•  Bonjour à toutes et à tous ! Bienvenue sur le site Jérém&Nico   55.2 Des grains de sable et des pas de crabe.


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    55.3 La dernière fois que Jérém est venu chez moi.


    Vendredi 10 août 2001

    Le vendredi matin de cette triste semaine sans Jérém, je me réveille avec le moral dans les chaussettes, sous les semelles même. Je n’ai pas bien dormi, je suis claqué.
    Le beau temps persistant, ce soleil qui semble vouloir défoncer les volets pour annoncer une autre belle journée d’été, ne fait qu’alimenter ma tristesse.
    Oui, je n’ai pas du tout envie de me lever ce matin. Je ne me sens pas capable d’affronter une nouvelle, interminable attente de la venue de la seule personne qui pourrait me rendre heureux, qui m’a si intensément rendu heureux pendant une semaine merveilleuse, mais qui ne semble plus du tout motivé à le faire.
    Mais en même temps, je me sens tellement mal dans ma peau, dans mes draps, que je ne tiens pas en place ; j’ai envie de sortir, partir loin de cette chambre où tout me rappelle la présence du Grand Absent ; j’ai envie de prendre l’air, même si je sais d’avance que tout ce que j’entreprendrai me sera insupportable.
    Il n’est que 6h45 mais il fait déjà chaud dans ma chambre. J’étouffe, j’ai besoin d’air.
    J’ouvre les volets, je laisse rentrer le soleil matinal. Je respire profondément, je remplis mes poumons, comme si l’air frais du matin pouvait me nettoyer de l’intérieur, chasser cette fatigue, ce mal-être, cette tristesse qui m’assomment.
    Hélas, ce n’est pas du tout le cas. Car, en plus de ce soleil qui parle de vacances, de cette insouciance et de ce bonheur qui me sont interdits, le vent d’Autan vient mettre son grain de sel dans l’épais faisceau de mes inquiétudes, sur la brûlante blessure de mon chagrin.
    Le vent s’emmêle dans mes cheveux, joue avec les poils fins de mes bras, me donne des frissons ; il fait couler mes yeux, qui n’ont pas vraiment besoin de cela pour être humides.
    Le vent d’Autan, cet élément puissant, omniprésent, indissociable des façades en briques de la Ville Rose, ce vent qui balaie tout sur son passage ; sa caresse incessante, comme une métaphore du temps qui passe et qui, lui aussi, balaie tout sur son passage : les jours heureux, les espoirs, le bonheur ; le temps qui file entre mes doigts : les heures, les jours avant que Jérém ne quitte Toulouse pour l’aventure du rugby pro, à Paris.
    Je pense que Jérém va venir aujourd’hui : ça devrait me rendre heureux. En réalité, je redoute sa venue. J’ai peur du Jérém que je vais retrouver ; j’ai peur de ne pas savoir trouver les bons mots, peur de ne pas arriver à toucher son cœur, peur que ce ne soit des retrouvailles d’adieu ; peur que ça se finisse mal entre nous. Peur d’avoir mal, très mal.
    « Ecoute-moi bien… si je viens, ce sera juste pour récupérer ma chaînette, et je me casse ! ». Ses mots de la veille résonnent douloureusement dans ma tête, elles s’enfoncent comme des lames dans mon cœur, elles me donnent envie de pleurer.
    Mais pourquoi est-il autant en pétard avec moi ? Oui, il y a eu cette pipe ratée ; oui, j’ai été un peu collant ; oui, il y a cette nouveauté du départ imminent pour Paris qui chamboule toute sa vie ; oui, il y a eu cette conversation avec Thibault qui, pourtant nécessaire, n’a fait que jeter de l’huile sur le feu : mais est-ce que je mérite cet éloignement soudain, cette froideur, ce mépris ?
    J’ai à la fois terriblement envie qu’il vienne et j’appréhende son attitude, notre conversation, ses mots qui peuvent être blessants comme des coups de canif ; j’ai la trouille à l’idée de découvrir ses intentions, de me retrouver face à ses décisions, à son indifférence, à sa distance.
    La matinée commence dans une morosité déprimante. Je décide d’aller courir sur le canal : j’ai besoin de prendre l’air, de changer de décor, j’ai besoin de m’épuiser jusqu’à ce que la douleur physique soit si intense qu’elle me fasse oublier mon angoisse.
    Lorsque je rentre à midi, je suis défait, en nage, un zombie qui ne sens même plus ses jambes : je prends une douche et je déjeune avec maman.
    « Ça va, Nico ? Tu as l’air fatigué aujourd’hui… ».
    « Ca va, maman, j’ai eu chaud cette nuit, j’ai mal dormi à cause de ça… ».
    « Tu vas pouvoir faire la sieste tout à l’heure… ».
    Maman, si tu savais à quel point ça me touche que tu t’inquiètes pour moi ; si tu savais à quel point, à un moment, pendant ce déjeuner, j’ai failli fondre en larmes et te dire ce qui me fait si mal au point de m’empêcher de dormir. Oui, maman, j’ai horriblement envie de pleurer dans tes bras !
    Si je ne le fais pas, c’est parce que je ne veux pas que tu t’inquiètes pour moi. Je sais qu’un jour tu sauras qui je suis vraiment ; et si je sais même que tu dois déjà un peu t’en douter. Mais avant de te parler, maman, j’ai besoin de pouvoir m’appuyer sur un bonheur stable, un amour en CDI, et non pas en Intérim : chose que, je pense, ce ne sera pas pour tout de suite.
    Alors, maman, avant de laisser couler les larmes qui se pressent à mes yeux depuis ce matin, j’attendrai que tu sois partie, j’attendrai de me retrouver seul dans cette maison vide, entre ces quatre murs où, à un moment, j’ai vraiment commencé à croire que le bonheur avec mon Jérém était à portée de main.
    Maman vient tout juste de partir, et je fonds en larmes sur le canapé du séjour ; je me laisse aller, je relâche la tension ; très vite, l’épuisement moral s’ajoute à l’épuisement physique : je me sens vidé de toute énergie. Je m’allonge sur le canapé, j’écoute ma respiration se mélanger au bruit de fond de la ville qui grouille derrière la porte d’entrée ; et je me laisse gagner par le sommeil qui m’envahit.
    Petit intense bonheur que la sieste, pont merveilleux au-dessus des heures et de la souffrance, raccourci indolore vers le milieu de l’après-midi.
    Lorsque j’émerge, il est 15h10. Je me réveille en sursaut, plombé par l’insistante angoisse d’avoir raté la venue de Jérém. Il me faut un petit instant pour me dire que ce n’est pas possible ; que s’il était venu, j’aurais bien entendu cette sonnette particulièrement retentissante !
    Je regarde le portable : aucun message. L’attente recommence, insupportable parce qu’indéfinie.
    Heureusement, aujourd’hui encore, j’ai un bon allié pour essayer de tromper le temps, un bouquin vraiment captivant capable de me distraire de mon immense angoisse.
    « Tribunal d’honneur », le livre de Dominique Fernandez sur la vie de Tchaïkovski, est le compagnon qu’il me faut pour laisser avancer l’après-midi sans accrocher mon désespoir à chaque minute.
    Page après page, on suit le grand musicien dans cette partie de sa vie qui se déroule dans l’ombre, à l’abri des regards d’une société rigide et répressive qu’est l’époque tzariste du 19ème siècle. En se basant sur des « bruits de l’Histoire », l’auteur nous fait découvrir le penchant du grand musicien pour les garçons, penchant qui l’aurait porté à sa perte.
    La ville de Saint-Pétersbourg sert de décor à cette histoire qui ressemble à un polar historique ; ses monuments, ses perspectives, ses ponts, ses canaux jouent un rôle de premier plan dans cette atmosphère pesante qui donne de la puissance à l’intrigue. Sa présence est tellement forte que, page après page, elle devient presque un personnage à part entière.
    Oui, ce bouquin est un très bon allié pour tromper l’attente ; d’autant plus que, depuis les toutes premières pages, le récit m’a donné envie d’accompagner la lecture par l’écoute de la musique du Grand Maestro.
    Je monte dans ma chambre et j’attrape un cd que j’avais acheté à mes 12 ans, pendant ma période « Musique classique » : c’était une période où, au gré de sorties chez le marchand de journaux, j’ai découvert bon nombre des grands classiques.
    La rencontre entre une lecture captivante et la perfection mélodique des compositions du Maestro russe m’amène loin, si loin de cette maison, de cet après-midi, de cette attente insupportable ; je me laisse porter par l’intense émotion esthétique, par les sensations suggérées par ces notes à la fois tristes et douces, un pur bonheur pour les oreilles, une délicieuse caresse pour l’esprit.
    15h22. La Valse du Lac des Cygnes s’envole des enceintes et remplit le séjour de sa grâce, tel un oiseau qui déploie des ailes et qui dessine des vagues dans l’air.
    L’envolée de violons dans le grand final provoque en moi une émotion, un plaisir esthétique suprême ; et lorsque la dernière note retentit, un seul mot s’affiche dans ma tête : « ENCORE ! ». Magie du CD, grâce à laquelle, en appuyant sur une simple touche, il est permis d’assouvir cette soif de beauté jamais étanchée.
    15h29. La mélancolie de certains passages du « Pas de deux » ravive ma tristesse et mon angoisse. Et si Jérém ne venait pas ? Si vraiment il avait tout simplement décidé qu’il n’a plus rien à faire avec moi, que c’est mieux ainsi, s’il avait tout simplement pris les devants sur sa nouvelle vie qui se profile ? J’ai le cœur lourd, ses battements assourdissants secouent mon corps tout entier, m’épuisent. Si seulement c’était aussi facile de faire revenir le garçon aimé que de réécouter un bon morceau de musique.
    15h43. Non, ce n’est pas possible : ça ne peut pas se finir de cette façon entre nous. Et même si, par suprême malheur ça devait se finir – idée dont la simple évocation me plonge dans un désespoir total, me fait mourir de l’intérieur – je crois avoir droit à un épisode final, un épisode où je pourrai poser toutes les questions, avoir toutes les réponses.
    16h04. Les trois « Danses », pêchues et entraînantes, me redonnent espoir.
    Mais putain ! Il DOIT venir, au moins une dernière fois ! Il va quand-même venir récupérer sa chaînette… il semble quand-même y tenir, merde ! Au fait, je ne me suis jamais posé la question : qu’est-ce que représente cette chaînette pour lui ? Depuis quand il la porte ? Je l’ai toujours connu avec, dès ses 15 ans, du premier jour du lycée. Mais comment est-elle arrivée autour de son cou ? Quelqu’un lui a offerte ? Ça m’étonnerait que ce soit un cadeau de l’une des nanas avec qui il a couché : je pense qu’il ne l’aurait pas gardée. J’aimerais tant savoir.
    16h16. Le Casse-Noisette enjambe le pas au Lac des Cygnes : la « Danse de la Fée Dragée » arrive et, avec elle, le souvenir du jour déjà lointain où j’ai découvert ce chef d’œuvre qu’est « Fantasia ».
    Il va venir, c’est sûr… mais comment je vais m’y prendre pour le faire rentrer et, surtout, pour qu’il m’écoute ? Et encore, lui dire quoi ? Si je commence à le saouler dès son arrivée, il va se tirer, c’est sûr.
    Avec quelle tenue, avec quelle imprévisible nuance de sexytude va-t-il m’assommer aujourd’hui ?
    16h27. Après la « Danse Arabe » qui plombe à nouveau le moral, la « Danse Chinoise » et la « Danse des Mirlitons » me remettent de bonne humeur.
    Le roman s’attarde sur la description du très beau Vladimir, garçon charmeur et effronté dont la jeune virilité provoque l’émoi chez certains esprits sensibles de son régiment.
    De tout temps, la beauté et l’effronterie d’un jeune mâle ont attisé le désir.
    Je sais que lorsque Jérém sera là, devant moi, sexy au possible, je serai immédiatement assailli par l’envie déchirante de me laisser déborder par sa puissance sexuelle. Ce garçon est ma drogue, son nectar de petit mec, mon énergie.
    Quatre jours que je n’ai pas goûté au contact avec son corps : je suis en manque. Qu’est-ce que ça me manque de l’avoir avec moi, sur moi, en moi ; de le voir, de le sentir prendre son pied ; de le voir jouir ; notre complicité, me manque ; sa présence me manque, à m’en déchirer les tripes elle me manque.
    16h41. Les premières mesures de la « Valse des Fleurs » jaillissent des enceintes et retentissent dans le séjour.

