générique signé par l’immense Danny Elfman.
    C’est aujourd’hui que Suzanne, Bree, Lynette, Gaby, Edie entrent dans ma vie avec l’humour insufflé par le tout aussi immense Marc Cherry.
    Deux épisodes étincelants, annonçant une série phénomène. Et des phrases cultes.
    Mike à Suzanne, au sujet du gratin de pâtes qu’elle a amené à l’enterrement de Mary-Alice :
    « Je ne peux pas croire qu’il soit possible de rater des pâtes… ».
    Puis, après les avoir goûtées malgré la mise en garde de Suzanne, lucide quant à ses lacunes en matière de cuisine :
    « Mais c’est incroyable, elles sont en même temps pas assez cuites et trop cuites ! ».
    Bree à son mari, à table, lorsque leur fils Andrew se montre insolent et ingrat vis-à-vis de l’ossobuco qu’elle a passé des heures à préparer :
    « Rex, tu pourrais dire quelque chose, quand-même… ».
    « Passe-moi le sel… ».

    Juin 2006.

    Il faudra attendre la demi-finale du Top14 pour que les deux Stades foulent à nouveau la même pelouse.
    Le 3 juin, au Stade Gerland à Lyon, le blockbuster rugbystique affiche un nouveau choc de Titans.
    Le match est serré, et chaque point est gagné en mouillant et en salissant le maillot bien comme il faut.
    Malgré un final de saison en dents de scie, le Stade Français a quand même retrouvé un niveau de jeu qui lui avait cruellement fait défaut lors de la précédente rencontre avec les Toulousains. Mais cela ne suffit pas. Au bout de deux mi-temps intenses, les Parisiens sont obligés de s’incliner une nouvelle fois face aux Toulousains sur un score de 9 à 12.
    La claque est dure à avaler. Pour la première fois depuis cinq ans, le Stade Français n’est pas en finale du Top 14. Jérém est dégoûté au plus haut point. Il est vrai que c’est rageant d’avoir joué toute une saison avant de perdre en demi-finale.
    Jérém est tellement abattu qu’il a même envisagé de ne pas aller assister à la finale. S’il y va, c’est pour soutenir Thib.
    —    J’espère que c’est le Stade Toulousain qui va gagner, Thibault le mérite vraiment.

    Le 10 juin, au Stade de France, ce sont en effet le Stade Toulousain et Biarritz qui s’affrontent pour remporter le bouclier de Brennus.
    Depuis la triste nouvelle du décès du pauvre Mr Charles, à chaque fois que je lis « Biarritz », que j’entends parler de Biarritz ou que je me souviens de Biarritz, j’ai une pensée pour le sympathique concierge qui un soir m’a confié quelques-uns des moments les plus marquants de son existence. Je me dis que je suis probablement l’une des rares personnes à qui il les a confiés. Je n’ai vu Mr Charles qu’une fois, et pourtant cet homme m’a marqué. Et quand on arrive à marquer les esprits de cette façon, avec cette sincérité, cette générosité, quand la vie s’éteint, quelque chose survit à l’enveloppe corporelle.
    Après deux mi-temps intenses, la finale du Top14 se termine avec un score de 13 à 40 en faveur des Biarrots. Les Rouge et Blanc mettent une belle branlée aux Rouge et Noir, comme ils l’avaient fait un an plus tôt aux Rose et Bleu.
    Les Toulousains n’ont pas du tout démérité, car ils ont tout donné. Mais les Basques ont été intraitables.
    Après le coup de sifflet de l’arbitre, les Toulousains remontent lentement le terrain, dépités. Je cherche Thibault et je l’aperçois sur le bord de la pelouse. Il est défait, et il est en larmes. En fait, ses coéquipiers viennent le saluer, tentent de l’apaiser. Mais en vain. Le jeune demi de mêlée est débordé par sa déception, sa frustration, sa tristesse.
    Je n’ai jamais vu Thibault dans cet état auparavant. S’il est rageant de perdre en demi-finale, ça doit être carrément insupportable de perdre en finale. Tous les efforts d’une année pour en arriver là. Pour rater le but de si près. Visiblement, cette victoire, ce Brennus représentait vraiment beaucoup à ses yeux.
    Cependant, je suis surpris par l’ampleur de son désarroi, lui par qui j’ai toujours entendu dire que la beauté du sport est dans l’effort personnel et collectif, dans le respect, la passion, et que le résultat n’est qu’accessoire.

    Après les inévitables troisièmes mi-temps, je retrouve Jérém et Thibault à l’appart. Le jeune papa n’est pas seul. Il est venu accompagné d’Arthur. Arthur, c’est le garçon dont il nous a parlé la dernière fois. C’est le garçon qu’il était allé rejoindre au lieu de rester partager une nuit avec Jérém et moi. Arthur, c’est visiblement quelqu’un d’important aux yeux de l’ancien mécano.
    —    C’était au B-Machine, il y a deux mois, ils nous expliquent au sujet de leur rencontre. On se connaissait, mais on ne savait pas…
    Je suis un peu étonné que Thibault ait su franchir la porte d’une boîte du milieu. Et pourtant, il l’a fait. Malgré sa notoriété. Ce garçon ne cessera jamais de me fasciner.
    Arthur a 34 ans et il est pompier, lui aussi, professionnel, avec le grade de Lieutenant. Il est lui aussi papa, d’une fillette de dix ans. Arthur est châtain, assez costaud, souriant, et vraiment charmant. C’est un garçon simple, avenant, rassurant. Quand on l’entend parler, tout paraît simple, limpide. Il a l’air d’être un garçon généreux, bienveillant, droit dans ses bottes, bien dans ses pompes. Il a l’air d’être un modèle… Thibault. Pas étonnant qu’ils se soient trouvés ces deux-là.
    La soirée est agréable. Et pourtant, j’ai l’impression que Thibault est toujours très affecté par la défaite de son équipe. Ceci dit, c’est tout frais, Jérém ne s’est pas encore fait une raison de l’élimination en demi-finale, même une semaine plus tard !
    Le sujet du match du jour finit par revenir sur la table. Jérém essaie de ragaillardir son Thib en lui promettant une magnifique saison à venir, de belles victoires en perspective. Thibault le laisse parler pendant quelques minutes, l’air absent. Avant de faire une révélation fracassante.
    —    Il n’y aura pas d’autre saison, il assène calmement.
    —    Qu’est-ce que tu racontes ? s’insurge Jérém.
    —    Je ne jouerai pas l’année prochaine.
    —    Mais tu débloques ou quoi ?
    —    Je n’ai pas renouvelé mon contrat.
    —    Mais qu’est-ce qui te prend ? Perdre des finales fait partie du rugby, mais…
    —    Laisse-moi t’expliquer, Jé. Cette finale n’y est pour rien dans ma décision. Elle était prise depuis des mois. Si ça me désole autant d’avoir perdu aujourd’hui, c’est parce que j’aurai voulu raccrocher sur un exploit. Mais c’était plus pour l’équipe que pour moi.
    Là, je reconnais le merveilleux Thibault.
    —    Nous avons perdu mais nous n’avons pas démérité, je crois que nous avons fait un beau match, et que les prochains gars qui vont jouer au Stade n’auront pas à avoir honte de nous.
    —    Mais Thib ! tente de protester Jérém.
    —    Attends, Jé, laisse-moi finir. J’ai fait cinq saisons au Stade, je me suis bien amusé, vraiment, il continue. Mais j’estime qu’il est temps pour moi de raccrocher les crampons et de consacrer ma vie à ce qui me tient vraiment à cœur.
    —    Plus que le rugby ?
    —    Avant d’être joueur, mon cœur est pompier.
    —    Tu vas bosser à temps plein au SDIS ?
    —    Ils ont besoin de bras et de bonnes volontés.
    Je ne peux m’empêcher de me demander si l’adorable Arthur y est pour quelque chose dans la décision de Thibault. Mais je suis persuadé que si le jeune Lieutenant a pu jouer un rôle, tout ceci est son souhait avant tout.
    —    L’été dernier je suis parti à New York avec des collègues du SDIS et nous sommes allé visiter une caserne de pompiers à Manhattan. J’ai rencontré des mecs qui sont intervenus le 11 septembre. J’ai été impressionné par ces gars, par leur détermination. Nous parlions très mal l’anglais et ils ne parlaient pas du tout français. Mais notre credo est le même, et on se comprenait parfaitement.
    —    Ils nous ont montré leur caserne, leurs camions et leur matos. Je n’ai jamais vu autant de moyens matériels et humains réunis dans une seule caserne, c’était fascinant !
    Pendant qu’il nous raconte sa rencontre avec les pompiers newyorkais, Thibault a le regard pétillant. Le ton de sa voix est enjoué et admiratif, le verbe passionné. Lorsqu’il nous parle de la grande échelle de dingue dont ils disposent, on dirait un gosse à Noël. Lorsqu’il nous raconte l’échange d’écussons entre les deux casernes et les longues poignées de main au moment de repartir, il est ému aux larmes.
    Visiblement, tout son être tend vers ce monde, celui de l’assistance, de la protection, du don de soi. Je sens que le jeune papa a besoin de donner un sens à sa vie, et que ce sens il ne le trouvera qu’en étant investi à 100% dans une noble cause. Il n’y a aucun rêve de gloire dans cela, juste une bienveillance désintéressée, une immense grandeur d’esprit.
    Arthur tente d’apaiser son émotion en posant une main sur son cou et en le caressant doucement. Ce petit mec a l’air bien amoureux de notre adorable Thib. Et ça fait trop plaisir à voir.
    —    Rencontrer ces gars m’a motivé à m’investir encore plus chez les pompiers. La vie est trop courte, et je veux utiliser la mienne pour aider ceux qui en ont besoin.
    —    Jouer au rugby c’est aussi une façon d’aider les gens. Tu leur offres du rêve, et les gens ont besoin de rêver pour supporter leur quotidien, intervient Arthur.
    —    Peut-être. Mais quand à six ans je me suis retrouvé encastré dans une voiture avec mon père, le meilleur rugbyman du monde n'aurait pu nous sortir de là. Alors que les pompiers, eux, ont su le faire. Tu comprends ? enchaîne Thibault, en s’adressant tout particulièrement à Jérém.
    —    Je comprends oui. Je comprends surtout que tu es un gars en or. Je comprends qu’il n’y en a pas deux comme toi !
    —    J’ai aussi besoin de passer plus de temps avec Lucas. Avec le rugby, je ne suis jamais là le week-end. Il a déjà quatre ans et j’ai l’impression que je ne le vois jamais !
    —    Tu renonces à une carrière fabuleuse au rugby, à des années de salaires déments, à l’affection des supporters… tu renonces à tout ça pour aller sauver des vies. Chapeau, mon pote !
    —    Je ne renonce à rien du tout. Je vais faire ce qui me rend heureux. Il faut faire ce qui nous rend heureux. Si tu te sens bien dans un maillot, tu dois porter un maillot. Mais moi je sais que je serai plus heureux avec mon uniforme et mon casque.

    Voilà comment le jeune papa m'a ému aux larmes ce soir.

    —    Bonne chance à toi, Thib, fait Jérém, très ému, au moment où le beau petit couple de pompiers prend congé de nous. Et, surtout, fais attention à toi. Il serait tellement dommage qu’il t’arrive quelque chose.
    Il y a tant de choses, tant d’admiration, d’amitié, d’amour dans ces simples mots. Je sais que Thibault ressent chacune des nuances de l’affection que Jérém a voulu exprimer, et qu’il les apprécie à leur juste valeur.
    —    Merci Jé, merci beaucoup, fait le jeune papa, en enserrant son pote très fort dans ses bras.

    Juin 2006.

    Début juin, c’est le moment des partiels. Malgré un parcours laborieux et un moral en berne après la demi-finale manquée, Jérém passe avec succès la dernière session d’examens pour l’obtention de sa licence en « gestion des entreprises ». Je suis content pour lui. Ça lui sera utile lorsque sa carrière au rugby s’arrêtera. Il y a le temps pour ça, ça ne sera pas avant au moins dix ans, mais ce n’est jamais inutile de se créer des opportunités.
    Quant à moi, je termine mon master. En rendant mon mémoire, je sais que ma vie d’étudiant touche à sa fin. Il ne lui reste qu’un été avant de tirer sa révérence. Je sais qu’à la rentrée tout va changer pour moi. Je vais devoir chercher du travail, et je vais rentrer dans le monde des adultes. C’est un grand saut qui se profile pour moi, et j’avoue que ça me fait un peu peur.
    J’aimerais que le travail m’approche de Jérém. Je me prends à imaginer, à rêver. D’autant plus que les astres semblent s’aligner dans cette perspective.
    Le lendemain de la finale du Top14, Jérém m’a dit qu’il a été approché par le Stade Toulousain en vue d’un transfert à la fin de son contrat avec le Stade Français, contrat qui arrive à son terme à la fin de la saison 2006/2007. Ce serait une sacrée revanche pour lui. Car ce serait l’occasion inespérée non seulement de pouvoir enfin jouer dans l’équipe de sa ville de cœur, mais également d’y être accueilli avec tous les honneurs, alors qu’il avait été écarté cinq ans plus tôt.
    A partir de là, il suffit de relier les points. Si Jérém va jouer à Toulouse, je vais chercher du travail à Toulouse, et dans un an nous serons à nouveau tous les deux réunis dans la plus belle ville du monde. Ça coule de source.

    Cet été encore, une escale dans le vignoble Tommasi est à l’ordre du jour. Maxime est là aussi, toute la tribu est réunie. J’adore ces moments, en famille. Jérém a l’air de s’y sentir toujours mieux. Et quand Jérém est heureux, je le suis aussi.
    Au bout de trois jours, nous quittons à nouveaux les coteaux du Gers pour revenir en Haute-Garonne. A Blagnac, un avion nous attend. Nous partons de Toulouse par une belle matinée d’été et nous atterrissons à Montréal, après 8 heures de vol, par une toute aussi belle matinée d’été.
    C’est grâce à Ulysse que nous avons envisagé ce voyage au Québec. Le boblond s’y est rendu quelques années plus tôt et il en a gardé un souvenir enchanté.
    Après avoir loué une voiture, nous partons vers l’est. Nous nous arrêtons manger à Trois-Rivières, à mi-chemin entre Montréal et la ville de Québec, dans un resto « Cabane à sucre » où la dégustation de spécialités à base de sirop d’érable est un passage délicieusement obligé.
    En fin d’après-midi, dans le Vieux Québec, nous déambulons dans les rues que mon guide touristique décrit comme étant les plus vieilles d’Amérique du Nord. Je remarque que les plaques minéralogiques québécoises portent la devise « Je me souviens » au-dessus des immatriculations.
    Vers la fin de l’après-midi, qui serait déjà le soir pour notre horloge interne d’Européens, la fatigue du décalage horaire se fait vraiment sentir. Je ressens un gros coup de mou. Nous allons manger un bout et nous gagnons notre chambre. Ce soir, nous n’avons pas le courage de faire l’amour. Nous avons tout le temps, pendant les trois prochaines semaines. Nous nous endormons dans les bras l’un de l’autre.

    Le lendemain, nous nous rendons au parc de la Chute-Montmorency. Depuis le pont suspendu, j’entends le rugissement de l’eau sous mes pieds. Comme un rappel des chutes de Gulfoss, le vent, le froid et le gel en moins. Depuis l’escalier panoramique, les points de vue se succèdent et sont tous plus impressionnants les uns que les autres.
    A l’occasion de ce voyage, j’ai enfin décidé de sauter le pas et de faire l’acquisition de l’un de ces nouveaux appareils photo, enfin devenus à la fois plus abordables et plus qualitatifs, qui permettent de faire un nombre presque illimité de photos et surtout de voir immédiatement le rendu sur un petit écran. Le numérique permet de faire un grand nombre de clichés. Et je ne m’en prive pas. Au point d’arriver à agacer Jérém avec mes demandes réitérées de prendre la pose.
    Le lendemain, nous visitons le parc Huron à Wendake. Notre guide en costume traditionnel nous fait découvrir l’habitat, le mode de vie, les coutumes et l’histoire des peuples qui ont précédé la colonisation européenne. Il nous parle de la culture de ceux qu’on a trop longtemps nommés « indiens », et qui étaient ici appelés « hurons » par les colonisateurs, c’est à dire « personnages grossiers ». Et qui ne sont autre que les peuples indigènes, les Premières Nations, comme il les nomme. Premières Nations. Un appellatif qui remet à l’heure les pendules de la civilisation.

    Nous reprenons la route et très vite un constat s’impose à moi. Ici, au Canada, tout est grand, les routes, les maisons, les voitures. Sur les autoroutes, tout comme en ville, notamment dans les banlieues pavillonnaires on a l’impression, comme le dit si bien mon Jérém, « d’être dans une série américaine, mais avec les sous titres en français ».
    D’ailleurs, ici, ça parle moitié français et moitié anglais, et quand ça parle français, il faut s’accrocher. Car l’accent fait mal aux oreilles. Côté bouffe, en revanche, ça parle résolument « anglais ». Dans les restos, c’est pas terrible. Si la « poutine » est la spécialité locale, je n’ose imaginer le reste. Quand un pays ne connaît pas la baguette de pain et le jambon, c’est qu’il a de gros progrès à faire, du moins en termes de culture culinaire.

    La suite et l’essentiel de notre voyage se passent dans quelques-uns des plus beaux parcs naturels de l’est canadien. Nous commençons par le Parc National du Gros Morne, sur l’Ile de Terre Neuve. Ici, se succèdent et s’entremêlent vallées glaciaires, forêts, littoraux dentelés, plages et tourbières.
    Chaque jour, à chaque randonnée, presque à chacun de nos pas, nous en prenons plein la vue. Je suis ébloui par tant de beauté, et mon bonheur est décuplé par celui de Jérém, qui a l’air ravi comme un gosse.
    Nous poursuivons avec le Parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton, un lieu où les montagnes et la mer se rencontrent. La route de la piste Cabot longe le littoral escarpé et offre une vue panoramique sur l'océan. Au menu de ce vaste plateau, des collines, des canyons creusés par les rivières, des plateaux découpés par des falaises escarpées, plusieurs lacs, des vallées et des forêts à perte de vue.
    Quelque chose me saisit tout particulièrement dans ces paysages naturels grandioses. C’est la lumière. Elle sait allumer des couleurs très vives, très étincelantes. Des nuances de bleu turquoise pour le ciel, de vert émeraude pour la végétation, de gris métallique pour la roche, de transparence cristalline des fleuves et des lacs. Elle sait créer toute une palette chromatique qui n’appartient qu’à cet endroit.
    Avec nos sacs à dos bien garnis, nous marchons pendant des heures. Nous mangeons assis sur une roche, sur le bord d’un lac dont la surface est enchantée par le reflet des montagnes autour. Nous dormons dans des hôtels en bois, parfois sous notre tente, et presque chaque soir nous nous offrons du plaisir.
    Parfois, l’amour tient dans un délicieux jeu de mains. Jérém se glisse sur moi. Nos regards se cherchent, se happent mutuellement, tout comme nos lèvres, nos langues. Jérém m’embrasse, me caresse longuement. Le simple contact de son corps contre le mien est déjà un bonheur sensuel incommensurable. Il bande, il me fait bander. Sa main enserre nos queues, les branle doucement. Nos couilles se caressent mutuellement, nos glands s’embrassent, s’embrasent. Le plaisir de l'autre est tout aussi important, si ce n'est plus, que le plaisir qui brûle dans nos propres ventres.
    Nos jouissances s’entraînent mutuellement. Nos giclées fusent, nos jus chauds se mélangent. J’adore sentir sur moi la chaleur de nos foutres. J’adore sentir l’odeur de la jouissance, de nos jouissances. Et j’adore lorsque nos lèvres se cherchent avidement malgré nos souffles haletants, lorsque nos torses se collent l’un à l’autre sans faire cas du sperme qui s’étale sur notre peau. J’adore sa présence contre moi. J’adore nos douches ensemble, et aussi nos ablutions improvisées au bord d’une rivière glacée au petit matin. J’adore savonner son torse, et le laisser savonner le mien. J’adore me réchauffer dans ses bras, et le réchauffer dans les miens.
    J’adore le pomper le matin et j’adore me donner à lui le soir. Et parfois, aussi, le laisser me prendre en pleine nature, au détour d’un sentier. Et quelques fois, le prendre aussi, lorsqu’il en a envie.

