• Julien

    Oui, c’est beau, Toulouse, l’été… et le vent d’Autan y met également sa touche, faisant bouger les t-shirts et les shorts des « petits cons » dans la rue, ainsi que les pans de la magnifique chemise blanche de mon Jérém, pendant qu’il jongle entre les tables de la terrasse de la brasserie ; et le brushing du charmant et hyper sexy Julien qui, assis sur le capot de sa voiture garée devant l’autoécole, m’attend pour une nouvelle leçon de conduite.
    Vraiment bogoss, toujours impeccable, lunettes noires, tout comme noir est son t-shirt du jour, comme d’hab parfaitement ajusté à son torse, à ses épaules, à ses biceps, à ses pecs, à son cou, à ses tatouages, à sa bogossitude.
    Ce n’est plus un secret, je kiffe à mort les t-shirts blancs… mais alors, le t-shirt noir, bonheur visuel totalement opposé, mais tout aussi intense : c’est juste l’autre face de la perfection au masculin.
    Ah, ce Julien ! Beau, charmant et charmeur, il dégage vraiment un truc de dingue. Rien qu’avec sa simple présence, il chauffe l'air, les esprits, les désirs. C’est mon Jérém, mais en presque blond. Redoutable.
    A nouveau, je me retrouve à faire le cours en binôme avec une fille, une autre. Marion est une fille de mon lycée, mais d’une autre classe, elle a passé le bac en même temps que moi ; je ne la connais que vaguement de vue, d’ailleurs c’est elle qui m’a reconnu en premier (je zappe facilement les gonzesses, ma mémoire étant beaucoup plus disponible pour les souvenirs de bogoss).
    Marion s’installe au volant, le bogoss à son poste de bogoss ; et moi derrière, à la place du mateur de bogoss, place dangereuse, là où les effluves de parfum de bogoss sont si intenses, là où la proximité de ce cou, de cette nuque, de cette mâchoire de bogoss, de cette barbe claire de bogoss d’une petite semaine, donnent tour à tour de sévères envies de bisous et des idées très peu catholiques.
    Aussitôt la voiture démarrée, le bogoss démarre son numéro, le même que celui servi à Sandrine, presque à la lettre près ; de la dragouille en mode « je te balance des conneries en rafale pour te faire rigoler, je ne te lâche pas d’une semelle tant que tu n’es pas prise dans le filet redoutable de mon charme ». Un numéro qui a vraiment l’air bien rodé. Et très efficace.
    Les filles changent mais le bogoss est toujours aussi souriant, aussi vif, aussi taquin, aussi joueur, aussi dragueur, aussi tête à claques, aussi craquant… et il sent toujours aussi bon… je vais faire un malaise…
    Une chose est sûre, le mec est un charmeur maladif : je sens chez lui un besoin viscéral de plaire et de séduire. Il pourrait avoir dix filles sous son charme, il faudrait en plus qu’il aille draguer les mouettes sur la plage. Vraiment, ce Julien, c’est le genre de mec qui tire (sur) tout ce qui bouge.
    Bien installé dans mon poste d’observation privilégié de la banquette arrière, je regarde beaucoup moins la route que la plastique du boblond, je me concentre beaucoup moins sur le cours de Marion que sur le sketch de Julien. Je suis toujours aussi émoustillé par cette chaînette qui m’en rappelle furieusement une autre, par ses oreilles bien dégagées grâce à ses cheveux presque ras autour de la nuque.
    Je me délecte de sa vivacité, de sa jeunesse bouillonnante, de son côté « beau parleur » ; le mec a l’air tellement convaincu de ses bêtises, qu’il en devient convainquant ; son numéro de charme, savamment mélangé à une délicieuse dose d’autodérision, marche à merveille ; son sourire ravageur, son sens du second, voire troisième degré, cette manière de ne pas se prendre au sérieux tout en l’étant quand on s’y attend le moins ; tout cet ensemble d’émotions qu’il sait dégager, et qui constitue sa personnalité de petit con, fait que, même quand ses boutades sont parfois sacrement culotées ou même ratées, ça passe comme une lettre à la poste.
    Et même quand Marion, à l’instar de Sandrine, lui met des vents pour le refroidir, le bogoss est toujours souriant, il ne se démonte jamais, il retombe toujours sur ses pattes, et il revient toujours à la charge.
    J’adore cette attitude de voyou sexy ; et, malgré ses répliques parfois assassines, Marion non plus n’est pas insensible au charme du beau moniteur.
    Comment ne pas l’être, face à ce charmeur maladif, chargé d’une sensualité bouillonnante : j'ai l'impression qu'on peut comme sentir autour de lui sa sexytude, comme une sorte de fluide à la fois poisseux, dense et immatériel. Un seul autre gars me fait cet effet avec une telle violence : et ce gars est mon Jérém.
    Non seulement il est grave grave grave sexy le Julien ; mais lorsqu’on l’observe, lorsqu’on l’écoute, on sent le mec très porté sur la chose, le mec qui aime ça, vraiment : il y a un truc dans ce sourire malicieux qu’il affiche presque en permanence, un je-ne-sais-quoi qui laisse imaginer que le gars doit être très, très coquin au pieu, chaud comme la braise, prêt à s’enflammer dès qu’on lui en donne l’occasion.
    Une occasion que, d’ailleurs, il s’emploie à créer de toutes ses forces.
    Le cours avance, et petit à petit, je me familiarise avec le jeu d’équilibriste qui consiste à me servir du rétroviseur pour capter la jolie petite gueule de Julien, tout en évitant d’accrocher son regard : petit jeu aux mille frissons.
    J’essaie d’être prudent ; hélas, jamais repu de l’image de sa tête à claques sexy, je finis par me faire gauler ; son regard finit par se planter droit dans le mien par rétroviseur interposé : immédiatement, je baisse les yeux.
    Dans les minutes qui suivent, je me fais violence pour éviter ce doux poison qu’est le reflet de son regard, ce reflet qui m’aimante ; j’essaie de regarder la route et de suivre le cours ; mais, ce faisant, je ne peux quitter des yeux son profil, en plein dans mon angle de vision.
    Au bout du cours Dillon, la voiture est obligée de s’arrêter au feu rouge du Pont Neuf…
    Lorsque le feu passe au vert, trop occupée à jouer au jeu du chat et de la souris avec le bogoss, Marion passe la mauvaise vitesse, et elle cale la voiture. Presque immédiatement, un concert de klaxon se met à hurler derrière nous. Le toulousain est pressé.
    Le bogoss appuie sur le bouton des warnings et commence à donner des instructions à Marion pour l’aider à repartir. Sa voix a pris soudainement un ton rassurant et viril, très pro, mais bienveillant, qui tranche vivement avec ses boutades de petit canaillou charmeur ; de nouvelles vibrations dans sa voix qui ajoutent du charme au charme.
    Marion redémarre la voiture, passe une vitesse à l’arrache, n’importe comment ; une nouvelle fois, mauvais match… la voiture s’arrête un mètre plus loin.
    Sans m’en rendre compte, mon regard plonge à nouveau dans le rétro ; et là, comme si le bogoss était à l’affut de ce contact, je vois presque immédiatement ses yeux se planter dans les miens ; je suis tellement surpris que je n’ai même pas le réflexe de baisser le regard ; surpris, oui, et charmé ; un regard pareil, on a franchement envie de se laisser faire et de voir où ça peut nous amener… au pire on aura rêvé pendant une seconde.
    Et alors que la nénette tente de redémarrer la voiture, Julien me fixe dans le rétro pendant 1 ou 2 interminables, intenses, brûlantes secondes ; je le vois ensuite faire une sorte de grimace, il ferme les yeux, il fronce les sourcils et le front ; et, pendant qu’il donne des instructions à Marion, il finit par me balancer un petit sourire amusé et magnifique, ponctué d’un clin d’œil parmi les plus sexy et bouillants que je n’ai jamais vus. Le mec ne se rend pas compte qu’avec un clin d’œil pareil on peut achever quelqu’un.
    Je reçois tout cela comme une sorte de geste complice, une sorte d’entente « entre mecs », pour commenter discrètement la gaffe de la nénette ; je trouve ça un peu macho sur les bords, mais tellement sexy.
    Finalement, Julien aide Marion à redémarrer avec ses pédales et nous repartons vers St Cyprien. Nous continuons vers la patte d’Oie, puis avenue de Grand Bretagne, jusqu’à Purpan.
    C’est la fin du cours pour Marion, elle descend au rond-point de l’hôpital.
    Le changement d’attitude de Julien lorsque nous nous retrouvons seuls est toujours aussi saisissant. Le Julien charmeur se transforme en Julien très pro, trop pro… mais ce qui ne change pas, c’est sa sexytude bouillante même lorsqu’il ne fait rien pour la mettre en évidence, cette beauté de mec canon qui est là, tout simplement, comme le soleil d’été. Sans parler de son déo qui sent si bon.
    Nous revenons par l’avenue de Grande-Bretagne, direction le Pont Neuf. Des papillons commencent à s’agiter violemment dans mon ventre lorsque Julien me fait continuer dans la rue de Metz.
    Je sens ma respiration s’accélérer à la simple idée de m’approcher de mon Jérém, j’ai le cœur qui bat la chamade à l’idée de le voir en terrasse. Car c’est ce qui va arriver, à coup sûr. Pour peu que le feu devant la brasserie soit au rouge, je vais le voir, et il va me voir lui aussi.
    Nous arrivons à Esquirol, et PAF !, le voilà mon bobrun, en terrasse, habillé de sa jolie chemise blanche, comme une heure plus tôt, chemise de bogoss que le vent fait un peu bouger autour de sa plastique ; c’est beau à me vriller les tripes.
    Je suis tellement en surchauffe que je ne vois même pas que le feu est en train de passer à l’orange ; je suis brusquement rappelé à la réalité lorsque je sens la pédale d’embrayage se dérober sous mon pied, la voiture ralentir brusquement, puis s’arrêter sans que j’aie appuyé sur la pédale de frein ; c’est là que je réalise que Julien a dû intervenir pour m’empêcher de griller le feu désormais rouge.
    « Eh, fais gaffe… » il me lance sur un ton entre réprobateur et moqueur, avec un sourire à faire tomber des montagnes « t’as pas vu que le feu allait passer au rouge ? ».
    « Désolé… » je tente de m’excuser, mal à l’aise, tout en commençant à transpirer à grosse gouttes.
    Mais déjà mon regard cherche à nouveau mon Jérém en terrasse. Ce mec est comme une drogue. Lorsqu’il apparaît, plus personne ni rien d’autre n’existe à mes yeux.
    « Il va falloir faire gaffe, si tu veux passer l’examen un jour… ».
    « Je suis désolé, je ferai davantage attention à l’avenir… ».
    Mon bobrun disparaît à l’intérieur de la brasserie.
    « Quand le feu passe au vert, tu me fais pas le même coup que Marion, ok ? » fait-il en me donnant une petite tape sur l’épaule, comme pour attirer mon attention.
    Je me retourne et je capte son regard de braise, son sourire fripon.
    Il est beau…
    « Je vais essayer… » je lui balance, juste avant de laisser à nouveau glisser mon regard vers la terrasse. Jérém ressort avec un plateau chargé.
    Oui, Julien est très beau… mais mon bobrun, c’est le plus beau.
    « Si tu cales, je te jure, tu sors de la voiture et tu rentres à pieds… » me balance le boblond, taquin, tout en tirant un petit coup sec sur ma ceinture pour attirer une nouvelle fois mon attention.
    C’est sa façon de balancer ça, plus que les mots eux-mêmes, c’est son sourire communicatif et charmant avant tout : toujours est-il, que je ne peux m’empêcher de rigoler avec lui.
    Ça fait du bien de rigoler, en plus ça m’aide à évacuer la tension d’être si près de mon bobrun, sans pouvoir l’approcher.
    Le feu s’éternise au rouge. Jérém vient de servir le client, il revient avec son plateau vide et s’installe dans l’encadrement de l’entrée de la brasserie, l’épaule appuyée au montant, le regard balayant la terrasse, ou peut-être la route.
    Je prends peut-être mes rêves pour des réalités mais j’ai soudainement l’impression qu’il regarde dans ma direction ; enfin, difficile de dire s’il me regarde vraiment, ou s’il regarde autre chose… pourtant, même s’il ne donne aucun signe dans ce sens, je suis prêt à parier qu’il m’a vu.
    Je ne peux m’empêcher de sortir le bras par la vitre ouverte et de lui faire un petit signe de la main. Signe qui restera sans réponse. Car, pile au moment où je lève mon bras, Jérém s’avance vers une table et sort son calepin pour prendre une commande.
    A-t-il seulement vu mon geste ?
    « C’est un pote à toi ? » j’entends Julien me demander à brûle pourpoint.
    « Oui, c'est… enfin… c'était un camarade de lycée ».
    « Il s'est levé de mauvais poil ou quoi ? » il rigole.
    « Pourquoi ? ».
    « Il t’a mis un vent ».
    « Il ne m’a peut-être pas vu… je ne sais pas s’il me regardait… ».
    « Moi je te dis qu’il regardait… et qu’il t’a mis un vent… ».
    « Il est un peu con parfois… ».
    « C’est ton mec ? ».
    « Quoi ? ».
    « C’est pas ton mec mais tu le kiffes, non ? ».
    « Non… enfin, pourquoi tu dis ça ? ».
    « Parce que c’est vrai… ça se voit que tu le kiffes… tu ne peux pas décoller les yeux de lui… je me trompe pas ? ».
    Le feu passe au vert ; je redémarre sans caler.
    « T’as vu, j’ai pas calé… » je tente de faire diversion.
    « Change pas de sujet… tu kiffes ce mec, non ? ».
    « Pourquoi je le kifferais ? ».
    « Tu vas pas me dire que tu es un mec à filles ? ».
    « De toute façon ça ne sert à rien… dans un mois je serai sur Bordeaux, alors, c’est mort… ».
    « Il ne s’est jamais rien passé avec lui ? ».
    « Non » je mens, j’ai juste envie qu’il me lâche « et il ne se passera jamais rien… c’est comme ça… ».
    En tout cas, il ne se passera PLUS jamais rien, c’est presque sûr. Julien a raison, Jérém m’a vu ; et il me faisait la gueule. Je n’aurai jamais le courage d’aller le voir.
    Nous continuons vers la Halle aux Grains, puis la Gare Matabiau, ensuite retour vers l’autoécole ; le reste du cours n’est pas une promenade de plaisir, je suis tout perturbé par ce qui vient de se passer, j’enchaîne les conneries.
    Au fond, je ne sais pas si c’est davantage le fait de m’être fait griller par Julien ou l’attitude de Jérém qui me perturbe le plus ; qu’est-ce qu’il il avait dans son regard ? De l’hostilité, de la rancœur ou, pire que tout, de l’indifférence ?
    « Je n’ai pas été bon aujourd’hui » j’admets en me garant devant l’autoécole.
    « Relax, mec… » me répond Julien avec un grand sourire incendiaire « la prochaine fois en évitera de passer par Esquirol… ».
    Petit con, va, je me retiens de justesse de lui lancer.
    Je passe le reste de la journée dans un état morose. Il faut que je me fasse à l’idée, je ne le reverrai plus, je ne coucherai plus jamais avec lui, je ne le sentirai plus jamais sur moi, contre moi, en moi, je ne me régalerai plus jamais de ce goût de mec que je vais finir par oublier, je ne verrai plus jamais sa jolie petite gueule déformée par l’orgasme. Ça aussi je vais l’oublier.
    Je suis tellement dégouté que je n’ai même pas le courage, le soir, dans mon lit, de prendre avec moi sa chemise pour m’endormir avec son odeur.

