• 46.4 Fin de soirée en bonne compagnie

     

     

    « Lâche-moi un peu les baskets, tu veux bien ? ».

    Saligaud !, j’ai envie de lui crier… saligaud !... je la voyais venir celle-là… t’es venu ici pour te taper d’autres gars, c’est ça ? Tu veux voir comment des mecs vont tomber comme des mouches devant ta virilité ? Tu veux me faire payer ma petite rébellion de toute à l’heure, c’est ça ?

    Je sens la terre se dérober sous mes pieds… puisque tout est perdu, alors c’est décidé, je balance mes dernières cartouches… j’y vais… j’avance mon buste et je l’embrasse, je pose mes lèvres sur les siennes… c’est viscéral, je ne peux pas m’en empêcher… non, je ne peux pas m’empêcher de lui montrer dans ce lieu de baise dans lequel il veut que je le laisse seul, de lui montrer que je l’aime, de lui montrer à quel point je l’aime…

    Pris par surprise, il lui faut une petite seconde pour réagir… mais lorsque la réaction vient, elle se fait sentir : ses mains attrapent mes mains, les décrochent de sa nuque, les balancent loin avec un geste énervé et violent, et repartent aussitôt mettre un grand coup sur mes épaules, un coup tellement puissant que je manque de peu de me vautrer par terre…

    Je me rattrape de justesse en posant une main sur le mur, à quelques centimètres de la porte de la salle de projection… inutile de préciser que mon baiser a été interrompu brutalement…

    Je n’ai que le temps de capter son regard noir plein de colère… il fait demi tour, sans un mot et s’enfonce dans la pénombre encore plus sombre de ce deuxième couloir…

     

    « Lâche-moi un peu les baskets, tu veux bien ? ».

    Quoi faire maintenant ? Je n’aurais jamais du lui dire que j’avais couché avec Stéphane… je n’aurais pas du lui parler comme je lui ai parlé dans la voiture, le provoquer autant… je savais qu’en le bousculant de la sorte, j’allais lui donner le prétexte pour me préparer un sale coup… voilà sa vengeance… c’est donc de cette façon qu’il va me faire payer mon effronterie… c’est donc cela que présageait son silence lourd comme un âne mort…

    Putain, Nico… depuis le temps tu devrais savoir que lorsque tu essaies d’atteindre le beau brun, ça se retourne toujours contre toi… et là t’as tout gagné… cette nuit Jérém va se faire sucer sous ton nez… il va même peut être sauter un gars… et le pire c’est qu’il va y prendre goût… et le On Off n’est qu’à quelques minutes à pieds de chez lui… même pas besoin de prendre la voiture pour trouver quelqu’un prêt à le faire jouir à presque n’importe quelle heure…

    J’ai envie de partir, de me tirer de là, de cet endroit qui m’étouffe, de me casser avant de voir mon beau brun faire profiter quelqu’un d’autre de son magnifique engin, chose qui ne saurait pas tarder…

    Et puis, non… je resterai, tiens… putain… non, je ne peux pas partir… je ne coucherai pas avec lui cette nuit, et probablement plus jamais, alors je m’en fiche… je décide de le suivre discrètement… c’est con, je sais, car je m’enfonce… je me prépare certainement à assister à des choses qui vont me faire encore plus mal que je ne l’ai déjà… mais je ne peux me décider à faire demi tour…

    J’avance à mon tour dans le deuxième couloir et je retrouve mon con de beau brun en train de fumer dans un coin de passage où ça défile pas mal…

    Je m’arrête à bonne distance, dissimulé derrière un poteau, dans la pénombre bien épaisse… il ne risque pas de me repérer, mais moi je peux bien l’observer.

    De nombreux mecs défilent devant mon beau brun sans s’arrêter, peut-être en partie à cause du fait qu’il a l’air de ne s’intéresser qu’à sa clope… peut être qu’ils n’osent tout simplement pas… comment oser aborder un canon pareil, qui en plus se la joue à fond « mec dans sa bulle » ?

    Oui, de nombreux mecs passent devant lui sans s’arrêter… tous le regardent, bien évidemment… certains discrètement, osant à peine poser leur regard sur sa plastique de rêve… d’autres le toisent de façon plus appuyée… d’autres encore le détaillent de fond en comble…

    Cependant, personne ne s’arrête… je finis par me dire que le fait d’être aussi canon peut provoquer l’effet inverse à celui auquel on s’attendrait… ma naïveté était à l’époque une denrée illimitée…

    Oui, les mecs défilent pendant un moment sans oser l’aborder… et puis, à un moment, parmi eux, il y en a un qui ose. Qui ose s’arrêter. Qui ose être très beau mec avec des cheveux châtains bouclés. Qui ose un T-shirt Airness de couleur verte moulant un torse plutôt sympa. Qui ose un physique vraiment pas mal du tout. Qui ose un sourire très charmant. Qui ose s’installer contre le mur à coté de lui. Qui ose sortir une clope. Et qui ose NE PAS AVOIR UN PUTAIN DE BRIQUET POUR L’ALLUMER !!!!!!!

    Il y a de fois où je regrette de pas avoir en permanence un fusil à visée laser sur moi…

    Voilà. Le coup du briquet. Ca doit être beaucoup plus facile d’aborder quand on fume. Allumer un mec en se faisant allumer une cigarette. Le mec sort sa clope, la montre à Jérém en l’agitant en l’air et en souriant… et voilà que mon beau brun sort son briquet pour dépanner… c’est même pas la première fois de la soirée que mon beau brun se dévoue ainsi…

    La suite coule de source. Le gars parle à mon beau brun. Ce dernier se laisse aborder. Le gars continue à lui parler à l’oreille… Jérém sourit… il se laisse draguer. Il lui aura suffi d’à peine cinq minutes. Il va baiser, c’est sur. Connard ! L'imaginer en train de sauter un autre garçon m’est insupportable…

    Pas difficile d’imaginer la boule brûlante de jalousie et de colère que je sens monter dans mon ventre…

    Quand je pense aux paroles de la chanson qui vient de passer…

    U got to not talk dirty baby/Tu n'as pas à dire (ou à faire, mon Jérém) des cochonneries baby
    If U wanna impress me/Si tu veux m'impressionner
    U can't be 2 flirty, mama/Tu ne dois pas être trop dragueur chéri
    I know how to undress me/Je sais comment me déshabiller
    I want 2 be your fantasy/Je veux être ta fantaisie
    Maybe u could be mine/Peut-être que tu pourrais être à moi
    U just leave it all to me/Tu dois juste me laisser faire
    We could have a good time/Nous pourrions passer un bon moment

    Oui, mon con de beau brun est en train de se faire draguer par le mec châtain bouclé au t-shirt vert.