    En pénétrant dans le Parc national du Mont-Riding, nous savons que nous allons découvrir d’autres paysages magnifiques, ainsi qu’une grande diversité d’animaux sauvages.
    Nous marchons depuis plus d’une heure sur un chemin à bord de falaise donnant sur une rivière et une forêt, lorsque nous tombons sur deux autres randonneurs.
    En contrebas, des ours noirs se prélassent au soleil. Mais l’ours n’est pas le seul animal impressionnant dans le tableau. Une autre sorte d’animal se détache de ce spectacle naturel, un magnifique animal à deux pattes, bien brun, bien barbu, bien viril. Un animal à casquette.
    Oui, ce serait dur de ne pas remarquer que l’un des deux randonneurs est un avion de chasse supersonique.
    Un mètre soixante-quinze, je dirais, autour de trente ans, très brun, tout aussi brun que mon Jérém, le gars se tient là devant ce paysage fabuleux, les jambes légèrement écartées, de grosses godasses de randonnée aux pieds bien plantés sur le sol, le dos légèrement penché vers l’arrière, inversant ainsi le galbe convexe dessiné par ses épaules, avec une courbe concave à la progression plus douce, descendant jusqu’à ses reins. Et là, une nouvelle inversion sinusoïdale happe et fascine le regard, celle de ses fesses merveilleusement rebondies. Puis, la puissante droiture du profil de ses cuisses prend le relais, délicieux contraste avec l’arrondi saillant de son beau cul.
    En dépit de ce que l’on entend très souvent dans la bouche de ceux qui aiment le corps masculin, que ce soient des nanas ou bien des garçons, comme quoi un beau cul masculin ce serait l’une des toutes premières choses qui attireraient le regard, je n’ai jamais vraiment été sensible à cette partie de l’anatomie virile. D’autres atouts – comme une belle petite gueule, les cheveux, le cou, les épaules, le torse, les poils, les cuisses (vous voyez, je zappe cette partie pourtant située au beau milieu de ce spectacle naturel à part entière qu’est le corps masculin), les mollets, mais aussi le brushing, l’attitude, le regard, le sourire, la virilité, et même les vêtements et sous-vêtements apparents (t-shirts, élastiques de boxer dépassant) – oui, d’autres atouts masculins attirent mon regard avant le fessier, et même carrément à la place du fessier.
    Mais je dois bien admettre que dans certains cas, comme dans le cas de ce mâle barbu à casquette, un cul bien rebondi, habillé d’un pantalon bien coupé – en l’occurrence, un pantalon de randonnée marron-vert, plein de poches, porté très près de ses cuisses et de ses fesses – et accompagné par une station du corps qui le met bien en valeur – le genou légèrement plié, calant sa silhouette vers la droite, accentuant le sillon entre ses fesses – ça donne une putain d’allure qui est juste à se damner.
    Bref, il faut bien avouer qu’un beau cul participe à l’harmonie de la perfection mâle.
    Le bel animal porte également un pull à zip noir et gris dont le col remonte jusqu’à sa pomme d’Adam, par ailleurs bien saillante. Dommage que la fermeture du pull soit close jusqu’au dernier cran. J’aimerais savoir ce qu’il porte sous son pull. Un t-shirt ? Blanc ? Noir ? Gris ? D’une autre couleur, peut-être. J’ose à peine imaginer comment il pourrait être furieusement sex s’il ouvrait un peu son pull, s’il le tombait, s’il se foutait à poil… Puisqu'il l’est déjà, furieusement sex, même tout habillé !
    Sa présence, son attitude semblent décrire un jeune mâle bien fringant. Sa belle casquette, visière à l’avant, c’est important de le préciser – casquette à l'envers, petit conitude flamboyante, casquette à l'avant, intense mâlitude posée – est alignée sur son regard brun de fauve.
    Se tenant fièrement face à ce paysage époustouflant, tout ravi dans l’observation de ces animaux imposants, le mec dégage une virilité intense.
    Le beau barbu à casquette est en compagnie d’un pote, un peu plus trapu, brun, pas mal non plus, pas mal du tout à vrai dire. Mais le beau barbu à casquette attire tous les regards.
    En arrivant près des deux potes, Jérém et moi leur lançons un bonjour (qui dans mon cas est autant un prétexte pour attirer leur attention qu’une politesse). Mais les deux randonneurs, tout pris dans leur observation des ours à l’aide de leurs grandes jumelles, nous répondent à peine, sans nous décocher le moindre regard.
    Jérém et moi restons un bon moment à observer le paysage et sa faune, tout autant fascinés par les plantigrades que par le magnifique bipède. Nous considérons les premiers avec fascination, nous contemplons le second avec une attirance certaine. Mais malgré l’insistance discrète de nos regards, nous n’arrivons à aucun moment à croiser celui d’un quelconque spécimen.
    Les ours en contrebas, c’est un spectacle purement grandiose. Le beau barbu à casquette tout près et pourtant si loin de nous, c’en est une autre. Ces rencontres vont nous habiter pendant toute la journée.

    Tout au long de notre périple, je ne cesse de me répéter que la nature sied merveilleusement bien à mon Jérém. Ici, dans ces grands espaces, sa brunitude, sa bogossitude, sa sexytude semblent dégager un éclat particulier. Au moins que ce ne soit le fait que dans ces grands espaces Jérém est heureux, heureux et épanoui comme il l’est à Campan, insouciant, reconnecté avec la nature, avec l’essentiel, avec son âme d’enfant.
    Le voir s’enthousiasmer devant la majesté des animaux de ces grands espaces, le voir transi devant un paysage grandiose. Voir son regard ému, ses larmes retenues de justesse. Sentir ses bras autour de moi, et ses bisous dans mon cou, alors que nous regardons un lac s’embraser des rayons multicolores d’un coucher de soleil. Voilà ce que je m’aventurerais à appeler le bonheur.

    Le dernier soir avant notre retour en France, nous le passons dans Le Village, à Montréal. Nous sortons dans l’une des nombreuses boîtes gays. Evidemment, il n’est pas question que nous partions du Québec sans avoir goûté à la faune locale.
    Pendant nos randonnées, il nous est arrivé de croiser quelques beaux spécimens – dont le souvenir le plus impérissable nous a été évidemment laissé par le barbu à casquette du Mont Riding – sans que nous ayons l’opportunité d’échanger au mieux que quelques regards appuyés. A une ou deux occasions j’ai bien ressenti la frustration de mon bobrun, une frustration sans mots, mais bien inscrite dans son regard. Alors, ce soir, il n’est pas question de rater le coche.
    Xavier est un beau garçon brun, le regard pétillant et charmeur. Il arbore un look étudiant, blouson de fac blanc et rouge ouvert sur un t-shirt gris. Un simple échange de regards suffit pour nous faire retrouver tous les trois à la même table.
    Xavier est un garçon avenant, comme le sont typiquement les gens d’ici. Il parle fort, avec un accent auquel on ne s’habitue pas, qui fait mal aux oreilles, mais il est plutôt sympathique. Il nous dit avoir 27 ans, et travailler dans la banque.
    Xavier nous invite chez lui et nous nous mettons très vite à l’aise. Une fois à poil, mes spéculations à son sujet se confirment : sous le blouson d’étudiant un peu grand, se cache un beau petit physique à faire jouir d’urgence !
    Xavier se laisse sucer à tour de rôle par Jérém et par moi. Puis, il se fait baiser par Jérém. Mon beau brun le pilonne longuement, mais pas jusqu’au bout. Car, après une bonne chevauchée sauvage, le beau canadien se déboîte de l’étalon toulousain, lui enlève sa capote, il recommence à le sucer avec un entrain et une gourmandise induits par l’excitation.
    —    Putain, tu vas m’avoir ! j’entends mon Jérém râler, alors que l’orgasme déforme ses beaux traits virils, tandis que le plaisir embrase son bas ventre, embrume son esprit, alors que son jus jaillit dans la bouche du beau Canadien.
    Xavier chausse une capote et vient en moi dans la foulée. Ses coups de reins sont puissants, et l’orgasme se dessine sur sa belle gueule comme un feu d’artifice. Sa main enserre ma queue et me fait jouir en quelques secondes.
    Un peu plus tard dans la soirée, lorsque nous rentrons à l’hôtel, sous la couette, dans le noir, Jérém s’offre à moi. Jouir entre ses fesses musclées est un plaisir inouï, le branler et le sentir jouir alors que je suis toujours en lui est un bonheur indescriptible.

    Samedi 22 juillet 2006.

    Nous sommes rentrés depuis 24 heures et le Canada me manque déjà. Ses grands espaces, ses lumières, ses couleurs me manquent. Et cette sensation d’être libre, seul au monde avec Jérém. Les pieds sont bien à Toulouse, mais l'esprit toujours à 6000 km de là. J’en ai pris plein la vue et j’ai été si heureux avec mon bobrun.
    Jérém est avec moi encore pendant quelques heures, mais lui aussi me manque déjà. Demain après-midi, il repartira à Paris car lundi il reprend les entraînements. Aussi, dans la semaine, il est attendu pour le shooting du nouveau calendrier des Dieux du Stade. Je suis curieux de savoir ce que les photographes vont nous concocter cette année pour aller encore plus loin dans la mise en scène de la bogossitude. J’espère qu’ils ne vont pas y mettre trop d’artifices, trop de mise en scène, justement, trop de travail de post-production. Car la mâlitude est un mets qui se déguste brut, nature, sans ajouts. Plus il est au naturel, plus il est saisissant. Plus il est figé, plus il perd de sa magie. Comme les cerises doivent se manger sur l’arbre, les garçons se contemplent le mieux au quotidien, à leur insu, dans l’élan de leur naturel.
    Mais je sais que la beauté mâle de mon beau brun est telle qu’elle pourra transcender tout cela. Car son regard perce l’objectif, son charme est envoûtant. Je ne me fais pas de soucis pour ça, une nouvelle fois, son corps et sa belle petite gueule vont faire fantasmer, mouiller, bander, se branler la France entière.
    Je me suis fait à cette réalité, au fait que la contrepartie d’être le petit ami d’un rugbyman très médiatisé est de devoir supporter le fait qu’il soit l’objet de fantasmes innombrables. Et tant pis si cette célébrité, si cette exposition médiatisée de sa bogossitude lui ouvre des tonnes d’opportunité de baiser. J’ai appris à ne pas être jaloux de ses aventures. Jérém va bientôt avoir 25 ans, et il a les besoins d’un garçon de 25 ans.
    Je m’y suis fait car nos retrouvailles sont toujours une fête. Et aussi parce que si l’accès à sa sexualité brune ne m’est pas exclusif, l’accès à son cœur, lui, il l’est sans détours. C’est avec moi qu’il a partagé les moments heureux et les moins heureux de sa vie depuis cinq ans, c’est moi qu’il a amené à Campan, mais aussi dans le domaine viticole familial. C’est encore avec moi qu’il a partagé toutes ses vacances depuis quelques années. Et ces récentes vacances au Québec ont été une fois un moment de bonheur inouï.

    Début août 2006.

    Le Top 14 reprend, et Jérém est reparti pour un nouveau tour d’entraînement et de matches. Après trois semaines passées ensemble au Québec, j’ai le plus grand mal à m’habituer à la distance, au manque.
    Je tente d’éloigner la nostalgie de notre été en me replongeant dans ma collection de clichés. Je trie sur l’écran de mon ordi ceux qui sont réussis de ceux qui le sont moins, parfois beaucoup moins. Une bonne moitié passe à la trappe. Sur le petit écran de l’appareil, on ne voit pas tout.
    Il en reste quand même beaucoup. Et là, je réalise quelque chose. Le numérique permet de faire beaucoup de clichés. Peut-être trop de clichés. L’abondance efface cette rareté des photos d’antan qui en faisait leur valeur. Et il enlève aussi le plaisir de la photo en tant qu’objet, de souvenir tangible qu’on rangeait dans un album ou dans une boîte à chaussures et que l’on pouvait consulter n’importe quand, sans se soucier d’avoir de la batterie ou pas, sans risquer de perdre tous nos souvenirs au gré de la perte ou d’un changement d’appareil.

    Lundi 28 août 2006.

    L’été se termine, et septembre approche. Dans trois jours, je serai à Paris pour le concert de Madonna. Le premier septembre, c’est la date que je me suis donné pour commencer à chercher du travail. Alors, en ce 31 août, date ultime de ma vie d’étudiant, ce concert assume des allures de passage à l’âge adulte.
    Comme au moment du bac, je me sens grandir, et je n’aime pas ça. J’ai l’impression de perdre quelque chose dont je n’ai pas assez profité, ma vie d’étudiant, mes camarades de fac, mes jeunes années, mon insouciance.
    En réalité, ce n’est pas vrai. Depuis cinq ans, j’ai vécu plein de choses. J’ai construit une belle histoire avec Jérém, j’ai fait des rencontres, j’ai fait des voyages, j’ai fait mon coming out, Jérém a fait le sien. Il a assumé d’être gay, devant lui-même, et devant de nombreuses personnes.
    Et pourtant, comme au moment du bac, j’ai l’impression qu’une page se tourne dans ma vie, qu’un chapitre se ferme à tout jamais. J’ai l’impression d’être arraché à un monde rassurant, car familier, pour être « jeté » dans un monde angoissant, car inconnu. Ce qui va se passer après la fin de mes études, c’est un grand saut dans le vide, le saut vers ma vie d’adulte. Je me demande où j’en serai dans un an, cinq ans, dix ans. Est-ce que je vais trouver rapidement du travail ? Quel sera mon quotidien, quels seront mes soucis, mes envies ? Où en serons-nous, Jérém et moi, dans un an, cinq ans, dix ans ? Toujours à nous voir entre deux matches, pendant quelques heures, à l’abri des regards ?
    J’en arrive même à craindre que l’angoisse provoquée par l’approche de toutes ces échéances ne gâche le plaisir de ce concert tant attendu.
    Quoi qu’il en soit, je note qu’une fois de plus, ma Star de toujours répond présent à une étape importante de ma vie.
    Et elle n’est pas la seule.
    L’avant-veille du concert, une surprise vient balayer mon angoisse. Jérém m’annonce au téléphone qu’il a envie de venir voir le show avec moi. Et qu’il va charger son agent de nous dégoter deux places VIP.

    Jeudi 31 août 2006.

    Dans la loge VIP, nous croisons du beau monde. La présence de deux personnalités féminines m’émeut tout particulièrement. L’une, rousse, à la voix fluette, et néanmoins chanteuse à l’immense succès et à l’immense présence, surnommée par certains, à une époque, « La Madone française ». Elle a sorti cette année l’un de ses albums les plus emblématiques à mes oreilles, « Avant que l’ombre ». L’autre, brune, humoriste, elle aussi à grand succès, à la voix tonitruante, à l’humour vivace. Ses sketches dans « On a tout essayé » sont de purs moments de franche rigolade, de bout en bout. Je n’arrive pas à croire que je suis en train de « côtoyer » ce genre de célébrités.
    Ceci étant dit, je ne perds pas de vue le fait que la plus grande de toutes va bientôt faire son apparition sur scène devant 20.000 fans en délire.
    —    Mais elle arrive quand ? s’impatiente Jérém alors que le début du concert a déjà une demi-heure de retard.
    —    Regarde, il y a encore des gens qui arrivent, je lui fais remarquer. Et puis, l’attente fait partie du plaisir. Ne ressens-tu pas l’effervescence de la salle ? C’est ça qui est bon, comme avant le début d’un match de rugby. Tout ce bruit, tout ce frémissement, cette tension, cette impatience !
    —    Si tu le dis…
    —    Je l’affirme, même !
    Je n’aurais jamais cru que Jérém me suivrait dans ce genre d’événement. Je suis si heureux de partager ce moment avec lui. Si Jérém va aimer ce concert, je serai fou de joie !

    Enfin la lumière tombe dans la salle. L’ovation du public est une vague qui monte et qui fait tout trembler. Il n’y a plus que la scène et ses avancées qui brillent sous les faisceaux lumineux. La musique démarre en trombe, les basses sont décoiffantes, ils font vibrer les tympans, le ventre, le siège, le sol même. Mais l’acclamation de la salle monte en flèche jusqu’à presque les couvrir.





    Une voix métallique envahit alors la salle, tandis que les écrans s’allument et nous montrent le visage de Madonna coiffé d’un grand chapeau haut de forme. Elle nous chuchote qu’elle va nous parler d’amour, nous faire oublier les tracas quotidiens. Elle demande si on veut la suivre, si on a envie de lâcher prise. Bah, et comment que j’en ai envie !
    Pendant ce temps, une grande boule disco descend lentement du plafond de la salle jusqu’à se poser au sol. Le son dans la salle est une pure dinguerie, les basses hypnotisent les oreilles, font vibrer chaque fibre de mon corps. Madonna n’est toujours pas entrée en scène et l’attente est fébrile, l’excitation palpable.
    La grande boule disco éclot enfin en une panoplie de pétales colorés et luminescents. Et elle est là, menue et pourtant impériale. Je suis comme à chaque fois scotché par son apparition.
    Les notes montent, montent, montent et montent encore jusqu’à que sa petite voix se lève dans la salle.
    L’assistance tout entière vibre avec elle, vibre après elle, vibre d’une seule et unique, majestueuse secousse. A la quatrième minute de la première mi-temps, Madonna marque son premier essai.
    Les cris et les acclamations des 20.000 de Bercy couvrent presque la musique. C’est beau une salle entière qui chante, danse, vibre à l’unisson. Impossible d’assister à ce spectacle sans se lever et danser. Le public commence à s’animer. L’humoriste brune se lève et danse elle aussi, se déchaîne comme une folle.
    —  Rien à foutre, je l’entends lancer à la nana, visiblement une copine, qui l’accompagne.
    Je ressens alors un désir irrésistible de vivre ce moment à fond. Je me lève à mon tour, et je commence à danser. Et là, à mon immense surprise, Jérém finit par se lever à son tour de sa chaise. D’abord, il bouge comme un mec, c’est-à-dire, il gigote quelques gestes maladroits au ralenti. Mais il finit par se laisser emporter par le rythme.
    Ma joie est doublée par son enthousiasme et son emballement.
    —    Eh, le bogoss, lui lance l’humoriste brune, mais toi on t’a pas vu à poil sur le calendrier du rugby ?
    —    Et toi, on t’a pas vue faire la conasse à la télé ? lui répond Jérém du tac-au-tac.
    —    A poil ! elle le taquine.
    Madonna est un concentré incroyable d’énergie. Nous devinons le travail et l’endurance que cela a demandé, et nous l’apprécions à sa juste valeur.
    C’est un phénomène échappant à toute définition, et toujours surprenant. Elle est ce qu’elle a choisi d’être, elle a su s’affirmer, s’imposer, elle est une inspiration pour toutes les minorités. Elle a parlé de SIDA dans son concert de 1993. Elle a montré des garçons qui s’embrassent. Elle a parlé de femmes battues en 2001. Et cette année, elle montre un garçon Israélien et un Palestinien qui s’aiment. C’est pour cela que je l’aime.
    La déferlante de Music Inferno fait bondir l’assistance. Tout le monde est en blanc, Madonna, les danseuses, les musiciens. Une grande boule à facettes domine la scène et la piste s’embrase des mille couleurs de la Fièvre du Samedi Soir. La puissance de la musique et de la soirée est à son comble. Une fois de plus tout le monde est debout, y compris les plus réticents à l’exercice.





    Je danse toujours, Jérém aussi.
    Hélas, je le sais, le concert touche déjà à sa fin, il est passé en un éclair. Mais je suis bien déterminé à profiter de chacun des instants qui restent.
    Les premières notes de « Hung Up » résonnent dans le grand espace et tout le monde est debout pour le grand final. Elle chante une fois le refrain. Puis, pendant que la musique continue sur un très long bridge, elle disparaît dans une trappe du plancher. De la position où je me trouve je vois sa coiffure blonde s’échapper de la scène. C’est une fraction de seconde, mais c’est quand même une Madonna « in the real life » que j’aperçois avant qu’elle ne disparaisse vers un dressing.
    Au bout d’une ou deux minutes elle revient sur scène.