    Écouter La Valse des fleurs en cliquant ICI

    Après une longue introduction, le thème principal démarre : note après note, cercle après cercle, envolée après envolée, la « Valse » dévoile petit à petit sa beauté magique, dans un crescendo détonnant ; plus le mouvement avance, plus je ressens la sensation d’un soudain apaisement, d’un profond bien être se diffuser en moi ; magie de la musique, de la beauté, elle me transporte à un endroit hors du temps et de l’espace où, soudainement, tout me paraît simple, possible, à ma portée.
    Je vais parler à Jérém, je vais lui dire à quel point je l’aime : il ne pourra pas être insensible à l’amour que je lui porte.
    Mais quand lui parler ?
    C’est simple : je vais lui parler après l’amour, en surfant sur les bonnes dispositions qu’apporte le plaisir.
    Mais est-ce qu’il aura envie de coucher avec moi ?
    Bien sûr qu’il en aura envie : il aime trop ça.
    Mais s’il est toujours aussi en pétard qu’il l’était hier, rien n’est moins sûr…
    Mais il ne le sera pas : et même s’il l’est, je vais l’accueillir avec le sourire, je vais détendre l’ambiance, je vais faire en sorte qu’il se sente à l’aise. Je vais le faire jouir comme jamais, le faire jouir à le rendre dingue…
    Oui, lui parler après l’amour… mais attaquer par quoi ?
    C’est évident : par son départ à Paris. Je vais profiter de l’occasion pour lui dire à quel point je suis heureux pour lui, fier de lui, mais en même temps à quel point cela m’affecte, à quel point je tiens à lui…
    Problème : cela serait une super accroche, sauf que j’ai promis à Thibaut d’attendre que ce soit lui-même à m’en parler…
    Mais il va m’en parler, c’est sûr : il va venir pour sa chaînette, mais il va venir pour ça aussi ; et peut-être même que son attitude va parler pour lui, qu’elle va me montrer à quel point ça le touche de partir loin de… nous…
    Il va juste me falloir la jouer avec du tact : lui faire comprendre qu’il m’a manqué, tout en évitant de me montrer trop affecté par cette semaine sans lui ; et, en ce qui est de l’avenir, je dois essayer de lui faire comprendre que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que l’on puisse continuer à se voir, avec toute la discrétion que son nouveau statut va certainement lui demander.
    La Valse s’envole de plus en plus haut, et mon cœur avec.
    Dans le passage que je suis en train de lire, le Général Apraxine s’ouvre au protagoniste du fait d’avoir sur les bras une affaire de mœurs qui le met dans le plus grand embarras.
    « Le chef d’accusation est donc si grave ? » s’étonne son interlocuteur.
    La Valse s’élève, virevolte, s’emballe.
    « Oui et non » admet le Général « s’il s’agissait d’un homicide, ou si la sécurité de l’Etat se retrouvait en jeu, ma religion serait faite. Mais ce genre d’affaire ? Menace-t-elle l’ordre établi ? Certaines civilisations anciennes n’avaient rien à redire, là où nous rebiffons avec un sentiment d’horreur… ».
    Quand j’y pense, le parallèle est saisissant.
    Certes, je ne vis pas dans la ville de Saint Pétersbourg des Tzars, au 19ème siècle : je vis à Toulouse, dans une démocratie accomplie, 120 ans plus tard ; je vis en France, ce pays où, depuis 20 ans – que 20 ans, mon Dieu, que 20 ans ! – être pd n’est plus un délit aux yeux de la loi.
    Je vis dans un pays où l’on a déjà entendu à la radio que : « La différence, quand on y pense, mais quelle différence… » ; ou encore que : « Adam et Yves, ce sont des choses qui arrivent » : hélas, ce n’est pas pour autant que les regards portés sur deux garçons qui s’aiment sont toujours bienveillants.
    Les dernières envolées de la Valse des Fleurs brillent de mille feux.
    Bien sûr, ça me fait chier que Jérém n’assume pas le fait d’aimer être avec moi ; mais, quelque part, je le comprends : oui, je comprends que le risque de troquer l’admiration dont il est entouré, par le mépris qui l’attend en s’assumant, ça puisse le faire réfléchir ; d’autant plus maintenant, alors qu’il s’apprête à devenir un personnage public.
    Hélas, en 2001 encore, être gay rime encore trop souvent avec le bon vieux dicton : « vivons heureux, vivons cachés » ; en 2001 encore, être gay et aimer au grand jour, ce n’est ni simple, ni courant.
    16h46. Je ne saurai dire par quel obscur raccourci le bonheur suprême d’écouter la musique de Tchaïkovski me renvoie soudainement au bonheur de contempler la plastique de mon bobrun.
    Une magnifique mélodie, un corps parfait ; l’une et l’autre percutant mon cœur, mon esprit, le cueillant par enchantement à chaque rencontre : le temps d’un enchaînement de notes pour l’une, le temps d’un regard, d’un âge de jeunesse pour l’autre ; l’un et l’autre bouleversants et fugaces, l’un et l’autre nous mettant face à la frustrante impuissance à capturer l’essence ultime de leur profonde beauté. La beauté ne se capture pas : elle s’apprécie.
    Le grand final approche, la musique fait des boucles de plus en plus grandes, de plus en plus hautes ; elle part loin, revient, insiste, persiste, comme mon regard, comme mon désir sur l’anatomie d’un bogoss. Sensualité de la musique et sensualité d’un corps ; les notes s’envolent, le va-et-vient de la musique me renvoient à d’autres va-et-vient, pendant l’amour.
    La musique est en boucle dans ma tête, dans mon esprit ; mon désir pour Jérém l’est aussi.
    C’est sur les toutes dernières échappées des cordes de la « Valse des Fleurs », qu’un nouvel instrument, jouant une seule et unique note dissonante, s’invite dans l’orchestre.
    La sonnerie de la porte d’entrée vient de retentir dans la maison.
    Je me fige, j’arrête même de respirer pour être sûr que je n’ai pas rêvé. Mon cœur ne délivre plus de simples battements, il envoie carrément des coups de massue contre ma cage thoracique ; j’ai l’impression que mon cœur va exploser, ou cesser de battre, que ma poitrine va s’ouvrir en deux.
    À cet instant précis, les cordes déchainées de la « Valse » glissent sur moi comme l’eau bénéfique d’une source, elles me procurent un intense bonheur ; j’hésite à bouger, à casser cet instant de perfection, pour aller à l’encontre d’une rencontre qui s’annonce difficile.
    Une deuxième sonnerie retentit dans la maison. Le bogoss sonne toujours deux fois. Je prends une grande inspiration, je rassemble mes forces, je bondis littéralement sur mes pattes.
    Dans ma précipitation, je manque de commettre l’irréparable : couper la « Valse » à 15 secondes de la fin ; je me ravise tout juste à temps, avant que mon doigt n’appuie sur le bouton et ne me fasse rater cet orgasme musical.
    Je traverse le couloir comme enveloppé, porté, encouragé, soutenu par les toutes dernières mesures retentissant dans la maison. Je pose ma main sur la poignée, je la tourne, je tire le battant vers moi, alors que les cinq toutes dernières notes se bousculent, s’entrechoquent, et que le silence tombe aussitôt derrière moi.
    Le bonheur provoqué par la musique résonne encore dans ma tête que déjà un nouveau bonheur s’empare de tout mon être : l’image du bogoss transperce ma rétine, mon cerveau, mon cœur, mes entrailles ; et je ressens, tout à la fois, un nœud dans la gorge, une brûlure dans le ventre, un choc dans la tête comme si on m’avait assené un coup en pleine figure ; j’ai envie de hurler, de pleurer, de me jeter sur lui direct.
    Le bogoss est là, devant moi, ses cheveux bruns coupés très courts autour de tête, faisant raccord avec sa barbe de quelques jours ; sur le haut du crâne, son brushing est relevé et fixé au gel – mais pas figé – en une sorte de crête partant légèrement sur un côté. C’est beau, c’est sexy, c’est « petit con » tout craché.
    Sa tenue du jour comporte une chemisette couleur bleu pétrole, teinte unie ; le premier bouton défait, mon regard tombe direct sur son petit grain de beauté, si mignon, si sexy ; les manchettes enveloppent parfaitement ses biceps et s’arrêtent juste en dessus de ses deux tatouages ; alors que la coupe, visiblement conçue dans le but précis de redessiner ses épaules et ses pecs, retombe à hauteur des poches d’un jeans assez clair, taillé dans un tissu qui a l’air très doux.
    Les deux pans enveloppent son torse avec une justesse redoutable, avant de se croiser sur un alignement de boutons qui semble à un souffle près de forcer sur les fentes, sans pourtant y parvenir.
    Si le logo d’une marque de prêt-à-porter à la mode n’apparaissait pas sur la manchette gauche, je dirais que cette chemisette a été coupée sur mesure. Ça me donne juste envie de pleurer.
    Envie de défaire ces boutons un à un, comme l’autre jour, avec sa chemise du taf, et découvrir tous les arômes dégagés par sa peau de jeune mec ; envie de plonger mon visage entre le tissu et sa peau, mes mains dans ses cheveux ; envie de poser mes lèvres sur chaque millimètre carré de sa peau.
    Mon regard tombe sur le pli de sa braguette, promesse de bonheurs infinis ; mes mains frémissent déjà à l’idée de frôler ce tissu ; d’ouvrir, là encore, un bouton après l’autre, de découvrir le riche bouquet de fragrances de mec qui se cache derrière ; envie de découvrir un autre tissu, dernière barrière me séparant de sa queue raide ; envie de me mettre à genoux tout de suite et de l’avoir enfin en bouche, envie de le sentir frissonner de plaisir sous les caresses de ma langue.
    Mais pour l’heure, le bogoss est toujours là, devant moi, planté sur le pas de la porte.
    « Salut » il finit par me lancer « tu me files ma chaînette ? ».
    Le ton de sa voix est distant, le regard fuyant.
    « Tu veux pas rentrer un moment ? »
    « Non, donne la chaînette, je dois y aller… ».
    « Et s’il te plaît ? » je cherche à gagner du temps.
    « S’il te plait ! » fait-il sur un ton agacé.
    « Rentre, Jérém… ».
    « Je suis pressé… ».
    « Allez, juste 5 minutes… ».
    « Je te dis que je dois y aller, je suis juste passé récupérer ma chaîne… ».
    « Viens, rentre… » je lui répète, tout en attrapant son avant-bras, simple contact qui a l’effet d’une décharge électrique « rentre juste un moment… je vais te la donner ta chaîne… ».
    Jérém oppose une résistance.
    « S’il te plaît… » j’insiste.
    Le bogoss finit par se laisser faire. Il avance, il franchit le seuil de la maison ; sur son passage, mes narines sont percutées par le coup de fouet d’une fragrance fraîche et boisée inconnue jusque-là.
    Je me retiens de lui sauter dessus sur le champ et je referme la porte derrière nous.
    « Bon, tu me la donnes, maintenant ? ».
    J’attrape la chaînette dans le col de mon t-shirt et je tente de défaire la fermeture ; j’ai les doigts qui tremblent, j’ai du mal à y parvenir ; je capte le regard de mon bobrun : il a l’air étonné que je la porte. Peut-être touché aussi.
    J’arrive enfin à ouvrir le faux maillon, je tire par un bout et je sens les mailles glisser une dernière fois sur ma peau ; je rassemble la chaînette dans ma main et la lui tends.
    Je ressens un frisson intense rien qu’au contact du bout de ses doigts venant chercher l’objet dans le creux de ma main.
    Le bogoss la passe aussitôt autour de son cou ; lorsqu’il relève la tête, les mailles reprennent leur place autour de son cou puissant, retombant sur le deuxième bouton de la chemisette ; définitivement, cette chaînette de mec fait bien plus d’effet sur lui que sur moi.
    Le bogoss fait déjà demi-tour pour repartir.
    « Tu veux pas rester un peu plus ? » je tente de le retenir.
    « Non ! ».
    Sa réponse est sèche.
    Jérém attrape la poignée de la porte, il se prépare à l’ouvrir. Je m’appuie dessus avec mon dos pour l’en empêcher.
    « Qu’est-ce que tu fais ? » il me lance, toujours sans me regarder.
    « Qu’est ce qui ne va pas, Jérém ? ».
    « Tout va très bien ! ».
    « Je te trouve bizarre… ».
    « Ne me casse pas les couilles, Nico ! ».
    « Mais regarde-moi, putain ! » je finis par lui lancer. Je n’en peux plus de son regard qui me fuit.
    « Sors-toi de là, laisse-moi partir ! » fait Jérém en forçant sur la poignée.
    « Attends un peu, Jérém ! ».
    « Pour quoi faire ? ».
    « Pourquoi tu ne passes plus à la pause ? ».
    « Je n’ai pas le temps ».
    « C’est des conneries, t’avais toujours le temps la semaine dernière… ».
    « Alors je n’ai plus le temps… ».
    « Un jour tu m’as dit qu’il y a toujours le temps pour une pipe… ».
    « Pas aujourd’hui… ».
    « Quand, alors ? ».
    « Je ne sais pas, tu m’emmerdes ! ».
    « Rien qu’un câlin me suffirait… ».
    « Arrête, Nico, vraiment ! » fait-il, de plus en plus irrité.
    « Tu ne te souviens pas comment c’est bon… » je lui chuchote, tout en approchant le nez du creux de son cou pour en capter les arômes boisés, alors que mes lèvres frémissent déjà en rêvant de se poser sur sa peau, alors que mes mains frôlent déjà le Denim tout doux de son jeans à hauteur de sa braguette.
    Jérém tente de me repousser. Je reviens à la charge, passe ma main sur sa chemisette à hauteur de ses pecs : je le sens frissonner ; je caresse sa bosse : je sens la bête grossir sous le tissu doux et souple.
    « Ne me dis pas que tu n’en as pas envie… ».
    Je connais mon bobrun : sa déglutition nerveuse et sa respiration profonde traduisent son excitation montante.
    Le bogoss semble se laisser faire. Je prends confiance, je colle ma braguette contre la sienne, je frotte ma bosse contre la sienne ; j’envoie mes doigts à l’assaut du deuxième bouton de la chemisette, impatient de les défaire.
    Je n’en aurai pas le loisir : ses mains repoussent les miennes, avant de me repousser tout court, m’obligeant à me décoller de lui.
    Le regard toujours fuyant, il commence à défaire les boutons, l’un après l’autre, lentement : je le regarde faire, d’abord déçu de ne pas pouvoir le faire moi-même ; puis, très vite, je me prends à observer le naturel, sa simple beauté de ses gestes avec une sorte d’enchantement ; je suis envouté par l’harmonie de ses mouvements, mélange de puissance et de nonchalance, une grâce éminemment masculine.
    Mais comment est-ce possible de dégager autant de sexytude ?
    Bouton après bouton, ses pecs se dévoilent : la peau est mate, douce, lisse et… imberbe. Hélas, les adorables poils bruns qui avaient commencé à coloniser sa peau ont récemment subi le supplice « Gillette ».
    C’est peut-être con, mais je suis déçu et inquiet face à ce changement : car ces petits poils étaient un peu à mes yeux le symbole de notre complicité : je lui avais dit à quel point je les adorais et il les avait gardés ; il les avait gardés pour me faire plaisir, sans en avoir l’air, en prétextant la flemme de les raser, tant que nous étions dans la complicité.
    Depuis lundi, nous nous sommes à nouveau éloignés : notre complicité a été rompue, et les petits poils bruns en ont été les victimes collatérales. Putain, mais quel dommage !
    Après les pecs, ses abdos apparaissent à leur tour, carreaux après carreaux : c’est à hurler.
    Mise à jour du dossier « Expériences de Déshabillage de Mon Bobrun » : oui, c’est beau et c’est bon de défaire la chemise de mon bobrun en vue de l’amour, j’en ai fait l’expérience et la réflexion pas plus tard que lundi dernier ; mais, là, à cet instant précis, je me rends compte que c’est tout aussi très beau et délicieusement bon de le voir l’ouvrir par lui-même.
    Je regarde ses doigts défaire les boutons : ses mouvements sont cadencés, presque rythmés ; je me fais la réflexion que ses gestes ont quelque chose d’une parfaite mélodie.
    Valse de ses doigts, valse de mes regards, de pecs en abdos, d’abdos en nombril, de nombril en chemin de petits poils : me voilà face à une perfection plastique qui inspire le désir le plus brûlant, le plus irrépressible qui soit ; qui provoque de furieuses envies sensuelles et sexuelles, toutes les unes plus torrides et brûlantes que les autres ; et, par-dessus tout, la déchirante envie d’être possédé, démonté par la puissance de ses muscles, rempli de sa sexytude.
    Pourtant, il n’y a pas que ça.
    Quand je regarde Jérém, lorsque je m’énivre de sa présence, je sens qu’au-delà de sa sexytude radioactive (et si, à l’instant T, je fais abstraction de son humeur de chien), il y a autre chose qui se dégage de lui : c’est un quelque chose qui m’hypnotise, qui transperce le cœur de mille piqures, qui vrille les tripes.
    Un tableau de maitre, une sculpture de génie, une architecture majestueuse, la magie d’une mélodie, la présence de l’homme qu’on aime : il y a comme une sérénité ultime, quelque chose de rassurant, d’apaisant, qui se dégage de ce genre de perfection.
    La plastique de mon bobrun, faite d’éléments saillants et des creux ; la musique de Tchaïkovski, faite de sons et de pauses ; le même rythme, la même harmonie. Peut-être que, finalement, le raccourci que mon esprit fait entre les deux émotions, n’est pas si obscur que ça.
    Ne seraient-ce pas, l’une et l’autre, de simples déclinaisons d’une seule et unique ultime émotion ? Ne semblent-elles pas jaillir, l’une et l’autre, d’une source de Grâce qui n’en finira jamais de délivrer, sans jamais la dévoiler entièrement, son intense beauté ? Dans l’une comme dans l’autre, ne retrouve-t-on pas cette émotion ultime, la plus grande et bouleversante que mon cerveau, mon esprit et mon cœur réunis sont capables d’affronter, la rencontre avec la Beauté Absolue, celle qui brûle les rétines, transperce le cœur, arrache les tripes ?
    Je parle de cette Beauté Ultime qui éblouit, percute, assomme ; cette Beauté qui conduit inévitablement à l’impression, brûlante frustration, d’être incapable d’en fixer toutes les nuances, d’en embrasser complètement la perfection ; un peu comme lorsqu’on se retrouve confrontés à un panorama époustouflant et que le regard cherche sans cesse où se poser.
    Il y a une sorte de fascination à contempler autant de perfection.
    Je contemple mon bobrun, la chemisette complètement ouverte, la chaînette posée entre ses pecs, le grain de beauté bien visible à la base de son cou, le tatouage qui sort du col et remonte vers son oreille ; je laisse le regard glisser tout le long des pecs et des abdos, jusqu’à rencontrer cette insolente ligne de poils qui descend du nombril et disparaît dans cet élastique de boxer bleu qui dépasse si scandaleusement, si insolemment du jeans ; le regarder, rien que le regarder, ça me donne des frissons de façon quasi mystique.
    Et lorsque le bogoss a ce geste inouï – il défait sa ceinture, avant d’ouvrir le premier bouton de sa braguette, sans aller plus loin, comme une injonction à aller chercher ce à quoi je ne peux résister – j’ai tout simplement envie d’hurler.
    « Viens, on monte… ».
    Jérém semble réticent à ma proposition.
    « Allez, viens… on sera plus tranquilles là-haut… » je tente de le rassurer, tout en saisissant un bout de l’élastique de son boxer, en frôlant de mes doigts la peau douce et ferme de ses abdos chauds. Je brûle de désir.
    Le bogoss me défie du regard mais finit par me suivre.
    Je referme la porte de ma chambre et, soudainement, une idée traverse mon esprit. Je me dis qu’un cadeau pourrait le mettre dans de bonnes dispositions ; je me dis que je dois tenter le tout pour tout pour lui montrer à quel point mon amour est profond et sincère, à quel point sa présence ne me quitte jamais : d’autant plus que c’est peut-être la dernière occasion que j’aurai de le faire.
    Alors, sans réfléchir davantage, je fonce dans mon placard, j’attrape le maillot de rugby blanc et rouge que j’ai acheté à Londres quelques semaines plus tôt, et je le lui tends.
    « Tiens, ça c’est pour toi… ».
    « C’est quoi, ça ? ».
    « Regarde… ».
    Jérém plonge sa main dans le sac plastique et en ressort le maillot. Je le regarde en train de le déplier ; ses gestes sont lents, son regard traduit d’abord la surprise et la curiosité ; mais lorsque le logo ailé des « Newcastle Falcons », le numéro 10, le nom imprimé sur le dos et le code couleur du maillot font bingo dans sa tête, ce sont carrément des étoiles de bonheur de gosse qui se bousculent dans son regard.
    Pendant une seconde, j’ai le sentiment que Jérém est remué, ému, et qu’il est sur le point de craquer, de se jeter sur moi, de m’embrasser, de me remercier de cette super idée, de me dire à quel point ce cadeau lui fait plaisir, à quel point il est touché par mon geste ; de me dire qu’il a enfin compris à quel point je l’aime, à quel point il est désolé pour son silence de la semaine, et à quel point nous pouvons peut être heureux tous les deux ensemble.
    « Ça te plait ? ».
    « Je ne pourrai pas trop le mettre… mais… merci… ».
    Puis, soudainement, l’expression de son visage change à nouveau du tout au tout : l’émotion laisse à nouveau la place à la froideur, à la distance, au silence embarrassant.
    Très vite, je suis à genoux devant lui, en train de défaire sa braguette au tissu si doux, en train de caresser le boxer bleu intense et de provoquer la bête tapie à l’intérieur. Tout aussi vite, son jeans et son boxer finissent sur le carrelage. Alors que le maillot blanc et rouge atterrit en vrac sur mon bureau.
    « J’ai envie de fumer… ».
    « Vas-y, fais toi plaisir… » j’ai envie de le mettre à l’aise, alors que j’ai horreur de l’odeur de la fumée de cigarette dans ma chambre.
    Je me déshabille pendant qu’il allume sa cigarette et je commence à pomper avidement cette belle queue tendue.
    Les épaules appuyées au mur, la chemisette ouverte sur son torse dessiné, le bassin bien en avant, le bogoss me laisse le sucer, tout en fumant sa clope ; il se laisse sucer en silence, un silence cadencé par le bruit de ses taffes et de ses expirations.
    Le contact de ses doigts sur mes tétons me manque. Non seulement pour le plaisir et l’excitation que ce contact me procure, mais aussi et surtout pour le changement que cela semble illustrer dans son attitude, preuve supplémentaire du fait que notre complicité sensuelle a bel et bien disparu. J’ai presque l’impression que cette pipe, il ne l’apprécie pas vraiment ; j’ai comme la désagréable impression de lui forcer la main.
    Dans un geste presque désespéré, j’attrape sa main libre, je la porte à mes tétons, en espérant qu’elle retrouve le plaisir de me faire plaisir.
    Elle s’y attarde un très court instant, sans entrain, et elle repart aussi vite ; elle atterrit sur ma nuque, et elle s’emploie aussitôt à impulser des mouvements désordonnés, là aussi sans entrain.
    Mais il y a un autre truc qui me chiffonne, en plus de tout ça : c’est un petit goût que ma langue a décelé dès le premier contact avec son gland : c’est un goût que je connais trop bien pour ne pas le reconnaître : c’est le goût de sa queue… après une première jouissance.
    Bien sûr, ça fait plusieurs jours que nous n’avons pas couché ensemble : mon bobrun, habitué à jouir plusieurs fois dans l’après-midi, n’allait pas faire disette pendant tout ce temps ; mais j’ai du mal à l’imaginer en train de se branler, alors que tant de regards se tournent sur son passage… 
    Il arrive d’où à cette heure si inhabituelle ? Avec qui il a passé le plus clair de sa pause ? Avec qui il a joui, putain ?
    Soudainement, l’idée que mon bobrun puisse avoir pris du plaisir avec quelqu’un d’autre que moi m’apparaît insupportable, et déclenche en moi une violente décharge de jalousie. Tellement violente qu’elle me coupe toute envie ; tellement violente que j’arrête de le sucer : tellement violente que je dégage ma nuque de la prise de sa main et je plante mon regard dans le sien, en quête d’une réponse à une question que je n’ose pas poser.
    « Y a un problème ? » fait le bogoss, une étincelle de défi dans son regard, avant de me sommer : « suce, sinon je me tire ! ».
    Alors, je le suce. Je le suce malgré les questions qui assaillent mon esprit et que sa réaction de petit con n’a fait qu’attiser ; je suce alors que sa main se pose désormais lourdement sur ma nuque pour imprimer un puissant mouvement de va-et-vient ; je le suce, alors que je n’en ai plus vraiment envie.
    Je suis obsédé par cet arrière-goût qui disparaît au gré de ma pipe, mais qui persiste dans mon nez, et dans mon esprit.
    Ses coups de reins se font de plus en plus puissants, de plus en plus débordants, de plus en plus étouffants.
    « Je vais jouir et tu vas tout avaler… » fait-il en sortant enfin de son silence.
    C’est au mot près ce qu’il m’avait dit, au même moment, dans la même position, dans la même circonstance, le jour de notre toute première révision.
    Je suis percuté, assommé par l’inquiétante sensation d’une sorte de boucle qui se referme sur notre relation, comme si nous venions de faire une révolution complète qui nous aurait ramenés au point de départ ; comme si ce clin d’œil, volontaire ou pas, au tout début de notre relation, était un présage de la fin.
    Pourtant, si les mots sont les mêmes, le ton sur lesquels ils sont balancés change : ainsi, sa totale assurance du premier jour semble désormais replacée par une sorte de mélancolie, que son attitude de macho d’aujourd’hui n’arrive pas complètement à masquer.
    Un instant plus tard, il jouit bien au fond de ma gorge. Sa semence est chaude, bonne, délicieuse. Pourtant, elle a un goût amer.
    Très vite, il se retire d’entre mes lèvres, il s’allonge sur le lit, en silence. Il a l’air fatigué.
    Je m’allonge à côté de lui, dans l’espoir fou qu’il me serre dans ses bras comme il l’a fait parfois la semaine dernière. Mais le bogoss ne bouge pas un orteil.
    Le silence devient vite pesant ; je plonge un instant, j’émerge en sursaut.
    Jérém s’est déjà levé, il est en train de fumer à la fenêtre.
    Je regarde l’heure, il est 17h25.
    « Tu reprends quand ? ».
    « Je vais y aller… ».
    « Déjà ? ».
    « Oui… »
    Je le regarde, tout juste habillé de sa chemisette ouverte, ses jolies fesses dépassant au-dessus du tissu léger. Je ne veux pas qu’il parte : j’ai envie de lui, horriblement envie de lui.
    Je dois aussi lui parler : je dois lui parler sans faute.
    Mais pour l’heure, je suis happé par sa présence, pas le désir ; et tant que cette envie me brûlera de l’intérieur, je n’aurai pas l’esprit assez clair pour l’« affronter ».
    Je cherche à me rassurer en me disant qu’après une nouvelle jouissance, il sera peut-être dans de meilleures dispositions, que ce sera plus facile de lui parler.
    « J’ai envie de toi… » je finis par lâcher, tout simplement.
    « J’ai pas le temps… » c’est sa réponse laconique.
    Mon corps est une torche d’excitation embrasée. Je me tourne, je m’allonge sur le ventre, face à lui.
    Le bogoss tourne légèrement le visage, la cigarette fumante entre deux doigts.
    J’ai vraiment trop envie de lui ; plus qu’une envie, c’est un besoin. Et j’ai aussi besoin de me prouver qu’il a encore de la ressource, qu’il n’a pas trop baisé cet après-midi.
    Ma queue est dure comme du bois, hypersensible : j’ai besoin d’avoir mon mâle en moi.
    Du coin de l’œil, je capte la présence de son boxer bleu sur le sol. Je plonge pour le saisir, et je plonge mon visage dans l’intimité odorante du mâle.
    Ses yeux, ses oreilles, ont tout petit un mouvement soudain, le genre de mouvement qui se produit inconsciemment lorsque certaines cordes vraiment sensibles sont sollicitées.
    Preuve en est que sa main s’est glissée sur sa queue, et elle a commencé à la caresser. Je suis tellement fou de désir que j’en tremble.
    « Il n’y a que toi qui me fait cet effet, Jérém… ».
    Un instant plus tard, il écrase son mégot sur le rebord de la fenêtre, il avance vers le lit ; armé de son assurance de jeune mec, il passe à côté de moi, laissant derrière lui une trainée de son nouveau parfum, comme un coup de fouet olfactif ; et il disparait, dans mon dos.
    Le matelas se dérobe sous mes jambes, sous l’effet du poids de son corps. Ses doigts empoignent mes fesses avec fermeté, les écartent avec un bon geste puissant de mec ; la chaleur de ses paumes me rend dingue. L’envie me consume.
    Déjà, une bonne perle de salive tombe à l’aplomb de ma rondelle ; puis, son gland vise juste, très juste. Ses mains écartent encore, son bassin exerce une pression croissante, jusqu’à ce que les muscles de mon petit trou cèdent pour le laisser venir en moi.
    Sa queue s’enfonce d’une seule traite. Le bogoss marque une pause au fond de moi, cette pause qui est depuis toujours sa signature virile. Sa chemisette atterrit sur le lit, juste à côté de moi.
    Ses mains saisissent mes épaules, et le bogoss se sert de cet appui pour commencer à me limer.
    Son bassin claque contre mes fesses, ses cuisses contre mes cuisses, ses couilles contre mes couilles, son gland bien au fond de mon ventre.
    J’ai tant voulu que ça arrive ; pourtant, très vite, je me rends compte que ce qui est en train de se passer ne correspond pas du tout à mes attentes : ses mains s’agrippent de plus en plus fermement à mes épaules, et elles ne cherchent à aucun moment à aller me faire du bien auprès de mes tétons ; ses va-et-vient ont une allure comme mécanique, qui tranche rudement avec la complicité des dernières fois.
    C’est une sensation rendue encore plus insupportable par son silence assourdissant, un silence souligné par les bruits de fond – sa respiration monocorde, le grouillement de la ville qui remontent de la rue, un petit couinement du lit, le rideau malmené par le Vent d’Autan.
    Voilà tout un ensemble de (mauvaises) sensations qui me renvoient à l’un des pires souvenirs de ma vie, à cette baise inutile avec ce Mourad levé devant le On Off quelques temps auparavant.
    Quand je pense qu’il y a seulement quelques jours je faisais l’amour, un amour intense, complice, explosif, avec ce même garçon, sur ce même lit… qu’est-ce qu’on est en train de faire, là ?
    Rien de plus qu’une saillie qui a quelque chose d’incroyablement triste. Je me sens étouffer sous les coups de cette baise sans bonheur. Cette baise, c’est une erreur, une insulte au bonheur de la semaine magique.
    Dans un sursaut de désespoir, je me déboite de lui, je m’arrache à la prise de ses mains, je me retourne ; fou de désir, mais avant tout de frustration, de tristesse et d’angoisse, à la recherche désespérée de notre complicité perdue, j’embrasse fébrilement son torse, ses pecs, son cou, ses lèvres.
    Jérém ne réagit pas : il reste immobile, comme médusé, le regard toujours absent.
    Dans un geste encore plus désespéré, je prends son visage entre mes deux mains et je le couvre de bisous ; Jérém tourne la tête, il détourne ses lèvres. Ses mains saisissent mes épaules pour m’inviter à me retourner à nouveau.
    C’est avec un mélange de tristesse et de désolation que je seconde son geste, et que je le laisse revenir en moi. Ses mains reviennent agripper fermement à mes épaules, et il recommence à me pilonner de la même façon, mécaniquement, en silence.
    Comme c’est triste de revenir à la baise, alors qu’on a gouté au bonheur de faire l’amour, avec le garçon qu’on aime.
    Les minutes passent, sa respiration s’emballe, ses coups de reins s’enchaînent dans des séquences d’une puissance inégale ; son corps semble fatiguer dans cette course derrière un orgasme qui ne veut pas se laisser attraper.
    Désormais il n’y a plus de doute, Jérém s’est déjà vidé les couilles cet après-midi.
    La jalousie, l’inquiétude, la tristesse de cette baise sinistre font évaporer toute excitation de mon corps ; je n’ai plus qu’une envie, c’est qu’il arrive vite au bout de cette saillie interminable.
    J’essaie de tenir bon, de prendre sur moi, en me disant qu’il ne doit plus être très loin de son orgasme : mauvaise spéculation, ses assauts n’ont pas l’air de vouloir cesser de sitôt.
    « Arrête, Jérém, j’ai plus envie… » je lui lance.
    « Je viens… » fait-il, tout en ralentissant ses va-et-vient.
    Ses mots sont immédiatement suivis par de nombreux râles bruyants, comme de grands cris de triomphe après un effort considérable.
    Ce qui ne m’empêche pas de ressentir en moi le souvenir de l’une des pires baises avec Jérém, dans une cabine des chiottes du lycée ; une baise tout aussi mécanique, aussi froide, tout aussi déplaisante sur la fin.
    Lorsque ses coups de reins cessent, la prise de ses mains sur mes épaules disparaît également, et sa queue s’arrache de moi aussitôt.
    Je me retourne, et Jérém est déjà assis sur le bord du lit, le boxer à la main.
    Après cette baise sans âme, je ne peux pas le laisser repartir comme ça. J’ai plus que jamais besoin d’un peu de chaleur de sa part. Je m’approche de lui, je pose ma main sur son épaule, je tente un câlin.
    « Arrête ! » fait-il, sur un ton très agacé, tout en se secouant avec un geste énervé.
    « Jérém… ».
    « Arrête, je te dis ! ».
    « Mais qu’est-ce qu’il te prend ? ».
    « Fiche-moi la paix ! ».
    « Qu’est-ce qu’il t’arrive depuis quelques jours ? ».
    « Arrête, Nico… ».
    « Non, je n’arrête pas… la semaine dernière on a passé des moments de fou, c’était magique… tu étais si différent… tu étais souriant, détendu… on était si complices… pourquoi du jour au lendemain tu ne viens plus, tu ne réponds même pas à mes messages, tu m’évites, tu es froid et distant ? ».
    « Ne me casse pas les couilles, Nico… ».
    « Tu me manques, Jérém… ».
    Le bogoss se tait, immobile, la respiration haletante. Plus je le regarde, plus j’ai l’impression qu’il n’est pas dans son assiette. C’est comme s’il voulait me dire quelque chose, et qu’il n’arrivait pas à trouver le courage de le faire ; comme si quelque chose le tracassait vraiment, comme s’il étouffait d’être dans cette pièce ; comme s’il regrettait déjà d’avoir couché avec moi, de s’être laissé faire.
    C’est dur de savoir, à priori, ce qui le tracasse ; de savoir et de le voir le garder pour lui, de voir qu’il n’a pas l’intention de m’en parler, alors que je suis aussi concerné que lui ; c’est dur de savoir et de ne pas pouvoir lui en parler, parce que j’ai promis de ne pas le faire.
    Je regarde son dos en V, ses épaules, ses tatouages, ses beaux cheveux bruns, ses oreilles adorables ; je regarde ce garçon que j’ai envie de couvrir de bisous et de câlins, sans pouvoir le faire.
    « Est-ce que j’ai fait ou j’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ? » je tente d’attaquer ses remparts par un côté qui me semble moins bien gardé.
    « Arrête Nico ! » fait-il en passant son boxer bleu.
    « Mais putain, parle-moi, Jérém ! » je lui lance, tout en passant à mon tour mon boxer et mon t-shirt et en me glissant sur le bord du lit, juste à côté de lui.
    « Je n’ai rien à te dire ! » fait-il sur un ton agacé, en se penchant pour attraper son jeans.
    Le geste est rapide et brusque ; c’est lorsque le jeans atterrit sur ses genoux que quelque chose tombe de sa poche et atterrit sur le carrelage juste devant nous. Un petit bruit sec, pourtant assourdissant.
    Mes yeux m’apportent une image à laquelle mon cerveau se refuse de croire. J’ai envie de hurler mais je me sens comme tétanisé. J’ai la tête qui tourne, j’ai l’impression que le ciel vient de me tomber sur la tête.
    Ce n’est que lorsque Jérém se baisse pour ramasser ce qui est tombé que je trouve la force de réagir :
    « C’est quoi, ça ? ».
    Mes mots ne sont que le reflexe de cette souffrance soudaine qui envahit mon cerveau, mon cœur, et mon corps même.
    « C’est rien… ».
    « Tu te fiches de moi ? »
    L’image de cette capote tape dans ma tête comme un Cognard ensorcelé. Je ressens un douloureux sentiment de désolation envahir mon cœur, mon cerveau, mon esprit, comme une présence de Détraqueur, me laissant dans le désespoir absolu que tout bonheur me soit interdit, à tout jamais.
    Ça fait mal, ça fait trop mal ; tellement mal que je sens approcher le point au-delà duquel il m’aura fait trop souffrir pour que je puisse lui pardonner, le point à partir duquel mon amour sera tellement meurtri qu’il cassera en mille morceaux. Ce point que je vois approcher à grand pas, c’est le point de non-retour de notre relation.
    « Tu… tu… tu couches ailleurs ? » je finis par l’interroger, face à son silence obstiné.
    « Ça ne te regarde pas… ».
    « Ta queue sentait le jus… » je me parle tout seul, sans même réagir à ses mots.
    « C’est toi qui a voulu me sucer à tout prix… ».
    « Tu couches ailleurs ? ».
    « T’es sûr que tu veux vraiment qu’on parle de ça ? ».
    « Oui, je suis sûr ! » je m’énerve.
    « Puisque tu veux savoir… j’ai… une copine… » fait-il, le regard toujours loin de moi.
    Sa jambe est animée par une sorte de vibration, un petit tremblement nerveux qui semble trahir son malaise.
    « De quoi ? ».
    « T’as bien entendu… ».
    Même si ses mots sont prononcés sur un ton à l’apparence détaché, j’ai l’impression qu’il est plutôt mal dans ses baskets, même s’il ne les a pas encore passées à ses pieds.
    « Tu te fiches de moi ?!?! ».
    « Mais pas du tout… ».
    J’ai une soudaine envie de le frapper, mais je suis tellement assommé que mes membres ne répondent même pas à ma colère.
    « Depuis quand ? ».
    « Ça ne te regarde pas… ».
    « Mais t’es pas bien toi… je te rappelle que je te laisse me baiser sans capote… ».
    « Bah, justement, tu vois, je ne prends pas de risque, je mets des capotes ! ».
    « Pourquoi tu me fais ça ? ».
    « Parce que j’ai envie de baiser des nanas… c’est aussi simple que ça… ».
    « Sérieux, tu as une copine ? ».
    « Oui, parfaitement ! ».
    « Et tu l’as rencontrée où ? ».
    « Au taf… ».
    « Au taf ? ».
    Jérém passe son jeans sans répondre à ma question.
    J’ai un mal de chien. Je suis blessé, meurtri, humilié, je bouillonne de l’intérieur.
    « Mais bon sang, Jérém… tu crois que ça me fait quoi de découvrir ça, alors que je viens de te laisser jouir en moi ? ».
    « C’est toi qui a voulu que je te baise… ».
    « Mais t’as bien pris ton pied toi aussi… tu l’as dit la dernière fois… tu n’as jamais joui aussi fort que comme avec moi… ».
    « De quoi ? J’ai jamais dit ça… » il me balance, pendant qu’il chausse ses baskets.
    « Si tu l’as dit ! ».
    « Je ne suis pas pd, fiche-toi ça dans la tête ! »
    « C’est génial ce qu’il y a entre nous… ne gâche pas tout, s’il te plaît ! ».
    « On a bien baisé, oui... j’ai pris mon pied, t’as pris ton pied… mais ça s’arrête là… ».
    « Pas pour moi… ».
    « Bah, ça devrait… » fait-il, en bouclant sa ceinture.
    Sur ces mots, il s’avance vers la porte de la chambre, torse nu, avec sa chemisette à la main. Je me lève d’un bond, je me jette sur la porte pour lui empêcher de l’ouvrir.
    « Qu’est-ce que tu fais ? ».
    Je n’ai plus le choix, je n’ai plus le temps : je ne peux pas lui laisser passer cette porte sans lui avoir dit ce que je ressens pour lui.
    « Jérém… ».
    Jérém, trois syllabes qui contiennent pour moi toute la poésie de l’Univers ; Jérém, ce beau prénom qui rime si bien avec :
    « … je t’aime… ».
    Juste trois petits mots qui s’envolent de mes lèvres ; trois mots, un monde entier.
    C’est un cri du cœur qui me laisse vidé de toute énergie, la poitrine qui tape à tout rompre, la respiration coupée ; un cri qui n’a d’écho que le silence assourdissant de son destinataire, et son regard comme assommé, ébahi, figé.
    « Ecoute, tu sais quoi ? » fait Jérém après une pause insupportable « on va en rester là tous les deux, ça devient trop ingérable tout ça… ».
    Je sens le désespoir m’envahir comme un poison mortel, le ciel me tomber sur la tête, je n’arrive plus à respirer, ma vue se brouille, mes oreilles bourdonnent. Je ne sais même pas comment je trouve la force de le relancer :
    « Pourquoi tu veux tout gâcher ? ».
    « On aurait dû arrêter tout ça il y a longtemps… on n’aurait même jamais dû commencer… ».
    « Tu penses vraiment ce que tu dis ? ».
    « Oui… et ce coup-ci, on va arrêter pour de bon ! ».
    Je suis sonné, j’ai l’impression de venir de recevoir un grand coup de massue sur la tête.
    « J’ai pas envie d’arrêter, moi ! ».
    « Moi si ! ».
    « Mais putain ! Jérém ! Si tu savais à quel point tu comptes pour moi… je n’ai jamais ressenti pour personne ce que je ressens pour toi… quand je te vois, et même quand je pense à toi, j’ai le cœur qui bat la chamade… tu es tout pour moi… j’ai besoin d’être avec toi… je n’ai besoin de personne d’autre, juste de toi… ».
    Je sens mes larmes monter à grands pas.
    « Ça ne peut pas finir comme ça entre nous ! » je pleure.
    Jérém se tait, le regard posé sur la poignée de la porte. Ses traits sont figés, ses paupières clignent nerveusement, ses lèvres sont serrées, parcourues par un frémissement incontrôlable ; sa pomme d’Adam bondit sous l’effet d’une déglutition fiévreuse ; ses yeux se ferment lourdement, se rouvrent ; sa tête a un petit mouvement sur le côté, comme s’il voulait chercher le mien, puis il se perd à nouveau dans le vide.
    J’ai l’impression de me retrouver devant un garçon qui n’est pas mon Jérém ; un garçon qui se fait violence pour être aussi méchant. C’est horrible cette barrière en verre qu’il a érigé pour m’interdire l’accès à son cœur. Et ces barbelés qu’il est en train de tirer partout autour pour me blesser et m’éloigner de lui.
    « Laisse-moi partir maintenant ! » il me lance, tout bas.
    « Jérém, s’il te plaît… je t’aime Jérém, je t’aime tellement, je t’aime plus que tout, je t’aime depuis le premier instant que je t’ai vu dans la cour du lycée ! ».
    « Et moi, ce que j’aime, c’est juste te baiser… ».
    « C’est vrai ? ».
    « Puisque je te le dis… » il lâche, le regard sur ses pompes, les yeux plissés.
    « Regarde-moi dans les yeux, Jérém… regarde-moi dans les yeux et redis-moi ça ! » je le mets au défi.
    Et là, son visage se redresse lentement, son regard se plante dans le mien et il assène froidement :
    « Tu veux vraiment savoir ? ».
    Je sens l’orage venir. Et qu’il va être violent.
    « Il n’y a toujours eu que ton cul qui m’intéressait ! ».
    Je me sens de plus en plus humilié, je sens ma colère monter en flèche.
    « Ça c’est ce que tu dis pour ne pas avoir à assumer ce qui se passe entre nous… » je lui gueule dessus.
    « Arrête donc de faire ton psy à deux balles ! ».
    Jérém me regarde fixement dans les yeux, son regard noir est plein d’éclairs mauvais. Je sais que si je provoque encore, sa méchanceté peut être sans limites. Mais je veux en avoir le cœur net, au risque de me faire terrasser :
    « Tu ne me fera pas croire qu’il n’y a pas un truc spécial entre nous… ».
    « Mais quel truc ? Quand est-ce que tu as vu qu’il y avait ce truc ? ».
    « Tu te souviens du samedi quand tu m’as défendu de cet abruti à l’Esmé… ».
    « Et donc ? ».
    « Quand on est rentrés, tu m’as fait l’amour pour la première fois… ».
    « Tu prends tes rêves pour des réalités ! ».
    « On a passé l’une des plus belles nuits ensemble… tu m’as même demandé de rester dormir… ».
    « J’avais juste envie que tu me suces encore pendant la nuit ! ».
    « Ce n’est pas vrai… tu avais besoin de câlins… tu m’as donné des câlins… mais le matin tu m’as jeté comme une merde… ».
    « On n’aurait jamais dû commencer ces conneries… ».
    « Ce ne sont pas des conneries… tu ne vas pas me faire croire que tu n’as pas aimé tout ce qui s’est passé entre nous ! ».
    « Tais-toi… tout ça c'est de ta faute ! ».
    « Ma faute ? » je chauffe.
    « T'aurais pas dû me proposer de réviser... tu voulais juste baiser avec moi… ».
    « Je te rappelle que c’est toi qui a voulu que je te suce ce jour-là ! ».
    « Tu m’as allumé… t’arrêtais pas de me mater en cours ! ».
    « Bien sûr que je te kiffais, je te kiffais à mort, je te kiffais comme un fou depuis le premier jour du lycée… mais moi je n’aurais jamais osé te proposer quoi que ce soit… ».
    « Tu en crevais d’envie… ».
    « Alors, si tu savais que j’avais envie de coucher avec toi, pourquoi t’as répondu « oui » quand je t’ai proposé de réviser ? ».
    « Parce que je voulais me payer ton cul… ».
    « Donc t’es aussi pd que moi ! ».
    « Arrête de me chercher ou ça va mal se finir... » fait-il, les yeux exorbités, les veines apparentes dans le cou, l’air menaçant.
     « Jérém… » je tente de le raisonner « nous ne faisons rien de mal, nous sommes juste deux mecs qui se font du bien… ».
    « Ferme-la, putain… je ne suis pas pd et je ne veux pas devenir pd comme toi ! Tu entends ? ».
    Ses mots sont blessants, injustes, violents, gratuits.
    « C’est moi le pd, mais en attendant, c’est toi qui m’a trainé au On Off… et qui a invité ce mec pour le baiser devant mes yeux… ».
    « T’as pris ton pied aussi avec ce mec ! ».
    « Mais c’est toi qui a voulu le faire venir chez toi, tu m’as pas demandé mon avis ! ».
    « T’as pas dit non quand je t’ai proposé de venir avec nous à l’appart… tu pouvais partir, je te signale… ».
    « Et te laisser baiser seul avec ce type ? Toi qui n’es pas pd, sans blagues ! Merci le choix ! Et je te rappelle aussi que c’est toujours toi qui lui as dit qu’il pouvait me baiser… alors qu’à la base, c’est toi qu’il voulait baiser ! ».
    « Je ne me laisse pas baiser, moi… mais toi, t’en crevais d’envie ! ».
    « Je crevais d’envie de me retrouver seul avec toi, couillon ! Et toi, toi t’as préféré laisser ce mec me baiser plutôt que d’admettre que ça te faisait chier… ».
    « Ça ne m’a rien fait… ».
    « Arrête, Jérém… tu étais fou de jalousie… je l’ai vu dans tes yeux pendant qu’il me baisait ! ».
    « Non je n’étais pas jaloux ! ».
    « Si, tu l’étais ! Et c’est d’ailleurs pour ça que cette nuit-là aussi tu m’as demandé de rester… et ça a été une autre nuit merveilleuse ! ».
    « Jaloux ? De toi ? » il se moque avec un mépris insultant.
    Je sais que je suis en train de le chercher et de le braquer, mais je ne peux plus m’arrêter.
    « Tu m’emmerdes, Jérém ! Tu n’es qu’un petit macho qui n’a pas les couilles pour assumer ce qu’il est… ». »
    « Et toi t’es une petite salope qui coucherait avec n’importe quel mec… ».
    « Ça t’arrange bien de penser ça… ».
    « Je t’ai vu rigoler avec ce mec… ».
    « Quel mec ? ».
    « Ce type dans la voiture… ».
    « Qui ? … Ah, Julien ? Enfin… le type de l’autoécole ? ».
    « Tu le kiffes, hein… ce… Ju-li-en ? ».
    « Pourquoi, t’es jaloux de lui aussi ? ».
    « Tu as couché avec ? ».
    « Pourquoi tu veux savoir ? T’en a quelque chose à faire ? ».
    « Tu as couché avec ? » il insiste.
    « Non, mais j'aurais pu ! » je bluffe.
    Son regard est traversé par un éclair de rage.
    « Laisse-moi passer avant que je m’énerve vraiment ! ».
    « Si seulement tu assumais qui tu es… je t’assure que ta vie serait tellement plus simple ! ».
    « T'occupes pas de ma vie, connard ! ».
    « Ta vie c'est ma vie car je t’aime même si t’es un connard ! ».
    Il me pousse, je tente de lui résister.
    « Ça ne peut pas finir comme ça entre nous… » je lui gueule à la figure, tout en m’élançant vers lui pour l’embrasser désespérément.
    Mais à l’instant même où mes lèvres effleurent les siennes, ses mains me repoussent violemment. Je suis fou, je suis en larmes. Je reviens vers lui, je saisis ses biceps qui font une fois et demie les miens ; c’est n’est qu’avec la rage et le désespoir que j’arrive à contrer sa puissance.
    « Je ne comprends pas pourquoi on doit se faire autant de mal l’un l’autre… ».
    « Maintenant tu me laisses partir… ».
    « Sinon quoi, tu vas me cogner ? ».
    « Ne me cherche pas Nico, sinon, je te jure… ».
    « Vas-y, tape-moi si ça te fait du bien ! ».
    Je me trouve devant un mur, haut, épais, infranchissable : j’ai besoin d’ouvrir une brèche à tout prix, tout de suite. J’ai besoin d’une « arme » puissante pour y parvenir. Soudainement, je me rappelle que je suis en possession d’un « atout » qui pourrait bien faire l’affaire ; hélas, il s’agit d’une « arme non conventionnelle », que je me suis engagé à ne pas utiliser.
    Mais tant pis : je ne peux plus tergiverser. Dans une minute, il sera parti. Alors, c’est maintenant ou jamais.
    « T’attendais quoi pour me dire que tu vas partir à Paris ? ».
    « Comment tu sais ? ».
    « C’est pas important… ».
    « Tu peux pas t’en empêcher… t’as encore été faire chier Thibault ! ».
    Je sens sa colère redémarrer à grand pas.
    « Thibault, c’est mon pote aussi ! ».
    « Ouaisss… mais ça t’a plu un max de lui vider les couilles à lui aussi, l’autre soir ! ».
    « Mais putain ! C’est toi, et toujours toi, qui a voulu que je le suce ! ».
    « T’as pas dit non, non plus ! ».
    « C’est vrai… mais tu m’as pas demandé mon avis ! Comme tu ne me l’as pas demandé la fois que tu m’as fait venir pour baiser avec ton cousin, ou la fois que t’as voulu baiser avec le mec du On Off ! Tu m’as mis dans des situations où je ne pouvais pas dire non ! ».
    « Plains-toi ! »
    « Je m’en plains pas, non… mais ne me jette pas à la figure que je prends mon pied avec d’autres mecs… alors que c’est toi qui me jette dans leurs bras… ».
    « Le mec de la piscine, c’est pas moi qui t’a dit de baiser avec… ».
    « Bah, si à ce moment là tu n’avais pas été aussi infect avec moi, je ne me serais certainement pas laissé inviter chez lui ! En plus, Stéphane ne m’a pas baisé… ce mec m’a fait comprendre que mon plaisir compte aussi, que même si je suis passif, je ne suis pas qu’un cul à baiser, comme tu le dis ! ».
    « Quant à Thibault… » je continue en mode rouleau compresseur « … oui, j’ai pris mon pied avec lui… et tu veux savoir pourquoi ? Parce qu’il ne m’a pas baisé, lui non plus ! ».
    « Ah, bon, il ne t’a pas baisé… sans déconner ! ».
    « C’est ce que tu voulais, toi, tu voulais qu’il me baise… tu t’es dit que la meilleure façon de lui montrer que tu n’étais pas pd, c’était de lui montrer que je n’étais que ton vide couilles… et que la meilleure façon de lui montrer que je n’étais que ton vide couilles, c’était de me mettre à sa disposition… tu t’es dit qu’en me présentant comme une bonne salope, ton pote t’aurait suivi dans ton délire, et il m’aurait traité lui aussi comme une salope… manque de bol, les choses ne se sont pas déroulées exactement comme tu les avais imaginées… ».
    « Thibault t’a baisé exactement comme moi… ».
    « Tu te trompes… oui, on a couché ensemble… mais en plus du sexe, lui il m’a offert de la douceur, de la tendresse, du partage, de la considération… il s’est préoccupé de mon plaisir à moi, lui… chose dont tu ne t’étais jamais intéressé avant cette nuit-là… au lieu de m’humilier, il m’a fait sentir bien, respecté, compris… et ça, ça t’a énervé… plus tu nous voyais bien nous entendre, plus ça te mettait en pétard… ».
    « Tu racontes que de la merde ! ».
    « Thibault m’a fait sentir bien… il a été vraiment adorable ! ».
    « T’as qu’à te faire sauter par lui ! »
    « Tiens, peut-être que ce serait une bonne idée ! ».
    « T’es vraiment qu’une pute ! ».
    « Ok, je suis une pute… mais tu sais quoi ? Je suis une pute qui pourrait même tomber amoureuse d’un gars comme Thibault ! ».
    « Toi vraiment, putain… ».
    Et là, Jérém se projette violemment contre moi, il se dégage de ma prise ; ses mains percutent mes pecs avec la puissance et la violence d’une semi-remorque. Je me retrouve projeté sur le lit, immobilisé par sa musculature puissante, crispée par la rage, son avant-bras en travers de ma gorge, l’autre bras brandissant un poing prêt à frapper avec toute la violence de son biceps tendu.
    « Je te jure que si tu n’arrêtes pas, tu vas te manger ma main dans la gueule… ».
    « J’arrête, j’arrête, j’arrête… » je tente de le calmer.
    « T’as intérêt ! » fait-il, toujours aussi en colère mais en relâchant la pression.
    Une seconde plus tard, il descend du lit, il rattrape sa chemisette par terre et bondit à nouveau vers la porte de la chambre. J’ai les larmes qui me montent aux yeux en le regardant disparaître dans le couloir. Je ne peux pas le laisser partir comme ça.
    J’attrape le maillot qu’il a laissé sur mon bureau, je dévale l’escalier, et je le rattrape alors qu’il est tout proche de la porte d’entrée.
    « Tu oublies ça… » je lui lance sur un ton de colère et de désespoir, en lui tendant le maillot.
    « Je n’en veux pas de ça ! » assène-t-il, sèchement.
    « Il est pour toi, Jérém… ».
    « Je n’en veux pas, je te dis ! ».
    « Et pourquoi ? ».
    « Parce que tu me gonfles ! » fait-il, de plus en plus énervé.
    Son attitude a le don de me faire sortir complètement de mes gonds.
    « Mais bon sang ! » je m’emporte « ça pourrait être si génial entre nous deux si seulement tu étais moins con ! Il y a un truc spécial entre nous… les chanceux c’est nous, Jérém ! ».
    « Spécial ? Pourquoi ça ? T’es pas le seul mec que j’ai fait couiner… ».
    « Oui, mais avec ton cousin et avec le mec du On Off, c’était pas pareil… » je tente de me rassurer.
    « Si tu crois que c’est les seuls… » fait Jérém, odieux.
    « De quoi ???????????? » je tombe sur la tête.
    « T’as très bien compris ! ».
    Lorsque je reçois ce nouveau coup de massue sur la tête, encore plus puissant que le précèdent, je sens immédiatement que quelque chose est sur le point de casser en moi.
    Ça en est trop, vraiment trop. Même si je veux mon Jérém pour moi tout seul, je peux encore tolérer qu’on se fasse des plans à trois ; et même si ça me fait profondément chier, si vraiment il a envie de coucher avec des nanas, je n’ai pas de recours contre ça.
    Mais le fait de savoir qu’il s’est tapé d’autres mecs à mon insu, alors que je crève d’envie de lui ; qu’il a trouvé le moyen de franchir le pas d’aller voir ailleurs, alors qu’il n’assume même pas notre relation : ça, ça me blesse à vif.
    Le point de non-retour est là, devant moi.
    « T’es qu’un connard ! » je lui lance, toujours incrédule, le regard défait.
    « De quoi tu t’étonnes ? T’es pas le seul cul à baiser de la ville ! ».
    C’est à cet instant précis que le point de non-retour, celui que j’ai vu approcher de seconde en seconde, est atteint : ce coup-ci, Jérém a vraiment dépassé les bornes ; sa méchanceté est telle, que même tout l’amour que je lui porte ne suffira pas pour lui pardonner. Oui, quelque chose vient de casser en moi. Je sens mon sang bouillir, je sens une violente envie de lui faire mal au moins autant qu’il vient de m’en faire. Je vois rouge. Et je perds les pédales.
    Tout se passe en une fraction de seconde : je laisse tomber le maillot au sol, je le charge et je le frappe au visage.
    Jérém n’a rien vu venir ; attaqué par surprise, il reçoit mon droit de plein fouet
    Un filet de sang rouge vif commence à couler presque instantanément de son nez ; c’est à ce moment-là que je réalise que je viens de frapper le garçon à qui j’ai envie de faire tous les câlins du monde, jusqu’à mon dernier souffle. Moi qui ne me suis jamais battu de ma vie, il faut que je commence par Jérém. Si c’est pas malheureux, ça !
    Alors que je regrette déjà mon geste, je le vois porter deux doigts sous son nez, et les retirer ensanglantés. Son regard est désormais rempli de haine.
    J’ai peur de la violence de sa réaction : et c’est moins la douleur physique que je redoute, bien moins que le chagrin de voir notre histoire se terminer à coups de poings dans la figure.
    « Je suis désolé, Jérém, je ne voulais pas… » je tente de le calmer.
    Hélas, mes excuses n’ont aucun effet ; Jérém voit rouge, aussi rouge que moi un peu plus tôt, aussi rouge que le sang qui coule de son nez, qui éclabousse son torse et laisse des traces sur son jeans et sur le carrelage.
    Je le vois charger comme un taureau, et je sais que ça va faire mal. Je suis tellement dégouté par la tournure que sont en train de prendre les choses, dégouté que ce soit par ma faute, d’avoir frappé en premier, que je n’ai même pas le réflexe de tenter de me protéger le visage : lorsque son droit à lui me percute, je ressens une douleur aigue se propager depuis le milieu de mon visage, jusqu’à l’intérieur de ma tête.
    Non, je ne me suis jamais battu auparavant : je réalise à cet instant à quoi font référence les petites étoiles qu’on voit tourner autour de la tête des personnages de dessin animés lorsqu’ils prennent un coup au crane ou au visage.
    C’est le goût bizarre du sang sur mes lèvres qui me fait pleinement réaliser que je viens de me faire frapper par le garçon que j’aime ; ce garçon dont le goût viril persiste dans ma bouche, le garçon qui, quelques minutes plus tôt, m’a rempli de sa semence. C’est triste à en pleurer.
    « T’es vraiment qu’un gros con qui ne sait pas assumer ce qu’il ressent dans son cœur… » je lui crie en pleurant.
    Sa réaction ne se fait pas attendre :
    « Et toi, t’es vraiment qu’une petite merde ! ».
    « Dégage connard ! ».
    « Oh, oui, je vais dégager, t’inquiète, mais toi aussi tu vas dégager, tu vas dégager de ma vie ! ».
    Ses mots sont sans appel, et ils me rendent malade. Mais il est d’autres mots qui s’enchainent aux siens et qui vont me rendre encore plus malade.
    « Qu’est-ce qui se passe ici ? » j’entends une voix familière s’écrier.
    Je lève les yeux : maman vient de débarquer.
    « C’est quoi tout ce sang ? » elle s’inquiète, en voyant le carrelage tâché.
    « C’est rien, un petit accident, rien de grave, madame… » fait Jérém.
    Maman le regarde, puis me regarde fixement, les yeux écarquillés, le regard anxieux.
    Je regarde Jérém se baisser pour ramasser sa chemisette sur le carrelage et la passer très vite autour de son torse, tout en essayant de tamponner avec la main son nez qui n’arrête pas de pisser le sang.
    Jérém accroche deux boutons à la va vite, et il se précipite vers la porte d’entrée. Dans mes tripes, je ressens malgré tout l’instinct d’essayer de le rattraper, une fois encore ; je sais que si je lui laisse passer cette porte, ce sera vraiment fini entre nous. Mais mon corps ne suit plus ; je suis à bout de forces, physiquement, moralement.
    Jérém saisit la poignée, la fait tourner, il commence à tirer le battant ; et là, au lieu de partir comme une fusée, il marque une pause ; un instant de rien, le temps d’un regard qui en dit plus que mille mots.
    Je le vois tourner la tête vers moi, planter ses yeux dans le miens : son regard noir a soudainement disparu, pour laisser la place à un regard perdu, rempli de désolation, de détresse, et de chagrin ; ses yeux, ses narines ont cette vibration conjointe comme lorsqu’on se fait violence pour ne pas céder à l’émotion.
    Ce que je vois à cet instant, ce n’est plus le connard qui vient de me balancer plein d’horreurs et son poing dans la figure, mais un garçon très malheureux ; pendant un instant, je me prends à rêver qu’il soit sur le point de me lancer un : « Je suis désolé », capable de soigner toutes mes blessures.
    Il n’en est rien : Jérém finit pas détourner le regard et disparaît dans l’entrebâillement de la porte.
    Oui, son regard était plein de tristesse ; et, au plus profond de moi, je ressens la ferme impression que Jérém a détourné le regard juste avant qu’ils ne soient pleins de larmes aussi.
    Oui, c’est triste de se faire aussi mal l’un l’autre ; et de se rater de cette façon.
    La serrure vient tout juste de claquer un dernière fois derrière le garçon que j’aime plus que moi-même ; je sens le désespoir m’envahir ; je ne peux me retenir, je fonds en larmes.
    « Nico ! ».
    C’est à cet instant précis que j’ai vu dans le regard de maman qu’elle avait tout compris, sans besoin d’un mot d’explication. Dans mes larmes, maman a su à quel point j’étais amoureux d’un putain de beau gosse qui me rendait terriblement malheureux.
    « S’il te plaît, maman… laisse-moi seul… je vais nettoyer… je viendrai te parler plus tard… ».
    « Tu veux pas que je t’amène voir un toubib ? ».
    « Non, maman, ça va aller, c’est rien, vraiment… » je tente de minimiser, en étant rassuré moi-même par le fait que mon nez ne saigne pas trop.
    « Comme tu voudras, Nico, je serai dans la cuisine… ».
    Je vais dans le cellier chercher un seau et une serpillère ; je reviens nettoyer les dernières traces du passage de Jérém chez moi ; à chaque tâche effacée, je me demande pourquoi on en est arrivés là, comment j’en suis arrivé à frapper le garçon que j’ai envie d’aimer plus que tout au monde.
    Je sais que je ne le reverrai plus jamais. Je nettoie et je pleure, en pensant à la solitude terrifiante de ma vie sans lui.
    La douche me fait du bien : mais je suis toujours aussi sonné, et mon nez me fait mal. Ça ne saigne plus. L’eau chaude a détendu mes nerfs, emporté mes larmes, je sens une fatigue immense me gagner, je me sens lessivé.
    Il est 19h20 lorsque je redescends : il faut que je me dépêche d’aller voir maman, papa va rentrer d’un moment à l’autre.
    Lorsque j’arrive dans la cuisine, elle est en train de préparer une grande salade.
    « Ça va, mon Nico ? ».
    « Oui, ça va… mieux… » je tente de la rassurer, en prenant sur moi pour contenir mon émotion et ne pas laisser mes larmes jaillir à nouveau.
    J’attrape un bocal et je commence à mélanger huile, vinaigre, sel et moutarde.
    « C’est qui ce garçon ? ».
    « C’est un camarade du lycée… ».
    « Pourquoi vous vous êtes disputés ? ».
    « C’était juste pour une bêtise… ».
    « Vous vous êtes battus, quand-même ! ».
    « C’est rien je te dis… ».
    « T’avais l’air vachement remué, mon Nico… et ton camarade aussi… ».
    Une partie de moi a envie de tout raconter à maman, de lui dire que j’aime les garçons depuis toujours, que j’aime CE garçon plus que tout au monde, à part elle… oui, une partie de moi n’a qu’une seule envie, celle de me laisser aller à pleurer dans ses bras, de la laisser me réconforter.
    Mais la blessure est si profonde, si vive, si brûlante, que je ne me sens pas la force de la remuer, même pas pour tenter de la soigner.
    « Maman… » je me lance, pour tenter de la rassurer, pour gagner du temps, sans aucune idée de comment je vais continuer ma phrase.
    Heureusement, maman vient à mon secours :
    « Tu sais Nico… ne te force pas… » fait-elle en posant son couteau et en attrapant ma main : elle la serre avec force et douceur, tout en posant sur moi ce regard plein d’affection et de tendresse que seule une maman sait composer ; puis, elle continue : « si tu n’as pas envie d’en parler, c’est pas grave ; tu m’en parleras plus tard, quand tu t’en sentiras capable… demain, après demain, ou même quand tu seras à Bordeaux… quand tu seras là-bas, dans ta petite chambre, tu sais que tu pourras m’appeler quand tu voudras, à n’importe quelle heure, je serai toujours là pour toi, mon Nico… ».
    Je sanglote. Je sens maman très émue aussi.
    « Maman… ».
    « Mais il y a une chose qu’il faut que tu saches… je t’aimerai toujours, quoi que tu fasses de ta vie, quoi que ce soient tes choix… enfin, des choix… façon de dire… je t’aimerai toujours, et rien ne pourra jamais changer cela… tu sais, Nico, tout ce qui m’intéresse, c’est que tu sois heureux, que tu trouves ta part de bonheur quel qu’il soit le bonheur que tu recherches… ».
    Elle pose ma main sur ma nuque et me caresse les cheveux, comme quand j’étais enfant, pour me réconforter ; je pleure à chaudes larmes.
    « Désolé, maman… ».
    « Pleure, si ça te fait du bien… ».
    « Ce garçon… ce garçon… » je tente de lui parler de mon chagrin, de cet amour fou né sur les bancs du lycée : mais les mots restent bloqués au fond de ma gorge.
    « Ce garçon est vraiment un très beau garçon… » résume maman « mais j’ai l’impression que ce n'est pas lui qui va te rendre heureux… ».
    « De toute façon, je ne le reverrai plus jamais… ».
    « Mon Nico… ».
    « Maman… promets-moi… ».
    « Oui, Nico ? ».
    « Ne dis rien à papa, s'il te plaît… ».
    « Je ne lui dirai rien t'inquiète… un jour tu lui diras toi-même, quand tu seras prêt à le faire… ».
    « Merci, maman… ».
    « Dis donc, il ne t’a pas raté ce petit con… » elle s’exclame, en se penchant pour regarder les dégâts de plus prés.
    « A côté du nez, sous l’œil, tu vas avoir un joli cocard, mon Nico… ça fait mal ? » elle continue.
    « Oui… ».
    « Dans le placard de la salle de bain, il doit y avoir une pommade pour soigner les hématomes… ».
    Dommage qu’il en existe pas une pour soigner les cœurs brisés.
    « Merci maman… ».
    « C’est lui qui t’a frappé en premier ? ».
    « Non, c’est moi… ».
    « Nico ! ».
    « Et je le regrette vraiment… même s’il l’a bien cherché ! ».
    « En tout cas, toi non plus, tu ne l’as pas raté ! ».
    La porte d’entrée vient de s’ouvrir et de se refermer. Papa est rentré. Je m’essuie les yeux et maman aussi.
    « Bonsoir ! » fait papa « qu’est-ce que t’as fait au nez, Nico ? ».
    « Bonsoir ! » fait maman « ton fils s’est pris la porte de la salle de bain sur le nez en sortant de la douche… ».
    « Toujours aussi maladroit… » fait papa distraitement « j’ai le temps de prendre ma douche avant de manger ? ».

