• Le songe (étrange) d’une nuit d’été

    Le songe (étrange) d’une nuit d’été


    Jérémie a 18 ans. Brun, de beaux cheveux épais très courts autour de la tête et pas mal plus longs au-dessus… un torse en V magnifique, un cou puissant, des épaules carrées sculptées par le rugby. Vraiment un physique de dingue pour son jeune âge.
    En ce début du mois d’août, Jérémie vient d’avoir son permis. Et sa voiture. Une vieille 205 rouge de quatrième main… mais qu’importe… c’est sa toute première voiture, celle pour laquelle il a bossé depuis un an, pendant toutes ses vacances…
    Le permis, la voiture, l’été… il faut fêter tout ça avec les potes du rugby… alors, c’est décidé… partir une semaine au bord de la mer… avec son meilleur pote, Thibault… et deux autres coéquipiers, Julien et Thierry…
    Pourtant, l’idée du bobrun ne fait pas que des heureux… Julie, sa copine, n’est pas du tout enchantée d’apprendre la nouvelle…
    C’est bien la première fois que Jérémie a « une copine »… car jusque-là, le bogoss a toujours été plutôt du genre à avoir « des copines »… d’un soir, pas plus… une par soir, deux s’il le faut…
    Beau comme il est, le capitaine de l’équipe de rugby est très sollicité…
    Puis, un soir, au KL, Julie l’a approché… elle a accroché son regard… et elle a décroché une nuit de feu dans l’appart rue de la Colombette…
    Mais, à la différence de tant de filles qui n’ont fait que défiler dans les draps du bogoss, Julie lui a carrément mis le grapin dessus… et sans que Jérémie y trouve d’inconvénients…
    Comment elle a réussi cet exploit ?
    Il faut dire que Julie a pour elle des arguments imparables… sa plastique élancée, ses jambes interminables… sa poitrine « ni trop, ni pas assez »… sa féminité mise en valeur avec classe… son minois pétillant, son naturel souriant…
    Pourtant, lorsque le bogoss lui a annoncé son intention de partir en vacances avec ses potes, elle n’a pas du tout eu envie de rigoler… dans sa tête, une équation simple : (un canon comme Jérémie) + (vacances au bord de la mer avec ses potes) = trop de tentations…
    Julie a beau se montrer contrariée… rien au monde ne ferait changer les plans du bobrun…
    Il est deux heures de l’après-midi lorsque les quatre potes arrivent au camping de Gruissan… le soleil cogne fort… le temps de planter les tentes, d’avaler un sandwich, de passer un short de bain… la joyeuse bande quitte le camping direction la plage pendant que les enceintes de la réception diffusent le tube viral de l’été…

    « Moi je m'appelle Lolita/Lo ou bien Lola/Du pareil au même/Moi je m'appelle Lolita… ».

    C’est beau cette meute de jeunes mâles marchant dans la rue l’un à côté de l’autre… comme une vague, une déferlante de bogossitude, ils avancent en rigolant, en parlant fort, en dégageant cette sensualité des corps, cette insouciance des esprits, cette présence qui laisse de si belles couleurs sur son passage…
    Bonheur ultime lorsque les pieds touchent enfin le sable chaud et qu’une impression de bien-être se propage dans tout le corps… en ce premier instant où tout en soi semble crier : liberté, bonheur…
    La plage, le sable, la mer, le soleil, les serviettes, les parasols, l’odeur de la crème solaire, le parfum des vacances…
    Très vite, les corps musclés plongent lourdement dans l’eau, éclaboussent, font des vagues à tout va…
    Quelques instants plus tard, les torses nus dépassent de l’eau, la peau ruisselante, les brushings défaits… et sur les visages, des sourires de gosses…
    On pourrait passer des heures à les regarder faire les cons entre eux, touchés et émus par ces corps débordants d’énergie, par leur côté « jeunes chiens fous fous »…
    On ressent comme une gifle puissante en les voyant si jeunes, si sexy, si désirables, et si hors de portée… pourtant, il y a quelque chose de nécessaire dans le bonheur profond d’être spectateur de ces instants d’éternité…
    Il y a dans cela quelque chose proche de la contemplation de l’œuvre d’art… et le désir sensuel finirait presque par passer en deuxième plan, derrière l'émotion profonde que ces garçons savent inspirer tout en étant simplement... eux-mêmes...
    Oui, les regarder est à la fois une épreuve, quelque chose de presque insoutenable… mais, au-delà de la brûlure intérieure ce spectacle peut occasionner, il y a comme une sorte d’apaisement à assister au triomphe de cette jeunesse, comme si on pouvait s’y perdre, s’y noyer dedans, et s’y trouver divinement bien…
    Le lendemain soir, la petite bande est de sortie… et les t-shirts moulants aussi…
    Jérémie rentre en boîte avec son sourire ravageur aux lèvres, fer de lance d’un regard conquérant qui semble annoncer « personne ne peut me résister »… il avance, plutôt fier de ce tatouage sur le biceps gauche qu’il vient de se faire faire l’après-midi même… c’est un brassard aux motifs tribaux, et il tombe juste en dessous de la manchette de son t-shirt blanc, à la lisière de ce coton bien enserré autour de son biceps et de son torse de fou…
    Les filles le dévorent du regard… comme si elles voulaient le bouffer tout cru…
    Il y a celles qui attaquent frontalement, qui viennent se mélanger à la meute, qui viennent lui parler….
    Et puis il y a des regards plus subtils, qui jouent un match de séduction tout en finesse…
    Il y en a un en particulier, un regard qu’il trouve particulièrement culotté… d’autant plus que ce regard vient d’une nana qui n’est pas à priori son style de nana…
    Non, les filles pas très grandes, qui s’habillent et se maquillent avec des couleurs trop sombres, ce n’est pas du tout le genre de Jérémie…
    Pourtant, Mélanie sait bien mener son jeu… elle fait du charme au bobrun tout au long de la soirée, par petites touches… tour à tour en cherchant son regard, en l’ignorant… en se montrant intéressée, puis distante…
    Un jeu de séduction qui se solde par une bonne galipette dans l’un des fameux chalets de Gruissan…
    Au petit matin, Jérémie marche sur la plage en fumant cette cigarette si nécessaire, après…
    La brise marine ramène le son étouffé d’une radio…

    « Ces soirées-là hum hum/On drague, on branche toi-même tu sais/Pourquoi ouais/Pour qu'on finisse ensemble toi et/Moi c'est pour ça… ».

    Si elle savait, Julie…
    En rentrant au camping juste avant le lever du jour, le bobrun est surpris par un autre regard… il y a pas mal de filles au camping qui s’intéressent à lui… mais ce regard-là, il ne le lâche pas d’une semelle… tout aussi culotté que celui de Mélanie… et à cet instant précis, ce regard s’accompagne d’un :
    « Bonjour ! » agrémenté par un beau et large sourire.
    « Bonjour… » répond mécaniquement le bobrun, tout en continuant son chemin vers la tente où son pote Thibault est rentré dormir seul.
    « Ça va ? » lui demande ce dernier, pendant que le bobrun se glisse dans son sac de couchage.
    « Ouais… ça va… » répond Jérémie, avant de donner des consignes « ne m’attendez pas pour la plage… je vous retrouve là-bas, ok ? ».
    « Ok Jéjé… bonne n… ».
    « Thib… ».
    « Quoi ? ».
    « Ce qui se passe à Gruissan, reste à Gruissan, ok ? » balance alors Jérémie sur un ton monocorde.
    « Entendu, mec… » fait Thibault sur ce ton rassurant qui est sa marque de fabrique.
    En glissant vers le sommeil, Jérémie repense à ce regard, à ce sourire qu’il vient de croiser en arrivant au camping… pourtant, ce n’est pas du tout le genre de regard auquel il est sensible… encore moins que celui de Mélanie…
    Il est deux heures de l’après-midi lorsque le bobrun émerge de son sommeil décalé… et lorsqu’il sort de la tente, torse nu, la serviette sur l’épaule, direction les douches, il sent à nouveau ce même regard se poser sur lui…
    « Bien dormi ? ».
    « Ouais… » ce sera la seule réponde d’un bobrun en mode « il ne faut pas m’emmerder dès l’aube de 14 heures »…
    Le soleil, la mer, les vacances, les potes … quatre mecs avec un ballon sur la plage, ça finit par attirer d’autres mecs… le volley, le foot, le rugby… chaque jour, il y a davantage de monde que la veille…
    Tout ce raffut de bogosses sportifs sur la plage finit par attirer des nanas… dès lors, la petite bande de rugbymen toulousains n’aura pas de mal à conclure… même Thibault, le plus pudique et réservé des quatre, finira par craquer un soir sur une petite jolie brune…
    Jérémie, quant à lui, après un premier but marqué au chalet de Mélanie, il avait transformé des essais à chaque soir…
    Si elle savait, Julie…
    Les jours filent et le dernier soir arrive. Jérémie s’est éclipsé avec Stéphanie, cette jolie rousse avec un petit tatouage entre les omoplates...
    Thibault a désormais l’habitude de s’endormir seul dans la tente… pourtant, ce soir il n’arrive pas à dormir… il est deux heures passées lorsqu’il décide d’aller faire un tour…
    Il marche déjà depuis quelques minutes lorsque, au détour d’une haie abritant un mobil-home, il reconnaît un peu plus loin, dans la pénombre, la silhouette familière de son pote, torse nu, le débardeur à la main, la cigarette entre les lèvres, s’apprêtant à quitter les lieux, tout en fouillant fébrilement dans les poches de son short, certainement à la recherche de son briquet…
    Thibault se dit que son pote est vraiment incroyable… une fille chaque soir, et le dernier soir, cette jolie rousse qui fait de l’effet à tout le monde…
    Il attend patiemment que Jérémie s’éloigne de quelques pas pour aller le rejoindre et se moquer gentiment de ses exploits…
    Mais une deuxième silhouette apparaît aussitôt sur le seuil du mobil-home, dans le noir.
    « Pssssssst ! ».
    Jérémie s’arrête net, se retourne… le bobrun se trouve désormais dans une zone un peu plus éclairée… la deuxième silhouette avance jusqu’à le rejoindre…
    Et là, Thibault a du mal à réaliser ce qui se présente à ses yeux… car ce dos, ce tatouage… il ne les reconnaît pas, pas du tout…
    Enfin… si…
    Il regarde Jérémie récupérer son briquet de la main qui lui tend, allume sa cigarette, trace sur sa route…
    Thibault a besoin de marcher un peu… il a besoin de prendre l’air… il a besoin de remettre de l’ordre dans sa tête…
    Lorsqu’il rentre enfin à la tente, Jérémie est déjà dans son sac de couchage.
    Mais il ne dort pas pour autant.
    « Tu étais où ? ».
    « J’ai fait un tour à la plage… » fait Thibault « c’était bien ta soirée ? ».
    « Pas mal… il faut dormir maintenant… ».
    Si elle savait, Julie…