    C’est le moment de chanter « Every little thing that you say or do » et elle commence à se déhancher avec ses boys, c’est splendide et étincelant (et certains de ses boys, sexy). Ça donne plus que jamais envie de danser et de chanter. Et on ne s’en prive pas. C’est la dernière chanson, il faut vivre ça à fond, jusqu’à la dernière note.
    Lorsque la musique s’arrête, les lumières de scène s’éteignent et la salle se rallume, le public applaudit à se casser les mains, siffle et l’appelle à s’époumoner. Mais elle ne reviendra pas. Pas ce soir, en tout cas.
    Nous quittons le Palais Omnisport et nous nous retrouvons dans la nuit fraîche de Paris. Je regarde la foule se disperser calmement, je regarde la foule redevenir une somme d’individus. L’espace d’un soir, nous étions là pour elle, et nous sommes devenus foule grâce à elle. Nous étions là pour écrire un chapitre de plus de notre histoire commune. Nous avions besoin de nous défouler, de faire la fête, d’être nous-mêmes. Et elle nous en a donné l’occasion.
    Dans quelques jours, je vais avoir 24 ans. Demain, premier septembre, je vais devenir adulte. A cette étape de ma vie aussi, elle a répondu présent.
    Le Confessions Tour de 2006 reste, plus de dix ans et plusieurs tournées plus tard, le plus beau concert de Madonna à ce jour. Et il le restera probablement à tout jamais. Elle couronne toute cette époque madonnesque, ce qu’on appelle entre fans une « era », cette période de plusieurs mois ou années qui comprend la sortie de plusieurs singles, d’un album, de la promotion de cet album via des apparitions télévisées aux quatre coins du globe. L’era « Confessions » sera le dernier grand coup d’éclat d’une immense carrière qui sera plus nuancée par la suite.
    Ce soir, Madonna a été une nouvelle fois incroyable. Mais Jérém l’a été lui aussi. Je suis si heureux d’avoir partagé ce moment avec lui. Son ravissement m’émeut et ajoute un plaisir supplémentaire au plaisir que j’ai retiré du concert lui-même.
    —    Je m’attendais à un beau spectacle, mais pas à ça quand-même ! Putain, ça décoiffe !
    Voir mon Jérém emballé, comme en Italie, comme en Islande, comme au Québec, comme ce soir, ça n’a pas de prix à mes yeux. Son bonheur est mon bonheur. A l’avenir, je veux le voir si emballé le plus souvent possible. Je veux organiser des voyages, et le surprendre, et lui faire retrouver ce regard et cette fébrilité de gosse à Noel.

    Vendredi 1er septembre 2006.

    Je n’ai pas envie de descendre trop vite du petit nuage sur lequel je vis depuis le concert. Le week-end approche, je suis avec Jérém. Je me dis que l’entrée dans ma vie d’adulte peut bien attendre encore deux jours, deux jours que je vais consacrer à m’occuper du garçon que j’aime.

    Lundi 4 septembre 2006.

    M’éloigner de Jérém est comme toujours une déchirure. Mais ce n’est pas la seule de cette journée. Mon voyage vers Bordeaux en est une autre. Vider mon studio que j’ai habité pendant cinq ans, dans lequel j’ai fait l’amour avec Jérém, encore une autre. Dire au revoir à mes adorables propriétaires bordelais est encore plus dur que je ne l’avais imaginé. Passer officiellement de la vie d’étudiant à celle de demandeur d’emploi, ça me donne le vertige.
    Heureusement, j’atterris à Toulouse, chez mes parents. Ils sont super heureux de me retrouver, de m’avoir à nouveau à la maison. J’ai des entretiens d’embauche dans la semaine, des rendez-vous prévus depuis quelque temps déjà, avec des possibles employeurs dans la région toulousaine.
    Ma ville me manque. Cinq années d’exil, ça suffit. Et puis, Jérém m’a confirmé être en négociations avancées avec les Rouge et Noir en vue de son transfert de l’année prochaine. Pour Jérém aussi, l’exil a bien assez duré. Dans un an, Jérém jouera dans son club de cœur. Il sera de retour à Toulouse. Et nous serons enfin réunis. Je ne sais pas si nous habiterons ensemble. Je ne sais pas si nous en sommes là, si Jérém est prêt pour ça. Et, surtout, si son monde est prêt pour ça, ou si une « sortie du placard » constitue toujours un risque pour sa carrière. Ce qui est certain, c’est qu’il n’y aura plus cette maudite distance entre nous, et que nous pourrons nous voir beaucoup plus souvent.

    Septembre 2006.

    En Top14, le Stade Français semble revenu au top de sa forme. Il semble à nouveau tout puissant, et mon beau Jérém est un élément clé de cette toute puissance retrouvée. Il est lui aussi au sommet de sa forme. Il attire le ballon comme un aimant, il court plus vite que le vent, il évite la défense adverse comme s’il arrivait à prévoir à l’avance l’obstacle qui se va se présenter sur sa lancée. Et il marque plus vite que son ombre. Les journaux sportifs écrivent que son jeu a gagné en fluidité, en tactique, en maturité. Le beau brun ne fonce plus tête baissée, il analyse le jeu en permanence, à l’affût de chaque occasion. Il est tout simplement dans son élément, ça se voit qu’il prend du plaisir, beaucoup de plaisir, et c’est tellement beau !
    Par ailleurs, l’organisation tactique de l’équipe semble désormais structurée de sorte qu’un certain nombre de joueurs se comportent comme un cordon de sécurité autour de Jérém, notamment lors de ses envolées vers la ligne de but. Il me semble que l’idée, par ailleurs évoquée par Ulysse lors d’une soirée, est d’empêcher d’éventuels snipers de l’équipe adverse de dégommer l’ailier aux essais d’or.

    Samedi 16 septembre 2006.

    Aujourd’hui, j’ai 24 ans. Demain se joue le premier match Stade Français vs Stade Toulousain de la saison, et ce soir Jérém est venu à la maison pour fêter mon anniversaire avec mes parents, Élodie et sa petite famille.
    Le soir, je suce Jérém dans ma chambre d’enfant.
    —    T’es sex, mec ! il me glisse, pendant que je m’affaire avec bon entrain sur son manche raide. Qu’est-ce que tu m’excites !
    Des mots directs, simples, qui font du bien à l’ego.
    —    Et toi, alors, je lui relance, presque en apnée, entre deux va-et-vient sur son manche raide, toi … avec ce corps … ces bras … ces pecs … et … cette putain de queue !
    —    Tu l’aimes ma queue, hein ?
    —    Et comment !
    —    Vas-y, fais-moi jouir… et avale !
    Un instant plus tard, le beau brun me remplit la bouche de ses jets puissant, chaud et bien denses, au goût pétillant.
    Quelques minutes plus tard, Jérém vient sur moi, en moi. Son torse musclé chauffe mon dos, et tous mes sens avec, ses poils bruns enfin revenus à leur expression la plus naturelle et la plus érotique caressent ma peau et embrasent mon excitation. Ses va-et-vient lents sont chargés de sensualité. Je sens son souffle dans mon cou, j’entends son orgasme approcher lentement, puis exploser dans un long soupir de bonheur et de satisfaction.
    Dans le noir, les câlins et la tendresse sont là pour compléter le bonheur de cette nuit. Quand je pense que dans un an nous serons tous les deux réunis à Toulouse et que ce genre de nuit pourrait se produire autant que les jours du calendrier, je me sens tellement heureux !

    Dimanche 17 septembre 2006.

    Aujourd'hui, au Stadium de foot de Toulouse, les Bleu et Rose prennent enfin leur revanche sur les Rouge et Noir sur un score de 16 à 12.
    —    Tu ne regrettes pas ta décision ? je m’entends demander à Thibault, après le coup de sifflet final.
    —    Non, je ne regrette pas. J’adore ce que je fais au SDIS, et je ne changerais pour rien au monde.
    —    Même de jouer avec Jé ?
    —    Ah, si. J’aimerais jouer à nouveau avec Jé. Mais pas comme ça, pas en Top14. J’aimerais jouer comme on jouait quand on était gamins. J’aimerais jouer pour m’amuser, pas parce qu’il faut gagner à tout prix. Moi, ce rugby-là, ce rugby qui sent l’argent, qui casse les mecs, ça ne m’intéresse pas.

    Septembre 2006.

    Jérém a rencontré les dirigeants du Stade Toulousain, et ça s’est très bien passé. Une partie de l’ancienne génération qui avait un a priori au sujet de son côté « ingérable » à l’époque où il était encore en amateur a été remplacée. Les nouveaux sont plutôt émus par ses résultats sportifs impressionnants depuis son retour sur le terrain après son accident sportif.
    Un salaire a même été annoncé. Deux fois plus important que celui aligné par l’autre Stade. Cependant, je suis certain que l’argent n’est pas ce qui pousse Jérém à revenir à Toulouse. On lui avait proposé moins qu’à Paris, il serait revenu quand même. Car Toulouse est sa ville, et jouer en noir et rouge est son rêve depuis toujours. Un rêve contrarié il y a cinq ans, un désaveu qu’il avait vécu comme un échec personnel. Depuis, il a bien pris sa revanche sur ceux qui n’avaient pas voulu lui faire confiance. Et pouvoir revenir exactement là où il avait été rejeté, ça prend des allures de revanche personnelle qui doit faire un sacré bien à son ego.
    Quant à moi, mes entretiens d’embauche dans la région toulousaine ont débouché sur une proposition d’emploi qui m’a tout particulièrement emballé. Car elle concerne directement la Garonne. Et, plus précisément, la gestion des prélèvements pour l’irrigation via le Canal de Saint Martory, un ouvrage crée au XIX siècle et alimenté par la Garonne elle-même pour irriguer les plaines entre le village de Saint Martory et Toulouse.
    L’organisme départemental qui s’occupe de la gestion du Canal de Saint Martory est basé à Montaudran. Aucun poste correspondant à mes compétences n’est à pourvoir pour l’instant. Mais en attendant, je me vois proposer un poste d’agent de terrain. Je serai chargé de suivre les consommations agricoles par point de prélèvement pendant la saison estivale. Je suis heureux de ne pas m’enfermer tout de suite dans un bureau et de pouvoir me familiariser avec le réseau.
    Mon contrat doit démarrer le 1er novembre. Ça prolonge d’autant ma vie d’étudiant, et ma jeunesse insouciante. Je réfléchis à prendre un appart. Mais je vais attendre d’avoir mon premier salaire pour me lancer dans les recherches. Et puis, je ne suis pas mal chez Maman et Papa.
    Aussi, j’aimerais d’abord savoir ce qu’envisage Jérém pour sa venue à Toulouse, dans un peu plus de six mois, à la fin de la saison du Top14. Il va certainement prendre un appart, ou une maison. Mais dans quel quartier de Toulouse ? Est-ce que dans son futur logement il y aura une place pour moi ? Je ne veux pas lui mettre la pression, j’accepterai même qu’il ne souhaite pas qu’on vive ensemble pour ne pas s’exposer. Mais si nous devons avoir chacun notre chez nous, j’aimerais au moins qu’ils ne soient pas aux deux bouts de la ville. Bon, on verra.

    Septembre se termine, l’automne s’installe. Si ma vie était jusque-là un puzzle avec bon nombre de pièces en vrac, en ces premiers jours d’octobre j’ai enfin l’impression que tout s’assemble, tout se met en perspective, tout semble dessiner un avenir heureux.
    Jérém et moi sommes toujours Ourson et P’tit Loup, et rien ne semble pouvoir ternir notre amour. Je vais avoir un travail qui va me plaire. Je suis de retour à Toulouse, je vais pouvoir voir plus régulièrement les gens que j’aime, Maman, Papa, ma cousine Elodie, Thibault, Julien. Et, bientôt, Jérém aussi. Je me sens bien dans ma peau, entouré de gens qui m’acceptent et qui m’aiment pour celui que je suis. Que de chemin parcouru depuis cinq ans ! Je réalise que j’ai beaucoup de chance, beaucoup.

    Puis, octobre est arrivé. Et le jour de l'anniversaire de Jérém, le vent d’Autan s’est levé, et il a soufflé, insistant, incessant, implacable. Violent.


    Il est FORMELLEMENT interdit de laisser des commentaires à cet épisode, tout comme il est ABSOLUMENT défendu de me soutenir sur :

    Tipeee : Présentation

    OU

    ou via Résultat de recherche d'images pour "logo paypal"  sans inscription.

     


    Les peines encourues sont exemplaires, et à la hauteur du délit constaté : ma reconnaissance, ma reconnaissance, et encore ma reconnaissance.

    Fabien.


    6 commentaires
  • Cet épisode est dédié à la mémoire de tous les Zelim Bakaev du monde.


    14 février 2002.


    Aujourd’hui, c’est la Saint Valentin. On a beau se dire que c’est un jour comme tous les autres. On a beau être agacés par le bombardement médiatique dont cette « fête » fait l’objet. Ou bien s’insurger contre cette « obligation » de montrer qu’on aime, tout en attendant qu’on nous le montre en retour, comme s’il y avait besoin d’une date « consacrée » pour faire la démonstration de nos sentiments. On a beau se dire que c’est une fête commerciale avant tout.
    Et pourtant, lorsqu’on est séparé de l’être aimé, on ne peut s’empêcher d’attacher une signification à cette date, une importance. Car la Saint Valentin est un jour, ou du moins un soir, qu’on a envie de passer avec la personne qu’on aime. Et quand cela n’est pas possible, ça fait un bon gros pincement au cœur.
    Mais je sais que je ne suis pas à plaindre. Ma Saint Valentin, je l’ai eue au moins trois fois depuis Noël. La semaine passée à Campan, avec le premier « je t’aime » de Jérém à l’aube de la nouvelle année, sa nouvelle visite surprise à Bordeaux en janvier, et ce séjour récent à l’hôtel à Poitiers.
    Oui, il y a encore moins de 48 heures, j’étais avec mon Jérém. Définitivement, son attitude me touche et me bouleverse. J’ai longuement eu besoin d’être rassuré quant à ses sentiments, et tout ce que je viens de vivre depuis Noël prouve sans équivoque qu’ils sont bien réels.
    Et je suis d’autant plus touché que je suis conscient de l’effort que tout cela lui demande. Je pense à la route, au temps de repos auquel il renonce pour me voir. Mais je pense surtout et avant tout au conflit qui gronde en lui, à ses peurs, à ses angoisses. Au tiraillement entre l’envie de donner une chance à notre histoire et les peurs qui parasitent son élan vers moi.
    Je repense à mon réveil dans la nuit, je repense à Jérém en train de fumer un joint dans la pénombre. Je pense aussi au coup de fil qu’il a reçu lorsque la neige lui a fait rater un entraînement, à son malaise après s’être fait gronder par son entraîneur.
    J’ai l’impression qu’il marche en permanence sur des œufs, qu’il n’est pas complètement serein même lorsque nous ne sommes que tous les deux, comme s’il avait peur à chaque instant de faire un faux pas, de se trahir, de se faire repérer.
    « Tu peux pas imaginer ce que j’entends dans les vestiaires, Nico. Il y a tant de haine pour les gars comme nous, tu ne peux pas savoir. Si ça se sait, ma carrière est foutue. Il vaudrait encore mieux que je me casse une jambe… Il vaudrait encore mieux que je tue mon père et ma mère… Ulysse m’aide à garder les apparences… mais si la vérité se sait, il ne pourra rien pour moi… ».
    Je me rends compte de sa difficulté à s’assumer dans un environnement « hostile ». Et je mesure ma chance d’évoluer dans un milieu où je n’ai pas trop de difficultés à être moi-même, beaucoup moins contraignant que celui de Jérém, avec un entourage qui a intégré mon orientation sexuelle sans trop d’accrocs.
    Je suis entouré, Jérém l’est beaucoup moins. Certes, il pourrait parler à Charlène, à son frère Maxime, et il y a toute une bande de cavaliers qui le soutiendrait. Mais ils sont tous loin, et le contact téléphonique ne vaut pas une bonne discussion autour d’un verre avec une cousine, un pote, ou une présence bienveillante de l’autre côté de la cour, à quelques mètres de chez soi. Ulysse est dans la confidence, mais je ne pense pas non plus que Jérém se sente à l’aise de lui parler de notre relation, de ses doutes, de ses angoisses aussi ouvertement que je le fais avec Elodie, avec Julien, ou avec mes deux papis. D’autant plus que Jérém n’est pas quelqu’un qui s’ouvre facilement, mais il a tendance au contraire à garder tout pour lui. Notamment lorsqu’il se sent sous pression.
    Oui, aujourd’hui c’est la Saint Valentin et je voudrais être avec Jérém. Mais je n’ai pas à me plaindre, non. J’ai l’impression que si Jérém prend le temps et le risque de faire vivre notre histoire, c’est parce qu’il vient chercher du réconfort auprès de moi, et qu’il en trouve. Et même s’il n’est pas complètement serein, ça me rend heureux de pouvoir lui apporter du réconfort. Au fond, il n’y a qu’avec moi qu’il peut être complètement lui-même, sans faire semblant d’être quelqu’un d’autre. Je veux qu’il se sente bien avec moi, je veux que nos rencontres soient pour lui un havre de paix et de bonheur.
    « Joyeuse Saint Valentin, mon amour », je lui envoie par sms.

    Les cours, les coups de fil de Jérém le soir, voilà mon quotidien des semaines suivantes. Jérém me manque, mais je sais que nous allons nous revoir bientôt. Du moins, je l’espère. C’est cet espoir qui m’aide à supporter l’absence, le manque. Une absence, un manque qui me hantent tout particulièrement le soir, au moment d’éteindre la télé et de chercher le sommeil. Pendant toutes ces nuits loin de Jérémie, je me refugie dans son t-shirt, dans son odeur, dans mes souvenirs avec lui.
    Mais mon quotidien est hélas fait aussi de ce compte à rebours commencé le soir où la capote de Benjamin a cassé. On s’habitue à tout, même à l’attente d’une réponse qui pourrait faire basculer notre vie tout entière. Mais lorsque la date du test, et surtout du résultat, approche, lorsque les mois glissent les uns sur les autres et qu’ils deviennent semaines, puis une semaine, des jours, puis 6 jours, 5 jours, 4, 3, 2, 1, l’angoisse reprend le dessus.
    J’ai fait le test hier, le 13 mars, et j’aurai mes résultats demain à 15 heures. Ces 48 heures d’attente sont les plus longues de toute ma vie. J’ai envie de savoir, j’ai envie que demain arrive le plus vite possible. J’ai envie qu’il n’arrive jamais. Je compte les heures, j’ai l’impression qu’elles passent à la fois au ralenti et trop vite. Je ne voulais pas parler à Jérém du test, pour ne pas le faire angoisser avec moi, mais je n’ai pas pu m’en empêcher. Il m’a demandé si j’avais fait le test le jour même où je me suis rendu à l’hôpital pour faire le prélèvement. Du coup, depuis 48 heures, il est tout aussi angoissé que moi. Je l’ai senti au téléphone. Il m’a dit de l’appeler dès que je sais que je suis négatif. A l’entendre, il n’y a que cette option, que je sois négatif. Il n’arrive même pas à envisager que ça puisse en être autrement. C’est sa façon de me soutenir, et de vouloir y croire en même temps. Il est vraiment adorable mon Jérém.

    Vendredi 15 mars 2002.