    Le soir dans mon lit, j’étouffe. J’ai mal au nez, mal au visage, mal au cœur, surtout. Je suis allongé dans le noir, sur le dos, incapable de faire le moindre mouvement. Je n’ai même plus la force de pleurer. Je me sens comme dans un état d’incapacité à réagir à tout stimuli, je me sens comme vidé de toute énergie. Je n’ai envie de rien, ni de lire, di d’écouter la musique. J’ai mis la radio en fond sonore, à volume très bas, juste pour me tenir compagnie. Vers minuit, en allant se coucher, maman toque à ma porte :
    « Ça va, Nico… »
    « Ça va, maman… ».
    « Passe une bonne nuit, mon loulou… essaie de dormir un peu… ».
    « Je vais essayer, ne t’inquiètes pas… bonne nuit, maman… ».
    J’écoute la nuit tomber sur la ville, ses bruits de circulation s’estomper ; j’écoute la nuit tomber sur la maison, le silence s’y installer.
    J’essaie de fermer les yeux, mais je les rouvre aussitôt : ils sont enflés, à force d’avoir chialé, ils piquent. Le sommeil ne vient pas.
    Je repasse les souvenirs heureux de la semaine dernière ; je ressasse les souvenirs horribles de cette semaine, de cet après-midi. Je rumine ses mots blessants comme des lames. J’entends le bruit de mon coup ; celui de son coup ; deux fois le bruit de la chair qui morfle ; le sang, son odeur, son goût de violence : je me sens horriblement mal. J’ai l’impression d’avoir commis quelque chose d’irréparable, d’impardonnable.
    Définitivement, ce n’était pas une bonne idée de laisser Jérém venir chez moi, de le laisser accrocher son souvenir dans cette chambre, à ce couinement que fait mon lit quand on appuie à un certain endroit, ce bruit qui me rappelle ses coups de reins ; je le revois sur moi, je le sens en moi, je ressens la brûlure qu’il a laissée entre mes jambes, dans mon ventre, dans mon cœur.
    Pourtant, je le savais que ça se terminerait de cette façon ; je le savais qu’un jour on se prendrait la tête et que ce serait fini pour de bon ; je savais que le faire venir chez moi allait être une façon de reculer pour mieux sauter : ce que je ne savais pas, c’est que ça se terminerait en baston. Et que je le cognerai en premier. Je n’arrive pas encore à croire que je l’ai cogné.
    Et maintenant que c’est fini entre nous, Jérém hante cette chambre, ce lit, ma vie toute entière.

    4h18, je ne dors toujours pas. J’essaie de ne pas penser à demain, au nouveau jour qui viendra, un jour inutile, odieux, car il ne portera pas avec lui l’espoir de revoir Jérém.
    Les souvenirs et les larmes se mélangent dans le silence de la nuit.
    Imaginer ma vie sans Jérém, ça me parait un aperçu de l’enfer.
    La nuit avance et la radio continue de débiter des chansons que je n’écoute pas.
    Puis, soudainement, un texte accroche mon attention, parle à ma tristesse, à ma solitude, à mon désespoir.

    Tant de fois j'ai tenté/D'aller toucher les étoiles
    Que souvent en tombant/Je m'y suis fait mal
    Tant de fois j'ai grimpé/Jusqu'au plus haut des cimes
    Que je m'suis retrouvé/Seul au fond de l'abîme
    (…) Il y a toujours un soir
    Où l'on se retrouve seul/Seul au point de départ
    Celui qui n'a jamais été seul/Au moins une fois dans sa vie
    Seul au fond de son lit/Seul au bout de la nuit
    Celui qui n'a jamais été seul/Au moins une fois dans sa vie
    Peut-il seulement aimer/Peut-il aimer jamais





    12 commentaires
  • Nouvelle contribution sur Tipeee, la contribution "une fois dans l'année"

    Merci à vous tous pour votre aide pour pérenniser l'aventure Jérém&Nico

    CLIQUE ICI (montant modifiable selon ton souhait, c'est un peu plus bas dans la page, sur la droite, lol)

     

    51.7 Le réveil d’un bobrun en pétard


    Le bomécano revient s’allonger à côté de moi… je me tourne vers lui, sur le flanc, pour lui laisser un peu de place… il se cale contre moi, la respiration toujours haletante…
    Son front est en nage, son souffle brûlant… son visage affiche cette ivresse des sens, l’expression typique d’un garçon qui vient de jouir… le portrait d’un garçon repu… un garçon qui s’est bien donné mais qui a encore de la ressource pour faire des câlins et pour afficher un regard serein et apaisant … des petits gestes qui me chauffent le cœur, des gestes qui me laissent imaginer que non seulement il a aimé… mais qu’il assume le plaisir qu’il vient de prendre… avec moi…
    Ses bras m’enlacent très fort… son front trempé de sueur se pose contre le mien… je réalise que moi aussi je suis en nage… heureux, mais épuisé… mon corps retentit encore des multiples jouissances qui l’ont secoué… j’ai envie de me perdre dans l’étreinte de ses bras… j’ai besoin de dormir…
    Je commence à glisser vers le sommeil…
    Mais je suis rapidement rappelé à la veille… très vite, la main se pose sur mon épaule, me fait basculer sur le dos…
    Jérém vient de se réveiller…

