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    « Les grandes transformations se font à petits pas. Pose une pierre chaque jour, n’abandonne jamais ta construction, et l’édifice grandira. Combats le doute et la paresse. Tiens constamment ton esprit en éveil. Observe, comprends et aime. » Dugpa Rimpoché

     

    0211 Viens voir, je te dis...

     



    Après une matinée à cheval, après le repas tiré de nos sacoches au bord de la rivière, je ressens une douce fatigue m’envahir et j’adhère volontiers à l’idée d’une demi-heure de sieste avant de repartir. L’un après l’autre, les cavaliers s’allongent sur l’herbe et se mettent en veilleuse.
    Je m’allonge sur l’herbe à mon tour, alors que Jérém s’éloigne pour griller une clope. Le ciel est d’un bleu profond, le soleil est toujours là, il chauffe ma peau, le clapotis de l’eau dans le ruisseau me berce. Les chevaux paissent autour de nous. C’est reposant de regarder ou même simplement écouter les chevaux brouter. Je me sens peu à peu glisser dans les bras du Morphée de la sieste.
    Mon repos est de courte durée, une caresse légère sur le dos de ma main m’oblige à rouvrir les yeux. La première image qui se présente à moi, c’est le visage de Jérém, illuminé d’un petit sourire coquin.
    « Viens voir… » il lâche discrètement.
    « Qu’est-ce qui se passe ? ».
    « Viens voir, je te dis… ».
    Je me lève, tout aussi discrètement. Le bogoss me devance. Je le suis, intrigué. Au bout de quelques pas, lorsque nous sommes hors de la vue des cavaliers, Jérém m’attrape la main, adorable.
    Jérém continue d’avancer à grands pas, nous rentrons dans la forêt.
    « On va où ? ».
    « On y est presque… ».
    « Oui, mais on va où ? ».
    « Je vais te montrer un truc… ».
    Le bogoss finit par s’arrêter devant une paroi rocheuse abritée par une épaisse végétation.
    « Nous y voilà… » fait-il, l’air fier de lui.
    « Alors, tu veux me montrer quoi ? ».
    Et là, pour toute réponse, le bogoss me plaque contre la paroi, il colle son torse contre mon torse, son bassin contre le mien et m’embrasse à pleine bouche, à pleine langue. La chaleur et la raideur de sa queue traversent le quadruple tissu de nos boxers et de nos pantalons de cheval et me fait bander sur le champ.
    « J’ai envie de toi… » il me chuchote à l’oreille, tout en la mordillant, très sensuellement.
    « Ici ? Maintenant ? ».
    « Ici et maintenant… ».
    « T’es sûr ? »
    « Ouais… grave… ».
    « T’as pas peur qu’on se fasse gauler ? ».
    « Personne va venir nous chercher ici… de toute façon, ils sont tous en train de roupiller… ».
    Le bobrun défait ma braguette, se met à genoux devant moi, il sort doucement ma queue de mon boxer, il la prend dans la bouche et il commence à me sucer. Ses deux mains glissent sous mon t-shirt pour aller exciter mes tétons avec des caresses avisées, je tremble de plaisir. La chaleur douce et humide de sa bouche me fait frémir, les va-et-vient de ses lèvres, les caresses de sa langue me font frissonner. Et ses cheveux bruns qui effleurent mon bas ventre au gré de ses mouvements alternés me font délirer.
    Jérém semble prendre de plus en plus de plaisir à me faire des gâteries. Et c’est certainement parce qu’il prend du plaisir, qu’il fait ça de mieux en mieux. Quand je pense que lors de notre première révision, il ne m’avait même pas touché, mis à part avec sa queue : on en a fait, du chemin, depuis.
    Alors, quand je regarde ses beaux cheveux onduler au gré de ses va-et-vient, quand je vois ma queue disparaître entre ses lèvres, j’ai encore du mal à réaliser que tout cela est bien réel. Et pourtant, ça l’est. Incroyable, et pourtant réel. Réel et terriblement bon. Si bon, mais aussi un brin déroutant.
    Depuis que j’ai eu envie de Jérém – ça fait trois ans, trois ans parsemés d’innombrables branlettes, et d’une infinité d’idées lubriques avant notre première « révision » – et encore plus depuis que j’ai découvert sa virilité, à chaque fois que j’ai pensé et que je pense à ce dont j’ai envie avec lui, mon désir, mon instinct premier ont toujours été d’offrir à mon bobrun un plaisir de mec actif. De m’offrir à lui comme on s’offre à un mâle qui n’aurait que des envies de mâle.
    Sa virilité me fascine, son plaisir de mec me fascine, et j’aime l’idée d’être celui qui lui donne ce plaisir.
    Aussi loin que je me souvienne, j’ai depuis toujours eu des fantasmes de passif. Et ce « jeu de rôles » qui a régi nos « révisions » jusqu’à il y a peu – lui exclusivement actif, moi exclusivement passif – a assouvi ces fantasmes au-delà de mes espoirs les plus fous.
    Et, en même temps, ça a façonné ma sexualité, une sexualité qui s’est construite autour de la célébration d’une virilité, la sienne, qui m’ensorcèle. Son plaisir à lui est devenu mon plaisir à moi. Son orgasme a souvent déclenché mon propre orgasme. Pendant des mois, je n’ai rien connu d’autre que ça avec lui. J’aimais tellement m’occuper de sa virilité que ça n’avait aucune importance que la mienne soit oubliée, presque effacée : bien des fois, j’ai pris tellement de plaisir à me faire secouer par mon bomâle que je n’ai même pas eu besoin de jouir pour être sexuellement comblé.
    Mais, depuis peu, cela a un peu changé. Jérém a voulu essayer autre chose. Et, par ricochet, me faire découvrir autre chose. Depuis qu’il me prend dans sa bouche, je découvre de nouvelles envies : de me faire sucer jusqu’au jus, de jouir dans sa bouche. Lorsque Jérém me suce, il me donne des envies d’actif, des envies qui effacent – ou qui perturbent – mes envies de passif. Lorsque Jérém me suce, l’envie de jouir comme un mec actif me ferait presque oublier à quel point sa virilité me rend dingue.
    Au fil de nos « révisions », j’ai fini par croire que je ne serais jamais que passif, à fortiori avec un mâle aussi dominant que Jérém. Cette conviction était l’un des fondements sur lesquels se basait le plaisir que je prenais avec lui.
    Maintenant, le fait de découvrir que je peux prendre mon plaisir autrement, et même avec un mec comme Jérém, ébranle ce fondement de ma sexualité, et me fait poser bien des questions. Peut-on être actif et passif avec le même mec, et à tour de rôle ? Le fait de découvrir dans ma chair le plaisir de l’actif, n’abimerait pas la perfection de mon plaisir de passif, perfection qui résidait justement dans le fait de « m’interdire » ou « de me laisser interdire » de jouer un autre rôle que celui de passif, et de ne pas connaître cette autre facette de la jouissance masculine ?
    En attendant, lorsque Jérém me suce, quand il me laisse « prendre sa place », j’ai envie de faire comme lui : parfois j’ai envie d’envoyer des coups de reins, comme il sait si bien le faire. J’hésite, de peur que cela ne soit trop pour lui. Différents plaisirs génèrent différentes attitudes, différents besoins, différents ressentis.
    Mais aujourd’hui, peut-être à cause de la situation – inédite, à peine croyable, osée au plus haut point – j’ai trop envie d’essayer un truc. La peur de nous faire gauler aurait pu couper tous mes moyens. Au contraire, force est de constater qu’elle a quelque chose de terriblement excitant. Et cela me donne des ailes. Alors, aujourd’hui, j’ose. J’ose glisser une main derrière sa nuque, j’ose faire onduler légèrement mon bassin, j’ose envoyer quelques timides coups de reins. Presque instantanément, Jérém lève ses yeux, il plante son regard dans le mien. Et c’est un regard à la fois surpris et intrigué.
    Surpris à mon tour, j’arrête mes coups de reins et j’éloigne ma main de sa nuque. Et là, sans quitter ma queue, Jérém recule un peu, jusqu’à ce que sa tête se retrouve en appui contre la paroi rocheuse. Ses deux mains agrippent fermement mes fesses, attirent mon bassin vers son visage. Le bogoss avale à nouveau ma queue. Ses mains attrapent mes hanches, leur imprimant un mouvement de va-et-vient assez puissant. Encouragés par ses gestes, mes coups de reins suivent la cadence.
    Ses mains, leurs gestes, leur impatience, semblent demander de plus en plus de puissance à mes va-et-vient, de plus en plus d’intensité. En fait, ses mains semblent demander à mon bassin d’envoyer la même puissance que le sien a parfois envoyé dans ma bouche. Je n’ai pas de mal à me laisser entraîner dans cette escalade d’excitation, de frénésie sexuelle, d’animalité assumée.
    Sa tête est coincée entre la paroi et mon bassin, mes mains sont appuyées contre la paroi rocheuse, ma queue est en train de coulisser entre ses lèvres. Cela n’est pas sans me rappeler certains moments très chauds dans l’appart de la rue de la Colombette, mais avec les rôles inversés. Notamment notre première « révision ». C’est là que je me rends compte à quel point ce que je suis en train de vivre paraît irréel. Non seulement le plus beau mec de la Terre est en train de me sucer, mais il accepte, il demande, il m’incite pour que je lui baise la bouche.
    Alors, j’y vais franco, car le bogoss semble en demander toujours plus, toujours plus fort, toujours plus rapide. J’y vais tellement franco que je sens très vite mon orgasme approcher. Dès lors, je n’ai plus qu’une envie, celle de jouir, et de jouir dans sa bouche. Je suis tellement excité, tellement proche de perdre pied, que je suis à deux doigts de lui balancer : « Je vais jouir… vas-y… avale… ».
    Puis tout s’arrête d’un coup, lorsque ses mains repoussent soudainement mon bassin. Mon bobrun reprend sa respiration, une respiration bruyante comme s’il avait été en apnée (je connais très bien cette sensation, le bonheur de s’étouffer avec la queue d’un mec à qui on a envie de faire plaisir).
    Quelques instants plus tard, Jérém est debout, en train d’ouvrir la braguette de son pantalon d’équitation. Il en sort sa queue bien tendue, le gland déjà luisant de ce liquide qui, parfois, marque l’excitation d’un garçon. Il a dû kiffer un max ce qu’on vient de faire, pour que cela se produise.
    Et alors que je suis happé par cette braguette ouverte d’où dépasse sa queue, belle, tendue, frémissante, je suis définitivement assommé par son geste, celui de relever le t-shirt sans manches et de le coincer derrière le cou, découvrant ainsi son mur d’abdos et son relief de pecs, ce dernier recouvert d’une douce pilosité qui me rend dingue.
    Un instant plus tôt j’étais sur le point de jouir dans sa bouche, me demandant si je n’étais pas en train de devenir actif pour de bon. Mais un instant plus tard, dès que je me retrouve à genoux devant lui, devant cette attitude de mec qui a très envie de se faire sucer, dès que sa queue tendue et chaude envahit ma bouche, dès que le petit goût délicieux de son gland humide fait pétiller mes papilles : voilà, je retrouve intact tout mon instinct de mec passif.
    Ainsi, il suffit d’un geste, d’une attitude, d’une image, d’une position, pour que je retrouve mes repères de mec qui aime faire plaisir à un mec actif.
    Alors, je le suce. Je le pompe dans le seul but de le faire jouir le plus vite possible, le plus fort possible. Je connais par cœur les endroits à titiller pour lui faire vraiment plaisir, alors, je ne m’en prive pas. D’autant plus que ses doigts ne cessent de jouer avec mes tétons, décuplant ainsi mon instinct retrouvé de le faire jouir comme un fou.
    Les parfums entêtants de sa peau, du gel douche, du déo, ainsi que les délicieuses petites odeurs de sa virilité se mélangent avec les odeurs que nos chevaux ont laissées sur nos vêtements, avec les odeurs de terre, de végétation, de nature. Mélange délicieux, celui entre la sexualité de mon bobrun et cet environnement montagnard si naturel et authentique.
    Je le suce de plus en plus fort et le bogoss halète de plaisir : c’est une douce musique pour mes oreilles. J’ai vraiment envie de goûter à son sperme. Mais une fois encore le bobrun a d’autres projets en tête.
    D’abord, il ôte son t-shirt, il l’accroche à une branche basse. La vision de son torse nu m’assomme. Puis, il me fait relever d’un coup, il me fait retourner, il me plaque face contre la paroi. Je me retrouve le dos plié à 45 degrés, mon front pressé sur mes avant-bras pliés l’un sur l’autre.
    Les bras de Jérém contournent mes hanches, ses mains défont ma braguette. Le bogoss descend mon pantalon de cheval jusqu’à mi-cuisse, et mon boxer avec. Je me retrouve les fesses en l’air, en pleine nature, à quelques dizaines de mètres du bivouac où une quinzaine de personnes sont en train de faire la sieste.
    Je l’entends cracher dans sa main, je ressens le contact de ses doigts étalant la salive à l’entrée de mon trou. Je frémis. Je tique un peu, mais je me laisse faire. Le désir est trop fort. Je lâche prise, j’accepte de perdre le contrôle face à sa fougue de mâle en rut.
    « J’ai envie de toi… » je lui chuchote, comme dans un état second, alors que mon envie vient une fois de plus d’entrer en résonance avec la sienne. Oui, quelle que soit l’envie de mon bobrun, elle devient instantanément la mienne.
    « J’ai envie de te remplir… » il lâche, alors que son gland vient à bout lentement mais inexorablement de la résistance de mes muscles.
    « Vas-y, fais toi plaisir… ».
    « Qu’est-ce que je l’aime, ce petit cul… ».
    « Il est à toi… gicle lui dedans… ».
    « Je vais te remplir… ».
    Et le bogoss entreprend de me pilonner. Et c’est terriblement bon. Je sens que Jérém a envie de jouir vite, ses gestes trahissent son empressement. Je sens que mon bobrun est très excité. Mais je sais aussi que l’heure avance, que la sieste générale va bientôt prendre fin, et que nous devons revenir au bivouac sous peu.
    Très vite, les coups de reins de mon bomâle ralentissent, son torse vient épouser mon dos, son souffle vient chatouiller mon cou et ma nuque, ses mots viennent m’achever :
    « Je te remplis… ».
    « Oh oui… ».
    Et pendant que le bogoss ahane dans mon cou, pendant que ses grognements étouffés me parlent des giclées qu’il est en train de lâcher en moi, je jouis à mon tour, sans même me toucher. Je ne l’ai pas senti venir, et l’orgasme me surprend comme une tornade, il balaie ma conscience, me fait disjoncter.
    « Je viens aussi… » j’annonce à mon tour, déjà submergé par le plaisir.
    « Trop bon… trop bien… » je l’entends lâcher, la voix assommée par la puissance de sa jouissance.
    Nous jouissons ensemble, et nos orgasmes s’amplifient mutuellement. C’est comme de l’énergie qui circule entre nous, l’énergie du plaisir entre nos corps connectés. Sa semence vient en moi et me fait lâcher la mienne, son orgasme déclenche mon propre orgasme, décuplé par sa présence en moi.
    Jérém vient de jouir en moi, et il vient de me faire jouir. Je suis fou de plaisir. Le bomâle est toujours en moi, il me serre fort contre lui, il me fait plein de bisous dans le cou, sur les oreilles, sur la joue. Sa bouche cherche ma bouche, qui se laisse trouver.
    Lorsque le bogoss se déboîte de moi, tout en douceur, je me retourne illico, je le serre à mon tour contre moi. Nous nous retrouvons torse contre torse, queue contre queue, la sienne est toujours aussi raide que la mienne. Je suis brûlant de plaisir, et de cette ivresse du corps et de l’esprit qui suit l’orgasme avec le gars qu’on aime. Et, apparemment, Jérém semble ressentir la même ivresse.
    Je l’embrasse comme un fou, il m’embrasse tout aussi fébrilement. Le contact avec les poils doux de son torse me rend dingue, je ne peux m’empêcher de poser des bisous entre ses pecs, de les caresser encore et encore, de plonger mon nez dans sa pilosité brune à la recherche de l’odeur virile de sa peau.
    « Ah, putain… ces pecs… et ces poils… » je ne peux m’empêcher de laisser échapper, happé par une sorte d’extase tactile.
    « Tu les kiffes mes poils, hein ? ».
    « Ah, oui, grave ! Surtout, ne les coupe plus jamais, ok ? ».
    Le bogoss me fait un bisou, il me serre dans ses bras. Je replonge mon visage dans ses poils, je suis groggy.
    « Promis… » finit par chuchoter mon Jérém.
    Jérém vient de me faire la promesse de ne plus jamais toucher à cette belle toison de bomâle brun et cela me fait vraiment plaisir. Non seulement parce que je kiffe ces poils, mais parce que le bobrun semble vouloir tenir cette promesse pour me faire plaisir. Hélas, il s’agit d’une promesse que le bogoss ne tiendra pas longtemps.
    Un instant plus tard, toujours torse nu, mon bobrun s’appuie avec le dos contre la paroi rocheuse. Le corps encore vibrant de plaisir, les pecs bien saillants, les abdos dessinent les mouvements d’une respiration profonde, après l’effort. Je ne peux m’empêcher de l’embrasser une dernière fois.
    « C’était trop bon … » je lui glisse à l’oreille.
    « M’en parle pas… j’ai la tête qui tourne… ».
    En effet, mon Jérém a l’air vraiment secoué. Mais très vite, il attrape son t-shirt gris sans manches, il le passe, cachant sa nudité spectaculaire. Puis, il se laisse glisser lentement le long de la paroi, jusqu’à se retrouver en position assise. Il sort son paquet de clopes, il en allume une. Je m’assois à mon tour sur le sol, les jambes en tailleur, juste à côté de lui. Nos bras, nos coudes, nos épaules se touchent. Qu’est-ce que j’aime sentir sa proximité, le contact avec son corps.
    « T’es vraiment fou… » je le cherche.
    « Je te l’avais dit que je ne tiendrais pas jusqu’à ce soir… ».
    Jérém me regarde, un beau sourire sur son visage, et il lâche :
    « C’est fou comme on s’éclate… ».
    « C’est vrai… c’est dingue… ».
    Ma main cherche sa main. Nous restons quelques secondes assis côte à côte, en silence, nos doigts entrelacés. C’est juste magique.
    « Nous devrions y aller je pense… ».
    « Attends un peu, Nico… ».
    « Ils vont finir par trouver suspect qu’on ait disparu tous les deux… ».
    « Attends encore un peu, je te dis… » il insiste.
    « Pourquoi, donc ? ».
    « Ça se voit sur ton visage que tu viens de t’envoyer en l’air… »
    « C’est vrai ? »
    « Oui, t’es tout rouge… attends un peu… ».
    En effet, lorsque je le regarde, je vois moi aussi sur son visage les signes – la moiteur de la peau, une rougeur sur le front et les joues, la pupille pétillante, la paupière lourde – qui indiquent qu’il vient tout juste de jouir. Alors, je n’ai pas de mal à imaginer que mon visage doit afficher le même bonheur.
    Une poignée de minutes plus tard, en revenant vers le bivouac, je me dis que ma première fois dans la nature a été tout simplement géniale.
    Au bord de la rivière, les autres cavaliers sont déjà en train de seller. Ce qui n’efface pas pour autant la gênante sensation d’avoir des dizaines d’yeux braqués sur nous, sur moi, comme si je portais sur moi non seulement les marques, mais les preuves évidentes du plaisir qui vient de me secouer. Cela ne doit être que dans ma tête, mais je n’arrive pas à le chasser.
    « Vous étiez passés où ? » nous accueille Charlène.
    « Nous avons fait un tour dans la forêt… ».
    « Ça fait dix minutes qu’on vous appelle… ».
    « On a pas entendu… ».
    J’ai soudain l’impression que le regard clair et pénétrant de Charlène arrive à percer à jour les petits mensonges de son protégé. Ses yeux font des allers-retours incessants de Jérém à moi, comme si elle cherchait à sonder nos regards, à lire sur nos visages empourprés par le plaisir la vérité maladroitement dissimulée derrière l’explication de façade.
    Est-ce que dans l’expression de nos visages échaudés (je réaliserai plus tard que les visages peuvent garder assez longtemps les traces de l’extase du plaisir), dans l’attitude de nos corps encore vibrants de l’orgasme qui les a traversés voilà peu (là aussi, l’expérience m’apprendra que les corps qui viennent de se faire mutuellement plaisir ne peuvent s’empêcher d’adopter des postures et des attitudes réciproques qui ne trompent pas) ; est-ce que dans notre complicité, l’excessive proximité des êtres qui s’aiment, Charlène a pu deviner ce qui vient de se passer à quelques dizaine de mètres de là ?
    Peut-être que je me fais des idées, peut-être que c’est juste mon inconscient qui me joue des tours : quand on se sent « coupable », on l’impression que tout le monde nous observe, que tout le monde nous pointe du doigt.
    Mais, apparemment, elle n’est pas la seule à se poser des questions.
    « C’était bien la balade en forêt ? » fait Loïc de but en blanc.
    « Oui, c’est beau par ici… » je tente de donner la réplique.
    « Nico ne connaît pas, je lui ai fait découvrir… » fait Jérém à son tour.
    Une question anodine que celle de Loïc, dans laquelle j’ai pourtant l’impression de déceler une pointe de malice, un subtil sous-entendu. Une impression qui devient certitude lorsque Loïc, en passant tout proche de nous avec sa jument tenue en longe, lance discrètement à Jérém :
    « T’as remis le débardeur à l’envers… ».
    Soudain, le regard de Jérém prend un air surpris, perturbé, désorienté, agacé, tout à la fois. Et moi avec lui. J’ai l’impression de ressentir en moi ce qu’il ressent, le même état d’esprit, la même sensation se s’être fait gauler.
    Mais putain, comment j’ai pu, moi qui je ne quitte pas mon bobrun des yeux, ne pas m’en rendre compte ? Comment je n’ai pas pu faire gaffe à cette couleur moins brillante du coton gris, à ces coutures en relief, signes incontestables que le t-shirt a été passé à l’envers ? A croire que le plaisir qu’on s’est donné m’a complètement retourné.
    Quoi qu’il en soit, Loïc a vu juste, et ses mots ne sont pas choisis au hasard. D’abord, la discrétion dont il a fait preuve en lâchant ces quelques mots, des mots qui sonnent à la fois comme un avertissement bienvenu « fais gaffe, les autres pourraient le remarquer aussi » mais aussi comme une moins agréable notification « j’ai compris ». D’autant plus que le choix du mot « remis » implique que ledit débardeur a d’abord été enlevé, puis remis.
    Est-ce que Charlène a vu la même chose ?
    Au bout de quelques secondes, sans un mot, Jérém allume une nouvelle clope. Il fait quelques pas, il se faufile à l’abri d’un regroupement d’arbres, et il enlève le t-shirt gris pour le remettre à l’endroit. Pendant une seconde, son torse sculpté fait son apparition, à moitié caché par la végétation. Jérém a voulu la jouer discrète. Et ça aurait pu marcher. Mais c’était sans compter avec le regard omniprésent de Satine, et avec ses observations pétaradantes.
    « Ah, un bogoss à poil, je vais défaillir… » elle surjoue, dans le but de faire rire la galerie.
    Mais en même temps, ses mots ont pour effet de déstabiliser le bogoss, qui laisse tomber le t-shirt à ses pieds, et d’attirer les regards et les remarques des autres cavaliers. Le temps qu’il récupère le t-shirt, qu’il secoue le feuillage qui s’est accroché, et qu’il le passe sur son torse, la moitié des cavaliers, et surtout des cavalières, a pu se rincer l’œil sur la plastique sculptée. C’est Carine qui ouvre le bal :
    « Ca c’est un corps de rugbyman… ».
    « Tu devrais toujours rester habillé de cette façon… » fait Martine.
    « Tu devrais faire le calendrier des dieux du stade ! » fait Arielle à son tour.
    « On va toutes l’acheter… » renchérit Nadine.
    Un sifflement fend l’air, en guise à la fois de remarque affectueuse et de moquerie. C’est toujours le même, celui qui n’en rate pas une, j’ai nommé Daniel, le joyeux luron de la bande.
    Jérém arrive enfin à passer son t-shirt, et il lance :
    « Vous n’êtes qu’une bande de nymphos… ».
    Jérém essaie de faire de l’humour, mais je perçois son malaise. Je m’en veux de ne pas avoir su lui éviter ce petit « accident » qui, je le sens, va l’affecter. Heureusement, Loïc n’est pas Satine et l’histoire du débardeur à l’envers n’a pas été criée sur tous les toits. Jérém l’aurait vraiment mal pris.
    En tout cas, désormais, il n’y a plus de doute, Loïc sait. Et, sans doute, Sylvain va bientôt savoir aussi. Il n’y a plus à espérer qu’ils sachent tenir leurs langues.
    Nous sellons nos montures, alors que certains cavaliers sont déjà en selle et nous font savoir leur impatience de repartir. Le fait d’apprêter les chevaux semble détendre un peu mon bobrun. Jérém prépare Unico et m’aide à préparer Téquila. Mais il demeure silencieux et il évite toute familiarité à mon égard.
    « J’ai une proposition à vous faire les gars… » nous lance JP de but en blanc.
    « On t’écoute… » fait Jérém, l’air soulagé qu’on s’adresse à lui pour autre chose que son corps.
    « Moi et ma charmante épouse souhaiterions prendre le relais pour accompagner Nico. Comme ça tu peux partir devant avec les autres et profiter de ton Unico. On vous laisse y aller, et nous on se la fait calmos, en différé ».
    « Avec Nico, c’est plus que calmos… on ne fait que du pas… ».
    « Le pas est l’allure reine de la balade… » assène JP. C’est son leitmotiv.
    « Vous n’allez pas arriver de bonne heure, tu sais… ».
    « J’ai tout mon temps… je suis retraité, tu sais ? ».
    « T’en penses quoi, Nico ? » me demande Jérém.
    L’idée de me séparer de mon bobrun ne me plaît pas plus que ça. Mais d’autre part, je ne peux pas obliger mon Jérém à faire du 3 km/heure pendant encore tout une après-midi. Il a été adorable de m’accompagner le matin, mais j’ai bien senti qu’il s’était fait chier. Il a aimé être avec moi, mais il n’a pas pu profiter de son étalon, de ses potes, de toute la palette de sensations que seule la pratique des trois allures est en mesure d’apporter. De plus, JP et Carine m’inspirent confiance, je pense que je suis entre de bonnes mains. Alors, je décide de le libérer :
    « Ecoute, on va le tenter ? ».
    « C’est toi qui décides… si tu veux, je reste avec vous… ».
    « Vas-y, Jérém, profite de ton cheval et de tes potes… ».
     « Il faudrait vraiment surveiller les chevaux… vraiment… » fait Jérém. J’adore ce Jérém prévoyant, attentionné.
    « On fera le nécessaire. De toute façon, nos chevaux n’ont plus l’âge de faire des sprints. Mon Mojito à moi, c’est désormais un Virgin Mojito. Quant au Tornade de Carine, il a été récemment déclassé en tourbillon de poussière… ».
    L’humour de JP me fait rire, m’aide à déstresser avant de remonter à cheval. Car, oui, je suis en confiance avec ma Tequila, mais cela n’empêche pas d’avoir une petite boule au ventre. Nous nous connaissons que depuis peu, et nous ne nous connaissons pas à fond.
    « Je ne sais pas… » hésite Jérém.
    « On va te le ramener tout entier, ton pote… » insiste Carine.
    « Ok… on se retrouve chez Charlène, alors… » fait Jérém, tout en plantant une dernière fois son regard brun dans le mien, l’air toujours hésitant.
    « Allez, tire-toi… » lance JP sur un ton d’affectueuse taquinerie.
    Je regarde Jérém partir, mettre Unico au trot, puis au galop, pour rejoindre le groupe de tête qui a déjà disparu dans la forêt. Définitivement, mon étalon sur son étalon dégage une virilité redoutable. Quand je pense que sa queue était en moi encore quelques minutes plus tôt et alors que l’écho de sa présence résonne encore dans ma chair et que je suis rempli par son jus, je me dis que j’en ai de la chance !
    Mon mâle me manque à l’instant même où il disparaît de ma vue.
    Nous laissons passer un bon quart d’heure, un quart d’heure pendant lequel JP se charge de me faire lui aussi un cours d’équitation en accéléré.
    En remontant en selle, je retrouve dans mon entrejambe le souvenir très vif de l’amour avec mon bobrun.
    Nous démarrons enfin nos montures et nous les laissons flâner au pas. Nous n’avons pas fait cent mètres que Carine commence à me questionner sur Jérém.
    « Alors, il était comment au lycée ? Il se débrouillait bien ? Et au rugby ? Il a une copine ? Il est content de partir à Paris ? Vous êtes très proches ? Tu risques de ne plus le voir trop souvent quand il sera à Paris… ».
    « Arrête un peu de lui poser des questions. Laisse-le respirer un peu… » lance JP à sa femme, sur le ton de la rigolade. Puis, s’adressant à moi : « ma femme c’est la reine des questions. Dès qu’elle rencontre quelqu’un, elle lui fait passer un interrogatoire. Tant que tu ne lui dis pas gentiment « ta gueule », elle ne te lâche pas… ».
    La complicité de ce couple de toute une vie me fascine. Une complicité et une longévité conjugale dans lesquelles l’humour de Jean-Paul ne doit pas y être pour rien. Un humour qui, une fois de plus, m’aide à déstresser. Et qui, en plus, me permet de retrouver un silence propice pour me reconnecter aux perceptions sensorielles, mais également spirituelles, de la balade.
    La terre, la roche, le ciel, le grand air : c’est l’espace.
    Les arbres, la flore, l’harmonie du végétal : c’est la nature.
    La faune sauvage, sur le sol, dans les airs, le cheval en tant que compagnon de balade : c’est le vivant.
    Les amis, la bonne humeur, le partage : c’est le bonheur, le plus simple et le plus intense.
    Au fil de la balade, sur le dos de Tequila, je découvre un nouveau bien-être, inattendu. J’ai l’impression de respirer à pleins poumons pour la première fois de ma vie, l’impression de me connecter avec la terre, la nature, le vivant, l’humain, le bonheur avec un grand B.
    La balade m’offre une nouvelle perception de l’espace, du paysage, du vivant. Ainsi, pour la première fois de ma vie, j’ai l’impression de regarder les monde d’un tout autre point de vue que celui d’où j’ai été habitué à l’appréhender. Et pour la première fois, je me surprends à me poser de réelles questions sur ma place dans le monde, sur la place de l’Homme dans le monde.
    En ville, on vit dans l’illusion d’avoir complètement dompté la nature, et on a tendance à oublier à quel point la toute-puissance de l’homme est un concept tout à fait bancal. Mais à la montagne, entourés de roches millénaires, plongés dans une nature majestueuse et immortelle, assis sur le dos d’un cheval de 500 kg et doué d’une puissance qui pourrait vous tuer, on retrouve assez vite de l’humilité. Oui, cette balade m’inspire l’humilité.
    Les passages dans la forêt s’alternent avec des points de vue dégagés sur la montagne et la vallée. Plus on avance, plus je me sens bien. Plus on avance, plus je me dis que, tout comme le sexe, la balade à cheval est une expérience qui touche tous les sens.
    La vue, avec les paysages inhabituels, les points de vue différents, inconnus, inattendus. L’odorat, avec les senteurs typiques de l’animal, du cuir, de la nature. Le toucher, par le contact avec la monture, la selle, les rênes. L’ouïe, avec le bruit du sabot qui tape le sol, le bruit du vent, du feuillage, la respiration des chevaux, les franches rigolades entre potes.
    Pour le goût, je n’ai pas trouvé, j’avoue. Mais j’ai envie de parler d’un sixième sens que je découvre aujourd’hui et qui me bouleverse : c’est la perception du temps.
    En balade dans les bois, le temps semble se dilater, s’écouler au ralenti. Mieux : il semble se faire discret jusqu’à disparaître, permettant le luxe d’oublier son existence. Oui, en balade, on oublie carrément le temps. Et cela n’arrive à priori que lorsqu’on se sent bien, vraiment bien.
    Une seule chose manque à la beauté de ces instants pour qu’elle touche à la perfection absolue : la présence de mon bobrun, la possibilité de partager tout ce bonheur avec lui. Le paysage de la Joconde est beau, mais il ne suffirait pas pour faire de ce tableau un chef d’œuvre.
    Nous ne sommes partis que depuis une heure, et mon Jérém me manque déjà, beaucoup. Minute après minute, je me dis que, même si la compagnie de JP et Carine est plutôt agréable, l’après-midi sans mon bobrun ça va être long.
    Je viens justement de me faire cette réflexion, lorsque, au détour d’un chemin, une surprise m’attend : elle a l’allure d’un cavalier brun, la cigarette un bec, assis sur une pierre à côté de son étalon bai foncé.
    Dès que nos regards se croisent, le bogoss me balance un sourire charmeur et ravageur, un sourire agrémenté par un rapide haussement de sourcils et d’un petit clin d’œil qui, pour un peu, me feraient fondre sur place.
    Jérém sourit, et c'est carrément un scandale, un truc absolument insupportable, parce que c'est juste pas NORMAL d'être aussi beau et charmant ! Car dans ce sourire il y a tout ce qui peut rendre un mec craquant : la sexytude, le charme, une bonne dose de coquinerie et de malice. Mais aussi, je vois très clairement dans ce sourire son bonheur de me retrouver, le bonheur que je représente pour lui. Jérém ne m’a jamais encore dit « je t’aime », et pourtant son attitude depuis 3 jours ne cesse de le crier haut et fort.
    Bref, tous les charmes de l’Homme sont dans ce sourire. Un sourire, c’est précieux, aussi chatoyant, aussi fugace que l’éclair : il ne dure qu’un instant, mais son souvenir nous marque à tout jamais, et c’est un souvenir doux et agréable. Et notamment celui de l’être aimé.
     « Et alors, tu fais la sieste ? » se marre JP.
    « Ça allait trop vite pour moi avec les autres… ».
    « Oui, c’est ça… » se re-marre JP.
    « Tu t’inquiétais pour ton pote ? » fait Carine, en minaudant comme elle sait si bien faire (Carine est la démonstration vivante qu’on peut minauder même après la cinquantaine).
    « Non, mais… si… un peu… » fait-il en lâchant un sourire à faire fondre les dernier glaciers de la planète.
    « T’as vu, il est tout entier ».
    « C’est bien… ».
    Et là, le bogoss met le pied à l’étrier. Puis, en faisant travailler l’ensemble de ses muscles, il quitte le sol avec un élan à la fois puissant et mesuré et il atterrit sur le dos d’Unico avec une douceur incroyable.
    « C’est beau d’être jeune… » commente JP.
    Nous démarrons nos montures. JP et Carine gardent leur place en tête du petit comité, alors que Jérém se place à côté de moi.
    « Ça va ? » me demande le bogoss, alors que le couple vient de nous distancer de quelques mètres.
    « Très bien, en toi ? ».
    « Mieux… ».
    « Tu t’inquiétais ? ».
    « Je m’ennuyais de toi » il me glisse discrètement.
    « Toi aussi, tu me manquais ».
    Je suis tellement content de le retrouver et de partager la dernière partie de la balade avec lui. Et je suis encore plus content du fait qu’il ait eu envie de me retrouver, parce que je lui manquais. J’ai tellement envie de le serrer contre moi, de le couvrir de bisous.
    « On dirait que le temps se gâte » fait JP peu après, le regard rivé vers les nuages qui s’amoncellent au loin et qui approchent. C’est vrai que la température vient de baisser brusquement. D’ailleurs, Jérém vient de faire disparaître ses bras puissants, ses biceps saillants et son t-shirt sans manches sexy à mourir sous son pull à capuche gris.
    Le temps change très vite à la montagne. Le matin, lorsque le soleil brille dans le ciel, il nous apparaît comme étant la promesse d’une longue journée de beau temps. Pourtant, quand on connaît un peu le relief pyrénéen, on réalise vite que les nuages et le brouillard ne sont jamais trop loin, notamment en deuxième partie d’après-midi, et à fortiori au mois de septembre. Ça fait partie des charmes de la montagne, cette météo capricieuse et versatile.
    Lorsque la grisaille prend soudainement la place du ciel bleu, rappelant l’approche de l’automne, nous faisant connaître le regret pour l’été dont on n’a jamais assez profité, la tristesse peut prendre aux tripes, serrer le cœur. Mais le bonheur d’être avec Jérém, et d’y être enfin si bien, arrive même à donner de magnifiques couleurs à ce ciel chargé et menaçant.
    Nous avançons désormais dans un espace dégagé, offrant une ample vue sur le profil vallonné du paysage. C’est un paysage fait de roches sculptées par les millénaires, décoré par une végétation riche, fière, sauvage et indomptée, parcouru par les ombres chinoises que les nuages poussées par le vent dessinent sur les pentes.
    Dans un pré en forte pente, un grand troupeau de brebis est en train de brouter tranquillement, l’air pas du tout perturbé par le soudain changement de météo. Un peu plus loin, dans un petit enclos, un très jeune poulain collée à une jument. Le petit équidé démarre les politesses, en se mettant à hennir avec sa petite voix de bébé cheval. Dans la foulée, la petite famille monoparentale et nos quatre montures s’appellent, se saluent. JP et Carine arrêtent leurs chevaux devant la porte de l’enclos, à côté d’une rigole où circule de l’eau claire.
    « On fait une petite pause… » fait JP en descendant de son moyen de locomotion à quatre fers « on fait boire les chevaux… ».
    Jérém et moi en faisons de même. Les chevaux trempent aussitôt leurs naseaux dans l’eau. Sauf Tequila qui, fidèle à elle-même et à ses formes généreuses, semble préférer l’herbe à la boisson.
    Pendant ce temps, Jérém et JP échangent au sujet du bonheur de se balader à cheval. Un bonheur dont j’ai eu un petit aperçu aujourd’hui, et que je comprends désormais.
    Jérém a raison. JP est vraiment un gars génial. Lorsque je l’écoute parler, je le trouve profondément inspirant. Ses mots, son discours dégagent un subtil mélange entre l’expérience de son âge, une profonde sagesse, et une jeunesse d’esprit qu’il a su garder intactes. Ainsi, le regard qu’il pose sur le monde semble être à la fois avisé et humble, ouvert, tolérant, sans préjugés aucuns. Mais aussi frais et pétillant, rempli de curiosité, jamais blasé, comme celui d’un enfant.
    Depuis les tout premiers échanges, j’ai ressenti une grande estime pour ce monsieur. Il est des êtres, des esprits qui forcent l’admiration, qui dégagent ce quelque chose capable de faire ressortir instantanément le meilleur de nous-mêmes, de nous donner envie d’être meilleurs. Qu’ils aient 60 ans ou 19 ans, qu’ils s’appellent JP ou bien Thibault, le résultat est le même : leur présence est apaisante, rassurante, et nous fait sentir bien.
    Le contact et l’échange avec JP ont un effet sur mon bobrun aussi, et pas des moindres : lorsque j’entends Jérém discuter avec JP, j’entends les mots et je vois l’attitude d’un homme. Oui, il est des êtres dont la seule proximité nous fait grandir.
    A cet instant précis, je me sens tellement bien : l’homme que j’aime est juste là, devant moi, entouré par la bienveillance de JP. JP qui, je le crois dur comme fer, comprendrait notre amour, et il serait heureux pour nous.
    « On ferait bien d’y aller, avant d’attraper une saucée… » fait Carine, en remontant à bord de Tornade.
    En effet, le ciel se couvre de plus en plus, les cimes accrochent les nuages, le brouillard dense remonte les pentes. Le ciel est menaçant, le vent de plus en plus fort. Et pourtant, un rapace brave les nuages épais.
    Nous remontons à cheval, et nous repartons aussitôt. Nous traversons une petite rivière et nous pénétrons dans une région boisée. Soudain, les bruits de la balade – le tambourinement cadencé du sabot sur le sol, le crissement du cuir, la respiration de l’animal – me parviennent plus vifs que jamais, comme s’ils pénétraient dans mon corps et qu’ils rentraient en résonance avec les battements de mon cœur et le rythme de ma respiration. Dans cette partie boisée, les odeurs de la balade – du cuir, du poil, de la terre humide, de la végétation automnale, du bois – me parviennent plus puissantes que jamais, elles m’étourdissent.
    Lorsque nous nous ressortons à découvert, et alors que nous amorçons la montée d’une côte, les nuages sont désormais à l’aplomb de nos têtes, et tout devient gris et triste. J’ai l’impression de me trouver dans un film catastrophe. Les chevaux semblent nerveux, méfiants. Des grosses gouttes commencent à tomber, surprennent les animaux et les cavaliers.
    Mais cela ne dure pas bien longtemps. Assez vite, le nuage passe, et un rayon de soleil arrive à se faufiler dans la grisaille, rendant illico les belles couleurs au paysage, de nouvelles couleurs. C’est bluffant, presque déroutant, ce caractère bipolaire de la montagne, cette capacité à changer sans cesse de rôle, d’humeur, à passer avec désinvolture du soleil au mauvais temps, de la joie à l’ennui, de l’espoir à la tristesse.
    La côte devant nous paraît interminable. D’autant plus que Tequila, qui a cherché l'herbe pendant toute la balade, ne cesse désormais de s’arrêter pour arracher le moindre brin vert. Ce qui fait qu’elle est aussi maniable et réactive qu'on A380 sans ailes. Jusqu’à ce que, à un moment, elle s'arrête net, l’air de ne plus vouloir avancer du tout.
    « Tequilaaaaaaaaa! Maaarche! ».
    « Tu sais à quoi elle me fait penser ? » fait JP en rigolant sous la moustache.
    « Je ne veux pas savoir… » fait Jérém.
    « Elle me fait penser à un Berlingo. Tu vois ces petites camionnettes bien pratiques pour transporter n’importe quoi mais avec un moteur de mobylette ? ».
    « N’importe quoi… ».
    « C’est pas n’importe quoi » persiste JP « moi je trouve au contraire que les ressemblances sont multiples… avec le Berlingo, elle partage les formes longilignes… d’un cochon… ».
    « T’abuses ! ».
    « Comme le Berlingo, elle a tendance à chauffer dans les montées ».
    « Ça, c’est pas faux… » admet Jérém.
    « Comme le Berlingo, elle a des vitesses courtes, une capacité d’accélération tout à fait théorique, un couple moteur impossible à atteindre… ».
    « Mais ta gueule ! ».
    « Ceci dit, elle est adorable comme jument, et parfaite pour un débutant… ».
    Nous arrivons enfin sur le plat. Le vent n’a pas cessé, les nuages défilent toujours au-dessus de nos têtes. Unico a les oreilles dressées, les yeux dilatés, il n’arrête pas de remuer la tête, il a l’air de plus en plus nerveux, il tire sans cesse sur les rênes.
    Nous traversons une prairie longeant une clôture à moutons. Unico a toujours tête en l’air et Jérém commence à s’agacer. Nous arrivons face à un enclos avec deux chevaux.
    Et là tout se passe en un éclair. Unico tire violemment sur les rênes, Jérém manque de peu de tomber. Ce dernier se fâche et lui met une baffe. Unico se cabre, Jérém se laisse glisser à l’arrière, en retombant sur ses pieds. L’étalon se retourne, fait face à son cavalier. Ce dernier essaie de reprendre les rênes. Mais Unico, le défiant du regard, prend la tangente et part au grand galop.
    Et là, sans crier gare, Tequila démarre au quart de tour et prend le galop derrière sa mère. Petit détail qui a son importance : je suis toujours sur son dos !!!!!!!!!!!!!!
    Sans transition ni préparation, je me prends direct le trot et m’enquille le galop, un très très grand galop, une allure qui n’a rien à voir avec celle du matin. Pris de panique je ne sais plus quoi faire. Je tire sur les rênes comme un malade, les mains à des hauteurs inimaginables. Je serre mes jambes, j’appuie sur mes étriers, j’essaie de me pencher en arrière pour tenter de l’arrêter. Mais rien n’y fait. A un moment, elle semble ralentir. Tu parles, elle repart de plus belle, au triple galop.
    A ce moment-là, je suis toujours sur son dos. Et je me pose mille questions. La fondamentale : Pourquoi ai-je accepté de remonter à cheval ? (J’entends encore la citation de JP : le cheval est un moyen dangereux à l’avant, à l’arrière…) La pratique : Comment l’arrêter ? Et enfin, la cruciale : quand et comment vais-je tomber ? Le fait est que plus ça va, plus ma jument semble avoir tendance à baisser son encolure. Je me vois passer par-dessus sa tête, je me vois écrabouillé par la douce caresse de ses sabots.
    N’étant pas du genre à attendre que ça tombe (ici ce n’est pas juste une expression), je décide de prendre les devants. Lorsque Tequila atteint la vitesse MACH1 (c’est l’impression que j’ai), dans ma tête c’est décidé : je vais me laisser glisser sur le côté pour éviter le pire. Dans ma tête en panique totale, je cherche la façon de le faire en prenant le minimum de risque. Tu parles…
    Je déchausse les étriers et je me laisse glisser lentement sur le côté droit de Tequila. Et je tombe. L’impact avec le sol est violent. Ma tête heurte le sol et ça fait un bruit sourd et impressionnant dans la bombe. Et je roule dans l’herbe. J’ai mal aux côtes. C’est tellement douloureux que j’ai du mal à respirer. Je me demande si je vais perdre connaissance. Je me demande plus que jamais pourquoi j’ai accepté de monter à cheval. Pourquoi j’ai fait confiance. Quand je pense qu’on m’a répété mille fois qu’avec Tequila je ne risquais rien…
    « Nico ! Nico ! Nico ! » j’entends au loin la voix paniquée de Jérém.
    « Ca va, Nico ? » il me demande, lorsqu’il arrive près de moi, la voix et le regard chargés d’angoisse.
    « Je crois que je suis toujours vivant… ».
    « T’as mal où ? ».
    « Aux côtes… ».
    « Je suis désolé, tout est de ma faute… je n’aurais jamais dû te faire monter sans une véritable préparation… » il se morfond.
    « Arrête… » je le coupe.
    « Comment il va Nico ? » fait JP en descendant de son cheval, la voix calme mais l’air grave.
    « J’allais mieux avant… ».
    « Bon, tu n’as pas perdu ton humour, c’est deja ça… blagues à part, on va appeler le Samu… ».
    « Oui, on appelle le Samu » répète Jérém qui n’a pas vraiment l’air dans son étant normal.
    « Non, attendez un peu… je ne crois pas que ce soit si grave… ».
    « Tu arrives à bouger ? » se renseigne mon bobrun.
    « Oui… ça devrait le faire… ».
    « T’es sûr de toi, Nico ? » fait JP.
    « Oui, je crois… ».
    « On est tous tombés de cheval un jour ou l’autre… » fait Carine.
    « Quand je pense qu’on m’a répété mille fois qu’avec Tequila je ne risquais rien… » je tente de rigoler, malgré la douleur aux côtes, tout en essayant de me mettre en position assise.
    « Le risque zéro n’existe pas… » fait JP.
    « J’ai cru comprendre, oui… ».
    « Heureusement que t’avais la bombe… » fait remarquer JP.
    « Bon, si tu n’as rien de cassé, il te faut remonter en selle de suite. Dans l’équitation, il ne faut jamais rester sur un échec… » me taquine Jérém.
    C’est en suivant ce conseil que, dix minutes plus tard, je remonte en selle malgré la douleur aux côtes. Et que je termine ma balade en traversant une dernière région de toute beauté, sur le dos d’une Tequila ayant retrouvé tout son calme.
    Lorsque nous arrivons à la pension, Patou, le chien de Charlène, nous accueille en aboyant comme un taré. Allez, dégage, ne fais pas peur à Tequila. Mais Tequila, solide comme un roc, pom pom pom pom.
    « Comment ça va les côtes ? » me demande Jérém, pour la énième fois.
    « Ça va mieux… ça va mieux… ».
    « Je suis fier de toi, tu t’es débrouillé comme un grand… » il me glisse, alors qu’il arrête son Unico devant un mur avec des anneaux d’attache.
    C’est là que je réalise que je l’ai vraiment fait, que je suis monté à cheval pour la première fois de ma vie, que je me suis baladé pendant toute une journée, avec mon Jérém. Je suis content de moi, et heureux de sentir sur moi le regard admiratif de mon bobrun.
    Nous retrouvons les autres cavaliers et je constate qu’ils terminent la balade de la même façon que celle avec laquelle ils l’avaient commencée le matin, c'est-à-dire avec le sourire.
    Nous descendons de cheval et Jérém commence aussitôt à desseller. J’essaie d’en faire de même, mais l’effort pour dessangler Tequila réveille ma douleur aux côtes.
    « Aie… » je ne peux me retenir.
    « Laisse, je vais le faire… » fait Jérém, adorable.
    Le bobrun finit de desseller nos chevaux, et nous les ramenons au pré. En remontant, nous passons par l’écurie pour déposer les selles et les harnachements. Et là, Jérém m’attrape par la main, il m’attire dans un box, il me plaque contre le mur, il me prend dans ses bras et il m’embrasse fougueusement.
    Nous sommes tellement happés par nos effusions, que cela nous empêche d’entendre le bruit de pas qui approchent. Nous nous apercevons de sa présence que lorsqu’elle apparaît sur le seuil du box, le regard abasourdi, lorsqu’elle tente de se dérober, en lâchant un :
    « Oh… pardon… ».
    Un instant plus tard, alors que Charlène détale à toute vitesse, Jérém relâche illico notre étreinte pour lui courir après, l’air paniqué…



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    Bonjour à toutes et à tous ! Bienvenue sur le site Jérém&Nico


     

     

    Lorsque nous arrivons à la pension pour chevaux, nous retrouvons Charlène à l’écurie. Elle est en train de nettoyer un box.

    « Ah, vous êtes déjà là ? » elle nous lance, en nous voyant arriver, tout en continuant à charger du fumier dans une brouette.

    « Ça c’est de l’accueil, on se sent vraiment bien reçus ! » se marre mon bobrun.

    « Je suis à la bourre ce matin… » elle nous explique, entre deux éclats de ce rire franc et sonore qui est le sien et qui a gardé quelque chose d’enfantin.

    Elle pose sa fourche et vient nous faire la bise.

    « Mais il est quelle heure, au fait ? ».

    « Il est près de 9 heures » fait Jérém.

    « Ah ! Les autres ne vont pas tarder à arriver. Et moi j’ai encore deux box à faire ».

    « Je t’aide ? » propose direct Jérém.

    « Tu serais un ange ».

    « Tu sais bien que j’en suis un ».

    « Il faut le dire vite ».

    « Vieille peau ! ».

    « Petit con ! ».

    Sans attendre, le bogoss attrape une deuxième fourche, il rentre dans le box juste à côté et commence à sortir le fumier dans le couloir.

    « Je peux faire quelque chose moi aussi ? ».

    « Tu peux attraper la brouette de Charlène et aller la vider sur le tas derrière l’écurie. Ça lui évitera des efforts. Mamie doit ménager ses vieux os si elle veut faire la balade » fait Jérém, taquin.

    « Eh, je t’ai entendu, petit morveux ! Mamie est encore capable de te mettre une bonne raclée ! ».

    « Je cours plus vite que toi ».

    « Je t’en foutrais ».

    « Moi aussi je t’aime ».

    « C’est ça… ».

    J’adore leurs taquineries incessantes. Je ressens de la part de Charlène une profonde bienveillance et un amour presque maternel à l’égard de mon bel étalon brun, tout comme j’ai l’impression de percevoir de la part de ce dernier une très forte affection, couplée d’un profond respect à l’égard de celle qu’il vient de traiter de « mamie ». Il y a entre eux un rapport qui est à la fois celui d’une mère et d’un enfant, mais avec la parfaite complicité de deux potes.

    Je ramène plusieurs brouettes de fumier sur le grand tas à l’arrière de l’écurie. Au départ, les relents me piquent les narines. Mais je me fais assez vite aux odeurs de la campagne, de la nature, de la vie. Aussi, tout paraît beau, lorsqu’on est amoureux et que le gars qu’on aime est à quelques mètres de vous.

    Le temps que Charlène termine son box, le bobrun a vidé les deux autres.

    « Ah oui, en effet… » fait Charlène, en nage et avec le souffle coupé « et t’as même pas l’air d’avoir forcé. C’est clair que ça, ça t’autorise à me traiter de vieille, oui… »

    « C’est toi qui m’as tout appris. Et puis je suis fatigué à mort » fait le bogoss en feignant de devoir s’appuyer au mur pour ne pas tomber.

    « J’adore quand tu mens pour me faire plaisir ».

    « Au fait, tu aurais des boots en rabe à prêter à Nico ? ».

    « Je vais voir ce que je peux trouver. Allez, je vais aller faire couler le café ».

    « J’en fume une et j’arrive ».

    « Tu devrais arrêter ta connerie de clope ».

    « J’essaie » fait-il en indiquant le patch sur son biceps.

    « Tu ne dois pas essayer, tu dois réussir, je sais que tu en es capable ».

    « Je te promets que je vais arrêter ».

    Définitivement, Charlène, a beaucoup d’emprise sur mon Jérém. Certes, le bogoss se permet de la taquiner : mais lorsque la discussion devient sérieuse, il ne la ramène pas longtemps. Face à Charlène, l’étalon Jérém redevient poulain tout doux.

    Jérém vient de finir sa cigarette, lorsqu’un quatre-quatre traînant un gros van rentre dans la cour du centre équestre.

    Un homme d’une soixantaine d’année, avec une barbe poivre et sel, ainsi qu’une femme, dans la même tranche d’âge, toute menue et très stylée, viennent à notre rencontre.

    « Bonjour Jérémie, comment tu vas ? » fait le monsieur, tout en serrant mon bobrun très fort contre lui et en lui claquant la bise.

    « Je vais bien. Et vous deux ? ».

    « Ça va, ça va. Ça fait plaisir de te revoir ».

    « Moi aussi, ça me fait plaisir ».

    « Tu nous as manqué ».

    « Vous aussi. J’aurais voulu venir plus souvent ».

    « Mais il y avait le tournoi de rugby » fait le monsieur.

    « Oui, c’est ça ».

    « Que t’as gagné ».

    « Oui ».

    « Il ne devait pas y avoir que le rugby qui le retenait à Toulouse. Il devait y avoir aussi des nanas » se marre la petite dame.

    « Aussi… » fait Jérém.

    « Au fait, félicitations pour ton recrutement parisien » fait le monsieur.

    « Merci ».

    « Tu nous as fait peur avec ton accident » fait la petite dame avec une voix de petite fille.

    « Je suis là » fait le bobrun, sur un ton rassurant.

    « Tu fais gaffe à l’avenir, promis ? » fait le monsieur, en mettant une tape affectueuse dans le dos de mon bobrun.

    « Oui promis. Au fait, voici Nico, un camarade du lycée. Voici Jean-Paul et Carine ».

    « Enchanté, Nico ! » fait le charmant monsieur, en prenant ma main entre les deux siennes.

    « Nico va monter à cheval avec nous aujourd’hui ».

    « Tu montes à cheval ? » fait la petite dame, l’air étonné.

    « C’est la première fois… ».

    « C’est bien, il faut oser se lancer » fait Jean-Paul « allez, nous allons débarquer les chevaux ».

    « Ce sont des gens adorables » me lance discrètement Jérém dès que le couple s’est éloigné de quelques pas « ce mec est un véritable philosophe, il connaît tout. Tu passes une soirée à discuter avec lui, et t’as l’impression que tout est plus clair. Et en plus, il est drôle. Elle aussi peut être très drôle. Elle a son petit caractère Si elle n’est pas d’accord avec toi, elle ne lâche rien, elle te retourne comme une crêpe. Mais elle fait un flan d’enfer. J’espère qu’elle en a prévu pour la soirée… ».

    « Quelle soirée ? ».

    « Ah… je t’ai pas dit… ».

    « Non… ».

    « Ce soir, après la balade, on mange tous ensemble au relais de l’asso ».

    « Ah… ».

    « T’inquiète, tout va bien se passer, il n’y a que des gens sympa ».

    Et ce disant, Jérém m’entraîne dans l’un des box et m’embrasse. Des frissons parcourent mon corps, alors que des hennissements, des voix et des bruits de sabots me rappellent à chaque instant que les nouveaux arrivants ne sont qu’à quelques mètres de nous, en train de sortir leurs montures du van.

    Un nouveau bruit de moteur nous signale que d’autres cavaliers et d’autres chevaux arrivent.

    « Allez, on va chercher les chevaux » fait Jérém, en décollant ses lèvres des miennes.

    Nous sortons de l’écurie, et nous allons dire bonjour aux deux nouveaux cavaliers arrivants.

    « Arielle et Nadine… Nico… ».

    Arielle est une dame d’une cinquantaine d’année, à la voix fine et douce. Nadine, est une petite blonde qui ne doit pas avoir la trentaine, avec des cheveux très courts et un rire tonitruant et contagieux.

    Jérém refait les présentations. Une fois de plus, on me félicite de débuter à cheval.

    Charlène vient de réapparaitre et s’empresse de dire bonjour à tout le monde. Elle me tend une paire de vieux boots que je passe à la place de mes baskets.

    Jérém attrape deux licols et nous nous acheminons vers les prés. Nous longeons les paddocks, lorsque mon bobrun s’arrête soudainement devant un pré au milieu duquel un cheval miniature est en train de paître.

    « Bille ! Bille ! Bille ! » il l’appelle « Viens ma puce… allez, viens… ».

    Le cheval miniature, qui porte bien son petit nom, car ses trois dimensions, hauteur, longueur et largeur sont sensiblement équivalentes, lève enfin la tête des touffes d’herbe qu’il est en train de brouter, il met en route ses courtes jambes et rejoint au (petit) galop l’entrée du paddock.

    Jérém passe entre les fils qui ne sont visiblement pas électrifiés et commence à caresser la crinière de la petite bête. Un sourire enfantin illumine son regard, c’est beau à voir. L’animal semble tout particulièrement apprécier la présence et les attentions de mon bobrun.

    « Et alors, tu ne me reconnaissais plus ? Tu as vraiment grossi. Il faut te mettre au régime ».

    « Apparemment, vous vous connaissez ».

    « Oh, que oui. Elle, c’est Bille ».

    « C’est un cheval miniature ? ».

    « Oui, c’est un shetland. C’est le premier cheval sur lequel je suis monté, quand j’étais gosse ».

    Lorsque j’essaie d’imaginer mon bel étalon, alors qu’il n’était qu’un petit poulain, sur le dos de ce cheval miniature, je ressens un puissant frisson d’émotion.

    C’est bon de lui découvrir, devant ce cheval miniature, ce regard pétillant, comme celui d’un gosse, un regard qui me permet de déceler une sorte de nostalgie de son enfance, comme une petite fragilité, mais qui n’est pas pour autant une faiblesse. Au contraire, le fait qu’il soit prêt à montrer et assumer cette fragilité, c’est précisément ce qui me fait fondre, et qui me fait dire : mon Jérém est vraiment en train de devenir un homme.

    J’ai une envie folle de le serrer très fort contre moi et de le couvrir de bisous : hélas, nous sommes à découvert, et on pourrait nous voir.

    Ce matin, Unico et Tequila sont rassemblés dans le même pré. Ils nous ont vus arriver de loin et ils semblent nous attendre de pied ferme, alignés le long du fil de clôture. Ils ont l’air de trépigner d’impatience, leurs hennissements s’enchaînent sans discontinuer, comme s’ils étaient prêts à se battre pour partir en balade avec leur propriétaire.

    Jérém me tend un licol et nous rentrons dans le paddock. Je le regarde passer le sien à Unico et j’essaie d’en faire de même avec Tequila. Premier contact avec la masse imposante, avec la puissance de l’animal, c’est impressionnant : avec cette masse, avec cette puissance, ils pourraient nous assommer s’ils le voulaient. Cela rend humble.

    Je m’y prends comme un pied, je n’arrive pas à boucler la sangle autour du museau. Jérém vient m’aider ; se sentant protégé des regards par le gabarit des deux animaux, il me claque un bisou sur les lèvres et il me chuchote, en me regardant bien dans les yeux :

    « Ça me fait plaisir de monter avec toi aujourd’hui ».

    « Ça me fait plaisir aussi ».

    Nous remontons vers les installations, les chevaux en longe, alors qu’un ballet incessant de petits camions bétaillère et de vans tractés bat son plein dans la cour du petit centre équestre.

    Nous attachons nos montures à un arbre à proximité des box.

    « Viens avec moi, nous allons chercher les selles ».

    Dès que nous rentrons dans l’écurie, je me fais la réflexion que, vraiment, j’aime l’univers olfactif autour du cheval, l’odeur de la paille, du foin, du bois de la charpente, et des chevaux eux-mêmes. C’est un univers qui a quelque chose d’authentique et de réconfortant.

    Jérém est tellement à l’aise dans ce monde. Et moi, je suis sous le charme de la découverte d’une énième facette insoupçonnée de sa personnalité.

    Les rayons du soleil sont déjà chauds. Ainsi, de retour à nos chevaux, Jérém se débarrasse de son pull à capuche, dévoilant ses bras, ses biceps, ses tatouages, son cou puissant, les pecs bien suggérés par le coton gris de son t-shirt sans manches.

    « Putain, qu’est-ce que t’es sexy avec ce t-shirt ! » je ne peux m’empêcher de lui glisser discrètement, alors que je sens à nouveau monter la trique dans mon pantalon de cheval.

    Pour toute réponse, le petit con soulève le bas du t-shirt pour s’essuyer le front, dévoilant ainsi le bas-relief spectaculaire de ses abdos.

    « Il fait chaud… » il me balance, avec un sourire de malade, un sourire coquin à me faire fondre.

    « Je vais te coincer quelque part dans les bois ».

    « Chiche… » il me nargue.

    Qu’est-ce que j’aime notre complicité, et en particulier notre complicité sensuelle !

    Jérém me montre comment préparer un cheval pour la balade, comment le brosser, comment demander et prendre les pieds pour les nettoyer. Définitivement, j’aime bien les sensations autour du cheval : l’odeur du pelage, du cuir des selles et des harnachements ; mais aussi les bruits, les ébrouements d’impatience de l’animal, le bruit sourd du sabot ferré sur le sol, le froissement de la brosse sur le pelage, les crissements du cuir.

    Jérém est en train de mettre la selle sur le dos d’Unico. Je le regarde passer le mors dans la bouche, poser les rênes sur l’encolure. Ses gestes sont précis, aisés, et ils dégagent un quelque chose d’ancestral et de délicieusement viril.

    J’essaie de répéter ses gestes à l’identique, mais les miens sont aussi gauches que les siens sont assurés. J’essaie de m’appliquer, et pourtant je réussis à mettre le licol des rênes en vrac.

    Jérém me fait remarquer ma connerie, je tente de corriger le tir, j’ouvre une lanière, mais pas la bonne. Du coin de l’œil, je vois mon bobrun se marrer.

    « Te marre pas ! ».

    « Attends, je te montre ».

    Et ce disant, il se positionne dans mon dos, il attrape les rênes et mes mains avec, il guide mes gestes. Je sens son paquet se presser contre mes fesses et, au travers des deux tissus élastiques de nos pantalons d’équitation, je lui découvre un début d’érection qui me ravit.

    « Tu bandes… ».

    « Je ne sais pas comment je vais tenir jusqu’à ce soir… » il admet, alors que son souffle brûlant caresse mon cou.

    « T’as envie de quoi ? ».

    « Tu le sais bien… ».

    « Dis-moi… ».

    « J’ai envie de gicler dans ton petit cul ».

    « Très envie ? ».

    « Tu peux pas savoir… ».

    « Qu’est-ce que je kiffe te l’entendre dire ».

    « Tu vas kiffer encore plus quand je vais te le faire ».

    « Ça c’est clair… ».

    Le licol de Tequila enfin bouclé, nos bassins s’éloignent. Nos pantalons d’équitation ont du mal à dissimuler nos érections. Jérém allume une clope, je tente de faire pipi un peu plus loin. Nous avons tout juste le temps de laisser retomber nos ardeurs que nous sommes débordés par une arrivée massive de chevaux et de cavaliers.

    Partout, ça selle, ça discute, ça rigole. Arielle est là, avec sa jument Canelle, Nadine, avec son hongre Otello, Martine est là aussi, avec sa pouliche Maggie. Carine et Jean-Paul ont terminé d’apprêter Tornade et Mojito. Il y a aussi, Marie Line à la longue chevelure brune et son mari Bernard, avec Champion et Caramel, Daniel aux boucles d’argent et à l’humour décapant, ainsi que sa copine Lola, avec leurs montures Speed et Paso, ainsi que Bimbo, une petite adorable chienne Jack Russel dont la tête dépasse d’un sac à dos que Daniel porte non pas dans le dos mais à l’avant.

    Il y a aussi Satine, avec son entier Gringo. Satine est un petit bout de femme, avec de grands yeux verts très vifs, la cinquantaine rayonnante, une voix puissante et enjouée malgré sa petite carrure, grande gueule, au demeurant. Satine me scie net lorsqu’elle balance à mon mec, de but en blanc : « De plus en plus bogoss, le Jérémie… » ; réflexion reprise par Carla (accompagnée par sa jument Philae) : « Si j’avais 20 ans et 20 kg de moins… ». Puis, Satine ne se gêne pas pour lancer à mon Jérém : « Mais regarde ces biceps… », tout en joignant le geste à la parole, en poussant le vice jusqu’à tâter le muscle rebondi de mon bomâle.

    « Espèce de cougar ! » lui lance Carine.

    « Quand on pense qu’on l’a vu enfant… » fait Ginette, une dame d’une soixantaine d’années, pétrie de gentillesse « on a l’impression que c’était hier. Et aujourd’hui, c’est un homme. Ça passe tellement vite. Tes grands-parents vont bien ? Et Maxime ? ».

    Ginette a l’air vraiment adorable, tout comme son Tulipe, un cheval qui n’est plus tout jeune et qui paraît extrêmement calme et posé. Un cheval est souvent le reflet de son cavalier.

    Au fil des arrivages, Jérém refait sans cesse les présentations. Charlène débarque enfin avec le café et des madeleines.

    « Et voilà, une riche idée » fait Jean-Paul, toujours aussi avenant et de bonne humeur.

    C’est Chantal qui fait les présentations des derniers arrivants :

    « Jérémie, je ne sais plus si tu m’as dit si tu connaissais Loïc et Sylvain… ».

    « On a dû se croiser une fois » fait mon bobrun.

    « Oui, une fois peut-être… » abonde Loïc, en dévorant mon bobrun des yeux.

    La moyenne d’âge des cavaliers est assez élevée, au-delà de la cinquantaine, ou même plus proche de la soixantaine pour certains (quand on a 18 ans, on se sent facilement entouré de viocs). Nadine, et maintenant Loïc et Sylvain (accompagnés respectivement par la jument Tzigane et par un cheval nommé Forain), sont en effet les seuls cavaliers en dessous de la trentaine.

    A la base, ces deux gars m’inspirent une forme de fascination : c’est la première fois que je rencontre un couple gay, et je me pose mille questions sur leur vie à deux, sur le bonheur de s’assumer et sur leur choix de s’afficher au grand jour.

    Cependant, quand je regarde ces deux gars, je ne peux m’empêcher de repenser aux échanges entre Charlène et Martine au sujet d’une rupture difficile qui serait en amont de leur bonheur de couple, et cela m’attriste. Quand je pense à ce Florian, l’ex de Loïc qui, paraît-il, ne vivrait pas bien du tout cette rupture, je ressens un certain malaise. Ça peut paraître con, dans la mesure où ce Florian est pour moi un parfait inconnu, quelqu’un que je n’ai même jamais croisé. Et pourtant, c’est ainsi.

    Mais il y a pour moi un autre source de malaise, plus grande encore : c’est celle qui vient du regard que Loïc a posé sur mon bobrun dès le départ, avant même de lui avoir serré la main, comme s’il venait d’apercevoir un Dieu sur terre. Ce qui est le cas, il faut bien l’admettre, mon Jérém est bel et bien un petit Dieu sur terre. Cependant, le regard de ce mec a le pouvoir de déclencher immédiatement en moi une violente poussée de jalousie et de me mettre illico sur la défensive. Le regard de Sylvain est un peu plus discret, certes, mais lui non plus ne semble pas insensible au charme de mon bel étalon. Bas les pattes, et bas les yeux, les gars, je vous ai à l’œil !

    Est-ce que c’est vrai que certains gays savent reconnaître les gars comme eux ? Est-ce que c’est le cas de Loïc ? De Sylvain ? Est-ce qu’ils ont compris que nous sommes comme eux ? Qu’ont-ils pensé de mon Jérém, à part que c’est une bombasse atomique ? Est-ce qu’ils pourraient « griller notre couverture » ? Et Jérém ? Je crois bien qu’il a capté le regard aimanté de ce gars, notamment celui de Loïc : qu’est-ce que ça lui a fait ?

    Les rires sonores et contagieux de Charlène et de Nadine me secouent de mes pensées.

    « Allez, on est partis ? » fait Daniel, déjà en selle, la petite chienne Bimbo frémissant de la babine dans son sac à dos.

    « Oui, on va y aller » lui répond Charlène en montant en selle de son entier, j’ai nommé Little Black.

    Les autres cavaliers enfourchent à leur tour leurs montures. C’est marrant, les cavaliers ont tous le sourire lorsqu’ils sont à cheval.

    Jérém et moi restons les pieds sur le sol. Le fait qu’il renonce à faire la balade avec ses potes, parce qu’il s’inquiète pour moi, parce qu’il veut être avec moi, ça me touche au plus haut point. C’est adorable.

    « Allez, bonne balade » fait Jérém « on se retrouve sur les bords de l’Adour, comme d’hab… ».

    « Bonne balade à vous, et prends soin de ton pote… » lance Martine, en partant derrière les autres.

    « T’inquiète, je tiens à le ramener entier ».

    « Vous allez arriver pour manger quand on aura fini la sieste » elle se marre.

    « C’est pas grave, on les attendra » assène Jean-Paul, avec son humour tout en finesse « c’est pas comme si on était pressés. Il fait beau, on fait une petite boucle. Et puis, j’ai toujours entendu les anciens dire que le pas est l’allure reine de la balade ».

    J’adore la capacité de ce monsieur de nous faire profiter de son expérience, et de sa sagesse, de la plus efficace des façon, c’est à dire avec l’humour.

    « C’est gentil de faire ça pour moi » je lance discrètement à mon bobrun.

    « Je n’allais quand même pas te laisser tout seul pendant que je montais à cheval » fait-il, tout en s’allumant une clope « et encore moins te lancer au milieu de 15 cavaliers expérimentés. Ce matin, on va faire une mise en selle tranquille. Je vais te faire un petit cours d’équitation en accéléré ».

    « D’abord, il faut savoir que le cheval est un animal très intelligent, et très sensible. Et, surtout, très puissant, bien plus puissant que n’importe quel cavalier. On ne domine pas le cheval, on l’apprivoise, on gagne sa confiance. Pour qu’il nous fasse confiance, il faut avoir confiance en soi. Si tu as peur, il ne sera pas rassuré non plus. Certains chevaux vicieux, testent en permanence leur cavalier. Et dès qu’ils sentent la peur, ils peuvent devenir très dangereux… ».

    « Ah bon ??? »

    « Mais je te rassure, ce n’est pas le cas de Tequila, car elle est adorable. Quoi qu’il en soit, tu dois amener le cheval à te respecter. Et pour cela, il faut commencer par le respecter ».

    Jérém monte sur son Unico et enchaîne avec quelques explications sur les façons de monter en selle, de se tenir sur l’animal, sur la position du dos, de la tête, des jambes, des pieds, des talons, des bras, des mains, des rênes, sur la pression à exercer sur la bouche, sur les flancs, sans surprendre la bête ou lui faire mal ; sur les « commandes », les mouvements à faire et les mots à dire pour faire avancer le cheval, et, surtout, pour l’arrêter, sur la nécessité de guetter les dangers (bruits inattendus, présence de gibier qui pourrait perturber le cheval et provoquer des réactions de peur), et sur la nécessité d’anticiper les réactions du cheval. J’ai l’impression de refaire des cours de conduite, mais avec un véhicule à quatre sabots au lieu de quatre roues, avec des commandes moins réactives, et avec Jérém à la place de Julien en tant que moniteur. Je suis gâté.

    J’essaie d’écouter et de mémoriser chacun de ses mots, tâche rendue difficile par le grand nombre de points à retenir, par des nombreuses variables impossibles à combiner de façon purement cartésienne, par des inconnues et des impondérables, l’animal pouvant se révéler imprévisible et possédant une certaine marge d’action, indépendamment des harnachements et de la volonté de son cavalier.

    Mais si écouter les explications de Jérém n’est pas vraiment une tâche aisée, ce n’est pas seulement à cause du très grand nombre de points à retenir. Le fait est que le bogoss, installé sur son étalon, est sexy à mourir.

    Les jambes légèrement écartées, épousant la forme du cheval, le bassin en avant, le dos droit comme un « I » et légèrement penché en arrière, les mains tenant les rênes avec fermeté et douceur à la fois. En selle sur son Unico, mon bobrun dégage une nouvelle assurance, dans la maîtrise de l’animal, une sorte de virilité brute qui me fait craquer.

    Et puis, il y a ce putain de t-shirt gris sans manches, ce petit bout de coton qui dénude les biceps d’une façon tout simplement scandaleuse. Et comme si cela n’était pas suffisant pour me donner toute sorte d’idées lubriques, le vent s’y met à son tour : sous l’effet des rafales, le coton léger se colle à ses pecs, à ses abdos, fait ressortir des tétons, moule sans pitié le moindre muscle de son torse.

    Mais la malice ne s’arrête pas là : le vent pousse le vice jusqu’à soulever le bas du t-shirt, me laissant entrevoir son nombril et le début de la petite ligne de poils qui court vers son sexe. Détail anatomique bien trop fugacement aperçu, mais en même temps si délicieux, justement parce que fugace. Vision magnifique, magique, je ne sais pas comment je tiens bon, comment j’arrive à ne pas lui sauter dessus, là, tout de suite. Probablement à cause du fait qu’il est en selle sur son étalon, et que ce n’est pas techniquement possible…

    Le fait est qu’au-delà de sa sexytude brûlante, il y a chez ce Jérém « de Campan » autre chose qui le rend à mes yeux insupportablement craquant, quelque chose qui me saute aux yeux comme une évidence lorsque je le regarde sur son Unico. Le Jérém de Campan, est très différent du Jérém de Toulouse. Certes, il y a eu l’accident, et cela a pu contribuer à changer son état d’esprit par rapport à l’époque de nos révisions.

    Et pourtant, ce Jérém « de Campan », existe bien dans les souvenirs des autres cavaliers, donc il existait avant l’accident. C’est comme s’il y avait deux Jérém, celui de la ville, et celui de la montagne. Comme si l’environnement avait le pouvoir de faire ressortir l’une ou l’autre de ses personnalités. Comme si la montagne, en lui rappelant ses origines, avait le pouvoir de le rapprocher des choses importantes dont la ville aurait tendance à le détourner.

    Le Jérém de Campan, ce n’est plus du tout le même (petit con) qu’à Toulouse ; dans cet environnement sain et authentique, idéal pour se ressourcer – dans le sens de pouvoir revenir à ses sources et, de là, prendre un nouveau départ – mon Jérém semble s’apaiser, mûrir, assumer ses sentiments, ses envies, ses faiblesses, sa pilosité.

    Dans ce village loin du bruit de la ville, le « petit con » Jérém devient homme, un homme qui a encore gagné en sensualité. Jérém sur son Unico, on dirait un étalon sur un autre étalon. Qu’est-ce que je suis fou de lui, et qu’est-ce que j’ai envie de lui ! 

    Jérém termine ses recommandations et sa clope au même moment. Il redescend de cheval, il re-sangle son étalon et ma jument, il me fait un bisou, et il me balance : 

    « Maintenant tu vas monter ! ». 

    Soudainement, je stresse.

    « Déjà ? ».

    « Oui, sinon on va arriver au lieu du bivouac à Noël, pas à midi ! ».

    « Ok, ok… ».

    « Prends ça » fait-il, en me tendant une bombe d’équitation.

    « C’est ta bombe ? ».

    « Oui, mais je n’en ai pas besoin ».

    « Tous les cavaliers avaient une bombe » j’insiste.

    « Je préfère que tu la gardes ».

    « C’est rassurant… ».

    « Il ne va rien t’arriver. C’est juste au cas où ».

    « Et toi, tu montes sans ? ».

    « Je ne tombe pas, moi. Allez, dépêche ! ».

    J’installe la bombe sur ma tête, je serre la sangle sous le menton et je suis prêt. Et alors que Jérém tient Tequila par le licol, je passe un pied dans l’étrier, je saisis fermement les rênes et la crinière, je m’élance, je passe la jambe droite de l’autre côté de la selle. Dans un bruit de cuir froissé, je m’installe à mon poste de cavalier, et je passe le deuxième étrier. Je vis cela comme une première petite victoire.

    Sur le dos de Téquila, je me sens bien, la selle est grande et confortable, l’animal calme et apaisant. S’il y a un premier enseignement à tirer du fait de monter à cheval, c’est que le monde n’a pas du tout la même allure lorsqu’on prend ne serait-ce qu’un mètre de hauteur.

    « Comment tu te sens ? » me demande Jérém.

    « J’ai un peu peur, mais je me sens bien ».

    « Tu dois te mettre à l’écoute de ta jument, tu dois arriver à lui faire confiance, à faire un seul avec elle ».

    « Facile à dire ».

    « Je vais te montrer ».

    J’ai un peu peur, certes, mais l’impatience de découvrir le monde du cheval avec mon Jérém est plus forte que la peur. Jérém remonte sur son étalon.

    « Vas-y, fais-la marcher ».

    « Et comment ? ».

    « T’as pas écouté ce que je t’ai dit ? ».

    « Non, j’étais trop occupé à te mater ».

    « Pffffff… allez, met un petit coup de talon dans son ventre et dis-lui : Marcher ! ».

    « Marcher… Marcher… Marcher… ».

    Je répète le geste et la formule, et pourtant rien ne se passe. Ça commence bien.

    « Sois plus ferme avec le ton de ta voix… Marcher ! ».

    « Marcher ! Marcher ! Marcher ! » je tente d’imiter mon beau moniteur. Toujours aucune réaction de la part de ma jument.

    « Parfois elle est un peu difficile à démarrer ».

    « On fait comment, alors ? ».

    « Je vais passer devant. Tu vas voir, avec Unico devant, elle va suivre sans problème ».

    Et en effet, dès qu’Unico commence à s’éloigner, la mère se met à suivre. Nous traversons un pré légèrement en descente, puis nous rentrons dans une sorte de sous-bois traversé par un étroit chemin qui monte de façon assez sévère. Je ne suis pas rassuré, mais je suis.

    Je suis sur un cheval pour la première fois de ma vie, et je pars en balade avec le gars que j’aime plus que tout. Je n’arrive pas encore à y croire. Mes narines sont frappées par une intense et agréable senteur de fraîcheur, de végétation et de pluie, de terre, de cuir, de poil. Et la trainée de déo que mon bobrun laisse derrière lui se mélange dans ce bouquet olfactif de bonheur simple mais intense.

    Le claquement des sabots ferrés sur le sol résonne dans mes oreilles et dans tout mon corps. Ma peau est surprise par la fraîcheur matinale retrouvée dans ce sous-bois. Mon pull n’est pas de trop et j’hallucine en regardant mon bobrun dans son t-shirt sans manches, qui n’a pas du tout l’air d’avoir froid. Et ce dos en V, puissant, musclé. Putain !

    « Tout va bien ? » je l’entends me lancer, sans se retourner.

    « Pour l’instant, oui ».

    Ma jument suit son jeune étalon de fils, et moi je suis mon bel étalon brun à deux pattes. Oui, tout va bien.

    Jérém sur son cheval, de dos, avec cette attitude en équilibre parfait entre le respect et la domination de son étalon, c’est bandant à mourir. Je n’arrive toujours pas à réaliser comment c’est possible que je fasse l’amour avec ce mec.

    Et lorsque quelques minutes plus tard il se retourne, en suspension sur ses étriers, la chaînette s’agitant au gré des pas de sa monture par-dessus le coton gris, le désir de son corps me donne le tournis.

    « Ça va toujours ? ».

    « J’ai envie de toi… ».

    Un petit sourire lubrique illumine alors ses beaux traits masculins.

    « Pense à rester en selle » il me mouche « décrispe toi, tiens-toi droit, baisse tes mains, relâche tes rênes, ne lui tire pas sur la bouche, tu lui fais mal ! ».

    « Ah pardon… je suis un peu stressé… ».

    « On est au pas, respire un bon coup, profite du paysage » fait-il, en se remettant correctement en selle.

    « Je profite du paysage, oui, de ton dos, de tes bras, de ton t-shirt sans manches… » je le taquine.

    « Tu ne penses qu’à ça ! ».

    « Tu es pile devant moi, ce serait compliqué de penser à autre chose… ».

    « C’est pas faux… ».

    Puis, après quelques secondes, il me balance :

    « Moi aussi… ».

    « Toi aussi, quoi ? ».

    « Ce que tu m’as dit… moi aussi. Mais c’est pas le moment ».

    Lui aussi il a envie de moi. Et qu’est-ce que c’est bon de lui entendre dire. Rien que ce petit échange me fait bander comme un âne.

    D’un coup, je me demande pourquoi nous ne sommes pas restés à la maison à faire l’amour comme des lapins au lieu de faire cette balade et de nous priver pendant toute une journée du bonheur des sens.

    La réponse a ma question me frappe au détour d’un chemin, lorsque nous débouchons sur une clairière permettant au regard de balayer un paysage vallonné à couper le souffle.

    Je réalise alors que la balade à cheval donne accès à d’autres chemins, d’autres lieux, presque d’autres univers, des mondes parallèles à ceux de la « civilisation » des villes, des routes goudronnées, des voitures, des circuits ordinaires. En partant à cheval, on est très vite dépaysés, on a l’impression de quitter la civilisation pour atterrir dans une autre dimension, celle de la nature.

    « C’est beau, hein ? » fait mon bobrun, sans quitter le paysage du regard.

    « C’est très beau, merci de me faire découvrir ça ».

    « Allez, on y va, on a encore du chemin à faire ».

    Les nuages cachent le soleil, et mon bobrun vient d’ôter ses lunettes et de les accrocher dans l’arrondi du col de son t-shirt.

    Nous traversons des régions boisées, d’autres plus dégagées ; nous empruntons des chemins qui montent, d’autres qui descendent, nous nous faufilons entre les roches affleurantes, entre les branches qui ont poussé de façon anarchique en travers des chemins et à hauteur « d’homme sur sa monture » et qui nous obligent à nous coucher sur l’encolure des chevaux pour rester en selle et en un seul morceau. Nous traversons des passages étroits, des clairières, des petits gué.

    Dans un pré, un taureau rumine tout seul. Nous voyant approcher, il se lève d’un bond. C’est plutôt impressionnant. Mais Tequila, bon soldat, avance sans faire d’histoires, comme un bonhomme bedonnant et jovial, elle me fait penser au bon Casimir. Pom pom pom pom… Qu’est-ce qu’elle est bien cette jument !

    Pas après pas, j’arrive peu à peu à maîtriser ma peur, à faire confiance à ma monture, et à prendre du plaisir à la balade. Tout se passe à merveille et rien ne semble pouvoir perturber notre petit périple.

    Du moins jusqu’à ce que, sans prévenir, un petit grain de sable vienne enrayer cette machinerie bien huilée.

    Tout se passe très vite. Unico s’arrête net et fait un écart d'anthologie vers la gauche. Quelque chose a dû lui faire peur. Jérém tente de le maîtriser, mais l’étalon ne veut rien savoir, il a l’air paniqué, il se lance au galop.

    Jérém tente de l’arrêter, en vain. Entre mes jambes, je sens Téquila frémir. Je sens qu’elle va démarrer elle aussi. Je suis tenté de déchausser les étriers, et de descendre d’un bond, mais je n’ai pas le temps.

     Téquila accélère avec la poussée d’un avion supersonique, j’ai l’impression qu’elle pète le mur du son en moins d’une seconde.

    Me voilà lancé au galop, allure que je n’avais pas du tout prévu d’adopter lors de mon baptême à cheval. Dans ma tête, tout se bouscule : m’accrocher pour rester en selle, éviter de tomber, essayer d’arrêter le cheval avant d’arriver dans un passage étriqué, où elle pourrait m’arracher une jambe ou un bras ou la tête en passant trop près d’un arbre ou d’un rocher. Penser à rester vivant.

    Mais pourquoi je me suis laissé embarquer là-dedans, pourquoi nous ne sommes pas restés au lit à faire l’amour pendant toute la journée ? C’était si bien, hier, de prendre le temps de se faire du bien.

    Dans la panique, j’arrive quand même à me souvenir de certains enseignements de Jérém.

    « Pour l’arrêter, tu penches le dos vers l’arrière, tu serres tes jambes le plus que tu peux, tu tends les rênes sans tirer sur la bouche. Et si tu as peur de tomber, rappelle-toi que ta selle a un pommeau, si tu as peur de tomber, prends appui dessus ».

    Je tente de les appliquer, mais rien n’arrive à arrêter cette folle chevauchée qui semble durer une éternité. Soudain, je vois au loin Jérém sur Unico, à l’arrêt. Très vite, je réalise que si je n’arrive pas à arrêter ma jument, je vais faire un accident d’équidés. Je risque de me faire mal, je risque de blesser mon Jérém !

    Je tente le tout pour tout, je serre encore les jambes, je tire un peu plus (un peu trop) sur les rênes. Mais Tequila continue son galop, la collision approche. Jérém s’est retourné, il voit le danger arriver. Mais alors que prie pour qu’il ait la bonne idée de se serrer pour laisser passer la furie qui me sert de monture, je le vois au contraire se mettre en travers du chemin. 4, 3, 2, 1… impact imminent…

    J’ai tout juste le temps de crier un « JEREM !!!! » à m’en défoncer les poumons, que Tequila se met à freiner des quatre fers, comme dans les vieux dessins animés. J’ai presque l’impression de sentir le bruitage typique de Tom et Jerry.

    Le brusque changement de vecteur de vitesse me surprend et me déséquilibre violemment, ce qui manque de me faire tomber par-dessus l’encolure. Chance du débutant, j’arrive à me rattraper de justesse en m’appuyant à fond sur le fameux pommeau de la selle.

    Tequila, quant à elle, termine son sprint en encastrant ses naseaux dans l’encolure de son fils, position qui a l’avantage de m’approcher de très près de mon bobrun.

    « Ça va, Nico ? » il me demande, avec un sourire de malade, à la fois charmeur et doux. Jérém a transpiré, son visage a l’air échaudé, il est sexy à mort.

    « Ça va, ça va, il faut juste que je retrouve mes esprits ».

    « Putain, tu l’as fait ! » il me félicite.

    « J’ai fait quoi ? ».

    « Ton premier galop ! ».

    « Ce n’était pas du tout volontaire ».

    « Mais t’as tenu en selle ».

    « Je me serais bien passé de cette poussée d’adrénaline ».

    « Arrête, je suis sûr que t’as kiffé ».

    Jérém a raison : si je mets de côté la peur, ce sprint impromptu a été génial. La sensation de vitesse, les claquements rapides et sonores des sabots, la puissance de l’animal en action, la sensation de léviter au-dessus du sol. Oui, c’était vraiment très bon.

    « Oui, un peu ».

    « Viens là » fait Jérém, en passant sa main derrière ma nuque, en m’attirant à lui et en m’embrassant.

    « Tu m’as bluffé, tu t’es accroché, et t’as rien lâché. Tu ne lâches jamais… j’aime ça, chez toi… ».

    Les mots de Jérém me font chaud au cœur. Je sens dans son regard qu’il est vraiment impressionné par ce qui vient de se passer, qu’il est fier de moi. Je sens également dans ses mots une sorte d’écho aux difficultés de la première partie, houleuse, de notre relation, à ces galops sentimentaux que l’étalon Jérém a piqué à plusieurs reprises, et par lesquels je ne me suis jamais laissé dégoûter.

    Jamais comme en cet instant, je me suis senti aussi bien, dans mon cœur, dans son regard.

    « Ça me fait plaisir que tu me dises ça ».

    « Vraiment, tu m’as rabattu le clapet ».

    « Toi non plus tu t’es pas mal débrouillé, Unico t’a bien secoué ».

    « Il ne m’avait encore jamais fait ça ».

    « Qu’est-ce qui s’est passé ? ».

    « Je crois qu’il s’est fait piquer par quelque chose, et il a dû avoir vraiment mal. D’habitude j’arrive à l’arrêter facilement. Mais là, il m’a fait mouiller le maillot ».

    En effet, son t-shirt sans manches présente désormais des marques de transpiration autour du cou et des aisselles.

    « Mais qu’est-ce qui t’a pris de te mettre en travers ? J’ai eu trop peur de te percuter ».

    « Je savais qu’en voyant l’obstacle, elle s’arrêterait. Elle n’aurait jamais percuté son Unico ».

    « Merci en tout cas ».

    « De rien, de rien » fait-il, tout en passant rapidement sa main dans mes cheveux, avec un geste plein de douceur.

    « Et moi qui commençais à me sentir en confiance ».

    « Tu sais, le risque zéro n’existe pas à cheval ».

    « C’est vrai que la pédale de frein n’est pas aussi réactive que sur une voiture ».

    « En voiture non plus, le risque zéro n’existe pas ».

    « C’est vrai aussi… ».

    « Jean-Paul te dirait qu’il faut faire confiance à son cheval, sans jamais baisser la garde ».

    « J’aime bien ce type, il a l’air sympa ».

    « C’est un mec plein de bon sens et d’humour ».

    Jérém vient de descendre de son étalon, il pose les rênes sur l’encolure, il allume une clope et s’éloigne un peu. Je descends à mon tour de Téquila, sans quitter mon bobrun des yeux. Je le regarde, les jambes écartées, le dos en arrière, en train de défaire sa braguette. Et alors que je l’entends lâcher un jet dru et bruyant dans la végétation, je le vois lever le visage vers le ciel, signe évident de soulagement. Je le mate jusqu'à ce qu'il se secoue sa queue pour faire partir la dernière goutte, avant de refermer sa braguette.

    Jérém revient vers son cheval, il monte en selle avec un élan à la fois puissant, léger et souple.

    « Allez, on continue, on n’est pas encore arrivés ».

    Nous empruntons un nouveau petit chemin dans les bois. Les arbres et la végétation nous enveloppent, la lumière du soleil nous arrive filtrée par les cimes, les sons des sabots sur le sol nous parviennent comme ouatés, alors qu’un silence sépulcral semble régner sur les lieux. L’endroit a quelque chose d’oppressant, presque sinistre, comme un labyrinthe, et je me sens étouffer par la présence dense de ces arbres qui semblent vouloir nous retenir, nous empêcher d’avancer, nous piéger. J’ai l’impression d’être dans une forêt « hantée », d’avoir été transporté à mon insu dans une autre dimension spatio-temporelle, c’est vraiment étonnant comme sensation. Heureusement qu’il y a le chemin pour nous guider et la présence de mon bobrun pour me rassurer.

    Lorsque nous sortons enfin de ce long passage étouffant, je suis heureux et soulagé de retrouver de l’air, de l’espace et du soleil. Je prends une grande inspiration, et je me sens de suite mieux.

    « Ça va ? » il me demande, pour l’énième fois.

    « Oui très bien, je commence à avoir faim ».

    « C’est normal, il va être midi. Et nous avons encore de la route ».

    « Midi, c’est vrai ? Ça fait plus de deux heures qu’on se balade, je n’ai pas vu le temps passer ».

    « Moi si… » fait Jérém du tac au tac.

    « Petit con ! ».

    « C’est pas moi, ça… ».

    « Même Charlène te traite de petit con ».

    Le bogoss sourit sous la moustache.

    « Je rigole, Nico. En vrai, je trouve que t’as bien de courage de monter sans avoir pris un seul cours. Rien qu’une balade au pas, c’est énorme. En plus, t’as même fait un galop. Alors, moi je dis que c’est un sans-faute, Monsieur Sabatier. Et merci aussi de me faire confiance ».

    Entendre Jérém me féliciter, me fait un bien fou, me met du baume au cœur, l’entendre m’appeler par mon nom de famille, c’est une douce mélodie qui me fait vibrer.

    Le chemin débouche sur un nouveau point de vue dégagé, offrant une vue majestueuse sur le relief Pyrénéen, sur la vallée et très loin dans la plaine, un point de vue qui nous fait prendre soudainement et pleinement conscience du dénivelé franchi et de l’effort produit par nos montures.

    Jérém et Unico marquent une pause, Tequila s’arrête à son tour, sans aucun effort de ma part, elle se gare pile à côté de son fils. Jérém semble comme happé par ce superbe paysage, et à mon tour je finis par me perdre dans la tentative d’embrasser cette immensité du regard, de m’en imprégner.

    Jusqu’à ce que la voix de mon bobun me tire de cette contemplation.

    « Toulouse, c’est vers là-bas ».

    « C’est beau ! » je commente.

    « Oui, c’est beau » fait-il, la voix un brin altérée par la clope qu’il vient de glisser au coin de ses lèvres ; puis, il continue : « j’ai toujours aimé cet endroit. Plus jeune, je venais ici quand ça n'allait pas. J’y ai passé des heures, allongé dans l’herbe ».

    « C’est ton refuge, d’une certaine manière ».

    « Le week-end dernier, j’avais besoin d’être seul, et je suis venu ici avec Unico. J’ai regardé vers Toulouse et j’ai décidé de t’appeler ».

    « Merci la montagne… ».

    « Tu sais, j’ai vraiment cru que c’était fini cette nuit-là… » fait Jérém, après une petite pause.

    « La nuit où tu t’es battu ? ».

    « Oui. Pendant que le mec me cognait, j’ai cru qu’il continuerait jusqu’à me tuer. Quand j’ai tapé la tête contre le mur, juste avant de perdre connaissance, j’ai vu ma vie défiler, comme dans un film. Et le film se terminait avec un final de merde… ».

    « Quel final ? ».

    « Le regret de t’avoir fait mal, de t’avoir fait souffrir… parce que… ».

    « Parce que ? ».

    « Parce que tu étais la plus belle chose qui me soit arrivée ».

    « Toi aussi tu es la plus belle chose qui me soit arrivée ».

    Je suis ému. Jérém aussi. Ma main cherche sa main. Nos doigts s’entrelacent.

    « Quand je me suis réveillé à l’hôpital, c’est à toi que j’ai pensé en premier. J’ai réalisé que si j’étais parti pour de bon, les derniers souvenirs que t’aurais gardés de moi auraient été la torgnole que je t’avais mis chez toi et le sketch quand on s’est croisés sur les boulevards… quand tu étais avec « machin »… et ça m’a rendu malade… ».

    « Je savais que t’étais un gars génial, quelqu’un de bien… » je fais, au bord des larmes.

    « Je ne sais pas ».

    « Je te dis que oui ».

    « Allez, on y va, nous y sommes presque ».

    Nous reprenons notre route et, très vite, une jolie ligne droite dégagée se présente devant nous. Unico marche plus vite que Tequila, il prend vite quelques mètres d’avance. Au fur et à mesure que la distance se creuse, je sens Téquila frémir, comme si elle n’aspirait qu’à rejoindre son rejeton.

    Alors, à moment, je me dis : tant pis, vas-y, Nico, laisse-toi porter. Tu as survécu à ton premier galop, tu ne vas pas te casser la gueule au deuxième. Je lâche un brin les rênes et, contre toute attente, la grosse jument ne part pas comme un boulet de canon comme tout à l’heure, mais prend un petit trot plutôt agréable.

    Je suis fier de moi, je commence à dépasser ma peur de la vitesse à cheval. Et justement cette sensation de vitesse, de puissance, de liberté et d’harmonie – avec la nature, le grand air, l’animal, mon chéri et, par-dessus tout, moi-même – est une des sensations les plus enivrantes que je n’aie jamais connues.

    L’adrénaline commence à circuler en moi, elle me donne des frissons. Jamais je n’ai ressenti quelque chose de semblable. Ma crispation disparaît, je respire profondément comme jamais je ne l’ai fait. Je trouve le bon tempo avec Tequila et je me laisse porter. Ce trot, c’est comme une renaissance Je m’entends pousser un cri d’excitation, le même genre de cri que l’on pousse la première fois que l’on fait les montagnes russes. On a beau essayer de se maîtriser, à un moment donné on est obligés de lâcher prise face à une force qui nous dépasse. Et on a alors l’impression de s’envoler tellement haut que ça en donne le tournis.

    Lorsque Jérém me voit le dépasser, il me lance un « Waaaaaahoooooooo ! » qui me fait frémir de bonheur. Puis, au cri de « Iiiiiiiiiiiiiii-aaaaaaaaaaaaaa ! » il lance à son tour son entier au trot, il me rattrape, et il cale son allure sur celle de ma jument. Ce qui fait que nous chevauchons côte à côte, comme deux cavaliers expérimentés. J’ai l’impression d’être sur un nuage.

    Lorsque le trot prend fin (Tequila et ses dizaines de kilos de trop s’épuisent vite), nous revenons au pas. Jérém me regarde, l’air impressionné par mon exploit.

    « Tu prends goût à la vitesse, on dirait ».

    « Je n’aurais pas pu la retenir. Mais oui, j’ai bien aimé ».

    « Ça se voyait, t’avais la banane ».

    « J’étais bien ».

    « Je suis content que tu aimes faire du cheval. En plus, tu as une bonne posture sur Tequila ».

    « Merci, toi aussi t’as une bonne posture sur Unico. T’es sexy comme pas permis à cheval ! ».

    Une petite, adorable moue de fierté s’affiche sur son visage : je sais qu’il aime quand je le flatte.

    « Toi non plus t’es pas mal » il lâche, au bout de quelques secondes.

    Sur ce, nous arrivons au bivouac. Nous avons droit à un accueil triomphal par les autres cavaliers, accueil dans lequel se mélangent soulagement (certains commençaient à penser que notre retard aurait pu être dû à un accident) et railleries (il y a de quoi, nous sommes partis un quart d’heure après les autres et nous arrivons une bonne heure après).

    « Merci d’avoir fait la balade à mon rythme » je lui chuchote.

    « Je n’avais pas le choix » il se marre, en lâchant un clin d’œil qui manque de peu de me faire tomber de ma jument.

    « Merci quand-même ».

    « C’est moi qui dois te féliciter d’avoir accepté de le faire, je suis fier de toi ».

    Je fonds, j’ai envie de pleurer.

    Oui, je l’ai fait, et je suis heureux de l’avoir fait.

    Nous attachons les chevaux à un arbre un peu plus loin, avec assez de mou pour qu’ils puissent brouter de l’herbe et reprendre des forces ; puis, nous les dessellons.

    Lorsque nous revenons du bivouac, Daniel nous tend des gobelets.

    « Vous buvez quoi ? ».

    « Un whisky » fait Jérém, sans hésiter.

    Après avoir servi mon bobrun, Daniel s’adresse à moi :

    « Et toi ? C’est Nico, c’est ça ? Oui, c’est ça… Nico, tu bois quoi ? ».

    « Un jus d’orange » je fais, mort de soif, en voyant une grande brique sur la table de camping installée au milieu des cavaliers assis à même le sol, et dont la plupart est déjà en train de siroter leur café.

    « Il a dit quoi ? » il demande, en regardant de biais, en faignant de s’adresser à l’assemblée, comme s’il était assommé par l’énormité qu’il vient d’entendre.

    « Un jus d’orange » je répète, alors que de nombreuses voix me font écho.

    « Un jus de quoi ? » il interroge, en feignant colère et agacement.

    « D’orange ! » fait Martine, en se saisissant de la brique pour remplir mon gobelet à rebord.

    « Mais ça se vend, ça ? » fait-il, l’air faussement dégoûté.

    « Bien sûr que ça se vend… » rigole Martine.

    « Et vous en êtes content ? Ah ouais, vous êtes pas difficile alors… » s’amuse Daniel.

    Ces répliques font écho dans ma mémoire à un sketch célèbre, celui de « L’autostoppeur ». C’est à cet instant précis que je réalise que ce gars me fait penser à l’immense Coluche.

    « Nous sommes vraiment à la bourre » fait Jérém.

    « Ça fait rien. Chi va sano va piano et va lontano. C’est pas ça que disent tes cousins italiens ? » intervient JP.

    « Oui, c’est ça. De toute façon, Nico avait besoin d’un démarrage en douceur pour se préparer aux aléas de l’équitation. Et à un moment, il a pris un de ces galops ! » se marre mon bobrun.

    « Sur Tequila ? » s’étonne Satine sur un ton sarcastique.

    « Oui, parfaitement, elle est encore capable de prendre le galop, malgré ses rondeurs ».

    Jérém raconte plus en détail ce qui s’est passé, la frayeur d’Unico, son galop soudain et imprévu, Tequila qui s’emballe à son tour, mon « exploit malgré moi ». Il raconte que nous avons frôlé un « accident de canassons » mais que je me suis débrouillé comme un chef.

    Comme j’aime, lorsqu’il parle de mon expérience à cheval, entendre dans sa voix cette petite vibration de fierté et d’admiration qui me fait sentir si bien. Se sentir bien dans le regard du gars qu’on aime, ça n’a vraiment pas de prix.

    JP et Carine me félicitent à leur tour, ainsi que Charlène, Martine, Arielle, et d’autres encore.

    J’avais peur de ne pas arriver à m’intégrer dans le groupe : il n’en est rien. Les cavaliers sont des gens accueillants et drôles, francs et directs. Leurs compliments me vont droit au cœur, j’ai l’impression d’être entouré par la bienveillance d’une nouvelle « famille ».

    Nous ne nous connaissons que depuis quelques heures, et on me complimente et on me charrie comme si on se connaissait depuis toujours. Le pote de Jérém, le pote de l’un des leurs, et le pote de tout un chacun. Une attitude qui me fait sentir bien, qui me fait très vite sentir comme chez moi.

    Dès que Jérém et moi sortons nos sandwiches, nous sommes submergés par des propositions alimentaires tout azimut : nous profitons ainsi d’une pizza, d’une quiche, d’une salade de pâtes, d’un taboulé. C’est la bonne franquette, et c’est génial. Je n’ai jamais vécu ce genre de partage et de bonne humeur permanents.

    « Il me reste des pâtes » fait Arielle, nous tendant un tupperware dans lequel gît un amas informe à l’aspect très pâle.

    « N’en mangez pas, c’est un piège ! » fait Charlène.

    « Un piège ? » je m’étonne, tout en goûtant ce plat gentiment offert.

    L’aspect aurait dû me mettre en garde : c’est pas cuit, c’est pas bon, ça n’a pas de goût. C’est de la maltraitance gustative. Je fais la grimace.

    « Je ne sais pas comment c’est possible de rater des pâtes à ce point » fait Jérém, l’air dépité.

    « Je te l’avais dit. Personne n’en a voulu de ses nouilles, même elle n’en a pas mangé. T’as pas vu que le tupperware est plein ? Alors, elle a voulu la fourguer à quelqu’un qui ne connaît pas encore ses exploits en cuisine ».

     « Mais enfin, elles sont trop cuites et pas assez cuites à la fois. C’est pas possible ».

    « Tout est possible avec la bouffe d’Arielle » conclut Martine.

    « J’ai mes secrets » réagit enfin l’intéressée, l’air plutôt amusée d’en prendre plein la gueule.

    « Le problème c’est que ta passion pour la cuisine est du même ordre que celle de Loïc pour les femmes » fait Charlène.

    « C’est ça… ou comme celle de Charlène pour la propreté de la maison… » fait Loïc, du tac au tac.

    « Petit merdeux… ».

    Les piques fusent dans tous les sens, mais toujours dans une ambiance bon enfant. A un moment, Nadine part dans fou rire retentissant, interminable. Je n’ai jamais entendu un fou rire comme le sien. Au départ, je croyais qu’elle en rajoutait, mais j’ai vite compris que son fou rire est incontrôlable, inarrêtable. Preuve en est le fait qu’elle devient toute rouge, qu’elle en pleure même.

    Satine nous passe une part de tarte salée, délicieuse (« C’est pour réparer vos papilles »). Le délicieux flan de Carine (Jérém n’a pas menti) vient clôturer un repas bien plus copieux que nous l’avions imaginé.

    « T’as bien mangé ? » me demande Jérém.

    « Comme un petit cochon ».

    « C’est toujours comme ça en balade, beaucoup de bonnes choses à manger, sauf du côté d’Arielle ».

    Le fait de redécouvrir mon bobrun dans ce nouveau décor, le voir rigoler, se moquer, s’amuser, interagir avec tous ces gens qui ont l’air de le connaître si bien, me donne de nouveaux frissons. Le fait qu’il ait envie de partager cela avec moi, m’émeut au plus haut point. Je crois que n’ai jamais été aussi amoureux de lui qu’à cet instant précis.

    « Alors, Nico, tu vas être une nouvelle recrue de l’asso ? » me questionne la charmante Ginette. C’est marrant comme elle me rappelle ma grand-mère.

    « J’aimerais bien. Mais je vais partir à Bordeaux pour mes études, alors ça va être compliqué » je lui réponds, alors que Daniel, le joyeux luron de la bande, chante à s’en casser les cordes vocales « Il est des noooooootreeeeeeeees ».

    « Moi je dis bravo à Nico » fait JP, le bienveillant « car c’est pas facile de se lancer comme ça, sans jamais avoir pris un cours. Le cheval, c’est pas un vélo… ».

    « C’est vrai » je confirme « c’est pas évident à démarrer, parfois les vitesses ne veulent pas passer, parfois elles passent toutes seules, sans prévenir… et pour ce qui est du freinage, il faut se lever de bonne heure ».

    « Churchill a dit » fait JP, le sage « le cheval est dangereux devant, dangereux derrière et inconfortable au milieu ».

    Ce repas pris au bord de l’eau devient un moment de convivialité et d’agréable conversation entre amis. Il y a une très bonne ambiance dans ce groupe, je me sens bien. Tous ces gens m’inspirent une profonde sympathie, sauf deux d’entre eux, Loïc et Sylvain. La raison est simple : c’est à cause des regards qu’ils posent sur mon bobrun.

    Oui, les regards de ces deux gars m’inquiètent. Pas tant pour le fait d’exister (car c’est normal de mater un gars comme Jérém, à moins d’être aveugle), mais pour le fait que Jérém ait pu les remarquer. Car je suis certain que Jérém les a remarqués.

    Je me doutais bien que le pendant d’être avec une bombasse comme Jérém, c’est de devoir accepter qu’il se fasse mater à chaque coin de rue : ce qui m’inquiète le plus, c’est qu’un Jérém qui assume enfin son attirance pour les mecs, est un Jérém potentiellement accessible par les autres gays ; un Jérém qui, notamment à Paris, pourrait être exposé à des sollicitations et des tentations autres qu’à Toulouse ou Campan. Déjà qu’il ne s’est pas privé d’avoir des expériences alors qu’il n’assumait même pas son attirance pour les mecs, alors, maintenant qu’il s’assume…

    Le repas tout juste terminé, je ressens une douce fatigue m’envahir et j’adhère volontiers à l’idée, lancée collectivement, d’une demi-heure de sieste avant de repartir. L’un après l’autre, les cavaliers s’allongent sur l’herbe et se mettent en veilleuse. Je m’allonge sur l’herbe à mon tour, alors que Jérém s’éloigne pour griller une clope.

    Le ciel est d’un bleu profond, le soleil chauffe ma peau, le clapotis de l’eau dans le ruisseau me berce. Les chevaux broutent autour de nous. C’est reposant de regarder ou même simplement écouter les chevaux pâtre. Je me sens peu à peu glisser dans les bras du Morphée de la sieste.

    Mon repos est de courte durée, une caresse légère sur le dos de ma main m’oblige à rouvrir les yeux. La première image qui se présente à moi, c’est le visage de Jérém, illuminé d’un petit sourire coquin.

    « Viens voir… » il lâche discrètement.

    « Qu’est-ce qui se passe ? ».

    « Viens voir, je te dis… ».

     

    Le prochain épisode, JN0211 « Viens voir, je te dis… », à paraître vers le 5 juin 2019.

     

    0210 Balade à cheval

     

    La véritable Téquila, 13 mai 2019.


    5 commentaires
  • Lorsque je me réveille, Jérém dort encore. Allongé sur le dos, le visage tourné vers le bord du lit, de son côté, les épaules et le haut des pecs qui dépassent des draps, mon bobrun est vraiment très beau dans son sommeil. Mon regard est happé par ses cheveux bruns en bataille, sa barbe de quelques jours, sa peau mate. Mon cœur est vrillé par ce diabolique mélange de violente sexytude et de profonde douceur qui se dégage de sa présence à cet instant précis.

    J’ai tellement envie de lui, j’ai envie de le réveiller avec une gâterie, j’ai envie de lui faire débuter cette nouvelle journée par un bel orgasme. Et pourtant, lorsque je le regarde, si profondément endormi, beau comme un ange, je n’ai pas le cœur de le réveiller, même pas pour une pipe.

    C’est dimanche matin, c’est mon deuxième réveil à côté de Jérém, et c’est toujours aussi merveilleux. C’est dimanche matin, et c’est aussi le jour d’après, après que Jérém se soit mis à nu devant moi, sur tant de sujets complètement tabous jusque-là. Le matin d’après, comme un écho d’une très belle chanson :

     

    https://www.youtube.com/watch?v=_KClpLzFftU

     

    Je voudrais que ce week-end dure pour toujours. Je crois bien que je voudrais me réveiller chaque jour de ma vie à côté de mon Jérém.

    C’est tout juste 7h00, mais j’ai envie de bouger. J’ai bien dormi, je suis bien réveillé, j’ai envie de gambader. Je me lève, je m’habille, je remets les deux derniers morceaux de bois dans les braises encore fumantes de la cheminée. Il y a quelque chose d’ancestral et de rassurant dans ce geste ; le contact avec le bois est agréable, la flamme et la chaleur qu’on obtient avec ce simple procédé est douce et apaisante.

    C’est dimanche matin, il fait beau, et Jérém dort toujours comme un bébé. Je le laisse se reposer, je commence ma journée avant lui. Je sors de la petite maison pour aller chercher du bois. L’air matinal est frisquet, et l’ambiance de la montagne possède une saveur particulière.

    La lumière, les couleurs, les odeurs, la pureté des éléments, leur beauté simple et immuable, leur solitude et leur solidité face à une nature souvent inclémente, forcent le respect et la fascination. La montagne et ses grands espaces, des paysages captivant le regard et remuant l’esprit, la montagne et ses points de vue perchés, tout est comme une invitation à regarder loin, à prendre de la hauteur, à relativiser l’existence toute entière.

    La montagne, c’est souvent loin de tout et loin de tous et pourtant, on ne se sent pas seuls à la montagne, car elle nous montre la voie et elle nous offre le silence nécessaire, pour nous retrouver nous-mêmes.

    C’est la première fois que je fais le tour complet de la petite maison en pierre. Par endroits, ses murs en pierre sont tachés par l’humidité, les ardoises du toit attaquées par les moisissures : le temps n’a pas fait de cadeaux à cette petite bâtisse, à ce foyer qui a dû connaître tant de vies, d’histoires, de bonheurs et, certainement, d’adversités. Mais la petite maison, comme une vieille dame à la peau ridée, semble se dresser fièrement contre la tyrannie du temps : les années passent, chaque jour dépose un stigmate supplémentaire ; et pourtant, ses murs sont toujours debout, ses ardoises ne laissent pas passer la pluie, sa cheminée fume toujours ; et son cœur, son foyer, est assez solide pour abriter une fois encore, le bonheur. Oui, cette petite maison est vraiment mignonne ; modeste, mais mignonne, un véritable refuge pour le bonheur. L’écrin de mon bonheur avec Jérém.

    Je repense aux petits mots échangés la nuit dernière, sur l’oreiller, avant de nous endormir ; je repense à cette complicité qui est en train de s’installer entre nous, à cette envie de tout nous dire, comme pour partir sur de nouvelles bonnes bases ; je suis heureux de savoir enfin comment mon bobrun a vécu notre relation jusque-là, de connaître ses doutes, ses peurs, ses envies, des ressentis longtemps fantasmés. Je suis content qu’on se dise les choses, je crois que c’est la meilleure chose à faire pour qu’il n’y ait plus de malentendu entre nous.

    Un lit, le sexe, l’amour, la tendresse, les petits mots sur l’oreiller et aussi les simples gestes du « quotidien », un repas, une douche, des courses : ce week-end, mon Jérém et moi nous partageons tout, vraiment tout, comme jamais je n’aurais cru pouvoir le faire un jour avec lui.

    Depuis deux jours, Jérém m’a beaucoup parlé de lui : je pense que le moment est venu de lui parler de moi. Je pense que Jérém lui aussi a des questions à me poser. Je n’ai rien à lui cacher, je répondrai à toutes ses questions.

    Soudain, je réalise que c’est le jour J, et qu’une balade à cheval avec mon Jérém et ses potes – autant d’inconnus pour moi – se profile. Pour la première fois, je vais partager l’une de ses passions, l’équitation, et cela m’enchante ; pour la première fois, je vais avoir la chance de passer une journée, de discuter, de partager des expériences avec des personnes qui comptent pour mon bobrun ; et cela me ravit.

    Mais ce qui me ravit le plus, c’est qu’au fil des échanges et des conversations, je vais peut-être en apprendre un peu plus sur mon bobrun ; comme au temps du lycée, lorsque je tendais en permanence mon oreille pour capter la moindre bribe d’info sur lui.

    Je suis heureux qu’il ait envie de partager cela avec moi, qu’il ait envie de se montrer avec moi ; mais je suis aussi stressé, de peur de ne pas arriver à m’intégrer dans ce petit monde où chacun se connaît et partage une passion commune.

    Je me pose aussi beaucoup de questions. Comment vais-je me comporter avec ces inconnus ? Est-ce que les gens vont se douter de quelque chose concernant la relation entre Jérém et moi ? Comment vais-je réagir s’ils commencent à poser des questions ? Jusqu’où Jérém est-il prêt à assumer ma présence à ses côtés ?

    Au fond, la proposition de cette balade vient de lui, et il doit savoir ce qu’il fait. Serait-il prêt à assumer le fait que nous sommes ensemble ? Ça me paraît un peu prématuré.

    Certes, nous venons de vivre deux jours de magie pure : tout ce que j’ai toujours désiré de mon Jérém m’a été servi sur un plat d’argent. Mais nous avons vécu ces deux jours presque complètement isolés du monde extérieur, loin des regards qui jugent ; les seuls contacts que nous avons eus en dehors de la petite maison en pierre ont été fugaces, et personne n’a eu l’occasion ou l’idée de me questionner, ou simplement de parler avec moi.

    Lorsque je repense à son malaise lorsque ses copines Charlène et Martine avaient parlé de ce couple de gars de l’asso, je me dis que Jérém n’est pas vraiment prêt à tout assumer. Le fait que nous soyons potes, oui ; mais le fait que nous soyons également amants, peut-être pas. Je m’en veux de ne pas avoir creusé le sujet davantage dans la voiture, lorsque j’avais essayé de savoir s’il était au courant pour ce couple de gars de l’asso. J’aurais du lui demander quel regard il portait sur ce couple, sur le fait qu’ils osent s’afficher.

    Un cri de rapace retentit entre les pentes, la beauté du paysage évolue sans cesse avec la lumière changeante du matin, une petite rafale de vent froid traverse mes vêtements et me fait frémir : la montagne se charge d’arracher mon esprit de mes pensées et de le canaliser vers la contemplation de la nature indomptée.

    Je me sens tellement bien ici. Je pourrais passer des heures à contempler la vue, les sommets déjà enneigés, les pentes recouvertes de végétation, la pierre, le ciel, la petite maison, cette cheminée d’où s’échappe un filet de fumée.

    Et pourtant, deux choses m’empêchent de m’y attarder plus longtemps : le froid matinal, qui me fait grelotter, ainsi que l’envie de retrouver mon bobrun. Non, on ne se sent jamais seuls à la montagne : surtout lorsqu’on est en compagnie du gars qu’on aime. Et qu’est-ce que j’aime, ce Jérém ; qu’est-ce que j’aime le gars que mon Jérém devient, au contact de la montagne.

    J’attrape la brouette sous l’appentis et je me dirige vers le tas de bois dans un coin du jardin. Je dégage la bâche qui recouvre un tas de bûches rangé de façon plutôt méthodique. C’est la première fois que le citadin que je suis va chercher du bois pour faire du feu. Pendant que je remplis la brouette de bois, je me sens utile. Je trouve le moyen de me planter une écharde dans un doigt, ça fait un peu mal mais c’est supportable. Je gare la brouette à côté de la porte d’entrée, j’attrape quelques bûches dans mes bras et je rentre.

    Il fait tellement bon dedans. Le bogoss dort toujours, sa respiration apaisée diffuse dans la petite pièce une douce note de bonheur. Son torse, le galbe de ses épaules, les pecs saillants avec du beau poil brun, les abdos en tablettes de chocolat, dépassent désormais des draps jusqu’au nombril ; ses bras sont repliés, les mains coincées entre la tête et l’oreiller : et cette position qui met en tension tout un tas de muscles, rend encore plus impressionnant le V de son torse, ses biceps et ses tatouages, tout en exposant à ma vue ses aisselles finement poilues. Les yeux fermés, les traits détendus, l’air apaisé ; et la beauté virile de son visage se double d’une expression d’ange adorable. Un ange viril, c’est beau à se damner.

    En posant les bûches à côté de la cheminée, je fais un peu de bruit. Le bogoss remue dans les draps.

    « T’es déjà levé ? » il me lance, la voix pâteuse, en frottant le visage de ses deux mains à plusieurs reprises.

    « Bonjour Jérém… » je lui réponds, tout en m’approchant du lit et en posant un bisou sur ses lèvres.

    « Bonjour… » fait-il, la voix monocorde, sans pour autant ouvrir les yeux.

    « Je suis allé chercher du bois… ».

    « Ah… C’est bien… Il est quelle heure ? » fait-il, les yeux tout juste entrouverts.

    « Un peu plus de 7h30… ».

    « C’est tôt… » il s’exclame, tout en refermant les yeux et en laissant tomber lourdement ses bras le long de son torse.

    « C’est pas si tôt… ».

    « C’est une heure qui ne devrait même pas exister… ».

    Une seconde plus tard, mon bobrun est reparti dans les bras de Morphée. Mon regard est happé par ses abdos qui ondulent lentement sous l’effet de sa respiration calme. 

    Ce corps de petit Dieu offert à ma vue, ainsi que ce drap qui s’arrête juste à la lisière du bonheur, de sa jeune virilité, voilà de quoi réveiller violemment ma gourmandise matinale.

    Une envie violente s’empare de moi, je bande à vitesse grand V. J’ai envie de voir sa queue, de la toucher, de la prendre dans la bouche, de la faire jouir. C’est le matin, et j’ai besoin d’avaler une boisson chaude pour bien me réveiller.

    Je fixe le drap juste en dessous de son nombril et je me demande ce que je kifferais davantage : qu’elle soit déjà raide, qu’elle tende le drap de façon insolente, et qu'elle me nargue d'aller m'occuper de cette trique du matin qu'un p’tit mec comme Jérém ne doit pas manquer d'avoir ; ou bien, au contraire, qu'elle soit comme elle est là, ce matin, encore au repos.

    Car cela m’offre la possibilité d’aller passer délicatement le nez sur le drap, d’apprécier les formes et la chaleur de sa virilité à travers le tissu, de chercher à capter ses odeurs de p’tit mec, tout en réveillant la bête en douceur ; puis, la sentir frémir peu à peu, voir ses abdos se soulever plus rapidement, le drap bouger sous la force de sa virilité qui se tend.

    « Tu fais quoi ? ».

     

    [Suite de l'épisode juste après cette petite annonce].

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    « Tu fais quoi ? ».

    « J’ai envie de te sucer… ».

    « Ah… ça c’est une bonne idée… ».

    Sa queue tendue, son invitation, tout ça est on ne peut plus tentant. Je me glisse sous les draps et j’approche cette queue qui a giclé en moi, qui m’a rempli et fait jouir je ne sais combien de fois depuis deux jours. Je ne peux m’empêcher de promener de nouveau le bout de mon nez tout près de ce bâton radioactif, de descendre jusqu'à sa base, de m’attarder dans le creux de ses bourses.

    Ce n’est que lorsque sa main se pose sur ma nuque, lorsque ses doigts se glissent doucement dans mes cheveux, à la fois caresse et invitation à la pipe, que je craque : je laisse trainer furtivement ma langue sur ses couilles, arrachant ainsi un premier frisson au bobrun.

    Mais très vite, poussé par l’urgence d’un désir que je peux plus contrôler, j’enserre son manche entre mes lèvres et je l’avale lentement, je le laisse glisser jusqu'à la garde, lui arrachant un long soupir de plaisir, celui du mâle prenant possession de son territoire, ma bouche.

    Mais déjà un instant plus tard, j’envoie le bout de ma langue titiller son gland frémissant ; et là, je constate avec bonheur qu’un liquide clair et un peu salé perle de son frein, délicieuse liqueur témoignant du début de son excitation. Le petit mâle cherche à forcer mes lèvres à avaler à nouveau sa queue impatiente. J’ai terriblement envie de lui faire plaisir ; et pourtant, je choisis de faire durer la privation.

    Du moins jusqu’à ce que le bobrun ne se décide – puisque je l’y ai sciemment poussé – à prendre les choses en main, au sens figuré, comme au sens propre.

    Le geste est ferme et sans appel : ses deux mains se saisissent de ma tête, tandis que sa queue force la barrière de mes lèvres et s’enfonce jusqu'au fond de ma gorge. Je l’entends alors lâcher un nouveau, profond soupir marquant son bonheur sensuel.

    « Vas-y, suce… suce bien… » il lâche dans la foulée, dans un murmure autoritaire, alors que ses mains et son bassin imposent le rythme de son plaisir de mec.

    Pendant un bon petit moment, je me laisse emplir la bouche par son manche puissant, mes lèvres acceptent les va-et-vient qui font le bonheur de cette colonne insolente. C’est tellement bon de me laisser faire, de me laisser guider, de me laisser porter ; et pourtant, j’ai envie de le surprendre.

    Alors, je repousse doucement ses mains, et c’est moi qui imprime désormais le mouvement de va-et-vient ; je le pompe avec une vigueur décuplée, jusqu’à le convaincre par la démonstration que l’effort ne lui apportera pas plus de plaisir que mon dévouement, jusqu’à ce qu’il cesse ses mouvements. Le bogoss accepte de se laisser faire, et son corps tout entier semble témoigner du plaisir qui est en train de l’envahir : ses jambes gigotent de façon incontrôlée, ses mains passent et repassent sur son visage, ses abdos se tendent, ses pecs, tout comme ses biceps, se gonflent, ses respirations profondes et ses soupirs deviennent des gémissements de plaisir.

    Je connais mon bobrun, je sais qu’il ne va pas tarder à jouir. Je ne m’y trompe pas. Quelques instants encore, et tout son corps se raidit dans un dernier spasme, ses abdos se contractent ; je l’entends gémir de plus en plus fort, je l’entends répéter des « putain, vas-y, c'est bon ! » ; ses doigts s’enfoncent à nouveau dans mes cheveux, alors que l'onde du plaisir ultime approche.

    « Je vais jouir et tu vas tout avaler… ».

    Non, ce matin, alors qu'il me remplit la bouche de longs jets brûlants, synchronisés avec des « oh putain, oh putaaain ! » incontrôlés, à aucun moment Jérém ne prononce sa désormais célébré phrase de petit con : et pourtant, alors que je lève les yeux pour assister au sublime spectacle de sa petite gueule déformée par le plaisir, elle résonne dans ma tête et décuple mon excitation et mon envie de faire ce que je sais mon bobrun apprécie tout particulièrement : avaler. Et qu’est-ce qu’il est délicieux, ce bon petit jus du matin !

    Ses giclées viennent tout juste de cesser, mes lèvres et ma langue n’ont pas encore pu se résoudre à quitter son gland, lorsque je l’entends lâcher :

    « Ça c’est du réveil ! ».

    Qu’est-ce que j’ai aimé réveiller mon Jérém en lui offrant un bel orgasme ! Et qu’est-ce que j’aime l’entendre exprimer à quel point il a aimé !

    Lorsque je me relève, je me rends compte d’une chose à laquelle je n’avais pas vraiment prêté attention dans ma précipitation et mon impatience à lui apporter son orgasme, c’est que mon bobrun se trouve désormais en position assise, le dos calé contre l’oreiller, la nuque appuyée contre le mur.

    Ses bras sont pliés, ses mains derrière les dos, son torse est légèrement penché vers la droite, tout comme la tête, les abdos ondulant sous l’effet d’une respiration qui se calme peu à peu, la queue toujours raide et luisante de ma salive. Ses cheveux bruns sont en bataille, il ne semble pas complétement réveillé, ou bien assommé par l’orgasme, et il a un petit sourire bien canaille en coin : ah, putain, si ça ce n’est pas de l'attitude de p’tit con fier de lui, fier de sa queue, fier de sa virilité, je ne m'y connais pas ! J’adore lui voir cette attitude, celle du mâle qui a bien joui, l’attitude du mâle fier de m’avoir giclé dans la bouche.

    Et pourtant, le mâle fier de lui, n’est pas pour autant sans attentions à mon égard.

    « Viens… » il me lance, tout en m’attirant vers lui.

    Je me retrouve ainsi enlacé par ses bras puissants, par ses cuisses musclées, par son torse de fou. Jérém est mon fauteuil de chair et de muscles, le plus douillet et sensuel que l’on puisse imaginer. Et alors que ses lèvres se baladent inlassablement dans mon cou et sur mes épaules, sa main gauche saisit ma queue et commence à la branler ; quant à sa main droite, elle agace inlassablement mes tétons.

    Son corps m’enveloppe, le parfum de sa peau et de son orgasme m’enivre, la chaleur de sa peau m’excite, sa présence, son attitude, ses gestes me projettent dans un monde de sensualité et de plaisir inouïs. Très vite, l’orgasme me guette.

    Mon Jérém mordille mes oreilles, ses va-et-vient sur ma queue se font de plus en plus rapides. L’orgasme vient, et c’est géant, juste indescriptible. Je me cale dans les bras de mon bobrun pour récupérer.

    « C’était trop bon… mais vraiment, vraiment un truc de dingue… » j’ai envie de lui annoncer.

    « Avec toi, c’est toujours un truc de dingue… ».

    Je me lève avant lui, et je fais du café. Jérém se glisse à nouveau sous les draps, qu’il remonte jusqu’à la taille, laissant dépasser son torse spectaculaire. Pendant que je m’affaire à préparer le petit déj, je surprends son regard sur moi : le petit con me regarde faire, un petit sourire au coin des lèvres.

    « Je te prépare le petit déj… ».

    « C’est adorable… » fait-il, tout en dégainant un sourire de malade « merci d’être allé chercher du bois… ».

    « C’est normal… pourquoi tu rigoles ? ».

    « Parce que je suis heureux… que tu sois là… ».

    Son regard sincère et ému me remue les tripes, je sens les larmes me monter aux yeux.

    « Moi aussi je suis heureux d’être là… aie… ».

    En serrant les deux parties de la cafetière italienne, je viens d’appuyer pile sur le doigt où l’écharde s’est enfoncée tout à l’heure.

    « Qu’est-ce qu’il y a ? ».

    « Je me suis planté une écharde… ».

    « Fais voir, viens… ».

    Je pose la cafetière sur la plaque en fonte de la cheminée et je m’approche du lit, je m’approche du bomâle assis, toujours torse nu, le drap remonté jusqu’à la taille, sexy comme pas permis. Jérém me fait asseoir à côté de lui ; il attrape son pantalon et il en sort un couteau pliant ; il saisit mon doigt, enfonce la pointe très aiguisée du couteau dans ma chair blessée, ce qui me fait frémir, et déclenche mon instinct de retirer ma main.

    « Allez, ne fais pas ta chochotte… » fait-il, en retenant fermement ma main « laisse-moi bosser… ».

    « Mais ça fait mal ! ».

    « Tais-toi… » fait-il, tout en enfonçant à nouveau la pointe acérée du couteau dans les couches superficielles de mon épiderme.

    « Aie… ».

    « Ta gueule… ».

    « Mais j’ai mal ! ».

    « Une petite seconde et c’est fini… ».

    « Aie… aie… aie… ».

    « Tu vas prendre une baffe, ça va te calmer… sale gosse ! » il rigole.

    « Tu vas arriver à l’enlever ? » je m’inquiète, alors que ses manœuvres m’envoient de violentes impulsions de douleur qui résonnent dans tout mon corps jusqu’à ma colonne vertébrale.

    « Voilà ! » fait-il, le ton triomphant, me tendant la lame du couteau, sur laquelle une toute petite écharde est déposée.

    « Merci… » je lâche, en reprenant enfin mon souffle, tout aussi content qu’il ait enlevé l’écharde que du fait qu’il ait arrêté de me « brutaliser ».

    Pour toute réponse, le bogoss attire délicatement mon doigt vers sa bouche, et il aspire la petite goutte de sang qui vient de perler.

    Je ne peux résister à l’irrépressible tentation de le serrer dans mes bras, de le couvrir de bisous, de l’embrasser sur la bouche. Ses mains, ses doigts qui tout à l’heure s’enfonçaient dans mes cheveux avec la virulence et l’urgence de la quête du plaisir, me caressent à présent avec une douceur rassurante et émouvante. Ses bras m’enserrent très fort contre lui, et je voudrais ne jamais être ailleurs que dans cette étreinte.

    Je crois que ce contraste entre le Jérém bête de sexe au lit et le Jérém petit mec adorable et câlin va finir par me rendre vraiment dingue, et ajouter encore de la puissance à cette connexion des corps et des esprits qui me rend fou amoureux de lui. Définitivement, ce mec je l’ai dans la peau, pour toujours.

    La cafetière vient de commencer à gargouiller, et cela m’oblige à quitter cette étreinte magique. Je me lève pour surveiller la montée de la boisson chaude qui réveille ; j’en profite pour aller chercher le pain et la confiture.

    Jérém se lève à son tour, il passe un boxer, un t-shirt et vient s’asseoir à table.

    « Le petit déj est servi… » il commente.

    « C’était mon tour… » je lui réponds, tout en lui servant une tasse de café fumant et en posant un bisou dans son cou.

    « Merci Nico… ».

    « De rien, ça me fait plaisir… ».

    Les petits déjeuners ce sont définitivement l’un des moments que je préfère : quoi de meilleur que de se laisser réveiller par l’arôme corsé du café, de se laisser câliner par le goût fruité de la confiture, par la volupté du beurre, de se laisser revigorer par la consistance du pain, de me laisser envahir par le bonheur d’être avec lui. Prendre le temps de se réveiller, alors que rien ne presse, c’est le bonheur. Un bon petit déj est le préalable d’une bonne journée. Et ce qui rend le tout parfait, c’est assurément la présence du gars que j’aime.

    « Alors, t’es prêt pour ton baptême à cheval ? ».

    « A vrai dire… je suis un peu angoissé… ».

    « T’as peur de quoi ? ».

    « D’être ridicule… de tomber… ».

    « Avec Tequila, tu ne risques rien, je t’assure… ».

    « Si tu le dis… ».

    « Ecoute, on va faire un truc… on laisse partir les autres et nous deux on part un quart d’heure après… rien que tous les deux… comme ça j’aurais le temps de te montrer deux ou trois trucs… ».

    « Mais tu voulais faire la balade avec tes potes… ».

    « On les rejoindra à midi… mais on fera le début de la balade rien que tous les deux, au pas… ».

    « Au pas » : voilà deux mots, comme une formule magique qui a le pouvoir de m’apaiser sur le champ.

    Car le cavalier débutant que je suis a grand besoin d’être rassuré, et il n’aspire pas à mieux que « le pas » pour le moment ! 

    « On mange où à midi ? ».

    « Au bord de la rivière… ».

    « Et on mange quoi ? ».

    « Un déjeuner tiré de nos sacoches… enfin, des sacoches des chevaux… on va faire quelques courses avant d’aller chez Charlène… ».

    Quelques minutes plus tard, nous prenons une douche ensemble, nous nous savonnons, nous nous massons l’un l’autre ; nous nous sourions, nous nous embrassons, nous nous caressons, nous nous enserrons l’un contre l’autre, sous l’eau ; puis, nous nous brossons les dents, en même temps, devant le miroir. Depuis que nous les accomplissons ensemble, ces petits gestes du quotidien prennent une dimension presque magique.

    Jérém passe un pantalon d’équitation beige qui moule divinement son paquet de jeune mâle.

    « Tiens… essaie ça… » fait-il en me tendant un deuxième pantalon d’équitation noir.

    Je m’exécute, en savourant l’enivrante sensation de me glisser dans un vêtement de mon chéri. Le simple fait de passer l’un de ses vêtements, un vêtement qui me serre au plus près du corps, qui frôle ma peau comme une caresse, me donne d’intenses frissons. Je ne peux m’empêcher de repenser à sa chemise (qu’il m’a donnée un jour parce que mon t-shirt était taché de son sperme), à son t-shirt et à son boxer (que j’ai piqués un jour dans sa corbeille à linge) et qui sont toujours chez moi.

    « Il te va ? » il me demande.

    « Très bien… merci… ».

    « De toute façon, je n’en ai pas d’autres… par contre, je n’ai pas de boots… » fait-il, tout en chaussant les siens « mais je pense que Charlène va pouvoir t’en prêter… ».

    Sacré pantalon d’équitation : le tissu élastique épouse diaboliquement ses fesses rebondies et ses cuisses musclées, alors que la taille, bien basse, laisse dépasser un bout de pli de l’aine, et dévoile tout le développement du chemin de petits poils en dessous de son nombril, jusqu’à la lisière des poils pubiens. Et puis, il y a ce torse nu, sculpté, tatoué, fraichement douché, qui s’affiche de façon à la fois tellement naturelle et terriblement insolente au-dessus de ce pantalon : voilà une tenue à me rendre dingue.

    Et lorsque le bogoss, désormais positionné de dos par rapport à moi, se laisse aller à ce geste, le plus naturel du monde, de s’étirer – il lève et plie les bras, il met en tension les muscles de son dos, ce qui a pour conséquence immédiate de faire gonfler le haut de son torse et ses biceps de façon très spectaculaire – je ne peux m’empêcher de m’approcher de lui, de passer mes bras autour de sa taille, de le serrer très fort contre moi, de couvrir son cou et ses épaules de bisous à la fois doux et sensuels.

    Je suis moi aussi torse nu, et le contact avec sa peau tiède, fraîchement douchée et parfumée, me fait bander sur le champ. J’ai encore envie de lui. Comme dans un état second, je laisse mes mains glisser lentement sur ses abdos, les bouts de mes doigts se faufiler à l’intérieur de son pantalon d’équitation. Mon index effleure le bout de son gland.

    « Euh… tu fais quoi, là ? » il lâche, la voix marquée par un frisson d’excitation.

    « J’ai encore envie de toi… ».

    « On n’a pas le temps… on doit y aller… ».

    « Je sais… mais tu me fais trop envie… ».

    Le bogoss se retourne, il pose ses mains de part et d’autre de mon visage, il m’embrasse fougueusement et il me chuchote :

    « Moi aussi j’ai envie de toi… on se rattrapera plus tard, ok ? Tu ne perds rien pour attendre… ».

    « Hummmm… ça promet… ».

    Un petit sourire lubrique, accompagné d’un clin d’œil plein de malice est son dernier « mot ».

    Jérém complète sa tenue par un t-shirt sans manches gris du meilleur effet. Certes, le fait de cacher une telle perfection masculine sous un bout de tissu pourrait être considéré comme un délit ; un délit qui peut cependant se prévaloir des circonstances atténuantes, comme par exemple la façon dont il laisse dépasser le rebondi de l’épaule et du biceps, ou la façon dont il met en valeur la plastique qu’il est censé dissimuler, en aimantant le regard, en enflammant les désirs. Ah, putain qu’est-ce qu’il est sexy dans cette tenue, mon bobrun !

    Le pull à capuche gris de nos retrouvailles vient couvrir ses bras et ses épaules, mais en aucun cas sa sexytude. J’espère qu’il va faire assez chaud, et assez rapidement, pour lui donner envie de quitter au moins cette deuxième couche.

    Jérém passe à la salle de bain pour s’arranger un peu les cheveux au gel ; lorsqu’il revient, il passe de grandes lunettes de soleil.

    Avant de partir, le bobrun coupe un certain nombre de tranches de jambon, et une bonne portion de fromage de son pote.

    « Tout ça pour nous ? » je m’étonne.

    « Non, tout ça pour partager avec les autres… chacun amène un truc et on fait goûter… ».

    « L’idée me plaît… ».

    Une minute plus tard, nous sommes dans la 205 rouge et nous roulons en direction du village. Sur la route vers la pension pour chevaux de Charlène, nous faisons escale à la superette de Campan.

    Le village est presque désert ; une voiture passe dans la rue principale, à allure réduite, c’est un papi au volant ; deux passants se croisent sur la place devant la halle où Jérém m’a embrassé pour la première fois ; ils se disent bonjour, ils prennent le temps de discuter.

    Ce qui me frappe le plus, dans ce petit village, par rapport à la ville, c’est la presque absence de voitures, le silence, la sensation d’apaisement ; cette lenteur, cette absence de stress, un rythme de vie qui est particulièrement reposant.

    Dès que nous passons la porte de la superette, Martine, toujours d’humeur égale, toujours joyeuse, nous accueille avec un grand sourire, et avec des bises bien claquantes.

    « Ça va les garçons ? Prêts pour la balade ? » fait elle, avec sa voix un peu grave, et très sonore.

    « Moi je suis prêt… c’est Nico qui a la trouille… ».

    « J’ai pas la trouille… enfin… si… ».

    « Mais c’est normal que tu aies la trouille… t’inquiète, ça va vite passer… tu vas voir comment c’est génial de se balader à cheval… » elle tente de me rassurer. Puis, en s’adressant à Jérém : « Mais t’es sûr que c’est une bonne idée de le faire monter direct avec tout le monde ? ».

    « Ce matin on va vous laisser partir et on se fait la balade rien que tous les deux, je vais lui donner des cours particuliers… ».

    « Ça c’est une bonne idée… ».

    « Au fait, tu viens à la balade, hein ? ».

    « Oui, c’est bon, j’ai trouvé quelqu’un pour me remplacer… je serai chez Charlène dans une demi-heure… ».

    « Allez, on va y aller… on prend deux trucs et on file… ».

    « Ça marche, les gars… ».

    Du pain, des fruits, des boissons, pour compléter nos repas « tirés de nos sacoches ».

    Nous passons en caisse et Martine nous offre deux croissants. Cette nana a l’air vraiment adorable. Nous quittons la superette alors que la radio diffuse « La dame de Haute-Savoie » :

    « Y’a des étoiles qui courent dans la neige autour de son chalet de bois/Y’a des guirlandes qui pendent du toit, et la nuit descend sur les sapins blanc, juste quand elle frappe des doigts, juste quand elle frappe des doigts… ».

    Pendant le court trajet vers le centre équestre, je trouve le moyen de questionner Jérém au sujet de l’attitude à tenir vis-à-vis de tous ces inconnus que je vais rencontrer incessamment sous peu.

    « Je voulais te demander un truc… ».

    « C’est quoi ? ».

    « Comment je dois me comporter avec tes potes ? ».

    « Surtout, ne prends rien au premier degré, ce sont de gros déconneurs… ».

    « Je veux dire… vis-à-vis de nous… j’imagine que personne n’est au courant… pour nous, je veux dire… ».

    « Non, personne… ».

    « Tu crois pas qu’ils vont se douter de quelque chose ? ».

    « Je ne crois pas… ».

    « Et si jamais ils posent des questions ? ».

    « Des questions, ils vont t’en poser… surtout qu’il y a un max de nanas à l’asso… et pas du genre gênées pour un sou… t’as qu’à dire la vérité, qu’on était camarades de lycée, que tu m’as aidé pour le bac, et voilà pourquoi tu es là… ».

    « Ça me va… ».

    Oui, ça me va, faute de mieux. C’est un alibi plausible, et c’est la « vérité », du moins une partie de la « vérité ». Je sais que Jérém a fait des progrès énormes en très peu de temps, et que notre relation a changé du tout au tout, et ce ne serait pas correct de lui demander plus que ce qu’il est prêt à m’offrir.

    Et pourtant, je ne peux m’empêcher de ressentir une sorte de pincement, de frustration, une pointe de tristesse, car je réalise que si mon bobrun est enfin prêt à assumer notre histoire en tête à tête, il n’est toujours pas prêt à l’assumer au grand jour.

    Tant pis, ce sera notre secret, et ce sera un secret du genre plutôt excitant.

     

    Merci à tous les tipeurs, aux mécènes hors Tipeee, à tous les lecteurs, à ceux qui ne ratent pas un épisode de Jérém&Nico, à ceux qui me réclament la suite, à ceux qui laissent des commentaires, à ceux qui prennent le temps de regarder des vidéos pour me faire gagner quelques euros sans débourser un centime.

    Prochain épisode, 0210 Balade à cheval, vers le 20 mai.

    Épisode suivant, 0211 « Viens voir, je te dis… », vers le 5 juin.


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  • NOUVEAU ! Regardez une minute de vidéo pour m'aider sans dépenser un centime! (voir détails à la fin de l'épisode).

     

    Jérém&Nico S02Ep07 Après l'amour et les câlins.

    [Toute ressemblance avec des personnes existantes ou des événements ayant existé serait purement fortuite].

               

    Puis, après l’amour, après les câlins, comme pendant une ivresse, l’ivresse des sens et de l’esprit, la parole se libère.

    « Heureusement que t’as eu les couilles de proposer les révisions… » me balance Jérém de but en blanc.

    « Pourquoi t’as dit oui quand je t’ai proposé de réviser ? ».

    J’ai déjà posé cette question, et les réponses que j’en avais obtenues avaient été au mieux décevantes, au pire blessantes.

    « Parce que je voulais avoir une chance d’avoir le bac… » : telle avait été sa réponse décevante après la nuit fantastique qui avait suivi le plan à trois avec le bobarbu Romain, levé au On Off.

    « Parce que je voulais baiser ton cul… » : telle avait été sa réponse, blessante et humiliante, la dernière fois où il était venu chez moi, un mois plus tôt, le jour de notre clash, peu avant que nous en venions aux mains.

    Mais ces réponses venaient de la bouche d’un Jérém qui n’assumait pas notre bonheur. Alors, je suis impatient d’entendre la véritable réponse à cette question qui me taraude depuis le début de nos révisions, d’entendre la réponse du véritable Jérém, celui qui n’a plus peur de ce qu’il ressent, qui ne se cache plus de lui-même, et de moi.

    « Parce que… » il se lance, sans arriver au bout de son intention.

    « Vas-y Jérém, dis-moi… »

    « Parce que… parce que tu me faisais de l’effet… ».

    « De l’effet ? ».

    « J’avais envie de coucher avec toi… ».

    « Tu prévoyais déjà de coucher avec moi quand t’as dit oui ? ».

    « Je ne savais pas si on allait coucher… » puis, après une petite pause, il continue : « j’avais envie de voir comment tu réagirais si je te chauffais un peu… ».

    « Mais tu savais déjà que je te kiffais… ».

    « Oui, bien sûr… mais nous ne nous étions encore jamais retrouvés que tous les deux, sans personne autour… et chez moi, en plus… ».

    « Et tu pensais que chez toi, ce serait l’endroit idéal pour me faire craquer… ».

    « Au rugby on le sait bien, quand on joue « à la maison », on a l’avantage… ».

    « Petit coquin, va… ».

    « Pas plus que toi… ».

    « Depuis quand je te faisais de l’effet ? » j’ai envie de savoir.

    « Je crois que je t’ai remarqué le premier jour du lycée… ».

    « Et qu’est-ce qui t’a plus chez moi ? ».

    « C’est ton regard qui m’a frappé… ».

    « Mon regard ? »

    « Dans ton regard, j’ai vu que tu me kiffais à mort… j’ai de suite compris que t’avais envie de moi… ».

    « C’est drôle que tu dises ça… parce que le premier jour, je n’envisageais même pas de coucher avec toi… ».

    « C’est ça… à d’autres… ».

    « Je te promets… j’étais tellement déboussolé que j’avais du mal à comprendre ce qui se passait… c’était la première fois que je ressentais un truc pareil… j’avais chaud, j’avais froid, j’avais la tête qui tournait, j’avais le souffle coupé, j’avais le cœur qui tapait si fort que ça résonnait dans mon crâne et dans mon ventre… j’étais déboussolé, perdu… je ressentais tellement de sensations, tant de sensations que je ne connaissais pas… c’était le bordel dans ma tête… et puis, jamais ça ne me serait venu à l’esprit qu’un gars comme toi aurait envie d’un mec… comme moi… alors, non, ce jour-là, je ne crois pas que j’avais envisagé de coucher avec toi… de toute façon, je ne sais même pas si à ce moment-là j’avais déjà envisagé de coucher avec un gars, tout court… ».

    « Tu ne savais pas que t’étais attiré par les mecs ? ».

    « Si, bien sûr que je le savais… mais je ne l’avais pas encore assumé… c’était le bazar dans ma tête… je n’avais jamais encore vraiment réfléchi à ma sexualité… mais à l’instant où je t’ai vu, et encore plus quand j’ai croisé ton regard, j’ai eu avant tout envie de tout savoir de toi… jamais je n’avais ressenti un truc aussi soudain et violent pour un gars… et j’ai tout de suite été jaloux des gars avec qui tu discutais dans la cour du lycée… ».

    « Jaloux ? ».

    « Parce qu’ils avaient la chance de te connaître, de passer du temps avec toi, de t’entendre parler, rigoler, de te serrer la main, de te faire la bise… ».

    « Tu voulais être mon pote… ».

    « Oui, je crois que c’est ça… je voulais être ton pote… bien sûr, je te trouvais beau comme jamais je n’avais trouvé beau un mec… je te trouvais canon, mille fois plus beau que moi…  j’adorais ton corps, ton visage, ton brushing, ton t-shirt noir qui t’allait comme un gant… j’adorais ton assurance, ton attitude de petit branleur, ta façon d’être avec tes potes, ton sourire de fou… mais je crois bien que moi aussi, ce qui m’a touché en premier, c’est ton regard… enfin… juste après ton t-shirt noir et ton brushing de bogoss… ».

    « Qu’est-ce qu’il avait mon regard ? ».

    « Je crois que dans ton regard j’ai vu ce truc que tu essayais de cacher… ».

    « Quel truc ? ».

    « Le véritable Jérém… celui qui se cachait derrière ses airs de bobrun ténébreux et inaccessible… ».

    « C'est-à-dire ? ».

    « Un gars qui avait juste besoin d’être aimé… tu sais, Jérém… en ce premier jour de lycée, tu m’as touché à un point que tu ne peux même pas imaginer… à partir de ce moment, je n’ai plus arrêté de penser à toi… et de te chercher partout, tout le temps… ».

    « Tu ne me quittais jamais du regard… ».

    « Tu t’en es rendu compte ? ».

    « Et comment j’aurais pu passer à côté ? » il se marre « dès que je me tournais, je croisais ton regard… et même quand je regardais ailleurs, je le sentais sur moi, tout le temps… il me suivait comme mon ombre… ».

    « C’était plus fort que moi… ».

    « Au début, ça m’agaçait un peu… mais très vite, ça a commencé à m’intriguer… et ça me faisait du bien… ».

    « Et pourtant, tu savais si bien m’ignorer… parfois, j’ai même eu peur que tu viennes me casser la gueule… ».

    « Je faisais semblant de t’ignorer… parce que je ne voulais pas me faire repérer par les autres… ni par toi… parce que je voulais croire que je pouvais t’ignorer… jusqu’au jour… ».

    « Jusqu’au jour… ? ».

    « Jusqu’au jour où je me suis branlé… en pensant à toi… ».

    « Tu t’es branlé… » je fais, incrédule.

    « C’est arrivé pas mal de fois… ».

    « Quand ça ? ».

    « Dès la seconde… ».

    « Pourtant tu couchais avec toutes les nanas qui te passaient à portée de queue… et t’avais encore envie de te branler ? ».

    « Si j’ai couché avec autant de nanas, c’est aussi pour me convaincre que j’étais… normal… ».

    « Tu te sentais attiré par d’autres mecs ? ».

    « Disons que certains gars me faisaient un effet que je n’arrivais pas vraiment à expliquer… notamment dans les vestiaires du rugby, sous les douches… ».

    « Tu étais attiré par des mecs beaucoup plus beaux que moi, alors… ».

    « Plus beaux, je ne sais pas… ».

    « Bien sûr que si… ».

    « Toi tu me faisais plus d’effet que n’importe quel gars… ».

    « Ah, putain… je ne raconte même pas l’effet que tu me faisais, toi… et le nombre de fois que je me suis branlé en pensant à toi… ».

    Nous nous prenons l’un dans les bras de l’autre, nous nous embrassons, nos corps nus se caressent, nos cheveux se mélangent, nous nous habillons l’un de l’autre.

    Puis, après un long moment de silence et de câlins, les mots viennent tout seuls, elles sortent de ma bouche avec le naturel de l’évidence, avec la simplicité de la vérité.

    « C’était tellement bon de te regarder en cours… ce que je ressentais pour toi était tellement fort… j’étais bouleversé… je ressentais de l’amour, du désir, de l’envie… tout ce qui rend heureux, quoi… c’est grâce à ce que je ressentais pour toi que j’ai enfin compris que je ne serais jamais hétéro… en fait, c’est grâce à toi que j’ai compris qui j’étais… plus je tombais raide dingue de toi, plus je trouvais naturel de m’accepter comme j’étais… plus j’étais amoureux de toi, plus je me sentais bien avec moi-même, plus je sentais qu’il ne pouvait y avoir aucun mal à aimer un gars… surtout, un gars comme toi… dès la seconde, j’ai réalisé que si un simple regard donne des frissons, si le cœur bat la chamade, il n’y a aucun mal à aimer… car l’amour n’a pas de sexe… ».

    « Moi, c’est en première que j’ai commencé à me demander comment je pourrais t’approcher… ».

    « Il aurait suffi d’un mot, pourtant… ».

    « Je sais… mais j’avais peur que tu ne tiennes pas ta langue… et ça, je n’aurais pas supporté… ».

    « Et quand tu te branlais… tu pensais à quoi ? T’avais envie de quoi ? ».

    « J’avais envie de coucher avec toi, mais de pouvoir arrêter si ça me faisait sentir trop pd… je me disais que comme tu me kiffais un max, j’aurais pu tirer mon coup et me tirer quand j’en aurais envie… c’est minable, je sais… surtout que, pendant trois ans, j’ai senti que tu avais envie de moi, mais aussi que tu étais amoureux… ».

    « Oui… j’étais fou de toi, bien avant qu’on couche ensemble… ».

    « Je sais… et ça me faisait un bien fou de savoir que je pouvais inspirer un tel sentiment… ».

    « Il devait y avoir aussi pas mal nanas folles de toi… ».

    « Oui, c’est arrivé… mais ça me faisait fuir sur le champ… alors que chez toi, ça m’a touché… peut-être parce qu’on se cherchait et qu’on y arrivait pas… et aussi parce que, même si je ne t’ai jamais vraiment donné d’espoirs, ton regard n’est jamais parti ailleurs… ».

    « Tu crois qu’en classe ils se sont rendu compte que tu me plaisais ? ».

    « Bien sûr que oui… mais c’est toi qu’ils traitaient de pd, parce que moi je me tapais des nanas, et aussi parce que je faisais semblant de t’ignorer… en plus, en seconde, je me foutais de ta gueule avec les autres… ».

    « Mais quel petit con, quand-même… ».

    « Il fallait bien que je détourne l’attention… c’est pour ça aussi que j’ai couché avec autant de nanas… je voulais que personne ne se pose la moindre question sur moi… je ne voulais plus être moqué… je ne voulais surtout pas revivre ce que j’avais vécu dans mon adolescence… plus tard, vers la fin de la première, quand les camarades ont commencé à me faire une réputation de « serial baiseur », il m’est arrivé de dire à certains gars d’arrêter de te casser les couilles… mais toujours discrètement, entre quatre yeux… ».

    « Et en même temps, tu avais déjà commencé à te demander comment coucher avec moi… ».

    « Oui… mais je ne savais pas comment t’aborder… je ne savais pas comment faire le premier pas, j’aurais voulu que ce soit toi qui le fasses… ».

    « Tu ne savais pas comment faire le premier pas… t’aurais voulu que ce soit moi qui le fasses… c’est marrant qui tu dises ça… tu avais l’air tellement sur de toi, et de ton charme… moi aussi j’aurais voulu que tu fasses le premier pas à ma place, parce que j’étais timide et coincé, parce que j’avais peur et que je n’avais pas le physique, la carrure, l’assurance, l’aura d’un mec comme toi… c’était une torture… ».

    « J’ai essayé de t’envoyer des signes, de t’allumer… comme le soir de l’anniversaire de Thomas… ou comme la fois où nous nous sommes retrouvés seuls, au bout des vignes, au retour du voyage en Italie… ce jour-là, j’ai vraiment cru que t’allais craquer et me balancer que t’avais envie de moi… ».

    « Mais tu aurais réagi comment si je t’avais dit que j’avais envie de toi ? ».

    « Je pense qu’on aurait couché ensemble… ».

    « Je n’en suis pas sûr… ».

    « T’as raison, je ne sais pas comment j’aurais réagi… » il admet, avec un petit sourire à faire fondre le soleil lui-même.

    « On aurait vraiment pu se rater pour de bon… » je considère.

    « Pendant les vacances scolaires de février dernier, j’ai commencé à me dire qu’on n’y arriverait pas… ».

    « Moi pareil… c’est pour ça que je t’ai proposé de réviser… ».

    « T’avais vraiment très envie… » il se moque.

    « Mais je voulais vraiment t’aider à réviser, je t’assure… quand je t’ai vu prendre encore une mauvaise note en math, j’ai vraiment eu peur pour ton bac… déjà que ça n’allait pas fort dans d’autres matières… ».

    « Pourquoi, tu surveillais mes notes ? ».

    « Autant que les miennes… je savais où tu avais la moyenne, et où tu ramais sévère… et je savais que les maths c’était pire que tout… ».

    « Alors ce n’était pas que pour coucher avec moi que t’as proposé de réviser ? ».

    « Bien sûr que j’avais envie de coucher avec toi… mais j’avais aussi envie de t’aider, vraiment … je ne voulais pas que tu rates le bac… ».

    « C’est gentil… même si franchement… moi je m’en foutais de réviser… parce que je me foutais du bac… je pensais que je m’en tirerais d'une manière ou d'une autre… par contre, j’avais trop envie de toi… ».

    « Ah, ben… t’as bien caché ton enthousiasme, alors… je me souviens très bien de ta réponse… c’était un truc du style : « si tu veux »… comme si tu t’en foutais complet… ».

    « Je ne voulais pas te montrer à quel point ça me faisait plaisir… ».

    « J’avais tellement peur que tu me jettes… j’en tremblais… je crois même que je bégayais… ».

    « Oui, tu bégayais… et c’était tellement mignon… ».

    « Je m’étais dit : ou ça passe ou ça casse… de toute façon, je n’avais plus rien à perdre… mais au fond, je ne croyais pas que je coucherais avec toi… j’ai même failli ne pas venir à la première révision… ».

    « Et pourquoi ? ».

    « Si tu savais comment j’étais nerveux… l’idée de me retrouver seul avec toi me terrifiait… ».

    « Moi aussi j’étais nerveux pendant que je t’attendais… ».

    « Je ne le crois pas… ».

    « Si, je te promets… ».

    « Là aussi, t’as bien caché ton jeu… ».

    « T’étais tellement nerveux que du coup j’ai senti que je pouvais y aller franco… et j’ai repris la main… ».

    « T’as surtout pris la mienne pour la mettre sur ta queue… ».

    « J’ai cru que t’allais faire un malaise… ».

    « J’ai bien failli… ».

    « T’as dû me prendre pour un barje… ».

    « J’ai été un peu surpris, mais j’ai vraiment kiffé… ».

    « En tout cas, merci de m’avoir aidé à réviser… ».

    « Mais je n’ai pas fait grand-chose… on a passé plus de temps à s’envoyer en l’air qu’à travailler… ».

    « Tu sais, même si je ne te l’ai pas vraiment montré, j’ai quand même écouté un peu de ce que tu racontais… j’avais même un technique pour retenir… ».

    « Quelle technique ? »

    « Associer tes explication avec les souvenirs de nos sauteries… ».

    « Petit coquin, va ! » je me moque, trouvant l’idée à la fois marrante et bandante.

    « Tu as été un super prof… ».

    « Tu ne m’as pas vraiment simplifié la tâche… ».

    « Pourquoi, ça ? ».

    « Parce que tu faisais tout ce que tu pouvais pour me foutre le cerveau en vrac… tes t-shirts moulants, tes pecs, tes abdos, ta peau mate, ton sourire, ton déo, ta queue tendue… t’avais bien compris comment me rendre dingue… ».

    « J’avais autant envie de toi que toi de moi… ».

    « Pourtant tu as continué à coucher avec des nanas… ».

    « Il fallait que je sauve les apparences… et il m’est arrivé de coucher avec une nana et de penser à toi… et ça me faisait venir très vite… parce qu’en vrai, je ne pensais qu’à coucher avec toi… j’avais tout le temps envie de gicler entre tes fesses… ».

    « Et tu ne t’es pas privé… ».

    « C’est tellement bon… jamais je n’avais pris autant mon pied… c’était encore meilleur que ce que j’avais imaginé… » fait-il, tout en posant des bisous dans le creux de mon épaule.

    « Et pourtant tu étais si dur avec moi… ».

    « Plus je sentais que je devenais accroc à nos « révisions », plus ça me faisait peur… quand j’étais excité, la peur disparaissait… mais dès que j’avais joui, la peur de devenir « pd » me rattrapait… c’est con, mais plus je prenais mon pied avec toi, plus j’avais besoin de me convaincre que je pourrais m’en passer… alors, toi non plus tu ne m’as pas rendu la tâche facile… ».

    « Pourquoi, ça ? ».

    « Parce que tu t’accrochais… tu voulais davantage que du sexe… ça, c’est le truc qui m’a toujours fait prendre mes jambes à mon cou avec les nanas… et ça a failli le faire avec toi aussi… mais je n’ai pas réussi… ».

    « Et pourquoi tu n’as pas réussi ? ».

    « Avant de commencer les révisions, je ne te connaissais pas du tout… en trois ans, on n’avait presque jamais parlé… mais pendant les révisions, j’ai découvert que tu étais vraiment un gars adorable… ».

    « Casse-couilles, mais adorable… » il ajoute, moqueur.

    « T’étais pas casse-couilles, toi… » je fais semblant de m’offusquer.

    Pour toute réponse, mon doux Jérém me fait plein de bisous dans le cou.

    « Tu me manquais tout le temps, tu me manquais tellement… » je me lâche « tu me manquais même quand j’étais chez toi… parce que j’avais envie de te prendre dans mes bras et de ne plus jamais partir de ta piaule… j’étais tellement bien quand j’étais avec toi… ».

    « Moi aussi j’étais bien quand tu étais là… et pourtant… tout ça me faisait très peur… du coup, j’ai voulu te mépriser pour ne pas m’attacher à toi, et j’ai voulu te faire chier pour t’empêcher de t’attacher à moi… j’avais peur qu’un jour tu me laisses tomber… ».

    « T’es fou, toi… comment j’aurais pu te laisser tomber, alors que j’étais fou de toi ? ».

    « Tu sais, c’était pareil avec les nanas… je les quittais pour ne pas me faire quitter… je me suis comporté comme un vrai connard… avec elles, avec toi… d’ailleurs, je ne comprends même pas comment t’as pu t’attacher à moi, alors que j’étais horrible avec toi… j’en étais même arrivé à penser que tu aimais ma brutalité… ».

    « Je ne t’ai jamais aimé pas pour ta brutalité, mais malgré ta brutalité… si j’ai tout accepté de toi, et peut-être trop, c’est parce que j’avais la trouille de me rebiffer… j’avais tellement peur que tu me jettes pour de bon, qu’il n’y ait plus de révisions… et puis tu étais si sûr de toi, sûr de ce que tu voulais et de ce que tu ne voulais pas… j’étais tellement naïf, tellement inexpérimenté… comment faire le poids face à un mec comme toi, un mec qui m’impressionnait de ouf ? Je manquais trop de confiance en moi pour te tenir tête… alors, j’ai pris sur moi, j’ai attendu que tu te rendes compte à quel point c’était génial entre nous… ».

    « J’ai toujours aimé quand tu me tenais tête… »

    « Ce n’est pas arrivé souvent… ».

    « Mais c’est arrivé quand même… ça me faisait chier mais j'aimais bien… t’aurais dû me secouer davantage… » il se marre.

    « Je ne voulais pas te perdre… et d’une certaine façon, j’ai eu raison… si je t’avais trop pris la tête, tu aurais foutu le camp pour de bon, et je n’aurais jamais connu le bonheur qu’on vit ensemble depuis hier… ».

    « Tu as été génial, Nico, dès notre première révision… ».

    « Tu sais, à notre première révision, j’étais puceau… ».

    « Je me doutais que tu l’étais, et je kiffais l’idée d’être ton premier… ».

    « Moi aussi je kiffais l’idée que tu sois mon premier… ».

    « Pour ta première fois tu aurais mérité mieux que ce que je t’ai proposé … ».

    « C’était bon… ».

    « J’ai été horrible avec toi… j’ai fait ce que j’avais envie et je t’ai jeté… ».

    « Ça a été comment ta première fois ? » je le relance, intrigué.

    Jérém ne répond pas tout de suite, et je l’entends déglutir bruyamment.

    « Oublie ma question… » je tente de rattraper le coup, en pensant soudainement à l’épisode que  Thibault m’avait appris quelques semaines plus tôt, à cette branlette sous la tente pendant leur adolescence. Je ne veux pas prendre le risque de gâcher ce moment en le forçant à parler d’un sujet sensible. Aussi, je n’ai pas envie de raviver une jalousie que j’aurais du mal à maîtriser. On aura le temps de parler de Thibault, plus tard. Peut-être.

    « Si, je peux te répondre… ça n’a pas été vraiment génial… j’avais quinze ans, elle avait quelques années de plus que moi… je l’ai rencontré au KL… et on est allés chez elle… ».

    « Et ça s’est pas bien passé ? ».

    « Déjà me foutre à poil devant elle a été dur… ».

    « Alors, ça… quand je pense à comment tu t’es foutu à poil devant moi la première fois… ».

    « J’avais pris un peu d’assurance depuis… et puis, avec toi je me sentais à l’aise… mais ce soir-là, c’était pas vraiment ça… je faisais le beau mais je me sentais toujours complexé par mon physique, à cause des moqueries que j’avais pris dans la gueule au collège… en plus, j’avais pas mal bu, et j’avais peur de ne pas y arriver… j’étais tellement gauche… ».

    « J’ai du mal à t’imaginer gauche dans un pieu… ».

    « Et pourtant… je stressais à mort… et plus je stressais, plus j’avais du mal à bander… ».

    « T’avais envie d’elle ? ».

    « Je ne sais même pas… je crois surtout que j’avais envie de ne plus être puceau… quand elle a enfin réussi à me faire bander, le temps qu’elle me passe la capote, ma bite était à nouveau à moitié retombée… j’ai quand même réussi à la prendre… j’ai commencé à la baiser, mais j’avais l’impression qu’elle ne ressentait rien… je me disais qu’elle avait du coucher avec des mecs mieux montés que moi… ».

    « Mais tu es bien monté… ».

    « J’avais dans la tête les images de mecs dans les pornos, avec des bites pas possibles qui bandent de ouf, pendant des heures… j’étais aussi complexé par rapport à mon pote Thomas, le mec le mieux monté dans les vestiaires… pendant que j’essayais de baiser cette nana, je me disais qu’elle avait du coucher avec des mecs avec plus d’expérience, qui l’avaient faite jouir… ».

    « On ne peut pas démarrer et avoir de l’expérience… ».

    « C’est vrai… mais j’ai carrément fini par débander… je suis sorti, et je n’ai jamais pu y revenir… ça a été terriblement humiliant… surtout que je l’avais chauffée en boîte et que je lui avais laissé entendre qu’il y aurait des étincelles sous les draps… tu parles… ça a été la cata… ».

    « Quand je pense à l’étalon que t’es devenu depuis… ».

    « Elle m’a dit : « C’est pas grave… »… mais ça a été horrible de me retrouver à poil devant elle, la capote collée à ma nouille molle… j’avais peur qu’elle se moque de moi… ».

    « J’aurais tellement aimé être le premier à te donner du plaisir… jamais je ne t’aurais laissé partir sans t’avoir fait jouir… ça aurait pris le temps que ça aurait pris, mais tu aurais eu ton premier orgasme de mec, c’est moi qui te le dis ! ».

    « T’es mignon, Nico… ».

    « Toi aussi, Jérém… ».

    « Ça m’avait trop sapé le moral… pourtant, j’ai raconté à tous mes potes que c’était génial… après ça, j’ai commencé à imposer mes règles avec les nanas… on baise et tchao… et je me suis bien rattrapé depuis… si j’ai enchaîné les nanas, c’était aussi pour oublier cet échec… mais je crois que c’est avec toi que j’ai vraiment oublié… ».

    Soudainement, je me rends compte que quelque chose est en train de se passer sous les draps : la queue de mon bobrun se dresse peu à peu. Je porte ma main dessus et je commence à la caresser. Nos regards se croisent.

    « J’ai envie de toi… » il me chuchote à l’oreille.

    « Tu as envie de quoi ? ».

    « J’ai envie de te faire l’amour… » il me chuchote tout près de l’oreille, en laissant son souffle chaud et chargé de testostérone glisser sur mon oreille et exciter tout mon être.

    « J’en ai envie aussi… ».

    « J’ai envie de gicler dans ton magnifique petit cul… ».

    J’adore l’image, et j’adore sa façon de formuler. Ce mec me rend dingue.

    « Mais fais-toi plaisir… j’en ai trop envie aussi… ».

    Depuis deux jours, depuis nos retrouvailles, l’amour avec Jérém est intense et doux à la fois : le sentir prendre son pied en moi, avec moi, c’est la sensation la plus incroyable que je n’aie jamais ressentie ; le voir, le sentir jouir en moi, c’est l’apothéose ; et jouir en même temps que lui, parce que sa main m’a branlé avec un timing parfait, c’est indescriptible.

    Après l’amour, nous nous endormons l’un dans les bras de l’autre, repus, heureux.

     

    Lorsque nous nous émergeons, Jérém se dégage doucement de notre étreinte, me fait un bisou, il se lève et remet du bois dans la cheminée. Il passe son t-shirt blanc et il allume une cigarette qu’il fume au coin du feu. Je ne me lasse pas de le regarder, de tenter de capter chaque infime parcelle de sa beauté, de sa virilité, de sa douceur, de son existence. Chaque instant passé à côté de lui est un cadeau du ciel.

    « On mange quoi ce soir ? » fait le bogoss de but en blanc.

    « T’as déjà faim ? ».

    « Oui… ».

    « Mais il n’est que quatre heures… ».

    « Il faut qu’on aille faire des courses… ».

    « Il faut qu’on aille faire des courses… » : voilà une phrase, encore une, que je n’aurais jamais cru entendre un jour de la bouche de mon Jérém ; une phrase en apparence anodine, mais qui contient pour moi tant de significations, d’images, d’espoirs et de bonheur. Car, même si j’imagine bien que nous n’irons pas faire les courses main dans la main, c’est bon de penser que Jérém est prêt à se montrer en public avec moi. Et l’idée de la balade à cheval du lendemain avec ses potes de la montagne se charge d’autant de significations, et elle me rend encore plus heureux.

    Vraiment, ce mec ne cesse de me surprendre, de m’impressionner ; j’aimerais tellement trouver le moyen de l’impressionner à mon tour. Certes, j’en oublie à quel point le fait d’aller le rejoindre à Campan a pu toucher mon bobrun : mais je voudrais lui montrer quelque chose auquel il ne s’attend vraiment pas.

    Pendant que je m’habille, une idée s’affiche soudainement dans mon esprit, une idée pour « en mettre plein la vue » à mon bobrun. L’idée consiste en un plat que je connais bien et que j’ai fait assez souvent avec maman : voilà, c’est ça qu’on va manger ce soir. Je suis certain qu’il va aimer.

    « T’as des pommes de terre ? ».

    « Pour quoi faire ? ».

    « Un truc à manger… ».

    « Quel truc ? ».

    « T’inquiète… tu as des pommes de terre, oui ou non ? ».

    « Oui… oui… oui ! T’excites pas ! ».

    « De la farine ? ».

    « Aussi… ».

    « Des œufs ? ».

    « Non, des œufs, je n’en ai pas… ».

    « Il faudra aussi du beurre, du fromage râpé et de la sauce tomate… ».

    « Tu veux faire quoi ? ».

    « Des gnocchis… ».

    « Ah bonne idée… tu sais faire ça ? ».

    « Oui, je crois… ».

    Jérém fait la moue, en forçant le trait, comme un gosse, et il est à craquer.

    « Tu me fais confiance ? ».

    « Est-ce que j’ai le choix ? ».

    « Non… ».

    Notre complicité me remplit de bonheur. Oui, les choses les plus banales de la vie deviennent de suite magnifiques dès lors qu'elles sont partagées par deux personnes qui s'aiment.

    Nous descendons au village dans la 205 rouge de Jérém. Quel bonheur de retrouver sa voiture, de retrouver Jérém au volant, de voir son sourire, de sentir son regard doux et amoureux se poser sur moi. Et quel bonheur d’aller faire les courses avec mon Jérém, alors que mon corps vibre toujours de l’écho de ses coups de reins, que je suis rempli de son jus, et ivre de son amour.

    La superette est située à côté de la mairie, dans un petit espace pas plus grand que la petite maison de Jérém. Nous rentrons et mon bobrun fait la bise à la vendeuse, une dame blonde d’une cinquantaine d’années au grand sourire, et qui m’inspire de suite un élan de sympathie.

    « Salut bogoss » elle s’adresse à mon Jérém, tout en le serrant dans ses bras « tu vas bien ? ».

    « Bien bien et toi ? Lui c’est Nico, un pote du lycée… ».

    « Bonjour Nico… ».

    « Au fait… t’as vu que je t’ai laissé du pain ce matin ? ».

    Ah, c’est donc elle qui s’est pointée ce matin à la maison en pierre, pendant que nous faisions l’amour.

    « Oui, j’ai vu… ».

    « T’étais pas à la maison… ».

    « Si… je dormais encore… ».

    « Ah, ces jeunes… ».

    Jérém continue les présentations.

    « Martine est aussi cavalière… au fait, demain tu viens faire la balade avec nous ? ».

    La nana a une voix étonnante, qui tape dans les aigus et dans les graves, sans grand-chose entre les deux. « Si Jean-Pierre veut bien me remplacer… ».

    « Tu te casses et il sera bien obligé de tenir la boutique… ».

    « Tu sais, il est capable de la laisser fermée… ou de la laisser ouverte sans personne à la caisse… » elle le marre, avec un rire sonore, musical et contagieux.

    « Allez, tu vas bien pouvoir te libérer… il va y avoir presque tous les cavaliers de l’ABCR… en plus, je compte sur toi et Charlène pour briefer Nico… ».

    « Il monte aussi ? ».

    « Oui, je lui donne Téquila… ».

    « T’as déjà fait du cheval ? » elle me demande.

    « Non, jamais… ».

    « Et toi t’es sûr que tu veux le faire randonner avec une vingtaine de cavaliers pour sa première balade ? » elle interpelle Jérém.

    « On fera attention… on restera derrière… avec Téquila, il ne risque rien… ».

    « C’est vrai que cette jument est plus proche du cheval à bascule que d’un pur-sang… ».

    « T’exagères… ».

    « A peine… ».

    Une cliente arrive en caisse pour payer. Je reconnais cette dame. C’est la même grosse dame qui a traversé la halle la veille, en faisant de gros yeux, pendant que nous nous embrassions. La dame aussi nous a reconnus : je surprends son regard sur moi, avant qu’il ne glisse ailleurs, dès que le mien se pose sur elle.

    « Allez, on va faire quelques courses… » fait Jérém « rendez-vous demain matin à 9h00 chez Charlène… sans faute ! ».

    « Oui, je pense que j’y serais… » elle conclut avec son sourire contagieux.

    Jérém avance dans la rangée d’étalages. Lorsque nous sommes à bonne distance, il me demande :

    « C’est pas la dame qui nous a vus hier sous la halle ? ».

    Jérém a l’air un brin inquiet.

    « Oui, je crois… tu crois qu’elle va kafter avec ta copine ? ».

    « Je n’en sais rien… » fait-il, tout en regardant la grosse dame en caisse « j’espère qu’elle va s’occuper de ses oignons… ».

    Non, Jérém n’est pas encore prêt à assumer notre bonheur au grand jour. Même si je suis un brin déçu, je me dis que ce que l’on est en train de vivre est déjà énorme, et que les choses se feront avec le temps. Et puis, est-ce que je suis moi-même prêt à assumer mon bonheur avec lui au grand jour ?

    Et puis, même si nous avons été un brin imprudents hier sous la halle, c’est à nous de décider quand, comment, et avec qui nous nous afficherons. Le vol de coming out est parmi les vols les plus insupportables.

    Mais déjà la grosse dame quitte la superette, accompagnée par les gestes, les mots et les rires bienveillants de Martine.

    La superette ne comporte que deux allées, il ne nous faut pas plus de deux minutes pour trouver ce dont nous avons besoin ; dans l’angle mort entre les deux allées, Jérém me passe la main dans les cheveux, et je fonds.

    Lorsque nous revenons en caisse, Martine est en train de discuter de façon animée et bruyante avec une dame autre femme un peu enrobée, avec les cheveux mi longs, en bouclettes, d’une couleur indéfinie entre un blond qui n’est plus et un gris qui n’est pas encore. La dame porte un pantalon de cheval, des boots et un pull ample, qui un jour lointain a certainement dû être neuf. La dame a un rire encore plus sonore que celui de Martine, et les deux semblent très copines, très complices.

    La nouvelle venue est de dos par rapport à nous, et son gabarit nous cache de la vue de Martine ; ce qui fait que nous pouvons approcher de la caisse sans être aperçus jusqu’à la dernière minute. Et là, à ma grande surprise, je vois mon Jérém aller chatouiller le cou de la dame inconnue. Cette dernière se retourne, surprise, mais amusée : et lorsqu’elle réalise qu’il s’agit de Jérém, elle lâche un :

    « Petit con ! » bien claquant, avant de le prendre dans ses bras et de lui claquer deux bises bien sonores.

    Lorsqu’il arrive à se dégager de son étreinte, Jérém fait les présentations.

    « Voilà Charlène… Charlène c’est ma copine, ma sœur, ma mère, et parfois même ma grand-mère… ».

    « Petit con, va ! » fait elle, tout en rigolant.

    « Nous avons parlé de notre reine Charlène et elle est venue à nous… » se moque Martine.

    « Lui c’est Nico, un camarade du lycée… ».

    « Salut, Nico… » elle me salue, en me claquant deux bises bien sonores.

    « Je lui ai proposé de venir à la balade demain… je vais lui filer Téquila, et je lui ai dit que tu veillerais sur lui… ».

    « T’es gentil, mais j’ai déjà du mal à veiller sur moi-même… » elle se marre.

    « Elle est en état de randonner, Téquila ? Elle n’est pas trop grasse ? ».

    « Ben, elle n’est pas maigre… t’as qu’à passer la voir tout à l’heure… ».

    « Ok, on vient maintenant… dépêche-toi de faire les courses au lieu de piailler avec Martine… ».

    « Eh, on piaille tant qu’on veut ! » fait cette dernière, du tac au tac.

    « Qui c’est qui a fait le tracé de la rando ? » demande Jérém.

    « C’est Loïc… » fait Charlène.

    « Au fait, il va venir faire la rando avec Sylvain ? » demande Martine à Charlène.

    « Je crois, oui… ».

    « Et Florian est au courant ? ».

    « Je pense… ».

    « Il ne doit pas vraiment vivre bien tout ça… ».

    « Je ne crois pas, non… ».

    « T’as de ses nouvelles ? ».

    « Pas vraiment… il faudrait que je l’appelle… ».

    « Quand je pense comment ils étaient bien ensemble, ces deux-là… ».

    « Tu sais, c’est comme dans toutes les couples… si on ne prend pas garde, la flamme s’éteint d’une part ou d’autre… et aussi, vivre ensemble et travailler ensemble, c’est pas évident… c’est exactement comme pour les couples homme femme… ».

    « Je ne peux pas m’empêcher de penser que si Sylvain n’avait pas été dans le tableau, Loïc et Florian auraient trouvé le moyen de surmonter leur crise et ils seraient peut-être encore ensemble… ».

    « Je le pense aussi… le problème des « si », c’est qu’on ne pourra jamais savoir… » conclut Charlène.

    « Allez, on va y aller… » décrète Jérém, l’air soudainement impatient de partir.

    Avant de payer, il achète également des chewing-gum ; il m’en propose un, et il en gobe un deuxième, qu’il commence à mâcher d’une façon très sexy, avec des mouvements de mâchoire lents et bien virils.

    La route qui mène à la pension de Charlène est bordée par des clôtures en ruban blanc délimitant des paddocks en pente, enfermant chacun un à deux chevaux aux robes de couleurs différentes. Jérém est tout excité à l’idée de retrouver son « Unico ».

    « Tu connais les gars dont elles parlaient ? » je ne peux m’empêcher de lui demander.

    « Pas plus que ça… ils sont arrivés dans la région il y a trois ans, je crois, et les dernières années je ne suis pas venu souvent randonner avec l’asso… et comme eux non plus ils ne randonnent pas toujours, on a du se croiser une ou deux fois max… ».

    « J’ai bien compris ? Loïc et Florian étaient ensemble et Loïc vient de quitter Florian pour se maquer avec ce Sylvain ? ».

    « Il paraît… Charlène m’en a parlé l’autre jour quand je suis arrivé… ».

    Jérém semble mal à l’aise vis-à-vis de cette histoire, il semble gêné. Je voudrais savoir ce qu’il ressent, ce qu’il pense d’un couple de mecs qui ose vivre ensemble, travailler ensemble, s’afficher au grand jour. Je voudrais savoir s’il est prêt – ou s’il sera prêt un jour – à assumer notre relation en dehors de l’intimité. Mais je n’ose pas.

    Dix minutes plus tard, nous arrivons à un corps de ferme sommairement entretenu au niveau du bâti, mais entouré d’un joli jardin fleuri. Nous contournons la maison et nous nous garons devant une clôture en bois ; Jérém trace vers les prés et faisant fi de la boue, de plus en plus impatient de faire de nouvelles présentations.

    « Voilà le plus beau cheval du monde, mon « Unico »… comme son nom l’indique, il n’y en a pas un autre comme lui… ».

    L’étalon Unico est en effet une très belle bête : il est brun, très brun ; il fait une bonne taille, il est musclé, il a le regard intense, il a fière allure, il dégage de la puissance, de la jeunesse, du sang chaud : bref, il est parfaitement raccord avec son cavalier.

    « Ce cheval est comme toi… il est unique… » je considère.

    « C’est toi qui es unique, Nico… d’ailleurs… il s’appelle presque comme toi… Nico… Unico… Nico… U-Nico… ».

    « Comme ça tu penseras à moi à chaque fois que tu le monteras… ».

    « J’ai pensé à toi à chaque fois que je l’ai monté depuis que je suis ici… » fait Jérém tout bas, alors que Charlène approche.

    Merci Unico d’avoir contribué au fait que Jérém pense à moi.

    « T’as vu Téquila ? » fait-elle.

    « Non, on va la voir maintenant… ».

    Nous nous déplaçons le long de la clôture, jusqu’à un enclos enfermant un cheval à la robe brune.

    « Voilà, Nico, je te présente Téquila… c’est elle qui va te porter demain… ».

    Téquila est une jument… en forme de barrique. C’est un animal qui a des formes généreuses. Elle est plutôt trapue, elle a un ventre assez impressionnant, mais elle respire le calme, sa présence est rassurante. Difficile d’imaginer que l’étalon puissant quelques paddocks plus loin est son rejeton. Téquila approche du fil électrifié et vient me caresser l’épaule avec son gros museau. Elle a l’air toute gentille et je la caresse à mon tour.

    « Ça y est, elle t’a adopté… » fait Jérém.

    Je lui souris, assez fier de moi.

    « Alors, qu’est-ce que t’en penses ? » l’interroge Charlène.

    « Je pense que papi a choisi le bon étalon pour la faire pouliner… ».

    « Ah oui, c’était pas gagné… mais elle t’a fait un superbe poulain… ».

    « C’est un étalon désormais… ».

    « C’est vrai… alors, tu penses qu’elle va pouvoir randonner ? ».

    « Oui, elle est bien enrobée, mais ça va aller… les pieds sont en état… ».

    Charlène nous propose un thé. Dans la grande cuisine au papier peint suranné et au plafond noirci, il y a de tout, partout : les toiles d’araignées sont tellement développées qu’on dirait des guirlandes ; sur la grande table, il y a toute sorte de bouquins, des harnachements de cheval, du courrier en vrac, une gamelle avec des croquettes pour chats. Bref, l’intérieur de la maison est à l’image de l’extérieur, il semble témoigner de la nature profonde de sa propriétaire, une nature qui privilégie le vivant plutôt que le ménage.

    Charlène sort une lourde théière en fonte dans laquelle elle fait longuement infuser des feuilles de thé. C’est la première fois que je fais l’expérience d’un « vrai thé », boisson que, sur conseil de Charlène elle-même, j’édulcore non pas avec du sucre mais avec une petite cuillère de miel : et il faut bien admettre que ça n’a pas du tout le même goût que le thé en sachet. C’est même très bon !

    Jérém et Charlène discutent de la randonnée du lendemain, de leurs potes cavaliers, de chevaux ; leurs discussions me plongent dans un monde inconnu structuré autour de l’équidé. Le simple fait de découvrir Jérém dans ce nouveau décor, me fait vibrer. Je suis impatient d’être à demain pour découvrir de plus près cette communauté à part, réunie autour d’une passion commune.

    Charlène est une dame joviale, mais au regard vif et pénétrant ; au fil des échanges avec Jérém, je me fais d’elle l’idée d’une nana à l’esprit très jeune, très rigolote, et d’une profonde gentillesse. Je me rends compte également de son rapport privilégié et de sa complicité avec mon bobrun, ainsi que de son extrême bienveillance vis-à-vis de ce gars qu’elle a vu grandir.

    Je me dis que l’amour que Charlène témoigne à mon Jérém est une très bonne chose, tout comme l’est le fait que cette nana, tout autant que sa copine Martine, n’a aucun problème avec l’homosexualité ; je me dis que, entouré par cet environnement bienveillant, mon bobrun pourrait enfin commencer à assumer qui il est. Car, j’en suis certain, ni Charlène di Martine ne le rejetteraient pas si elle « savaient ». Le tout c’est que Jérém comprenne cela. Et apparemment, ce n’est pas encore tout à fait le cas.

    « On va te laisser, Charlène… on va chercher du fromage chez Benjamin… ».

    « Tu lui passeras le bonjour de ma part… ».

    Me revoilà dans la voiture de Jéré, nous voilà repartis sur une petite route de montagne.

    « Fais un bisou… » me lance le bobrun, en tournant son visage vers moi, lors d’une rare ligne droite.

    Je lui claque un bisou sur les lèvres et il me sourit. Il est indiciblement beau et adorable.

    « Elle est sympa Charlène… » je lance.

    « Je te l’avais dit… je l’adore… ».

    « Elle aussi elle t’aime beaucoup… ».

    « Elle est géniale… ».

    Nous arrivons dans une autre ferme, bien mieux entretenue que celle de Charlène. Un grand panneau coloré indique : Vente de fromage à la ferme.

    Un gars vient nous accueillir. Le mec doit avoir une trentaine d’année, et il est plutôt gaillard : je mettrais ma main à couper que sous ses fringues – un pull à capuche enveloppant un torse massif, un pantalon de travail moulant un fessier rebondi – se cache un joli physique de rugbyman. Le mec arbore une barbe bien fournie, brune avec des reflets rouquins.

    Tout chez ce mec respire la solidité, la puissance, la virilité. Dans son regard, cette flamme que seuls possèdent certains gars de la montagne, une flamme qui est un mélange de caractère, de volonté, d’authenticité, d’attachement à la terre, de pudeur et de fierté. Et de solitude. C’est le charme du terroir, le charme AOC.

    Jérém fait les présentations. La poignée du gars me surprend, elle est franche, puissante, sa main est une paluche aussi impressionnante que celle de Thibault ; son regard aussi me surprend, il accroche le mien, s’enfonce dedans, comme s’il arrivait à lire en moi. C’est assez troublant. Et en plus le gars a un bon accent du coin, ce qui rajoute du craquant au charme.

    « Toujours au taf ? » se moque Jérém.

    « M’en parle pas… depuis que je livre en grande surface, je n’arrête plus… ».

    « Ça se passe bien ? ».

    « Travailler avec la grande distri, c’est un calvaire… ».

    « Pourquoi, ça ? ».

    « Parce qu’ils ont des voyous au service achat qui passent leur temps à étudier comment grapiller le moindre centime, comment retarder les paiements… ».

    « Et tu ne peux gueuler un bon coup ? ».

    « Gueuler, c’est se faire déréférencer, disparaître des rayons du jour au lendemain… ».

    « Pas simple tout ça… ».

    « Bon, même si le rapport de force est déséquilibré, j’arrive quand-même à écouler une bonne partie des yaourts et des fromages avec mon étiquette à moi… c’est un marché de niche sur des produits de qualité, ce qui me met en partie à l’abri de leurs promos à la con… ».

    « Toujours le prix le plus bas… ».

    « Le prix le plus bas ne veut rien dire… en général, derrière un prix bas, il y a un producteur ou une filière entière qui souffre… il faudrait un prix juste, et un prix juste est celui qui garantit un partage équitable de la valeur ajoutée du produit du producteur au détaillant… quand il y a des promos, la plupart du temps c’est le producteur qui assume le coût de la promo et la grande surface qui se fait mousser… bon assez parlé du taf… vous restez pour l’apéro ? ».

    « Non, c’est sympa mais on va te laisser bosser… en revanche, s’il te reste du fromage… Nico a trouvé qu’il est à tomber… ».

    « Venez avec moi… ».

    Le bomâle barbu nous fait visiter la cave d’affinage. Dès qu’il ouvre la porte, je suis percuté de plein fouet par un intense bouquet d’odeurs de moisissures nobles, d’arômes ronds, onctueux : un bouquet entêtant de fromage en train de reposer et de bien vieillir.

    De centaines de petites meules à la croûte grise-marron sont disposées, rangées au cordeau, sur des lattes en bois fixées sur des étalages : cette pièce respire la rigueur, l’amour pour le travail bien fait, le produit de qualité, une qualité qui découle avant tout de la passion pour le métier.

    « C’est vraiment bien ce que vous avez fait, cette cave est magnifique… ».

    « Merci… la transformation de la cave m’a donné beaucoup de travail, mais j’en suis content… ».

    « Tu peux, mon pote… » fait Jérém, et tapotant affectueusement l’épaule du gars.

    « Je suis sûr qu’un jour tu feras la même chose avec la cave viticole de ton père… ».

    « Non, je ne crois pas… nous ne nous parlons même plus… ».

    « Amuse-toi à Paris, autant que tu peux… mais je pense qu’un jour t’auras envie de rentrer chez toi… ».

    « Ça m’étonnerait vraiment… je pense qu’il y a plus de chances que ce soit Maxime qui reprenne… ».

    « Celui-ci il a deux mois… » enchaîne le bobarbu, tout en saisissant une tomme « c’est mon produit phare, il a un goût de noisette très prononcé, ça se mange sans faim… » ; puis, en nous indiquant l’étagère juste à côté, il continue : « sinon, celui-ci il est un peu plus vieux, il a 4-6 mois… il a un goût plus prononcé, qui tient davantage en bouche… il faut impérativement l’accompagner d’un verre de Saint Mont… ».

    « Je crois que Nico préfère le plus affiné… même s’il l’accompagne avec du Jurançon… ».

    « Essaie avec le Saint Mont, tu verras… » fait Benjamin en se saisissant d’un fromage et en s’acheminant vers la sortie.

    La petite meule atterrit sur un billot en bois et le gars en coupe deux bons quartiers. Il nous en file deux fines tranches pour dégustation. Dès que la pâte bien ferme et onctueuse rentre en contact avec mes papilles, elle déclenche illico une sorte d’orgasme gustatif. Ah putain, qu’est-ce que c’est bon !

    « Vous êtes sûrs que vous n’avez pas le temps pour l’apéro ? ».

    « Il faut que j’aille à Bagnères pour écouter si j’ai des messages… j’attends un coup de fil de Paris… ».

    « Ah, oui, c’est vrai que t’es devenu une vedette… » se moque gentiment Benjamin.

    « Pas encore… mais ça ne saurait tarder… ».

    « J’ai toujours su que tu serais pro un jour… ».

    « J’ai eu de la chance… ».

    « La chance ça n’a rien à voir… tu es un bon, Jé… c’est tout… ».

    « Allez, dis-moi combien je te dois… ».

    « Rien du tout… ».

    « Ne déconne pas… ».

    « Tu me trouveras des tickets pour tes matchs… ».

    « Promis… ».

    « Et ton pote Thibault va bien ? Il doit être super content d’avoir été recruté par le Stade… ».

    « Il est content, oui… ».

    « Et il en pense quoi de la nouvelle direction ? ».

    « Tu sais, depuis nos recrutements, on a eu du pain sur la planche… entre mes déplacements à Paris et ses entraînements, on ne s’est pas trop vus dernièrement… et après, il y a eu mon accident… ».

    « Ah, quel con, je te jure… tu te fais recruter par un club pro de la capitale et tu te bats la veille de ton départ… ».

    « J’avais un peu trop bu et je suis tombé sur un connard… ».

    « Fais gaffe à toi, Jé… ».

     

    « Benjamin est vraiment un bon gars… » me lance Jérém dans la voiture.

    « D’une certaine façon, il me fait penser à Thibault… » je ne peux m’empêcher de commenter.

    « C’est pas faux… ».

    Je me demande toujours comment on va pouvoir aborder le sujet Thibault et même si c’est une bonne chose de l’aborder. Je sais que j’ai besoin de le faire, mais j’ai peur de le faire.

    Nous arrivons à Bagnères, Jérém se gare au centre-ville et sort de la voiture pour fumer et écouter ses messages. Je le vois discuter et rigoler au téléphone : il est beau, beau, beau. Et il est à moi. Je n’arrive toujours pas à la croire. Il revient quelques minutes plus tard, le visage illuminé d’un sourire attendri et attendrissant.

    « T’as le bonjour de mon frérot… ».

    « Ah, merci… tu lui passeras le bonjour de ma part… »

    « Il était content quand je lui ai dit que t’étais là… ».

    « C’est vrai ? ».

    « Oui, c’est vrai… il m’a même dit de te dire de me tenir à l’œil pour m’empêcher de faire des conneries… ».

    « Ton frérot est vraiment adorable… ».

    « Il est incroyable… ».

    « Alors, t’avais des nouvelles de Paris ? ».

    « Non, rien pour l’instant… ».

    De retour à la maison après les courses, nous épluchons les pommes de terre et nous les mettons à cuire dans une casserole remplie d’eau, sur la gazinière à bois que Jérém vient d’allumer.

    Puis, nous nous allongeons sur le lit, devant le feu que Jérém vient de raviver, et nous nous embrassons fougueusement, longuement, inlassablement.

    Je suis insatiable du contact avec sa bouche, avec son corps, avec ses mains qui me caressent doucement, avec sa peau et ses cheveux que mes mains caressent fébrilement ; et mon bobrun semble tout aussi insatiable que moi.

    Tout en continuant à lui rouler des pelles à la pelle, je dégrafe le zip de son pull à capuche gris, je fais basculer les deux pans derrière ses épaules, je fais glisser les manches le long de ses bras ; son t-shirt blanc se dévoile, avec ces manchettes tendues qui calibrent ses biceps, avec ce tissu immaculé qui jauge le relief de ses pecs.

    Son sourire est à la fois doux et canaille lorsque je glisse mes mains entre le coton doux du t-shirt et sa peau tiède, pour aller exciter ses tétons : il devient coquin et un rien lubrique au fur et à mesure que l’excitation fait pétiller ses sens.

    Puis, c’est à son tour d’enlever mon pull, de passer sa main sur mon t-shirt, de narguer mes tétons à travers le coton. Je frissonne.

    « J’ai le droit ? » il me lance, taquin.

    « Je ne sais pas… ».

     « Et ça, j’ai le droit ? » fait le bogoss, tout en glissant sa main sous mon t-shirt, et en remontant lentement, sensuellement, ses doigts le long de mon torse.

    « Je ne sais vraiment pas… ».

    « J’ai toujours pas le droit ? » il me cherche, alors que ses doigts pincent doucement l’un de mes tétons.

    « Peut-être que oui… ».

    « Et, là… j’ai le droit ? » fait-il, le regard de plus en plus lubrique, tout en remontant mon t-shirt, en léchant et mordillant mes tétons à tour de rôle.

    « C’est pas un droit, c’est une obligation ! ».

    Un instant plus tard, Jérém dégrafe ma ceinture, il ouvre ma braguette.

    « Et là, je peux y aller ? » fait-il, coquin, tout en glissant sa main entre les pans ouverts de mon pantalon et en caressant ma queue par-dessus le boxer tendu par l’érection.

    « Oh, que oui… ».

    Je suis aux anges, les anges du bonheur sensuel et sexuel.

    Puis, sa main glisse dans mon boxer, elle saisit ma queue ; mon Jérém me branle, tout en m’embrassant, et en agaçant mes tétons avec le bout de ses doigts.

    Lorsque ses lèvres quittent les miennes, elles atterrissent directement sur ma queue, qu’il commence à pomper avec un bon entrain. Je regarde son torse musclé s’affairer dans des mouvements de va-et-vient, et je n’arrive toujours pas à croire que ce gars qui est en train de me sucer et le même gars qu’il n’y a pas si longtemps de ça n’assumait même pas son rôle de mâle actif et dominant dans notre relation ; alors, à fortiori, jamais je n’aurais cru il se lancerait un jour dans ce genre de plaisir.

    Quand on est passif, le plus grand bonheur sexuel auquel on aspire, est celui de faire, voir, entendre, sentir jouir un mec actif ; mais dès lors qu’on est amené à changer de rôle, comme quand on se fait sucer, les envies peuvent changer rapidement de signe. Ce qui est bon dans le fait d’être homo, c’est cette richesse de désirs, d’envies, de plaisirs.

    Pendant que Jérém me suce, je me surprends à envisager quelque chose de complètement fou, à me demander si un jour il aura envie d’essayer de me laisser lui faire l’amour…

    Mais ce n’est qu’un flash, un éclair qui s’éteint dès que ses lèvres quittent ma queue ; car, dès l’instant où je vois mon beau mâle debout à côté du lit, lorsque je le vois ôter son jeans, son boxer, et son t-shirt blanc (qu’il aurait pu garder, tellement je trouve cette tenue bandante) ; lorsque je le vois dégainer sa queue bien tendue, et sa main commencer à la branler lentement ; lorsque je contemple son torse musclé onduler sous l’effet d’une respiration excitée ; lorsque je croise son regard enflammé d’envies de mâle, voilà, je capitule : en une fraction de seconde, mes envies changent à nouveau de signe, et je redeviens le gars qui a envie de me soumettre à la virilité puissante d’un mâle appelé Jérémie.

    La simple attitude de mon bomâle suffit pour me faire comprendre ce dont il a envie : un instant plus tard, je suis sur le ventre, les jambes écartées ; je m’offre à lui, frémissant d’envie d’être possédé : prends-moi, Jérém, fais-moi l’amour, fais-toi plaisir, remplis-moi, féconde-moi !

    Ses mains saisissent fermement mes fesses, les écartent : mais alors que je m’attends à me sentir transpercé par son manche tendu, c’est sa langue audacieuse, entreprenante et sans pudeur qui s’attaque au bonheur de ma rondelle. Ce soir, Jérém a décidé de me rendre dingue. Jérém me bouffe le cul et je sens ma queue se raidir à un point inimaginable, je sens mon corps embrasé par une flamme d’excitation ravageuse.

    « C’est trop bon… Jérém… tu vas me rendre fou… ».

    Le bogoss plonge son visage un peu plus loin encore entre mes fesses. Je gémis, je pleure presque de plaisir.

    Lorsque sa langue se retire, sa queue glisse lentement en moi, et je suis le plus heureux des gars. Pendant un long moment, Jérém me fait jouir avec ses coups de reins, il me fait bien profiter de sa puissance de mâle, il me fait sentir à lui comme toujours (et un peu plus encore). Puis, il me remplit une nouvelle fois de sa semence.

    Qu’est-ce que j’aime, après avoir fait l’amour avec mon Jérém, lécher délicatement et longuement ses couilles, comme pour rendre hommage à sa virilité ; astiquer doucement sa queue, comme pour le remercier du plaisir qu’il m’a offert ; recueillir la moindre trace de son sperme autour de son gland, pour m’enivrer un peu plus de sa puissance sexuelle ; puis, me blottir contre lui, et lui chuchoter à quel point il est bon au lit, à quel point il m’a fait jouir, pour conforter son ego de mec.

    Et ce que j’aime par-dessus tout, c’est de prolonger un peu plus son plaisir, sentir sa respiration s’apaiser peu à peu, le voir kiffer mes caresses et mes mots, jusqu’à lui faire oublier la cigarette obligatoire après l’amour.

    Le temps de récupérer de son orgasme, le bogoss revient me sucer, avec l’intention manifeste de me faire jouir à mon tour. Je suis tellement chauffé par le plaisir qu’il vient de m’offrir que je me sens comme une allumette que le moindre frottement pourrait embraser.

    Il ne faut pas longtemps en effet pour que je perde pied.

    « Je vais jouir… » je le préviens.

    Mais le bogoss continue dans sa lancée. Un instant plus tard, je jouis. Jérém me laisse jouir dans sa bouche et il recrache sur ma queue. Et c’est terriblement bon.

    Jérém me passe du sopalin et remet une bûche dans la cheminée.

    « Alors, on les fait ces gnocchis ? ».

    « Avec plaisir… ».

    Nous nous installons sur la table en bois massif à côté du garde-manger et, sur ma suggestion, nous nous attelons à la tâche avec méthode. Jérém écrase les pommes de terre, je les mélange avec la farine, le beurre et les œufs. Pendant que je pétris la pâte, je surprends le regard de Jérém sur moi, comme une caresse, comme rempli de tendresse : c’est un regard que je ne lui ai encore jamais vu, un regard que personne n’a jamais encore posé sur moi : car c’est un regard surpris, saisi, admiratif. Qu’est-ce que c’est bon de se sentir ce genre de regard sur soi, et qui plus est venant du gars qu’on aime ! Ça fait un bien fou !

    Je lui demande un bisou, qu’il m’offre avec un plaisir non dissimulé. Si mes doigts n’étaient pas collants de pâte à l’œuf, je le prendrais dans mes bras et je le couvrirais de bisous.

    Mon pâton est enfin prêt et je commence à le découper ; j’en fais de petits morceaux que je passe à mon Jérém, pour qu’il les roule et qu’il en fasse de petites « saucisses », prêtes pour l’étape suivante. Etape dont je me charge, et qui consiste à redécouper les « saucisses » pour en faire des gnocchis.

    Pour éviter que la pâte ne colle, la table en bois est saupoudrée de farine ; je saupoudre également les gnocchis après découpe : bref, il y a de la farine partout.

    Je regarde mon Jérém en t-shirt blanc en train de rouler les « saucisses » à gnocchis ; on dirait un boulanger en train de préparer son pain ou un pizzaiolo en train d’étaler sa pâte ; il a de la farine sur les mains, sur le visage, même sur les cheveux : il est sexy à mourir.

    « Qu’est-ce qu’il y a ? » il me demande, lorsqu’il capte mon regard collé sur lui.

    « T’as de la farine jusqu’au bout des cheveux… » je me marre.

    « Et ça te fait rire… ».

    « Un peu j’avoue… mais t’es tellement beau… ».

    « Toi aussi tu vas être beau… ».

    Et, ce disant, il me balance une pincée de farine dans le cou.

    « T’es qu’un petit con… ».

    « C’est pour ça que tu me kiffes… ».

    « C’est pas faux… alors, toi aussi tu vas me kiffer… ».

    Et ce disant, je lui balance un gnocchi à la figure.

    Et là, le bogoss lâche instantanément ce qu’il était en train de faire, il saisit mes avant-bras avec ses mains pleines de farine, il m’attire contre lui et me roule une pelle magistrale ; ses avant-bras à lui atterrissent sur mes épaules, ses mains dans mon dos : après une petite réticence, je me laisse complètement aller. Et voilà que mes mains à moi, tout aussi enfarinées que les siennes, cherchent le contact avec la solidité de son dos.

    Une fois de plus, je me rends compte à quel point c’est apaisant d’oublier les conditionnements, oublier de faire gaffe de ne pas se salir. Tant pis pour ma peau, ça se douchera ; tant pis pour mon t-shirt bleu, ça se lavera !

    Les gnocchis, c’est un travail d’équipe, c’est ludique ; nous faisons les cons, nous rigolons comme des gosses. Il ne reste qu’à les plonger dans de l’eau bouillante, attendre qu’ils remontent à la surface, les récupérer, en disposer une première couche dans un plat à four, mettre de la sauce tomate et du râpé, refaire une deuxième et une troisième couche ; là encore, je surprends le regard de Jérém sur moi, avec cette étincelle enthousiaste, bienveillante et admirative. Ce regard est tellement loin du regard méprisant qu’il me réservait lors de nos premières révisions, tout comme ce Jérém est tellement différent de celui qui n’avait aucun état d’âme pour me dire de me tirer après m’avoir baisé.

    Nous laissons gratiner pendant quelques minutes dans le four de la gazinière, tout en prenant un apéritif-câlins.

    « Ils sont super bons… » fait Jérém, après en avoir avalé deux bonnes fourchettes.

    « Ça me fait plaisir que tu aimes… ».

    « Tu es vraiment surprenant… j’aime les gens surprenants… ».

    Voir mon Jérém impressionné par mes gnocchis, tout comme je l’ai été de sa pizza, ça n’a pas de prix.

    « Merci… »

    « T’es vraiment un putain de mec, toi… ».

    Partager un repas en tête à tête avec mon Jérém, dans la pénombre crépitante et accueillante de cette maison au milieu de nulle part, c’est un exercice qui me rend fou de joie.

    Nous terminons notre dîner en nous remémorant certains moments du lycée, certains camarades, certains profs. Qu’est-ce que j’aime discuter avec mon Jérém.

    Notre discussion se prolonge au lit, pendant plusieurs heures ; elle se prolonge jusqu’à ce que la proximité de nos corps éveille à nouveau nos sens, jusqu’à ce que le désir nous rattrape.

    Il doit être minuit lorsque nous nous retrouvons en position « tête-bêche », en train de nous offrir du plaisir réciproquement ; un plaisir qui se prolonge jusqu’à ce que Jérém se dégage de ce cercle de plaisir, pour s’allonger sur le lit, les bras pliés, les mains croisées entre sa tête et l’oreiller, les aisselles finement poilues bien en vue, sa pomme d'Adam se baladant nerveusement, trahissant son excitation, une étincelle bien coquine dans les yeux.

    « T’as envie de quoi ? » je lui demande.

    « Refais-moi ce truc que tu m'as fait une fois… ».

    « Quel truc ? ».

    « Ce truc que tu m’as fait un soir… tu te souviens ? ».

    « Je t’ai fait tellement de trucs… ».

    « Ce truc-là était vraiment dingue… tu m’as sucé, tu m’as branlé… tu me donnais envie de jouir, mais tu ne me laissais jamais venir… ».

    « Ah, oui, je vois… et alors, t’avais kiffé ? ».

    « Ah, putain, que oui… je crois que jamais je n’ai joui aussi fort de ma vie… ».

     
     

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    Samedi 8 septembre 2001

     

     

    Lorsque je me réveille, je suis seul dans le lit. Les premières sensations qui se pressent à mes sens avant même que j’ouvre les yeux, ce sont la chaleur douce, ainsi que l’odeur apaisante des draps ; le crépitement de la flamme dans la cheminée, l’odeur du bois qui brûle : un bouquet sensoriel rassurant, car il me confirme que les souvenirs de la veille qui remontent peu à peu en moi – l’amour, les câlins et la tendresse avec Jérém, ce nouveau, adorable Jérém – ne sont pas qu’un rêve, mais bien la réalité ; bref, un ensemble d’émotions provoquant en moi une sensation d’intense bonheur.

    J’ouvre enfin les yeux et la première image qui se présente à moi est celle de mon bobrun habillé seulement d’un boxer, son torse nu sculptural avec ses adorables et très sexy poils bruns laissés à leur destin, les cheveux en bataille totale, la cigarette pas allumée entre les lèvres, en train de remettre du bois dans la cheminée : une image qui est à mes yeux le plus magnifique des tableaux.

    J’ai envie de lui signaler que je suis réveillé, de lui dire bonjour, de lui donner l’occasion de venir me faire des bisous, des caresses, de me prendre dans ses bras musclés ; mais j’ai tout autant envie de profiter de la chance de pouvoir le regarder évoluer à son insu, de capter les gestes de mon Jérém au réveil.

    Alors, j’attends un peu pour les bisous. Je profite de la chaleur et de la protection des draps pour regarder mon Jérém s’étirer, geste qui a pour effet de rendre encore plus impressionnante sa musculature de dingue ; je le regarde arranger les morceaux de bois dans le foyer, provoquer les flammes ; je le regarde préparer le café dans une cafetière italienne, avant de la mettre à chauffer sur la plaque en fonte de la cheminée. Que des images de bonheur simple et émouvant.

    Une lumière intense rentre par l'une des petites fenêtres, je crois que la pluie a cessé et qu’il y a du soleil : les caprices de la météo de la montagne.

    Jérém passe un t-shirt blanc, il ouvre un peu la fenêtre et il allume enfin sa cigarette : sa façon de se tenir à proximité de la fenêtre, l’épaule appuyée au mur, le regard tourné vers l’extérieur, n’est pas sans me rappeler certains moments dans l’appart de la rue de la Colombette, certaines cigarettes après le sexe ; ses gestes, sa façon de fumer, la position nonchalante de son corps sont les mêmes ; et pourtant, ce n’est plus du tout le même Jérém.

    Je regarde mon bomâle brun et je repense à sa façon de me faire l’amour, à la fois douce et très chaude, à ses regards amoureux, à ses mots de la veille :« Je suis content que tu sois là… » ; je repense à ses baisers insatiables, et en particulier à ce premier baiser inattendu et bouleversant sous la halle de Campan. Si j’avais imaginé que Jérém serait un jour capable d’un tel geste !

    Mon Jérém, toujours aussi « mâle » dans sa façon de me faire vibrer sexuellement, tout en étant attentif à mon propre plaisir ; Jérém qui m’a fait l'amour et la baise en même temps.

    Après l'amour, les baisers, les câlins, une nuit ensemble, un nouveau jour se profile en compagnie de ce nouveau Jérém : et la perspective de passer les prochaines heures, les prochains jours avec lui, me remplit de bonheur. A cet instant précis, mon envie de lui atteint des sommets : une envie tout aussi bien de tendresse que de sensualité.

    Mais avant tout, j’ai besoin d’entendre sa voix, de sentir son regard se poser sur moi, de capter son beau sourire.

    « Bonjour ! » je lui lance alors qu’il vient tout juste d’écraser son mégot.

    Le bogoss se retourne instantanément, et son regard brun me percute de plein fouet : voilà de quoi être aveuglé au réveil.

    « Bonjour, toi ! T'as bien dormi ? » il me lance.

    « Comme un bébé ! Et toi ? ».

    « Moi aussi j'ai très bien dormi... » fait-il, tout en ajoutant de l’insoutenable à l’aveuglant, son sourire ravageur à son regard brun.

    Et là, sans plus attendre, Jérém bondit sur le lit, il se glisse sur moi, son corps enveloppe le mien ; et il pose un long bisous sur mes lèvres. Sa bouche sent la cigarette, mais qu’importe : son baiser me met KO.

    « C’est fou comment on dort bien dans tes bras… » j’ajoute, alors qu’il me fait des bisous dans le cou.

    « Dans les tiens aussi… ».

    Nous nous embrassons avec la fougue et la joie de deux chiots en train de se faire des léchouilles.

    « Je suis vraiment content que tu sois venu… ».

    Décidemment, je ne me lasse pas d’entendre cette phrase.

    « Moi aussi je suis content d’être venu… » je lui lance à mon tour, en le regardant droit dans les yeux, à distance dangereusement rapprochée de ce regard qui envoie ce mélange de charme et de douceur tout simplement insoutenable.

    La cafetière commence à gargouiller et à diffuser l’arôme corsé du café. Le bogoss se lève comme il est venu, d’un bond, avec la souplesse d’un félin.

    Je me décide enfin à quitter les draps ; je passe un t-shirt et un boxer, j’attrape mon portable : il n’y a pas la moindre trace de signal, mais il indique 9h48. Ah, quand-même… nous avons vraiment dormi longtemps.

    Je fais un détour par la salle de bain ; et là, à la lumière du jour, je découvre ce petit espace, mieux que ce que j’avais eu l’occasion de le faire la veille : dans un coin, un petit bac douche avec son rideau vert et gris ; juste à côté, un petit évier, surmonté par un petit miroir, sur lequel sont entassées ses affaires – brosse à dents, dentifrice, rasoir, déo.

    La petite pièce est toujours aussi froide que la veille, mais cela ne m’empêche pas de m’y attarder quelques instants pour m’enivrer des petites, délicieuses odeurs contenues dans les t-shirts et boxers entassés dans un coin. C’est plus fort que moi : l’odeur corporelle de mon Jérém me rend dingue.

    Je retire toujours du plaisir dans le fait de me plonger dans le bonheur olfactif de ses sous-vêtements portés ; mais si par le passé ceci était pour moi une façon de trouver consolation à la frustration de tout ce que Jérém ne voulait pas m’offrir, voilà qu’aujourd’hui cette frustration n’est plus, car Jérém m’offre désormais tout ce que je peux désirer, et plus encore ; alors, entre renifler ses vêtements et sentir directement l’odeur de sa peau et le goût de ses lèvres, il n’y a pas photo. Je brûle d’impatience de le retrouver. Je me débarbouille le visage, et je reviens vite dans la pièce principale.

    Jérém a servi le café, la petite pièce est saturée de ce parfum enivrant qui réveille les sens en douceur mais en profondeur. Je le regarde couper des tranches dans le pain de la veille, puis ouvrir un pot de confiture déjà entamé.

    « Laisse la porte ouverte, s’il te plaît… » me lance le bobrun « ça va un peu chauffer la salle de bain… ».

    Je m’exécute, je m’approche de lui, je passe mes bras sous ses aisselles, je le serre contre moi, et je lui pose des bisous dans le cou. Le bobrun reçoit mes papouilles avec bonheur.

    Lorsque je m’installe à table, il termine de tartiner une tranche de pain ; et alors qu’il l’approche de sa bouche, nos regards se croisent ; et là, au dernier instant, le bobrun se ravise, il me sourit et il me tend ladite tranche.

    « Goûte ça… ».

    « Vas-y, mange, je vais m’en faire une… ».

    « Goûte ça ! » il insiste.

    Je sais que je n’aurai pas le dernier mot ; de plus, son geste me touche au plus haut point : alors, j’accepte avec plaisir.

    Le pain est toujours bon, la confiture est d’abricots et elle est délicieuse, le café est chaud, corsé tout autant en bouche que dans le nez, exactement comme je l’aime. Je mords à pleines dents dans la tartine, ça donne faim d’être heureux.

    « Alors ? » il m’interroge.

    « Elle est très très bonne cette confiture… ».

    « Ça, c’est encore Charlène… ».

    « Elle est vraiment gentille cette nana… ».

    « Elle est plus que ça… tu verras quand tu la connaîtras… elle a le cœur sur la main… ».

    Jérém se lève avec sa tasse à la main, il s’approche de la fenêtre.

    « C’est cool, il y a du soleil ! » il lance, tout guilleret « et s’il n’y a plus de pluie aujourd’hui et que le soleil tient bon, demain on va pouvoir faire du cheval… » il conclut en me claquant un bisous dans le cou.

    « T’es vraiment sûr que c’est une bonne idée que je monte avec vous ? Moi débutant, avec des cavaliers confirmés ? Je vais vous ralentir, je vais être ridicule… ».

    « Arrête un peu, Nico… bien sûr que tu vas monter, et on va tout faire pour que ça se passe bien… ».

    « Si tu penses que c’est possible, je veux bien essayer, alors… »

    « T’as peur ? ».

    « Peur, je ne sais pas… disons que je suis un peu inquiet… ».

    « T’en fais pas… avec Tequila, tu ne risques rien du tout… à part de t’ennuyer ! » il se marre, adorable

    « J’espère bien… ».

    Nous prenons le petit déj face à la cheminée, je savoure ce moment, je savoure la délicieuse sensation que rien ne presse, que nous avons toute la journée pour nous, et rien que pour nous. La journée et d’autres encore, sans pour autant savoir combien. Alors, j’ai envie de profiter de chaque instant.

    Je reprends du pain, de la confiture, du café. Qu’est-ce que c’est bon de se réveiller en douceur, en compagnie du gars qu’on aime !

    « Ça fait du bien ! » il me lance, en terminant sa troisième tartine. Jérém a l’air en pleine forme et ça, ça fait plaisir à voir.

    « C’est vrai… ».

    « Bon, moi je vais prendre une douche… » il me balance.

    « On la prend ensemble ? ».

    « Le bac est petit… ».

    « On va se serrer… ».

    « Coquin, va ! ».

    « Comme toi ! ».

    La petite salle de bain est un brin plus chaude qu’avant le petit déj. Jérém ouvre l’eau et le petit chauffe-eau à gaz se met bruyamment en route.

    « J’espère qu’il ne va pas exploser… » je lance à la cantonade.

    « J’espère surtout qu’on ne va pas tomber en panne de gaz… » fait-il, tout en se débarrassant de son t-shirt et de son boxer ; Jérém est à poil, beau comme un Dieu.

    « Ah… » je lâche, moins troublé par la perspective de me doucher à l’eau froide que par la vision soudaine de sa nudité. Ce mec est tellement bien foutu que chaque fois que je le vois à poil, j’ai l’impression que c’est la première fois.

    Je me déshabille à mon tour, sans pouvoir décoller les yeux de mon beau mâle brun posté devant le bac douche, le bras tendu sous le jet d’eau, en attendant que l’eau chaude se manifeste. Mais les secondes s’enchaînent, et rien ne se passe. Le bogoss commence à grelotter.

    Je m’approche de lui, je glisse mes bras entre ses biceps et son torse, je pose mes mains à plat sur ses pecs d’acier, et je le serre fort contre moi. Le contact avec sa peau me donne mille frissons.

    « Parfois il lui faut un peu de temps pour chauffer… » il m’annonce.

    « J’essaie de te chauffer, en attendant… ».

    « T’es mignon… ».

    Et alors que je lui fais plein de bisous dans le cou, Jérém tourne d’abord le visage et m’embrasse sur la bouche ; puis, il se tourne carrément vers moi et me serre à son tour contre lui, pecs contre pecs, bassin contre bassin, ses bras dans mon dos, ses mains caressent fébrilement mes épaules. Nous nous câlinons en silence, en plein bonheur.

    « Je crois que l’eau va être bonne… » il m’annonce.

    Jérém rentre dans le bac et ouvre complètement le rideau pour faire de la place.

    « Viens… » il m’invite à le rejoindre.

    « On va en mettre partout… ».

    « On s’en fout… ».

    J’adore l’idée : on est à la campagne, et on ne se prend pas la tête pour des détails insignifiants. Le jet dru plaque ses cheveux bruns, ruissèle sur son corps, trempe les poils de son torse : ce mec me rend fou.

    Je le rejoins sous l’eau. Effectivement, elle est chaude, bien chaude. Elle est bonne. Mais ce qui est encore meilleur, c’est de sentir les bras de Jérém m’envelopper, ses mains se glisser dans mon dos, caresser mes épaules, mon cou, ma nuque, mes cheveux ; c’est sentir ses lèvres se poser sur les miennes, sa langue chercher ma langue ; ce qui est bon, c’est de se faire des câlins sous l’eau, comme seuls au monde.

    Je l’embrasse, les frissons s’enchaînent. Nos lèvres se séparent, nos regards s’aimantent. Dans son regard, une étincelle friponne que je reconnais, c’est le genre d’étincelle qui me signale que le bogoss est en mode chien foufou et qu’il est en veine de bêtises ; je ne m’y trompe pas : un instant plus tard, il me balance de l’eau au visage ; j’en fais de même, je savoure à fond cette complicité inattendue, cette insouciance avec mon bobrun. Effectivement, nous mettons de l’eau partout sur les tomettes de la salle de bain : mais nous nous amusons comme des gosses. Un petit jeu qui prend fin lorsque ses bras m’immobilisent dans une accolade puissante et tendre à la fois, lorsque des bisous se mêlent à l’eau et tombent en cascade sur mon cou.

     « Allez, on va se savonner tant qu’il y a de l’eau chaude… » fait-il à un moment, en relâchant son étreinte et en coupant l’eau.

    Le bogoss attrape le flacon du shampooing, il en fait tomber une bonne giclée dense dans sa main, et il l’applique sur ses cheveux bruns ; il en fait de même avec le gel douche, qu’il étale sur son corps.

    C’est terriblement excitant que de regarder un beau garçon en train de se shampooiner les cheveux, de se savonner le corps – le visage, le cou, les épaules, les pecs, les biceps, les abdos, le sexe, les fesses, les bras, les jambes, les pieds. Ce n’est pas la première fois que j’assiste au spectacle époustouflant de Jérém sous la douche, mais c’est la première fois que je peux librement le regarder, le toucher, le caresser, l’embrasser. C’est tellement bon de se perdre dans la contemplation de cette beauté incroyable, dans cette image d’un érotisme indescriptible, que j’en oublie de me savonner moi-même.

    Jérém est désormais recouvert de mousse de la tête aux pieds. Sa peau mate luisante d’eau, ses poils noyés dans la mousse me font un effet de fou. Mon Jérém est simplement beau tomber ; et cet air intrigué avec lequel il me toise, le rend craquant d’une façon indicible.

    « Tu te savonnes pas ? ».

    « Je ne sais pas faire deux choses à la fois… j’étais en train de te regarder faire… ».

    Jérém me sourit, je suis certain qu’il a bien compris le message. Puis, le plus naturellement du monde, il reprend du shampooing et il l’applique à mes cheveux, qu’il masse longuement ; il reprend du gel douche également, qu’il fait glisser et mousser sur tout mon corps. Je me laisse faire, je savoure le bonheur de sentir ses mains slalomer partout sur ma peau mouillée.

    « Voilà… » il me lance, alors que je me sens couvert de mousse, de caresses et d’amour.

    Je souris, je suis bien, je suis heureux. Je ne peux m’empêcher de bondir vers lui et de poser un bisou mousseux sur ses lèvres.

    Jérém rouvre l’eau et ça fait du bien ; le jet rince et réchauffe ma peau encore vibrante des caresses mouillées et glissantes de mon bobrun.

    Jérém se rince longuement, ses cheveux retombent sur son front, ses poils se noient dans le flot d’eau ruisselante sur son torse : il est beau à pleurer.

    Je commence à me rincer à mon tour ; du moins jusqu’à ce que le bogoss me fasse pivoter, et qu’il entreprenne de me masser le cou, les épaules, le dos ; peu à peu, son torse se colle à mon dos, son bassin à mes fesses ; sa queue ni molle ni dure se glisse entre mes fesses, c’est extrêmement excitant ; d’infinis bisous se posent entre mes omoplates, et remontent le long de mon cou, et continuent jusqu’à la base de ma nuque : et c’est délirant.

    « T’es prêt ? » il me demande.

    « Prêt à quoi ? ».

    « Je vais couper l’eau… ».

    « Vas-y… ».

    Lorsque l’eau cesse de tomber, je sens une sensation de froid se propager sur ma peau à vitesse grand V. Je grelotte. Heureusement, Jérém m’enveloppe toujours de son corps chaud, de ses bras puissants.

    « Serre-moi très fort… ».

    « Tu sais qu’il va falloir se sécher à un moment ou à un autre… ».

    « Je sais… ».

    Lorsque Jérém se décolle de moi, j’ai l’impression de me trouver dans une glacière.

    Mais déjà mon bobrun est sorti du bac à douche, et, avant même de commencer à se sécher lui-même, il me passe une grande serviette.

    Un instant plus tarde, il en attrape une autre, bien moins grande, avec laquelle il entreprend de se sécher à son tour. Je me sèche tout en le regardant faire, insatiable de partager ces petits moments du quotidien – et pourtant si extraordinaires – avec mon bobrun. A un moment, nos regards se croisent : il me sourit, je lui souris.

    Jérém vient de finir de se sécher, il ressemble sa serviette dans une main et la pose nonchalamment à cheval de son épaule : décidemment, chaque attitude, chaque geste de ce mec transpire la sexytude virile la plus craquante. Son regard brun harponne le mien ; je le vois avancer vers moi, lever son bras, sa main vient ébouriffer mes cheveux : ses doigts glissent d’abord tendrement, doucement, puis ils agitent ma tignasse dans tous les sens. Et là, il me regarde droit dans les yeux et il me chuchote :

    « Vraiment, tu peux pas savoir comment tu m'as manqué… ».

    Voilà une autre phrase que je ne me lasserai jamais de lui entendre prononcer.

    « Toi aussi tu m’as manqué, si tu savais… ».

    A cet instant précis, je me dis que c’est exactement ça l’amour que j’avais imaginé avec mon bobrun, l’amour dont j’avais envie, auquel j’aspirais avec toutes mes forces ; et, plus en général, l’image que je me faisais de l’amour entre garçons : des moments de sexe très chaud, certes, mais également des moments d’infinie tendresse, n’en déplaise aux homophobes. Quand l’entente des corps et des esprits sont au rendez-vous, le mélange est explosif.

    Je regarde le bogoss s’arranger les cheveux devant le petit miroir, appliquer du gel, l’étaler avec des gestes rapides et assurés ; je le regarde approcher son visage de la surface réfléchissante, traquer quelque chose sur son visage, faire exploser deux minuscules points noirs (la bogossitude se cultive aussi) ; je le regarde vaporiser généreusement ses aisselles et son torse de déo ; le parfum entêtant sature très vite le petit espace et me fait tourner la tête ; je le regarde sans perdre une seule miette de ses gestes, comme enchanté, avide d’assister aux gestes quotidiens de mon bobrun.

    Inévitablement, nos regards finissent par se croiser ; le bogoss me sourit, il bondit vers moi et il vaporise son déo contre mon torse. Tout comme j’adore l’idée de porter sur moi l’odeur de sa peau et de sa jouissance après l’amour, j’adore l’idée de porter son déo après la douche.

    Un instant plus tard, Jérém sort de la petite salle de bain, il avance dans le séjour, il approche du feu, très à l’aise avec sa nudité.

    « On fait quoi aujourd’hui ? » je lui demande.

    « On fait l’amour toute la journée… ».

    « Ah, ça c’est une bonne idée… ».

    « Coquin, va ! ».

    « C’est toi qui es coquin ! » je me marre.

    « Viens, on va faire un câlin… » il me lance, en regagnant le lit.

    Nous retournons au lit et nous recommençons à nous faire du bien. Pendant que nous faisons l’amour, un bruit de moteur approche de la petite maison ; Jérém stoppe net ses coups de reins, il lève la tête, il tend l’oreille, sans pour autant se déboîter de moi.

    « C’est la boulangère… » il me chuchote, tout en s’allongeant sur moi de tout son poids, et en tirant les draps sur nous ; puis, il me claque un bisou léger sur les lèvres et il me rassure « t’inquiète, elle va laisser le pain et elle va repartir… ».

    Je crève d’envie qu’il recommence à me faire l’amour, je crève d’envie de le voir, de le sentir venir en moi ; et pourtant je jouis de la simple présence de sa queue en moi.

    Un instant plus tard, ça tape à la porte.

    « T’es sûr que c’est elle ? ».

    « Certain… ».

    « Et si elle rentre ? ».

    « Elle ne va pas rentrer… ».

    En effet, j’entends trifouiller au niveau de la porte ; c’est là que je réalise soudainement la fonction du sac accroché à l’extérieur, sac que j’avais distraitement remarqué la veille en arrivant, sans penser à poser la question, accaparé comme je l’étais par le bonheur qui me secouait de fond en comble.

    Son corps sur le mien, sa peau brûlante contre la mienne, ses bras puissants autour de mon torse, sa queue toujours en moi ; j’adore me sentir dominé par les muscles, la masse, la puissance de mon fougueux jeune mâle. J’adore me sentir rempli par sa virilité.

    Dans le petit espace, dans cette proximité ultime sous les draps, j’entends le bruit de sa respiration, les battements de son corps ; je les entends et je le sens, car ces petits bruits de vie se transmettent de corps à corps, se propagent en moi, comme si nous ne faisions qu’un seul ; et l’odeur tiède et rassurante de sa peau, ainsi que le parfum entêtant de son déo, de notre déo, me fait tourner la tête et me met dans un état presque second. J’écarte un peu plus mes cuisses, je porte mes mains sur ses fesses musclées et je les attire vers mon entrejambe, pour qu’il s’enfonce bien à fond en moi. Le bogoss seconde et amplifie mon intention, et son gland avance de quelques millimètres supplémentaires entre mes fesses, ses abdos frottent contre mon gland, en provoquant des frissons géants. Je frémis de plaisir, je me sens au bord de l’orgasme, j’ai l’impression qu’il suffirait de quelques coups de reins pour me faire jouir. J’essaie de me contrôler, je prends une longue inspiration : j’attends avec impatience le moment où nous serons à nouveau « seuls », où nous pourrons reprendre à faire l’amour. J’ai tellement envie qu’il recommence à me faire l’amour, et qu’il me remplisse de son jus.

    Un instant plus tard, j’entends le claquement d’une porte de voiture, le bruit du moteur qui s’éloigne.

    « Qu’est-ce que j’aime te sentir en moi… » je lâche, fou de lui, et posant plein de bisous dans son cou.

    « Et ça c’est rien par rapport à ce que tu vas kiffer quand je vais te gicler dedans… ».

    « Vas-y, fais-toi plaisir, j’en ai tellement envie… ».

    Et Jérém recommence à me faire l’amour. Il recommence à me pilonner sous les draps, le torse collé à mon torse ; ses abdos frottent contre mon gland, ses lèvres cherchent les miennes, ou bien parcourent avidement ma peau, ses bras m’enserrent de façon très musclée.

    Très vite, enivré par la proximité épidermique, olfactive, sensuelle, absolue de ce petit espace confiné, je jouis. Je jouis et il jouit, presque au même instant.

    Nos corps et nos esprits viennent de s’embraser de plaisir ; ses biceps relâchent leur étreinte, son visage s’abandonne dans le creux de mon épaule. Mon bonheur est tellement immense que je n’arrive même pas à réaliser qu’il soit possible.

    Soudainement, je repense à l’une chanson que maman écoutait en 45 tours quand j’étais petit, une chanson qui parce exactement de ce genre de bonheur, le bonheur de l’amour avec la personne qu’on aime, l’amour seul, loin de tout :

     

             

     

    E' inutile suonare qui/C'est inutile de sonner ici

    Non vi aprira' nessuno/Personne ne vous ouvrira

     

    (Au revoir la boulangère !).

     

    Il mondo l'abbiam chiuso fuori/Le monde nous l’avons enfermé dehors

    Con il suo casino/Avec son bordel

     

    (Rien ne me semble important ce matin, ni même simplement exister, en dehors de nous, de notre amour, de notre bonheur. Le monde, le quotidien et son lot de tracas et d’inquiétudes, me semble si loin ; tout comme la souffrance que j’ai endurée – la peur de le perdre, son refus de m’aimer, la peur qu’il ne s’en sorte pas après son accident – me semble si peu de chose, face à ce bonheur insoutenable).

     

    Una bugia coi tuoi/Un mensonge avec les parents

     

    (Même si ça n’en est pas vraiment une, puisque maman est au courant ; ça l’est un peu vis-à-vis de papa, car il ne sait pas quel genre de « pote » j’ai été rejoindre à la montagne ; mais à cet instant précis, je me sens prêt à terminer mon coming out familial dès mon retour à Toulouse).

     

    Il frigo pieno e poi/Le frigo plein et aussi 

     

    (Jérém avait tout prévu, c’est tellement bon de le voir si prévenant, si débrouillard, et de n’avoir à se soucier de rien).

     

    Un calcio alla tivu'/Un coup de pied à la télé

     

    (Oh, comment, elle ne nous manque pas, la télé !).

     

    Solo io, solo tu/Rien que moi, rien que toi

     

    (Ça fait un bien fou de se retrouver que tous les deux, loin de tout…).

     

    E' inutile chiamare qui/C'est inutile d'appeler

    Non rispondera' nessuno/Personne ne répondra

    Il telefono e' volato fuori/Le téléphone a volé

    Giu' dal quarto piano/Par la fenêtre du quatrième étage

     

    (De toute façon, il n’y a pas de réseau… et si même il y en avait… je ne crois vraiment pas qu’on aurait envie de répondre…).

     

    Era importante sai/C’était important tu sais

    Pensare un poco a noi/De penser un peu à nous

     

    (Ah, comment c’est vrai ! Penser à nous, et rien qu’à nous…).

     

    Non stiamo insieme mai/nous ne sommes jamais ensemble

     

    (Ça faisait si longtemps…).

     

    Ora si' ora sì/maintenant nous le sommes

     

    (Et quel bonheur !).

     

    Soli, la pelle come un vestito/Seuls, la peau pour seul vêtement

     

    Nous n’avons besoin de rien de plus, nos corps s’habillent l’un l’autre, ils se parlent dans ce langage universel qu’est celui de l’amour et de la tendresse. Car, après l’amour, nous nous faisons des câlins, après l’amour, je me retrouve bien au chaud dans ses bras. Je suis le plus heureux des gars. Je ne voudrais jamais partir de ses bras. Hélas, toutes les bonnes choses ont une fin.

    « J’ai la dalle ! » lâche Jérém de but en blanc, sur un ton qui rappelle l’urgence absolue des exigences d’un gosse. L’amour rend heureux, et ouvre l’appétit.

    « T’as toujours faim, toi… ».

    « Mais t’as vu comment tu m’épuises ? » il rigole.

    « Toi aussi tu m’épuises… et c’est tellement bon… ».

    « Grave ! ».

    Pendant que nous nous faisons des bisous, j’entends son estomac gargouiller. La belle bête a vraiment la dalle.

    « Bouge pas… » il me lance, en quittant les draps, le lit, notre étreinte.

    Le bobrun se lève, il remet du bois dans la cheminée. Il ouvre la porte d’entrée, il jette un œil par précaution, il sort à poil et il revient avec deux baguettes fraîches laissées par la boulangère.

    Il traverse la pièce toujours aussi insouciant quant à sa nudité, il se dirige vers la boîte magique qu’est le garde-manger et il en ressort un petit jambon sec, qu’il entreprend de trancher avec un grand couteau. Son corps se tend, ses biceps se gonflent sous l’effort, sa chaînette ondule au gré des va-et-vient de son bras : comme tous les va-et-vient de son corps, c’est un spectacle magnifique.

    Jérém ouvre la baguette sur toute sa longueur, puis la coupe en trois morceaux, et il dépose le tout sur une assiette et amorce le mouvement pour approcher du lit.

    « Ah, mince… » il se ravise, en faisant demi-tour pour attraper la bouteille de Jurançon.

    « Il te reste du fromage de hier soir ? » je le sollicite. Il y a des goûts qui marquent dès la première rencontre avec nos papilles ; des lors, nous n’avons plus qu’une chose en tête, c’est de les retrouver.

    Jérém revient une fois de plus vers le garde-manger et, quelques instants plus tard, il apporte tout ça au lit.

     

    Soli, mangiando un panino in due/Seuls, nous mangeons un sandwich à deux

    Io e te/Toi et moi

     

    (Jérém glisse les tranches de jambon entre deux morceaux de baguette et me tend ce sandwich maison. Le pain frais est un bonheur de tous les sens, sa couleur dorée enchante la vue, sa douce fermeté me rappelle celle du torse de mon bobrun, il croustille à l’oreille, il enivre les narines, il comble le palais ; quant au jambon, il est juste fabuleux. Et qu’est-ce qu’il est bon, ce sandwich, d’autant meilleur qu’il est préparé par Jérém et mangé dans les bras de Jérém. Ce qui est fait avec amour est toujours bien fait).

     

    Soli, le briciole nel letto/Seuls, les miettes dans le lit

     

    (Jérém a l’air de s’en foutre éperdument, alors, je m’aligne sur sa façon de voir les choses ; et très vite, je découvre que le fait de lâcher prise, d’arrêter de s’inquiéter pour des choses insignifiantes, ça fait un bien fou, car ça a quelque chose de profondément apaisant).

     

    Soli, ma stretti un po' di più/Seuls, mais nous nous enserrons très fort

    Solo io, solo tu/Rien que toi, rien que moi

     

    (Et qu’est-ce que c’est bon de manger côte à côte, devant le feu, nos corps se frôlant sans cesse).

     

    « Tu l’as trouvé où ce jambon ? ».

    « C’est un pote d’ici qui le fabrique… ».

    « T’as plein de potes, ici… » je considère, alors que mes papilles sont désormais ravies par le goût à la fois fort et doux du fromage de montagne.

    « Tu veux du Jurançon ? ».

    « Pas vraiment… » je fais, tout en posant ma main sur sa queue.

    « Tu vas me tuer… ».

    « Tu me fais tellement envie… » je fais, tout en enserrant sa queue au creux de ma main et en le branlant doucement.

    « Toi tu sais comment demander les choses… » fait le bobrun, taquin, l’air pourtant ravi de recevoir mes caresses.

    « Avec douceur, ça marche bien… ».

    « Fais-toi plaisir… ».

    Une phrase que je lui ai dite plein de fois, lorsqu’il m’annonçait – ou lorsque je ressentais – qu’il allait jouir en moi.

    Et lorsque, quelques minutes plus tard, ses giclées puissantes et chaudes remplissent ma bouche, je me fais la remarque que oui, définitivement, il y a des goûts qui marquent dès la première rencontre avec nos papilles et que nous ne nous lassons pas de retrouver ; tout comme il y a des goûts qui se marient très bien entre eux. J’ai toujours entendu dire que le fromage s’accompagne d’une tranche de pain frais et d’un verre de rouge : je valide la tranche de pain frais ; quant à la boisson, je crois bien qu’il y a mieux que le vin rouge. Un goût à la fois fort et doux, s’accompagne bien d’un autre goût de même teneur.

     

    Il mondo dietro ai vetri/Le monde derrière les vitres

    Sembra un film senza sonoro/Ressemble à un film muet

     

    (Oui, le monde me semble si loin, même le départ prochain de Jérém pour Paris, mon départ à Bordeaux, ma rentrée sur Toulouse, autant d’échéances qui me semblent appartenir à une autre existence, à la vie de quelqu’un d’autre. Dans cette maison au bout du monde, je me sens bien, je me sens protégé).

     

    E il tuo pudore amando/Et ta pudeur pendant l’amour

    Rende il corpo tuo piu' vero/Rend ta présence plus vraie

     

    (Pendant l’amour, Jérém est doux et viril à la fois, il fait attention à moi, il prend son pied mais il veut me faire plaisir : quand l’amour est là, on peut être viril, même très viril, sans forcément être macho).

     

    Soli lasciando la luce accesa/Seuls, nous laissons la lumière allumée

     

    (Depuis nos retrouvailles, nous faisons l’amour en pleine lumière, en pleine confiance, en nous regardant dans les yeux ; et alors que pendant nos « révisions » il avait toujours fui mon regard, Jérém cherche désormais ce contact, comme s’il cherchait à savoir si je suis heureux).

     

    Soli ma guarda nel cuore chi c'è: io e te/Seuls, et dans nos cœurs il n’y a que toi et moi

     

    (Nos cœurs nous rassemblent, nous rapprochent…).

     

    Soli col tempo che si è fermato/Seuls, avec le temps qui s’est arrêté

     

    (Je perds la notion du temps… je voudrais tellement que les aiguilles des montres cessent de tourner et se figent à tout jamais sur cet instant de bonheur parfait).

     

    Soli però finalmente noi/Seuls, et enfin rien que nous deux

    Solo noi, solo noi./Rien que nous deux, rien que nous deux

     

    Enfin, nous voilà que tous les deux, loin de tout, libres de vivre notre amour à l’abri des regards qui jugent, qui méprisent. L’éloignement de notre quotidien libère nos envies, nos regards, nos gestes, nos caresses, nos baisers, non sentiments. Le simple contact de sa peau chaude embrase mon corps.

    « J’ai encore envie de toi, Jérém… ».

    « T’en as jamais assez, toi… » il se marre.

    « T’as vu ce que tu me fais ? T’as vu comment tu me fais l’amour ? ».

    « Je te fais l’amour comment ? » il m’interroge, le coquin.

    « Tu me fais l’amour comme un Dieu, tu me retournes comme une chaussette, tu me fais jouir comme un fou… ».

    Il me sourit, l’air fier de lui. J’adore quand la fierté s’affiche sur son visage. D’autant plus qu’aujourd’hui son petit sourire n’est plus seulement l’expression d’une fierté de petit macho fier de sa queue (même s’il y en reste quand-même un peu, et je kiffe ça), mais aussi et surtout le regard attendri d’un amant amoureux ravi de savoir que son partenaire est bien avec lui.

    « Qu’est-ce que tu es bon au lit, Jérém… ».

    « Tu me fais un effet de fou, Nico… ».

    Et une heure à peine après le fromage, je succombe à l’envie soudaine de le sucer à nouveau.

    « Fais pas ça Nico… ».

    Je n’écoute pas ses mots, mais mon envie : je continue à le sucer.

    « Tu vas me tuer… ».

    Non, j’ai juste envie de le faire jouir. Le fait est que j’ai inlassablement envie de l'avoir dans la bouche, de le sentir prendre son pied ; de l’avoir en moi, de le sentir, de le voir en train de faire l’amour. Jérém aussi semble avoir envie de moi comme jamais : alors, pourquoi me priver de goûter encore et encore au plaisir exquis, au bonheur immense, au privilège sans pareil de m’occuper de sa queue frémissante, frétillante et bien tendue ?

    Non, il n’y a aucune raison de me priver, de le priver de cela. Alors je continue d’astiquer sa queue dans le but de nous faire du bien à tous les deux.

    « On va jamais sortir du lit… » il considère, en se laissant rapidement ravir par le bonheur des sens.

    « On a un mois à rattraper… » je finis par lui répondre, tout en le branlant « alors, tant que tu ne déclares pas forfait, je n’arrêterai pas de te faire jouir… ».

    « Je crois que c’est toi qui vas me demander d'arrêter… » il me nargue.

    « Non, c’est toi qui vas me demander d'arrêter… » je le cherche à mon tour.

    « On verra ça… » il conclut, alors que je viens de le reprendre dans ma bouche. Le bogoss frissonne de bonheur, et ça me remplit de bonheur.

    Jérém a raison, du matin jusqu’au milieu de l’après-midi de cette journée de samedi, nous n’allons pas quitter le lit. Parfois mon bobrun se lève pour aller remettre du bois dans la cheminée, ou pour fumer une cigarette : le patch l’aide à réduire la consommation, mais il reste quelques cigarettes incontournables, notamment celles après l’amour. Inutile de préciser que ce samedi, je le pousse à la consommation.

    Mais pour l’essentiel, nous passons le plus clair de notre temps à enchaîner les plaisirs. La proximité de nos corps nus attise sans cesse nos sens, tous nos sens : la vue (son torse nu, ses muscles, sa bonne petite gueule, ses attitudes de mec) ; l’odorat (le bouquet olfactif délicieux qui se dégage de sa peau) ; le toucher (la fermeté de ses muscles, la chaleur de sa peau, la douceur rassurante de ses poils) ; le goût (le bonheur qu’est le contact avec ses lèvres) ; l’ouïe (sa voix est apaisante, mais aussi excitante, à la fois caresse et vibration de mâle, comme de la testostérone verbalisée ; légèrement grave, puissante et douce en même temps, sa voix renvoie à sa virilité, tous en laissant enfin déceler la sensibilité du garçon de 19 ans sous l’enveloppe corporelle du jeune mâle puissant : ainsi, sa voix fait vibrer une multitude de cordes sensibles en moi).

    Il m’effleure, je l’effleure, nous sommes à la fois allumette et papier abrasif pour soi et pour l’autre ; nous nous effleurons, je m’embrase, il s’embrase, nous nous embrasons l’un l’autre.

    Nous nous offrons du plaisir l’un l’autre, nous nous donnons l’un à l’autre en pleine confiance, nous faisons l’amour d’une façon complètement libérée ; plus nous nous faisons du bien, plus cela devient normal et naturel, l’évidence même ; plus nous sommes bien ensemble, plus nous nous assumons. On ne peut qu’assumer ce qui nous apporte un bonheur si parfait.

    Notre complicité sexuelle aussi n’a jamais été à ce point parfaite, plus encore que pendant toutes les nuits magiques – celle après le retour de l’Esmé, celle où il m’avait sorti du pétrin avec ce type qui voulait me cogner ; ou celle après le plan avec Romain, le bobarbu levé au On Off – et même plus encore que pendant toute la semaine magique précédant notre clash.

    Oui, nous passons la journée à faire l’amour. Et après l’amour, nous nous faisons des câlins.

    « Qu’est-ce que c’est bon… » fait Jérém, fou de mes caresses et de mes bisous.

    « Quand je pense que tu n’en voulais pas… ».

    « Qu’est-ce que j’ai pu être con ! ».

    « Ce qui compte, c’est maintenant… ».

    Puis, après l’amour, après les câlins, comme pendant une ivresse, l’ivresse des sens et de l’esprit, la parole se libère.

    « Heureusement que t’as eu les couilles de proposer les révisions… » me balance Jérém de but en blanc.

    « Pourquoi tu as dit oui aux révisions ? ».

    J’ai déjà posé cette question, et les réponses que j’en avais obtenues avaient été au mieux décevantes, au pire blessantes.

    « Parce que je voulais avoir une chance d’avoir le bac… » : telle avait été sa réponse décevante après la nuit fantastique qui avait suivi le plan à trois avec le bobarbu Romain levé au On Off.

    « Parce que je voulais baiser ton cul… » : telle avait été sa réponse blessante et humiliante la dernière fois où il est venu chez moi, un mois plus tôt, le jour de notre clash, peu avant que nous en venions aux mains.

    Mais ces réponses venaient de la bouche d’un Jérém qui n’assumait pas notre bonheur. Alors, je suis impatient d’entendre la véritable réponse à cette question qui me taraude depuis le début de nos révisions, d’entendre la réponse du véritable Jérém, celui qui n’a plus peur de ce qu’il ressent, qui ne se cache plus de lui-même, et de moi.

    « Parce que… » il se lance, sans arriver au bout de son intention.

    « Vas-y Jérém, dis-moi… »

    « Parce que…

     

    La suite, dans quelques jours…


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