    L’heure de vérité approche, je sèche les derniers cours de l’après-midi pour me rendre au centre de dépistage. A chaque fois que je me rends à l’hôpital depuis l’ « accident », je ressens un malaise insistant. J’ai l’impression que tous et tout me jugent. Les hôtesses d’accueil, les infirmières, les médecins, les autres « testés », les couloirs, le mobilier. Et moi-même. Je me sens honteux. Dans la salle d’attente, nous sommes 5 gars à ne pas tenir en place sur les chaises en plastique. Une infirmière les appelle par leur prénom à tour de rôle, ils disparaissent derrière une porte, dans une pièce où leur vie peut basculer à tout jamais. Ils passent l’un après l’autre, mais ils ne réapparaissent pas, ils doivent sortir par un autre côté du bâtiment. D’autres arrivent après et passent avant moi. Tout ce va-et-vient me stresse, je commence vraiment à avoir peur. Seigneur, donne-moi une chance, s’il te plaît ! Ça n’est arrivé qu’une fois et ça a vraiment été un accident, je ne l’ai pas cherché ! Ça ne peut pas se passer comme ça !
    Et pourtant, si, bien sûr que ça peut se passer comme ça. Quelle va être ma vie si je suis séropositif ? Comment vais-je l’annoncer à ma famille, à mes proches ? A Jérém ? Que va devenir notre belle histoire ? Comment va-t-il appréhender cet état de choses ? Est-ce qu’il va pouvoir gérer ? Est-ce qu’il va culpabiliser ? Je lui ai dit et je lui redirais qu’il n’a pas à culpabiliser, car ce n’est pas lui qui a fabriqué la capote qui a cassé, et encore moins lui qui m’a poussé dans les bras de Benjamin. Mais est-ce qu’il va y arriver ? Est-ce qu’il va supporter de me voir prendre mon traitement au quotidien ? Est-ce qu’il va supporter de continuer à mettre la capote ? Est-ce que nous allons pouvoir un jour pouvoir arrêter la capote ? Est-ce que j’y arriverais un jour, même si un médecin m’y autorise ? Si je suis positif, la peur de l’infecter me hantera toute ma vie, capote ou pas. C’était déjà le cas depuis Noël, mais le doute faisait que je pouvais continuer à espérer, à me dire que les quelques petits risques que nous nous sommes accordés étaient minimes. Mais du moment où je saurai, la peur ne me lâchera plus. Même l’embrasser me fera peur. C’est idiot, certes. Je ne sais pas encore si je suis positif et je me sens déjà comme un pestiféré.
    Une infirmière appelle enfin mon nom et sa voix me fait sursauter. Du coup tout devient encore un peu plus réel. L’heure de vérité est arrivée. Ça y est, je vais savoir.
    Le médecin qui me reçoit doit avoir une soixantaine d’années, il est grand, maigre, grisonnant. Il a les sourcils en chapeau, les traits tendus et l’air pas commode. Il parcourt deux fois les feuilles de mes résultats sans m’adresser la parole. J’ai l’impression que soit il cherche à gagner du temps avant de m’annoncer une mauvaise nouvelle, soit qu’il prend du plaisir à me faire mijoter.
    J’ai l’impression que tout se bouille dans ma tête, que mon cœur tape dans ma gorge, dans mes tempes.
    « Dites-moi, s’il vous plaît, je m’entends lâcher, la voix basse, comme éteinte.
     — Vous avez de la chance Mr Sabathé, il m’annonce froidement un instant avant que mon cœur n’explose.
     — Ça veut dire que je suis…
     — Négatif, oui. »
    Le stress, l’angoisse, la peur accumulés depuis trois mois et oubliés d’une certaine façon par le quotidien remontent d’un coup. Et je pleure.
    « Vous n’êtes pas content ?
     — Si si, c’est juste que j’ai eu tellement peur.
     — Qu’est-ce qui vous est arrivé ? »
    J’ai beau être soulagé, je me sens toujours honteux à raconter pour la énième fois les circonstances qui m’ont amené à ce test.
    « La capote a cassé pendant un rapport.
     — Anal ?
     — Oui.
     — Et vous étiez actif ou passif ? »
    Mais qu’est-ce que ça peut bien faire ? Que cherche-t-il à la fin ? Tout ça n’a plus d’importance désormais. Du coup, je trouve humiliant de devoir répondre à ce genre de question.
    « C’était un accident, je me contente de répondre, pressé de me sortir de là.
     — Ce genre d’accident arrive le plus souvent aux hommes comme vous.
     — Un accident c’est un accident, je lui lance sur un début d’agacement.
     — J’espère que cette mésaventure vous apprendra peut-être à faire davantage attention à ce que vous faites. Il n’y a pas toujours de deuxième chance… »
    Le ton et l’air accusateurs du médecin ne gâcheront pas ma joie d’être délivré de cette angoisse avec laquelle j’ai vécu depuis trois mois. Je le remercie, et je me tire de là au plus vite. Je m’empresse de quitter l’hôpital. Dès l’instant où je suis dans la rue, et où je sens l’air frais circuler dans mes sinus, emplir mes poumons, les rayons de soleil chauffer mon visage, j’ai l’impression de renaître. Je me sens léger, heureux, euphorique.
    Je prends quelques bonnes inspirations, je me retiens de pousser un grand cri de joie et j’appelle mon Jérém. Je tombe sur son répondeur, mais rien que le fait d’entendre sa voix enregistrée me fait du bien. Je lui laisse un long message décousu pour lui dire qu’il n’a plus à s’inquiéter. J’aimerais tant qu’il soit avec moi, le prendre dans mes bras, pleurer de joie dans son étreinte, le sentir contre moi, partager ce moment de joie et de sérénité retrouvées.
    En attendant, j’envoie un message à Julien pour le prévenir. Il me répond dans la seconde.
    « Je suis content pour toi, mon poto ! »
    Définitivement, Julien est un pote formidable.

    Jérém me rappelle une heure plus tard alors que je viens de rentrer chez moi et de faire part de la bonne nouvelle à mes deux adorables papis.
    « Je le savais ! Je le savais ! Putain, je le savais ! Ça ne pouvait pas être autrement ! ! ! »
    Je sens que mon beau brun est très heureux, mais aussi ému.
    « Tu peux pas savoir comment je suis content pour toi ! il ajoute, la voix vibrante d’émotion.
     — Merci mon amour…
     — Tu sais ce qui va t’arriver maintenant ? il enchaîne sans transition.
     — Non, qu’est-ce qui va m’arriver ?
     — Des bricoles ! ».
    Je commence à comprendre où il veut en venir et je sens instantanément mon excitation monter.
    « Quel genre de bricoles ? je le cherche.
     — Moi je pense que tu sais très bien ce que je veux dire.
     — Tu peux être plus clair ?
     — Tu verras quand je t’aurai chopé ! »
    Là, c’est ma queue que je sens monter.
    « Tu vas t’occuper de mon cas ?
     — Oh que oui ! Et tu vas prendre cher ! »
    J’ouvre mon pantalon, je glisse ma main dans mon boxer.
    « Ah bon ? Tu vas me faire l’amour ?
     — Je vais te défoncer ! »
    Ah, ça a le mérite d’être clair. Clairement bandant.
    « Mais encore ?
     — Je vais te… il lance, puis s’arrête net, il me fait languir, je suis suspendu à ses lèvres.
     — Tu vas… quoi ? »
    Je sais à quoi il pense, je pourrais y parier un million. Mais j’ai envie de l’entendre me le dire.
    « Je vais te… gicler dans le cul !
     — T’en as envie, hein ?
     — Et pas qu’un peu !
     — Moi aussi !
     — Je sais…je l’entends lâcher dans un chuchotement accompagné d’un ahanement que je reconnais sur le champ.
     — Tu te branles ?
     — Ouais…et toi ?
     — Aussi…j’ai tellement envie de toi !
     — Moi aussi !
     — J’ai envie de te sucer…
     — Quand je pourrai te coincer, je te baiserai direct !
     — Tu ne me laisseras pas te sucer un peu avant ?
     — Non ! »
    Soudain, le souvenir de Jérém qui me colle violemment contre le mur, et qui m’encule direct après le bac philo s’affiche dans ma tête. Au fond de moi, j’ai envie de ça. De beaucoup de tendresse, de mille autres choses, mais de ça aussi, de sentir sa fougue, sa force, son animalité, tout en même temps.
    « T’as autant envie de me gicler dans le cul ? » je le cherche. Cette perspective, ces simples mots, m’excitent au plus haut point.
    « Tu peux pas savoir…
     — T’as la queue bien dure ?
     — Tu vas pas être déçu !
     — T’as les couilles bien pleines ?
     — A ras-bord !
     — Il est bien chaud ton jus ?
     — Brûlant !
     — Et tu vas tout me l’offrir ?
     — Tu vas me supplier d’arrêter !
     — Ça, je ne crois pas, non !
     — C’est ce qu’on verra !
     — J’ai hâte de t’avoir en moi !
     — Et moi d’être en toi ! »
    L’image de Jérém tous pecs et abdos dehors en train de me tringler, en train de prendre son pied, de perdre pied, de lâcher son jus en moi s’affiche dans ma tête dans toute sa violence. C’est comme une gifle puissante.
    « Je viens… » je lâche, alors que mon premier jet atterrit sur l’un de mes tétons.
    Les ahanements vibrants et prolongés à l’autre bout de la ligne ne me laissent pas de doute quant au fait que le beau brun a également atteint son orgasme.
    « Quel dommage !  je lâche.
     — De quoi ?
     — Que tu n’aies pas pu me remplir, là.
     — C’est clair !
     — T’as giclé où ?
     — Sur mon torse ! »
    L’image de son torse musclé et de sa peau mate parsemés de giclées chaudes, denses et odorantes me rend dingue.
    « J’ai tellement envie de tout lécher !
     — Bientôt ! »

    Le lendemain, je suis d’humeur joyeuse. Je suis tellement bien que ça doit se voir.
    « Tu as l’air en forme, ce matin, ça fait plaisir à voir ! me lance Monica.
     — Eh, qu’est-ce qui t’arrive, tu as gagné au loto ? me taquine Fabien.
     — T’as tiré ton coup ? » me taquine Raph à son tour.
    Après la bonne nouvelle d’hier après-midi, mon horizon se rouvre enfin, comme après un orage. Je retrouve l’intérêt pour les cours que j’avais un peu perdu depuis quelques temps, et tout me paraît à nouveau possible. Et il y a quelque chose qui ajoute encore du bonheur à cet état de choses. Un mot prononcé par Jérém juste après notre petite gâterie en télécom, et qui ne cesse de tourner en boucle dans ma tête : « Bientôt ».
    Le beau brun a sous-entendu qu’il me ferait bientôt tout ce qui m’a promis. Ça voudrait dire que nous allons bientôt nous revoir, qu’il a peut-être même déjà une petite idée du quand et du comment. Hâte de savoir ce qu’il prévoit, hâte de le retrouver. Hâte de faire l’amour avec lui. Mais hâte avant tout de le serrer dans mes bras et de le sentir contre moi, sans cette distance, cette peur et cette culpabilité que l’attente du test a mises entre nous depuis Noël.
    Je rentre à l’appart, j’allume la télé, je me cale devant « On a tout essayé », cette émission que je suis depuis la rentrée et qui égaye mes fins d’après-midi. Une interview de Hugues Delatte demandant à une Nicoletta morte de rire si son titre « Mamy blue » est inspiré par la Grand-mère Schtroumpf, me fait également rire aux larmes.

    https://www.facebook.com/raphmezrahi/videos/231102304915987

    Je m’apprête à dîner, tout en pensant au coup de fil avec Jérém qui va tomber aux alentours de 20 heures, comme chaque soir, lorsque le bruit strident de l’interphone résonne dans la petite pièce. Au bout du combiné, le bonheur m’attend.
    « Oui ?
     — C’est moi… »
    Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Sa voix à l’interphone. Jérém est là. Ah, c’était donc ça « bientôt ». Vraiment « bientôt ». Je pensais que ce serait dans pas longtemps, mais en aucun cas je n’avais pas osé espérer imaginer que ce serait si vite.
    J’appuie sur le bouton, je me précipite à la porte de mon appart, je me rue dans la petite cour.
    Dès que l’image de mon beau brun traverse ma rétine, je suis KO. Pull à capuche gris, le zip ouvert sur un triangle de coton blanc au col arrondi, mon Jérém me fait craquer au premier regard.
    « Qu’est-ce qui se passe Nico ? » j’entends Denis me questionner en me voyant débouler comme un fou hors de chez moi. Depuis leur baie vitrée ils ne ratent par une miette de ce qui se passe dans l’entrée de l’immeuble.
    « Va voir, il y a peut-être le feu à l’appart ! j’entends Albert lui lancer.
     — Oui, il y a le feu…mais pas celui que tu crois ! » lui répond Denis qui a dû voir Jérém avancer dans le passage couvert.
    Je profite de la discrétion offerte par la configuration des lieux qui nous permet de n’être vus que par mes deux propriétaires, pour sauter au cou de Jérém.
    « Tu es là… »
    Sur le coup, le beau brun se raidit. Il regarde partout autour de lui, je ne le sens pas à l’aise vis-à-vis de mes effusions.
    « T’inquiète, personne ne peut nous voir ici, à part les propriétaires… »
    Et là, Jérém m’embrasse. Je prends ça pour un feu vert, je le prends dans mes bras, je le serre très fort contre moi, je l’embrasse comme un fou.
    « Je suis tellement heureux que tu sois là !
     — Je ne pouvais pas attendre…
     —  Jérém ! j’entends Albert lancer, ça fait plaisir de te revoir !
     — Bonjour monsieur ! »
    Sa façon de dire « monsieur » et le respect avec lequel il semble charger ce mot lui donnent un côté « petit garçon devant son prof » qui le rend craquant.
    « Venez prendre l’apéro, enchaîne Albert.
     — Mais laisse-les tranquilles, un peu ! fait Denis, ils ont d’autres chats à fouetter que de gâcher leur soirée avec deux vieux ! »
    Ça me fait sourire. Et ça fait sourire mon Jérém.
    « Viens ! » je lui lance tout bas, tout en saisissant sa main et en l’attirant vers moi, impatient de me retrouver seul avec lui.

    Une seconde plus tard, nous sommes dans le petit studio. Jérém me colle contre le mur, il prend mes lèvres comme s’il ne m’avait pas embrassé depuis des siècles. Il me serre très fort contre lui, il couvre mon cou de bisous. Je sens son souffle sur ma peau, je sens son bonheur d’être avec moi. Je sens qu’il est bien, là, avec moi. Qu’est-ce qu’il me touche ce petit gars !
    Son bassin collé contre le mien, je sens son érection monter à vitesse grand V. J’ai envie de le pomper, j’ai envie de l’avoir en moi. Mais en même temps, je n’ai pas envie de quitter cette étreinte qui me fait un bien fou et qui me montre à quel point je compte pour lui, plus que tous les mots du monde.
    Je ne sais pas me décider, alors je me laisse porter. De toute façon, tout va très vite. Le bobrun est chaud bouillant. Il a envie de câlins, mais il a aussi envie de prendre son pied. Pendant qu’il m’embrasse sans retenue, il ouvre le zip de son pull, il s’en débarrasse. Le coton molletonné glisse sur le coton de son t-shirt avec un petit crissement qui a la douceur d’une caresse. Je suis aveuglé par l’éclat du t-shirt blanc qui moule terriblement bien ses pecs et ses biceps. Mais le bogoss se débarrasse aussitôt de cette dernière couche de coton. Son torse en V à la peau mate s’offre à moi dans toute sa splendeur virile. Sans attendre, il défait sa ceinture – le cliquetis de la boucle qui s’ouvre est un son terriblement excitant à mes oreilles – puis sa braguette, puis ma ceinture, et ma braguette à moi. Les gestes sont secs, rapides, ils trahissent la délicieuse précipitation du désir.
    D’un coup rapide et puissant, il fait glisser mon pantalon à mi-cuisse. Il me fait alors me retourner face au mur. Définitivement, tout ça me rappelle le jour où je l’avais suivi chez lui après le bac philo, après l’avoir chauffé à bloc pendant l’épreuve. Ce jour-là, dès la porte claquée derrière nous, il m’avait plaqué contre le mur, il avait presque arraché ma ceinture et ma braguette, et il m’avait baisé direct, sans autre forme de procès. Il m’avait baisé avec une fougue presque bestiale, comme un animal en rut, tout en me traitant de sale pute. Il m’avait fait sentir à lui comme ce n’est pas permis, et il m’avait giclé dans le cul.
    Aujourd’hui, Jérém ne me traite plus de sale pute, mais il me fait toujours sentir autant à lui. Les gestes n’ont pas la brutalité de ceux du jour du bac philo, ils sont désormais empreints d’un mélange de douceur et de fermeté virile qui me fait délirer.
    Je sens le souffle chargé d’excitation de mon mâle glisser sur mon cou, sur ma nuque. Je suis aux aguets de ses ahanements empreints de désir. Jérém mordille nerveusement mon oreille, il passe ses mains sous mon t-shirt, agace mes tétons, me rend dingue d’excitation. Je sens sa queue chaude et raide tendre le tissu élastique de mon boxer, s’enfoncer dans ma raie. Je crève d’envie de lui.
    Tout comme le jour du bac philo, le beau brun attrape le bas de mon t-shirt, le pull en plus, le retourne, le fait glisser le long de mon torse. J’ai tout juste le temps de seconder son mouvement, et je me retrouve torse nu, mon dos enveloppé par sa présence virile.
    Et lorsque son bassin relâche enfin la pression, je n’en peux plus. Je charge mes mains de descendre mon boxer, comme une urgence, mais Jérém m’en empêche. C’est lui qui se charge de le descendre, doucement, lentement, sensuellement. Je me retrouve avec le boxer à mi-cuisse et la langue de Jérém qui lèche ma rondelle avec un entrain jouissif.
    Le beau brun cale son torse contre mon dos, sa queue raide dans ma raie humide et hypersensible, il frotte et tapote son gland contre ma rondelle. Jérém n’est pas encore venu en moi, et pourtant je me sens déjà dominé par sa virilité. Je n’en peux plus !
    « J’ai envie de toi ! je finis par lui lancer, fou de lui.
     — Je vais te défoncer !
     — C’est tout ce que je demande ! »
    Son bassin exerce une pression de plus en plus forte, lente et impitoyable, jusqu’à ce que je sente mes muscles humides céder, jusqu’à le sentir venir en moi lentement, mais inéluctablement. Sa pénétration est lente, puissante mais tout en douceur. Ses va et vient sont délicieux. Sa façon d’agripper tour à tour mes hanches, mes épaules ou mes biceps pour mieux me secouer me rend fou.
    Je sens son souffle dans mon dos, ses ahanements de plaisir, je perçois ses frissons, je ressens son envie.
    « Qu’est-ce que c’est bon ! je l’entends lâcher.
     — Mais grave ! »
    Et pourtant, quelques secondes plus tard à peine, il s’arrête net. Envahi par sa queue, je suis instantanément en manque de ses coups de reins.
    « Fais-moi l’amour Jérém !
     — Si je continue comme ça, je vais jouir de suite…
     — Fais-toi plaisir, beau mâle ! »
    Ses coups de reins reprennent, mais pas pour longtemps.
    « Je vais te remplir… » je l’entends souffler.
    Ses mains se crispent, ses doigts s’enfoncent dans ma chair. Un réflexe nerveux, lorsque son corps et son esprit perdent pied. Son souffle s’emballe, ses va-et-vient ralentissent jusqu’à se caler sur le rythme de ses éjaculations. Et son plaisir s’exprime par des râles puissants et étouffés.
    Ça y est, pour la première fois depuis des mois, mon beau brun vient de gicler en moi. Je suis tellement heureux de lui offrir ce plaisir, cet aboutissement sensuel qui avait l’air de tant lui manquer !
    Je suis tellement excité que je pourrais jouir sans même me toucher. Mais je me retiens, car j’ai envie de faire durer cet instant de bonheur le plus longtemps possible. La sensation, l’idée d’avoir son jus en moi me rendent dingue.
    « Je suis désolé…je l’entends me glisser, entre deux bisous posés sur mon cou alors qu’il est toujours en moi.
     — Désolé de quoi ?
     — Je suis venu trop vite…
     — Mais c’est pas grave du tout !
     — C’est meilleur quand ça dure…
     — C’était intense, il y avait le feu !
     — Un feu de paille…
     — Un feu de dingue !
     — T’as aimé, quand même ?
     — Et comment !
     — Moi aussi !!! Putain qu’est-ce que ça m’a manqué !
     — A moi aussi… »
    Le bogoss se déboîte lentement de moi. Il me fait me retourner, il se met à genou et il me pompe à bloc. Il ne faut pas longtemps pour me sentir perdre pied à mon tour.
    « Je vais jouir ! » je lui annonce.
    Jérém cesse de me pomper. Il empoigne ma queue et la branle vigoureusement. Un instant plus tard, je gicle sur son torse musclé et poilu, sur sa peau mate. Le beau brun avale une dernière fois ma queue, comme s’il ne pouvait pas résister à l’envie de goûter à mon sperme. Je suis surpris par cela. Et avant de revenir à moi et de me rappeler que je n’ai plus aucune raison de le faire, je me retiens de justesse de l’en empêcher. Lorsque la peur s’installe, c’est difficile de la faire repartir. Il faut du temps.
    Le bogoss passe son pull à capuche à même la peau, referme approximativement le zip et entrouvre la fenêtre pour griller une clope. Lorsqu’il revient au lit, il me prend dans ses bras. Le bonheur que ce gars sait m’offrir est un cadeau du ciel.