    Et puis, surgi de la pénombre, voilà un autre mec se pointer, mater, ralentir… il doit déjà se voir dans un plan à trois avec mon beau brun et le mec bouclé… il avance en direction d’eux, mais son avancée est stoppé nette par un simple regard de mon Jérém, un regard puissamment hostile… un regard qui a de quoi refroidir le gars, qui finit par se résoudre à passer son chemin… un instant plus tard il passe à coté de moi sans s’apercevoir de ma présence… allez, dégage…

    Les secondes passent… entre Jérém et le bouclé il semble se passer un truc… ça fume, ça se parle dans l’oreille, ça s’échange des regards… une minute plus tard, un nouveau gars sort de la pénombre… il se dirige droit vers le bouclé, accueilli par un grand sourire de ce dernier… ils on l’air de se connaître… je devine que le bouclé présente mon Jérém au nouvel arrivant… les deux potes discutent un moment entre eux, ensuite le bouclé approche ses lèvres de l’oreille de Jérém pour lui chuchoter « quelque chose » qui a le pouvoir de lui décrocher un de ces sourires sexy et coquins que je lui connais si bien… 

    Et voilà le pompon… avec un léger mouvement de la tête, Jérém semble acquiescer à ce « quelque chose »… putain… ils lui ont carrément proposé un plan à trois… et il est partant… je suis catastrophé…

    Je ne peux pas tolérer ça plus longtemps… là je sors de mes gonds… et, de ce fait, également de ma cachette… j’avance un peu… un regard en biais de mon beau brun me donne la certitude qu’il m’a vu…

    Un instant plus tard je le vois décoller le dos du mur… les mecs en font de même… ils avancent vers un troisième couloir parallèle au premier… en partant ainsi accompagné, Jérém ne se prive pas pour me balancer un dernier regard, provocateur, narquois…  

    Connard ! Je suis dépité… il ose me faire ça, se faire un plan direct avec deux mecs après avoir cassé mon plan avec Martin, et en plus il se fout ouvertement de ma gueule… connard, voilà un euphémisme ! 

    Je le regarde disparaître dans la pénombre, dans un nouveau méandre de ce labyrinthe dans lequel j’étouffe… les secondes passent, des gars me passent à coté sans me regarder… je crois que je suis en train de me liquéfier sur place… je ne dois pas être frais à voir…

    Les secondes deviennent minutes, je suis pétrifié, interloqué… je n’arrive pas à bouger, à donner l’ordre à mes jambes de partir de là… à l’heure qu’il est, Jérém et son duo de pd sont peut-être déjà dans une cabine, la porte coulissante tirée derrière leur intimité…

    Inutile de lutter, inutile de me faire du mal… non, je ne pourrai pas empêcher Jérém de coucher avec ces deux gars… voilà, c’est fini… c’est là que je perds Jérémie… plus de signal… hors de portée… tout ça pour en arriver là… perdre mon Jérém de cette façon… au fond du couloir sombre d’une backroom… la pire des façons… j’ai envie de pleurer… pourquoi ?… comment est-ce qu’on en est arrivé là ?

    Oui, j’étouffe, vite il me faut de l’air, il faut que je sorte de là…

    En remontant à rebours les couloirs sombres en direction de la salle principale, je me dis que je suis vraiment con… je savais que j’aurais du rentrer chez moi une fois descendu de la 205… je la sentais mal cette fin de soirée… je savais que j’avais été trop loin avec Jérém… 

    En plus, le vent d’autan était là pour me prévenir… il soufflait sur le Canal en sens inverse à notre marche, c’était un signe… il aurait suffi de l’écouter… parfois il faut savoir prêter attention aux signes… le vent d’autan m’annonçait que cette nuit là j’allais encore être confronté à une nouvelle humiliation… il me repoussait pour m’éviter ça… 

    J’avance lentement vers la sortie, les jambes lourdes, les pieds traînants… je me sens super malheureux… je pensais que samedi dernier, en partant avec Thibault et les deux pouffes, il m’avait fait le pire coup qui soit… mais là, le voir partir avec deux mecs, partir baiser dans cet endroit glauque et sinistre… je crois que c’est pire que tout… comme s’il avait besoin de ça pour tirer son coup… je suis déçu… je sais que Jérém n’est pas un sentimental… mais de là à l’imaginer baiser vite fait avec deux inconnus dans une cabine minuscule et sombre… j’ai la sensation qu’à mes yeux Jérém va être sali par ce lieu, par cette rencontre, par ce sexe rapide et anonyme… que mon regard sur lui va changer… je suis vraiment, vraiment déçu… je sais que c’est fini… je sens que quelque chose en moi vient de casser… je pense que même si un jour il voulait remettre ça, je crois que je ne pourrais plus coucher avec lui après ça… j’en ai mal au ventre… j’ai presque envie de gerber… quand je pense à quel point on serait mieux dans son lit… pourquoi il gâche tout ce con ? 

    Je suis tout pris dans mes réflexions lorsque je remarque un peu plus loin devant moi un mec posté dans un encadrement à coté d’une porte coulissante ouverte. Il me mate sans retenue. Je vais devoir passer à coté de lui dans le couloir étroit, et je ne me sens pas vraiment à l’aise… mon cœur tape très fort dans la poitrine, j’en ai des sueurs… c’est con… j’ai juste peur de me faire brancher…  

    Un pas de plus et son regard s’ouvre dans un sourire davantage sexuel que sensuel… un pas encore et j’arrive à mieux le détailler… un brun, un petit brun, un peu plus petit que moi, pas super beau mais pas moche en plus… un autre brun, un autre t-shirt blanc… certes, moins divinement rempli que celui de mon Jérém, mais son physique a quelque chose d’attirant quand même…  

    J’avance doucement et lorsque j’arrive à environ deux pas de lui, je le vois me lancer un petit signe de la tête, très claire invitation à le rejoindre dans le petit espace sombre… soudainement je ressens une furieuse envie de sexe, de baise… et mon malaise semble disparaître… je sens l’excitation d’un plaisir certain et immédiat s’emparer de chaque fibre de mon corps… oui, alors qu’un instant plus tôt je voulais tous simplement fuir ce lieu, d’un coup je ressens une puissante envie de m’étourdir de sexe… 

    Oui, là où d’autres noieraient leur chagrin dans un verre ou il le crameraient avec un pétard… putain… moi j’ai envie de baiser… baiser comme un malade… baiser pour oublier, baiser pour rendre la pareille à Jérém…  

    Envie de me laisser aller, et surtout envie de ne pas rentrer seul comme un con… envie de me sentir désiré sexuellement… envie de me faire sucer… oui, de me faire sucer… pour prendre mon pied avec le moindre risque… ce risque qui me fait tant peur à cet endroit… pour moi… pour Jérém, pourvu qu’il se protège… et puis, je m’en tape… il fait ce qu’il veut de sa queue… j’ai mal au ventre en me faisant cette dernière réflexion… alors… encore plus envie de me défouler… envie de soumettre un mec à mon plaisir dans cet endroit où tout est aléatoire, intense et sans suite… cet endroit où la connaissance de la taille d’une bite est plus importante que celle d’un prénom… 

    Je ralentis encore, je commande enfin à mon regard de s’accrocher franchement au sien… je commande à mon désir de « liker » le sien… je lui balance un petit sourire… un signal que le gars semble recevoir avec un plaisir assez manifeste… 

    Je suis tout proche de lui… non, il n’est pas moche… en plus je commence à bander, et quand on a envie de jouir, on est souvent amené à revoir rapidement ses prétentions à la baisse… et puis, je me dis, une fois qu’il sera à genoux, qu’il soit canon ou pas, ça ne fera pas la différence… pourvu qu’il sache aussi bien sucer que Stéphane, ma seule référence à ce moment là…  