    Ewan et Philippe.

    Le lendemain, samedi 28 juillet, je me réveille tout aussi morose que la veille. Dans quelques heures, ça fera une semaine déjà, une semaine après cette nuit avec les deux potes. Une erreur, cette nuit, une profonde erreur.
    Je ne sais toujours pourquoi Jérém a voulu entraîner Thibault dans nos galipettes. Ça fait toute une semaine que je me pose la question ; j’ai fini par me dire que le fait que Thibault sonne à son interphone pendant nos ébats, a donné à Jérém l’occasion rêvée de me montrer, de montrer à son pote et de se le confirmer à lui-même par la même occasion, que je ne représente rien de plus à ses yeux qu’un cul à baiser.
    Certes, le fait que l’attitude de Thibault n’ait pas du tout été celle qu’il avait envisagée et prévue, ça a dû sérieusement le mettre en pétard.
    Quoi qu’il en soit, la présence de Thibault lui a offert l’occasion, le prétexte et la façon de mettre un terme à notre relation. Une façon toute à lui de tout casser, de faire la terre brulée entre nous deux, de semer un malaise insurmontable, de mettre le mot FIN à nos « révisions », sans avoir à donner d’explications.
    Car du malaise, oui, cette nuit, elle en a créé. Pas avec Thibault, car Thibault est un type formidable. Mais entre moi et Jérém, ça c’est certain, elle en a bien crée.
    Va l’approcher maintenant…
    Quel con j’ai été de me faire piéger de cette façon.
    Heureusement, quand ça ne va pas fort, je peux toujours compter sur la présence de la meilleure des cousines. C’est comme si elle le sentait. Elle vient à moi quand j’en ai besoin.
    C’est en début d’après-midi que je reçois un coup de fil d’Elodie. Elle me propose un ciné pour le soir même.
    « Je n’ai pas trop envie de bouger… ».
    « Toi t’as encore des soucis de bobrun… ».
    « Laisse tomber… ».
    « Tu viens, un point c’est tout… ».
    « Si tu veux… ».
    « Cache ta joie mon poulet… »
    « Si, si, je viendrai… je ne sais pas dire non à une soirée avec ma cousine » je tente de rigoler.
    « En revanche, je ne serai pas seule, mon Nico ».
    « T’amène une de tes copines ? ».
    « Naaaan… ».
    « Ne me dis pas que tu viens avec un mec… ».
    « Si… ».
    « Dis-donc, soirée ciné, présentation du cousin, c’est du sérieux… ».
    « C’est justement parce que je ne veux pas que ça fasse trop sérieux que je te demande de venir… ».
    « Tu le vois depuis quand ? ».
    « Quelques jours… ».
    « Il est bien ? ».
    « Il a l’air… ».
    « Vraiment bien ? ».
    « Je te dirai ça après… ».
    « Vraiment très très bien ? ».
    « On n’a pas encore couché… ».
    « Ah, ok… tu veux aller voir quoi ? ».
    « Moulin Rouge… ça te dit ? ».
    « C’est quoi comme film ? ».
    « Tu vas aimer, il y a du Madonna dedans… ».
    « Comment ça ? ».
    « Si tu viens, tu verras… ».
    « A Blagnac ? ».
    « Non, c’est en avant-première uniquement à l’UGC Wilson, la séance de 21 heures… ».
    « Ok, ok, j’y serai… ».
    « T’as intérêt… ».
    Alors, ça… Elodie avec un mec… je suis très heureux pour elle. Elle mérite sa part de bonheur, ma cousine.
    Dans l’après-midi, le vent d’Autan se fait de plus en plus violent. En début de soirée, ça souffle toujours aussi fort.
    Lorsque j’arrive devant le cinéma, Elodie et son mec sont déjà là.
    Philippe est un petit brun, 1m70 max, il n’a pas la carrure rugbyman, mais son corps est néanmoins très agréable à regarder. C’est un garçon très séduisant, avec de très beaux cheveux ondulés, un peu en bataille, et qui ont l’air très doux ; sa mâchoire et son menton comportent un joli duvet de barbe de plusieurs jours ; ses yeux, cachés derrière des lunettes carrées qui lui donnent un petit air d’intello sexy, projettent un regard parfois rêveur, toujours charmant.
    Philippe est aussi un garçon qui s’habille avec goût et originalité : il porte un t-shirt noir avec la mention « Chiant, fatiguant, râleur mais génial » en lettre capitales : certes, il faut oser la touche, mais, une fois osé, l’effet est plutôt sympa. Un short clair et des baskets noires, elles aussi, complètent sa tenue. Bref, le mec est class, tout en restant simple et naturel.
    La première impression en l’entendant parler est celle d’un garçon excessivement bien élevé, d’une grande gentillesse, viril mais doux, sensible, loin d’être con, et plutôt drôle. Philippe est un garçon d’humeur joyeuse, très souriant.
    J’ai envie de dire à Elodie… « Tu t’appliques, ma cousine toi, le mec a l’air génial… ne fais pas ta chieuse… mets-y du tien… ne le laisse pas partir… sale l’eau des pâtes avant de mettre les pâtes à cuire, si tu lui en cuisines (je l’ai souvent vue se rendre coupable de l’impardonnable : ne pas saler l’eau des pâtes, mais saler les pâtes une fois égouttées) ». J’ai envie de lui crier tout cela pour qu’elle l’imprime, mais je choisis de lui envoyer un texto ; texto qui la fera marrer lorsque nous sommes déjà installés dans la salle.
    Le film démarre et, dès les premières images, ça décoiffe grave. Le propos de départ est triste mais intriguant. Et on est vite entrainé dans le tourbillon de cette pure folie visuelle, de ce déluge de décors et de couleurs, doublée d’un incessant délire musical.
    Moulin Rouge est une incroyable féerie cinématographique. Nicole Kidman, dans le rôle du « Diamant étincelant », est juste somptueuse ; quant à Ewan McGregor, assis devant sa machine à écrire, dans son petit débardeur blanc, il est juste craquant.
    La bande son est un enchaînement de reprises de tubes planétaires sciemment anachroniques par rapport à l’époque où est censée se dérouler l’histoire, fin XIX ; des tubes savamment choisis pour illustrer les différents passages du scenario et souvent interprétés par les acteurs principaux.
    Un film qui reprend deux tubes de Madonna dans sa bande son, moi, j’achète ; mais elle va également taper du côté d’Elton John, avec une version symphonique de la toujours incroyable « Your song » ; du côté des grand classiques avec la féérique « Complainte de la butte » chantée avec un délicieux accent anglais ; ou bien du côté de Freddy Mercury avec une vibrante version de « The show must go on ».
    Oui, cette bande son est un pur bonheur. Et elle démarre avec la voix de David Bowie, avec sa déchirante « Nature boy ».

    There was a boy/Il y avait un garçon
    A very strange enchanted boy/Un garçon charmant très étrange
    (…) And then one day/Et puis un jour
    One magic day he passed my way/Un jour magique il a croisé ma route
    (…) The greatest thing you'll ever learn/La plus grande chose que vous apprendrez jamais
    Is just to love and be loved in return/Est juste d'aimer et d'être aimé en retour

    Les tableaux s’enchaînent, sans répit ; puis, vient cette fabuleuse scène chez Satine, dans l’Eléphant-alcôve ; et là, au milieu de ce délicieux pot-pourri d’extraits d’autres immenses monuments de la chanson, la voix d’Ewan s’élève pour entonner un air et des mots qui me font vibrer :

    Love lift us up where we belong/L'amour nous soulève jusque-là où nous sommes destinés
    Where the eagles cry, on a mountain high/Là où les aigles pleurent, sur le haut d'une montagne

    Je sais que j’ai déjà entendu ces couplets, cet air ; c’est une chanson très connue, j’essaie de me la passer et repasser dans la tête pour retrouver le souvenir qui m’échappe, en vain… mais où est-ce que j’ai déjà entendu cette chanson ? Qui la chante donc ? Aaaaah, ça m’énerve !
    Les scènes se succèdent à un rythme infernal. Vient ensuite la seule chanson originale du film, celle qui finira par me toucher le plus profondément de toutes. Certes, la voix d’Ewan McGregor est une pure caresse pour les oreilles et pour l’esprit ; et l’interprétation de Nicole est également magnifique. Mais c’est le texte qui me frappe le plus intensément. Car il colle si bien à ce que je ressens…

    (…) aucune montagne n'est trop haute, aucun fleuve n'est trop large
    (…) Les nuages de l'orage peuvent s'amonceler, les étoiles s'entrechoquer
    Je t'aimerai jusqu'à la fin des temps
    (…) Quoi qu'il advienne/Je t'aimerai jusqu'à mon dernier jour

    Lorsque la chanson se termine, j’ai les yeux embués de larmes ; je ressens une puissante envie de courir à la brasserie, et dire tout haut à mon Jérém ce que je ressens pour lui.
    Non, ça ne peut pas se finir comme ça entre nous deux… ça ne peut pas se finir tout court, d’ailleurs… ça ne peut pas se finir chez moi, dans mon lit, blotti dans le noir, mon visage plongé dans sa chemise, dans son t-shirt, cherchant à retenir son odeur, et les souvenir de notre trop courte histoire.
    Je dois me battre car, comme le dit la même chanson :

    Soudain le monde semble être un endroit parfait
    (…) Et tout tourne autour de toi

    Le final étant annoncé depuis le départ, ça devrait éviter les larmes sur le générique de fin. Pas pour moi. Je sors bouleversé du visionnage de ce film si hors du commun, si à part, secoué par la puissance de cette histoire d’amour insensé.
    Lorsque nous quittons le cinéma, il n’est que 23h15. Je suis encore tout secoué, mais j’ai juste envie de courir à la brasserie pour crier à Jérém à quel point il me manque, à quel point il est tout pour moi.
    Pourtant, je me laisse entraîner à la terrasse d’un café pour prendre un verre avec Elodie et Philippe. De toute façon, je sais que je n’aurai pas le courage de le faire ; et même si je trouvais le courage, Jérém le prendrait super mal.
    Pourtant, assis devant mon mojito, je ne tiens pas en place. Je suis ailleurs.
    « T’as l’air tout secoué mon cousin … ».
    « C’était top ce film, je ne regrette pas d’être venu… ».
    Les verres s’éternisent, les deux tourtereaux sont trop occupés à filer le parfait love pour penser à la boisson.
    Lorsque Elodie repart enfin avec son Phil, elle casse un de ses talons en descendant du trottoir ; il est minuit trente, Cendrillon est en retard ; mais bon, elle a l’air d’avoir trouvé son prince. Je suis vraiment heureux pour elle.
    On se dit au revoir ; je leur dis que je vais rentrer aussi ; pourtant, je sais que je n’en ai pas envie tout de suite, j’ai besoin de marcher pour évacuer l’émotion que ce putain de film a provoqué en moi.
    J’arrive place du Capitole, avec ses terrasses bondées ; et toujours ces couplets qui hantent mon esprit :

    Love lift us up where we belong/L'amour nous soulève jusque-là où nous sommes destinés
    Where the eagles cry, on a mountain high/Là où les aigles pleurent, sur le haut d'une montagne

    Mais bon sang, où est-ce que j’ai déjà entendu cette chanson ? Je connais cette mélodie… je la joue sans cesse dans ma tête, à chaque fois j’ai l’impression que je vais retrouver la source, puis non, ça retombe, écran noir…
    Je quitte la place de l’Hôtel de Ville et, poussé par une force irrépressible, je laisse mes jambes me porter vers la rue Gabriel Péri ; voilà la Bodega ; je ne suis pas souvent rentré dans ce pub mais je connais bien ses chiottes pour y avoir offert une pipe mémorable à mon bobrun lors du repas de fin de lycée.
    Je remonte la rue jusqu’au bout, en côtoyant les terrasses grouillantes de jeunesse, de musique et de joyeux brouhaha, je continue jusqu’au canal ; et là, un putain de bogoss torse en V-torse nu court sur le trottoir le long des platanes, il fait son jogging à la fraîcheur de la nuit, son t-shirt à la main, une plastique sculptée à couper le souffle.
    Je passe devant l’enseigne lumineuse du On Off, cette boîte à garçons dans laquelle mon Jérém m’a entraîné une nuit, où je l’ai vu s’éclipser avec deux mecs. Je n’ai jamais su ce qui s’était passé pendant les longues minutes où il avait disparu dans le couloir de la back room, avant qu’il ne me retrouve dehors, en train de me faire draguer par le beau Romain.
    Je me demande toujours ce qui lui a pris de proposer à ce sexy Romain de se joindre à nous pour un plan cul… qu’est-ce qu’il voulait me démontrer ? Se démontrer ? Qu’il pouvait lever et baiser n’importe quel mec ? Que personne ne lui résiste ? Avait-il vraiment été jaloux de me voir coucher avec Romain ? Pourquoi m’avoir demandé de rester dormir après ? Décidemment, ce mec demeurera à tout jamais un mystère insoluble…
    Une fois sur le canal, impossible de résister à la tentation de redescendre par la célèbre parallèle de Péri, la Colombette ; impossible également de ne pas ressentir une profonde nostalgie, un déchirement intérieur, un sentiment de gâchis, d’inaccompli, en passant devant la façade aux volets bleus entourés de brique toulousaine, devant cette porte bleue que j’ai franchi tant de fois le cœur battant la chamade ; et de ressentir une grande tristesse à l’idée que plus jamais je ne pénètrerai dans ce théâtre bientôt désaffecté ou il s’est joué tant de scènes importantes de ma vie.
    Je descends la rue, le cœur lourd, au bord des larmes, les paroles de « Your Song » en boucle dans ma tête.