    Jérém a l’air plutôt fatigué, alors je lui propose de lui préparer à manger. Mais je n’ai pas grand-chose dans mon frigo. Alors, pendant que je le laisse se reposer à l’appart, je pars en expédition de survie à la superette du coin. J’achète de quoi lui faire une bolognaise maison, des escalopes milanaises. Je suis tellement content que Jérém soit là, et de pouvoir m’occuper de lui.
    En rentrant des courses, je retrouve le beau brun assoupi. Il est vraiment fatigué. Et il est touchant comme un enfant. Je baisse le son de la télé et je fais attention à ne pas faire trop de bruit en cuisinant. Je regarde ma bolo en train de mijoter et je ressens un tel bonheur ! C’est le bonheur des petites choses du quotidien qu’on a envie de partager avec l’homme de sa vie. J’ai un jour entendu quelqu’un dire que quand on aime, on cuisine. J’ai tellement envie de cuisiner pour Jérém !
    Un couvercle qui glisse et tape contre la poêle dans un grand bruit métallique fait revenir brutalement mon beau brun de sa petite sieste.
    « Putain, je me suis endormi…
     — Tu étais fatigué…
     — Ah oui… »
    Il est tellement mignon !
    « C’est prêt dans 5 minutes, je lui annonce.
     — Ça sent très bon tout ça, il considère en regardant en direction des fourneaux.
     — C’est rien…
     — Non, ce n’est pas rien. C’est beaucoup pour moi » je l’entends me glisser à l’oreille un instant plus tard.
     
    Pendant notre petit dîner improvisé et en amoureux, Jérém me parle de son quotidien, de ses entraînements, de sa progression sportive, de son intégration au sein de l’équipe. Je le sens enfin à nouveau épanoui, bien dans sa peau, confiant. Il me raconte comment, avec Ulysse, il a l’impression de retrouver le parfait tandem au rugby, comme avec Thib. Dans sa façon de me raconter ses nouveaux exploits dans l’équipe je retrouve le Jérém un brin frimeur que j’ai connu à Toulouse. Mais ce qui le rend encore plus craquant, c’est le fait que cette « assurance » retrouvée n’est pas dénuée de quelques craintes. Son assurance revient, mais j’ai l’impression qu’elle n’est plus si nette qu’avant. Comme si elle était toujours marquée par le choc inattendu avec cette nouvelle réalité dans laquelle il s’est senti d’abord rejeté, où il a dû lutter pour se faire accepter. Comme si sa sérénité était toujours entremêlée par l’incertitude du lendemain, parasitée par la pression qu’il doit supporter au quotidien.

    « Tu es retourné à Toulouse depuis Noël ? il me questionne au détour d’une conversation.
     — J’y suis retourné une fois en février, et je vais y retourner dans un mois pour le mariage de ma cousine. Je suis son témoin.
     — Ah, tu vas te faire tout beau ! Et tu vas encore te faire draguer !
     — N’importe quoi !
     — J’en suis sûr !
     — T’as qu’à venir pour me surveiller…
     — Je ne suis pas invité !
     — Si !
     — Quoi ?
     — Ma cousine m’a dit de te dire que tu es le bienvenu si tu veux venir.
     — Moi ?
     — Oui, toi !
     — Et pourquoi, moi ?
     — Parce que tu es le copain de son cousin préféré qui est aussi son témoin de mariage, banane ! »
    Jérém ne répond pas, il semble soudainement pensif.
    « Je ne suis pas prêt à jouer le parfait petit copain pédé, il finit par lâcher à mi-voix.
     — Tranquille, je ne te demande pas ça. Je n’ai pas besoin de te présenter autrement que comme un pote. Ce qu’il y a entre nous ne regarde que nous.
     — Je ne suis pas prêt pour ça… la famille, les repas, tout ça…
     — T’inquiète, je comprends. J’aimerais bien que tu viennes, bien sûr, mais je ne vais pas insister. Je te le dis juste parce qu’elle me l’a proposé. Elle voudrait juste te montrer que tu es le bienvenu dans ma vie et que dans ma famille tout le monde n’est pas comme mon père.
     — Ah, oui, ton père. Je n’ai vraiment pas envie de le croiser ! Et puis, de toute façon, je déteste les mariages…
     — Il n’y a pas de mal, vraiment.
     — C’est cool que tu aies eu un jour de repos, je change de sujet.
     — Mais je n’en ai pas eu !
     — Et comment tu as fait pour venir ?
     — J’ai dit que j’avais rendez- vous chez le dentiste.
     — T’es génial !
     — Mais demain matin je dois être impérativement aux entraînements à 9 heures…
     — Mais ça va te faire lever super tôt ! je considère.
     — Il va falloir que je prenne la route à 3 heures du mat’.
     — Mais tu ne vas jamais arriver à temps !
     — Neuf heures plus ou moins le quart d’heure toulousain, il plaisante.
     — Mais tu es fou !
     — J’avais trop envie de te voir…
     — Tu es adorable…
     — Et de te faire l’amour comme il se doit…
     —     »
    Mon beau brun a traversé la moitié de la France pour venir me faire l’amour, alors nous refaisons l’amour. Après le dîner, Jérém me fait m’allonger sur le dos et il vient en moi une nouvelle fois. Il me pilonne lentement, les ondulations de son bassin sont divines. La vision de son torse nu sculpté par le sport, de ses poils bruns, de ses tatouages, de sa belle gueule défaite par le plaisir sont autant d’images de bonheur. Cette fois-ci, mon beau brun prend son temps. Il me pilonne, il m’embrasse, il me lime, il me caresse, il me défonce, il me branle, et il me fait jouir. Mes jets chauds atterrissent sur mon torse au moment même où le corps et la petite gueule de mon beau brun se crispent dans l’expression de son nouvel orgasme, à l’instant même où il lâche de nouvelles bonnes giclées viriles en moi.

    Après son immanquable cigarette, Jérém m’annonce qu’il a besoin de dormir et il passe à la douche aussitôt. A travers l’encadrement de la porte laissée ouverte et des vitres translucides de la cabine, je regarde mon Jérém en train de se doucher. J’entrevois, j’entends l’eau tomber sur son corps musclé, je sens le parfum du gel douche se répandre dans la pièce. Je le regarde sortir de la cabine, les cheveux et la peau ruisselants d’eau, sa nudité spectaculaire, beau comme un Dieu. Je le regarde s’essuyer, les cheveux, le dos, les bras, les aisselles, l’entrejambe, les jambes, les pieds. Je le regarde faire disparaître sa virilité dans un boxer rouge à l’élastique blanc.
    Un petit passage devant le miroir pour dompter un minimum ses cheveux bruns en bataille et il revient dans la pièce principale, sans me quitter du regard.
    J'adore capter la fraîcheur qui se dégage de sa peau à la sortie de la douche. Qu’elle soit portée par les notes enivrantes d’un gel douche de petit con, ou bien par la douce sensualité d’un savon neutre qui laisse s’exprimer l’odeur naturelle de sa peau, cette fraîcheur de la peau qui vient d’être douchée me rend complètement dingue.
    Je lui demande de s’allonger à côté de moi et le bogoss s’exécute sans me quitter des yeux. Au fond des siens, une étincelle coquine qui me confirme ce que j’avais deviné. Nos envies se complètent.
    Le temps nous est compté, les quelques heures de sommeil devant nous sont précieuses. Surtout pour Jérém. Et pourtant, le beau brun est chaud comme une baraque à frites, et il ne compte pas vraiment se coucher avec les poules. Il préfère coucher avec son poulet toulousain.
    Il me caresse et il m’embrasse partout, tout en jouant délicatement avec ma queue déjà bien tendue. C’est entre la caresse et la branlette, et c’est juste divin. Excitant, frustrant, un truc de fou. Jérém me suce, longuement, amoureusement. Il enlève son boxer lentement, me regardant fixement dans les yeux. Sa queue tendue est magnifique. Je crève d’envie de le prendre en bouche, mais je sais que le beau brun a envie d’autre chose. Je le regarde s’allonger sur le lit, m’appeler silencieusement pour que je lui fasse l’amour à mon tour. Tu peux le faire, Nico, tu n’as plus rien à craindre.
    Alors je lui fais l’amour, je me laisse glisser entre ses fesses musclées de rugbyman. Je le pilonne en faisant bien attention à son plaisir, en prenant du plaisir à le voir frissonner au rythme de mes coups de reins. Me sentir coulisser en lui est une sensation incroyable. Et me sentir perdre pied, sentir mes giclées se répandre en lui, c’est juste délirant.
    Juste après l’amour, j’enserre Jérém très fort dans mes bras. Je suis tellement heureux. Et je le suis d’autant plus que mon beau brun a l’air lui aussi vraiment heureux. Une visite surprise, un dîner improvisé, et beaucoup d’amour. Et ce petit appart de 13 m² devient le plus beau des endroits sur Terre. Il est près de 22 heures, il faut dormir. J’éteins la lumière.
    Nos lèvres se cherchent dans le noir, se rencontrent, et ont du mal à se quitter.
    « C’est gentil de la part de ta cousine, quand même » je l’entends me glisser, la voix déjà pâteuse, juste avant de glisser dans le sommeil.

    Tu t'appelles Jérémie Tommasi mais tout le monde t'appelle Jérém ou Jéjé ou Jé. Aussi loin que tu te souviennes, tu te dis que tu n’as jamais été heureux. Dans ton enfance, tu vois tes parents se disputer sans cesse. A dix ans, ils divorcent et ta mère part refaire sa vie loin de toi. Très jeune tu comprends à quel point ça fait mal de se sentir abandonné. Ça te déchire le cœur et tu n’arrives pas à le réparer. Tu veux oublier cette souffrance, mais tu ne peux pas. Tu apprends à jouer au rugby, tu deviens un petit champion, tu te fais des potes, tu te tapes des meufs, mais tu n’arrives pas à oublier. Tu veux t'endurcir, mais tu n’arrives à t’endurcir que de l’extérieur. Car au plus profond de toi, les pleurs silencieux d’enfant résonnent toujours. Et les fantômes de ton enfance reviennent sans cesse te hanter.
    Tu finis par te convaincre que tu ne seras plus jamais heureux, parce que tu ne mérites peut- être pas d’être heureux. Parce que tu ne mérites pas d’être aimé. Et tu essaies de t’accommoder de cet état de choses. Tu te bâtis un personnage, et un monde dans lequel le faire graviter. Une sorte de réalité virtuelle, définie par les regards que tu arrives à attirer. Ton bonheur ne vient pas de ton cœur, mais du regard des autres. Tu n’arrives pas à aimer parce que tu ne veux pas que ton bonheur dépende des autres, mais tu as besoin du regard des autres pour te sentir heureux. Tu fais tout pour plaire, pour être admiré. Tu ne montres que ce que tu veux montrer et tu caches soigneusement cette partie de toi que tu as découverte bien assez tôt et qui te perturbe depuis. Tu essaies d’oublier ton attirance pour les mecs, mais tu n’y arrives pas.
    C’est difficile pour toi de penser à ce mot, gay, et surtout de l’imaginer s’appliquer à toi. Au fond de toi, tu sais que c’est le cas, mais tu veux croire que tu peux oublier. Les autres te rappellent sans cesse qu’être pédé n’est pas bien, alors tu apprends à faire semblant. Tu te dis que tu trouveras le moyen de garder les apparences. Tu fais ce que tu peux pour survivre, mais un sentiment de culpabilité t’envahit. Tu te sens comme une merde.
    Tu baises des meufs, mais tu n’oublies pas. Tu as envie d’aller vers les mecs, mais tu ne peux pas. Tu te caches, des autres, de toi-même. Tu te dis que tu ne peux pas être pédé, jamais. Tu vis dans la peur qu’un regard te trahisse. Tu finis par avoir des aventures avec quelques mecs. Tu prends ton pied mais tu culpabilises un max. Mais tu arrives à donner le change, à garder les apparences. Tout cela est bien fragile, mais tu arrives à tenir en t’aidant avec l’alcool et la fumette.
    Puis, un jour, tu croises le chemin d’un gars qui fait voler tout ça en éclat. Son regard rebat toutes les cartes. Tu as eu envie de lui, et tu as fini par assouvir cette envie. Ce que tu n’avais pas prévu, c’est de te sentir aimé, et ça t’a fait peur. Tu avais l’impression d’être libre quand tu couchais avec toutes les nanas que tu voulais – et parfois un mec, vite fait – et tu aurais voulu continuer ainsi. Tu n'as jamais eu l'intention de tomber amoureux, et encore moins d’un gars.
    Et pourtant, quand tu as croisé son chemin tu as ressenti quelque chose que tu n’avais jamais ressenti auparavant. Il t’a fallu un certain temps pour apprivoiser cet amour. Avant votre première révision, et malgré les apparences, tu étais en train de te noyer. La présence de Nico a donné un nouvel élan à ta vie. Grâce à lui, tu as pu enfin comprendre et accepter qui tu es.
    Tu te demandes ce qui se serait passé si tu n’avais pas croisé le chemin de Nico. Si tu n’avais pas connu le bonheur qu’il a su t’apporter.
    Oui, tu t’appelles Jérémie Tommasi et ce soir tu es heureux. Tu es heureux parce que tu as eu tellement peur pour Nico. Tu ne voulais pas croire qu’il ait pu être contaminé, tu ne pouvais pas. Et pourtant, tu avais peur. Tu y pensais chaque jour, chaque heure. Tu n’as vraiment pas envie qu’il arrive du malheur à ce petit gars. Parce que ce petit gars, tu l’aimes. Cette nuit, tu es tellement bien dans ses bras. Tu te sens en sécurité, tu te sens libre. Quand tu es avec lui, tu as l’impression de respirer enfin, à pleins poumons, comme après une trop longue apnée. Quand tu es avec lui, tu recharges ton moral, tu remontes ta jauge de bonheur. Penser à lui, te rend ton quotidien plus supportable. Le voir heureux, te rend heureux. C’est pour ça que tu aimes être avec lui.
    Oui, ce soir tu es heureux. Et si cet instant est si précieux pour toi, c’est parce que tu sais que dès que tu auras quitté cet appartement minuscule, dès que tu ne sentiras plus sa présence rassurante, tes fantômes vont revenir te hanter. Tu sais que dès demain matin 9 heures, tu seras à nouveau prisonnier d’un monde où tu devras faire semblant, où il ne te sera pas autorisé d’être toi-même. Alors tu profites de cet instant, de cette étreinte dans le noir, de ses bisous, de son amour.
    Tu aurais envie d’être avec lui plus souvent mais tu te dis aussi que tu ne peux pas prendre le risque. Tu ne veux pas tout gâcher maintenant que tout semble s’arranger pour toi, alors que tu es de mieux en mieux intégré dans l’équipe, alors que le coach semble enfin apprécier ton jeu, alors qu’il te montre enfin de l’estime, alors que tu retrouves enfin peu à peu les sensations et les regards que tu ressentais à Toulouse, celles et ceux qui t’ont tant manqué et que tu essaies désespérément de retrouver depuis 6 mois : la sensation d’être un bon joueur, la sensation d’être à ta place, les regards admiratifs, les regards bienveillants, les regards qui te portent, les regards qui te font rêver, parce qu’ils te montrent que toi, tu fais rêver. Tu as envie de briller, tu as envie de te sentir le meilleur, à nouveau. Tu ne veux plus jamais ressentir l’humiliation de te sentir scruté, jugé, exclu, regardé avec méfiance, avec défiance.
    Oui, être avec Nico te paraît difficile. Mais ça c’est uniquement parce que le monde n’est pas prêt à accepter votre amour. Mais dans l’absolu, tu sens qu’être heureux est à ta portée. Il suffirait de saisir sa main, tendue vers toi depuis votre première révision, et même depuis le premier jour du lycée. Et même si tu ne peux pas la saisir autant que tu veux, tu sais qu’il suffirait d’un geste pour la saisir. Et ça, ça te met du baume au cœur.

    Lorsque le réveil sonne, c’est comme un coup de fouet impitoyable. J’entrouvre les yeux et je regarde mon radio réveil. Il est 2h45. La seule note de douceur dans ce réveil brutal est la présence de Jérém contre moi, ses bras autour de ma taille. Mais cela ne dure pas. Mon beau brun me fait un bisou dans le cou et bondit hors du lit. Un instant plus tard, j’entends le jet dru tomber dans la cuvette, suivi par celui de la chasse d’eau. Jérém revient près de moi, il commence de s’habiller. Il passe son t-shirt blanc et sa queue mi-raide attire mon regard. Je suis dans le coltard, mais ma main part toute seule, elle ne peut résister à la tentation de la caresser. Le bogoss se retourne illico. Dans ses yeux, une étincelle lubrique qui m’enchante.
    Un instant plus tard, il se glisse sous les draps, il se glisse sur moi, il glisse entre mes fesses, il glisse en moi. Il me pilonne une dernière fois, il me refait l’amour, ses mains fébriles saisissent mes hanches, je l’entends souffler son plaisir de mec. Et il gicle une dernière fois en moi au petit matin.
    « Oh, putain, qu’est-ce que c’est bon… » je l’entends souffler, la voix basse, ralentie, comme assommé par son orgasme.
    Jérém se déboîte aussitôt et termine de s’habiller. Sa queue disparaît dans le boxer et le jeans, son t-shirt blanc sous le pull à capuche dont il referme la fermeture zip jusqu’en haut. Une minute, un dernier bisou et un « bon retour, fais attention sur la route, envoie-moi un message quand tu es arrivé. Je t’aime » plus tard, le beau rugbyman quitte mon appartement et repart dans sa vie loin de moi.

    Vendredi 29 mars 2002.

    Ce vendredi est un jour de grandes annonces. Déjà, le soir, en rentrant des cours, je trouve dans ma boîte aux lettres l’invitation officielle du mariage d’Elodie. Puis, le même soir, vers 21 heures, alors que je viens tout juste de raccrocher d’avec Jérém, la sonnerie de mon portable retentit à nouveau. Je regarde le petit écran et je vois « Thibault » s’afficher. Au fond de moi, je sais pourquoi il m’appelle. Je sens que je vais apprendre une bonne nouvelle.
    « Thibault, ça va ? je fais en décrochant.
     — On ne peut mieux. Nico… »
    Puis, après un petit moment de flottement, l’adorable pompier finit par lâcher la grande nouvelle :
    « Ça y est… je suis papa ! Nathalie a accouché cet après-midi. C’est un beau petit gars, Nico ! Il s’appelle Lucas ! »
    Sa voix est fébrile, transportée par l’émotion. Je le sens tellement heureux que j’en ai les larmes aux yeux.
    « Félicitations mon grand, félicitations ! Tout le monde va bien ?
     — Oui, le gosse, la maman, tout le monde va bien. Ça a été un peu long, mais tout s’est bien passé.
     — Et comment va le papa ?
     — Le papa a failli tomber dans les pommes, mais il se remet peu à peu de ses émotions !
     — Je suis vraiment, vraiment heureux pour toi, Thibault ! »
    Oui, je suis heureux pour Thibault. Même si j’ai encore du mal à imaginer ce petit mec de 20 ans avec un gosse, ce gars avec qui j’ai fait l’amour quelques mois plus tôt alors que sa copine était déjà enceinte – bien que nous l’ignorions encore à ce moment là – je suis certain qu’il fera un papa merveilleux.
    « Merci Nico, merci !
     — Et tu as annoncé la bonne nouvelle à Jérém ? je ne peux m’empêcher de le questionner.
     — Non, pas encore. Je vais le faire.
     — Ça lui fera plaisir, il sera heureux pour toi
     — Oui, je pense… »
    Je sens de l’hésitation dans sa voix. Comme s’il n’était pas à l’aise avec la perspective de contacter Jérém.
    « Ça fait un moment que nous ne nous sommes pas parlé, il finit par ajouter.
     — Tu sais, il me demande souvent de tes nouvelles. Ce sera l’occasion de lui en donner directement.
     — Je me demande ce qu’il va ressentir quand je vais lui annoncer que je viens d’avoir un petit gars…
     — Ça va le bouleverser, c’est sûr… mais il va être heureux pour toi.
     — Merci Nico.
     — Encore félicitations Thibault. Et félicitations à Nathalie. Et à Lucas. Il a de la chance d’avoir un papa comme toi.
     — J’espère que je vais être un bon père.
     — Je ne me fais pas de souci pour ça, vraiment pas.
     — Merci Nico. Il va falloir que tu passes faire sa connaissance quand tu viendras sur Toulouse.
     — Je n’y manquerai pas ! »

    L’occasion de tenir ma promesse se présente trois semaines plus tard, le week-end où je remonte sur Toulouse pour le mariage de ma cousine.
    J’arrive dans la Ville Rose le vendredi soir. Je fais un bisou à Maman, nous discutons un peu tant que nous ne sommes que tous les deux. Dès que Papa rentre à la maison, je me sens mal à l’aise et la belle complicité entre Maman et moi doit se faire discrète. Les mots doivent se prononcer à voix basse pour ne pas provoquer, les rires doivent s’étouffer pour ne pas heurter. Fait chier. La présence de mon père plombe l’ambiance. Le dîner est lugubre. Papa ne décroche pas un mot et Maman se charge de faire la conversation pour ne pas laisser le silence assourdissant s’installer. La discussion tourne essentiellement autour du mariage d’Elodie qui va avoir lieu le lendemain soir. J’essaie de lui donner le change, mais je ne suis vraiment pas à l’aise. J’ai l’impression que Papa juge chacun de mes mots comme étant dénué de tout intérêt, qu’il trouve ma voix pas assez virile, mes attitudes pas assez viriles, et ma présence dérangeante. Ce n’est peut-être que dans ma tête, mais j’ai l’impression d’étouffer et il me tarde de partir de là. Ça me fait chier pour Maman, parce que je voudrais passer plus de temps avec elle. D’ailleurs, je ne sais pas comment elle fait pour le supporter. Je ne veux pas que mes parents divorcent à cause de moi, pas du tout. Mais Papa se comporte vraiment comme un con. Maman doit vraiment beaucoup l’aimer, ou elle a dû vraiment beaucoup l’aimer, pour lui pardonner son attitude depuis mon coming out.