    Je me disais bien que cette galipette avec le bomécano finirait par tirer mon Jérém de son sommeil… ça me paraît même bizarre que cela ne soit pas arrivé plus tôt…
    Quoi qu’il en soit, mon bobrun est désormais bel et bien réveillé… et ses ardeurs aussi…
    Jérém se redresse, ses mains saisissent mes épaules, me retournent, je me retrouve allongé sur le ventre sans presque m’en rendre compte…
    Je sens une nouvelle fois ses genoux avancer sur le matelas, entre mes cuisses… Jérém ne demande pas… il baise quand l’envie lui en prend, c’est tout… le petit con n’en fait qu’à son envie, le mâle prend tout simplement ce qui lui appartient…
    Dans l’absolu, cette attitude de petit macho est extrêmement excitante… une attitude dont il sait si bien jouer… et qui lui va si bien, comme j’ai pu le constater à de nombreuses reprises…
    Pourtant, à cet instant précis, je ne suis pas sûr d’avoir envie de me faire secouer tout de suite par une baise « façon Jérém »… le fait est que je viens de vivre un truc exceptionnel avec le bomécano… et que mon corps et mon esprit résonnent encore de l’écho des bonnes vibrations amenées par le bomécano… j’étais bien dans ses bras… j’avais envie de faire durer ce moment de tendresse… cette complicité… la chaleur apaisante de son étreinte me manque déjà…
    Alors, la perspective de me faire sauter par mon bobrun là, tout de suite, sans transition, ça a quelque chose de désolant à mes yeux… c’est peut-être stupide… mais je me demande ce que va penser le bomécano de moi, en me voyant coucher avec son pote juste dans la foulée… comment va-t-il vivre le fait que je me laisse baiser par Jérém… et « à la Jérém »… alors que lui, il a été si attentionné, si doux avec moi… alors que je lui ai montré que j’appréciais son attitude…
    De plus, je commence à sentir que les limites de mon corps ont été bien explorées cette nuit… repoussées, je dirais même… mon endurance a été mise à rude épreuve…
    Sans compter le fait que je viens de jouir, une fois encore… je crois que j’ai rarement joui autant de fois en si peu de temps… je commence à ressentir un épuisement qui semblerait éloigner de moi toute envie de sexe à court terme… je me dis qu’il ne faudrait pas que je me laisse entraîner dans le tour de piste de trop qui risquerait de tout gâcher…
    Mais ce petit con de Jérém a envie d’une nouvelle mi-temps… et s’il s’est rendu compte du petit match que je viens de jouer avec son pote, je ne sais pas trop comment je pourrais me dérober à ses envies… dire « oui » à Thibault… et dire « non » à mon Jérém… je ne vois vraiment pas comment… certes, je ne lui appartiens pas … mais dans le feu de l’action on n’a pas forcement le recul qu’on aura « à froid » sur les choses, ce recul qui nous fera dire plus tard « mais que con j’ai été, j’aurais dû agir ainsi, qu’est-ce qui m’en empêchait, mis à part ma faiblesse ? »…
    Je me perds dans mes hésitations et déjà Jérém me grimpe dessus… ses pecs se posent sur mes fesses…
    Instantanément, un frisson puissant irradie sur toute ma peau… c’est à cause de cette attitude de mec qui n’a pas besoin de demander, comme si mon petit cul lui était dû… de cette façon de me montrer que je suis à lui… tout ça me donne envie de m’offrir à lui sans limites…
    Le simple fait de sentir son envie, me donne envie de lui… c’est fou l’effet, le pouvoir que ce mec a sur moi… à partir de là, il a le pouvoir de faire de moi ce qu’il veut…
    Alors, contrairement à ce que j’avais pu imaginer, la simple présence de son torse chaud sur mon dos, de ses cuisses contre les miennes, me fait réaliser que mon corps possède des ressources insoupçonnées lorsqu’on sait le prendre du bon côté… et surtout de la bonne façon…
    Sa queue tendue se faufile dans mon entrejambe… et je ressens instantanément ma queue frémir… mon corps réclame sa présence en moi…
    Oui, c’est fou… alors, je me laisse faire… le gland du bobrun trouve très aisément mon entrée de bonheur… sa queue s’enfonce en moi d’un seul trait, glissant dans le jus de son pote…
    Ses mains bien agrippées à mes épaules, Jérém commence à coulisser en moi… très vite, je me rends compte que son attitude est toujours la même, cette attitude que les caresses de Thibault ont su calmer à plusieurs reprises mais qui refait surface dès que ce contact cesse…
    J’ai même l’impression que plus ça va, plus sa façon de me baiser est virulente… comme si sa rage, retenue par les interventions de Thibault, se cumulait en lui, comme un ressort de plus en plus tendu et dont la détente serait à chaque fois plus détonante, irrépressible…
    D’où vient-elle cette rage, mon Jérém ? Regrettes-tu déjà de t’être laissé aller à cette étreinte à trois, à la tendresse avec ton pote et, par reflet, avec moi ? Regrettes-tu déjà ces baisers que tu as acceptés de moi, même si de façon si fugace ?
    Es-tu jaloux du fait de m’avoir vu prendre du plaisir avec ton pote ? Es-tu jaloux de voir que ton Thib n’est pas dans le même trip que toi, celui de me traiter comme un simple vide couilles ?
    Et au fait… depuis quand es-tu réveillé, au juste ? Qu’as-tu vu, entendu, de nos ébats, de nos câlins ?
    Jérém saisit mes fesses, les écarte, avance son bassin… le geste y est, certes… pourtant, je n’ai pas l’impression de subir l’assaut d’un Jérém déchainé, excité, conquérant… mais d’un Jérém amer, frustré, « punitif »… un Jérém exprimant davantage ses frustrations, son incapacité à assumer ses envies, plus qu’une attitude sexuelle naturelle… comme s’il jouait au macho pour décharger ses colères et éviter une fois de plus de regarder la vérité en face… comme s’il voulait passer ses nerfs sur moi pour évacuer le malaise provoqué par le fait de s’être laissé prendre à son propre jeu…
    Au fond de moi, je me réjouis de voir mon Jérém pris à son propre jeu, une fois encore… car je le devine, cette colère au lit n’est autre chose que l’expression très maladroite de sa jalousie… ou du moins de son malaise… une jalousie, un malaise qu’il ne connaîtrait pas, si vraiment je ne représentais pour lui rien de plus qu’un cul à baiser…
    Alors, oui, quelque part, cette colère me rassure… car c’est l’un des rares signes qui me montrent que ce petit con tient à moi… un peu… parfois… à sa façon…
    Cependant, ce coup-ci je le trouve particulièrement déchaîné, limite agressif… le mec semble dans sa bulle, seul avec sa colère, et bien décidé à la laisser s’exprimer…
    Ça se passe dans un silence presque total, un silence tout juste ponctué que par ses halètements, de plus en plus bruyants et rapprochés… par le claquement de ses cuisses contre mes fesses, par le bruit sourd de ses couilles qui frappent lourdement dans mon entrecuisse…
    Pourtant, sa façon de baiser, ses gestes expriment tout son mépris à mon égard… une fois de plus, j’ai l’impression qu’il cherche à me montrer, et montrer à son pote, qu’il n’en a rien à foutre de moi…
    A ce moment précis, je sais que la prise de ses mains, que ses coups de reins, que sa façon de me baiser sans ménagement sont une façon de me traiter de « bonne salope qui ne mérite que de ramasser un max », de « trou à bite », de « vide couilles »… ce sont probablement les mots qu’il me cracherait à la gueule si son pote n’était pas là…
    Au final, voilà que son attitude de petit macho qui prend « ce qui lui appartient », une attitude qui serait scandaleusement bandante dans une autre situation, devient excessivement humiliante… et ça commence à miner mon excitation…
    Je capte au passage le regard de Thibault… c’est un regard un peu éteint, comme chagriné… comme déçu… déçu de quoi ? De me voir passer si facilement de de sa queue à celle de son coéquipier ? De l’attitude de son pote à mon égard ? Du fait que je me laisse faire sans me rebeller ? Quelle image suis-je en train de lui donner de moi à cet instant précis ? Est-ce qu’il est en train de se dire que finalement il s’est trompé sur moi ? Que je ne suis qu’une petite salope et que si je me laisse faire de la sorte c’est parce que je suis une couille molle ?
    Son regard me perturbe… et mon excitation en prend un autre sérieux coup…
    Je sens le bobrun haleter de plus en plus fort… mais ce n’est pas le genre de halètements qui annoncent l’imminence de l’orgasme…
    Ses gestes sont à la fois précipités, nerveux et gauches… ses mains changent d’appui sans cesse, elles s’agrippent tour à tour à mes fesses, à mes hanches, à mes épaules, ses doigts labourent ma peau… ses genoux s’agitent entre mes cuisses…
    J’ai l’impression qu’il fatigue, qu’il me pilonne machinalement… je ne sais même pas s’il prend son pied… je commence à réaliser qu’il va avoir du mal à arriver au bout…
    Lui aussi il doit s’en rendre compte… et je sens que ça l’énerve… ses assauts augmentent encore d’intensité… comme s’il essayait de venir le plus vite possible, mais à tout prix… ça ressemble à un acharnement, comme s’il s’entêtait à vouloir faire aussi bien que son pote, alors que le physique ne suit pas…
    Le mien non plus d’ailleurs… non seulement je ne prends plus aucun plaisir à me faire ainsi malmener, mais je sens une douleur monter dans mon entrejambe… des frissons désagréables se propagent sur ma peau, me donnant la chair de poule… mes poils se redressent, comme si un mauvais courant électrique se propageait partout à la surface de mon corps, juste avant d’irradier dans mon ventre…
    Je le savais que c’était le coup de trop… j’ai eu tort de me laisser faire… je ne vais pas pouvoir tenir longtemps… et je ne veux pas serrer les dents en attendant qu’il vienne…
    Souvenir d’une baise triste et douloureuse dans un chiotte du lycée un après-midi juste avant le bac… souvenir de m’être dit ce jour-là que plus jamais je le laisserai recommencer ça… me forcer à accepter son plaisir malgré ma souffrance physique… et la souffrance psychologique qu’elle entraîne…
    Non, plus jamais ça… et surtout pas en présence du bomécano…
    Une fois de plus, je capte le regard de Thibault… quelque chose me dit que si je ne m’impose pas, et très vite, il va surement intervenir…
    « Je peux plus… » je finis par lâcher sèchement, tout en avançant brusquement le bassin pour me dégager de sa queue.
    Dans la foulée, je me retourne et je m’assois le dos contre la tête du lit.
    Jérém est toujours en appui sur ses genoux, l’air ahuri… il mord son frein… j’ai l’impression que si Thibault n’était pas là, il me jetterait méchamment…
    « Tu t’es déjà trop fait baiser ? » il me crache à la figure sur le ton le plus méprisant que je ne lui ais jamais entendu proférer.
    « Arrête Jéjé… tu vois bien qu’il ne peut plus… » j’entends Thibault intervenir, une intonation ferme et réprobatrice dans sa voix.
    « Quoi ? » s’emporte Jérém, comme excédé par les mots de son pote… et il enchaîne, mauvais « tu viens de le baiser, non ? ».
    « On est là pour s’amuser tous ensemble… » j’entends le bomécano considérer calmement « alors il faut que tout le monde s’amuse, sinon ça ne marche pas… ».
    Les mots sont forts, bien choisis, irréfutables… ils remettent les pendules à l’heure sans reproches directs… le ton de sa voix est posé, chaud, et il en impose grave…
    Comment ne pas avoir envie d’aller dans son sens ?
    La tension est pourtant palpable dans le petit séjour… nos trois corps nus et fatigués se frôlent… les regards se croisent, s’entrechoquent… les yeux très bruns de Jérém fulminent…
    Je flaire le danger… Jérém sur les nerfs, frustré de ne pas pouvoir arriver au bout et certainement de ne pas arriver à égaliser le score avec son pote… ce même pote qui est en train de lui faire la morale vis-à-vis de son comportement à mon égard… je sens que ça pourrait vite exploser…
    Non, surtout pas ça… il ne faut pas que les deux potes se disputent… et surtout pas à cause de moi…
    Il faut absolument que je prenne les devants…
    Mais déjà le beau Thibault dégaine l’arme ultime… la plus redoutable… un regard bienveillant couplé à un petit sourire qui désarmerait un porte-avions nucléaire…
    Le bomécano a fait passer le message… et il sait que maintenant il est temps de désamorcer les tensions… je le vois porter une main sur le cou de Jérém… ce dernier semble accepter ce contact…
    Fort de ce premier petit succès, le bomécano se redresse à son tour sur ses genoux, s’approche de son pote, il l’attrape par l’épaule, et il l’attire à lui…
    « Viens là… » il lui lance, la voix désormais très douce…
    D’un geste prompt mais calme, léger comme la démarche d’un félin, Thibault se glisse derrière son pote… en une fraction de seconde, le torse velu se colle contre le dos à peau mate, l’avant-bras puissant se glisse sous l’aisselle finement poilue… la grosse paluche vient se poser à plat sur les pecs rasés de près…
    Visiblement surpris, Jérém a une réaction brusque, une tentative instinctive de se dégager de cette étreinte qu’il doit certainement trouver trop intime, certainement déplacée dans ce moment de tensions… une étreinte qu’il doit juger plutôt pas virile, d’autant plus que la queue du bomécano, que j’avais entrevue juste avant dans une forme respectable, doit se balader quelque part entre ses reins et ses fesses…
    Au premier regard, Jérém aurait l’air d’un fauve pris au piège… le jeune mâle récalcitrant semble tendre toute sa musculature dans la tentative de fuir ce contact…
    Pourtant, à regarder d’un peu plus près, cette tentative est loin d’être vraiment franche… car si vraiment il voulait se dégager… il n’aurait pas de difficulté à le faire… d’autant plus que Thibault saurait le sentir… et le laisser partir…
    Non, l’effort de Jérém pour se dégager de l’étreinte de son pote n’est pas très déterminé… comme si une partie de lui n’acceptait pas ce contact, trop pédé à ses yeux, un contact d’autant plus inapproprié qu’il vient de son meilleur pote… alors qu’une autre partie semble sensible au plaisir que ce même contact lui apporte…
    C’est l’histoire de la vie de Jérém… des envies… mais pas les couilles pour les assumer… et avec son Thib, pas plus qu’avec moi…
    Le bomécano ne chôme pas, il y va carrément franco… sans attendre, son autre main glisse dans l’entrejambe de son pote… son poignet commence à faire des va et vient…
    Et très vite le bobrun semble oublier que c’est son pote qui lui offre ce plaisir… il cesse toute résistance… il se laisse faire… il s’abandonne enfin à cette plaisante étreinte… et il semble vraiment prendre son pied…
    Ses paupières deviennent lourdes, sa pomme d’Adam se balade nerveusement au milieu de sa gorge… j’ai envie d’embrasser son petit grain de beauté dans le creux de son cou… j’ai envie de lécher ses tétons… j’ai envie de mordiller sa chaînette de mec…
    Le fauve Jérém est une fois de plus apprivoisé par le dompteur Thibault… et lorsqu’une bête est apprivoisée, le dompteur arrive à tout obtenir d’elle…
    Le buste de Thibault entame un mouvement vers l’arrière… le bassin bascule, ses fesses se posent sur le matelas, ses genoux remontent, ses jambes se déplient, s’écartent légèrement…
    Mon bobrun suit le mouvement et se retrouve également assis sur le matelas, toujours enserré dans les bras de son pote… sa queue toujours enserrée dans la main de son pote…
    C’est la même position dans laquelle, un peu plus tôt cette nuit, le bomécano m’a fait jouir… à un détail près… avec son pote, l’étape « pénétration pour offrir une jouissance plus intense » est évidemment zappée…
    La main de Thibault accélère ses va-et-vient… la respiration de Jérém se fait de plus en plus rapide… le bobrun semble en pleine extase…
    Je suis bien placé pour savoir ce qu’il ressent… on est si bien dans les bras du bomécano… et cette position, enveloppé par son torse velu et chaud, avec une main qui branle la queue et l’autre qui caresse le torse, c’est juste divin… son toucher est magique… le contact avec sa barbe douce dans le cou, bouleversant…
    N’est-ce pas, mon Jérém, que c’est bon de se retrouver dans les bras et dans les mains du bomécano ? N’y prends pas trop goût quand même, hein ?
    Le torse du bomécano se penche encore vers l’arrière… le buste de Jérém suit une fois de plus le mouvement… les deux potes se retrouvent ainsi en position demi allongée… les couilles de mon bobrun apparaissent alors bien en vue, rebondies, attirantes…
    Je ne peux pas résister à la tentation de me pencher vers son entrejambe et de poser mon nez sur ses bourses… d’humer le bouquet de petites odeurs qui s’y dégagent…
    Et lorsque le nez nage en plein bonheur, la langue réclame aussitôt son dû…
    Le contact avec cette peau fine et douce est délicieux, tout comme l’est la sensation de fermeté et de puissance dégagée par ses couilles… je me shoote avec les goûts et les odeurs de cette peau enfermant son petit jus brûlant de mec…
    Jérém frissonne de plaisir… très vite, un premier râle de plaisir s’échappe de sa bouche… à cet instant précis, la main du bomécano quitte sa queue… je comprends instantanément ses intentions… adorable Thibault, il me laisse prendre le relais…
    Et comme la jouissance de bogoss n’attend pas, je me jette furieusement sur son manche… je le pompe doucement, mais vigoureusement… je sens le jus monter, gonfler sa queue… c’est une fraction de seconde, juste avant que la première éjaculation n’explose violemment dans ma bouche…
    Ses éjaculations se suivent, toutes les une plus puissantes et copieuses que les autres… un bonheur infini de goûter et de garder en moi l’expression liquide de son plaisir de mec…
    Jérém vient de jouir, une fois encore… les scores sont à nouveau équilibrés… je me relevé de sa queue et je capte son regard… il a l’air plutôt épuisé… mais soulagé… et ce, dans tous les sens du mot… le mec a joui, et il n’est pas resté sur l’échec qui se profilait…
    Merci Thibault…
    Mais déjà le bobrun se relève, il avance le bassin vers le bord du matelas…
    Et alors que je m’attends à le voir se lever pour partir en terrasse, Jérém s’allonge, se cale sur le flanc, et il me tourne le dos… et, presque instantanément, il glisse dans les bras de Morphée…
    Je tombe de fatigue moi aussi… et au même temps j’ai très envie de le serrer contre moi… c’est idiot peut-être… j’ai toujours très envie de câliner mon Jérém, juste après l’avoir fait jouir… c’est viscéral… et à chaque fois c’est un déchirement de ne pas pouvoir me laisser aller à des effusions qu’il n’accepte pas…
    Alors, profitant de son épuisement et de son sommeil, je me laisse aller à mon envie de me blottir contre lui… je glisse mes bras sous ses aisselles… le bobrun remue un peu dans son sommeil, puis se calme… j’adore sentir son torse musclé dans mes bras… j’adore le serrer contre moi… sentir son torse enserré dans mes bras se soulever au rythme de ses inspirations et de ses expirations… c’est un bonheur inouï…
    Un bonheur qui devient carrément divin lorsque, un instant plus tard, Thibault vient coller à son tour son torse contre mon dos… je sens ses lèvres poser quelques bisous sur mon cou… j’ai envie de pleurer tellement cet instant en magique…
    Quelle sensation de fou que de me trouver là, coincé bien au chaud entre ces deux jeunes mâles repus… mes narines perdues entre les effluves de déo et de gel douche, le parfum exquis de leurs jouissances…
    Un deuxième souffle de garçon endormi ne tarde pas à se poser sur le silence de la nuit… la respiration calme de Thibault caressant mon cou, ma nuque…
    Sacré Thibault… inattendu et bouleversant, l’amour avec le bomécano… lorsque je repense à toute cette nuit, deux mots s’affichent dans mon esprit en très grandes lettres… ces mots sont… MERCI THIBAULT…
    Merci pour tous ces câlins… merci de tes attentions, merci de tous tes regards gentils pendant toute cette nuit de plaisir… merci d’avoir contrebalancé, par ta douceur, la dureté de Jérém… merci d’avoir su apprivoiser et adoucir ton pote… merci de m’avoir montré du respect, merci pour ce plaisir partagé… merci de m’avoir montré que j’existe en tant que personne et non seulement en tant que vide couilles… merci de t’intéresser à mon plaisir, à mon bien être…
    Et merci de me serrer dans tes bras… je me sens tellement bien dans tes bras, je suis carrément heureux…
    Secoué par tant de sensations nouvelles, je n’arrive pas à dormir... mais, au fond, qu’importe… la vérité c’est que je ne veux pas dormir… je veux rester éveille pour profiter de chaque instant de ce pur bonheur… je veux rester éveillé aussi pour partir avant que le matin ne vienne gâcher cette perfection… car je veux partir avant que les regards ne montrent la gêne, avant que les gestes traduisent le malaise, avant que les silences nous éloignent…
    Je ne sais pas dans quel état d’esprit va être Thibault au réveil, une fois l’effet du tarpé parti… mais je redoute par-dessus tout le réveil de Jérém… le matin c’est toujours difficile avec Jérém… comment va-t-il réagir en se réveillant à côté de son pote, ce pote qui l’a caressé, qui l’a branlé… ce pote qui s’est occupé de moi comme lui il ne l’a jamais fait ?
    Les yeux fermés, mon corps bien au chaud, je les écoute dormir…
    C’est si touchant un mec qui dort après l’amour… il a l’air si vulnérable, si doux… le jeune mâle débordant de puissance sexuelle pendant l’action, devient un choupinou adorable, un puits à câlins irrésistible… il inspirait un désir brûlant, il inspire désormais une tendresse infinie… il dégageait une virilité puissante… il semble désormais avoir besoin de câlins…
    Et lorsque on peut se blottir contre lui, c’est juste magique… et lorsqu’ils sont deux, c’est doublement touchant d’assister à cette métamorphose…
    Et qu’importe si ce besoin de tendresse vient après un joint, avec le sommeil, qu’importe s’il s’exprime inconsciemment… s’il est assumé pour l’un… et encore rejeté par l’autre… il se manifeste quand même, car il existe…
    Alors, je me refuse de dormir… je veux retenir la nuit… je vais surveiller le ciel à travers la porte fenêtre ouverte… je ne laisserai pas le matin débarquer… je veux que cet instant dure à tout jamais…
    Thibault serre encore un peu plus ses bras autour de moi… étreinte de garçon, chaleur de mec qui m’enveloppe comme la plus douce des couvertures… sa respiration est paisible… son sommeil semble si paisible…
    La respiration de mon Jérém semble plus agitée… son sommeil semble aussi plus agité que celui de son pote… il change de position… il se tourne vers moi…
    Son visage est désormais tout proche du mien, je sens son souffle sur mon visage, sur mes jeux… je perçois des relents d’alcool et de mec… son nez frôle mon nez, ses lèvres effleurent les miennes… je frissonne d’excitation… envie de lui voler un bisou…
    Mais déjà le bogoss recommence à remuer… nos bouches s’éloignent, son front se pose contre mon front… son bras gauche se lève et vient se poser sur mon flanc… il m’enlace, tout en enlaçant Thibault en même temps…
    Et dans ce bonheur absolu, je perds pied… une fois de plus je ne suis pas à hauteur de mon rôle de gardien de la nuit… une dernière inspiration de toutes ces bonnes odeurs tièdes de jeunes mecs et je m’endors…
    Lorsque je me réveille, le petit séjour baigne dans la lumière du matin… le battant de la porte fenêtre resté ouvert ramène l’air frais du matin et les premiers bruits d’une ville qui se réveille doucement : des voitures qui passent, un chien qui aboie au loin…
    A en juger d’après la lumière très vive, c’est encore assez tôt… je ne sais pas combien de temps j’ai dormi… pas très longtemps, certainement…
    Je suis toujours au chaud entre les deux bogoss… mais je me sens très fatigué et j’ai des courbatures partout… notamment à l’épaule qui supporte le poids de mon buste, et qui n’a pas changé de position depuis un moment…
    Eh, merde, je me suis endormi… je le savais que j’aurais dû partir de suite… pourquoi je ne l’ai pas fait ? Parce que j’étais naze, HS… et aussi car c’était tellement bon de rester…
    Bon, ok… mais maintenant, je vais devoir affronter leurs regards au réveil… ça va être facile, ça, tiens…
    Sauf si, par miracle, j’arrive à m’extraire de là et à partir avant qu’ils ne se réveillent…
    Je tends l’oreille… personne ne bouge encore… je capte leurs respirations régulières et paisibles… ils dorment encore profondément… ils en ont besoin, avec ce qu’ils ont donné cette nuit…
    Je n’ai pas envie de partir, mais il le faut… je crois que nous avons tous les trois besoin de ruminer ça chacun de notre côté, avant de nous retrouver plus tard… se retrouver nez à nez, là, à chaud, ça risque de faire bizarre…
    Mais comment m’extirper de là discrètement ? La position au milieu des deux potes, cette position qui était la plus confortable jusque-là, devient désormais la plus inconfortable pour se faire la malle…
    Jérém a encore changé de position pendant le sommeil… je me suis endormi front contre front, et à présent il me tourne à nouveau le dos…
    Je choisis d’y aller par petites touches… je remue une épaule… le bassin, doucement… un pied, un mollet… je tente de m’écarter de Jérém et/ou d’écarter Jérém de moi, tout en essayant de repousser le bomécano… opération délicate, en sachant que les bras de Thibault enserrent chaque côté de mon torse et que son corps musclé doit toujours être en équilibre précaire sur le bord du matelas… un faux mouvement, il tombe comme tout à l’heure… et en plus, alors qu’il est toujours endormi, il risque de mal tomber, de se faire mal…
    Je cherche un moyen pour dégager mon bras coincé sous le torse de Jérém… mais avant, je ne peux résister à la tentation de profiter de cette position pour poser un dernier bisou léger dans son cou, juste à hauteur de sa chaînette de mec…
    Qu’est-ce que j’ai envie de te couvrir de bisous, mon Jérém… qu’est-ce que j’adore me réveiller à côté de toi, mon adorable, insupportable bobrun… cette nuit, t’as encore joué les petits cons, mon Jérém… pourtant, je suis toujours aussi fou de toi… je ne sais pas où cette nuit va nous conduire… si seulement tu pouvais t’inspirer de l’attitude de ton pote… arriver à admettre à quel point l’amour entre garçon peut être beau, à la seule condition de l’accepter, de l’assumer…
    Allez, encore un bisou… m’enivrer un peu plus de ton odeur, de la douceur de ta peau… un autre bisou… un dernier… je ne peux pas m’arrêter… encore un… ta peau a vraiment un petit goût de reviens-y, comme des fraises Tagada… qu’est-ce qu’il est sexy ce brassard tatoué… trois bisous de plus… à chaque fois que je le regarde, ça enflamme mon désir…
    Arrête, Nico, tu vas finir par le réveiller…
    Et, en effet, à force de bisous, le bobrun se met à remuer… sa tête avance, le cou se plie, se tord dans un sens, dans l’autre… ce sont de mouvements rapides, nerveux, comme s’il voulait chasser une mouche qui s’y serait posée, comme tout à l’heure, lorsqu’il avait rejeté le câlin de son pote… je profite de ce petit remue-ménage pour retirer lentement mon bras…
    Son corps avance vers le bord du lit… il faut y aller, maintenant… je tente la manœuvre la plus dangereuse… celle de me retourner sur le ventre tout en m’extirpant des bras du bomécano… manœuvre très risquée, pourtant nécessaire pour pouvoir prendre appui sur mes bras et mes mains, préalable nécessaire pour espérer enjamber discrètement l’un de deux étalons et quitter le lit en catimini…
    J’essaie d’y aller tout en douceur… pourtant, très vite, les choses ne se passent pas comme prévu… le glissement entre ses bras pour me soustraire à son étreinte a dû être trop brusque…
    Bref… ma manœuvre est tout juste accomplie lorsque je sens un mouvement dans le dos… je n’ose même pas ouvrir les yeux… je mets tous mes sens en alerte pour tenter de savoir si le bomécano dort toujours ou s’il est réveillé…
    Pendant un bon petit moment, je retiens presque mon souffle… mes capteurs n’indiquent aucune activité remarquable du côté du bomécano … sismogramme plat…
    Rassuré, je commence à plier mes coudes pour prendre appui sur mes mains… c’est là que ça recommence à remuer du coté de Thibault… j’ai toujours les yeux fermés, mais je sens ses mouvements se propager à la surface du matelas… ses gestes sont lents, discrets, mais réguliers, précis…
    Je sens le jeune pompier s’écarter de moi et quitter le lit… j’entends ses pas s’éloigner… c’est à cet instant que j’ose enfin ouvrir les yeux…
    Juste à temps pour capter sa nudité musclée, pour admirer son torse en V, pour palper son cou puissant, pour parcourir ses épaules carrées, pour redécouvrir ce joli fessier de sportif qui gagne à être connu, pour s’extasier devant ses cuisses et ses mollets de rugbyman… ah, putain de sport de fou, ce rugby…
    Oui, mes yeux s’imprègnent de la beauté de sa plastique juste à temps avant qu’il ne disparaisse dans la salle de bain en renfermant la porte derrière lui…
    Le bruit bien connu d’un jet dru tombant dans la cuvette me parle du premier geste du matin d’un bogoss… les dernières gouttes tombent dans la cuvette… le bruit de la chasse… le bruit de l’eau qui tombe dans l’évier, longuement… le bomécano doit se débarbouiller…
    Un instant plus tard, la porte de la salle de bain s’ouvre à nouveau… et Thibault réapparaît dans sa nudité, côté pile…
    Je garde mes paupières ouvertes le strict nécessaire pour paraître toujours endormi, tour en matant le retour du puissant p’tit taureau…
    Le bogoss a l’air à côté de ses pompes… le radioréveil indique tout juste 8h06, alors qu’on a dû éteindre les ardeurs aux alentours de 6 heures… le manque de sommeil, l’excès de fumette ainsi que les efforts sexuels répétés… même le physique d’un jeune mâle robuste comme lui finit par accuser le coup…
    A la lumière du jour, la nudité du bomécano est magnifique… ce torse velu me fait toujours autant d’effet… envie de tout lécher, de caresser, d’exciter, de le sentir contre moi… et cette queue mi molle qui semblerait prête à repartir dans une belle trique du matin pour peu qu’on s’intéresserait à son cas…
    Ce n’est évidemment pas l’envie qui me manque… mais ce n’est plus le moment… cette nuit de folie est terminée, il va falloir se ressaisir, il va falloir partir, sans tarder…
    Tout ce que je peux faire c’est de profiter de ces derniers instants pour reluquer cette plastique parfaite, cette nudité ensorcelante… essayer d’imprimer dans ma rétine et ma mémoire l’image de cette œuvre d’art éphémère qu’est le physique d’un garçon dans la pleine force de sa jeunesse…
    Sa position me permet de voir à la fois son beau cul, que j’ai très envie de toucher et de lécher… ainsi que sa « demi molle » du matin… que j’ai très envie de toucher et de lécher…
    Le bogoss porte une main sur son service trois pièces, le cachant complètement à ma vue… ses doigts semblent remuer autour du paquet, comme si ça le démangeait… sa main ne s’attarde que pendant une poignée de secondes… pourtant, lorsqu’elle se retire, j’ai la surprise de voir que sa timide « demi molle » s’est soudainement métamorphosée en une prometteuse « demi dure »…
    Et alors que le bomécano attaque les opérations de rhabillage, son bel engin semble se rebeller face à son sort imminent, celui d’être renfermé dans une double prison de coton… ainsi, lorsque le tissu élastique du boxer vient se glisser dessus, sa « demi dure » a déjà évolué en une « bien ferme »…
    Torse de fou, boxer rebondi, élastique marquant le début de ce chemin de bonheur qui remonte vers ses abdos… un bogoss juste habillé de son boxer, c’est beau à en pleurer…
    Et alors que sa jolie queue disparaît de ma vue, une bosse conséquente éveille un désir inattendu… ce n’est pas dans l’ordre des choses de remballer les cadeaux… surtout de si beaux cadeaux…
    Quel dommage de gâcher ça…
    Le bomécano se penche pour ramasser ses autres vêtements… d’un geste rapide et bien rodé, un geste de bogoss, il passe son t-shirt… lorsque ses doigts ont terminé de l’ajuster sur son torse, le coton marron tombe parfaitement sur ses épaules, moule ses biceps bien ronds comme une seconde peau et l’inscription verte « Kaporal Jeans Co. » s’étale à hauteur de ses pecs…
    Moi je dis qu’un bogoss juste habillé de son boxer bien rempli et de son t-shirt qui semble coupé sur mesure, c’est beau à se taper la tête contre le mur…
    Le bomécano enfile son short… mais la bosse reste visible même derrière cette deuxième couche de coton… ses doigts ont quelque difficulté à boutonner la braguette…
    Rien de tel que le cliquetis d’une boucle de ceinture ou celui du cuir glissant sur le cuir pour raconter la fin d’une nuit de feu au lit… c’est souvent le moment le plus dur… le moment de se séparer… alors que le désir ravivé par le départ imminent déchire les tripes…
    C’est à la fois beau et triste, sexy et déchirant, bandant et émouvant de voir un mec avec qui on a partagé une nuit d’amour, se rhabiller au matin… c’est tout aussi touchant qu’il est excitant le voir se déshabiller, ou le déshabiller, dans le tourbillon de désirs brûlants…
    Je n’arrive toujours pas à croire que ça s’est vraiment passé… que j’ai couché avec ce beau et touchant pompier, en plus qu’avec mon bobrun…
    Le bogoss passe ses baskets… le voilà prêt à partir…
    Ainsi, Thibault choisit la même option que moi… partir avant le réveil de tout le monde… laisser un peu de temps à tout un chacun pour digérer ce qui vient de se passer, avant de se retrouver plus tard… ne pas tenter le diable en affrontant le malaise du matin, en laissant la gueule de bois du « morning after » tout gâcher…
    Je sais qu’il a raison de partir… pourtant, ces petits gestes du matin ont un côté définitif, sans appel, sans retour possible, qui me rend profondément triste… car ces gestes mettent le mot fin sur cette nuit…
    Je le regarde une dernière fois pour voler un dernier éclat de cette bogossitude aveuglante… la porte s’ouvre, le bogoss quitte l’appart… le battant se referme derrière lui…
    Enfin, presque… dans la foulée, il s’ouvre à nouveau… le bogoss revient… il se penche sur la table de chevet et il récupère sa montre… il l’agrafe à son poignet et il disparaît à nouveau en refermant définitivement la porte derrière lui, en prenant toutes les précautions pour faire le moins de bruit possible…
    Voilà. Thibault est parti. Jérém dort toujours. Je me dégage du lit le plus doucement possible pour ne pas le réveiller. Thibault a montré la voie. Et si c’est la bonne pour lui, ça ne peut l’être que pour moi aussi…
    Je me lève… je suis courbaturé de partout… j’attrape mes affaires, je m’isole dans la salle de bain… je me rhabille vite… j’ai vraiment besoin d’une douche mais je la prendrai à la maison…
    Merde… la maison… j’ai oublié d’envoyer un sms pour leur dire que je découchais… merde merde merde… je regarde mon portable, il a vibré à 6h42, je ne l’ai pas entendu… il est 8h19… j’envoie très vite un message « Tout va bien, je rentre »… je me chausse…
    Je suis prêt pour partir… je sors de la salle de bain…
    Dans son sommeil, Jérém est beau comme un dieu… il est allongé sur le dos, il occupe désormais une grande partie du lit laissé libre par les départs successifs… et voilà que le drap cache, tout autant qu’il dévoile, une magnifique trique du matin…
    Là encore, ce n’est certainement pas l’envie qui m’en manque… mais je ne referai pas la même erreur que la dernière fois, celle de le réveiller avec une bonne pipe pour me faire jeter juste après…
    Quoique… j’ai encore envie de sentir ce manche puissant remplir ma bouche… envie de sentir la chaleur et le goût de son jus sur ma langue, au fond de mon palais… une envie déchirante…
    J’hésite un long instant, ne pouvant pas me résoudre à passer à côté de cette luxuriante expression de sa puissance masculine…
    Je vais le faire… je dois le faire… enfin… la tête me dit que c’est une grosse connerie… mais l’envie, elle d’un autre avis…
    Descendre les draps, découvrir sa queue magnifique, raide, gonflée de sang… me faufiler entre ses cuisses… sentir l’odeur de son gland… et puis le sucer à pleine bouche…
    Sentir mon bobrun se réveiller petit à petit, étourdi par le plaisir… le sentir s’étirer, se contorsionner, prendre son pied dans cette dimension de grâce absolue à la jonction entre le sommeil et la veille…
    Et le faire jouir… goûter à son jus chaud du matin… une si belle façon de commencer la journée… avec une bonne gourmandise au petit déjeuner…
    Je rêve les yeux ouverts, sans savoir si je vais franchir le pas ou… pas…
    Je me décide enfin à partir vite, avant qu’il ne se réveille, avant que le désir l’emporte sur le bon sens…
    Je regarde une dernière fois avant de prendre la porte. Les yeux fermés, les abdos et les pecs ondulant au gré de sa respiration… sa bite pointe toujours vers son nombril… vraiment, on dirait un enfant qui dort… un « enfant » de 19 ans, sexy au possible par ailleurs…
    Putain de Jérém, si seulement tu étais capable de me prendre dans tes bras comme Thibault sait le faire… ça me ferait un bien fou, mon Jérém, mon petit con de Jérém, mon adorable Jérém… mon amour…
    Je descends quatre à quatre les escaliers de l’immeuble… je suis pressé de rentrer chez moi… je remonte la rue de la Colombette d’un pas soutenu…
    Je m’apprête à déboucher sans le boulevard Carnot mais je suis obligé de m’arrêter pour laisser passer des voitures… et là, derrière la vitrine d’un café au bout de la rue, j’aperçois le bomécano assis seul à une table en train de siroter un café…
    Je ne m’attendais pas de le voir là… je sens mon cœur s’emballer…
    Une partie de moi voudrait aller le voir, prendre un café en sa compagnie, sonder son humeur, tenter de retrouver la chaleur de son sourire, la douceur de sa voix, la bienveillance de ses mots… oui, une partie de moi s’inquiète et a besoin de savoir où en est notre relation après cette nuit…
    Pourtant, une autre partie de moi me dit que c’est carrément trop tôt, que l’envie d’être rassuré tout de suite peut compromettre les chances de mieux se retrouver plus tard…
    Et puis, je suis trop fatigué, tout aussi physiquement que moralement… et lorsque je suis dans cet état-là, mon esprit est privé de toute énergie, embrouillé et vulnérable… je sens que je serais incapable d’affronter son regard, d’aligner trois mots…
    De toute façon, il ne m’a pas vu… et je suis pressé de rentrer… alors, je trace direction le Grand Rond…
    En marchant, je n’ai de cesse de me demander à quoi le bomécano pense à cet instant précis, en buvant son café…
    Je vois mal Thibault considérer ce qui s’est passé cette nuit juste comme une « simple expérience »… il y a eu trop de partage, trop de tendresse, trop de câlins, trop de plaisir entre nous trois…
    Beaucoup de choses, en une seule nuit…
    L’initiation au sexe entre garçons, avec moi…
    Dans un plan à trois, de surcroît… pas mal pour démarrer…
    Encore mieux… un plan en présence de son meilleur pote… ce qui implique un aveu tacite et réciproque sur le fait que le sexe entre garçons se situe dans le champ des possibles de chacun…
    Un plan dans lequel il m’a « partagé » avec son Jéjé…
    Un plan dans lequel il a découvert et aimé le plaisir entre garçons… et ce plaisir, il faut maintenant l’assumer « à froid », l’accepter…
    Un plan dans lequel il a eu l’occasion de se rapprocher un peu plus de son coéquipier… sensuellement, et même sexuellement… bien sûr, ça s’est à chaque fois limité à un jeu de mains… un jeu auquel Jérém a fini par adhérer, mais, sans jamais prendre l’initiative… mais enfin… il s’est quand même passé quelque chose entre eux…
    Bien sûr, le bomécano avait pas mal fumé… mais au-delà de ça, je me dis que ses attitudes ont quand-même révélé des envies réelles… des envies sensuelles, mais aussi une profonde douceur… et un énorme besoin de tendresse…
    Difficile d’imaginer que cette nuit ne laisse pas de traces dans son esprit, qu’elle ne bouleverse pas sa vie d’une façon ou d’une autre… que ces moments de sensualité ne le marquent pas durablement…
    En parcourant les allées Verdier, je me dis que la dernière chose que je voudrais c’est que cet adorable garçon souffre pour une raison ou pour une autre…
    Mais en arrivant au Grand Rond, je finis par me dire que Thibault est un garçon équilibré et solide… que son mental est à l’instar de son physique… puissant et tout en souplesse… je me dis que si cette nuit il a accepté ce plan, il savait ce qu’il faisait…
    Je quitte le Boulingrin l’esprit rassuré, en me disant que oui, Thibault est un garçon solide, et que tout ira bien pour lui…
    Je ne tarderai pas à apprendre, lorsque peu de temps après les choses prendront une bien mauvaise pente, qu’il ne faut jamais ignorer que même les personnes en l’apparence les plus solides, ont des points faibles, ou du moins sensibles… et qu’une main qu’on a l’habitude de voir toujours tendue a parfois besoin de la présence rassurante de la nôtre…
    Depuis le début, j’étais conscient que cette nuit était une bêtise… pourtant, j’étais loin du compte… car cette nuit, ce ne sera pas uniquement la première et dernière fois où nous coucherions tous les trois ensemble… ce sera aussi la toute dernière fois que nous serions réunis tous les trois… et ce, pour un très très long moment…
    Cette nuit se révélera rapidement être une énorme, impardonnable et, surtout, très dangereuse erreur… le point de départ d’une cascade d’autres erreurs entraînant de gros dégâts… des dégâts peut être inévitables, certes, mais dont je me sentirai en grande partie responsable…
    Mais à cet instant, j’ignore encore tout cela… alors, quitte à me berner sur l’état d’esprit du bomécano, je me leurre également en me disant dis que s’il le faut, ce plan a également « réveillé » mon bobrun… et que notre relation va évoluer dans le bon sens après cette nuit…
    Je me sens apaisé lorsque je traverse le pont St Michel… au point de ne pas prêter attention au vent d’Autan qui s’est à nouveau levé et qui souffle, souffle, souffle…

    Chers lecteurs,
    Les versions audio de plusieurs épisodes sont disponibles sur le site chuchote-moi.fr.
    Merci aux lecteurs qui les ont achetés ou qui les achèteront.
    C'est un moyen de m'aider à financer le temps que je consacre à l'écriture.
    D'autre part, je comprends aussi que nombre de lecteurs préfèrent lire qu'écouter.
    Alors, je suis tenté de lancer un pavé dans la mare. En partant de quelques constats simples.
    Depuis de nombreux années, Internet habitue à la facilité d'accès et à la gratuité.
    De ce fait, on aurait presque tendance à ignorer le volume immense de travail que représente la production de contenus, l'écriture dans mon cas.
    Aujourd’hui, environ 10.000 lecteurs suivent chaque épisode de Jérém&Nico, alors que 7 personnes seulement (que je remercie infiniment au passage) participent au financement participatif sur tipeee.com.
    Ce que je vais exposer ici est un projet, rien n'est figé.
    La saison 1 de Jérém&Nico va bientôt se terminer et la saison 2 va démarrer à la rentrée.
    Qui serait prêt à continuer à suivre Jérém&Nico si ça devenait payant, style 1 euro par épisode ou via un abonnement mensuel de 3-4 euros ?
    Ou alors, quel serait à votre sens la juste contribution ou le bon moyen pour permettre de pérenniser cette aventure littéraire ?
    Merci pour le temps que vois consacrerez à vos réponses, en commentaire ici même ou en message privé sur mon mail : fabien75fabien@yahoo.fr .
    Je suis preneur de toute suggestion (mis à part la pub sur le site, piste déjà évoquée par plusieurs lecteurs, mais qui a un potentiel très très très limité, de l’ordre de moins de 5 euros par mois).
    Bien à vous,
    Fabien

     


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  • Première version

     

    J’ai toujours en tête le souvenir de la première fois où j’ai atterri sur la 5th Avenue en émergeant du métro… c'était le 17 septembre 2015... « Ray of light » à fond dans mes écouteurs et tout ce monde autour de moi qui s’agite à 1000 à l’heure, exactement comme dans le clip…

    Je reste immobile à côté de la sortie de métro pendant un moment, comme pour m’imprégner de cette folle dynamique… envie de profiter de l'instant, de toute cette énergie, de toute cette animation… envie de déployer mes ailes, envie de tout faire, de tout vivre, de tout être… « I love New York »…

    Puis un garçon passe, et un autre, et un autre encore... et je reviens à moi… Toulouse, Paris, New York… autant de jeunes mâles, beaux, sexy, ou simplement touchants, autant de gifles visuelles ou olfactives, des bogoss dont la vie me restera à jamais inconnue…

    La porte s’ouvre et je suis reçu par toi, Betty... tu es polie mais pas vraiment souriante... le séjour est exactement comme sur les photos d'AirBnB, longé par cette grande baie vitrée ouverte sur les gratte-ciels de la grande pomme...