    En ce soir du 21 août, la 205 rouge roule à vive allure sur l’autoroute des Deux Mers… au bout d’une longue montée, la citadelle de Carcassonne apparaît sur la droite, majestueuse…
    Tout en conduisant, Jérémie porte une cigarette entre les lèvres, l’allume…
    Le regard de Thibault se fixe sur ce briquet qu’il lui a offert pour ses 18 ans, ce briquet que son pote a failli oublier dans ce mobil-home…
    « Tu regardes quoi ? » fait Jérémie, surpris par le regard figé de son pote.
    « Rien… » lui sourit Thibault, tout en posant la main sur son épaule « rien du tout… ».
    Thibault repense à la phrase que son pote lui a lancé de retour de sa première coucherie… « Ce qui se passe à Gruissan… »…
    Mais Thibault sait désormais que ce ne sera pas le cas… car ce qu’il a vu la nuit d’avant est bien en train de remonter à Toulouse, gravé dans sa tête…
    Lorsque la deuxième silhouette était sortie du mobil-home, alors qu’il s’attendait à voir une petite rose posée entre deux épaules finement dessinées d’une jolie rousse, c’était plutôt un ange avec de grandes ailes qui s’était présenté à ses yeux…
    Thibault s’était souvent demandé si son pote Jérémie faisait cas de ce regard vif, insolent, charmant, qui ne l’avait pas quitté tout au long du séjour… au camping, sur la plage, pendant les matchs… désormais, il a sa réponse…
    La 205 rouge roule à vive allure sur l’autoroute à hauteur du parc d’éoliennes de Villefranche de Lauragais… une toute nouvelle chanson vient de résonner sur les ondes radio…

    Hey Mister D.J/Put a record on/Mets un disque
    I wanna dance with my baby/Je veux danser avec mon bébé

    Jérémie allume une nouvelle cigarette… il repense à cette bêtise dans le mobil-home… à cette escapade qu’il regrette déjà… qu’il a regrettée dès l’orgasme venu…
     « Je vais te faire jouir comme personne ne t’a jamais fait jouir… »… voilà les mots par lesquelles il s’était laissé tenter…
    Certes, il faut admettre que ce n’étaient pas des mots en l’air… dans ce mobil-home, il avait pris son pied comme rarement dans sa vie… mais il n’aurait pas dû pour autant marcher dans ce jeu…
    Pourtant, en arrivant au péage de Toulouse, Jérémie n’arrive toujours pas à effacer de sa mémoire l’image de ce petit gabarit très bien proportionné, de ce grand tatouage en forme d’ange dessiné à cheval d’une épaule musclée, couvrant une large portion d’un solide dos en V…
    Il a beau se dire que tout cela est sans importance, que ce n’est qu’une connerie de vacances… il ne peut pour autant oublier le fait que ces regards, ces sourires qui ne l’ont pas lâché d’une semelle pendant toute la semaine, lui ont procuré une excitation si puissante, si inattendue… et que ce corps lui a procuré un plaisir explosif…
    Non le p’tit footeux n’avait pas menti... jamais il n’avait autant pris son pied que dans ce mobil-home… mais quand-même…
    Si elle savait, Julie…
    Jérémie a beau se dire que cela restera une expérience sans suite, une erreur à oublier…
    Ses fantômes le rattraperont quelques mois plus tard… le jour où, sur un coup de tête, il donnera l’occasion à Nico, ce camarade qui n’arrête pas de le mater depuis le premier jour du lycée, de rentrer dans sa vie et de la bouleverser de fond en comble.

    And when the music starts/Et lorsque la musique commencera
    I never wanna stop/Je ne voudrais plus jamais m'arrêter
    It's gonna drive me crazy/Cela va me rendre fou

    Music… makes the people come together/La musique… rapproche les gens…


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