    Samedi 20 avril 2002, 8h17.

    Ce matin, je me réveille avec le moral en berne. A vrai dire, ça fait un petit moment que mon moral est chancelant. Et l’ambiance du dîner d’hier soir n’a rien arrangé.
    Ça fait désormais plus d’un mois que je n’ai pas revu Jérém. Il m’avait prévenu que pendant cette dernière ligne droite avant la fin du championnat ça allait être dur de se voir. Parce qu’il allait devoir être à fond dans le rugby, parce qu’il allait devoir tout donner.
    Et cela s’est confirmé au fil des dernières semaines, depuis que son équipe traverse une phase difficile.
    La dernière fois que Jérém était venu à Bordeaux, je l’avais senti confiant, vis-à-vis de sa place dans l’équipe. Il avait l’air de dire que tout se passait bien et que le plus dur était derrière lui.
    Hélas, dans le sport, non seulement on ne peut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir attrapé, mais même quand on l’a attrapé, il vaut mieux rester prudent car l’ours en question peut s’échapper à tout moment. Dans le sport, notamment le sport d’équipe, la réussite dépend d’une multitude d’acteurs, d’une infinité de paramètres, ainsi que d’un facteur chance. Autant de variables qu’on ne peut contrôler individuellement et dont la défaillance passagère, peut très vite faire tout basculer. Oui, dans le sport d’équipe, tout peut changer très vite. Un jour aux Anges, le suivant en Enfer, sans transition.
    Après un lot de matches en début d’année plutôt satisfaisants, depuis quelques semaines le Racing se fait régulièrement dominer. Au dire de Jérém, l’ambiance dans les vestiaires et aux entraînements est de plus en plus difficile. Je le sens de mauvaise humeurs, soucieux, distant. Je sens qu’il essaie de ne pas me faire subir tout ça, mais je ressens son malaise.
    J’essaie de l’encourager, de lui dire que les choses vont s’arranger, que son équipe a connu des temps meilleurs et qu’elle va en connaître d’autres. Mais entre le fait que je ne connais pas les tenants et les aboutissants des problèmes que traverse son équipe, et le fait que mes compétences en rugby sont d’un niveau plus bas que terre et mer, mes propos doivent sonner bien creux aux oreilles de mon beau brun, dénués de toute crédibilité. Ce qui fait que l’encouragement que je souhaite lui apporter doit tomber à plat.
    Preuve en est le fait que lors de nos derniers échanges téléphoniques, dès que j’essaie de lui demander des nouvelles, il se contente de répondre « ça va » et il change direct de sujet.
    Je sens qu’il est fatigué, physiquement, mentalement, moralement. Ces défaites multiples l’affectent beaucoup. Je sais, parce que ça lui a échappé un soir, qu’il se sent de plus en plus sur la sellette, qu’il commence à craindre de ne pas être reconduit pour la saison prochaine. Je sens que ces problèmes sont à nouveau en train de nous éloigner, mais je me fais surtout du souci pour lui. Je ne veux pas que son rêve se termine si tôt. Je ne veux pas qu’il soit malheureux. Je ne veux pas le voir partir en vrille, parce que je ne sais pas si j’aurais la force de l’en empêcher. En attendant, son inquiétude déteint sur moi.
    Il me manque, j’essaie de tenir bon. Mais ce n’est pas facile tous les jours. C’est de plus en plus dur pour moi de ne pas savoir quand je vais le revoir. La fin du championnat c’est dans plus d’un mois. Est-ce que je vais devoir attendre jusque-là ? Est-ce que notre relation va être ça, tout le temps ? Se voir de temps en temps, une fois par mois au plus, beaucoup moins quand il doit être à fond dans le rugby ?
    J’essaie de me réconforter en me disant qu’en dépit de la faible quantité de nos rencontres, leur qualité est excellente. Je repense à cette visite éclair de mon beau brun un mois plus tôt, après le résultat négatif de mon test HIV. Quand je pense à la façon dont il s’est tapé deux fois six heures de route pour venir me voir l’espace d’une soirée et d’une nuit écourtées, pour venir me faire l’amour comme il me l’a fait, pour me faire me sentir bien et aimé comme il a su le faire, je me dis que je suis un garçon chanceux.
    Quand j’ai su que j’aimais les garçons, j’ai toujours pensé au fond de moi que mon orientation sexuelle et sentimentale rendrait plus difficile la recherche de mon bonheur. Le peu d’œuvres, films, livres, chansons, traitant des histoires entre garçons que j’avais eu l’occasion de connaître, se terminaient rarement avec un final heureux. Moi, mon bonheur, je l’ai trouvé. Il arrive par petites touches, ou plutôt par grandes touches isolées, mais il est bien là. Et cette idée m’aide à tenir bon. Mais pas à faire taire le sentiment de manque et d’inquiétude. Que fait Jérém à Paris, entre deux entraînements, entre deux cours à la fac ?
    Le mariage de ma cousine a lieu dans quelques heures. Je vais faire la fête. C’est en pensant à cela que j’arrive à m’extirper de ma morosité.

    Samedi 20 avril 2002, 16h00.

    Le mariage a lieu à la mairie de Blagnac. La cérémonie est courte, mais solennelle. Je suis ému de voir ma cousine s’engager à partager sa vie avec un garçon. Ma cousine est toute en beauté dans sa robe blanche, très sobre et élégante, plutôt classe, tout à fait dans son style. Son Philippe est lui aussi tout en beauté dans son costume noir très bien taillé.
    Et je suis vraiment ému lorsque, après les vœux et l’échange des alliances, je me retrouve à signer les papiers du mariage avec la sœur de Philippe, qui est aussi son témoin. Je suis toujours autant touché qu’Elodie ait pensé à moi pour ce rôle.
    La fête se poursuit dans une salle des fêtes où le DJ chargé de l’animation de la soirée ne nous épargne absolument rien de la « beaufitude » légendaire des mariages. Déjà, il se fait remarquer par un choix musical sans originalité, par une voix très envahissante crachée dans un micro trop sonore, par des blagues grasses et souvent douteuses, par des animations grossières entraînant les invités dans des situations gênantes.
    J’aimerais m’extraire de ce carcan, partager davantage ce moment avec ma cousine, mais elle est occupée à faire le tour des invités. En attendant, je me fais chier. Et pour « soulager ma peine », je bois et je mate la faune masculine en présence. Il y a en effet quelques beaux spécimens, notamment dans la « garde rapprochée » des potes de Philippe. Mais the « bogoss » de la soirée est sans conteste mon cousin Cédric, celui qui a été à l’origine de mes premières et nombreuses branlettes solitaires dans mon adolescence. Il est toujours aussi canon, et chaque année il gravit une nouvelle marche dans l’ascension vers l’accomplissement de sa beauté virile. Ce soir, dans sa tenue chemise blanche, cravate, et costume sur différents tons de bleu, il est juste craquant.
    Sans que je cherche à lui parler, parce que je ne sais vraiment pas de quoi lui parler, parce que je n’ai pas envie de le sentir étaler sa vie parfaite, le déroulement de la soirée fait que nous finissons par tomber l’un sur l’autre et par échanger quelques mots. Il me parle de ses études en médecine et j’ai l’impression d’entendre le résumé d’un épisode de « Grey’s anatomy ». Ou plutôt d’« Urgences ». Je n’ai que peu l’occasion de lui parler de mes études à moi. Mais qu’importe, je l’écoute moins que je ne le regarde. Sa présence est magnétique, comme capiteuse.
    « Alors tu as une copine ou tu es toujours puceau ? il finit par lâcher au détour d’une conversation.
     — Non, j’ai pas de copine » je réponds, un brin agacé.
    Et là, l’alcool aidant, je décide d’aller au fond de mes pensées.
    « Mais j’ai un copain, j’ajoute aussitôt.
     — Ah…
     — Ça t’étonne ?
     — Pas vraiment…
     — Tu t’en doutais ?
     — J’ai toujours pensé que tu me kiffais…
     — Et c’était le cas… et c’est toujours le cas… »
    Le cousin semble soudainement mal à l’aise avec la franchise de mes mots. Il me regarde un brin interloqué, il cherche quelque chose à répondre.
    « Mais moi je ne suis pas…
     — T’inquiète, je le coupe, las de me faire prendre de haut par ce petit con. A une époque, je continue, si tu avais dit oui, je n’aurais pas dit non. Mais maintenant j’ai un copain canonissime et je ne fantasme plus sur toi ! »
    Cédric me regarde sans savoir quoi répondre, l’air un tantinet déstabilisé.
    Et bam ! Ça s’est dit… Cassé !!!! comme s’exclamera quelques années plus tard un célèbre philosophe niçois.

    C’est vers la fin de la soirée, ou plutôt de la nuit, que j’arrive enfin à approcher ma cousine. Elle est épuisée par les obligations mondaines, et elle est heureuse de prendre un dernier verre avec moi.
    «  Ça va mon Nico ?
     — Très bien et toi ?
     — Ta cousine est désormais une femme respectable, elle me balance en me montrant son alliance avec un geste excessivement théâtral qui me fait mourir de rire.
     — Je vois ça, oui…
     — Ton copain n’a pas pu venir, alors ? elle enchaîne.
     — Je lui ai proposé, mais il n’a pas voulu. Il n’est pas prêt pour ça.
     — Ne lui en veux pas…
     — Je ne lui en veux pas.
     — Ça se passe toujours bien entre vous deux ?
     — Ça fait plus d’un mois que nous ne nous sommes pas vus, mais je crois que oui.
     — Je suis certaine que ça va bien se passer. Dans votre histoire, il y aura des hauts et des bas, mais vous vous retrouverez toujours.
     — Je l’espère…
     — Ta cousine a quelque chose à t’annoncer, mon petit Nico, fait Elodie sans transition.
     — Ah bon ?
     — Tu vois cette robe blanche ?
     — Oui…
     — Elle est un tantinet… comment je dirais… abusive !
     — Pourquoi ça ?
     — Parce qu’il y a Polichinelle dans le tiroir !
     — Quoi ?
     — Je suis enceinte, gros couillon ! De plus de deux mois !
     — Tu es… tu …
     — Oui, j’attends un bébé. Tu es l’une des premières personnes à qui je le dis. Je ne l’ai même pas encore dit à Tata.
     — Elle m’en aurait parlé… félicitations ma cousine, je suis vraiment content pour toi ! »

    Je rentre de la fête au petit matin. Je n’ai pas eu de nouvelles de Jérém depuis jeudi soir. J’ai essayé de l’appeler après le passage en mairie, mais je n’ai pas pu l’avoir. Il me manque à en crever.
    Je me réveille plusieurs heures plus tard, en tout début d’après-midi. Je grignote un peu et pense à ma promesse faite à Thibault de passer voir son gosse. Aujourd’hui, c’est jour de match. Je ne veux pas le déranger, je lui envoie un message pour lui proposer de passer le voir dans la soirée, s’il est disponible.
    Je passe l’après-midi à comater, à penser à Jérém, à avoir envie de ne rien faire, à broyer du noir. La fatigue est un catalyseur de tristesse. Heureusement, un rayon de lumière vient illuminer la fin de journée. En même temps que les infos sportives à la télé annoncent que cet après-midi le Stade Toulousain a remporté la victoire haut la main contre Montferrand, je reçois un message de Thibault qui me propose de passer pour une soirée pizza.


    Zelim Bakaev
    23 avril 1992 - 8 août 2017

    0304 Un mariage et quelques entraînements.



    A cause de sa notoriété dans son pays et en Russie, Zelim est devenu le symbole des exactions infligées en Tchétchénie aux personnes LGBT au nom de la « purification du sang de la nation ». L’horreur aux portes de l’Europe.

    https://eurovision-quotidien.com/zelimkhan-bakaev-trois-ans-deja/

    Nous savons et nous n’oublierons pas ce qu’ils t’ont fait, comme à tant d’autres gars comme toi, ni pourquoi ils l’ont fait.

    Paix à ton âme.


    6 commentaires
  •  

    C’est beau de voir un beau garçon en train de jouir… c’est beau le voir pousser un râle puissant et qu’il tente d’étouffer sans entièrement y parvenir… c’est beau aussi de le voir s’envoler seul vers les hauteurs de ce plaisir ultime… pendant qu’il jouit, c’est le mâle… c’est un moment d’aliénation où le mec oublie tout, ses sentiments, sa sensibilité, même qui il est… l’important c’est juste qu’après l’orgasme, il retrouve assez vite la mémoire de qui il est, de la personne avec qui il l’a atteint ou qui lui a offert, la conscience que cette personne est toujours une personne et non pas un mouchoir ou une capote à jeter… 

    Et Stéphane, cette mémoire et cette conscience il les retrouve très vite… oui, je trouve incroyablement beau de le voir me sourire tout en s’essuyant le front de la transpiration et en poussant un bon soupir signifiant qu’il fait chaud et qu’il est épuisé, deux gestes très sexy à mes yeux… je trouve très touchant de le voir se pencher pour m’embrasser une fois de plus… je trouve définitivement et irrésistiblement craquant de voir que l’effort de contenir le cri de sa jouissance a fini par lui donner le hoquet… et le fait de l’entendre rire des spasmes qui secouent son torse et le mien en contact avec le sien me remplit de bonheur… 

    Je suis tellement bien avec lui à ce moment là que je me dis qu’au fond, savoir que je ne suis ni son premier ni son dernier, n’a plus d’importance… qu’importe au fond… on a fait l’amour, on s’est ’aimés… et même si ce n’est que l’espace d’un après midi, ce qui rend par ailleurs ce moment particulièrement intense, rare et précieux et triste à la fois, cet après midi j’ai l’impression d’être important pour lui, je suis le seul qui compte pour lui… jamais je n’ai encore ressenti cela avec Jérém…

    Cet atterrissage après l’orgasme me mettra du baume au cœur… ça me changera un max par rapport à ce à quoi j’ai été si longuement habitué, me retrouver face à un gars silencieux, froid, distant, si ce n’est agacé ou même hostile, pressé de me voir me tirer juste après m’avoir tiré… 

    Stéphane restera un petit moment allongé sur moi en train de récupérer de l’effort… j’ai toujours adoré ça, ce moment d’abandon du mâle après la jouissance, cet instant d’abandon et de vulnérabilité, d’épuisement… cet instant si propice à la tendresse, une tendresse qu’on m’a toujours refusée… et j’adore d’autant plus que ce moment n’a pas l’air d’être pour Stéphane qu’un abandon purement physique… certes, le mec est épuisé… mais ce geste est aussi… tendresse… envie de tendresse, envie d’en recevoir, envie de m’en apporter… 

    Lorsque le hoquet finit par cesser, je le vois relever le torse, me regarder dans les yeux, me sourire, porter sa main autour de ma queue comme tout à l’heure et, tout en restant en moi, reprendre le truc avec le pouce dans le creux de mon gland en actionnant un peu plus vite les mouvements de branlette avec sa main… j’ai pris tellement mon pied lorsqu’il était en train de coulisser en moi que j’en ai carrément oublié mon plaisir à moi, celui de ma queue… il faut dire que je suis habitué à ce que le plaisir de ma queue ne soit qu’un détail dont on ne s’occupe pas… j’oublie qu’avec ce garçon les choses en vont tout autrement… la force de l’habitude est quelque chose contre laquelle on a du mal à lutter… 

    Oui, j’ai oublié de jouir, et même si la chose ne me dérange pas au fond, Stéphane ne l’a pas oubliée… il a joui, mais au lieu de se tirer pour aller fumer sa cigarette, il reste avec moi, en moi… il a joui mais il a envie de me faire jouir une fois de plus… 

    Je bande comme un âne et sous l’effet de sa main enroulée autour de ma queue et de son pouce procurant le plus exquis des plaisirs au creux de mon gland, je jouis vite… quatre ou cinq traînées de sperme vont s’abattre sur mon torse, jusqu’à mon cou…
    A ce moment là, je me sens le garçon le plus comblé et heureux de l’univers… je me dis que ce que je suis en train de vivre est beau à en pleurer… voir d’abord ce beau gars jouir en moi… le voir ensuite s’appliquer pour me faire jouir aussi puissamment… le sentir sortir de moi tout doucement pour venir me faire un câlin, m’embrasser …  

    On est tous les deux calés sur un flanc, visage contre visage, torse contre torse, il se colle contre moi sans se soucier que le mien est mouillé de mon jus… ses poils doux caressent ma peau imberbe, ses tétons frottent contre les miens, sa chaleur corporelle se mélange avec la mienne, nos bras, nos jambes, nos queues, nos envies de tendresse se mélangeant, se perdant les une avec les autres… oui, c’est beau à en pleurer… et dire que je l’ai toujours su… qu’est-ce que c’est au fond que le sexe sans un câlin juste derrière ? 

    Ah, que cela change par rapport à ce que j’ai pu connaître avec Celui-dont-on-ne-doit-plus… je finis par me dire qu’on a beau se taper le plus incroyable apollon de la terre… prendre un pied de fou rien qu’en le voyant jouir… hélas, lorsque la baise, si torride soit-elle, est passée, on se sent seuls, humiliés… car le sexe sans un peu de considération pendant l’acte et sans un minimum de chaleur humaine juste après, n’est rien… le sexe pur, le sexe pour la baise, n’est que mécanique, une bonne mécanique, certes, mais la solitude après coup est si dure à supporter… 

    Je finis par me dire qu’un mec comme Celui-dont-on-ne-doit-plus… un mec aussi parfaitement beau, à la morphologie si incroyable, avec ce charme puissant de mâle dominant qui sait ravir ceux et celles qui y sont sensibles, un mec si sûr de lui, à la sexualité si débordante… ce genre de mec est, certes, un pur régal pour les yeux et un pur bonheur au lit… pour une bonne baise… hélas, un mec dont le charme est aussi largement reconnu, inspire à la fois un désir incroyable et une crainte effroyable, celle de le perdre… car un gars aussi sollicité ne sera jamais l’homme d’une seule femme, ni d’un seul homme… avec ce genre de mec on ne se sentira jamais en sécurité… avec ce genre d’apollon on ne sera généralement jamais comblés affectivement… 

    Non, le qui fait qu’on se sente bien avec un garçon ne tiendra jamais qu’à son physique, qu’à sa beauté… non, le charme d’un mec n’est pas tout dans sa sexualité, si intense et débordante soit-elle… il est des choses qui vont au delà d’une belle gueule, d’un corps de rêve et d’une bite capable de jouir presque à la demande… des choses qui s’appellent tendresse, partage, gentillesse, attention pour l’autre, douceur… 

    Lorsqu’elles manquent, une relation est bien bancale…  

    On reste enlacés pendant un long moment… on reste en silence, je l’entends respirer contre moi, je suis tellement bien que je finis par m’assoupir pendant un instant… lorsque je reviens à moi, je me sent moite, collant, j’ai envie d’une bonne douche…  

    « Je crois que je devrais aller prendre une douche… » je suggère. 