    It's a little bit funny, this feeling inside/C'est assez drôle, cette sensation intérieure
    I'm not one of those, who can easily hide/Je ne suis pas de ceux qui peuvent facilement la cacher
    (…)
    How wonderful life is while you're in the world/Comme la vie est belle quand tu es dans le monde.

    Je passe devant la Ciguë, ce bar à mecs en bas de la rue de la Colombette, avec sa façade discrète et sombre.
    Je traverse Carnot, je retourne vers le Capitole, je prends Alsace-Lorraine : alors que c’est une des rues les plus animées de la ville en pleine journée, à cette heure-ci, avec ses boutiques fermées, la plupart les vitrines carrément éteintes, c’est plutôt une rue fantôme.
    Une force d’attraction irrépressible, une autre, ou bien la même, m’attire vers Esquirol ; en même temps qu’une autre, d’intensité égale mais contraire, m’empêche de m’y rendre par le chemin le plus court. La tête dit « tiens-toi au loin, ce n’est pas une bonne idée », alors que le cœur crie « vas-y, putain, Nico, cours, tu en meurs d’envie… ».
    Mes jambes n’en font qu’à leur tête. Me voilà à Esquirol… le voilà Jérém, beau comme un dieu dans son t-shirt noir avec des inscriptions blanches, à l’aise avec son plateau comme s’il avait fait ça toute sa vie, à l’aise avec son sourire charmeur, si loin du mec froid et tourmenté qui me baise sans arriver à l’assumer… si seulement je savais ce qui se passe dans sa jolie tête, ce qu’il pense de ce qui s’est passé samedi dernier avec Thibault… est-ce qu’il y pense seulement ? Il a l’air si bien dans ses baskets que je me dis qu’il a déjà tourné la page de tout ça.
    Il est beau, il est charmeur, et sa présence attire tous les regards ; et il le sait, le petit con…
    Oh oui, qu’il le sait qu’il est beau comme un ptit Dieu ; pourtant, quand on le regarde, on a l'impression qu'il ne fait même pas d'effort pour en jouer : tout chez lui est juste naturellement, insupportablement sexy ; le moindre de ses gestes, regards, sourires, calculés ou non, sont comme des flèches, et on ne peut même pas lui en vouloir pour cette apparente arrogance.
    C’est si dur d’être à la fois si près et si loin de lui. Je dois à tout prix trouver le courage de l’approcher, il me manque trop. Aller le voir à la brasserie, ce ne serait vraiment pas une bonne idée ; en revanche, je vais peut-être trouver le courage de le capter à la sortie du taf.
    Si je me fie à son sms de samedi dernier, il doit finir aux alentours de 2 heures… encore une heure à attendre, donc ; la terrasse est encore bondée : j’ai quand même le temps d’aller faire un petit tour. L’idée de tenter de l’intercepter pendant qu’il rentre chez lui me plaît bien. Mais vais-je oser ?
    Je marche en quête de courage. Je continue dans la rue des Changes, puis rue sainte Rome ; en arrivant à nouveau au Capitole, une étoile filante traverse le ciel vers St Sernin ; vite, un vœu, Nico !
    Ne pas le perdre de vue à la rentrée, continuer cette histoire, lui faire un câlin, recevoir un câlin, lui offrir mon amour, lui donner envie d’accepter mon amour… ça fait beaucoup de vœux, je sais…
    Je reviens vers le quartier de la Daurade, ce quartier que je connais si bien pour l’avoir fréquenté tous les jours pendant trois ans ; petit frisson déjà nostalgique en repensant à cette vieille et magnifique bâtisse, à ce lieu qui a vu ma vie d’adulte commencer sur les ailes d’un amour dévorant, ce site qu’il faudra m’habituer à appeler « mon ancien lycée ».
    Me voilà à nouveau place St Pierre, en face du pont. Je suis fatigué et assoiffé. Je m’assois à une table de café, seul, à côté d’une autre bande de potes, pour mes sentir comme au milieu d’eux, pour sentir le frisson de cette camaraderie, pour écouter leurs blagues, pour observer leur façon de faire les beaux pour plaire aux filles.
    Mon attention est de suite aimantée par un petit mec avec sa chemisette à carreaux bleus et blancs, avec deux boutons ouverts laissant dépasser quelques poils délicats ; il est vraiment très charmant et son sourire un peu enfantin le rend craquant.
    Se sentir seul dans la ville même entouré de tout ce monde, de ce joyeux brouhaha des jeunes qui font la fête dans la douceur de la nuit toulousaine, de mecs pour qui la vie semble si facile, si heureuse. Je tends l’oreille pour capter leurs conversations, des bribes de leur vie, de leur existence rêvée. Ils semblent tous si détendus, si insouciants, personne d’entre eux semble angoissé comme je le suis par une histoire compliquée, comme que celle que je vis avec mon Jérém.
    Un autre beau serveur avec un autre t-shirt noir bien coupé vient prendre ma commande.
    « Un panaché pêche » je lui annonce.
    Il a l’air surpris.
    Ma commande arrive rapidement, j’avale rapidement ma boisson. J’hésite à en commander une autre, mais il est déjà presque deux heures… il est désormais temps de me lever pour…
    Pour…
    Pour…
    Pour…
    Pour…
    Pour…
    Pour rentrer chez moi.
    Oui, chez moi.
    Je n’aurai pas le courage d’aller à la rencontre de Jérém. Ni cette nuit, ni aucune autre. Il faut que je me fasse à l’idée que c’est fini. Toute rencontre que je pourrais provoquer, ce serait une énième rencontre de trop. Il faut savoir arrêter les dégâts à un moment.
    Et tant pis si ça se finit ainsi, dans mon lit, blotti dans le noir, mon visage plongé dans sa chemise, dans son t-shirt, cherchant à retenir son odeur, et les souvenirs de notre trop courte histoire. Tant pis si pour moi les montagnes sont trop hautes, les fleuves trop larges, et l’amour ne me soulève pas jusque-là où je suis destiné. Peut-être tout simplement que je n’y suis pas destiné.
    Tant pis. Les films, les chansons, c’est une chose. La vie, ça en est toute autre.
    Je me lève, je traverse le pont St Pierre, direction la maison.
    Place St Cyprien, j’assiste à une scène inattendue.
    Deux p’tits mecs, 20 maxi, sont assis dans un abribus. Ce ne sont pas les plus canons que j'ai vus ce soir, mais ils sont loin d'être moches : deux mecs normaux, un brun, l’autre châtain, normalement attirants.
    Tous les deux font très mecs et a priori hétéros ; pourtant, il y a un je-ne-sais-quoi dans leur attitude, un truc que je perçois quasi instantanément, et qui me fait dire que ces deux-là pourraient bien être du bon côté de la Force.
    Intrigué, je m’arrête à une certaine distance, je dégaine mon portable et je fais semblant de textoter, tout en les matant discrètement.
    Mon impression semble se confirmer, car la façon que le brun a de regarder l'autre, ainsi que le sourire de ce dernier, semblent en dire long dans ce sens.
    Vient alors le premier geste qui en dit encore plus long. Le brun pose son front sur l'épaule de l'autre. Premier frisson.
    Mais bon, je me dis que je me fais des films, que j’ai trop d’imagination. Peut-être qu’ils sont juste potes et que l’un, fatigué, cherche à se reposer sur l’épaule de l’autre.
    Pourtant, j'ai plutôt furieusement envie de croire à une autre hypothèse, bien plus mignonne. Car il y a ces regards entre eux, des regards qui ne trompent pas ; et les leurs, ressemblent à s’y méprendre à des regards d'amoureux.
    Et puis, quelques instants plus tard, enfin, la confirmation définitive, le frisson ultime de découvrir d’avoir eu raison depuis le début.
    Le brun fait un bisou très tendre dans le cou de l'autre, ce dernier sourit et penche la tête d'un air vraiment amoureux… il a ce regard rempli de ce bonheur intense, ce bonheur qu’on ressent et qu’on dégage lorsqu’on contemple la personne qui est tout à nos yeux ; il a l’air submergé par la grisante impression qu'il n'existe rien d’autre autour de lui, qu’ils sont seuls au monde, avec la certitude, ou du moins l’envie de le croire, que ce sera ainsi à tout jamais.
    Je ne peux être qu’heureux pour eux, et jaloux de leur jeune passion, de cet amour naissant.
    Je me dis que l’amour entre ces deux garçons, intense, palpable, réciproque, est la preuve qu'il y a un sens dans ce monde parfois si incompréhensible. Je me dis que c’est possible, donc, même en étant de ce côté de la Force, de vivre la plus grande chose qui existe dans ce monde… aimer et être aimé en retour…
    Je pense qu'ils ont capté que je les ai vus ; je redouble de discrétion, je ne veux pas leur donner l'impression que je les juge, que j'ai été choque, et encore moins que je suis un voyeur, que je veux les draguer.
    Je voudrais trouver la façon de les regarder pour leur faire comprendre que je suis "de leur côté", que je les trouve mignons et touchants. J’ai juste envie de leur dire, de leur crier de profiter de cet instant, de cet amour si beau.
    Un simple sourire aurait peut-être fait l'affaire, mais je n’ai pas trouvé sur le moment, trop touché, trop ému.
    C’est beau à en pleurer… ils ont l’air tellement « ensemble », tellement « ailleurs »… c’est donc bien cela…

    Love lifts us up where we belong/ L'amour nous soulève jusque-là où nous sommes destinés
    Where the eagles cry, on a mountain high/Là où les aigles pleurent, sur le haut d'une montagne


    Jérém

    Ça n’a plus d’importance de savoir où est-ce que j’ai déjà entendu cette chanson.
    Ce qui est important à mes yeux, désormais, c’est de foncer. Courage Nico. Tu dois aller le voir. Tu dois le prendre entre quatre yeux et lui parler, lui dire tout ce que tu ressens, lui ouvrir ton cœur.
    S’il y a un minimum de sensibilité derrière sa plastique de fou et sa jolie petite gueule, il ne pourra pas te jeter.
    Et si toutefois il devait rester insensible face à tes mots, à tes sentiments, tu les lui auras au moins exprimés clairement, il les aura au moins entendus. Tu dois lui dire, il doit savoir, à quel point il compte pour toi.
    Je l’aime trop, et aucune montagne n'est trop haute, aucun fleuve n'est trop large pour m’empêcher de le lui dire.
    Je dois à tout prix l’intercepter à la sortie de son taf… il faut absolument que je le vois une dernière fois avant qu’il ne quitte l’appart de la rue de la Colombette. Après, ce sera bien plus difficile de se retrouver seuls.
    Je marche au pas de course, j’ai l’impression de léviter au-dessus du pont Neuf.
    Mais lorsque j’arrive à Esquirol, la brasserie est déjà fermée.
    Un sentiment de désespoir m’envahit. Ça ne peut pas se terminer comme ça. Il faut que je le rattrape. Il est 2h30, je suis plutôt fatigué, mais je trouve la force de traverser une bonne partie de la ville pour aller retrouver mon bobrun.
    Rue de la Colombette, je sonne à son interphone. Je suis fou, il est presque trois heures. Mais Thibault l’a bien fait une semaine plus tôt, alors, pourquoi pas moi. J’ai le cœur qui tape à tout rompre.
    J’attends pendant de longues interminables secondes, mais aucune réponse ne vient. Je sonne une nouvelle fois. Rien non plus.
    Je suis très déçu de moi : j’aurais dû pister la fin de son service, avoir plus de volonté, l’avoir dès le départ ; j’aurais dû oser ; je l’ai laissé filer entre les doigts, j’ai laissé filer la dernière occasion pour rentrer dans cet appartement à jamais perdu, j’ai gâché la dernière occasion pour en retrouver les couleurs, les senteurs, les émotions.
    Qui sait où est maintenant mon bobrun. Il est peut-être en train de boire un verre avec Thibault quelque part dans la ville encore éveillée… ou entre les cuisses d’une nana, d’une cliente de la brasserie, il y en a tant qui le dévorent des yeux…
    Va le dénicher maintenant…
    Je remonte vers le canal. J’ai envie de chialer. Pourtant, au moment de tourner à gauche direction la maison, une idée s’illumine à jour dans ma tête. Je sais peut-être où le trouver.
    Je reviens vers Jean Jaurès. L’enseigne lumineuse du On Off me fait de l’œil, je l’ignore et je m’engage dans la rue Gabriel Péri, je la descends jusqu’à Carnot. Les terrasses de certains bistrots commencent à se faire clairsemées mais la Bodega n’est pas prête de fermer ses portes.
    Je rentre dans cette jolie bâtisse bien connue pour son ambiance festive. Et bingo, en plein dans le mille.
    Le voilà mon bobrun, assis autour d’une table avec ses potes ; je reconnais Thierry, ainsi que quelques-uns de ses co-équipiers de rugby. Un grand absent, apparemment : j’ai beau chercher, je ne trouve pas Thibault. Le bomécano doit dormir à l’heure qu’il est, je sais qu’il travaille le samedi.
    Je regarde mon bobrun en train de picoler, de fumer, de discuter, de rigoler avec ses potes.
    C'est toujours un spectacle plein de sensations que de regarder un beau mec partager une bière avec ses potes, tout absorbé dans une discussion qui a l’air plutôt animée, plaisante et drôle, une discussion qui, même sans la bande son, sent la complicité, la camaraderie, le bonheur d’être entre potes.
    Et qu’est-ce qu’il est beau, mon Jérém, dans son t-shirt noir, le même qu’il portait pendant le service à la brasserie : le bord de la manchette gauche nonchalamment retroussé, dégageant son tatouage sexy, moulant son biceps puissant qui gonfle sous le simple effet des mouvements de son bras.
    Entre deux rigolades, le bobrun porte la bouteille de bière à ses lèvres pour en avaler une bonne rasade. C’est beau et viril un beau mec qui penche sa tête en arrière pour boire sa bière a la bouteille, avec la pomme d’Adam agitée par la déglutition.
    Je prends une boisson, et je me planque dans un coin de l’autre côté de l’îlot du comptoir, à un endroit qui me permet d’observer discrètement mon bobrun, bien décidé à attendre qu’il quitte les lieux, bien décidé à le rattraper lorsqu’il rentrera chez lui.
    J’espère juste qu’il ne va pas avoir la mauvaise idée de continuer la soirée au KL. Ce qui me rassure, c’est qu’il est déjà 3h30. Ils n’ont pas l’air d’être pressés de partir, ce qui me fait imaginer que je suis tout juste à une ou deux bières près de le voir prendre la direction de son appart.
    Cette nuit, mon flair semble dans une bonne conjoncture : je n’ai à attendre qu’une petite demi-heure pour voir la bande de potes se lever et prendre la direction de la sortie. J’attends quelques secondes et je sors moi aussi, en mode discret, profitant de la présence de nombreuses personnes en terrasse pour passer incognito.
    Je les regarde se claquer la bise, se bousculer en rigolant, se séparer ; la plupart des mecs prennent la direction des allées Jean Jaurès ; Jérém et un autre mec remontent la rue Gabriel Péri.
    Ah, non, pas ça… ils ne vont pas aller à l’appart pour une dernière bière entre mecs…
    Je les suis à une distance de prudence… je les regarde se passer l’un l’autre un petit bout fumant qui laisse cette odeur si typique sur son passage.
    Nous arrivons au canal… les deux potes tournent à droite… putain, ils ne vont pas se lâcher…
    Mais, au lieu de continuer vers la rue de la Colombette, ils traversent la route, s’approchent d’une voiture garée côté platanes. Ah, non… ils ne vont pas partir en boîte !
    Et là, les deux potes ses serrent la main, se claquent la bise. Le mec disparaît dans sa voiture et mon bobrun continue direction l’appart. J’aime mieux ça… Enfin seul. Je vais pouvoir passer à l’attaque.
    A l’attaque, Nico ! Non, aucune montagne n'est trop haute, aucun fleuve n'est trop large…
    Je m’attends à que Jérém traverse la route pour revenir vers la Colombette ; mais le bobrun continue de longer le canal sur quelques mètres et se faufile dans un passage entre deux bouts de haie ; il avance dans la pénombre, il écarte un peu les jambes, le bassin bien vers l’avant ; même si je suis assez loin et si je ne le vois que de derrière, il n’y a pas de doute, il est en train de défaire sa braguette.
    Je le regarde planté là, en train de se soulager la vessie : ça devait être une envie vraiment pressante s’il n’a pas pu attendre cinq minutes d’être chez lui. Certes, la caresse du vent d’Autan, plus fraîche à cette heure tardive, stimule l’envie de pisser ; je comprends aussi que se soulager dans la « nature » est chose plutôt agréable.
    En regardant ses coudes légèrement pliés, j’imagine ses mains tenant l’une l’élastique du boxer, l’autre sa queue ; je le vois porter le cou en arrière, lever le visage vers le ciel ; image qui m’en rappelle une autre, une de ses attitudes pendant qu’il prend son pied ; rien d’étonnant à cela, force est d’admettre que le fait de se soulager la vessie lorsque déjà les yeux commencent à virer au jaune, est en effet comparable à une petite jouissance…
    Quoi qu’il en soit, regarder un mec en train de pisser, et notamment CE mec, les jambes bien écartées, voir ses coudes s’agiter pour produire le mouvement typique permettant de se délester de la dernière goutte, c’est un spectacle plutôt sympathique.
    Et la façon si naturelle avec laquelle mon bobrun exécute tout ça, ça rend la scène furieusement excitante. Jérém qui pisse sur le canal, plus « mec », on meurt.
    Je le regarde toujours de dos, je devine ses mouvements pour ranger le matos, refermer le pantalon.
    Il traverse enfin la route et il s’engage dans la rue de la Colombette. Je le regarde avancer, et sa démarche me confirme une impression que j’avais eue dès sa sortie de la Bodega : je crois que mon bobrun est bien torché ; je ne l’ai vu boire que des bières, mais ce ne sont peut-être pas les premières de la soirée ; si on ajoute le tarpé et la fatigue ; on va dire que mon bobrun n’a pas vraiment l’air très frais…
    Mais aucune montagne n'est trop haute, aucun fleuve n'est trop large… alors je vais le choper quand même…
    « Jérém ! » je l’interpelle.
    Il s’arrête, il se retourne, il me regarde, sans un mot, sans expression. J’ai l’impression qu’il regarde un inconnu.
    C’est la première fois que je vois Jérém de près après cette nuit avec Thibault ; et ça me fait bizarre, son regard, son attitude semblent annoncer d’entrée comme si quelque chose avait changé entre nous, comme si une nouvelle distance s’était installée.
    « Tu fais quoi là ? » il finit par lâcher.
    « Moi aussi je suis content de te revoir… » je tente de rigoler.
    « Tu arrives d’où ? ».
    « J’étais en ville avec ma cousine et je t’ai vu sortir de la Bodega… ».
    Il reprend à marcher vers l’appart, sans un mot de plus.
    « Tu vas bien ? » je tente de le questionner.
    « Qu’est-ce que ça peut te faire ? Qu’est-ce que tu veux ? ».
    Sa froideur me fait mal, mais je tente de ne pas le montrer.
    « J’avais envie de te dire bonjour… ».
    Je ne peux pas me contenter de ça, je dois lui dire qu’il m’a manqué, alors je continue :
    « Et j’avais envie de te revoir aussi… ».
    Nous arrivons devant son immeuble. Il ouvre la porte et il s’arrête sur le seuil, me barrant le passage, et il me balance :
    « Si tu rentres, c’est pour me sucer et tu te tires après… mais si tu es venu pour me prendre la tête, tu peux partir tout de suite… ».
    Ses mots sont violents, le ton de sa voix est dur. Je le regarde en silence, désemparé. Quoi rétorquer à de telles conditions ? C’est non négociable, à prendre ou à laisser.
    Il est juste indiciblement beau, c’est à pleurer, sa beauté transperce les rétines, elle s'insinue dans les entrailles pour les perforer, c'est comme sentir glisser sur la peau le fil tranchant d'un rasoir, la lame acérée d'une épée, une brûlure comme la morsure d'un soleil d'été, comme la piqûre d'un acide, insoutenable, insupportable ; pourtant, je ne peux m’en détacher, je ne peux y échapper.
    Rencontrer son regard, sentir son regard, entendre sa voix, ça me secoue de fond en comble… ce mec a un pouvoir sur moi qu’aucun autre mec ne possède…
    Dès que je suis en sa présence je ressens un emballement incontrôlable de mon rythme cardiaque, comme un compteur Geiger qui s'affole en présence de trop de radioactivité.
    L’idée de goûter à sa queue et à son jus me rend dingue ; je crève d’envie de le voir jouir, de voir sa jolie petite gueule au moment de son puissant orgasme, terrassé par son violent plaisir, sentir son corps se crisper, voir ses yeux se fermer sous l'intensité de sa jouissance, entendre ses soupirs, ses gémissements, son râle sauvage au moment où il lâchera les jets de jus de mec ardent comme de la lave en fusion.
    « Laisse-moi rentrer » je finis par lui lâcher, en posant une main sur un de ses pecs durs comme du béton, pour l’inviter à reculer et à me laisser franchir la porte.
    Le bogoss me toise, oppose une résistance à mon mouvement.
    « S’il te plaît… » j’insiste, tout autant avec les mots qu’avec l’intensité croissante de mon geste sur son pecs. Le bogoss recule enfin, et je rentre dans la petite entrée de l’immeuble.
    Jérém n’a pas allumé la lumière. Le petit espace est faiblement illuminé par la réverbération de l’éclairage public filtrant à travers les vitres opaques d’une petite lucarne au-dessus de la porte d’entrée.
    Jérém s’est arrêté en bas de l’escalier, le dos appuyé contre le mur. Il me regarde fixement. SA respiration est rapide, le mec a vraiment l’air fatigué. Je sens les relents de son haleine chargée d’alcool.
    Le silence s’étire pendant de longues secondes. Jusqu’à ce que le bogoss ne se charge d’annoncer clairement la couleur.
    « Suce-moi ! » fait-il en dégrafant la ceinture et en ouvrant sa braguette, laissant apparaître son boxer blanc moulant le relief de sa queue, insoutenable invitation au plaisir.
    « Ici ? » je m’étonne.
    « T’es venu pour ça, non ? Ici ou ailleurs, une pipe c’est une pipe ».
    « T’es sûr de ton coup… ? »
    « Ecoutes, soit tu me suces là et maintenant, soit tu te casses… ».
    Envie furieuse d'être à ses pieds, à ses genoux, d'avaler sa virilité conquérante, jusqu'à la garde, jusqu'à m'en étouffer, de le laisser me dominer avec ses coups de reins puissants et sauvages, le laisser se défouler sans limite et sans retenue, jusqu’à avaler son jus brûlant. Envie de lui comme c’est pas possible.
       