    Tu m’accompagnes à ma chambre... tout est parfait... juste un truc, Betty, il est où le petit branleur sexy qui était sur la petite photo avec toi et qui a été tout aussi déterminant dans ma réservation que la vue offerte par tes baies vitrées ?

    Je reviens dans le séjour et le voilà, le petit con... 22-23 ans max... torse nu, une silhouette élancée mais toute en muscles... une peau de bébé sur un corps d’athlète… une longue chaînette de mec qui glisse entre tes pectoraux sculptés et descend jusqu’à ton sternum… des abdos dessinés à l’équerre… un short gris style molletonné laissant dépasser un pli de l'aine saillant et une jolie petite bosse... une gueule aux traits parfaits, d’ange sexy en diable, avec un tour de barbe d'une semaine...

    Beau par nature, sexy par acharnement... ça ne s'expliquerait pas autrement cette putain de casquette deux tailles trop petite vissée à l'envers et très haut sur la tête, dégageant tes cheveux châtains clairs coupés très courts tout autour... ça te donne une allure de figurine Playmobil en version sexy...

    Et puis il y a ce parfum de mec à l’essence poivrée, entêtante qui me rends dingue en m’approchant de toi... tu pues le sexe à 100 mètres à la ronde, mec... ton regard, ton physique insolent, pure provocation, une décharge électrique... ça prend aux tripes... l'envie que tu inspires est violente... envie de te gifler, mais envie de te faire jouir…

     « Hi… » je te salue, beau newyorkais...

    « Salut… » tu me réponds.

    « My boyfriend est français, juste like you... this is Damien… » précise Betty.

    Ah, oui, Damien... enchanté…

    Betty m'explique qu'elle va devoir s'absenter mais que Damien va s'occuper de moi... voilà ce qu'on appelle une bonne nouvelle...

    Betty partie, je m'installe dans un fauteuil face à la baie vitrée, face à cet incroyable paysage de béton, d’acier et de verre... mais il est un autre paysage qui s’impose à mes yeux…

    Tu t’installes sur le canapé, juste en face de moi… tu zappes, on discute un peu... de tout, de rien, de ton parcours de Lille à New York...

    Tu parles et tes vingt ans m'éblouissent... tes oreilles me rendent dingue... je suis hypnotisé par tes tétons… tu parles et je me demande ce que ça doit faire de s’occuper d’un mec comme toi… comment tu te comportes au lit… ce que tu aimes... ce que tu aimerais... putain de ptit con….

    Tu as une voix assez douce, une voix où se mélangent des vibrations viriles et des intonations transpirant un je-ne-sais-quoi d'enfantin... une sensation d’autant plus forte que, par moments, tes mots semblent laisser transparaître une certaine naïveté, tes attitudes une forme de timidité et de fragilité… comme si tu n’étais pas aussi sûr de toi que tu le prétends en exhibant avec assurance ton corps de ouf...

    Ton zapping prend fin et notre conversation aussi… te voilà sur le canapé en train de mater la téloche... le bassin en avant, les jambes légèrement écartées, la bosse qui se dessine encore plus nettement... l'élastique Freegun qui dépasse... un bras levé, le coude plié, la main entre la tête et le dossier, les muscles du torse côté droit se gonflent... ton aisselle légèrement poilue se dévoile… putain de regard intense, à tomber, que tu destines à une émission à la con… et ce parfum... je vais finir à l'asile...

    Putain… il faut absolument que mon grand pote lyonnais voit « ça »... je me lance dans le reportage photo « Tranche-de-vie-de-bogoss », opération délicate… j’ai beau y mettre toute ma discrétion... ton regard fixe et hostile se fige dans l'écran de l'appareil photo...

    Et mon sang se fige aussi alors que je t’entends me lancer sèchement :

    « Tu fais quoi là, mec ? ».

    Je me suis fait gauler, autant jouer cartes sur table… il ne va quand même pas te péter la gueule... souviens-toi, Nico, tu as pour toi l’arme ultime… le commentaire Internet...

    « Je te prends en photo… » j’admets.

    « Pourquoi ça ? ».

    « Parce que t'es canon, mec… ».

    « Espèce de pd, va… ».

    Hummmmmm, le côté macho qui ressort d’emblée, menaçant, dangereux peut-être mais furieusement excitant…

    « Oui, je suis pd... et les mecs comme toi ça me fait craquer... ».

    « Rien à foutre… moi je n'aime que les nanas… ».

    « Oui, j'en suis sûr... c'est bien pour ça que tu me fais grave envie… ».

    Au point où j'en suis, je décide d'y aller cash.

    « Mais moi je pourrais peut-être te faire des choses que les nanas ne font pas… ».

    « Ça va aller… » tu balances, entre moquerie et agacement.

    « T'as tort... tu pourrais kiffer... ».

    J'essaie de montrer de l'assurance, mais cette petite confrontation m'a bien secoué... j'en tremble...

    « Du style ? » je t'entends lancer alors que j'amorce le mouvement pour me lever du fauteuil et aller me calmer dans ma chambre. Ta question me donne un avantage inattendu.

    « Une vraie pipe, pour commencer... ».

    « Tu avales ? ».

    Petit branleur à la jeunesse insolente, effrontée… tête à claques... petit mec à faire jouir d'urgence… je te jure…

    « Alors, tu viens sucer ? » je t’entends t’impatienter, ta main déjà sous l’élastique du boxer…

    Mon nez se pose sur ta bosse proéminente… l’odeur de ta teub se dégage du coton gris… je tire un bout de la cordelette nouée du short… tu lèves ton bassin, je dévoile ta nudité, cette queue bien tendue au pelage châtain clair…

    Tu me regardes accroupi entre tes jambes et tu aimes ça… tu gardes ta casquette sur la tête pendant que je te suce et j’aime ça, petit branleur… complémentarité parfaite de nos envies...

    Je te suce et tu ne fais que profiter des talents de ma langue et de mes lèvres... le plaisir s’affiche sur ton visage… tu lèves la tête vers le ciel, ta bouche s’ouvre à la recherche d’air...

    Ma main te branle et ma langue fait des « 8 » bien appuyés sur tes couilles, t’as l’air d’apprécier… petit à petit, je descends encore… tu me laisses faire… tu te laisses faire…

    Du moins jusqu’à ce que ma langue ne semble commettre l’irréparable… effleurer l'entrée de ta raie… tes mains se posent alors violemment sur mes épaules… elles me retiennent fermement… t’as peur de quoi ? De ne pas aimer ? Ou, au contraire, de trop aimer ?

    Tu dois goûter à ça, mec, et tu dois y goûter aujourd’hui, et ça doit être grâce à ma langue... je force comme un malade avec mon buste et, malgré ta résistance, j'arrive enfin à caresser ton entrejambe avec le bout humide de ma langue... et là… presque instantanément, l’opposition de tes bras disparaît…

    Ma langue revient à la charge… je te sens te lâcher, respirer très fort… des spasmes de plaisir parcourent ton beau corps… tu aimes ça, n’est-ce pas ? Jamais on ne t’avait fait ça, avant cet après-midi… Tu ne t’y attendais pas que ce soit aussi bon, n’est-ce pas ? Et certainement pas avec un mec…

    Tes deux mains passées presque d'un seul geste de mes épaules à ma tête, tes bras exercent une pression de plus en plus forte, violente, animale pour que mon visage et ma langue s'enfoncent encore plus profondément en toi... tu y vas tellement fort que j'ai du mal à respirer…

    Bien sûr que tu aimes ça, ptit con…Et il y a chez toi la volonté puissante d’imposer ton propre plaisir, ce geste autoritaire te donne l’impression que c’est toi qui décides, que c’est toi le mec, toi le chef…Mais c’est ça qui est bon... laisse-le faire Nico, laisse-le montrer qu’il est le mâle…

    Pourtant ton geste me chauffe à bloc… je n'ai plus qu'une envie… celle de te faire jouir du cul, mec...

    Tu commences à te branler… est-ce que le pd a réussi à te faire sortir de tes gonds ?

    Et tu jouis, mec… je le sens à ton râle contenu mais puissant, à la vibration que secoue ton corps tout entier et plus particulièrement à l’endroit où ma langue te régalait…

    Ton jus est partout sur ton corps… je polis ton gland, tu m’offres tes doigts gluants de ton jus brûlant… ton jus a un goût fort et doux à la fois, tout comme ton regard, ta voix, ton attitude... c’est vraiment du jus de petit con…

    Enivré de ton odeur, de ton goût, je lèche la peau douce, tiède, parfaite de tes abdos… je remonte vers tes pectoraux, je m’attarde autour de tes tétons… et je remonte jusqu'à la base du cou, là où le plus puissant de tes jets s’est échoué...

    Tu pars fumer à une fenêtre... appuyé sur le rebord, fixant l’extérieur, tu me fais penser à un autre gars, à une autre cigarette, à un autre rebord, un parapet de terrasse… une terrasse si lointaine dans l'espace et dans le temps... lui aussi, lorsqu'il avait joui, il avait besoin d'une cigarette...

    Ta cigarette ne dure pas longtemps… et lorsque tu te retournes, je vois dans ton regard que tu n'en a pas eu assez… je vois à ta queue que tu n’en as pas eu assez...

    Et le désir efface provisoirement la nostalgie…

    Dans ma chambre, je n’ai pas le temps d’ôter mon t-shirt… tes mains m'attrapent, je me retrouve allongé sur le ventre… dans la porte glacée du placard, je te vois grimper sur le lit… tu vas prendre ce qui t’appartiens… je vais sentir passer sur moi ce rut que j’ai provoqué en toi…

    Te sentir coulisser entre mes fesses, te regarder dans la glace en train de prendre ton pied, voir dans le miroir et sentir sur mon dos le contact léger de ta chaînette ondulant au gré de ta baise… savoir que tu ne vas pas me lâcher tant que tu ne te seras pas déchargé en moi… plaisir absolu d’être à toi, petit branleur sexy…

    Et en même temps… souvenir d’un autre miroir, d’une autre position, d’une autre situation, d’une autre chaînette, plus courte, plus épaisse, mais tout aussi sexy…

    J’entends à nouveau ton râle de mec en train de se vider les couilles… tes paupières retombent, tes traits se figent, l'orgasme déborde sur ta jolie petite gueule…

    Et l’excitation m’arrache provisoirement à la mélancholie…

     

    Il n'est que minuit lorsque le concert au Madison prend fin, trop tôt, avec le monumental « Holiday »... la nuit new-yorkaise semble si pleine de promesses... Times Square est illuminé comme en plein jour… une fois de plus je suis comme étourdi par toutes ces vies qui se croisent, s'effleurent sans se rencontrer... par toute cette énergie qui semble remonter à moi par le sol… comme si j’étais connecté avec tout ce qui est vivant… je suis à New York et j’ai l’impression que tout est tellement possible… y compris soigner les plaies du passé, recommencer à vivre…

    Je marche pendant une heure environ, sans arriver à me décider dans quel bar traîner ma solitude… « Where's the party ? »... New York City !

    Une force irrépressible, violente m’attire vers l'appartement...

    Au fond de moi, je n’attends rien de plus… je n'arrive même pas à croire à ce qui est arrivé… je te jure, Nico… ce culot, avec un inconnu... et pire encore... sans capote, avec un inconnu… t'as quand même 32 ans, Nico... c'est animal comme réaction à la testostérone…

    C’est con de rentrer si tôt… je suis à New York pour une nuit et je vais finir seul à me branler dans mon lit… mais mes jambes n'en font qu'à leurs muscles...

     

    L'appartement est plongé dans la pénombre, la grande baie vitrée laissant filtrer les lumières de toute une ville qui ne dort jamais…

    La porte de ta chambre est entrebâillée… la lumière bleutée d’une télé s’agite jusque dans le couloir… tu es allongé sur le lit, seul... toujours torse nu… les yeux et les doigts rivés sur ton portable… image fugace mais dense de désir…

    Je n'ose pas te signaler ma présence, mon désir de fou…

    Je me couche… je me branle pour me calmer de te savoir à quelques mètres de moi et de ne plus rien pouvoir espérer de toi, je me branle pour me guérir de ta sexytude qui rayonne partout dans cette maison sur la fréquence olfactive de ton parfum de mec…

    Et alors que je suis sur le point de jouir, tu viens... dans le noir de ma chambre je ne te vois pas bien… mais mes narines te sentent… mes sens perçoivent l’odeur du désir que j’ai éveillé en toi… toi qui n’aime(ai)s que les nanas… et qui désormais viens chercher ton plaisir auprès de moi…

    Tu te tiens à côté du lit… je viens te sucer en m'orientant dans le noir avec la chaleur de ton corps, avec l’odeur de ta teub… à la vibration de ton désir...

    En suçant ta queue, je suce tout ce qui me fait craquer en toi… tes abdos, tes pectoraux saillants, ta petite gueule de branleur… ton deo, ton goût de mec… le bruit de ta respiration excitée…

    Je te suce comme un fou, je te suce pour te faire jouir comme un malade, je te suce pour te faire jouir dans ma bouche…

    Mais toi t'as d'autres projets... tu t'allonges sur le lit, à plat ventre… je sais ce que tu veux… tu veux que ma langue vienne à nouveau te faire plaisir à cet endroit que tu voulais lui interdire encore quelques heures plus tôt…

    Je m’exécute avec bonheur, je m’exécute pour te faire plaisir, pour me faire plaisir…

    Je m’exécute jusqu’à ce que ton bassin se relève soudainement, jusqu'à ce que ton entrejambe se colle contre ma queue raide... j'y crois pas…

    Pourtant… ton bassin recule encore… le mien se raidit un peu… et ma queue glisse en toi tout naturellement... tu veux que je te cartonne comme toi tu m'as cartonné tout à l'heure... je suis tellement excité que j’ai du mal à me maîtriser…

    « Je vais venir… » je te lance alors que mon premier jet est déjà en toi…

    Rien dans ton attitude ne semble s’opposer au fait qu'un peu de moi s’en aille en toi…

    Je n’ai pas le temps d’atterrir de mon orgasme que déjà tes mains me retournent… tu t'enfonces en moi, tu me baises comme une animal en rut, rageusement… tu as envie de te vider les couilles comme jamais encore je ne l’ai senti chez toi… tes couilles frappent lourdement mon entrejambe... cette dernière saillie ne dure pas longtemps… après cette incursion de l’autre coté du plaisir, tu ne tardes pas à retrouver l’apothéose de ta jouissance de mec…

     

    Le lendemain matin, 9h30. Dans le séjour, baignant dans la lumière du soleil et dans l’immensité de la ville, rien ni personne ne bouge encore… c’est peut être bien ainsi… c’est l’heure, je me dirige vers l’entrée…

    C’est là que j’entends la serrure tourner … et toi, petit con, tu es là, devant moi, ta sempiternelle casquette à l'envers vissée très haut sur la tête... un t-shirt blanc qui te va comme un gant, une échancrure vertigineuse… et trois paquets de cigarettes dans une main…

    Dans tes yeux, cette étincelle lubrique que tu n’avais pas il y a 24 heures en me regardant… ta main libre caresse déjà ta queue au travers du short… sacré petit allumeur...

    Tes épaules appuyées contre la porte d’entrée, le bassin en avant, les jambes légèrement écartées… je suis à nouveau à genoux devant toi, je baisse ton short et je te taille une dernière, intense, longue, mémorable pipe…

    Lorsque je te suce, il n’y a plus d’avion, il n’y a plus de vie qui m’attends à Toulouse… mon seul but est de te faire jouir et de t’avaler encore…

    Tes mains retiennent très fort ma tête, tu me cartonnes la bouche, ta queue m’étouffe… quel plaisir de contribuer à faire de toi un vrai petit mec fier de ta queue… quel bonheur de sentir en toi ce nouveau feu que j’ai allumé de ma main, de ma bouche, de mes fesses, de ma queue…

    Un hétéro n’est jamais qu’un mec dont la sexualité manque de connaissances…

    « Putaaaaaaaaain… je viens... avale mon jus... salope... » ce sera ton dernier cadeau pour moi.

    Considère que c’est fait, Damien, considère que c’est fait…

    La puissance de tes jets chauds et épais, ainsi que ton goût, à la fois fort et doux… c’est le dernier souvenir que je garderai de toi, en marchant dans la 5th avenue, direction métro-JFK-CDG-Blagnac, tout en savourant une dernière fois la grisante sensation d’être carrément « Into the groove »…

    Oui, « I love new York »… j’aime ton énergie, ton immensité… et je t’aime aussi car tu m'as rappelé que, où que j’aille, qui que je suce, once upon a time, il y avait une histoire qui s'appelait Jérém et Nico...


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