    « Ouais.. » il me répond « il y a juste un petit blème… » 

    « T’as pas d’eau chaude… » je plaisante. 

    « Naaan… » il répond, ses lèvres effleurant mon oreille, sa voix caressant quelques unes des cordes les plus sensibles de mon être « le blème c’est que pour aller prendre la douche il va falloir que je te laisse partir… et ça… j’en en ai aucune envie… ». 

    Il est trop mignon. Je l’embrasse. 

    « Va pourtant falloir… » je relance « mais c’est promis, après la douche je reviens te faire un câlin et je ne te laisse plus… ». 

    « Ok » il me répond « … à ce compte là, ça me va… ». 

    Ses bras s’ouvrent… j’amorce le mouvement pour me relever, lorsque sa main saisit mon avant bras pour m’attirer à nouveau à lui… il m’embrasse encore…

    « Ca c’est pour la route, bogoss… » il rajoute devant mon air à la fois ravi et interloqué.

    Je lui souris et je pars à la douche. Je suis tellement heureux que je sifflote en faisant couler l’eau. Je me savonne vite, son gel douche sent trop bon… quand je dis que tout est agréable chez lui… oui, je me savonne vite, je ne veux pas m’attarder sous la douche… j’ai trop envie de retrouver Stéphane… il me manque déjà…

    Il ne va pas me manquer longtemps… car c’est lui qui vient me retrouver… sous la douche…

    Je suis encore en train de me savonner lorsque la porte vitrée s’ouvre m’offrant l’image du beau Stéphane en train de me regarder… et de me sourire…

    « Je peux ? » il me demande, timide, le regard fuyant.

    « Fais comme chez toi… » je trouve sympa de lui répondre. Ses yeux replongent illico dans les miens, il a l’air content de mon feu vert… j’adore… là aussi c’est la première fois que l’on me demande mon avis… avec un simple regard un peu timide, un peu fuyant, le regard d’un mec qui, bien qu’un peu plus âgé que moi parfois, il doute parfois et il cherche en moi (oui, en moi… en moi !!!) de quoi être rassuré… c’est touchant, mignon, craquant, les mots me manquent pour décrire l’immense tendresse que ce garçon m’inspire lorsqu’il semble soudainement perdre ses repères et me donner les commandes… c’est la première fois que l’on tient compte de moi, de mes envies… c’est un détail infime mais si puissant à mes yeux…

    Il rentre, il referme la porte derrière lui… nos peaux humides se frôlent… c’est sacrement excitant…

    « J’ai toujours pensé que cette cabine est trop grande pour prendre une douche tout seul… » me balance, coquin.

    Oui, sa cabine est bien grande pour prendre une douche tout seul… et surtout ce serait vraiment dommage de la prendre sans la compagnie du charmant maître des lieux… ce beau Stéphane qui, depuis qu’il m’ait fait l’amour de cette façon puissante, sensuelle et pleine de douceur, a franchi un nouveau stade dans l’échelle de mon désir, de mes sentiments…

    C’est bon de se caresser sous l’eau… c’est beau de s’embrasser sous l’eau… c’est très bon de s’aimer sous l’eau… c’est très beau de bander sous l’eau… c’est beau et c’est bon de se branler sous l’eau… et c’est bon et c’est beau d’unir nos queues dans la même poignée de main et de les exciter l’une en contact de l’autre… alors que c’est incroyablement beau et terriblement bon de jouir presque au même temps sous l’eau sous les allers venues de sa main tout en s’embrassant… c’est si beau et bon que j’ai presque envie de pleurer… au point que lorsqu’il me serre très fort tout contre lui, lorsque mon visage se perd dans le creux de son cou et ses baisers se posent sur mon oreille, je suis secoué par des sanglots que je n’arrive pas à contrôler, mes larmes jaillissent immédiatement emportées par l’eau qui coule toujours… il doit me prendre pour un dépressif, un pauvre mec… mais non, non, non, il ne me prend pas pour cas soc… il me comprend, et c’est magique… il me serre encore plus fort, il pose des bisous partout dans mon cou, sur la joue, sur ma bouche…

    C’est pas possible d’être aussi bien, pas possible d’être si heureux, je me sens revivre… c’est comme si un énorme poids s'envolait de mon cœur et de ma poitrine, le poids de tous ces interdits stupides, de la peur de déplaire, la peur de mal faire en voulant juste bien faire, la peur de me faire engueuler, la peur d'une réaction violente… je sens mes poumons respirer enfin profondément, libérés d’un joug qui les étouffait…
    Dans cette étreinte c'est comme si rien n'existait plus en dehors de ce bonheur qui bouleverse ma façon de voir les choses et qui libère mon esprit car il le rend fort du fait de se retrouver, de se reconnaître, de s’assumer, d'être tout simplement lui-même. Dans cette étreinte je me sens fort et je sais que rien ne peut m'arriver…
    Lorsque l’eau cesse de couler, lorsque notre étreinte se délie, je me sens un homme nouveau.

    J'ai enfin trouvé ce que je cherchais et j'ai vu que c'est bien pour moi... je ne laisserai plus jamais personne me faire croire que ce qui me fait tant de bien puisse être mal… même pas un Celui-dont-on-ne-doit-plus…, si toutefois un jour nos vies et nos queues devaient se recroiser, éventualité que je considère à ce moment là plutôt improbable et même pas souhaitable à vrai dire… même si un jour je devais en rencontrer un autre mec style Celui-dont-on-ne-doit-plus… 

    « Ca fait du bien une bonne douche » me lance-t-il comme une caresse pendant qu’il me passe une grande serviette verte, toute douce au toucher… quand je dis que tout est super agréable chez lui… mais pourquoi doit-il partir maintenant que je sais que je vais pouvoir l’aimer… maintenant que je commence à l’aimer ? 

    « C’est vrai, ça fait un bien fou… » je lui réponds, enfin calmé, serein. Heureux.

    C’est drôle comment dans la vie il est des moments et des sensations qui nous marquent et à auxquels on repense souvent. Ce moment là, tous les deux en train de se sécher après avoir joui sous la douche, cette grande serviette verte toute douce sur ma peau, est l’un des plus marquants de ma vie. Et j’y repenserai de nombreuses fois par la suite.

    Nous finissons de nous sécher, nous nous embrassons et nous revenons dans sa chambre pour nous rhabiller. Gabin nous suit de près, l’air un peu fâché qu’on l’ait foutu dehors tout à l’heure. Stéphane me propose un truc à boire et on revient vers le séjour. Gabin nous surveille toujours. Je lui demande un coca. J’ai envie d’un coca. Maintenant je n’ai plus honte de lui demander un coca. Je sais qu’avec lui ça passera. Qu’il ne me considérera pas juste comme « un demi mec » car je ne bois pas d’alcool…

    Pendant qu’il part à la cuisine chercher les canettes, mon regard est attiré par les nombreux dvd rangés sur une étagère à coté de la télé… en m’y approchant sous le regard attentif du labranoir, je remarque une collection impressionnante de films Disney… de Fantasia au Roi Lion, de Blanche Neige à Aladdin, de Pinocchio à Mulan, tout y est… décidemment, un mec qui possède un labra comme Gabin et une collection aussi complète de films Disney ne peut être qu’un bon gars…

    Par curiosité, j’attrape la jaquette cartonnée contenant le double dvd du Roi Lion, l’un de mes préfères…

    « Tu aimes les Disney? ». 

    Je ne l’ai pas entendu revenir avec les canettes et les verres… sa voix me surprend un peu… voilà, je me suis fait gauler. 

    « J’adore… » je lui réponds, en rangeant le coffret.
    « C’est lequel ton préfère? » il enchaîne.
    « Aladdin » je réponds sans hésiter. 

    « Aaaaaaaaahhhhhhhhh… » il fait, bien appuyant sur le « a », faisant mine comme d’être contrarié… 

    « T’aime pas ? » je me renseigne. 

    « Non, non, pas trop » me répond-t-il « je crois que j’au du le voir pas plus que deux ou trois… » 

    « Deux ou trois fois ? C’est tout ? Moi je l’ai vu plein de fois… » j’enchaîne, maladroitement, avant qu’il puisse finir sa phrase. 

    Il me regarde, il marque une pause, un petit sourire petit moqueur mais bon enfant s’ouvrant peu à peu sur son visage comme un lever de soleil ; j’ai soudainement l’impression qu’il se fout gentiment de moi ; et je ne me trompe pas « oui, j’ai du le voir pas plus que deux ou trois cents fois… ». 

    « C’est ton préféré aussi… » je notifie en me rendant compte de ma maladresse. 

    « Oui, mec, c’est mon préféré, depuis qu’il est sorti en 1992… j’étais déjà un peu grand pour ça, mais j’ai trouvé ça magique… c’est un peu grâce à ce film que je ne suis jamais vraiment sorti de la magie Disney… que j’ai gardé un peu mon âme d’enfant… depuis, je n’en rate pas un, ni en salle, ni en dvd…». 

    J’adore, il est trop mignon. Voilà ce que je n’arrivais pas à verbaliser à son sujet. Il y avait un truc dans sa façon d’être qui me le faisait apparaître si mignon, si gentil, malgré son allure bien mec… oui, une âme d’enfant dans un corps d’homme… un mec qui me fait l’amour de cette façon puissante et tendre, qui a un torse viril, un mec séduisant et sensuel au possible, mais également un mec qui collectionne les Disney et qui possède un labranoir… et ça, c’est incroyablement craquant… et ça, j’achète… 

    Deux petits trucs ont retenu mon attention et aiguisé ma curiosité au début de sa phrase… « … en 1992… j’étais déjà un peu grand… ». Je sais qu’il a quelques années de plus que moi, mais donc : 

    « Tu as quel âge au fait ? » je ne peux m’empêcher de lui demander. 

    « Tout juste 26, je viens de les fêter le mois dernier… ». 

    Huit ans de plus que moi. Aux yeux du Nico.18 un mec de 26 ans, c’est un homme. Je me sens tout petit face à lui, face à ce mec qui, je l’imagine, doit avoir tant plus d’expérience avec moi dans le domaine des mecs et dans la vie en général. Un mec que je sens tellement bien dans ses baskets alors que moi je me sens un petit mec perdu qui ne sait pas par où commencer pour trouver sa place dans le monde. 

    Du coup, lorsque son inévitable question tombe, j’ai un peu « honte » d’y répondre. 

    « Et toi, le bachelier… 18… 19 ? ». 

    « 19… bientôt… ». Oui, bientôt, dans quatre mois, mais peu importe. 

    Une minute plus tard, le dvd est en train de ronronner dans le lecteur. Les images et la musique de ce magnifique Disney commencent à s’enchaîner et à ravir mes yeux et mes oreilles…

    Aladdin… moi aussi j’ai toujours trouvé ça particulièrement magique… oui, Aladdin est mon Disney préféré, et il l’est depuis toujours, depuis sa sortie ; il l’est bien avant que, en ce jour du début de l’été 2001, un garçon nommé Stéphane me le fasse aimer encore plus en le regardant avec moi tout me tenant dans ses bras après m’avoir fait l’amour ; et il l’est bien avant que des années plus tard, un autre garçon, nommé Rayane Bensetti, me donne des raisons supplémentaires pour que Aladdin soit mon Disney préféré… sa danse d’anthologie dans une célèbre émission télé sur la musique du film, voilà une vidéo que j’ai du me repasser au moins autant de fois que le film même…

    On mate Aladdin l’un à coté de l’autre avec labra en boule à l’autre coté du canapé… je regarde Aladdin dans les bras d’un garçon très câlin avec un petit coté nounours tout doux… je regarde Aladdin et je me rends compte qu’il me regarde regarder Aladdin… je ressens tellement de tendresse et de bienveillance dans son regard que j’en ai presque la tête qui tourne… oui, je suis dans les bras d’un garçon juste adorable et je suis juste indiciblement heureux… 

    Tellement heureux que tant de bonheur inattendu ne tient plus dans mon petit cœur… tellement heureux que je me retrouve à pleurer en silence… j’ai besoin de ce câlin… j’ai eu tellement mal la nuit d’avant lorsque j’ai vu Celui-dont-on-ne-doit-plus… et son acolyte partir avec ces deux nanas… et là tout ça me parait si loin, sans importance… oui, j’ai besoin de ce câlin et de rien d’autre… Stéphane est là, je crois qu’il se rend compte que je pleure, il me serre un peu plus fort dans ses bras, sans un mot… 

    Oui, je suis si bien, ce que je vis est si puissant, mon corps tellement détendu mais épuisé par les multiples jouissances que je finis par m’assoupir devant mon Disney préféré… 

    Quand je me réveille, il est sept heures. Le contact que je ressens sur ma cuisse n’est pas la main de Stéphane mais le museau de Gabin. Stéphane est en train de ranger le dvd dans l’étagère.

    « J’ai dormi longtemps ? » j’essaie de me donner contenance.

    « Presque tout le film… heureusement que c’est ton préféré… » il me répond, taquin.

    « Je suis désolé… t’aurais du me réveiller… ».

    « Si tu t’es endormi c’est que tu en avais besoin… » il me répond tout gentil ; et puis il ajoute, comme pour m’achever « je t’ai regardé dormir… t’étais beau… ».

    « Merci… » je lui réponds timidement. Je suis touché, il est trop ce mec.

    Soudainement je réalise qu’il est l’heure du dîner chez moi. Mon portable a du sonner mais comme il est en mode sans sonnerie, sans vibreur, ça ne m’a pas perturbé.

    « Je crois que je devrais y aller, vu l’heure… » je trouve adapté d’enchaîner comme pour me secouer du trouble que ses mots ont apporté dans mon esprit.

    « Tu veux rester manger ? » il réagit du tac-au-tac. Je crois que c’est un coup prémédité. Sacré Stéphane. Ça me fait drôlement plaisir mais…

    « Je ne peux pas m’incruster comme ça… » je lui réponds, même si c’est davantage pour prendre du temps pour déguster mon bonheur que pour une réelle volonté de partir… et aussi bien pour l’entendre me dire des trucs du genre :

    « Non, ça me fait plaisir… ».

    Des mots, qu’il faut l’admettre, sont sacrement plaisants à entendre. Tout comme c’est sacrement plaisant de lui répondre :

    « A moi aussi ça me fait plaisir… ».

    Il me sourit. Je lui souris à mon tour.

    « Tu aimes le risotto ? » me demande-t-il.

    « J’adore » je lui réponds, ravi.

    « Alors va pour le risotto… » me relance-t-il.

    « Parfait… » je lui relance à mon tour ; et j’enchaîne « je peux t’aider à faire quelque chose ? »

    « Non, merci, j’ai tout prêt… je me suis un peu avancé pendant que tu… regardais Aladdin… » se moque-t-il, bon enfant, et il enchaîne « t’as qu’à t’occuper de Gabin, ça m’évitera de l’avoir dans les pieds… dès qu’il sent l’odeur de l’oignon qui commence à frémir, il devient fou… ».

    Le lecteur dvd éteint, c’est sur une fin de dimanche en compagnie de Drucker que la télé tombe… mais qu’importe ce qui passe à la télé… je suis bien , je suis heureux… et comment pourrait-t-il en être autrement ? L’odeur de l’oignon qui frémit dans une poêle et qui ravît mes narines, la truffe de Gabin qui frémit sur mon jean et qui me fait sourire au moins autant que ça m’attendrit, le garçon avec qui je me suis baladé la moitié de l’après midi, le garçon qui vient de me faire l'amour et avec qui je vais passer ma soirée est, en plus, en train de me faire a dîner…  

    Au fil des minutes qui s’écoulent, ça sent de plus en plus bon dans la maison… l’odeur des oignons se mélange à celui des champignons… mon estomac crie famine et mon cœur crie Stéphane… j’envoie un sms à maman pour l’avertir que je dîne chez Dimitri (si un jour elle rencontre sa mère, je suis mort, mais je m’en fous) et je me lève pour aller le rejoindre en cuisine… je m’approche tout doucement, suivi du Nero à quatre pattes… je m’arrête sur le seuil de la cuisine et je le regarde faire… il est en train de touiller le riz dans la poêle… je me fais la réflexion que c’est beau à regarder un beau et gentil garçon en train de cuisiner… d’autant plus qu’il est en train de cuisiner un peu pour moi aussi… et cela représente tellement de choses pour moi… personne n’a jamais fait ça pour moi… à part ma maman… 

    Ainsi ça peut-être ça aussi la vie avec un garçon, partager une balade en ville un dimanche après midi, regarder un film en se câlinant, partager un repas, faire l’amour sans que les câlins ne soient interdits, sans qu’un jeu de soumission/domination de chaque instant ne vienne figer une relation frustrante et douloureuse à la longue… oui, avec un garçon on peut partager autre chose que de la baise
    Oui, c’est beau de voir un garçon en train de cuisiner… c’est la même pensée qui doit traverser l’esprit de Gabin, assis à coté de moi en train de le regarder faire, aussi intéressé que je le suis…
    La table est mise, un plat de charcuterie avec quelques cornichons disposés ici et là trône en son centre… ça aussi c’est beau à voir, et ça donne faim…

    Stéphane finit par remarquer ma présence.

    « Je ne t’ai pas entendu… » dit-il, tout attentif à son ouvrage ; et il continue « je suis désolé, quand je cuisine, je suis dans ma bulle… ».

    Et là, comme en écho à ses mots de tout à l’heure au sujet de ma sieste pendant Aladdin, je trouve mignon de lui répondre :

    « Je te regardais faire… si tu étais si concentré c’est… que tu en avais besoin… je te regardais cuisiner… c’était beau… ».

    « Merci… » il me répond timidement.

    « Ca donne faim ce plat au milieu de la table… » je dévie pour chasser un peu de l’émotion de cet instant qui semble nous troubler tous les deux.

    « C’est de la charcuterie de mes parents, ils sont paysans en Aveyron… ». 

    « Je croyais que tu étais de Toulouse… » 

    « Non, je suis sur Toulouse que depuis mes études sup… je suis né dans un bled en Aveyron, pas loin de la Couvertoirade… tu connais ? ». 

    « De nom, j’ai vu quelques images dans une émission, je crois Des racines et des ailes… ça a l’air super beau… »… 

    « C’est un village des Templiers, c’est super bien conservé, on a l’impression de se plonger dans le passé… si on s’était rencontré plus tôt je t’y aurais amené… ». 

    Oui, si on s’était rencontrés plus tôt. Si seulement tu ne devais pas partir, beau Stéphane. Soupirs… 

    « Tu vas voir, il est drôlement bon leur jambon… » 

    « Miam miam » je lui réponds. 

    « Ca va bientôt  être prêt… » il m’annonce tout en continuant à remuer son risotto avec la cuillère en bois. 