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    C’est beau, Toulouse, l’été. Lorsque le soleil cogne dur pendant de longues journées, donnant cet éclat doré aux façades en briques roses ; lorsque ses fontaines, ses espaces verts, le vent d’Autan aident à oublier les températures caniculaires ; lorsque, au coucher du soleil, les quais de la Garonne offrent un havre de fraîcheur et de détente aux toulousains.
    C’est beau d’être en vacances après avoir obtenu son bac ; et ressentir ce sentiment d’accomplissement, d’être à jour de tout : un sentiment qui, à partir des années fac, ne sera plus jamais aussi entier.
    L’été après son bac, c’est aussi la période magique où l’Avenir se dresse devant soi, avec un grand A, avenir neuf, encore vierge, tout entier à écrire, rempli de tous les possibles, mais dont on ne mesure souvent toutes les potentialités, tous les infinis choix à portée de mains (et de volonté) que lorsque celui-ci s’éloigne trop inexorablement.
    Certes, le bonheur d’avoir passé le bac s’accompagne à l’inquiétude grandissante de voir une page de ma vie se tourner. J’ai à la fois très envie de découvrir mes nouvelles études, ma nouvelle vie, mon propre studio ; mais j’ai aussi très peur de voir la nouvelle page s’écrire avec le nom de mon Jérém n’y figurant qu’en souvenir.
    Mais en attendant, c’est l’été, l’avenir est devant moi, je n’ai de comptes à rendre à personne ; j’ai la chance d’avoir une famille qui peut me permettre le luxe de passer tout l’été avant ma rentrée à la fac à ne rien ne faire d’autre que glander. Mis à part tenter d’avoir mon permis.
    Oui, c’est l’été et je suis follement amoureux. Et c’est beau d’être amoureux, tellement bon ; même si celui que je connais, ce n’est pas l’amour le plus simple à vivre qui soit. Mais qu’importe, l’amour est toujours beau, du moment qu’il nous habite.
    Je suis un garçon chanceux. J’ai connu le sexe avec un canon de mec, un petit dieu tombé du ciel, un sacré étalon au pieu, mon Jérém.
    Sacrées révisions de math… je ne sais même pas comment j’ai osé lui proposer ça.
    Certes, depuis le premier jour du lycée, je mourais d’envie de le serrer contre moi, de le couvrir de bisous ; petit à petit, cette envie de tendresse s’était mélangée à des envies naissantes, puis grandissantes, de lui faire des trucs de plus en plus torrides, de lui offrir un plaisir géant.
    Deux obstacles insurmontables, cependant, sur le chemin de ce besoin profond : son goût prononcé et affiché pour les filles, et ma timidité doublée d’une profonde maladresse.
    Trois années de lycée à me consumer en le regardant, chaque jour plus beau et sexy que la veille, trois années à me dire que jamais il ne se passera rien avec ce bobrun au sourire incendiaire.
    Un grand esprit a écrit : « Il y a des jours, des mois, des années interminables où il ne se passe presque rien. Il y a des minutes et des secondes qui contiennent tout un monde ».
    Pendant trois années de lycée, il ne s’est rien passé. Puis, un jour, j’ai osé. En balbutiant, j’ai osé. Alors qu’à la récré je venais d’entendre deux camarades parler de se retrouver après les cours pour réviser, sur un coup de tête je me suis adressé à mon bobrun, en train de fumer juste à côté :
    « Si tu v… veux on p… peut réviser les maths ensemble… enfin, si ça te dit… ».
    Quelques secondes à peine…
    Il m’avait regardé de haut en bas, il avait longuement expiré la fumée de sa cigarette, et j’avais même eu l’impression qu’un petit rire moqueur était monté à ses lèvres. Je m’attendais qu’il m’envoie bouler méchamment, je me préparais à l’entendre se moquer de moi.
    Puis, contre toute attente, il avait lâché, froidement :
    « Si tu veux… ».
    Oui, quelques secondes à peine, et ma vie toute entière avait basculé.
    « Ce soir après les cours ? » j’avais bordé ma proposition pour ne pas qu’elle parte en l’air.
    « Si tu veux… ».
    Bien sûr que je le voulais, comme un fou je le voulais, à en crever je le voulais.
    Même si cela n’explique toujours pas où j’ai trouvé le cran de lui proposer cette première révision… surement dans la peur panique que ces années de lycée se terminent et que Jérém disparaisse de ma vie sans que j’aie tenté quoi que ce soit, alors que j’étais raide dingue de lui… dans la peur du vide absolu et intolérable, du déchirement intérieur, du vertige insupportable qu’aurait été le fait de ne plus le voir, de le perdre de vue, sans jamais n’avoir pu approcher son intimité.
    Les révisions ses sont enchaînées, déchainées. Je devrais être le plus heureux des mecs. Pourtant, je suis triste. Et angoissé.
    Plus les jours passent, plus je me dis que cette nuit avec les deux potes a été une erreur… que c’était la chose à ne pas faire, que ça va tout gâcher. Car, après ce moment sensuel aux sensations si contrastées et contrastantes, je ne sais toujours pas comment je vais retrouver mon bobrun.
    Certes, la rencontre avec Thibault en milieu de semaine m’a un peu remis sur les rails. Mais, dans la pratique, je ne sais toujours pas comment m’y prendre pour approcher Jérém.
    Lorsque l’angoisse me happe et les inquiétudes tournent en boucle dans ma tête, rien de mieux pour me changer les idées qu’une balade sur le canal.
    Et quand la balade au bord de l’eau tourne à la rediff, il existe un tout autre type de balade, capable de me distraire, de m’amener très loin, tout en restant en ville : c’est le « Toulouse-bogoss-summer-visit-tour ».
    [A partir d’ici, et jusqu’à l’avant dernier paragraphe, il s’agît d’un épisode « hors-série » ; la suite, avec les retrouvailles, très houleuses, entre Jérém et Nico, dans le prochain épisode, à paraître la semaine prochaine !].
    Pendant l’été, la beauté de Toulouse est comme le soleil, à son zénith. Une beauté qui se décline au travers de ses pierres, de ses briques, de ses couleurs, de ses espaces verts, certes ; mais, surtout, au niveau de ses habitanTS.
    Au fur et à mesure que la belle saison avance, le paysage masculin semble muer petit à petit. De nombreux étudiants ayant déserté momentanément la ville en raison de la pause estivale, une faune masculine plus « locale » semble gagner en visibilité.
    Par moments, j’ai comme l'impression qu’il n’y a que des rugbymen en ville ; comme si 100 ans de ballon ovale, « tété » par le p’tit toulousain depuis le berceau et ce, depuis plusieurs générations, avaient produit une modification génétique dans l’ADN du mâle haut-garonnais, le rendant naturellement charpenté, musclé, typé rugbyman.
    Certes, dans les rues, dans les terrasses des restos, des cafés, il n’y a pas que du bogoss ; mais mon regard très sélectif aimante à coup sûr mon attention vers ce type de spécimen.
    Bien sûr, il n’y a pas non plus que du bogoss rugbyman ; car il y a le modèle p’tit footeux aussi.
    Le foot ayant un avantage sur le rugby, celui de pouvoir se jouer n’importe où, n’importe quand, n’importe comment, il permet d’assister parfois à des scènes d’une beauté renversante.
    Place de la trinité, en plein après-midi, le soleil cogne, le vent d’Autan souffle ; juste à côté de la fontaine circulaire, quatre mecs improvisent un petit mach de foot.
    Au menu, sourires, franche rigolade, bonheur d’être entre potes ; et aussi, au gré des sprints de mollets musclés courant derrière le ballon rond, t-shirts caressant les torses, se soulevant légèrement, laissant entrevoir furtivement un élastique de boxer, un bout de peau du dos, une chute de reins, la naissance d’abdos ; de shorts qui bougent, moulant de jolies fesses, de baskets crissant sur le goudron chaud ; peau mate, peau bronzée, peau plus claire, cheveux courts, brushing défaits par le mouvement et la chaleur, transpiration des corps, la peau des visages empourprée, l’effort donne chaud, les mecs ont chaud, ils sont heureux.
    Un coup de pied un peu trop zélé et le ballon finit dans le bassin inférieur de la fontaine ; l’un des mecs, « débardeur chocolat », va le récupérer ; il se faufile entre deux des trois statues se tournant le dos et tenant le bassin supérieur avec leurs ailes ; et là, sentant l’appel de la fraîcheur toute proche, tel un labrador devant une flaque d’eau, il oublie le ballon et il trempe sa tête, ses épaules et ses bras dans l’eau froide. Éclaboussure
    Il en ressort avec les cheveux trempés, en bataille, le visage ruisselant, le débardeur absorbant peu à peu l’eau glissant le long de son cou. Tel un labrador, « débardeur chocolat » se secoue dans tous les sens, il balance de l’eau de partout. Et lorsqu’il tape le ballon pour la remise en jeu, là encore ça éclabousse partout. Et c’est juste beau à pleurer.
    Un bogoss se montre et je suis dingue, un « petit con » se montre et tous les soucis disparaissent, sa présence éphémère m’accapare entièrement et m’offre cet intense bonheur, le frisson magique, sans cesse renouvelé et infiniment inspirant, le frisson de l’insaisissable beauté masculine.
    « Un seul être manque et tout est dépeuplé »… mais aussi « « un bogoss passe et, pendant un instant, tout est repeuplé ».
    L’instant d’avant j’étais coincé dans mon quotidien, je me prenais la tête avec mes soucis d’amoureux transi, Jérém me manquait, m’inquiétait ; l’instant d’après, j’ai l’impression que mes poumons s’ouvrent grand pour laisser rentrer un air nouveau ; je respire profondément, je me sens revivre, je me sens comme ivre.
    Mon corps est traversé par une intense sensation de bien-être, j’ai envie de sourire tellement je me sens bien, tellement la vie parait soudainement plus belle… car le « petit con » est un élément décoratif majeur du paysage de ma vie.
    Mais qu’est que c’est qu’un « petit con », au fait ?
    Très difficile de répondre à une telle question… tenter de donner une définition du « petit con », c’est frôler l’impossible, définir l’indéfinissable, saisir l’insaisissable, avoir la prétention d’inscrire des mots sur ce qui ne se laisse pas écrire.
    Car le « petit con » est une expérience qu’on ne peut comprendre qu’en la « vivant » : un « petit con » ça ne se décrit pas, ça se mate, ça se vit, ça se respire ; ça se ressens, au plus profond de soi. Comme une évidence, une piqûre, l’impact net et précis d’une flèche empoisonnée délivrant le délicieux poison d’un archer diabolique, le tranchant métallique de la lame d’une épée, une brûlure, un nœud prenant naissance dans le ventre pour remonter en boule dans la gorge, une apparition divine irradiant plus qu’un minerai d’uranium, un flash de lumière aveuglant.
    Mais bon, j’ai décidé de me lancer quand même. Pour moi, le « petit con » est ce jeune mec dont le physique, le regard, l’énergie, le sourire, l’insouciance, la jeune virilité ; et, parfois, l’attitude effrontée, le comportement de petite canaille, dégagent une fraîcheur sensuelle renversante.
    Le « petit con » est le plus souvent un « petit dieu » à la beauté aveuglante et inaccessible.
    Lorsqu’on est sensible au « charme canaille », on se rend vite compte que le « petit con » est partout.
    Une de ses particularités est celle de surgir lorsqu’on s’y attend le moins. Son apparition est violente pour l’esprit comme une gifle en pleine figure ; elle occasionne instantanément une nuée des papillons dans le ventre : c’est l’effet de sa beauté indescriptible, les désirs qu’elle inspire avec une violence inouïe ; son apparition provoque également, et en même temps, une sensation de piqure intense et insupportable : ça c’est le fait de le savoir hors de notre portée, sa vie à jamais inconnue, et de pressentir que dans quelques secondes ou quelques minutes, il sortira définitivement de notre vie, aussi vite qu’il y est rentré.
    Le « petit con » affiche souvent un visage mi ange mi canaille sur un joli corps plus ou moins musclé, et dont le principal atout est, justement, sa jeunesse, sa fraîcheur ; le « petit con » se veut un homme, mais, à bien regarder, on flaire encore l’adolescent qu’à précédé le jeune étalon qui cherche à s’affirmer en affichant son corps et sa masculinité avec une adorable et touchante effronterie.
    C’est un mâle en devenir, un poulain devenant étalon.
    Le « petit con » exprime plutôt bien son potentiel en solo : il attire tous les regards.
    Il est parfois affublé de son « défaut » le plus redoutable, sa copine : dans ce cas, son aura de « petit con » n’est pas moins puissante, mais on se surprend facilement à se dire « quel gâchis ». Heureusement, le « petit con » est souvent accompagné par ses potes : et dans ce cas, son potentiel de « petit con » est amplifié par l’effet de meute, par le fait de capter des gestes de camaraderie, de complicité, deux potes qui se font la bise, qui se tiennent par le cou, petits aperçu d'une vie dont on est exclus.
    Ce qui le rend si indéfinissable, si insaisissable, en même temps qu’instantanément reconnaissable, c’est le fait que le « petit con » se décline, s’exprime, existe sous mille facettes, à la fois semblables mais si différentes en même temps.
    Oui, il existe de milliers, de millions de nuances de « petit con », aussi nombreuses que les jeunes mecs pouvant être classés dans cette merveilleuse catégorie… des nuances rendues d’autant plus copieuses par la subjectivité de chacun à apprécier la Beauté.
    Il semblerait par ailleurs que tout le monde ne soit pas sensible à la violente émotion sensuelle dégagée par le « petit con » ; certains diront de lui : « c’est un gamin », « un petit merdeux », « il est immature », « c’est un frimeur », « ce n’est qu’un petit con (bah, oui, justement…) », « de toute façon, il ne connaît rien au pieu (moi je dis, il faut se dévouer pour instruire la jeunesse) » ; on entend parfois cela de la bouche de celles, et même de ceux, qui apprécient davantage les garçons un peu plus mûrs.
    Ah, les goûts et les couleurs…
    Mais ceux qui sont sensibles au « charme canaille », eux ils savent très bien qu’il n’y a pas émotion plus puissante, sauvage, renversante ; mais aussi émouvante et touchante que celle d’embrasser un « petit con » du regard et de le regarder exprimer l’énergie de sa bouillonnante jeunesse.
    Il y a de saisons plus propices que d’autres pour l’observation du « petit con » dans toute sa splendeur ; la meilleure saison étant évidemment la plus chaude.
    Dès qu’un rayon de soleil se montre et que le thermomètre se met à grimper, le « petit con » se découvre. Car, en général, il aime bien se montrer. Il sait bien que c’est dans la nudité ou presque nudité de son torse et de ses mollets que son potentiel de « petit con » s’exprime au maximum.
    Oui, l’été, quelle saison bénie pour observer le « charme canaille ». Dès la fin du printemps, lorsque les journées se font un peu plus chaudes, les « hauts » des garçons se résument à un simple bout de coton dénommé t-shirt.
    Ajusté, bien coupé, cintré, moulant, une taille en dessous (pour bien se montrer), à la bonne taille (charme tranquille), une en dessus (c’est le mec qui a l’air de se foutre pas mal de ses fringues); manchettes bien moulantes, ou bien plus amples, parfois négligemment retroussées ; t-shirts sans manches, débardeurs, marcels ; bretelles étroites, bretelles plus larges ; t-shirts de toutes les couleurs, de toutes les perfections, autant de sublimations de la plastique masculine.
    Parfois je me dis que je voudrais renaître fibre de coton pour rentrer dans la fabrication de l’un de ces t-shirts qui caressent un beau torse du matin au soir… j’ai envie du contact permanent avec la peau d’un « petit con », j’ai envie de m’imbiber de sa transpiration… je veux être coton doux pour lui caresser la peau…
    Quand on y pense, techniquement, le « petit con » est si pratique à déshabiller… il suffit d’ôter un simple t-shirt, un short, un boxer… au fond, ce ne sont que de simples bouts de coton qui nous séparent de l’objet du désir le plus insistant… de bouts de coton si fins, si légers, mais qui sont finalement aussi férocement inattaquables que des murailles de béton…
    Car, dans la réalité, déshabiller un petit con est un peu plus laborieux que cela, surtout pour un autre garçon. Il faut souvent au moins trois années de lycée et une bonne dose de courage, ainsi qu’une chance de fou, pour y arriver…
    Le « petit con » porte en général également très bien sa chemisette cintrée, son pantalon ou son short, ses baskets ; qu’il prenne le temps de choisir des vêtements qui le mettent en valeur, ou bien qu’il ne fasse pas particulièrement cas à tout cela, tout va au « petit con ».
    Bien souvent, le « petit con » est bien conscient de son potentiel de séduction ; il en joue même, il est limite petit allumeur, il sait qu’il plaît et il exhibe sa plastique avec une sorte de fierté ou de fausse modestie bien affichées. Oui, le « petit con » aime se sentir regardé, désiré. Parfois, il s’aventure même à, exhiber celle qui est la plus belle tenue de « petit con », le torse nu.
    Pourtant, il semble parfois en grande partie inconscient de l’effet de certaines de ses attitudes, de ses gestes, pourtant si naturels, à priori sans intentions ; est-ce qu’il se rend seulement compte de l’effet que peut faire cette main qui passe négligemment sur un t-shirt pour caresser ses abdos ?
    Qu’il soit allumeur conscient, ou bien faux ou vrai modeste, l’effet reste évidemment dévastateur.
    En dehors de ses fringues, ou de l’absence de fringues, le « petit con » porte toujours sur lui au moins un autre détail qui le situe illico dans cette catégorie ; une petite barbe de quelques jours, si sexy, même si peu fournie ; un brushing de l’emploi ; des avant-bras et/ou des jambes finement poilus, recouverts de petits poils clairs, doux, sexy ; des lunettes soleil genre « m’as-tu-vu », pourtant si sexy ; il laisse derrière lui d’intenses trainées de parfum, de déo, de gel douche, nous rappelant, si besoin, la douce tiédeur de sa peau de jeune mec ; il a souvent un sourire plus lumineux que le soleil même qui inonde la ville rose. Et c’est peut-être carrément lui, le « petit con », le plus beau soleil de la ville rose.
    Il existe également des endroits plus propices que d'autre pour l'observation du « petit con ».
    Les bords de mer ou d’océan aux mois de juillet et d’août, l'après-midi notamment, car souvent le « petit con » se couche tard lorsqu’il est en vacances avec ses potes ; les fêtes de village, en particulier autour de la buvette ; les abord des terrains de sport, foot ou rugby ; en ville, il convient de chercher le « petit con », suivant le moment de la journée, à proximité des cafés et des bistrots du centre-ville, des quais de la Garonne ; ou bien, dans les rues marchandes.
    Endroits bénis, lieux à très haute densité de bogoss, sans doute l’endroit d’une ville où la concentration au mètre carré est la plus forte… des endroits dangereux du coup, où il m’est arrivé plus d’une fois de contre un obstacle sur le trottoir : un passant, un vélo, un abribus, un poteau ; mes yeux étant sans cesse happés par un bogoss plus sexy que le précédent.
    L’exercice et d’autant plus périlleux en pleine période de vacances et de soldes.
    En cette belle journée ensoleillée d’été, la rue d’Alsace-Lorraine grouille de ces « p’tits cons » arpentant les boutiques en quête du beau t-shirt grâce qui leur permettra de faire les kékés en soirée.
    Et puis, je l’ai vu, lui. 20 ans, pas plus, style 1.75, châtain clair, limite blond, un brushing à la fois en brosse mais un peu anarchique, pourtant étudié, calculé ; une petite gueule d’ange blond, choupinou en diable, assez bien foutu sans être excessivement charpenté, plutôt sexy ; bien habillé, chemisette à p’tits carreaux très fins, rouges et blancs, deux boutons ouverts, le col rond d'un t-shirt blanc qui dépasse ; un short en jeans moulant à la perfection un petit cul juste sublime. Bref, bouleversant exemple de « petit con ».
    Je suis scotché par l’apparition de ce petit mec. C’est pile le genre qui me donne instantanément des papillons et une boule au ventre, qui provoque cette envie furieuse de tout connaître de lui, déclenchant cette avalanche des mille questions sur cette vie inconnue que je me pose à chaque fois devant un beau garçon.
    Voilà, preuve est faite que le petit con se pointe par surprise. On se balade tranquille, laissant flâner le regard sans intention… et puis il apparaît… et PAF ! Son entrée en scène est fracassante, elle éblouit comme un éclair, ça fait mal aux yeux, ça brûle presque la rétine.
    L’« ange blond » traverse la rue quelques mètres devant moi et rentre dans une boutique de fringues.
    Sans chercher à comprendre, comme poussé par une force qui me dépasse, je rentre dans la même boutique. Je lui emboîte le pas parce c’est un « petit con » et qu’il rentre dans une boutique de vêtements pour « p’tits cons ». Tentons l’expérience.
    Oui, il existe de nos jours des boutiques de fringues pour « petit con ».
    On reconnaît souvent ce genre d’endroit à la tête des vendeurs : en l’occurrence, un magnifique « petit con » brun, très mat de peau, tout juste la vingtaine, un sourire à mettre daredare le feu à la banquise ;
    aux photos des mannequins dans les pubs affichées au murs et dans la vitrine : là non plus, ça ne déroge pas à la règle, beau mannequin avec brushing compliqué de bogoss, un torse interminable, un simple t-shirt blanc et gris du meilleur effet, lunettes de soleil miroir ; et on reconnaît également ce genre de boutique aux clients arpentant les rayons : en l’occurrence, des petits mecs la vingtaine et plutôt du genre bogoss soigné.
    Tout comme mon « ange blond ». Beau à pleurer, sexy et puits à câlin à la fois ; pas très souriant, certes, mais cela semble toutefois rajouter du charme au charme… je le définirais comme... un petit blond ténébreux.
    L’« ange blond » fait un tour du magasin et finit par s’arrêter au rayon casquettes ; ce qui suscite en moi un intérêt soudain pour le rayon t-shirts juste à côté.
    Je le mate du coin de l'œil, en train de choisir entre différents modèles : je le vois en attraper une, deux, trois, quatre, six.
    Il se décale alors devant un grand miroir délimitant le rayon casquettes-accessoires et le rayon t-shirts… il n’est plus qu’à deux mètres de moi.
    Mon regard, de plus en plus intrigué, se libère au fil des secondes ; plus ça va, moins je le regarde du coin de l’œil ; je finis par le regarder directement, enchanté ; tout pris à se contempler dans le miroir, le « petit con » ne semble pas remarquer mon manège.
    Première casquette posée sur la tête, noire avec des inscriptions blanches et rouges… magnifique… sacré pouvoir, celui d’une simple casquette, d’amplifier encore, si besoin était, la sexytude bouillante d’un « petit con »… une casquette sur la tête d'un « petit con » = « petit con » au carré... opération mathé-magique….j'ai envie de lui sauter dessus...
    Il attrape la visière par le bout, il la tourne à droite, puis à gauche ; ensuite, il a ce geste inconscient, dans tous les sens du mot… il fait carrément pivoter la casquette d’un demi-tour et il lâche la visière lorsqu’elle se trouve pile derrière la nuque… dans ma tête, un signal d’alerte clignote en rouge feu alors qu’une sirène assourdissante faillit me mettre ko… alerte-casquette-à-l-envers-sur-tête-de-p’tit-con… car, une casquette à l’envers sur la tête d’un « petit con » = « petit con » puissance 10… je vais lui sauter dessus, c’est sûr, je ne vais pas pouvoir me retenir…
    Pendant ce temps, l’« ange blond » a fini par ôter la jolie casquette noire ; il en essaye une autre, puis une autre et une autre encore ; à chaque fois c’est le même spectacle magnifique : casquette à droite, à gauche, casquette à l’envers… je suis sûr qu’il n’est pas conscient de l’effet que ça fait de le voir essayer toutes ces casquettes… « petit con » dans toute sa splendeur qui ne se rend même pas compte qu’on le mate de ouf.
    L’essayage se poursuit, et évidemment, toutes les couleurs et les coupes lui vont, c’est normal, c'est un « petit con ». C’est la définition même du « p’tit con ».
    Puis, il en essaie une qui me plaît tout particulièrement : casquette très haute, la partie qui couvre la tête est en tissu style jeans, alors que la visière est de couleur gris ; c'est de loin celle que je préfère, je trouve que ça lui va à la perfection. J’ai envie d’hurler, les entrailles complètement vrillées et nouées par ce mélange de brûlure et de bonheur intense de mater une telle perfection.
    Et lorsqu’il l’enlève pour en réessayer une autre, je dois me faire violence pour me retenir de lui crier : non, c'est la jeans-grise qui te va le mieux, tu es sexy à tomber avec, mec... ça va avec la couleur de tes yeux, gris, avec celle de tes cheveux, châtains clairs limite blonds, ça te donne un air de petite frappe, t’es juste c-r-a-q-u-a-n-t avec, quoi…
    La nouvelle casquette qu’il vient de poser sur sa tête est toute bleue, avec des inscriptions blanches sur le devant. Evidemment qu’elle lui va super bien aussi, mais je persiste et signe, c’est l’autre qu’il lui faut !
    Il recommence son essayage, visière à droite, à gauche, puis derrière la nuque, descendant le long du cou ou ses cheveux clairs se terminent dans un dégradé si fin qui appelle les bisous si fort… naaaan, il ne se rend pas compte de ce qu’il dégage… « petit con », va !
    Et là, surgie de nulle part, j’entends une voix masculine balancer :
    « C’est la bleue qui te va le mieux, sans contest… ».
    Hein ? La bleue ? Moi je dis que c’est celle jeans et grise…
    Mais au même temps que je peste contre cet avis contraire au mien, je réalise qu’un autre mec observait également le « petit con » et ses essayages… un mec qui ose dire tout haut ce que je pense tout bas…
    Je le détaille un brin. C’est un mec plutôt stylé, la quarantaine, qui doit être rentré dans le magasin après nous ; évidemment, tout pris dans l’observation de l’« ange blond », je ne l’ai pas vu arriver… je suis à la fois admiratif et jaloux à m’en rendre fou… putain, il a osé, lui… de plus, le type a sorti ça calmement, le plus naturellement du monde.
    Sans jeu de mots, j’ai envie de lui dire : chapeau, mec, vraiment chapeau… mais aussi… heu… lâche l’affaire, mec, c’est moi qui l’ai vu en premier…
    « Vous croyez ? » fait l’« ange blond », à la fois surpris et sûrement un brin flatté….
    « Sans hésiter… mais je n’ai pas à te donner des conseils, tu t’habilles très bien… » fait le quadra en embuscade.
    « Merci… » répond le « p’tit con », flatté.
    « De toute façon, avec un physique comme le tient, tout te va… tu serais à ton avantage même avec un scaphandre… ».
    Ah, putain, il y va fort le type. Pourtant, l’« ange blond » semble bien encaisser le compliment. Et moi, je suis vert : le type est en train de me voler toutes mes répliques, celles qui ne savent pas passer de ma tête à mes lèvres. C’est du piratage.
    « Merci ».
    « Ca te vexe pas que je te dise ça ? »
    « Non… ».
    « Tant mieux… ».
    « En plus, vous avez raison, je crois que je vais prendre celle-ci… » finit par admettre l’« ange blond » en se baissant pour poser les autres casquettes.
    « T’as pas à me vouvoyer… moi c’est Laurent… ».
    « Moi c’est Valentin… ».
    « Joli prénom Valentin… un prénom qui va très bien à un garçon si beau et sexy… ».
    Le mec a raison sur toute la ligne. Et une fois de plus je suis scotché par son culot, cette audace qui lui permet d’obtenir sans effort ce Graal inestimable qu’est le p’tit nom d’un « p’tit con » ainsi que de glisser des compliments, justes, mais osés.
    Hélas, l’audace est parfois une arme à double tranchant : le type vient de terminer sa phrase et, instantanément, le « petit con » se raidit. Son regard se durcit, les sourcils se froncent, le ton de voix se fait sec et cassant. Petit blond ténébreux devient petit blond vexé.
    « Ok, merci, je vais y aller… ».
    Il finit par poser également la casquette bleue et il part de la boutique sans rien acheter, comme s’il y avait le feu dans les rayons… parfois le « petit con » ne supporte pas bien l’approche trop directe… surtout venant de la part d’un autre mec.
    Je le regarde disparaître très vite ; pendant quelques secondes, je sens retentir en moi l’écho des frissons intenses que ce petit mec a provoqué par sa simple présence.
    Pendant ce temps, je remarque que le quadra rigole dans sa moustache. Il se retourne, pendant qu’un autre mec, à peu près de son âge, que je n’avais pas remarqué non plus, le rejoint.
    « Tu es vraiment incorrigible… t’as vraiment besoin de draguer tout ce qui bouge ? », rigole ce dernier à son tour.
    « J’adore faire flipper ce genre de petit merdeux qui se croit irrésistible… ».
    « Oui, mais c’est pas comme ça que tu vas les mettre dans ton pieu… ».
    « Mais c’était juste pour me payer sa tête… t’as vu comment il se la pétait ? Sexy en diable, mais vraiment tête à claques… ».
    « Allez, on y va, t’en a assez fait pour aujourd’hui… ».
    « Bah, c’était juste pour rire, je n’ai rien dit de mal… j’adore voir la réaction d’un jeune canon lorsqu’on le met devant le fait qu’il a tapé dans l’œil d’un mec… ».
    Les deux quadras quittent également la boutique, le pas calme, toujours en rigolant, dans la direction opposée de celle du petit Valentin.
    Je finis par sortir moi aussi, un brin secoué par la scène à laquelle je viens d’assister.
    Aucune trace du petit Valentin. J’ai eu des nœuds dans le ventre en repensant à ce p’tit mec, à son visage qui va bientôt s'effacer de ma mémoire.
    Oui, un bogoss se montre et je suis dans tous mes états ; ce même bogoss disparaît dans sa vie et je suis tout sens dessous. Ainsi, le « petit con » est à la fois dispensateur de bonheur, bonbon pour les yeux et torture cruelle.
    Je marche dans la rue et je croise d’autres mecs, d’autres émotions m’accaparent, me troublent. Il faut admettre que même si l’émotion que le « petit con » sait provoquer peut être très violente, une fois qu’il est sorti de notre champ de vision, on l’oublie assez rapidement… heureusement, sinon on ne se remettrait jamais du choc qu’est son apparition et du déchirement profond qu’est son absence soudaine.
    Oui, je marche dans la rue et je croise d’autres « petits cons ».
    Je me fais la réflexion que le « petit con » a l’air si bien dans ses baskets, sa vie a l’air si simple, si bien remplie, si parfaite, comme si son charme était un passe-partout.
    Il y a le « petit con » qui donne l’impression de foncer droit devant lui, sans se poser de questions, croyant tout savoir ; pourtant, son assurance, son sentiment de toute-puissance ne sont qu’illusion, illusion ne se maintenant que grâce au fait de tout ignorer de la vie ou presque.
    Et puis, il y a le « petit con » qui aime afficher une assurance de façade, pour se montrer « homme », pour cacher ses faiblesses, faiblesses dont il est conscient, mais qu’il n’assume pas.
    Pour découvrir l’essence profonde du « petit con », il ne faut pas s’arrêter à la surface, à cette façade si agréable à regarder par ailleurs. Parfois, après un coup dur, ou bien après une soirée bien alcoolisée, ou encore après l’amour, il arrive qu’il laisse tomber sa carapace ; et lorsqu’on arrive à entrevoir ses faiblesses, se fêlures, le « petit con » devient alors un garçon touchant.
    A force de mater, il m’arrive parfois de croiser le regard de « petit con ». Le plus souvent, j’ai l’impression qu’il ne m’a même pas vu, que je suis comme transparent pour lui… alors que pendant un instant il est le centre de mon attention, moi, pour lui je ne suis qu’un détail ignoré du décor.
    Parfois, j’ai l’impression qu’un regard capte le mien et l’accroche… la peur me fait la plupart du temps renoncer à ce contact avant qu’il puisse devenir agaçant pour le « petit con » et dangereux pour moi… je me déteste pour ne pas savoir le soutenir, de ne pas savoir l’interpréter.
    C’est en plein milieu de la rue d’Alsace-Lorraine, qu’une nouvelle, intense émotion me percute avec la puissance d’un semi-remorque lancé à pleine allure.
    Elle arrive d’en face, sur le même trottoir que moi ; elle arrive sous la forme d’une très jolie plastique, soulignées par un t-shirt blanc éclatant au soleil.
    Plus le gars approche, plus ma première sensation se confirme : style 30 ans, brun et taillé comme un dieu, baraqué, musclé, une belle gueule aux traits bien virils, sexy à se damner, un sacré morceau de mec.
    Il approche d’un pas soutenu, il semble pressé ; nous ne sommes plus qu’à une dizaine de mètres l’un de l’autre. Je me prépare à le voir passer à côté de moi, à provoquer un contact accidentel de nos épaules, pour sonder la fermeté du biceps, tout en lâchant un « Désolé », juste pour la forme ; je me prépare à capter un éventuel parfum, frisson ultime du passage éclair d’un bogoss ; et je me prépare à le voir disparaître aussi vite de ma vie.
    Et là, contre toute attente, le mec franchit la porte d’une nouvelle boutique de fringues juste devant moi.
    Je ne suis pas vraiment à l’affut des soldes. Pourtant, je rentre dans le même magasin : je rentre juste parce que lui il est rentré, avec son t-shirt blanc, ce bogoss à la sexytude insensée et renversante.
    Je le regarde de dos, au rayon bermuda, les cheveux courts et bruns, un grain de beauté derrière le cou qui appelle avec insistance à être couvert de bisous.
    Je regarde ce t-shirt blanc parfaitement ajusté à sa plastique de fou... le blanc, éclatant, immaculé, soulignant la perfection d'une peau bronzée, d’une sexytude impossible ; la coupe, parfaite, soulignant la courbe magnifique des pecs bombés, la chute délirante de ses épaules, le creux de son dos, ses biceps massifs, une image du divin.
    Il y a des t-shirt blancs qui font plus habillé ; et il y en a, comme celui-là, fait dans un coton un peu « brut », qui font vraiment "sous-vêtement"... je le regarde et j’ai comme l'impression de voir le mec en boxer et t-shirt, juste avant de passer à la douche, ou en sortant de la douche, avant de s'habiller... ou bien avant d’aller au lit... je l'imagine traversant l'appart en boxer et t-shirt blanc, se dirigeant vers la chambre ou il rejoindra sa nana ou, pourquoi pas, un autre mec ; la personne qui a la chance de se le taper ; celle qui, après l'avoir bien excité en passant ses doigts et sa langue par-dessus et par-dessous les cotons doux, lui ôtera ce boxer et ce t-shirt pour lui offrir le plaisir qu’on se doit d’apporter à un étalon de ce genre.
    Je me surprends à imaginer le bonheur de se sentir possédé par ce mâle puissant, d’assouvir toutes ses envies... un mec pareil, c’est un appel au sexe… ce mec pue le sexe… on le regarde et on sent la testostérone, les coups de reins impitoyables… les bonnes giclées qui remplissent la bouche, qui brûlent la gorge, qui remplissent partout où il aura envie de lâcher son jus, le nectar divin.
    Si à l’époque mon regard était particulièrement attiré par cette espèce bien particulière qu’est le « petit con » de 20 ans, et dont mon Jérém était LA parfaite illustration, ce n’est pas pour autant que j’étais insensible à d’autres charmes.
    Déjà à l’époque j’étais sensible au charme de mecs un peu plus âgés, un charme étayé par une maturité qui s'installe naturellement, au fil des tours et des détours de la vie.
    A l’approche ou au franchissement de la trentaine, le « petit con », insouciant et un brin frimeur connaît souvent une métamorphose qui va le muer en un mec dégagent une véritable assurance, une virilité plus discrète mais solide ; et, surtout, réellement affirmée. Et la sexytude à la fois brûlante et insolente, touchante et impertinente laisse souvent la place à un autre type de charme, un charme plus… mûr. Et d’autant plus redoutable.
    Le « bel étalon » habillé de ce t-shirt blanc frôlant la perfection du genre, finit par attraper un t-shirt noir et un jeans, et disparaît dans le couloir des cabines d’essayage.
    Sans trop savoir pourquoi, j’en fais de même : j’attrape des t-shirts, pour le « « « suivre » » ». Je lui emboîte le pas et je le vois disparaître dans la cabine du fond… ah, putain, cette envie de le rejoindre…
    La cabine juste en face de la « sienne » est également libre… je me dis que, avec un peu de chance, sait-on jamais, au gré des mouvements du rideau, je pourrais peut-être voir apparaître un bout de son torse dénudé.
    J’avance rapidement vers la cabine du fond ; j’avance jusqu’à ce qu’une image furtive, mais d’une intensité redoutable, capte mon attention et m’oblige à stopper net ma progression. C’est le genre de vision à me rendre dingue, à me tétaniser sur le champ.
    Le rideau de l’une des cabines est légèrement entrebâillé… pas plus que quelques centimètres… assez, pourtant, pour laisser entrevoir l’image de bonheur intense réfléchie par le miroir installé sur la paroi.
    Un torse dénudé. Un joli torse imberbe, pas trop musclé mais finement dessiné, juste parfait pour donner des frissons inouïs.
    Le mec est en train d’essayer un short en jeans ; ses mains le remontent le long des hanches, ses doigts le boutonnent de façon à que l’élastique de son boxer dépasse généreusement… geste et attitude de « petit con », quoi…
    Et au-dessus de cet élastique blanc, remontant de l’Eden caché de sa jeune virilité, un magnifique chemin de petits poils, si clairs, si beaux, si doux, si sexy, des petits poils conduisant mon regard hypnotisé vers ce petit nombril qui me donne le vertige, des petits poils disparaissant avant la naissance de ses pecs.
    Comment ne pas ressentir une envie brûlante, violente, déchirante de lécher cette peau jeune, tiède, ces poils qu'on devine d'une douceur divine, comment ne pas avoir envie d'humer ce nombril, remonter vers ses tétons, faire des bisous partout, exciter, caresser avec la langue, titiller, mordiller ; et revenir vers l’élastique, le soulever un peu avec les doigts, passer la langue entre la peau et l’élastique, approcher le nez, à l’affût de le moindre petite odeur de mec qui pourrait remonter de sa queue tapie sous le coton blanc.
    Vision sublime, durée le temps d’un éclair ; très vite, je sens la présence d’un autre client derrière moi, je me rends compte que je gène le passage.
    J’avance alors vers la cabine du fond ; juste à temps pour voir le « bel étalon » faire glisser son t-shirt blanc le long de ses bras tendus vers le haut et dépassant par-dessus le rideau. Envie d’humer ce coton pour sentir l’odeur de sa peau, de son déo…
    Me voilà seul dans ce petit espace, avec des fringues que je n’ai pas l’intention d’essayer… me voilà à l’abri des regards, seul avec la tête bouillonnante d’images qui me bouleversent…
    L’image du joli nombril si finement poilu me hante… je m’imagine le regarder en train de se branler, jusqu’à ce que ses traits chauds atterrissent en vrac sur ce torse parfait ; les derniers jets, un peu moins vigoureux que les premiers, se posent justement sur ce fin pelage autour du nombril... envie de connaître le bonheur indescriptible de passer la langue, de lécher la moindre goutte de son nectar de mec, nettoyer ce petits poils, si doux, si bons... rien que d’y penser, j'ai l'impression de sentit cette odeur tiède de peau de mec, de gel douche, de queue qui bande...
    Envie de vivre cette expérience avec mon bobrun, putain…
    L’image de « joli nombril » se mélange avec celle du « bel étalon », caché dans sa cabine à tout juste deux mètres de moi, lui aussi torse nu, sa masse musculaire sculpturale à l’air libre, entre deux t-shirts… l’image de « joli nombril » et de « bel étalon », dans un lit, s’offrant un plaisir intense, s’impose violemment dans mon esprit…
    Très vite, je sens une envie irrépressible monter dans la solitude de la cabine d’essayage. Je défais mon short, je baisse mon boxer, je me branle… je m’imagine coincé entre le plaisir de « joli nombril » et celui du « bel étalon »… un instant plus tard, je me revois coincé entre mon beau brun et le bomécano… puis, l’image du « bel étalon » au t-shirt blanc refait surface… j’imagine ses épaules carrées, ses biceps puissants, ses coups de reins vigoureux en train de me secouer, de me défoncer tout me bâillonnant avec sa main pour m’empêcher de crier de plaisir et me traitant de salope… avant que l’image de mon bobrun exactement dans le même rôle ne reprenne le dessus…
    Je suis excité comme un fou, ça vient très vite….
    Et pendant que je jouis, c’est à mon Jérém que je pense ; j’ai envie de sa queue au plus profond de moi… son corps me manque, sa présence me manque, son odeur me manque, son goût de mec me manque.
    Pile au moment de ma jouissance, j’entends le rideau en face s’ouvrir. Le bruit est sec, rapide. C’est un mouvement puissant que « bel étalon » a dû lui infliger.
    Mince, il s’en va. Vite, Nico, tu as « besoin » de le voir une dernière fois, avant qu’il ne disparaisse complètement de ta vie, tu as « besoin » d’imprimer une dernière fois sur la rétine, cette image d’étalon puissant.
    Le temps de nettoyer ce qui doit l’être, je sors vite de ma cabine ; première frustration : le rideau de la cabine de « joli nombril » est grand ouvert, le miroir n’a plus rien de beau à réfléchir.
    Lorsque j’arrive dans l’espace de vente, je n’arrive pas à savoir si « joli nombril » correspond à l’un des clients encore présents dans le magasin ; c’est juste à temps pour voir l’étalon en t-shirt blanc partir avec un sac plastique à la main.
    Je le regarde disparaître dans la rue, me demandant qu’est-ce qu’il y a dans ce sac plastique, qu’est-ce qu’il a acheté au final, comment ça doit l’habiller… s’il s’agît de ce t-shirt noir que je l’ai vu attraper avant d’aller en cabine d’essayage, ça doit lui aller… je n’ose même pas imaginer. Je payerais cher pour le voir d’abord se dessaper, poser son t-shirt blanc, geste des plus érotiques ; le voir torse nu, boxer. Le voir passer son tout nouveau t-shirt noir.
    Je pose les fringues que je n’ai même pas essayées et je ressors dans les rapides courants humains de la rue d’Alsace-Lorraine, direction Esquirol.
    Force est d’admettre que, oui, le « petit con » est vraiment partout. Et qu’il a tout pour lui, la beauté, le charme, l’arme implacable de son redoutable sourire.
    Le petit con nous secoue, nous retourne de fond en comble… parfois ça brûle tellement les yeux que l'on se demande « mais comment est-il possible que d'être aussi beau, aussi mignon, aussi sexy »… on le regarde et on a envie de pleurer, d’hurler tellement on trouve cette beauté insensée, cette jeunesse aveuglante, et pourtant si provisoires, si fragiles : le temps, implacable, ne va pas les épargner. Et c’est justement ce caractère éphémère, qui les rend d’autant plus touchantes.
    Il y a d’autres endroits que les rues marchandes, propices pour l’observation du petit con. Ainsi, il m’arrive de prendre le bus juste pour le spectacle masculin qu’on peut y retrouver, notamment en début et en fin de journée.
    Lui, je l’ai repéré à l’arrêt Jean Jaurès. Vingt ans je pense, petit gabarit, 1m70 je dirais, brun, cheveux courts. Un t-shirt rouge vif, et quel t-shirt… moulant à la perfection des pecs admirablement dessinés (le mec doit être soit rugbyman, soit faire de la muscu : très bien gaulé, mais pas bodybuildé), avec les tétons qui pointent… petites manches bien serrées autour de ses biceps, un jeans mettant fantastiquement en valeur son fabuleux petit cul bien cambré, ainsi que sa jolie petite bosse à l’avant.
    Et son visage, mon dieu son visage… mi-ange, mi-démon, très jeune mais très mec à la fois, adorable et si viril, si « p’tit con » à croquer, juste insoutenable à regarder… pourtant, il m’est tout bonnement impossible de détacher mon regard de lui, trop envie de m’imprégner de son visage, de son physique, de sa joie de vivre (il se marre avec un pote, et mon dieu ce sourire).
    Le bus arrive, les deux potes montent juste devant moi. Il n’y a plus de place, nous restons debout ; je me retrouve à environ deux mètres de « t-shirt rouge moulant ».
    Tout est beau chez lui, y compris sa voix, chaude, « une voix de mec » mais douce… ça brûle les yeux de le regarder, mais comment faire autrement ? Est-ce qu'il est conscient de ça, à quel point il est beau et craquant, lorsqu'il se regarde dans un miroir, dans une photo ?
    J’ai envie de lui hurler qu’il est atrocement beau… ou bien de l’approcher, de le prendre à part et de lui avouer, comme une délivrance :
    « Il faut que je te dise un truc, mec… est ce que tu sais que tu es incroyablement sexy ? Que (à cet instant précis où tu es là, devant moi, me faisant oublier jusqu’à mon nom) tu es le mec le plus sexy de la Terre (après l’absolu masculin qu’est mon Jérém) ? Est-ce qu’on t’a déjà dit à quel point tu es splendide ? Il fallait juste que je te le dise, c’est trop violent de me retenir… ».
    En attendant, j’hurle intérieurement de ne pas le connaître, de ne pas savoir son nom, de ne rien savoir de ce qu’il fait, d’être jaloux à mourir de ses potes qui le voient tous les jours... jaloux de ceux et celle(s) qui ont la chance de le voir se déshabiller, de le voir à poil, dans un vestiaire, dans un lit…
    Et puis, l’inévitable arrive : à un arrêt, les deux potes descendent. Adieu « t-shirt rouge » hyper sexy, j’ai passé 15 min de pur bonheur « en ta compagnie », comme en état d’hypnose, merci pour toutes ces émotions que tu as provoquées en moi, merci pour cet instant d’éternité où le temps a été pour moi comme suspendu au-dessus de ta jeunesse.
    Je le regarde partir, en matant ce p’tit cul magnifique remuant scandaleusement à chacun de ses pas, je le regarde s’éloigner vers sa vie dont je ne fais pas partie.
    Dans un autre bus, mon attention est happée par une bande de mecs ; et parmi eux, un autre apollon impossible… genre 25 ans, brushing très mec, les cheveux châtains très fournis, assez longs et coiffés au gel en arrière sur sa tête… des yeux marrons verts, un regard ténébreux, viril…
    Avec une nonchalance absolue, il laisse glisser le bassin en avant sur le siège, le dos incliné sur le dossier, les genoux pliés, les cuisses légèrement écartées, la bosse du bermuda léger bien en évidence, les pieds bien plantés sur le sol, les bras repliés et les mains croisées derrière la nuque, dans une attitude typique de jeune mec sexy, l’attitude que j’appelle : « qu’est-ce que t’attends pour venir me sucer ? ».
    Pas compliqué d’imaginer l’état dans lequel je suis déjà… mais ce n’est pas fini…
    Un instant plus tard, il s’étire ; il lève les bras, plie les coudes, contracte les biceps qui se gonflent, les épaules remontent… ce qui a pour effet de faire remonter également son t-shirt blanc (certes, un peu trop ample, mais assez court) ; la ceinture de son bermuda baille un peu, la ligne de poils magique d’abord, puis le nombril, apparaissent.
    Et là, ses potes commencent à se moquer : « ouaahhh, le bogoss nous fait un strip-tease !! »… et là, le bogoss en question remet en place le t-shirt comme si de rien n’était, tout en rigolant… et moi… moi je tourne la tête, je détourne le regard, par peur que quelqu’un remarque que je le mate…
    Les arrêts, s’enchaînent, les bomecs avec. Un barbu ténébreux, petit polo bleu foncé moulant avec col et bords de manchettes blancs, le regard noir, viril et sauvage... il est à côté de moi, la main posée au-dessus de sa têtes sur le poteau métallique ; j’aperçois ses aisselles et ses poils bruns ; comme il est un peu penché vers l'avant le col de son t-shirt baille un peu, je vois les poils de ses pecs ; je capte ceux qui doivent être les senteurs du deo qu'il a mis le matin, mélangés à une très léger odeur de sueur, rien d'agressif, juste subtil, viril...
    Une image prend forme dans ma tête… le bus bondé, lui collé derrière moi, me faisant sentir à travers mon pantalon la dure virilité qui tend sa braguette, tout et me chuchotant a l'oreille des obscénités... mon Jérém pouvant également jouer ce rôle d’harceleur sexuel si bienvenu…
    Le bus s’arrête, le mec disparaît. Quelques stations plus loin, un autre bogoss monte. Il s’installe juste en face de moi. Il est grand, 1,80, 1,85 je dirais, entre 25 et 30 ans, brun, barbe de trois jours, avec un coté très ténébreux et un peu « sévère ».
    Il a un tatouage sur le cou, juste sous l’oreille, un symbole comme un serpent aztèque, 5, 6 cm de haut, pas plus. Bref, un truc qui évidemment le rend encore plus sexy qu’il ne l’est déjà.
    Il est en tenue de sport : short noir long, comme un short de foot, et un t-shirt moulant assez coloré. Il est appuyé contre la paroi du bus, face à la porte et il est concentré à regarder son portable, ses lunettes de soleil sur le haut du crâne, et une jambe repliée, le pied contre la paroi.
    Je suis debout aussi, nous sommes à tout juste 30 ou 40 cm l’un de l’autre ; je me place presque de trois-quarts, pour le regarder « sans en avoir l’air ». Comme je le mate de profil, je vois bien comment son t-shirt moule bien ses pecs bien dessinés, et je vois parfaitement son téton gauche qui pointe à travers le tissu. Ça donne envie de le mordiller, de l’agacer avec la langue, de le pincer…
    J’ai peur qu’il sente mon regard sur lui, mais il semble totalement absorbé par son portable. A un moment, il remet ses lunettes sur le nez, le bus roule en plein soleil. De ma position, je peux continuer de voir, de profil, derrière les lunettes, son regard ténébreux.
    Un instant plus tard, le mec fait alors un premier geste déjà assez érotique en soi, il se touche le devant du short, comme s’il voulait se rajuster la queue dans le slip. On distingue un peu la bosse devant d’ailleurs. C’est rapide, furtif. Mais à peine cinq secondes plus tard, c’est là qu’il fait le geste qui me fait halluciner : il se prend la queue entre deux doigts, légèrement, comme s’il ne se touchait que le gland, comme s’il voulait se le masser… et c’est exactement ce qu’il fait dans la foulée, il se masse doucement le gland avec deux doigts ! Ce n’est pas « méga voyant », c’est vraiment discret et léger, mais aucun doute là-dessus, il se touche la queue ! Y’a personne devant lui, je regarde autour, personne ne semble le regarder à part moi…
    Ca ne dure pas longtemps, peut-être 5 secondes, puis il arrête et remet sa main le long du corps. Mais 2 ou 3 minutes après il remet ça, pareil, il se touche la queue, comme ça, nonchalamment, comme si de rien n’était, comme s’il était tranquille, tout seul dans son canapé !
    Le bus s’arrête, c’est là qu’il descend : je le vois avancer vers la porte, de dos, occasion de voir qu’il a un joli p’tit cul moulé dans son short, bien musclé. A-t-il seulement réalisé que le mec à côté de lui pendant 15 minutes n’a pas arrêté de le mater ?
    Le soir, en rentrant chez moi après un après-midi de « Toulouse-bogoss-summer-visit-tour », j’ai la tête pleine d’images puissantes, d’émotions bouleversantes. Je sais que ces visages vont bientôt s’effacer de ma mémoire, que ces sensations éphémères vont s’éteindre dans mon cœur ; jusqu’à ce qu’un autre « petit con », avec son charme insupportable, insoutenable, si unique et pourtant si universel, ne remettre le feu aux poudres…
    Bien sûr, à l'époque je n’avais que 18 ans ; et l’inexpérience de l’âge me rendait impossible tout ce discernement au sujet de cette insaisissable et multiforme créature qu’est le « petit con ».
    Pourtant, même si je n'arrivais pas à mettre des mots sur toutes les nuances du « charme canaille », je ressentais quand même au plus profond de moi toute la puissance des émotions sensuelles dégagées par le « petit con », émotions que je n’ai jamais cessé de ressentir par la suite en présence d’un spécimen de cette espèce, émotion qui ont forgé petit à petit la personne que je suis aujourd'hui, assise devant ce clavier, en train de regarder vers le passé, pour tenter d’appréhender le « petit con » au travers des mots bien insuffisants à cet effet.
    Les années aidant, au fil du temps je me suis rendu compte qu’il existe une façon simple et infaillible pour reconnaître un parfait « petit con » : le « petit con » est le jeune couillu qui, dès que notre premier regard se pose sur lui, nous inspire l’envie irrépressible de s’encanailler avec sa jeunesse, sa fougue, son insouciance ; l’envie de le voir à poil, de le prendre en bouche, tout de suite, comme une nécessité vitale ; l’envie, qui devient besoin, de le voir, de le sentir jouir, comme il veut, autant qu’il le veut ; car le « petit con » a des airs de petit dieu, un physique qui semble tout simplement fait pour l’amour ; car il y a quelque chose dans son attitude qui semble crier en permanence : « Putain, fais-moi jouir ».
    Une évidence s’affiche alors dans notre tête : la jouissance la plus intense qui soit, est celle de faire plaisir à un beau garçon. Alors, instantanément, sa jouissance devient préalable nécessaire de la nôtre.
    Lorsqu’on aime à ce point la beauté masculine, offrir le plaisir devient le plus subtil et le plus sublime des plaisirs ; le seul, véritable plaisir… la curiosité de le voir poser son t-shirt et son boxer, ou bien de les lui ôter, de voir tout simplement comment il est fait… et aussi, évidemment, la curiosité de découvrir ses attitudes, ses envies, sa façon de prendre son pied…
    Bien sûr, on peut également être saisi par l’envie de gifler le « petit con » pour l’impertinence, l’affront d’être aussi jeune et sexy ; c’est le genre de garçon tellement mignon et souvent tellement sûr de lui en apparence, qu’on aurait envie de lui montrer qu’il est très loin d’avoir tout vu comme son attitude porterait à le croire.
    Mais on ne peut que vouloir du bien au « petit con ». Un simple sourire, un magnifique, insoutenable sourire de « p’tit con » et on lui pardonne tout, tout, tout : son effronterie, l’excessive jeunesse de ses propos, de ses raisonnements, de ses attitudes, de ses actes, de sa conduite ; ses mensonges, ses conneries, sa goujaterie même, tout, tout, tout. On ne peut pas faire autrement.
    Car, oui, le « petit con » est partout, jeune, frais, beau, souriant et sexy. Il nous guette assis à une table de café avec ses potes qui ont la chance inouïe de connaître le secret merveilleux qu’est son petit nom, connaître des choses sa vie, le secret de son sourire ; le ti con nous nargue à un arrêt de bus en compagnie d’une nana qui n’arrête pas de l’embrasser et de se pendre à son cou, folle de son corps, de son sourire et, j’imagine, de sa queue ; il s’attarde dans le rayon d’un supermarché, poussant son caddie ; il nous attend assis en caisse, rendant nos courses si pleines d’aventure et d’émotions.
    Parfois je me dis que je devrais peut-être ne pas faire attention à tous ces petits mecs, aux envies et aux questions qu’ils m’inspirent ; que je devrais avancer et me concentrer sur ma vie, sur mon présent, sur mon avenir, sans me laisser « distraire » par tous ces « petit riens », par la vision troublante du charme masculin.
    Pourtant, ces « petits riens » possèdent l’éclat d’instants magiques, à la fois sublimes, douloureux et frustrants. Un « petit con » rentre dans mon champs de vision, et je réalise instantanément que l’émotions qu’ils provoque en moi c’est, justement, la vie ; ou, du moins, l’un de ses bons côtés ; que sans ces émotions, ces envies, ces désirs, ces images sublimes même si insoutenables, la vie serait bien fade ; que chaque bogoss est un éclat de cette inépuisable source de perfection et d’émotion qu’est la beauté, la jeunesse masculine ; que ne pas les regarder, les admirer, les désirer serait un énorme un impardonnable gâchis.
    De toute façon, je sais qu’il me serait tout bonnement impossible de détourner le regard, la fascination pour la beauté et la jeunesse masculine étant une addiction de laquelle je ne souhaite pas vraiment guérir.
    Alors, merci le « petit con » pour ce petits moments magiques, ces « petits riens » qui sont des « petits tout ».
    Pourtant, aucun « petit con » ne peut soigner durablement cette solitude, cette angoisse qui me happe lorsque je suis seul dans ma chambre, dans mon lit, lorsque je repense au seul et unique garçon que j’aime et qui, au-delà de l’émotion sensuelle qu’il m’inspire, a dans ses mains le pouvoir magique de faire battre mon cœur à tout rompre.
    Un pouvoir devant lequel, toutes les émotions inspirées par ces « petits cons » ou autres mecs au charme ravageur, croisés dans la rue, dans une boutique, dans le bus, disparaissent comme des étoiles lorsque l’aube déferle.

    Le lendemain, vendredi, le vent d’Autan est toujours là et il a même gagné en intensité.
    Lorsque je sors de chez moi, il n’est que 10 heures 30 et il fait déjà chaud. Je marche dans la rue, vers mon rendez-vous. Je suis un peu à l’avance et j’ai envie d’aller faire un tour du côté de la rue de Metz. Jérém me manque trop. Et tant pis, s’il va me fulminer du regard.
    Le voilà mon bobrun, le plus beau mec de la ville, avec une chemise blanche cintrée, trois boutons ouverts laissant entrevoir le paysage vallonné de ses pecs… et pas un poil qui dépasse… rasé de près, le petit con… je suis à peut-être 20 mètres, mais j’ai l’impression de sentir la fraîcheur de sa peau.
    Sa jolie chemise est portée hors d’un pantalon noir redessinant son cul divin. Des baskets noires et blanches lui donnent une allure à la fois jeune et classe, juste à tomber.
    Je le regarde aller et venir de tables en table, ultra précis et efficace, avancer avec vitesse, élégance, souplesse, assurance des mouvements ; je m’abreuve de la vision de ses oreilles fines, bien collées, de son brushing impeccable, les cheveux courts sur les côtés, plus longs sur le haut, fixés à grands coups de gel ; je remarque cette barbe de plus en plus sombre, qu’il a dû laisser pousser depuis une semaine ; j’ai envie de me perdre dans son regard ténébreux, dans son sourire incendiaire ; j’ai envie de lui, putain, j’ai envie de lui et de personne d’autre.
    Mon cœur se serre à l'idée que je ne sentirai plus jamais son corps contre le mien, sa queue en moi, ses coups de reins, que plus jamais je ne goûterai au nectar divin qu’est son jus de mec…
    Je suis pile devant la brasserie, je ralentis le pas, j’espère croiser son regard ; pas de chance, il semble entièrement absorbé par son service, très pro, très efficace.
    Au gré de ses mouvements et d’une rafale de vent particulièrement intense, sa chemise se relève et replie un peu dans son dos, ce qui fait que son boxer noir, avec un élastique noir aussi et une fine bande rouge, dépasse pendant un petit moment. Ce qui m’offre l’occasion d’apprécier sa belle cambrure de reins.
    Oui, c’est beau, Toulouse, l’été… et le vent d’Autan y met sa touche, faisant bouger les t-shirts, les shorts des petits cons dans la rue, les pans de la magnifique chemise blanche de mon Jérém…
    Et le brushing du charmant et hyper sexy Julien qui, assis sur le capot de sa voiture garée devant l’autoécole, m’attend pour une nouvelle leçon de conduite.



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