    Stéphane, tiens… ça me va bien de penser à lui en ce moment, à cet endroit… je suis sur qu’il serait vraiment fier de moi s’il savait ce que je m’apprête à faire… je suis sur qu’il comprendrait enfin que je ne suis pas le gars bien qu’il semble le croire… je suis sur qu’il serait déçu par moi… de toute façon, tôt ou tard, on finit toujours par être déçu de moi… quand je pense à toutes ses mises en garde et, par-dessus toutes, celle de faire attention à ne pas perdre « mon âme » dans le milieu gay… suivre mon cœur… 

    T’as raison, je suis vachement en train de suivre mon cœur en m’apprêtant à suive le petit brun dans sa tanière d’un soir… Stéphane n’a vu que la surface de mon véritable « moi »… c’est ici et maintenant que mon essence profonde va se manifester… 

    Sa coupe de cheveux… elle a quelque chose de « familier »… courte, simple, sans prétention, plutôt mec qui ne se la raconte pas… elle me fait penser à quelqu’un que je connais… elle me fait penser à Thibault… 

    Thibault… lui aussi serait super fier de moi… lui qui a l’air de croire que j’ai une bonne influence sur son pote… s’il savait que notre si belle relation nous a amenés dans une boite à pd, et que l’on est tous les deux en train ou en passe de se faire sucer dans la pénombre par des mecs inconnus… 

    Lorsque j’arrive vraiment à proximité du gars, mon regard tombe dans l’encadrement de la porte… j’arrive ainsi à jeter un coup d’œil à l’intérieur de la petite cabine… c’est là que je me rends compte à quel point l’espace est exigu… un lit couvert de plastique prend presque toute la place… et sur une petite étagère dans un coin, des capotes en vrac et un tube de gel… 

    C’est là que je me dis…  

    Non, ça c’est pas possible, Nico… après ce que tu as vécu avec Jérém, après ce que tu as vécu avec Stéphane, après l’affection et l’estime témoignées par Thibault… tu ne peux pas te contenter de ça… tu ne peux pas tomber si bas…  

    Mais désormais c’est parti… dans ma tête, mon acceptation silencieuse à la proposition tout aussi muette du petit brun est presque un engagement… j’ai été trop loin, je ne peux plus me dérober… et puis je ne veux surtout pas rentrer seul, bredouille… j’ai envie de tirer mon coup d’abord, envie de jouir moi aussi…  

    Car, si l’endroit et la situation ont un côté profondément glauque, en même temps, je dois bien avouer, ils savent également dégager un autre côté plus excitant, celui de l’interdit et, à la limite, du « malsain »....

    Mes sens sont en plein éveil… j’ai envie de prendre mon pied… je me sens déterminé à aller au bout de mon désir… pourtant… 

    Pourtant, lorsque je sens le contact de la main du gars qui se pose sur mon avant bras pour m’entraîner dans le petit espace… c’est là que j’ai un mouvement de recul…  

    Non, je ne peux pas… si Jérém le peut, moi je ne peux pas… je regarde l’air surpris du gars qui doit se dire « Tiens, encore un mytho »… mais tant pis…  

    « Allez, viens… » me chuchote le type, une fois la surprise balayée par la perspective peu engageante de se la mettre sur l’oreille et de la fumer plus tard. 

    « Désolé, je ne peux pas… » je lui balance, sorte de cri silencieux et désespéré, pendant que je presse mon pas vers la lumière au fond du tunnel. 

    Non, je n’ai pas envie de me retrouver seul chez moi ; mais j’ai encore moins envie de me retrouver seul dans cette petite cabine minable car le mec se sera tiré juste après l’affaire conclue.  

    Me revoilà enfin dans la salle… me revoilà dans la civilisation… un monde avec quelques règles… drôles d’animaux les règles… souvent elles nous agacent, mais lorsqu’elles manquent totalement, on s’ennuie assez vite d’elles… 

    Je respire profondément… premier réflexe de survie… j’ai chaud, j’ai soif… je suis fatigué et amer… j’ai du mal à respirer… j’ai très envie de rentrer mais, va savoir pourquoi, je m’installe au comptoir prenant place sur un tabouret vide et je commande un autre coca…  

    Oui, un coca avec whisky… l’alcool… décidemment je n’aurai jamais autant picolé que lors de cette soirée pour fêter le bac… j’ai découvert en l’alcool un allié précieux pour calmer mes angoisses et mes souffrances… presque un pote… dont en ce moment précis, j’apprécie tout particulièrement la compagnie…  

    D’ailleurs, je ne sais pas si c’est l’effet de l’alcool qui se balade dans mon sang ou pas… maintenant que Jérém n’est plus dans les parages, j’ai l’impression que certains regards semblent s’adresser à moi… hélas, je ne suis pas d’humeur à me laisser brancher… je suis dégoûté à un point, que n’importe qui me faisait du rentre dedans, y compris Ben Affleck époque « Pearl Harbor » ou Bruce Willis époque « Piège de cristal »… je déclinerais l’invitation…

    Le choc d’avoir vu mon Jérém partir avec deux mecs est tel que je me sens dérouté, abasourdi, incapable de ressentir quoi que ce soit, incapable même d’avoir mal… peut être que je réalise tout simplement pas ce qui est en train de se passer… je suis tout simplement soufflé…

    Je sais bien que ça va venir, que cette image de mon Jérém s’éclipsant sous mes yeux avec ces deux gars, son regard narquois en prime, va me marquer au feu rouge… je sais qu’une fois seul chez moi je vais m’effondrer… c’est pourquoi je reste, redoutant par-dessus tout de me retrouver seul, je reste même si je sais que le mec que j’aime est là, à quelques mètres de moi à peine, en train de prendre son pied sans moi…

    Un partie de moi espère encore le voir sortir du couloir sombre en ayant renoncé à son plan… hélas, plus les minutes passent, plus la crainte que le beau brun soit en train de jouir sans moi devient certitude…

    Avec mon con de beau brun, je me suis brûlé les ailes… j’ai toujours su qu’avec Jérém je n’aurais jamais le dernier mot et que dans l’affrontement direct, je serais comme un vase en terre cuite qui essayerait de se confronter à une marmite en fonte…

    Je regarde autour de moi en me disant que j’avais raison de me méfier du « milieu »… j’avais raison de ne pas vouloir y rentrer… la première fois que j’y mets un pied, j’y laisse tout ce qui était le plus précieux au monde à mes yeux…

    Comme dans le couloir sombre, je ressens un mélange de dégoût et d’attirance pour ce lieu, pour la baise facile qu’on peut y retrouver… d’un coté, tout ce sexe facile, anonyme et aléatoire me parait dégradant, sale… et d’un autre coté… il a quelque chose d’attirant… ce que j’ai ressenti en m’approchant du petit brun… la promesse de pouvoir me défouler… de donner cours à tout ce qu’il y a de plus noir en moi… c’est dur à admettre, mais je crois que j’ai eu envie de l’humilier, lui qui n’a rien à voir dans ma colère, comme j’ai été humilié, comme une revanche par procuration… envie de lâcher sur lui, par le biais du sexe et de la domination, la rage longtemps accumulée et que je ne peux pas jeter à la figure du mec qui en est la cause…

    Je finis par me dire que maintenant que c’est fini avec Jérém, je vais peut-être revenir ici tout seul pour une aventure… je vais être célibataire… et je pense que je vais l’être longtemps… à un moment ou à un autre, j’aurais envie de baiser… faute de pouvoir aimer…

    Je sais que je vais avoir mal tout à l’heure en rentrant, que je vais avoir encore plus mal demain, et les jours qui suivront, je sais que j’aurai mal très longtemps… alors je pense qu’à un moment ou à un autre j’aurai envie de revenir ici même pour m’étourdir avec le plaisir des sens… mais pas ce soir, une autre, un soir où Jérém ne sera pas à quelques mètres de là en train de baiser…

    Je termine mon « coca » et je me sens un peu plus détendu… triste, fatigué, déçu, mais étrangement détendu… ça ressemble au calme avant la tempête… je suis presque sur le point d’en prendre un autre… mais ce ne serait vraiment pas raisonnable… j’ai la tête qui commence à tourner, les oreilles qui bourdonnent et en plus je tombe de sommeil…

    Je me lève de mon tabouret mais une fois debout, mes jambes me font un drôle d’effet, se refusant de porter le poids de mon corps… je me sens mâché, comme si j’étais passé sous un rouleau compresseur.

    Je trouve agréable de me rasseoir provisoirement, le dos appuyé au comptoir.

    Je balaie une dernière fois l’espace de la salle… tous ces gars… ça vient ici pour boire, pour boire et pour baiser, et ça baise fugacement dans la pénombre… je me demande à quoi ça rime tout ça, au fond… à quoi sa rime de tirer son coup dans une cabine avec un mec qu’on ne reverra jamais…

    La tristesse me happe et je sens les larmes me monter aux yeux.

    C’est à ce moment là que je remarque deux gars en train d’approcher, visant les deux tabourets vides juste à coté de moi.

    Le premier, un brun style vingt-cinq ans, un peu dégarni, l’air plutôt fatigué et un peu contrarié, mais pas dépourvu d’un certain petit charme… habillé avec un jeans quelconque mais avec un t-shirt rouge sympa, bien qu’au moins deux tailles trop grand…

    L’autre, un très beau garçon un peu plus bâti que le premier, un peu plus âgé, l’air vraiment mec, assuré, les traits du visage fins, de petits yeux perçants, le regard charmeur, un t-shirt orange avec les manchettes grises sous lequel on devine un torse et une largeur d’épaules tout à fait remarquables…

    T-shirt rouge approche pour me demander si les tabourets sont libres. Je lui réponds que oui.

    Ils s’installent. T-shirt orange prend le tabouret le plus proche, dos au comptoir, alors que t-shirt rouge est complètement tourné vers lui.

    Très vite, je me rends compte que T-shirt rouge n’arrive pas à décrocher le regard de T-shirt orange, il a l’air très amoureux…

    T-shirt orange, en revanche, a le regard beaucoup plus baladeur, il cherche les regards d’autres garçons, et il les accroche…

    T-shirt rouge semble aussi mal à l’aise que je le suis à cet endroit.

    T-shirt orange a l’air plutôt à l’aise, l’air de connaître les lieux.

    Oui, T-shirt rouge a l'air de se demander ce qu'il fait dans cette boîte, comment se fait-t-il qu'il s'est laissé entraîner dans cette galère alors qu'il aurait tellement envie d'être dans un lit avec T-shirt orange, l’homme qu'il aime, en train de lui offrir tous les plaisirs et plus encore…

    Décidemment, ce soir là on est nombreux à se retrouver à l’On Off sans bien savoir pourquoi…

    T-shirt orange, quant à lui, a l’air de se dire qu’il se passerait bien de la présence de ce mec un peu trop collant… il semble avoir envie d’explorer d’autres horizons, envie de vivre d’autres aventures… des aventures dont la première semble d’ailleurs toute proche, matérialisée sous les traits d’un tout jeune mec qui est en train de le mater avec des regards qui en disent long quant à ses envies…

    T-shirt orange semble très sensible aux regards du petit jeune, des regards qu’il relance, de façon très subtile et discrète… peine inutile car, de toute façon, aveuglé par son amour, T-shirt rouge ne voit rien…

    Mais putain, T-shirt orange ! Réveille-toi ! Tu ne vois pas à quel point T-shirt rouge est amoureux de toi ? Pourquoi son amour ne te suffit pas ? Pourquoi cherche-tu des aventures alors que t’as la chance d’avoir quelqu’un qui t’aime de cette façon là, quelqu’un pour qui tu es le seul et l’unique ? Pourquoi risques-tu de tout gâcher, juste pour une histoire de cul ? Pourquoi ne lui ouvres-tu pas ton cœur ? Pourquoi tu le fais souffrir ainsi ?

    Comment ne pas faire le parallèle entre la relation de ces deux gars, l’un amoureux fou, l’autre très libre dans sa tête, avec ma relation finie avec Jérém… le tout raccord avec la chanson qui est diffusé dans la salle et qui, par un hasard de la programmation, tombe pile pour illustrer mon ressenti…

    « Je m’en fous de tes détresses comme de tout et comme du reste… »…

    Oui, mon Jérém, tu t’en fous de mes détresses… pire que ça…

    « Tu t’entêtes à te foutre de tout mais pourvu qu’elles soient douces… »…

    Si seulement je ne t’avais pas eu autant dans la peau, au point que…

    « Quand de mes lèvres tu t’enlèves, un goût amer me rappelle que je suis au ciel… »…

    Je me serais rendu compte bien avant que…

    « La mauvaise herbe nique souvent ce qui est trop bien cultivé »…

    Quand je pense à ce qu’a été notre courte relation, je me dis que…

    « La vie est triste comme un verre de grenadine »…

    Et que…

    « Aimer c’est pleurer quand on s’incline »…

    J’aurai souvent partagé ton lit, assouvi tes envies, mais jamais je n’aurais vraiment atteint ton cœur… tu tiens trop à ta liberté, je t’entends d’ici… et toi, tu l’entends, depuis la cabine où tu es en train de baiser, tu l’entends ce que balancent les enceintes à cet instant précis :

    « Je fais fi de tes je t’aime/Ils sont des cris qui m’enchaînent »…

    Notre histoire se termine ainsi comme elle a commencé, venant de nulle part et allant nulle part…

    J’ai divagué de chanson en chanson, de couplet en couplet…, jusqu’à la dernière note de celle qui a commencé par « Je m’en fous de tes détresses comme de tout et comme du reste… » et qui se termine par « C’est quoi l’amour ? ».

    La musique change, et elle n’a plus forcement autant d’intérêt pour moi. Alors, mon attention revient vers les deux gars d’à côté. Je suis assez près d’eux pour capter, malgré les décibels, quelques échanges dans leur conversation.

    « Marc… » appelle le T-shirt rouge.

    « Quoi ? » réagit T-shirt orange un brin agacé, désormais connu sous le prénom de « Marc ».

    « Tu veux rester encore longtemps? » l’interroge T-shirt rouge.

    T-shirt rouge a un petit accent méditerranéen, espagnol je dirais...

    « Je sais pas… » répond le prénommé Marc, avant de continuer « t’es fatigué ? ».

    « Oui, un peu… » répond T-shirt rouge.

    Mais putain, Marc, t’es aveugle ou quoi ? Tu ne vois pas que T-shirt rouge a une envie folle de rentrer et de faire l’amour avec toi ? Il est quatre heures du mat passé… putain, rentrez et envoyez vous en l’air comme des dingues !

    Je bous de l’intérieur, je m’emballe pour une histoire que je ne connais pas… j’ai trop bu et je fais trop l’amalgame avec mon histoire perso…

    Les minutes passent et rien ne se produit… Marc, son verre interminable posé sur le comptoir, n’a toujours pas l’air décidé à partir.

    T-shirt rouge baille plusieurs fois coup sur coup et finit par s’immobiliser, la tête légèrement penchée sur le coté, le regard dans le vide, littéralement en train de tomber de sommeil…

    Marc se décide enfin:

    « Fabien… ». 

    Le brun un peu dégarni lève la tête illico au simple son de la voix du gars qu’il aime. Alors qu’il doit s’attendre à qu’un voyage simple vers le lit et un câlin tant attendu se retrouve enfin à l’ordre du jour, Marc lui annonce avec le sourire : 

    « On y va dans un quart d’heure, ok ? ». 

    Visiblement déçu, au bout de force, frustré de voir que cette soirée se termine à somnoler dans cette boite plutôt que dans une accolade amoureuse, le dit Fabien amorce un petit sourire triste. 

    Marc retourne à son occupation première… mater la faune masculine… Fabien baisse les yeux et prend sur lui, l’air d’accuser le coup, d’intérioriser… il doit vivre lui aussi, comme moi je l’ai vécue, une histoire compliquée, amoureux d’un mec qui ne l’est pas vraiment 

    Peut-être qu’il est en train de vivre une histoire, un amour, des sentiments, des sensations, des espoirs et de frustrations, des joies et des tristesses, des illusions et des déceptions, toute une palette d’émotions qu’un jour il aura peut-être envie de mettre noir sur blanc, comme moi je le ferai plus tard avec ma propre histoire… 

    Le quart d’heure abondamment passé, T-shirt orange se lève sans un mot, suivi illico par T-shirt rouge, visiblement soulagé… je les regarde se diriger côte à côte vers la sortie… je les regarde partir ensemble… peut-être que pour le sexe c’est râpé, mais au moins Fabien aura la chance de finir la nuit avec son Marc… moi je n’aurai même pas cette chance… oui, il a de la chance, ce Fabien, même si je sais qu’il doit être très difficile d’aimer un gars comme Marc, d’aimer quand l’amour n’est que dans un sens…  

    Allez, GAME OVER… assez bu, assez vu pour ce soir, je me casse… je suis tellement HS que je pense que je ne vais même pas arriver au bout de ma branlette, que je vais m’endormir avec ma queue dans la main sans avoir joui…

    Pourvu que je puisse dormir un peu tard ce matin, pourvu que maman n’ait pas prévu de passer l’aspirateur à 8 heures pile… pourvu qu’elle ne me pose pas trop de questions sur cette super soirée de merde… pourvu qu’ils me fichent tous la paix car je prévois d’être d’une humeur massacrante, prêt à laisser exploser ma colère ou à fondre en larmes et ce, pour une durée indéterminée…

    C’est décidé, demain je vais appeler Elodie…

    Je rassemble mes forces pour me remettre debout… descendre du tabouret est déjà un effort… imaginer devoir me traîner sur la moitié de la ville me semble insurmontable… pourtant, il faut bien y aller à un moment ou à un autre… alors, le moment c’est maintenant…

    Je traverse la salle et en quelques pas je me retrouve dans l’entrée de la boite… encore quelque pas et j’aurais passé la porte qui donne sur le boulevard… c’est au coté du vestiaire qu’une surprise m’attend…

    Le voilà, tout seul, le dos appuyé au mur, en train de fumer une énième clope… mais qu’est-ce qu’il fout là tout seul ?

    Lorsqu’il me voit arriver, il me sourit.

    « Tu pars ? » m’interpelle le beau Romain

    « Oui, j’en ai marre… vraiment marre… » je ne peux m’empêcher de laisser échapper.

    « T’as laissé ton mec tout seul là dedans ? » se renseigne-t-il.

    « C’est pas mon mec… » je me défends en balançant sèchement « il n’est personne… ».

    J’ai presque envie de lui balancer que s’il veut se le taper, il n’a qu’aller faire un tour dans la backroom, c’est là qu’il va le trouver…

    « Pourtant j’aurais dit qu’il était davantage que ça… » relance-t-il en me tendant un paquet de cigarettes que je refuse.

    Il faut dire que, vu de près… ce Romain est vraiment canon. Sa beauté masculine, sa voix, son assurance, son charme, son regard magnétique… tout chez lui m’impressionne… décidemment… le « beau brun » est un animal bizarre… le côtoyer crée l’addiction… coupe tous mes moyens… je comprends mieux Ulysse, avec son histoire d’hétéro baroudeur, lorsqu’il faillit tomber sous le charme des sirènes…

    Je sens un mal au crâne carabiné en train de monter. Je me sens toujours oppressé… j’ai besoin d’air… même le charme puissant et le parfum délicieusement masculin de Romain n’ont d’autres effet que d’augmenter mon malaise… c’est dire à quel point j’en suis arrivé…

    N’empêche, la porte de sortie donnant sur le Canal m’appelle avec insistance…

    « Je vais y aller… » je coupe court en me tournant vers la sortie ; avant de prendre congé avec un simple « bonne soirée… ».

    « T’habites loin ? » se renseigne-t-il.

    Euh… pourquoi cette question ? Qu’est-ce qu’il veut celui-là ? Pour ce soir j’ai eu assez d’émotions et de déceptions, tout ce que je veux c’est retrouver mon lit, la drague c’est fini, je suis HS… à cet instant précis je suis fatigué et dégoûté à un point, que n’importe qui me faisait du rentre dedans, y compris Colin Farrell époque « Tigerland » ou Keanu Reeves époque « Speed » »… je déclinerais l’invitation…

    Bon, ok, peut-être pas Colin quand même…

    Alors, quand Romain le magnifique me demande si j’habite loin, je coupe court, très court :

    « Un peu, mais je vais marcher… ».

    « Moi aussi je vais y aller… si tu veux je te raccompagne… » je l’entends dire en écrasant son mégot dans un cendrier mural et en m’emboîtant le pas, l’air de ne pas avoir compris, ou de ne pas avoir entendu le message.

    Je ne sais pas trop ce qui est en train de se passer… je n’ai pas envie qu’il me colle… je crains qu’il me fasse du rentre dedans, alors que j’ai juste envie de partir… c’est paradoxal… je devrais être flatté que ce bogoss me propose de me raccompagner, en faisant éventuellement escale chez lui, surtout que Jérém est certainement coincé dans un cul inconnu… pourtant… non, pas envie… juste envie d’être tranquille et de retrouver mon lit… marre de baiser avec des mecs qui veulent juste me baiser, avant de me laisser tomber… désolé mec, tu ne me sauteras pas ce soir… je ne réalise même pas que c’est le deuxième mec canon de la soirée, à part mon Jérém, qui me fait du rentre dedans…

    « C’est gentil, mais… » je commence ma réponse en poussant la porte vitrée… lorsque la fraîcheur de la nuit frappe mon visage de plein fouet, je suis tellement surpris que je suis obligé de marquer une pause.

    Ce n’est qu’un instant plus tard, lorsque nous sommes déjà sur le trottoir, que je termine mon propos : 

    « C’est gentil, mais je préfère vraiment marcher… ».

    « Comme tu voudras… » il conclut. Lui non plus ce n’est pas le genre de mec à revenir à la charge. C’est oui ou c’est non. Et quand c’est non, c’est fini. Disons que sur le coup ça m’arrange bien.

    Je regarde ma montre… il est 4h25… mon regard est attiré une dernière fois par l’enseigne rouge qui clignote toujours… cependant, je me rends vite compte que l’enseigne lumineuse n’est pas l’élément le plus étincelant de la façade de la boîte… oui, juste à coté des lettres rouges capitales, une autre surprise m’attend… et ça pour être une surprise… ça en est vraiment une…

    Pile au même endroit que tout à l’heure, mon connard de beau brun se tient appuyé au mur, la cigarette au bec, le bassin en avant, la braguette bien rebondie… mais… mais… mais… depuis quand est-il là ? Je ne l’ai pas vu passer dans la salle… est-ce qu’il est sorti du tunnel avant moi ? Est-ce qu’il y a une autre sortie ?

    Mais alors… est-ce qu’il a vraiment baisé avec les deux gars de tout à l’heure ? Si vite ? Je suis en plein dans mes questionnements lorsque j’entends Jérém me balancer, le ton cassant :

    « Tiens, te voilà… ».

    Mais à quoi il joue ? Pourquoi il me parle sur ce ton maintenant ? Je ne veux surtout pas rentrer dans son jeu. Je suis tendu, fatigué et je ne suis pas d’humeur à rigoler…

    Jérém, en revanche, a l’air aussi frais que lorsqu’il est arrivé devant le resto huit heures plus tôt… un peu agacé mais toujours frais… alors qu’il a bu deux fois plus que moi… je le déteste… il a vraiment tout pour lui ce gars…

    Apparemment, il était en train de m’attendre… ça, c’est mignon… soudainement, je me sens soulagé… s’il m’attend, c’est qu’il a envie de finir la soirée avec moi… et s’il a envie de finir la soirée avec moi, il y a de fortes chances qu’il n’ait pas baisé avec le bouclé et son pote… oui… je suis soulagé, rassuré… mais quand même… je lui en veux de m’avoir repoussé violemment, d’avoir voulu partir explorer le « milieu profond » tout seul… même s’il n’a pas tiré son coup…

    Oui, quand même… je viens de passer l’un des pires quart d’heure de ma vie… alors j’ai besoin de savoir avant de décolérer.

    Hélas, la présence du beau Romain m’empêche d’être aussi direct avec mon beau brun que tout à l’heure en voiture. Mais ce n’est certainement pas l’envie qui me fait défaut…

    Oui, j’ai l’impression que Jérém est de mauvais poil… bien sur, c’est normal… il me plante en me laissant croire qu’il va baiser de son coté… je passe une fin de soirée de merde… et c’est lui qui fait la tête… logique… la logique selon Jérémie T…

    Soudainement, une question s’affiche dans ma tête : est-ce qu’il a entendu ma réponse à Romain ? Est-ce qu’il a compris qu’il m’a proposé de me raccompagner… et, certainement, pas que… ? Son regard noir est-il encore une expression de jalousie mal placée ?

    Deux gars nous passent à coté et rentrent dans la boite que je viens de quitter. Il est 4h30 et la nuit toulousaine n’est pas terminée… quelque chose me dit que la notre non plus…

    Le silence s’installe… je ne sais pas comment ça va se goupiller tout ça… Romain n’a pas l’air décidé à partir… Jérém a l’air de m’avoir attendu, mais il n’a pas l’air pressé de rejoindre la rue de la Colombette… et moi je ne sais pas me résoudre à prendre la direction de chez moi…

    C’est le beau Romain qui finit par débloquer la situation.

    « T’as du feu ? » demande-t-il à mon beau brun en s’installant les épaules contre le mur juste à coté de lui, après avoir sorti son paquet de clopes et en avoir choisie une un peu plus épaisse que les autres.

    Jérém ne répond pas, se limitant à décoller légèrement ses épaules du mur, à dégainer son briquet et à porter ses mains à hauteur de la bouche de Romain.

    La « clope » du beau brun au t-shirt noir allumée, ce dernier nous interpelle :

    « Vous rentrez ? ».

    Ah, il a pigé… un instant plus tard il me propose de me « raccompagner »… et là il s’aligne à la nouvelle donne apportée par la présence inattendue du beau brun au t-shirt blanc…

    « Oui, on rentre… » je confirme. Plus le temps de tergiverser. On a déjà été trop retardés ce soir…

    Jérém se tait.

    Romain tire un bon coup sur sa « cigarette »… une cigarette qui, au vu de l’odeur caractéristique qu’elle dégage lorsqu’il en expire la fumée, définitivement n’en est pas une… preuve en est qu’il en propose à mon beau brun en suivant …

    Je vois Jérém le fixer d’abord d’un air étonné. Un instant plus tard, il balance cependant sa cigarette tout juste fumée à moitié et il saisit le pétard que l’autre beau brun lui tend…

    Il le porte à la bouche et en tire une longue taffe… je le vois plisser les yeux de plaisir au passage de cette fumée spéciale… avant de tendre le bras à son tour pour rendre la précieuse denrée à son propriétaire… Romain tire dessus une nouvelle taffe et déplie le bras dans ma direction… je lui fais signe que non… il envoie à nouveau le bras en direction de Jérém, qui accepte à nouveau la proposition, l’air bien décidé d’en profiter jusqu’au bout…

    Mais ce n’est pas possible… décidemment on ne va pas y arriver ce soir… putain… il est quatre heure et demi passée… depuis le KL, jusqu’à la rue de la Colombette tout semble se liguer pour nous empêcher d’arriver à destination… on dirait que la nuit toulousaine rame contre…

    Trois mecs passent devant nous avant de s’engouffrer dans l’entrée du On Off malgré l’heure tardive, et ceci non sans reluquer copieusement les deux étalons. Romain les regarde passer avec un air distant et presque méprisant et finit par commenter :

    « Ce genre d’endroit n’a aucun intérêt… »

    Jérém ne répond pas, mais une complexe mimique de son visage… les yeux qui se ferment, les sourcils qui remontent, une inspiration appuyée par le nez, une légère grimace autour de la bouche… semble aller dans le sens des mots du beau Romain… soudainement, je me sens rassuré… peut-être qu’au final il n’a pas aimé cet endroit, … peut-être qu’il avait juste une curiosité à satisfaire et qu’il n’a trouvé finalement aucun intérêt, comme le dit le barbu…

    Hélas, la conversation va prendre un tour inattendu. Romain tire une bonne taffe sur son pétard et, en le passant à Jérém, il continue :

    « Des mecs à lever il y en a partout… sans besoin d’aller les dénicher dans un terrier ».

    « C’est même trop facile… » j’entends Jérém aller dans son sens après avoir expiré une nouvelle volute de fumée à l’odeur caractéristique.

    Bah, oui, tiens… parlez pour vous… ça c’est bien des discours de mecs canon… bien sur, avec vos physiques et vos jolies petites gueules bien sexy et bien viriles, ça ne doit pas être dur de tomber des caleçons à chaque coin de rue… mais je ne suis pas sûr qu’on ait tous les même chances et le même succès « dans la nature »… d’où l’intérêt ce ces lieux, malgré leur coté glauque… parfois, on est bien contents de se retrouver entre pd pour faire des rencontres ou pour tirer un coup…

    « C’est comme chasser des faisans d’élevage lâchés dans la nature juste avant la saison de chasse… » tellement faciles à tirer, qu’il n’y a plus aucun goût à le faire… » laisse glisser Romain.

    J’ai l’impression d’entendre Bigard… ce soir, en boite, ils ont fait un lâcher… mais j’ai tout de suite vu que c'était de l'élevage…

    Un beau gars seul passe sur le trottoir en laissant traîner un regard furtif de Jérém à Romain, avec un petit sourire en coin… il semble ralentir le pas, mais il se remet aussitôt à marcher plus vite et il s’éloigne sans chercher plus de contact. Comme quoi tous les bogoss, même ceux qui aiment mater le bogoss, ne viennent par au On Off…

    Tout à coup, Romain se met à l'arrêt, les yeux fixes sur le gars qui s’éloigne, la tête pivotante à 360 degrés, la truffe au vent… et il continue :

    « Quand c’est trop facile, ce n’est même pas marrant… je préfère quand il y a un petit challenge… ».

    Là, encore, j’ai l’impression d’entendre Bigard… parce que moi, la salope sauvage, je sais ce que c'est… celle-là, tu la vois tourner du cul au loin.. mais tu la tires jamais…

    Jérém sourit, amusé. Il semble acquiescer aux affirmations de Romain.

    Les deux mecs continuent à se passer le chichon de main en main, de lèvre en lèvre… les minutes s’égrainent et le silence s’installe.

    Le pétard arrive enfin au bout. Allez, Jérém, il faut y aller maintenant…

    « Sans rancœur pour le petit accident de toute à l’heure… » semble prendre congé le beau Romain.

    « Ca va aller… » j’entends Jérém lui répondre à nouveau.

    Bon, on y va maintenant…

    « J’ai soif… » relance le beau Romain de façon inattendue ; avant de terminer, sur un ton enjoué « allez, les gars, je vous invite chez moi boire un dernier coup pour oublier ça… ».

    Mais putain, t’es rélou… il a déjà dit non tout à l’heure… il t’a dit et répété que ça va aller, alors fiche-nous la paix…

    « On va rentrer… » annonce Jérém sur un ton ferme et sans appel tout en me regardant droit dans les yeux.

    Ah… à chaque fois qu’il me regarde ainsi… je fonds…

    « Vous pouvez venir tous les deux… » précise Romain, ayant certainement détecté notre échange de regards.

    « On n’est pas intéressés… » je balance sèchement. J’en ai marre. Vraiment marre.

    « … ou rien que toi, mec… » corrige Romain en s’adressant directement à Jérém, et en posant sur lui un regard lubrique qui ne laisse plus de doute quant à ses intentions allant bien au delà d’un simple verre de l’amitié…

    C’est ça, oui… t’inquiète… j’ai bien compris la musique… « boire un dernier coup », c’est plutôt « tirer un dernier coup »…

    Sept lettres s’affichent dans ma tête… elles sont étalées de façon aussi voyante que sur la façade de l’Olympia :

    C-O-N-N-A-R-D !!!

    Jérém, s’il te plait, tiens bon…

    Les deux beaux bruns se regardent… c’est pas possible, dites moi que c’est de la science fiction… mon beau brun se fait draguer sous mes yeux… comme si je n’étais pas là… eh, oh… JE SUIS LA…

    Je vois le beau Romain, l’œil désinhibé par la fumette, regarder mon beau brun et le trouver infiniment sexy et désirable… je vois l’instant où mon beau brun réalise que son charme a encore frappé… ce que je n’arrive pas à savoir, c’est si Jérém trouve aussi le mec à son goût… remarque, il faudrait être difficile…

    Jérém sonde Romain, se demandant si c’est bien du lard ou du cochon… Romain jauge Jérém en guettant sa réaction… le regard de Romain ne se dérobe pas… leur échange dure quelques instants… c’est Jérém qui rompt le contact…

    « Ca va aller… » finit-il par répondre, le ton ferme et sans appel.

    Et de trois… j’espère que ce coup-ci t’as compris que tu ne le mettras pas dans ton lit !

    « Bon, ok… » semble conclure le beau Romain ; pourtant, après avoir marqué une pause, je vois à son changement d’expression qu’il n’a pas encore dit son dernier mot, qui ne s’est pas encore avoué vaincu… je sens qu’il va changer d’arme et de stratégie… et j’ai un mauvais pressentiment…

    « Je te croyais davantage couillu... » s’adresse-t-il directement à mon beau brun en le regardant droit dans les yeux avec ce mélange de défi et de mépris qu’on entend également dans le ton de sa voix « je m’étais trompé… allez, bye les gars… ».

    Ah… non… décidemment, là ça la fout mal… merde… Romain vient de dégainer l’arme ultime… la provoc’… Jérém n’a pas besoin de ça, surtout pas ce soir… là, c’est sur, il va réagir au quart de tour…

    « Où, ça ? » je l’entends en effet demander sur un ton dans lequel se mélangent agacement et effet de la fumette… le piège de Romain a marché…

    Je rêve… ou plutôt je cauchemarde… c’est pas possible, naaaaan  c’est pas possible…

    « Chez moi, par exemple, je n’habite pas loin… » relance le beau Romain, l’air amusé du mec qui est en train de gagner un pari sur lequel il a misé son tout dernier jeton.

    « On va aller chez moi… j’habite tout prêt… » répond Jérém après un instant de réflexion, la voix de plus en plus déformée par l’alcool et la fumette.

    « Pas de problème… » annonce le beau barbu.

    J’hallucine. Ils se font un plan baise devant moi. Je ne peux plus me retenir.

    « On devait pas rentrer ? » je balance « Tous les deux… ».

    Le beau Romain, ce connard, me regarde avec de petits yeux moqueurs, l’air de dire « tu peux aller te rhabiller le morveux, laisse jouer les pros… c’est moi qui va me le taper ce soir… ».

    Jérém se tait. Je le regarde fixement. Nos regards se croisent. Et ce que je lis dans son regard silencieux est très explicite. En une fraction de seconde, je viens de réaliser que Romain est en train de proposer un plan à mon beau brun et que ce dernier a l’air partant… quant à moi, je peux en être ou pas… si j’y vais, ce sera un plan à trois… sinon ce sera un plan à deux entre beaux bruns !

    Je regarde leurs deux torses moulés dans le t-shirt blanc et dans le t-shirt noir en me disant que dans quelques minutes les contrastes vont s’estomper… oui, dans quelques minutes, les t-shirts vont voler, et il y aura beaucoup moins de contraste entre les nudités de deux beaux bruns à la peau mate…

    C’est vrai que l’idée de voir deux magnifiques garçons à poil ne m’est pas repoussante… loin de là…

    Pourtant, je suis assailli par une peur insistante… je suis tiraillé entre l’excitation d’assister à ce spectacle divin… mon beau brun en train de prendre du plaisir avec un autre mec, et avec un spécimen de toute beauté de surcroît… et la jalousie qui commence à envahir mon esprit… la crainte que le mec ne soit plus expérimenté que moi, qu’il lui fasse découvrir des trucs que moi je ne sais pas lui offrir et qu’il y prenne goût…

    Il me faut me décider vite, il me faut choisir dans la seconde… oui, choisir… mais ai-je vraiment le choix ? Je regarde leurs têtes de jeunes étalons débordants de testostérone, Jérém le fauve puissant et Romain le félin sournois… et je les imagine dans un lit, déchaînés, dans une étreinte puissante, se donnant un plaisir intense… ces deux corps de dingue se frottant entre eux et faisant autant d'étincelles que l'embrasement de la Citadelle de Carcassonne un 14 juillet...

    Alors, sans pouvoir éviter que ce rapprochement sensuel au sommet ne se produise, malgré une jalousie qui me tenaille déjà aux tripes, lorsque le choix est assister à ce plan ou de l’imaginer chez moi … alors, ce n’est pas un choix… c’est une évidence… je dois en être…

    Un plan entre deux mâles virils… toutes les spéculations sont possibles, tous les fantasmes ont cours… je repense au plan avec Guillaume… deux passif au service d’un mec bien actif… comment ça va se passer ce coup ci ?

    Quel sera mon rôle dans l’histoire ? Invité accessoire à un plan cul entre beaux étalons… l’un assurément bien actif et l’autre, à priori pas moins viril… alors… est-ce que je comprends bien ce qui m’attend ? Etre au service du plaisir de deux beaux males… inquiétude et excitation à l’idée d’imaginer ces deux bruns nus, dans la même pièce, dans le même lit, deux petits coqs bien chauds… deux queues bien chaudes… sur le même gars, dans le même gars… ça me parait un évidence… pour que deux mâles dominants et actifs prennent leur pied, il vaut mieux avoir à disposition une bonne bouche et un bon cul de pd passif et soumis…

    L’idée d’être ce gars a un coté séduisant et très excitant… ne serait-ce que je suis soudainement saisi par la désagréable sensation de n’être dans l’histoire qu’un moyen pour assouvir les besoins de deux sexualités puissantes… c’est donc ça que je suis aux yeux de Romain, ça encore peu importe, mais également aux yeux de Jérém ? 

    Ou alors… est-ce que je ne suis convié juste pour assister à cette scène qui déjà s’annonce mémorable ? Est-ce que les deux étalons ont juste envie de conclure entre eux, entre méga bogoss en me laissant sur le carreau avec pour seule occupation, celle de compter les points ?

    Si tel est le programme… je veux en être quand même… je vais boire mon poison jusqu’à la lie… je veux voir qui est Jérémie T, au bout du bout…

    Dans ce cas, comment ne pas me demander si je préférerais voir mon beau couillu triompher de la virilité de Romain ou plutôt voir ce beau barbu faire découvrir à Jérém le plaisir de se soumettre à sa puissance sexuelle…

    Comment ne pas me demander si je préférerais voir Jérém dominer Romain, en faisant plier ce mec, gay mais on ne peut plus viril, ce séducteur, « chasseur », prédateur arrogant, l’archétype du dominant même, si sûr de lui et à qui apparemment aucun cul n’a résisté jusqu’à là? Est-ce que j’aimerais être témoin de la toute puissance de la virilité de mon beau brun, le voir asseoir de manière définitive et irrévocable son statut de mâle alpha à qui définitivement rien ni personne ne peut résister ? 

    Ou bien, est-ce que je préférerais plutôt voir Jérém succomber à la virilité du beau Romain, le voir changer complètement de rôle, découvrir le plaisir de se laisser dominer… il faut admettre que l’idée que Jérém puisse trouver « plus fort » que lui, et qu’il puisse « accepter » son désir inavoué pour les mecs… ça m’excite autant que le premier fantasme…

    Cette deuxième option, bien qu’excitante, me parait cependant bien plus dangereuse… car elle risquerait de changer beaucoup de choses dans mon regard vis-à-vis de mon beau brun, de remettre en questions le fantasme de la toute puissance de sa virilité, fantasme que, il faut l’admettre, est un élément clef de mon attirance pour lui…

    Cette deuxième option pourrait également perturber l’attitude de Jérém, déjà bien instable par ailleurs, vis-à-vis de moi… peut-être que sur le moment il serait capable de prendre son pied avec ce gars… mais le fait que j’en sois témoin, que j’assiste à sa chute du rôle de male alpha, pourrait bien lui rendre ma présence insupportable à l’avenir…

    Oui, il me faut choisir, les secondes passent et j’entends les semelles des baskets des deux beaux bruns crisser sur le goudron du trottoir… je sens les queues frémir dans les boxers… même si j’ai peur d’être débordé par ce plan, même si je crains qu’il ne puisse changer notre relation entre Jérém et moi… non, je n’ai pas le choix… si je donne forfait, si je rentre chez moi, je vais être jaloux à en crever, je ne vais pas dormir de la nuit…

    Alors, voilà le programme… je sais qu’avec Jérém ce n’est que de la baise, de la super baise… j’ai envie de voir jusqu’où cela va m’amener, prendre ce qu’il y a à prendre… même ce plan de dingue avec un autre super bomâle jouant dans sa même catégorie… au fond, objet sexuel ou juste spectateur, je m’en tape…

    Nous remontons le trottoir vers la rue de la Colombette en silence total… les deux bruns côte à côte, moi juste derrière… fou de ces deux torses en V moulés dans des t-shirts au couleurs antagonistes, envoûté par deux fessiers d’une beauté plus que surnaturelle et par le mélange de leurs deux parfums de mec…

    Et là, à un moment, c’est le déclic… je viens de réaliser quelque chose… je crois que j’ai compris ce qui vient de se passer entre les deux étalons…

    Deux males indiciblement beaux se rendent dans une boite à pd pour vérifier l’effet de leur charme sur un nouveau public… les deux mâles se croisent… et dans cet endroit où tout semble acquis pour eux, ils trouvent l’un dans l’autre le challenge qu’ils cherchaient…

    C’est en approchant de près son apart, celui que je considère le sanctuaire de notre relation, que je retrouve en moi de nouvelles inquiétudes vis-à-vis des conséquences que ce plan à trois va avoir sur notre relation…

    Mais bon, maintenant on y est… alors, en avant… nous passons la porte d’entrée de l’immeuble, nous montons les escaliers, nous rentrons à l’apart…

     


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