    Je fais un petit détour par la salle de bain et lorsque je reviens un deuxième coca m’attend sur la table basse dans le séjour à coté de sa bière blanche et du plat de charcuterie de ferme aveyronnaise. Stéphane est dans la cuisine en train de finaliser son risotto. Je le rejoins car je ne trouve pas sympa de le laisser seul pendant qu’il cuisine. Il est en train de mettre la touche finale avec de la crème fraîche… je le félicite de son risotto qui a l’air on ne peut plus moelleux et appétissant… le petit cuistot qui sommeille en lui en a l’air touché et commence à m’expliquer comment on prépare tout cela… je bois ses mots et ce jour là j’apprends à faire le risotto, ce qui deviendra un jour ma seule et unique spécialité en cuisine… on discute pas plus d’une minute ou deux… jusqu’à que LE drame ne se profile à l’horizon… 

    Stéphane s’arrête net de parler. Son visage change d’expression et presque de couleur. L’inquiétude efface son charmant sourire. Je ne sais pas ce qui se passe mais je vais vite comprendre… 

    Ses mains ont brusquement lâché la poêle, je le vois se figer, me regarder et demander sur un ton hésitant et super angoissé « Gabin… il… est… où… Gabin… ? ». La réponse va vite tomber. Gabin n’est pas dans la cuisine… il est donc dans le séjour… avec la charcuterie posée sur un table pile à porté de truffe… 

    Stéphane s’élance vers le séjour presque d’un bond, mais c’est déjà trop tard… le drame est consommé… le beau plat de charcuterie de tout à l’heure exhibe effrontément la couleur blanche de son fond, à peine cassé par quelques taches vertes que sont les cornichons que la bête n’a pas estimés à son goût… juste à coté de la table basse, le museau encore tourné en direction du plat, le labra est assis en mode chien porte journaux, toujours en train de se lécher les babines… lorsqu’il voit son maître bondir comme un fou dans le séjour, il a un léger mouvement de recul… immédiatement suivi de ce regard « qu’est ce qu’il y a, papa ? mais je n’ai rien fait, moi… », cet air que les labradors maîtrisent parfaitement et qui fait que même si on a envie de les cuire au four, on n’en fera rien… 

    Après une petite déception pour le jambon que l’on ne mangera pas, on éclate de rire simultanément… c’est bon de rire après avoir fait l’amour, beaucoup mieux que de se faire la tronche… je me dis que ce sont des petits trucs de rien de ce genre, des petits bonheurs quotidiens que j’ai envie de vivre avec un garçon… manger un risotto ensemble, se caresser et discuter sans même prêter attention au gros navet du dimanche soir qui défile sur TF1… 

    Parler et regarder ses jambes dépassant de son short, des jambes poilues et plutôt musclées… me dire qu’il doit faire du sport… avoir envie de lui demande lequel… oser le faire et m’entendre répondre qu’il fait de la balade en montagne, qu’il fait du canyoning depuis plusieurs années sur les Pyrénées et qu’il va désormais en faire sur les Alpes, son rêve depuis toujours… l’entendre dire que quand j’irai le voir il en fera avec moi, pour me montrer la beauté du massif montagneux le plus haut d’Europe… avoir envie de croire à cette promesse, une promesse qui est sans doute faite avec le cœur mais qui parait si difficile à tenir… je pense à mes études à Bordeaux, à mes moyens financiers limités… je pense à son départ, je pense avec tristesse que malgré les promesses que l’on peut de faire, on va tous les deux vers une nouvelle vie et que la distance fera qu’on oubliera cet après midi d’amour et de tendresse.

    « Tu sais, Bâle est à un peu plus d’une heure d’avion de Toulouse et si tu t’y prends un peu à l’avance, le billet est vraiment accessible… » je l’entends dire, comme pour panser ma tristesse qu’il a du déceler dans mon silence.

    Le film du dimanche soir s’en va sur le générique de fin, tout comme ce dimanche soir s’en va tout  court, ce dimanche trop court… oui, l’heure tourne et il est temps pour moi de rentrer… pas envie de partir, par envie de quitter ses bras, suis trop bien, plus rien n’existe, plus rien m’inquiète quand je suis dans ses bras, rien vraiment…plus rien sauf le moment de les quitter… 

    Eh, oui, dur dur de le quitter, en sachant que je ne vais pas le revoir avant son départ car sa mère va venir s’installer chez lui quelques jours pour l’aider à préparer les cartons… pas facile de se quitter et de trouver les mots pour se quitter après un dimanche comme celui que l’on vient de vivre… 

    Alors on renonce aux mots, on laisse la place aux baisers, aux caresses, aux regards, aux câlins de tout genre… 

    « J’ai bien aimé cette journée… tout… » il finit par me balancer, tout mignon, lorsque je serai presque sur le seuil de sa porte. 

    « Et moi, plus que ça… » je trouve la force de lui retourner « dommage que tu… ». 

    « On se reverra Nico, je le sais, on se reverra… » me coupe-t-il devinant la suite de ma phrase « … je t’enverrai mon tel dès que je serai installé et tu viendra me voir… en attendant tu as mon mail… on se tient au courant, mec… ». 

    Je reste en silence, tentant si mal que bien de maîtriser mon émotion. 

    « Tu vas me manquer… » je me laisse échapper. 

    « Toi aussi tu vas me manquer… » il me chuchote à l’oreille en me serrant très fort contre lui ; et il continue, adorable « … tu es super mignon Nico, tu es touchant, tu es gentil, adorable… tu as le droit d’être heureux, de demander ce qui te rend heureux… surtout ne laisse jamais personne te dire et te faire croire le contraire… ». 

    Là je pleure. Ah bravo… t’es content, Steph, t’es content de me voir chialer comme une gonzesse ? 

    « Pardon… » je m’excuse car j’ai honte de pleurer, encore « … désolé, je ne suis pas un beau cadeau… ». 

    « Ne t’excuse pas Nico, surtout ne t’excuse pas d’être comme tu es… un garçon touchant, sensible, gentil, un mec en or… tu as le droit de pleurer, si ça te dit, et surtout, tu as le droit d’être heureux… tu as le droit à tout, ou presque… il y a une chose que tu n’as plus le droit de dire, plus jamais de ta vie… ne dis plus jamais « je ne suis pas un beau cadeau »... jamais… tu as le droit de rire, tu as le droit de pleurer, tu as le droit d’aimer et tu as le droit de te sentir aimé… tu as le droit d’être là… tu as le droit d’être heureux… Nico, tu es un très beau cadeau...  

    La vie fait peur, le solitude fait peur, à tout âge, mais à ton âge en particulier… tu es un jeune garçon qui se cherche et qui a par-dessus tout besoin d’amour, de tendresse… toutes tes hésitations, tes peurs, tes craintes, tes inquiétudes, ta fragilité ont l'air de venir d'un endroit ou tu te dis « je n'ai pas vraiment le droit d'être heureux »… prends confiance en toi… ça suffit… tu existes… tout va bien, tu vas y arriver, tu vas la trouver ta place… pour peu que tu croies en toi… 

    Il faut que tu croies que tu as le droit d'être heureux, avant que les autres puissent te reconnaître ce droit… sois toi même, ne te laisse pas les autres choisir pour toi… »… 

    [If you don't make the choice/And you don't use your voice/Someone else will speak for you instead 

    Si tu ne fais pas le choix/Et si tu ne fais pas entendre ta voix/Quelqu'un d'autre parlera pour toi, à la place].
    Ses mots sont si touchants, presque une révélation. J’ai encore plus envie de pleurer. Mais il a raison. J’ai le droit. Je sais qu’il a raison, il a raison sur tout, mais je n’arrive pas encore à réaliser à fond ce qu’il vient de me dire, j’ai l’impression que c’est trop, que je ne suis pas digne… 

    « Je ne sais pas si je suis aussi bien que tu le dis… » j’essaie de me dédouaner, comme un élève qui n’aurait pas encore bien intégré sa leçon. 

    « Si… crois-moi… tu es un sacré petit bout de mec… mais fais gaffe à toi, Nico… tu es un bon gars, même trop bon, trop gentil, fais attention que cela ne te joue pas de tours… fais attention aux gens que tu vas rencontrer, surtout dans le milieu, car il n’y a pas que des gentils… il y a un passage dans une chanson de Mylène qui m’a toujours touché de par sa vérité, une vérité amère, dure à entendre mais incontestable… « la mauvaise herbe nique souvent ce qui est trop bien cultivé…

    A ton age j’étais un peu comme toi… c’est pour cela aussi que tu me touches… j’étais aussi gentil et un peu naïf comme tu l’es… je ne me méfiais de personne et j’en ai fait les frais… j’ai souvent souffert, et parfois méchamment… fais donc gaffe à ne pas te perdre, même pas par amour… veille toujours à rester toi-même… à tout donner mais à ne pas tout accepter par amour… et si un jour tu as besoin de quelqu’un pour parler, je serais toujours là pour toi… toujours… ».

    C’est après l’avoir serré une dernière fois dans mes bras que j’arriverai à m’arracher de lui avec un simple « Merci »… je dois m’arracher de lui de façon presque violente, comme un sparadrap qu’on voudrait arracher plutôt que de le décoller lentement, je dois m’arracher pour abréger les souffrances, pour ne pas recommencer à pleurer, pour ne pas gâcher ce bon moment… je vois que lui aussi a l’air bien ému et je sais que je ne vais pas pouvoir me retenir… je n’ai pas envie de le voir pleurer… je suis déjà bien assez triste…

    C’est ainsi que quelques instants plus tard je me retrouve dans la rue en train de chialer à chaudes larmes… je suis heureux et triste à la fois… heureux de tout ce que j’ai vécu en l’espace d’un après-midi, l’impression d’avoir carrément vécu les premiers mouvements d’un toute nouvelle vie qui se profile à l’horizon… heureux de toutes les découvertes de jouissance masculine et de tendresse que ce charmant Stéphane a su m’amener avec une douceur incroyable… heureux mais triste que cela se termine ainsi, que cette rencontre qui aurait pu être la première d’une belle série, d’une relation stable, avec un bel avenir, ne soit au final qu’une magnifique découverte suivie d’un inexorable adieu…

    Je sors de l’appartement de la Halle aux Grains repu d'amour et de plaisir,  je me sens déterminé à renoncer à Jérémie… à ce moment là je me sens vraiment déterminé… mais qu’en sera-t-il de cette détermination lorsque Stéphane sera parti a mille bornes de Toulouse? 

    Pourquoi doit-il partir ? C’est si injuste… s’il restait, peut-être qu’avec lui à mes cotés pour me guider je pourrais vraiment oublier Jérémie… s’il restait, peut-être qu’il pourrait même prendre sa place dans mon cœur… j’ai envie de faire demi tour, d’aller le serrer encore dans mes bras… 

    Je suis à un moment difficile de ma vie, je vais bientôt partir, les personnes qui comptent pour moi vont partir elles aussi, cette vie d’aujourd’hui m’est comptée… je suis à la croisée des chemins, c’est le grand saut dans le vide, je me sens seul et penser au futur me rend profondément  triste… 

    Le soir dans mon lit je m’endors en repensant à tous les bons moments passée en compagnie de ce charmant Stéphane… j’ai vraiment l’impression d’avoir été plongé dans une autre vie, dans une autre dimension… avec lui j’ai découvert que je peux être désiré, que l’on peut vraiment avoir envie de moi en tant que garçon, et non pas uniquement en tant que vide couilles… que l’on peut raisonnablement avoir envie de me faire plaisir, car on peut me trouver attirant et désirable… j’ai senti tout cela dans le regard d’un garçon qui me plait vraiment… que les câlins ce n’est pas une maladie ou une tare et que je peux en donner et en recevoir sans me faire jeter pour cela… que mon besoin de tendresse peut être partagé et que l’on peut trouver cela touchant plutôt que soûlant… et, au final, que l’on pourrait même m’aimer pour ce que je suis… 

    J’ai l’impression qu’avec un mec comme Stéphane tout serait possible, que ma vie changerait du tout au tout, que je pourrais vivre un grand amour, vivre une véritable relation de couple, m’assumer, faire mon coming out… trouver tout simplement ma place…  

    Ce soir là je me sens triste mais j’ai l’impression d’être plus fort grâce à l'amour et à la tendresse que je viens de recevoir, grâce au fait d'être enfin en accord avec moi-même… cet après-midi là j’ai vécu une expérience tellement intense, une expérience qui fait que, quoi qu’il arrive dans l’avenir, je me sens déterminé à ne plus tout accepter par amour, fort de pouvoir désormais penser qu’il peut y avoir sur terre (et sur Toulouse) d'autres mecs que Jérém qui sauraient m’aimer d'une façon qui me correspond davantage… 

    Juste avant de trouver mon sommeil, mon cœur vibre toujours et encore au rythme de la mélodie du bonheur de cet après midi, je me dis que j’ai envie de le revoir coûte qui coûte avant son départ… je vais essayer de le revoir, je dois le revoir avant son départ… oh, putain, comment la vie est mal foutue parfois… oui, si on s’était rencontres plus tôt…

     

    I wish we had another time/ I wish we had another place/ But everything we have is stuck in the moment/ And there's nothing my heart can do (can do)/ To fight with time and space/ Cause I'm still stuck in the moment with you
    Je souhaite que nous ayons un autre moment/Je souhaite que nous ayons un autre endroit/Mais tout ce que nous avons est coincé dans l'instant/Et il n'y a rien que mon coeur puisse faire (puisse faire)/Pour se battre avec le temps et l'espace/Car je suis toujours coincé dans l'instant avec toi.


    Ah, ce charmant Stéphane, arrivé si soudainement dans ma vie, et reparti aussi tôt… il est parfois dans une vie des rencontres comme celle-ci, des rencontres fortuites, isolées, improbables, et pourtant marquantes. En deux rencontres, mais à bien regarder à partir du tout premier instant, Stéphane est devenu une rencontre marquante dans ma vie. Et il le sera pour longtemps. 

    Non, dorénavant je ne accepterai plus tout de lui, surtout lorsqu’il deviendra odieux vis-à-vis de moi, surtout que je serais désormais en possession d’un mètre étalon pour mesurer mon malheur avec lui et le comparer avec le bonheur que je pourrais trouver ailleurs… 

    Car j’ai le droit d’être heureux, d’être moi-même, il a raison, et une chanson de ma star préférée viendra me le rappeler bien d’années plus tard, dans l’ouverture de son mémorable Rebel Heart Tour, comme un programme de vie, comme un manifeste… 

     

    If you try and fuck it up again/Destiny will choose you in the end 

    Si vous voulez tout foutre en l'air à nouveau/Le destin choisira pour vous à la fin
    If you don't make the choice/And you don't use your voice/Someone else will speak for you instead 

    Si tu ne fais pas le choix/Et tu ne fais pas entendre ta voix/Quelqu'un d'autre parlera pour toi, à la place
    What you want is just within your reach/But you've got to practice what you preach/If you leave sweat and tears/And overcome your fears/Never let the fire inside you leave 

    Ce que tu veux est juste à ta portée/Mais tu dois faire ce que tu dis/Au delà des larmes et de la sueur/Et surmonter tes peurs/Ne laisse jamais le feu à l'intérieur te quitter
    I can, Icon, two letters apart/One step, away, of being lost in the dark/Just shine your light like a beautiful star/Show the world who you are/Who you are 

    Je peux, « icône », deux lettres d'intervalle/Un pas pour quitter l'obscurité/Laisses briller ta lumière comme une belle étoile/Montre au monde qui tu es/Qui tu es 

     

    Je ne le sais pas encore, mais c’est à ce moment précis que je sème dans mon esprit les graines de la révolte intérieure qui m’amènera au clash avec Jérém, cette révolte qui fera tant de dégâts dans ma vie et dans celle du beau brun… 

     

    Chères lectrices, chers lecteurs, 

     

    dans quelques jours ce sera Noël et, dans la foulée, la nouvelle année va pointer son nez. 

    C’est l’occasion pour moi de vous remercier pour votre fidélité à mes textes, pour vos commentaires, pour votre présence tout simplement, pour m’avoir accompagné depuis les premier épisode en août 2014.  

    Vous étés de plus en plus nombreux. Et ça fait chaud au cœur. 

    Je profite de cette occasion pour souhaiter à vous tous, ainsi qu’aux personnes qui comptent pour vous, les meilleurs vœux pour un joyeux Noël et pour un 2016 resplendissant… 

    Normalement, si j’arrive à finaliser les premières parties de l’épisode 44 à temps (un épisode complexe, aux multiples rebondissements), l’histoire de Nico et Jérém (et de Thibault et de Stéphane) ne va pas s’arrêter lors des fêtes de fin d’année… 

    Quoi qu’il en soit, de nombreux épisodes sont prévus au tableau. 

    En attendant, bonnes fêtes à vous tous 

    Fabien 

     

    Dans le prochain épisode.. 

     

    Une semaine plus tard… 

     

    … deux étalons se font face, deux beaux mâles musclés, deux couillus se défient farouchement du regard… deux queues bien tendues s’affrontent comme en duel à distance rapprochée, deux paires de couilles bien chaudes et bien pleines, deux fiertés, deux virilités de jeune mâle s’opposent, se chargent, se frottent violemment, la tension est si palpable que j’ai l’impression de ressentir des étincelles de testostérone en train de jaillir partout dans la pièce… 

    Le défi est tout en regards et dans l’attitude on ne peut plus masculine des deux protagonistes, mais c'est tellement puissant que je me sens mal à l'aise... deux fiertés de mâles sont en jeu dans cette crânerie virile et il y en a forcement une qui va se faire démolir...
    Aucun des deux mâles ne donnant signe de vouloir reculer et de s’incliner devant l’autre au sens propre comme au sens figuré, j'ai peur que ça puisse se régler a la baston... c’est souvent ce qui arrive dans la nature lorsque deux mâles en rut se font face pour établir qui des deux est le plus couillu... c’est également ce qui arrive parfois chez nous les humains « civilisés » lorsque deux mâles se cherchent pour définir lequel est le plus « mec »...
    … une minute plus tard le beau brun est allongé sur le lit en train de découvrir avec bonheur le plaisir de sentir une bonne queue en train de coulisser entre ses fesses, le plaisir exquis de se faire sauter par un beau mec...  

    Je me dis alors que c’est vraiment beau que de voir le beau brun en train de prendre son pied de cette façon là, une façon si différente de celle à laquelle il est habitué, un plaisir si différent de celui de « vrai mec » qu’il a toujours cru être le seul qu’il prendrait jamais…

    Oui, il y a quelque chose d’extrêmement excitant dans le fait de voir le beau brun découvrir le plaisir inattendu, un plaisir dans sa tête si longtemps méprisé, redouté, refoulé ; le plaisir d’abdiquer provisoirement de son statut de sa propre virilité, un plaisir qui se situe au delà du tabou suprême, celui de l’inviolabilité de son ti trou ; le plaisir de lâcher prise, de se laisser déborder par le plaisir inattendu d’offrir son corps au plaisir d’une autre mâle ; le plaisir de goûter à la virilité d’un autre mec, de se sentir possédé, de se sentir l’objet du plaisir d’un autre mec, de sentir en soi cette puissance débordante, la vigoureuse émotion sensuelle d’une sodomie passive…

    Et ce qui est d’autant plus excitant, c’est de voir ce mec jusqu’à là incorrigiblement actif, découvrir et aimer ce nouveau plaisir… d’abord timidement mais très rapidement, au fil des coups des reins qui secouent son intimité, de façon de plus en plus claire, avec de moins en moins de retenue…

    Non, jamais je n'aurais cru voir ce mec prendre son pied de cette façon, en se faisant mettre bien profondément, tout en gémissant, en suppliant, en quémandant ce nouveau plaisir qui secoue chacune de ses fibres… en réclamant avec insistance, presque en criant, qu’on le défonce plus fort, encore plus fort, sans retenue… le voir gémir sous les coups de reins d’un mec qui est à ce instant précis… plus « mec » que lui… le voir complètement soumis au plaisir, à la puissance de la queue qui le fait jouir du cul…  

    Oui, je trouve cela extrêmement excitant de voir le beau brun renoncer à son statut de mâle, jouir de voir sa virilité écrasée de cette façon absolue, céder avec bonheur à l’assaut d’une virilité plus puissante que la sienne…

    Ce qui ne m’empêche pas de me demander comment le beau brun va assumer cela après coup, lorsque l’excitation sera retombée, lorsque son « maître » d’un soir se sera vidé les couilles et lorsqu’il verra dans son regard le triomphe de sa virilité sur la sienne…

    J’ai mal dans ma chair de voir une fierté masculine si impitoyablement malmenée… et de deviner les dégâts que cela va engendrer après coup… hélas, comme il est suggéré dans une fable célèbre, « Le beau brun et le brun beau », il n'est point de loi que celle du plus viril...

     

    Il y eut un jour

    Une belle rencontre

    Celle d’un très beau brun

    Avec un brun vraiment très beau.

    Le premier coq lui démangea

    Il voulut se frotter à l’autre

    Lui montrer sa crête bien haute.

    Le deuxième coq était on os

    Chatouilleux et fier en diable.

    Et voilà de l’histoire,

    La seule morale.

    Duel de coq, duel sans sang

    Duel de bites très fort tendues.

    Le premier coq baissa sa crête,

    Et au même temps

    Il écarta ses cuisses.

    Car la raison du plus couillu

    Est toujours la meilleure…



     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique