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    Dimanche 22 juillet 2001, 8h15, après la nuit passée avec ses potes Jéjé et Nico.

    Pour savoir comment Thibault a vécu cette nuit de découverte sensuelle avec ses deux potes, il faudrait pouvoir rentrer dans sa tête, lire dans ses pensées, en ce moment précis, lorsqu’il est tout seul, assiégé par un mal au crâne insistant, devant son café, en ce dimanche matin.
    Thibault est parti de l’appart de la rue de la Colombette sans faire de bruit, alors que Jéjé dormait encore et en pensant que Nico aussi dormait encore ; il est parti comme un chat sur ses coussinets, en fuyant un très probable malaise matinal qui n’aurait fait de bien à personne.
    Pour amortir le contrecoup d’une nuit vraiment trop courte, une nuit où l’on a abusé de bonnes choses, l’alcool, la fumette, le sexe, il n’y a rien de tel qu’un un bon café, un croissant chaud, et les pages sport de la Dépêche du Midi.
    Le café réveille, ça soignerait presque la gueule de bois ; le croissant détend, c’est comme une caresse sucrée qui calmerait presque ce mal au crâne persistant ; les pages sport distraient, font rêver le passionné de ballon ovale, elles feraient presque oublier ce trop-plein d’images et de sensations qui remontent et débordent de tout côté dans l’esprit du jeune mécano.
    Oui, presque. Car les séquelles que cette nuit a laissées derrière elle, ne sont pas du genre à se gommer si facilement.
    Gueule de bois, mal au crâne, encore, on peut arranger ça assez facilement. Un petit cachet, une sieste, et le tour est joué. A 19 ans, récupérer d’une nuit trop courte n’est que formalité.
    Mais le plus dur à gérer au réveil, ce sont les souvenirs de cette nuit, souvenirs sensuels qui chatouillent la peau, hypersensible ce matin, provoquant des frissons rapides comme l’éclair, intenses comme des petites décharges électriques.
    Comme si la peau, la bouche, le sexe, plus intensément encore que le cerveau et l’esprit, gardaient dans chaque cellule l’écho du plaisir récent.
    Souvenir de plaisirs, de caresses, de baisers. L’excitation qui rôde dans le corps, malgré la fatigue, au-delà de l’odeur du café chaud, et qui provoque un début d’érection lorsque, au gré des mouvements, le coton du débardeur frôle les tétons, le tissu du boxer frotte contre le sexe.
    Souvenirs, sensations qui se présentent en vrac à l’esprit, se succédant à un rythme imprévisible, comme des averses orageuses, comme des rafales de vent violentes.
    D’abord, tous ces nouveaux plaisirs sensuels, avec Nico, grâce à Nico. La nouveauté, l’interdit qui deviennent soudainement possible, puis plaisant, puis addictif. Sentir son propre corps vibrer de plaisir comme jamais. Comme jamais avoir envie de recommencer, toute la nuit durant. Comme jamais sentir les sens stimulés, éveillés, bouleversés. Comme jamais avoir joui autant de fois en une seule nuit. Et jamais les orgasmes ont été aussi intenses, comme cette nuit où un garçon lui a offert ce plaisir. Un garçon, et pas n’importe lequel, son pote Nico.
    Aucune nana ne lui avait jamais fait ce que Nico lui avait fait cette nuit. Et dans la tête du jeune pompier, ce sentiment va bien au-delà même des plaisirs purement physiques, dont certains, assez nombreux à vrai dire, inédits et bouleversants pour lui.
    Car ce qui l’avait tout particulièrement touché chez Nico, c’était cet entrain, cette énergie, cette volonté évidente, sans tabous, sans réticences, en y mettant tout son corps et son âme, pour le faire jouir.
    Et ce, pour la simple et bonne raison que le plus grand plaisir de ce garçon était, à l’évidence, celui de faire plaisir à un garçon. Qu’il s’occupe de lui ou de son pote, son attitude était la même. Donner du plaisir, un plaisir qui n’était pas que mécanique des corps, mais un plaisir parsemé de tendresse ; la profonde douceur de ce garçon rendant le tout explosif.
    Tellement explosif qu’il avait ressenti cela malgré son esprit embrumé par les effets du joint, au-delà même de la tempête de sensations nouvelles de expérience inédite si puissante pour lui, de cette première expérience avec un garçon.
    Oui, le sexe avec Nico avait été au-delà de toutes ses espérances et ses fantasmes. Un plaisir par ailleurs amplifié par la présence de son pote Jéjé.
    Ce n’était pas la première fois qu’il vivait cela, ce frisson, cette proximité, ce contact avec son pote pendant que tous les deux prenaient leur pied : il y avait eu le plan avec les deux nanas quelques semaines plus tôt. Là aussi ça avait été bon. La présence de Jéjé l’avait rendu si bon. Ces caresses entre potes, la main de Jéjé dans ses cheveux, ses regards, son sourire. Tout cet ensemble de petites choses, cette complicité sensuelle qui avaient précipité leurs jouissances.
    Mais là, avec ses deux potes, ça avait été d’une bien autre intensité. La dimension « entre mecs » avait donné une toute autre ambiance à la scène. Elle avait autorisé plus de proximité, de complicité, de promiscuité, plus d’audace.

    Pour comprendre comment le jeune pompier s’était retrouvé à partager la sexualité de ses deux potes, il faut remonter aux raisons qui l’ont amené à faire le voyage exprès depuis son appart aux Minimes, en pleine nuit, jusqu’à l’appart de la rue de la Colombette.
    Et pour ce faire, il faut remonter le temps d’une semaine, heure pour heure, au soir de la finale du tournoi de rugby, après le barbec chez l’entraîneur.

    Dimanche 15 juillet 2001, 2h55.

    Le barbec chez l’entraîneur avait été l’un de ces moments où l’on se retrouve pour faire la fête, alors que le cafard plane déjà au-dessus des verres et des déconnades.
    Bien sûr, tout le monde était heureux d’avoir gagné. Heureux de se retrouver chez le coach pour fêter ça, tous ensemble, troisième mi-temps digne d’une victoire de tournoi toulousain.
    Difficile pourtant d’oublier, même en cette soirée de liesse, que dès la rentrée, l’équipe qui avait remporté cette victoire perdrait plusieurs de ses joueurs. Et, avec eux, une partie de son âme.
    Il y avait les départs annoncés. Quentin et Illan, pilier et talonneur. Le premier trop pris par son taf et par sa meuf, le deuxième trop abîmé par une mauvaise blessure au genou.
    Thierry partait faire ses études à Paris. Julien partait travailler au pays Basque. Et Jéjé. Jéjé était la grande inconnue.
    De la petite clique des JJTT, il n’allait très probablement ne rester qu’un T. celui de Thibault.
    Longtemps Thibault avait espéré que quelqu’un du Stade, par le biais d’observateurs souvent présents aux matchs, remarquerait les exploits de son pote, lui proposant d’intégrer les Reichel. Thibault était persuadé que son pote le méritait vraiment. Déjà, ce genre de reconnaissance et de consécration aurait fait le plus grand bien à Jéjé, en ce moment de doute et de changement ; et ça lui aurait probablement ouvert les portes d’une belle carrière pro.
    Mais le tournoi était fini et personne ne s’était manifesté.
    Alors, tout en faisant la fête chez l’entraîneur, chacun savait qu’à la rentrée, l’équipe ne serait plus la même. Certes, il y avait les nouveaux. De nouvelles amitiés à sceller, de nouvelles histoires de rugby à écrire. Mais le fait de perdre quasiment tous les joueurs les plus emblématiques, juste après cette belle victoire, était difficile à digérer.
    Tout le monde faisait la fête pour oublier que cette victoire, cette soirée étaient à la fois l’aboutissement d’un rêve partagé, d’un beau projet commun, d’un effort d’équipe, mais également la fin d’une époque.
    Une page se tournait ; et cette soirée, ce serait probablement la dernière où cette équipe gagnante serait réunie.
    Alors ils avaient bu et rigolé, beaucoup bu et beaucoup rigolé, autant pour fêter que pour chasser la tristesse, bu et rigolé jusqu’à s’en étourdir. L’évocation des souvenirs communs servant autant les rires que la mélancolie.
    Tout le monde ressentait cela, et Thibault un peu plus que les autres ; car, avec le départ probable de son Jéjé à la rentrée, il ne perdait pas qu’un simple coéquipier, mais ce pote qui était presque son frère, son jumeau, sa deuxième vie. Ce pote dont le bonheur était presque plus important que le sien. Ce pote qu’il connaissait si bien et dont il ressentait toutes les émotions comme si elles étaient les siennes. Le bonheur, la tristesse, le doute, les blessures.
    Lors de la finale quelques heures plus tôt, il s’était fait une fois de plus la réflexion qu’il s’était fait tant de fois au cours de ces années de rugby. Voir son pote marquer un but pendant le jeu, voir sa joie, entendre ses rugissements de jeune lion qui crie sa puissance et son bonheur, ça le rendait aussi heureux que s’il l’avait marqué lui-même. Car le bonheur de son pote, Thibault le ressentait résonner en lui, dans sa tête, dans son cœur, dans sa chair, comme si une connexion de jumeaux était définitivement établie entre eux.
    La soirée s’était étirée tard dans la nuit, Jéjé avait bu et fumé bien plus que de raison. Thibault, fidèle au poste de meilleur pote, avait insisté pour prendre le volant et le raccompagner chez lui.
    Et ce, malgré les réticences bien présentes dans sa tête à se retrouver seul avec Jéjé dans cet appart, après ce qui s’était passé trois nuits plus tôt.

    Jeudi 12 juillet 2001

    Cette nuit-là, Thibault était resté dormir chez son pote. Jéjé était certes mal en point à cause de sa blessure à l’épaule ; mais il était surtout super inquiet de ne pas être en forme pour la finale. C’était dans des moments comme celui-ci que la présence de son pote lui était nécessaire.
    Sous la couette, dans le noir, les deux potes avaient continué à discuter jusqu’à ce que Jéjé cesse de répondre. Sa respiration appuyée avait alors pris la place des mots, indiquant au jeune mécano que son pote était parti dans son sommeil.
    Thibault était content d’être resté. Son pote n’était pas bien et ça lui avait fait du bien de discuter. Après sa journée de travail et sa séance de musculation à la salle de sport, il n’avait pas eu trop de mal lui non plus à trouver le sommeil.
    Mais, au milieu de la nuit, il avait été réveillé par son pote en train de se branler, juste à côté de lui. Est-ce qu’il était réveillé, est-ce qu’il dormait ? Très vite, il avait senti une envie irrépressible de lui offrir un plaisir plus grand que celui de sa propre main sur sa queue : celui d’une main « autre », la sienne.
    Oui, il avait eu envie d’offrir ce plaisir à son pote. Plaisir que ce dernier avait accepté plutôt de bon grade.
    Ça avait été dur de retrouver son Jéjé après cette nuit. Heureusement, il y avait eu l’entraînement la veille de la finale, deux jours plus tard, puis la finale.
    Aux entraînements, le stress de la finale qui approchait à grand pas avait vite balayé tout le reste. Et le malaise que Thibault avait redouté, n’avait pas existé.
    Pendant le jeu, il n’y avait que le jeu, les potes n’étaient que co-équipiers. Y compris son Jéjé. Après le jeu, ils étaient à nouveau potes, en train de rigoler et déconner, comme si rien ne s’était passé.
    Comme cette fois sous la tente, au camping à la mer, lorsqu’ils avaient 13 ans. Hier comme aujourd’hui, le lendemain de touche-pipi, dans l’attitude de Jéjé c’était comme si rien ne s’était passé.
    Pourtant, ça s’était bien passé.
    La première fois en camping, Thibault avait pris sur lui pour seconder le comportement de son pote et de faire comme si. Ça avait été dur, très dur. Car il n’arrêtait pas d’y penser, d’avoir envie de recommencer.
    Puis, très vite après cet été-là, son pote était parti du côté des filles.
    Pendant des années, il s’était demandé ce que son pote avait ressenti à ce moment précis, ce qu’il en avait pensé par la suite, quelle importance il avait accordé à cette expérience si marquante pour lui. Est-ce qu’il y pensait parfois ? S’en rappelait-il seulement ?
    Il avait même cru qu’il n’avait pas aimé ce qui s’était passé entre eux, et que ça l’avait conforté dans son hétérosexualité complète.
    Au fil du temps, le jeune mécano avait appris à considérer cet épisode comme un simple « accident ».
    Mais cette fois-ci… cette fois-ci, ils n’avaient plus 13 ans. Ce n’était plus une « bêtise d’ados ». Ils allaient avoir 20 ans. L’un comme l’autre savaient ce qu’ils faisaient. Pourtant, chez le jeune pompier, l’envie était la même. Et Jéjé avait accepté que sa main lui fasse plaisir sous la couette.
    Une force débordante, vertigineuse, incontrôlable l’avait poussé à tenter de s’aventurer sous la couette, pour faire encore plus plaisir à son pote. Mais ce dernier lui en avait empêché. Sur ce coup, Jéjé avait été plus lucide que lui. Ça avait été une sage décision de sa part.
    Même si son envie était bel et bien là. Et désormais son pote en avait connaissance. Qu’est-ce qu’il devait penser de lui ?
    Il avait continué à le branler ; très vite son pote avait joui dans les draps et il s’était aussitôt rendormi. Thibault avait essayé de dormir, en vain. Le lendemain matin, il était parti tellement vite qu’il avait oublié sa montre sur la table de chevet.
    Thibault sentait que cette fois-ci il ne pourrait pas se contenter de faire comme si ne s’était rien passé. Il avait à la fois besoin d’en parler à son pote, et très peur de le faire. En parler, de quelle façon ? En se mettant à nu, en lui avouant son envie de lui faire plaisir ? Comment son Jéjé aurait pris un tel aveu ? Ou alors, lui en parler en choisissant de garder les apparences, lui en parler en minimisant ce qui s’était passé, en mettant cela sur le dos du joint, de la fatigue ?
    D’où le malaise du jeune pompier à l’idée de se retrouver seul à seul avec son pote, à son appart en le raccompagnant chez lui après le barbec chez l’entraîneur.

    Dimanche 22 juillet 2001, après le barbec chez l’entraîneur, suite.

    A la fin de la soirée, Jéjé était vraiment torché. Et Thibault avait une fois encore pris sur lui pour surmonter ses inquiétudes et le raccompagner chez lui.
    Son pote ne lui avait pas pour autant rendu la tâche facile. Il faisait chaud, très chaud, et dans la voiture il avait ôté son t-shirt, dévoilant son torse nu, sa peau dégageant un bouquet olfactif prégnant, une fraîcheur de douche mélangée à une légère odeur de transpiration de mec.
    Jéjé avait fumé tout le long du trajet. Thibault avait « senti » son pote tout le long du trajet.
    « Il ne manque qu’une nana pour une pipe et ce serait parfait » il avait lancé à un moment ce petit con de Jéjé, tout en posant son regard fixe, lourd, planant, alcoolisé, insistant, sur son pote.
    Thibault s’était contenté de lui sourire, frémissant à l’intérieur face à cette envie déclarée de son pote, cette envie qui trouvait un écho parfait dans la sienne. Deux envies si complémentaires, mais deux envies qui ne se rencontreraient pas.
    Mais comment Jéjé pouvait lui balancer ça, alors qu’il l’avait empêché trois jours plus tôt de lui apporter ce plaisir ? Pourquoi il lui faisait ça ? L’alcool, sans doute.
    Le jeune mécano avait fait tout ce qu’il avait pu pour tenter d’ignorer, de contenir, de cacher cette érection qui gonflait dans son boxer. Pour arriver le plus vite possible rue de la Colombette, garer la voiture, quitter Jéjé, rentrer aux Minimes, se branler pour évacuer cette excitation, cette frustration insupportables, prendre une douche froide et dormir.
    Mais devant la porte de l’immeuble, il avait ressenti le besoin d’accompagner son pote jusqu’à l’appart. Il le sentait trop mal en point, il préférait le voir bien à l’abri entre ses murs, être certain que l’appel du lit lui empêcherait d’aller rôder à la recherche d’un dernier verre et de cette pipe qui lui faisait défaut.
    Mais il avait également besoin de passer un moment avec son pote. Il savait qu’il n’aurait pas le courage de lui parler de ce qu’il avait sur le cœur, d’autant plus que ce n’était vraiment pas le bon moment : Jéjé était trop torché. De toute façon, ce ne serait jamais le bon moment pour parler de ça.
    Jéjé lui avait proposé une dernière bière, une bière que Thibault avait voulu partager avec lui pour lui montrer, pour se montrer qu’ils étaient toujours potes. Il s’était dit que, au final, au nom de leur amitié, il irait une fois de plus dans le sens de Jéjé, il ferait comme si trois jours plus tôt il ne s’était rien passé.
    Pendant que son pote fouillait dans son frigo à la recherche des boissons, il avait récupéré sa montre qui était toujours sur la petite table de chevet, là où il l’avait oubliée.
    Aussitôt la montre fixée sur son poignet, il s’était senti plus à l’aise pour se dire que, effectivement, trois jours plus tôt il ne s’était rien passé dans ce lit défait, ce lit où il avait dormi, ou pas, ce lit où il avait branlé son pote, ou pas.
    Bière en terrasse, fumette et discussions anodines avec son pote, des échanges que Thibault se résignait à accepte en lieu et place des véritables questions qu’il n’osait pas affronter.
    Il faisait très chaud, Jéjé était toujours torse nu, l’élastique du boxer dépassait nonchalamment, outrageusement de son short, une insistante fragrance de mec se dégageait de lui. Tout chez ce mec appelait au sexe. Ce mec puait littéralement le sexe.
    Dans la tête et dans le corps du jeune mécano, la tension érotique est palpable. Le vent tiède sur la peau donnait des frissons, les frissons donnaient des envies. Envie d’ôter son débardeur à son tour, de coller son torse nu à celui de son pote. Il avait du mal à cacher son érection insistante. Il se demandait toujours pourquoi son pote lui faisait cet effet de fou.
    Le sentiment de culpabilité le cernait de toute part :
    « Je ne peux pas ressentir ça pour mon pote », il n’avait cesse de se répéter ; pourtant, il le ressentait.
    « Ça gâcherait notre amitié » ; pourtant, il ne pouvait pas ignorer ce frisson qui parcourait son corps en regardant la demi nudité de son pote.
    « Et même si… je ne peux pas faire ça à Nico » ; pourtant, il n’aurait pas été contre une nouvelle branlette à son pote.
    Imaginer son pote Jéjé coucher avec Nico dans cet appart. Imaginer le plaisir que ses deux potes se donnent dans ce lit. Ce plaisir qui lui est interdit.
    Envie que son pote lui demande de rester, comme avant, lorsqu’il était bien torché ; et peur qu’il ne le fasse pas à cause justement de ce qui s’était passé trois jours plus tôt, comme si leur amitié avait été entachée par ce petit « accident ».
    Entendre son pote dire à un moment :
    « Il va falloir qu’on se refasse un week-end à Gruissan, c’était top l’an dernier ! ».
    Et, comme si c’était hier, revoir son pote sortir torse nu de ce mobil home, en pleine nuit, rejoint par ce petit mec bien foutu avec le tatouage aux grandes ailes bien en vue dans son dos, nu lui aussi.
    Après la surprise, imaginer le plaisir que ces deux mecs avaient pu se donner dans ce mobil-home. Ce plaisir qui lui était st interdit.
    Sur le coup, Thibault s’était demandé si cet épisode resterait un épisode isolé pour son pote, un « hors-série » de vacances.
    Puis, quelques mois plus tard, il avait croisé Nico sur le palier de l’appart de la rue de la Colombette, alors qu’il venait réviser avec son pote.
    Et il avait compris que son pote avait des envies qu’il n’oserait pas lui avouer.

    Dimanche 22 juillet 2001, 8h30, après la nuit passé avec ses potes Jéjé et Nico.

    L’arôme corsé du café chaud, se mélangeant dans son palais au goût sucré du croissant, lui procure une intense sensation de plaisir gustatif, qui n’arrive pas pour autant à calmer son mal de tête persistant.
    En buvant une nouvelle gorgée de café, le jeune mécano se dit que le soir de la finale, après le barbec chez l’entraîneur, il aurait dû partir avant que ses propres mots ne dérapent maladroitement.

    Dimanche 15 juillet 2001, 3h50, après le barbec chez l’entraîneur, suite.

    « Putain, on l’a fait, Thib. On l’a fait ! On est champions !!! » exulte Jéjé lors de l’un de ces soubresauts émotionnels caractéristiques d’un état l’alcoolémie et de fumette anormalement élevé.
    « C’est grâce à toi, Jéjé. » fait Thibault qui connaît et maîtrise à la perfection la fameuse règle d’or des plus grandes amitiés, celle qui dit « Toujours féliciter un pote pour ce qui le rend fiers et heureux ».
    « Et à toi aussi, Thib ! Tu as été top ! Cette dernière passe que tu m’as balancée, un truc de ouf… » relance Jéjé.
    « Ça ne va pas être pareil l'année prochaine, tout le monde fiche le camp… ». Thibault ne peut s’empêcher de laisser ses mots exprimer sa tristesse.
    « Il y aura d’autres joueurs… » relativise Jéjé presque avec indifférence.
    « Mais aucun pote comme toi… » ne peut s’empêcher de préciser le jeune mécano.
    Jéjé se limite à sourire. Qui sait ce que traduit ce sourire alcoolisé ? Est-ce que le bobrun est touché par les mots de son pote ? Gêné ? Emu ? Est-ce qu’il se rend seulement compte à quel point son pote tient à lui ?
    En attendant, il se limite à boire, à fumer.
    Thibault a besoin de dire à son pote ce qu’il ressent.
    « J’ai un seul pote véritable. Et c’est toi. Tu seras toujours mon pote Jéjé, et je serai toujours là pour toi, comme je sais que tu seras toujours là pour moi, même si on habite à 1000 bornes. Mais tu vas me manquer… » fait Thibault.
    « Dans cette ville j’étouffe, j’ai besoin de changer de décor… ».
    « Pourquoi tu dis ça, Jéjé ? ».
    « Je sais pas trop… j’ai envie de partir, de voir d’autres endroits, peut-être d’autres pays… si je ne pars pas maintenant, je ne partirai jamais… ».
    « Tu dois faire ce que tu as envie de faire… ».
    « Merci Thib. ».
    Mais Thib a du mal à cacher son émotion.
    « T’as une cigarette ? » fait-il pour créer une diversion.
    « Tu fumes ? » s’étonne Jéjé.
    « C’est juste pour t'accompagner ».
    Une taffe, deux taffes.
    « Vous voulez tous me retenir ici… » fait Jéjé de but en blanc.
    « Vous… qui ? » fait le jeune pompier en entrevoyant une ouverture pour donner envie à son pote de parler des sujets difficiles.
    « Toi, Nico. » admet plutôt facilement son pote.
    Thibault a l’impression que son Jéjé aurait envie de s’ouvrir, mais qu’il a encore du mal.
    Thibault est inquiet pour son pote. Il se dit que ça doit être un sacré bordel dans sa tête, il faut au moins qu’il sache qu’il est là pour lui comme toujours, que ça ne change rien à leur amitié, qu’il le soutient et qu’il pourra toujours compter sur lui.
    Car il connaît son pote, il le connait au-delà des apparences, il sait qu’au-delà des muscles, de la puissance physique, de son assurance apparente de petit mec un peu macho, un brin frimeur, se cache un garçon de 19 ans qui doute de lui. Il a toujours douté, et il doit douter d’autant plus depuis ce qui se révèle en lui au contact de Nico.
    Alors, il décide de forcer un peu les choses :
    « Oui, je pense… enfin, je suis même sûr que tu vas lui manquer à lui aussi… ».
    « Il trouvera un autre pote pour lui coller aux baskets ! ».
    « Mais ce n'est pas d’un pote dont il a besoin… ».
    « Je ne sais pas de quoi il a besoin, mais il faut qu’il arrête de me pomper l’air. » fait Jéjé soudainement emporté.
    Thibault sent que c’est l’alcool qui fait parler son pote, il le sent au ton altéré de sa voix, à son irritabilité à fleur de peau, il le voit à son regard perdu.
    La conversation étant engagée, le jeune mécano décide malgré tout de poursuivre dans sa direction. Il décide d’y aller en douceur, mais d’y aller quand même. De continuer à lancer des perches.
    « En tout cas c’est vraiment un gars sympa. Et il tient beaucoup à toi. Vraiment beaucoup… ».
    « Oui, même trop ! ».
    « Il est vraiment fou de toi, et c’est beau, ça… » fait Thibault sur le ton de la rigolade, dans la tentative de mettre son pote à l’aise. C’est un coup de poker, c’est risqué, c’est quitte ou double.
    « Mais de quoi tu parles ? » réagit pourtant assez brusquement ce dernier.
    « De toi, de Nico. Tu me connais, Jéjé, tu sais que je peux tout entendre… ».
    « Mais je n’ai rien à te dire ! ».
    Agacement montant de Jéjé.
    « Tu sais que ça ne changera rien entre nous… ce qui se passe… ».
    « Mais il ne se passe rien, je te dis ! ».
    « Jé, s’il te pl… ».
    « Tu me gonfles ! ».
    « Tu seras toujours mon pote… ».
    « Tu me fais quoi là, Thib ? » commence à se faire menaçant le bobrun torse nu et en colère.
    « Jé… il n’y a rien de mal à ça. ».
    « Mais putain… de quoi est-ce que tu me parles, mec ? ».
    « De toi, de Nico… ».
    « Mais PUTAIN ! Tu veux me faire dire quoi, au juste ? Que je le baise ? Qu’il adore ma queue ? Tu veux vraiment savoir ??? » fait Jéjé en montant dans les tours à chaque mot et en franchissant un palier de colère à chaque interrogation.
    Thibault se tait, il regarde son pote, soutient son regard, attend l’explosion de sa colère qui est la traduction de ses angoisses. Ça va faire du dégât, mais c’est inévitable.
    « Oui, il me suce, il m’avale et je lui démonte le cul… c’est ça que tu veux savoir ? » balance Jéjé noir de colère, le débit rapide, se mangeant quelques mots.
    « Ne te mets pas en colère Jéjé… » tente de le calmer le jeune pompier.
    Mais le bobrun continue comme un bulldozer sans chauffeur :
    « Nico est une petite pute qui aime ma queue comme si sa vie en dépendait !!! Quand il est venu réviser, il avait tellement envie de se faire démonter qu’il n’arrivait pas à aligner deux mots. Je l’ai baisé pour lui rendre service… ce puceau… cette tafiole… ».
    « Jé, t’as pas à sortir tous ces gros mots… moi je pense que Nico est un bon gars… tu es injuste avec lui, tu en fais une caricature… Nico n’est rien de tout ça… et s’il avait envie de coucher avec toi, c’est que tu lui plais vraiment… ».
    Thibault tente de calmer le jeu.
    « Ce mec est juste une bonne petite salope que je défonce pour me vider les couilles quand j’en ai envie… avec une petite pute comme lui, c’est à la demande. Dès qu’il sent l’odeur d’une queue, il rapplique sans demander son compte… ».
    « Tu es trop dur avec lui. C’est un bon mec. Il est homo, oui, mais il n’est pas du tout comme ça… j’en suis sûr… ».
    « Tu ne l’as pas vu devant une queue tendue… tiens, tu vois voir à quel point il aime la queue ? Tu paries combien que si je lui envoie un message même à trois heures du mat il rapplique en courant et il va bien nous vider les couilles a tous les deux ?
    Ce disant, Jéjé sort son tel de sa poche.
    Pas sûr qu’il arrive à écrire et envoyer un sms dans cet état d’ivresse, mais sait-on jamais.
    « Arrête de jouer au con, Jé, Nico est un bon gars, et tu le sais… » fait Thibault paniqué, soudainement emporté
    « Moi j'ai envie de me faire vider les couilles, pas toi ? ».
    « Tu ne peux pas le traiter comme ça. Nico a des sentiments pour toi… » le ton de ses mots est de plus en plus ferme.
    « Tu le connais, toi ? ».
    « Assez pour savoir que c’est un gars bien… ».
    « Ne te laisse pas avoir par ce petit merdeux… Nico s’est rapproché de toi parce que t'es mon pote… en plus, il doit bien te kiffer… tout ce qu'il aime, ce sont les mecs qui font vraiment mecs… comme toi, comme moi… sucer, avaler, se faire défoncer, se faire fourrer, il adore ça… il n'a qu'une envie, se faire baiser… ».
    « Nico n’est pas un con, il est même plutôt sympa comme gars… oui, il s’est rapproché de moi parce que je suis ton pote… et surtout parce qu’il a besoin d’un pote… ce mec est adorable… tu ne devrais pas être si dur avec lui… il ne demande pas la lune, juste de ne pas être traité comme de la merde… ».
    Thibault essaie de garder son calme légendaire mais l’attitude méprisante et la mauvaise foi manifeste de son pote vis-à-vis de Nico a le don de le mettre hors de lui
    « Il a bavé sur moi ? »
    « Il n’est jamais venu se plaindre… il ne m’a rien appris que je ne savais pas déjà… il est juste un peu perdu, il a besoin d’écoute… ».
    « Il a surtout besoin de se faire démonter… ».
    « Arrête ça, je te dis, Jé, tu commences à m’énerver… ».
    Le jeune mécano a de plus en plus de mal à rester calme. Le ton de sa voix commence à laisser transparaitre son emportement.
    « Tiens… tu veux savoir ? Je l’ai baisé pas plus tard que cet après-midi, après le match… ».
    « De quoi ? ».
    « Tu crois que j’étais en retard au barbec pour quelle raison ? Quand vous avez tous été partis, je l’ai sifflé, il a fait demi-tour et il m’a ouvert son fion. Et il en a eu pour son grade… ».
    « Arrête Jéjé. T’as pas besoin de me balancer tout ça… je dis juste qu’il n’y a rien de mal à ce qui se passe entre vous deux… et que ça te ferait du bien de ne pas te prendre autant la tête… putain, Jé ! ».
    Thibault sent ses joues chauffer, sa colère monter, il veut rester calme, mais il ne peut plus.
    « Je ne suis pas pd !!! ».
    « Je n’ai jamais dit ça… mais il n’y a rien de mal au fait que tu couches avec Nico… l’important c’est juste que tout le monde trouve son compte et que personne ne souffre… t’as pas besoin de le traiter de tafiole… ça n’efface pas le fait que tu t’envoies en l’air avec lui… ».
    Thibault se rend compte que le ton de sa voix est de plus en plus emporté. Cette discussion le prend aux tripes, ça le fait chier que son pote soit à ce point dans le déni, attitude qui le rend malade et qui fait souffrir un garçon aussi gentil que Nico.
    « Je ne suis pas pd je te dis !!!! ».
    « Je sais bien… mais même si tu l’étais, je m’en ficherais, tu serais toujours mon pote… ».
    « Mais je ne le suis pas !!! ».
    Ces derniers mots, Jéjé les avait crachés dans un cri étouffé, son attitude s’étant soudainement faite très agressive. Thibault avait rarement vu son pote bondir aussi vite et aussi loin de ses gonds.
    Son pote était désormais très remonté et il savait qu’il n’y aurait plus de discussion possible cette nuit-là.
    Sa bière était très vite arrivée à la fin.
     « Je vais y aller, Jéjé… » s’était alors décidé à annoncer à contre-cœur.
    Il aurait eu envie de voir son pote se calmer avant de partir, mais il réalisait que sa présence lui empêchait justement de se calmer.
    Une seconde plus tard, il se dirigeait vers le séjour, se préparant à quitter l’appart.
    Thibault avait senti son pote lui emboîter le pas. Mais il ne s’était retourné alors qu’il avait déjà la main posée sur la poignée de la porte d’entrée.
    C’est là qu’il s’était rendu compte du brusque changement attitude de Jéjé. Le temps de quelques pas, son pote affichait désormais un regard comme vidé de toute énergie, perdu, paumé.
    Certes, il avait besoin de dire des choses à son pote ; il avait essayé de faire passer le message de la façon la plus soft possible, mais il regrettait que le sujet soit si sensible et que ses mots aient fini par pousser son pote au bout, en gâchant ainsi cette soirée de fête après une si belle victoire.
    Même si, dans les faits, Jéjé s’est poussé à bout tout seul, il s’est braqué si vite, aveuglé par ses propres démons. Si seulement il pouvait s’ouvrir un peu, accepter ses envies, ses ressentis…
    Thibault aurait voulu trouver les mots, le ton, « la façon de ». Mais il mesurait son impuissance à faire quoique ce soit de plus pour son pote à cet instant précis. Tout ce qu’il pourrait dire ou faire, ça ne ferait qu’empirer les choses.
    Il avait regardé une dernière fois son pote : le dos collé contre le mur juste à côté de la porte d’entrée, le regard perdu quelque part dans la pénombre de la pièce, la respiration haletante d’un corps épuisé de fatigue, de chaleur, d’alcool et de colère. Il n’avait vraiment pas l’air bien.
    Thibault se disait que sa carapace commençait à montrer quelques fissures, elle ne demandait probablement qu’à céder… et c’est peut-être au final ce qu’attendait son pote, qu’on l’oblige enfin à regarder ses contradictions en face…
    Il avait essayé, il s’était fait rembarrer. Certes, son pote avait besoin de s’ouvrir mais il ne pouvait pas l’obliger à le faire s’il n’était pas prêt. Le sera-t-il, prêt, un jour ? En tout cas, pas ce soir, pas encore.
    Envie comme jamais, déchirante, de lui proposer de rester. Mais pour quoi faire ? Si c’est pour être une fois de plus confronté à cette tentation qui le happe lorsqu’il est à côté de son pote… une nouvelle tentative de galipette n’arrangerait rien, ça compliquerait encore plus les choses.
    Le mieux c’était encore de le laisser se calmer tout seul, et faire dès demain, une fois de plus, comme s’il ne s’était rien passé.
    La main avait tiré la poignée vers le bas, le battant de la porte s’était entrouvert.
    Un dernier regard à son pote avant de partir. Il n’est vraiment pas bien, il ne peut pas le laisser comme ça.
    Le battant de la porte se referme. La main du jeune pompier quitte la poignée de la porte.
    Thibault se poste juste devant son pote et le serre dans ses bras. Une étreinte sans mots, qui dure une poignée de secondes.
    Intense bonheur que de sentir son torse musclé contre le sien, ses biceps contre les siens, sa joue contre la sienne ; sentir sa respiration ralentir, ses angoisses se calmer, sa colère refluer.
    Intense bonheur et brûlante torture que de le sentir si proche, sentir le parfum de sa peau, la chaleur de son corps.
    Thibault se sent bander. Il veut reculer, mettre fin à cette accolade, mais son pote le retient.
    Les bras de son pote l’enserrent à leur tour, très fort ; les pecs, les bosses se frôlent. Il arrive à sentir l’érection de son pote.
    Les bras de son pote sous ses propres bras, remontant dans son dos, les mains croisées derrière son cou, les maintenant fermement front contre front, nez contre nez, souffle contre souffle, peau contre peau, pecs contre pecs. Deux respirations haletantes, deux attirances brûlantes, deux envies de mecs.
    Et tant d’interrogations dans la tête du jeune mécano.
    Qu’est-ce qu’il cherche ? De quoi a-t-il envie ? Pourquoi ? Quel rôle jouent l’alcool, la fumette, sa tristesse, le manque de son Nico dans ce qu’il semble envisager à cet instant ? Est-il bien raisonnable de se laisser aller, et après ? Va-t-il le regretter ? Comment va-t-il se sentir après ça si, une fois de plus, il va falloir faire comme si de rien ne s’était passé ? Arriverait-il à faire face ?
    Il n’a plus le temps de réfléchir, le nez de son pote se frotte désormais contre le sien. Ses lèvres cherchent les siennes.
    Les mains, les lèvres parcourent la peau, les désirs s’enflamment, son pote l’attire à lui de façon de plus en plus ferme, affirmée, les corps se cherchent, s'enlacent, les désirs se libèrent…
    Pourtant…
    « Va te faire voir, connard ! » avait été le dernier mot de Jéjé pendant que Thibault quittait l’appart quelques instants plus tard, comme jamais il ne l’avait quitté, avec un sentiment mixte de colère, de tristesse, de désolation, d’excitation et de frustration.
    Il s’en était suivi une semaine de silence de la part de Jéjé, un silence que le beau pompier avait très mal vécu. Il aurait pu l’appeler. Mais il avait besoin d’une explication face à face.
    Voilà pourquoi en ce samedi, il avait eu besoin de voir son pote à cette heure tardive.
    Il avait espéré le trouver seul. Manque de bol, il ne l’était pas. Nico était là. Nico qui était le sujet de leur accrochage de la dernière fois et qui devait être l’un des sujets de cette explication qu’il avait espérée avec son pote.
    Son malaise vis-à-vis de Nico avait commencé à se faire sentir lorsque Jéjé avait essayé de le dépeindre comme une petite salope sans principes, lui donnant des détails sur leur vie sexuelle qu’il était gêné de connaître désormais.
    Ce malaise s’était définitivement installé après ce qui avait failli se passer entre son pote et lui. Ce malaise était le sentiment de trahir la confiance de Nico.
    Un malaise qui ne l’avait pas quitté depuis ; d’où, la distance qu'il n’avait pas pu s’empêcher de montrer à Nico lorsqu'il l'avait croisé dans la semaine à la sortie de son boulot.

    Nuit du samedi 21 juillet au dimanche 22 juillet 2001, là où les trois potes ont mélangé leurs corps et leurs plaisirs.

    Pour arranger le tout, Jéjé s’en était sorti avec cette idée de se joindre à lui et à Nico pour une galipette entre mecs. Une proposition qui avait bien déstabilisé le jeune pompier.
    Thibault hésitait face à une proposition qui l’amènerait à coucher avec Nico, qu’il considérait désormais comme un vrai pote, un pote qui était, en plus, le « mec » de son Jéjé ; une proposition qui l’amènerait à coucher avec lui avec son Jéjé, sous les yeux de Jéjé, avec toutes les tentations que cette nouvelle proximité avec son pote de toujours allait éveiller.
    Thibault hésitait également à cause du mépris montré par Jéjé vis-à-vis de Nico, un mépris dans lequel il devinait sa volonté de lui montrer qu’il avait raison, une semaine plus tôt, de vouloir appeler Nico pour qu’il les suce tous les deux ; comme s’il voulait à tout prix lui montrer que Nico se comporterait exactement comme il l’avait annoncé, comme une petite pute.
    Face à la proposition de Jéjé et à son insistance, Thibault s’était senti comme pris au piège.
    Mais au final, la tentation avait été trop forte. Plus forte que sa petite voix intérieure qui lui disait : « Pars, c’est le mieux que t’aies à faire ! ».
    C’était la tentation face à la sensualité virile de son pote Jéjé, face à ce débardeur blanc cousu comme sur mesure sur son torse soulignant la ligne parfaite de ses épaules et la couleur mate de sa peau.
    Il regardait son pote et il repensait à la complicité sensuelle lors du plan avec les deux nanas quelques semaines plus tôt.

    Quelques semaines plus tôt, lors d’une soirée au KL…

    Jéjé avait sorti ça, de but en blanc, pendant la soirée au KL. Le jeune pompier avait d’abord été surpris, désarçonne. Mais très vite il avait eu envie de partager ce moment avec son pote, la présence des nanas n’étant au fond que prétexte pour approcher la sexualité de son pote.
    C’était comme un test qu’il se lançait, un test pour comprendre ce qui l’intriguait chez lui, pour appréhender ses propres sentiments.
    Si vraiment son pote allait partir à la rentrée, il n’aurait probablement jamais d’autres occasions pour vivre ça, pour savoir.
    Thibault avait aimé cette nuit avec les deux nanas. Et ce qu’il avait aimé par-dessus tout, c’était cette super complicité avec son pote. Une complicité faite de regards, des contacts de peau trop nombreux pour être toujours involontaires, ressemblant parfois à des caresses qui ne s’avouent pas.
    Et il avait eu aussi des véritables caresses : la main de son pote qui s’enfonce dans ses cheveux, à la base de la nuque. Jamais il n’avait ressenti un frisson si puissant.
    S’il y avait une certitude que ce plan avec les filles avait pu apporter au jeune mécano, c’était qu’il avait ressenti un bonheur intense en regardant son pote prendre son pied ; que la proximité, le contact et certaines caresses réciproques avaient grandement participé à l’excitation, au plaisir de son pote, et du sien.
    Pourtant, loin d’avoir étanché sa curiosité, ce plan n’avait fait que l’attiser, la mêlant à une sorte de frustration de ne pas pouvoir franchir une certaine ligne rouge, de ne pas pouvoir encore plus se rapprocher de son pote ; et ce, à cause de la présence des filles, mais pas seulement.
    Après ce plan avec les deux nanas, Thibault n’avait qu’une envie, celle de remettre ça… et très vite, son envie de « remettre ça » était surtout devenue une envie de « remettre ça » seul à seul avec son pote.
    Ce qui expliquerait le dérapage de la fameuse nuit entre la demi-finale ratée et la finale victorieuse. Et tout aussi bien ce qui avait manqué de se passer le soir de la finale après le barbec chez l’entraîneur.

    Nuit du samedi 21 juillet au dimanche 22 juillet 2001, là où les trois potes ont mélangé leurs corps et leurs plaisirs, suite.

    Alors, dans la proposition de Jéjé de partager un nouveau moment sensuel, bien que dans un plan à trois avec son Nico, le jeune mécano avait eu envie de voir une sorte de « réconciliation » avec pote, comme si finalement il ne lui en voulait pas pour ce qui s’était passé, pas plus que pour ce qu’il avait manqué de se passer, dernièrement, entre eux.
    Pendant un instant, il s’était également demandé si dans la proposition de son pote il n’y avait pas aussi, en toile de fond, une autre intention, une autre envie…
    Thibault avait très envie de retrouver la complicité sensuelle avec son pote. Est-ce que l’invitation de son pote exprimait cette même envie ?
    Oui, Thibault avait vraiment envie de retrouver la complicité sensuelle avec son pote. Peur et envie à la fois. Mais, comme souvent, le désir l’avait emporté sur le sens du danger.
    Et du désir, le jeune pompier en ressentait également pour son nouveau pote Nico. Ce petit bonhomme si mignon, si adorable, si doux, dégageant un tout autre type de sensualité, mais pas moins intense que celle dégagée par son pote Jéjé. Le corps de Nico, ses envies, étaient la promesse de bien de sensations nouvelles, de découverte sensuelle.
    Et la perspective que ça se passe juste « entre mecs » lui paraissait tout particulièrement excitante, car ça semblait promettre un encore plus grand rapprochement sensuel avec ce dernier.
    De plus, ce partage était également l’occasion de rentrer un peu dans l’intimité de ses deux potes. L’occasion non seulement de découvrir le bien qu’on peut se faire entre mecs, mais aussi le bien que ses deux potes se faisaient entre eux.
    Oui, Thibault était un peu curieux. Curieux de savoir ce que son pote aimait. Et pourquoi il n’arrivait pas à l’assumer.
    Certes, au début, il avait été un peu déboussolé par cette sexualité directe entre mecs. Mais Nico avait très bien su s’y prendre, et il avait rapidement aimé ça, l’alcool et le joint aidant à faire tomber les toutes dernières inhibitions.
    Il ne s’y était pas trompé. La dimension « entre mecs » donnait une toute autre ambiance à la scène. Elle autorisait plus de proximité, de complicité, de promiscuité, plus d’audace.
    Il avait eu envie de branler son pote, de toucher sa queue magnifique. Et il avait trouvé le moyen d’assouvir son envie. Et ça avait été tout aussi excitant, si ce n’est plus que sous les draps, dans le noir, la dernière fois.
    Inutile de se le cacher. Comme la dernière fois, il avait eu envie de la prendre en bouche. Envie comme jamais. Surtout en voyant Nico s’y livrer sans tabou et son pote prendre un plaisir si intense. Ce même plaisir que ce petit Nico lui offrait si généreusement.
    Ça faisait longtemps que Thibault imaginait le bien que Nico faisait à son pote et qui rendait ce dernier accroc au sexe entre garçons. Mais là, il le voyait, il le vivait, dans le plaisir de son pote ; il le ressentait dans le plaisir que Nico lui offrait.
    Savoir ce que son pote ressent lorsqu’il se fait sucer par un mec et ne pas pouvoir lui offrir… Thibault ressentait une frustration déchirante.
    Mais très vite le jeune mécano s’était senti désarçonné par ces pensées et il s’était fait violence pour les chasser de son esprit.
    Pour ce faire, il avait choisi la voie de la diversion. Le jeune pompier avait choisi de se perdre d’abord dans la fumette, cette fumette qu’il avait d’abord eu envie de rendre responsable de ces pensées absurdes, cette fumette dont il avait usé bien plus qu’à son habitude.
    Et il avait choisi de se perdre dans le plaisir avec Nico.
    Très vite, dans son esprit altéré, mais encore assez lucide pour ne pas perdre de vue l’essentiel, il s’était dit qu’il préférait se laisser aller au plaisir avec Nico, un plaisir intense, addictif. Un plaisir dans lequel il perdait pied petit à petit, un plaisir qui l’éloignerait, le soignerait de ce désir, interdit celui-là, pour son Jéjé.
    Oui, plus il se laissait aller au plaisir avec Nico, plus son esprit se libérait de la tentation pour Jéjé. Mais plus il se laissait aller avec Nico, plus il se rendait compte que ce plaisir était vraiment trop bon : le sexe, certes, mais aussi la tendresse, la complicité, la douceur, les regards, les sourires, les caresses, les petits mots.
    Très vite le jeune pompier s’était rendu compte que Nico était non seulement un très bon amant, mais également et avant tout, un garçon doux, sensuel, touchant, attachant, un garçon qu’on a juste envie de protéger, de rassurer, de caresser, de câliner, de serrer dans ses bras.
    Ce petit Nico l’avait tellement ému sensuellement qu’il avait très vite ressenti l’envie de lui rendre ce plaisir intense qu’il lui offrait si généreusement. Envie de le branler, de lui donner du plaisir, le faire jouir, de jouir avec lui.

    Dimanche 22 juillet 2001, 8h57, après la nuit passée avec ses potes Jéjé et Nico.

    Devant sa tasse de café désormais presque vide, Thibault se demande comment Jéjé peut se montrer si dur, se comporter si mal avec ce petit mec si mignon.
    Il se revoit enlacé à Nico pendant l’amour, il revoit le regard de Jéjé ; il sait qu’il est jaloux, même s’il ne veut pas l’admettre ; il est déstabilisé par le fait que lui, son pote, n’aille pas dans son sens avec Nico, qu’il ne le traite pas comme un objet sexuel ; et que, au contraire, il lui montre du respect, qu’il s’occupe de lui.
    Il revoit Jéjé se montrer humiliant, méprisant, presque violent avec Nico, à l’image des mots qu’il avait eu à son sujet le soir de la finale, et qui avait été l’objet de leur accrochage.
    Thibault regrette la brutalité de Jéjé. Et même s’il devine que cette brutalité n’est autre que l’expression de sa jalousie, il regrette qu’il l’exprime ainsi.
    Ce qu’il regrette également c’est que Nico ne réagisse pas non plus, qu’il se laisse faire, alors qu’il est très conscient du mauvais comportement de Jéjé.
    Comment s’immiscer ou prendre parti dans une relation de « couple », sans faire encore plus de dégâts ?
    Et puis, sans vraiment avoir eu le temps de réfléchir, tout s’était s’enchaîné, les corps s’étaient frôlés, s’étaient mélangés, les sens s’étaient emballé.
    L’envie de lui faire la morale s’était estompée face au désir, au fil des contacts répétés qui avaient provoqué comme des étincelles sur la peau et dans le ventre, au fil des regards qui s’étaient croisés, enflammés
    Oui, tout s’était enchaîné dans un tourbillon sensuel qui l’aspirait. Thibault et Jéjé front contre front, les mains sur le cou l’un de l’autre, perdus dans complicité qui les attirait, les sens bouillants, comme un rappel de ce qui avait failli se passer le soir de la finale après le barbec… et tout semblait ce coup-ci si possible entre eux… le plaisir que Nico savait offrir à chacun d’entre eux à cet instant, éloignant et exacerbant à la fois le feu qui brûle entre son pote Jéjé et lui-même.
    Le café terminé, le croissant avalé, les titres de la Dépêche Sport parcourus de fond en comble, ce mal au crâne qui ne l’a pas quitté. Le jeune pompier n’a qu’une seule envie à cet instant, cette de rentrer ; pour retrouver son lit et un bon antalgique.
    Ce qui lui manque, c’est l’envie de parcourir la distance jusqu’à son appart.
    La porte du café s’ouvre, un client rentre. Un petit courant d’air s’engouffre dans la salle. Le coton frotte contre le t-shirt et un énième début d’érection fait gonfler le boxer et le short du jeune mécano.
    Malgré les tracas, malgré son mal de tête, ses sens sont en éveil comme jamais. Il donnerait cher pour pouvoir recommencer avec ses deux potes. Si seulement c’était possible, si seulement le sexe n’était pas si difficile à mélanger avec l’amitié.
    « Tu ressens quoi, au fait, pour Jéjé ? » la question résonne dans sa tête, insistante, brûlante.
    « Jéjé est mon meilleur pote et c’est ça le plus important », voilà la réponse que le jeune pompier tente de se donner.
    Il sait pourtant que ce n’est pas une réponse tout à fait satisfaisante.
    « Ne te mens pas Thibault, ne commence pas à faire ce que tu n’as jamais fait. Sois honnête avec toi-même, c’est la seule façon pour faire les bons choix. Ou, du moins, les moins mauvais. ».
    Oui, Jéjé est son meilleur pote. Pourtant, il y a un « truc » entre eux, un « truc » qui les attire, qui les emporte. Thibault le sait, il le sent ; et Jéjé le sent aussi.
    Un « truc » qui s’était réveillé en lui depuis qu’il avait compris que son pote couchait avec Nico. Et qu’il avait réalisé que son pote Jéjé n’était pas qu’un mec à nana, mais qu’il aimait les garçons aussi.
    Depuis, le fait de savoir que son pote appréciait le contact avec un corps de mec, ça avait remué pas mal de choses dans la tête du jeune mécano.
    C’est pour ça aussi qu’il avait accepté ce plan avec les deux nanas. Et qu’il avait accepté de partager l’intimité de ses deux potes.
    « Tu ressens quoi pour ton pote Jéjé ? Et pour Nico ? » les questions résonnent dans sa tête, sans vraiment trouver de réponse stable et définitive.
    Pendant cette nuit avec ses deux potes, le jeune mécano avait senti cette envie dévorante pour son Jéjé. Mais il avait également découvert une envie inattendue, très différente, mais tout aussi puissante, pour Nico.
    Pendant que leurs corps, leurs plaisirs, leurs câlins se rencontraient, se mélangeait, Thibault avait réalisé que le contact avec Nico était pour lui une sorte de une révélation.
    Jamais il ne s’est senti aussi désiré, aussi « compris », aussi bien, tout simplement.
    La mauvaise foi de son pote lui sautait aux yeux. Nico n’est pas du tout le mec qu’il avait essayé de lui dépeindre.
    Non, Nico n’est pas juste un mec à qui on peut faire tout ce qu’on veut, sans se soucier de ses envies. Bien au contraire. Très vite Nico lui avait inspiré une irrépressible envie de lui faire du bien en retour. Nico lui avait apporté un mélange d’excitation et d’apaisement ; avec Nico, il sentait qu’il n’avait rien à prouver… Nico avait envie de lui faire plaisir… et cette envie le mettait à l’aise, lui donnait la même envie en retour.
    Avec Nico, pour la première fois, il n’avait pas eu peur d’être lui-même.
    Depuis sa dernière rupture, quelques mois plus tôt, Thibault avait perdu confiance dans les rapports humains. Il avait été très déçu, car il s’était beaucoup investi dans cette relation de 18 mois. Et il avait fini par perdre également confiance en lui-même.
    Thibault est un garçon excessivement fidèle, en amour comme en amitié ; quelqu’un d’excessivement rassurant, généreux, tellement rassurant et généreux que les gens, amis et partenaires, ont tendance à trop s’appuyer sur ses épaules, à trop attendre de lui, à considérer qu’il est un garçon solide, qui se suffit à lui-même, et ils oublient facilement de donner en retour, d’être présents pour lui.
    Thibault ne peut s’empêcher d’être un mec gentil, c’est dans sa nature. Pourtant, au fil du temps, il avait fini par réaliser que le fait d’être trop gentil, ça lui portait préjudice. C’était le cas avec ses potes, qui avaient parfois tendance à le considérer une sorte de grand frère à qui ils allaient se confier, sans jamais se soucier de ce qui pouvait le tracasser à lui. Ces potes pour lesquels il était toujours là, mais qui étaient souvent aux abonnés absents lorsqu’il avait besoin d’un retour d’ascenseur. Le seul garçon avec qui il entretenait une véritable amitié, c’était son Jéjé. Avec lui, il se sentait vraiment bien. Il savait qu’il pouvait compter sur lui si un jour le besoin devait se présenter. En attendant, Jéjé était son petit frère. Et le fait de veiller sur lui était un bonheur inouï à ses yeux.
    Mais là où sa gentillesse lui portait souvent préjudice, c’était avec les nanas.
    « Tu es trop gentil », il s’était entendu dire par son ex, en guise d’explication, en se faisant quitter. Trop gentil. Traduction : pas assez macho, pas assez con.
    Son « défaut » principal, en amitié comme en amour, était certainement celui de toujours tenter d’apaiser les conflits, de toujours éviter le clash, de ne pas chercher à s’affirmer assez fermement. Les coups de gueule, ce n’était pas dans son style. Thibault était un garçon très sensé, très solide, un garçon qui cherchait à arranger tout le monde, à dégager tous les obstacles et à arrondir tous les angles. Mais parfois, être tout le temps au petit soin, ne jamais se plaindre, ne pas montrer ses faiblesses, ne pas montrer et ne pas faire respecter ses propres envie ça peut être considéré comme un manque de caractère.
    Du coup, il ne savait plus trop sur quel pied danser avec les nanas. Jouer les coureurs, comme son pote Jéjé, il ne savait pas faire. Pourtant, les touches ne manquaient pas au jeune mécano, pompier, rugbyman : de nombreuses filles étaient sur le dossier « Thibault B. ».
    Le fait est que, les plans d’un soir, c’était pas pour lui. Rentrer avec une fille, coucher avec, se réveiller à côté d’elle, ou bien même se retrouver côte à côte juste après avoir joui, retrouver cette même fille en mode « je suis à la bourre, je dois y aller, on se rappelle (ou pas) », vraiment très peu pour lui.
    Thibault avait fini par se dire que, souvent, les filles cherchent un mec qui s’occupe d’elles, mais elles ne posent jamais la question de comment s’occuper d’un mec. Comme la plupart des mecs avec les filles. Dans ce domaine, la parité semble en passe d’être atteinte.
    Non, les relations superficielles, éphémères, ce n’était pas du tout la came du jeune pompier.
    Oui, ça faisait longtemps que le jeune mécano ne s’était pas senti vraiment à l’aise en couchant avec une fille. À chaque fois il n’arrêtait pas de se demander ce qu’il devait faire pour satisfaire l’autre, pour être à la hauteur, pour ne pas être « trop gentil ».
    Le fait est que, pour se sentir à l’aise au lit, le jeune pompier avait besoin de ressentir plus qu’une attirance physique. Il avait besoin de ressentir une proximité d’esprits, une complicité, l’envie réciproque de se faire du bien, en non pas juste l’envie de « prendre son pied chacun de son côté et de se tirer après ».
    Pour prendre son pied, il avait besoin de se sentir en confiance.
    Et c’est exactement ce qu’il avait ressenti au contact de son pote Jéjé et, de façon encore plus libérée, assumée, avec Nico.
    Voilà pourquoi cette nuit avait laissé un très fort arrière-gout de « reviens-y » dans le corps et dans l’esprit du jeune pompier…
    Comme après le plan avec les filles, et bien plus encore. Rien que d’y penser, il se sentait bander.
    Pourtant, il était bien conscient qu’il ne pourra rien se passer d’autre entre lui ses potes… ni avec Jéjé, ni avec Nico, ni même avec les deux.
    Pas avec Jéjé : pendant cette nuit, il avait réalisé que la complicité sensuelle avec son pote pourrait mettre en danger leur amitié. Une fois de plus, après un moment de sensualité partagé avec son pote, il se demandait ce qu’il devait ressentir de son côté, et comment il allait le retrouver.
    Il ne recommencera pas non plus avec Nico : car Nico est bien trop fou de Jéjé, et il ne renoncera pas à cet amour, même pour quelque chose de plus apaisé et plus tendre avec lui.
    De plus, pendant cette nuit il avait pris la mesure de la jalousie de Jéjé vis-à-vis de son Nico. Car, même s’il se comporte comme un idiot avec lui, Jéjé l’aime son Nico.
    Thibault se rendait bien compte que coucher avec l’un ou l’autre ce serait prendre le risque de perdre non pas un, mais deux potes. Le malaise vis-à-vis de l’un et la jalousie de l’autre auraient raison de leurs amitiés.
    Et il ne remettra pas ça non plus avec tous les deux, même si l’occasion devait se représenter : il sent qu’il s’attache trop à la sexualité de Jéjé, et à celle de Nico aussi.
    Pourtant, l’envie de recommencer est bien là. Thibault finit par se demander s’il est finalement gay, ou bi.
    Mais ce qui le tracasse le plus, c’est le fait de ressentir des envies qu’il ne pourra pas assouvir, ni exprimer.
    Chacun à leur façon, Jéjé et Nico se sont confié à lui. Mais lui il ne pourra jamais se confier à eux. Ni à personne d’autre. Il ne peut compter que sur lui-même, condamné à jouer éternellement le rôle de bon pote, dans une double relation d’amitié qui s’est ouverte à autre chose.
    Il se demande s’il aura la force de prendre sur lui et de ne rien laisser paraître.
    Thibault se dit que cette nuit a été une erreur, une erreur qu’il aurait pu empêcher en étant plus fort, en résistant à ses tentations, en partant juste après la proposition de son pote de se joindre à eux, la première fois qu’il l’avait annoncé, partir quand il était encore temps.
    Oui, cette nuit a été une erreur, une erreur pour laquelle il s’en veut terriblement, une erreur qui ne se répétera pas, certes.
    Mais une erreur qui risque fort de bien compliquer les relations avec (et aussi « entre ») ses deux potes.
    Oui, comment retrouver Jéjé maintenant ? Il craint que son pote puisse lui en vouloir à cause de cette complicité aussi intense qu’inattendue avec Nico. Et puis, il y a ce truc si intense entre eux. Il l’a branlé, il s’est laissé branler.
    Comment retrouver Nico ? Comment reprendre le fil de leur amitié après ça, alors que le corps frissonne encore de plaisir ?
    Pourvu que Nico ne soit pas jaloux de sa complicité sensuelle avec Jéjé et qu’il ne se soit pas senti trahi, qu’il ne se soit pas senti un « moyen » pour lui d’approcher la sexualité de son pote Jéjé.
    Thibault se dit que, même si leurs relations survivent à cette nuit, rien ne pourra plus être comme avant, ni avec Jéjé, ni avec Nico.
    Le sexe entre potes est sacrément bon… mais qu’est-ce que ça fiche comme bordel après coup…
    Il se dit qu’il lui faudra redoubler d’efforts pour garder bonne impression face à ses potes, pour faire comme si tout allait bien. Alors que dans sa tête c’est le tsunami.
    Thibault sait qu’il ne doit, qu’il ne peut pas céder à ces envies, car, même s’il a pu prendre part à un épisode de leur histoire en tant qu’invité spécial, cette histoire leur appartient.
    Les personnages principaux de cette histoire sont Jéjé et Nico, et lui, Thibault n’est qu’un second rôle tout juste crédité au générique de fin.
    Ça crève les yeux, il y a bien plus que du sexe entre ces deux bonhommes, si différents, mais si proches. Ils sont faits pour être ensemble.
    Thibault sait ce qui lui reste de mieux à faire, les aider à se donner une chance. Mais il sait aussi qu’il va devoir la jouer fine.
    Il lui faut d’abord trouver le moyen de parler à Jéjé pour qu’il change son comportement avec Nico, sans quoi un gros clash est à prévoir, un clash qui laisserait son pote de toujours complètement désemparé, en proie à ses démons, un clash qui anéantirait Nico.
    Il regrette de ne pas avoir réagi plus fermement avec son Jéjé, de ne pas lui avoir dit clairement qu’il n’avait pas à se comporter de cette façon avec Nico, pour aucune raison.
    Mais il y a un temps pour tout, et sur le moment il avait estimé que ce n’était pas la chose la plus maline à faire. Mais il sait qu’il va devoir parler à son pote de tout cela.
    Et au même temps il lui faudra être à l’écoute de Nico, tout en évitant de lui montrer ses sentiments, ses faiblesses, il lui faudra l’épauler et l’encourager à se donner les moyens de faire tomber les remparts de Jéjé.
    Thibault sent que ces remparts sont en train de se fissurer de toute part et qu’il suffit un coup bien placé pour tout faire tomber comme un château de cartes et mettre son pote à nu. Il faut juste trouver le moyen adapté, le bon timing, la bonne occasion pour le faire.
    Thibaut sait que, lorsque ses deux potes se seront vraiment trouvés, il lui faudra prendre de la distance. Ça risque d’être difficile, mais il le faudra pourtant, trop dur pour lui de les voir heureux, ensemble.
    Le jeune mécano se dit qu’il devrait être heureux pour eux. Mais leur bonheur exclut le sien. Alors, il ressent le besoin de se mettre en retrait pour se protéger, pour tenter de soigner ses blessures.
    Sur cette décision, le jeune pompier quitte le café, tandis que son mal de crâne commence enfin à s’estomper.
    On est de suite soulagés lorsqu’on prend une décision. Même si on ne sait pas si on arrivera à la mettre en pratique.

    Dimanche 15 juillet 2001, après le barbec chez l’entraîneur, 4h31.

    Thibault se poste juste devant son pote et le serre dans ses bras. Une étreinte sans mots, qui dure une poignée de secondes.
    Intense bonheur que de serrer son pote dans ses bras, sentir ce torse musclé contre le sien, ses biceps contre les siens, sa joue contre la sienne ; sentir sa respiration ralentir, ses angoisses se calmer, sa colère refluer.
    Intense bonheur et brûlante torture que de le sentir si proche, sentir le parfum de sa peau, la chaleur de son corps.
    Thibault se sent bander. Il veut reculer, mettre fin à cette accolade, mais son pote le retient.
    Les bras de son pote l’enserrent à leur tour, très fort ; les pecs, les bosses se frôlent. Il arrive à sentir l’érection de son pote.
    Les bras de son pote sous ses propres bras, remontant dans son dos, les mains croisées derrière son cou, les maintenant fermement front contre front, nez contre nez, souffle contre souffle, peau contre peau, pecs contre pecs. Deux respirations haletantes, deux tentations, deux attirances brûlantes, deux envies de mecs, deux hésitations…
    Et tant d’interrogations dans la tête du jeune mécano.
    Qu’est-ce qu’il cherche ? De quoi a-t-il envie ? Pourquoi ? Quel rôle jouent l’alcool, la fumette, sa tristesse, le manque de son Nico dans ce qu’il semble envisager à cet instant ? Est-il bien raisonnable de se laisser aller, et après ?
    Le jeune pompier pense à ce qu’il pourrait ressentir après ça… va-t-il le regretter ? Comment va-t-il se sentir après ça si, un fois de plus, il va falloir faire comme si de rien ne s’était passé ? Arriverait-il à faire face ?
    Plus le temps de réfléchir, le nez de son pote se frotte contre le sien. Les lèvres de son pote cherchent les siennes.
    Les mains, les lèvres parcourent la peau, les désirs s’enflamment, son pote l’attire à lui de façon de plus en plus ferme, affirmée, les corps se cherchent, s'enlacent, les désirs se libèrent…
    Les corps se cherchent, s’enlacent, les mains caressent des bosses bien saillantes et chaudes, celles de Jéjé défont fébrilement sa braguette, dévoilent le coton tendu de son boxer, ainsi que des envies très claires. Elles remontent tout aussi fébrilement le long des bras de Thibault, impatientes, comme pour lui donner la marche à suivre. Elles redescendent, descendent le jeans et le boxer, libèrent la queue de sa prison de coton.
    Des odeurs chaudes de mec se dégagent, arrivent très vite aux narines de Thibault. Sa main se pose sur le manche tendu de son pote, son désir s’emballe, il est sur le point de se laisser aller à ce bonheur tant attendu et finalement à sa portée.
    Il s’apprête à satisfaire l’envie de son pote si clairement exprimé. Ses genoux se plient, son visage n’est plus qu’à hauteur des pecs de son pote. De ses abdos. Il sent le sang pulser dans la queue chaude de son pote.
    Mais à la toute dernière seconde, le jeune pompier se relève, s’éloigne.
    « Je ne peux pas. Je suis désolé, Jé… ».
    Il regarde son pote, le jeans et le boxer sur les genoux, la queue raide, le regard ahuri. Il sait qu’il vient de faire une énorme connerie.
    Il vient de quitter la poignée chaude et raide de son pote et il saisit la poignée froide de la porte d’entrée.
    Son pote lui attrape fermement le bras pour le retenir.
     « Tu fais quoi là ? ».
    « Je suis désolé… ».
    « T’en avais envie l’autre nuit… ».
    « Tu as eu raison de m’arrêter… ».
    « Viens me sucer, putain ! » fait Jéjé en l’attirant violemment à lui.
    Thibault est à nouveau face à son pote. Il voit à quel point il est saoul, à quel point il a envie de ça, envie primaire. Bien sûr qu’il en a envie, lui aussi, il en a terriblement envie… l’odeur de sa peau et de son sexe monte à ses narines. C’est au prix d’un effort colossal qu’il se retient de céder à son envie déchirante.
    Oui, Thibault en a très envie… mais pas comme ça… pas à cause de l’alcoolémie, de la tristesse, du désarroi, de l’absence de Nico, pas en faisant ça dans le dos de Nico.
    Jéjé porte une main sur le cou de son pote pour le pousser vers sa braguette.
    « Je ne peux pas ! » fait Thibault en résistant à la force de son pote et en se dégageant à nouveau.
    « T’es vraiment con ! » balance Jéjé en balançant violemment le biceps du jeune mécano.
    « Passe une bonne nuit, Jé… » fait Thibault en passant la porte, fuyant le regard de son pote.
    « C’est ça. Va te faire voir, connard ! » avait été le dernier mot de Jéjé pendant que Thibault quittait l’appart quelques instants plus tard, comme jamais il ne l’avait quitté, avec un sentiment mixte de colère, de tristesse, de désolation, d’excitation et de frustration.



    4 commentaires
  • Bonjour à toutes et à tous ! Bienvenue sur le site Jérém&Nico Merci d'avance.  J&N   Fabien.


    Le bus s’arrête. Les portes s’ouvrent, des passagers descendent, d’autres montent. Le brun « Thibault-like » n’a pas bougé de son siège. Les portes se referment. Le bus repart.
    Nous nous approchons de notre destination, dans pas longtemps nous allons descendre, je vais découvrir l’appartement du bomécano.
    Le bus s’arrête une nouvelle fois… ça remue autour de nous, mais il n’y a toujours pas de place pour s’asseoir… le bobrun a toujours le nez planté dans la Dépêche…
    Le bus repart et c’est là que je me rends compte que des « passagers » un peu particuliers sont en train de se balader dans le bus… les contrôleurs. Je les entends demander à droite et à gauche de présenter les tickets…
    C’est là que le petit ouvrier « Thibault like » lève enfin le nez de son journal, enlève ses écouteurs, ce qui m’offre l’occasion de croiser à nouveau son regard… il y a quelque chose dans ce regard, comme une inquiétude, un truc que je ne sais pas voir sur le moment, mais que je ne vais pas tarder à découvrir.
    Après nous avoir contrôlés, Thibault et moi, le contrôleur s’approche du bogoss, lui demande son ticket. Je le vois trifouiller longuement dans son sac à bandoulière pour en sortir un ticket un peu usé, qui s’avère non valide. Le contrôleur lui demande s’il ne s’est pas trompé, le bogoss répond en effet qu’il a dû se tromper et en cherche un autre qui, après vérification, se révèle tout aussi invalide.
    C’est là que je comprends enfin… il le savait bien sûr, le bogoss savait qu’il n’avait pas de ticket valide, mais il a tenté sa chance, il a cherché à bluffer. C’est ça que je n’ai pas su voir dans son regard lorsqu’il a vu les contrôleurs, ce regard qui disait « merde, je vais me faire gauler, mais je vais essayer de tricher, on ne sait jamais… ».
    Pourtant, le mec a vraiment l’air d’un honnête garçon, d’un ouvrier, d’un bosseur, d’un mec qui prend le bus tous les jours pour aller à son taf… pas le genre à tenter de frauder… à mon avis, il a juste oublié d’en racheter… 
    Ceci dit, je comprends qu’il ait cherché à bluffer… son salaire doit être assez dur à gagner pour se résigner à lâcher « comme ça » le montant d’une amende, surtout à cause d’un oubli…
    Non, il ne me semble pas que le mec soit un voyou… je me dis que si j’avais su et si j’avais pu, je lui aurais payé son trajet avant que les contrôleurs ne le captent.
    Mais la question ne se pose pas, puisque je n’ai pas su deviner les raisons de son inquiétude… et, de toute façon, je n’ai pas de ticket sur moi… et puis, même si j’en avais… aurais-je osé ?
    Je ne le sais pas, mais j’aimerais vraiment avoir le cran de sortir un mec comme lui de la panade… même pas pour le draguer… parce que son regard lumineux me donne simplement envie de le faire… ça me fait mal au ventre de le voir « pris au piège », alors qu’il a l’air tellement gentil garçon…
    Le bogoss est donc bon pour l’amende. Le contrôleur lui demande sa carte d’identité. Le garçon est calme, résigné je dirai, le regard toujours doux. Je donnerais cher pour lire le nom sur la carte.
    Le contrôleur lui demande quelque chose dont je ne comprends que la fin : « c’est 82 ? », et le bogoss répond : « Oui, c’est ça », le contrôleur change de position et se tourne pour être plus à la lumière en expliquant qu’il ne voit pas bien.
    82… Qu’est-ce que ça peut être d’autre, à part sa date de naissance ? Putain, il a donc 19 ans… 19 ans… tout comme Thibault… je lui en aurais donné au moins 4 ou 5 de plus. Mais s’il a 19 ans, il fait tellement mec… c’est vrai aussi que Thibault aussi fait tellement mec pour ses 19 ans…
    Pendant que le contrôleur rédige l’amende, je remarque que le regard du bogoss se balade à plusieurs reprises dans notre direction… j’ai l’impression qu’il me regarde, je me demande s’il s’est rendu compte que je ne peux pas décoller les yeux de lui…
    Sauf que je m’aperçois, un peu plus tard, que ses regards sont plutôt adressés à mon pote Thibault… Thibault qui, lui aussi, semble observer discrètement le bogoss inconnu… suis-je en train d’assister à un jeu de regards qui se cherchent, s’aimantent, tentent de connaître les intentions de l’autre ?
    Arrête Nico, tu prends ton cas pour des généralités… Thibault n’est pas pd… et si même il s’intéressait un peu aux mecs, quelle chance que ce mec croisé dans un bus puisse s’intéresser à lui ?
    Le bogoss écope donc de son amende. Le contrôleur range son carnet de pv, lui tend le double et le bogoss dit « merci ». Je n’en crois pas à mes oreilles… le mec vient de se faire verbaliser et il dit merci comme si on venait de lui faire un cadeau. C’est mignon et touchant.
    Le contrôleur part et le mec se replonge dans la Dépêche, comme si de rien n’était, un peu seul dans son monde…
    Ce qu’il lit doit être drôle, car il rit de temps en temps, sans bruit, mais son sourire est délicieux, celui d’un p’tit mec de 20 ans, mais déjà viril.
    Il ne lève hélas pas souvent la tête pour que je puisse revoir son visage, capter son regard…
    J’ai envie… de savoir qui il est, quel est son prénom… mal au ventre d’être là, à côté de lui, ne pas oser m’assoir à côté, lui dire… « Salut, moi c’est Nico. Pas de bol pour tout à l’heure, avec les contrôleurs… »…
    Ok, je suis avec Thibault… mais même seul, je sais que je n’aurais jamais le cran…
    J’ai envie… d’être à côté de lui, de sentir son odeur, son parfum, son déo peut-être…
    J’ai envie… de mordiller ses oreilles qui me narguent, de toucher sa barbe douce, de frotter ma joue contre ses poils…
    J’ai envie… de savoir comment est son torse, s’il est poilu…
    J’ai envie… de savoir ce qu’il porte sous son pantalon de chantier…
    J’ai envie… de savoir comment il jouit, quand il jouit, comment il fait l’amour…
    J’ai envie… de le faire jouir.
    J’ai envie… d’être dans ses bras.
    J’ai envie… de lui, de plus en plus furieusement, de plus en plus irrésistiblement, une étreinte douce, sensuelle, intense.  Ou une étreinte torride, puissante, sauvage, sans parole, son regard bleu planté dans le mien, ou pas…
    Oui, un bogoss se montre, et je pars en délire…
    Le bus s’arrête à nouveau. Trois jeunes montent, ils parlent bruyamment. Surpris par le raffut, le bogoss lève enfin la tête et son regard tombe à nouveau dans notre direction.
    Une fois de plus, les regards de Thibault et de son presque sosie semblent se croiser, se rencontrer.
    C’est là que j’entends la voix calme de Thibault lancer :
    « Pas de chance avec les contrôleurs… ».
    Euh… tu m’as volé la réplique, le bomécano…
    « Ouais… pas de bol… » j’entends le bogoss inconnu répondre et expliquer calmement « j’ai changé de pantalon ce matin et j’ai oublié de faire les poches du pantalon sale (mais tu as changé de boxer et de t-shirt aussi, hein ? tu as pris ta douche, hein ?)… j’espère juste que ma copine va y penser avant de faire la machine… ».
    Pfffff… la copine… le pire défaut d’un bogoss… (réflexion de jaloux).
    Mais en attendant, sa voix est vraiment douce, elle tranche vraiment avec son gabarit et son allure très masculine.
    « Mais on ne s’est pas déjà vus ? » finit par lâcher le bomécano.
    « Je me disais la même chose… ».
    « Tu joues pas au rugby ? ».
    « Si, je suis pilier à Auzeville… je m’appelle Alban… ».
    Ahhhhhhh… le petit nom d’un bogoss… frisson garanti… en plus, j’aime bien ce prénom…
    « Et moi je suis Thibault, demi de mêlé aux Amidonniers » fait Thibault, avant de continuer, sur un ton taquin « je me souviens… on vous a mis une sacrée raclée cet hiver… ».
    « C’est juste que vous avez le meilleur ailier du tournoi… ».
    « Il n’y a pas que Jérémie Tommasi qui sait jouer, mais c’est vrai qu’il est très bon… ».
    « Ah, mais oui, je m’en souviens moi aussi maintenant… c’est vrai qu’il serait moins bon s’il n’avait pas les bonnes passes… vous êtes un sacré tandem tous les deux… ».
    « Non, je pense que Jérémie est vraiment bon, très bon… » insiste le bomécano « je suis étonné qu’il n’ait pas été repéré par les gros bonnets… il y avait des mecs du Stade aux derniers matchs… mais ils ne se sont pas manifestés… j’ai été très déçu… ok, on a raté la demie, mais on a fait une super saison et la finale a été un feu d’artifice… et Jérémie a été extraordinaire… ».
    « Félicitations pour votre victoire ! ».
    « Merci, mais il le fallait… après l’avoir raté de si peu l’année dernière… je crois que le capitaine aurait peté un plomb… ».
    Le bus s’arrête à nouveau.
    « Nous sommes arrivés » j’entends Thibault annoncer, avant de lancer à Alban, adorable « et désolé pour ton amende… si j’avais su, je t’aurais filé un ticket… ».
    Euh… Thibault ! On a le même scénariste ou quoi ?
    « C’est pas grave… mais merci, mec… ».
    « Content de t’avoir vu… » fait Thibault en s’avançant pour serrer la main de son presque sosie qui n’a toujours pas bougé de son siège « et à une prochaine, sur la pelouse… ».
    « Ok mec, merci, à la prochaine… » fait le bogoss, en serrant la main de Thibault et en serrant la mienne juste après, une sacrée poignée de mec.
    Nous descendons. Depuis le trottoir, je regarde une dernière fois le bogoss à travers les vitres du bus, toujours absorbé dans sa Dépêche… je regarde le bus redémarrer, je regarde Alban retourner vers sa vie qui vient de croiser la mienne, et qui l’a remplie furtivement d’envies.
    Nous traversons la route, côte à côte.
    « Je le regardais depuis un moment, il me semblait bien que j’avais déjà vu ce mec… » j’entends Thibault commenter.
    « Moi aussi il m’a tapé dans l’œil dès que je l’ai vu… » je rigole.
    « Il est bogoss, hein ? » fait il en décelant la petite allusion glissée entre mes mots.
    « Grave… je trouve qu’il te ressemble pas mal… ».
    Eh merde… pourquoi j’ai eu besoin de dire ça ? De mettre côte à côte ces deux phrases qui, une fois rassemblées, donnent un clair compliment à l’égard du bomécano ? Comment prétendre de garder son amitié si je me laisse aller sur ce terrain ? Surveille tes mots Nico… mais en attendant, ça m’a échappé… et Thibault a reçu 5 sur 5…
    « C’est gentil… mais Alban est plus grand que moi, il est vraiment bomec… et puis, il a un putain de charisme… c’est le genre de gars qu’on remarque partout, tout le temps… style Jéjé… tu vois… ».
    Ce disant, Thibault s’arrête devant la barrière d’un grand immeuble.
    Dans l’ascenseur, je me sens un peu gêné… je me sens comme pris au piège, même si c’est moi qui m’y suis sciemment pris dedans… de quoi va-t-on parler ? J’ai peur, non pas de son jugement, mais de ses observations, de sa franchise, de son objectivité… j’ai aussi peur de ne pas oser poser les questions… et peur de poser des questions et de ne pas obtenir des réponses… peur de poser des questions et d’obtenir des réponses…
    L’appart de Thibault s’ouvre sur un séjour bien plus grand que celui de Jérém, un vrai séjour, quoi, où il n’y a pas de lit, mais un canapé et une table basse. La baie vitrée au 10ème étage offre une toute autre vue que celui de la rue de la Colombette. Du balcon, on a l’impression de dominer la ville rose… je vois mon pote le Canal se dérouler avec ses platanes… je vois les clochers de St Sernin, celui des Jacobins, je devine le Capitole…
    « Assieds-toi Nico… tu veux une bière ? ».
    « Oui… s’il te plaît… ».
    « Sinon, j’ai du coca, j’ai du café… ».
    « Une bière ça ira… merci. ».
    Un instant plus tard, il revient avec deux bières, il m’en tend une, nous trinquons et je le regarde en boire une bonne rasade. Il a soif le bogoss. J’aime voir un mec boire à la bouteille, lever le menton, observer sa pomme d’Adam bouger nerveusement au rythme de la déglutition, j’aime le voir s’essuyer les lèvres avec le revers de la main.
    « Je vais te laisser 5 minutes, je vais me doucher, je reviens, ok ? Installe-toi, fais comme chez toi… » fait le bomécano en quittant le séjour, tout en ôtant son débardeur et en dévoilant son torse sculpté et velu…
    Thibault… putain… qu’est-ce que t’es sexy… j’ai envie d’hurler… un mec comme ça, ça donne des envies… envie de lui sauter dessus… je suis fou… pourquoi à chaque fois qu’un beau mec se montre, je ressens cette folle envie de le faire jouir comme un malade ?
    Ahhhh… être à proximité d’un tel bogoss qui prend sa douche… ça fait bizarre, un frisson puissant de me dire que je connais ce corps, que j’ai vu ce garçon dans son plus simple appareil… que j’ai partagé un intense plaisir avec lui… un frisson qui a des teintes de nostalgie, le sachant si près et désormais si inaccessible… penser que cette nuit a été une parenthèse qui n’aura pas de suite…
    Thibault disparaît dans l’appartement et un instant plus tard j’entends ce bruit bien connu, un bruit continu et monocorde qui est frisson à l’état pur dans pareille circonstance, le bruit de l’eau qui tombe d’une pomme de douche et qui s’écrase dans un bac en céramique… un bruit qui devient désir brûlant lorsqu’il change, un peu, un monde, lorsqu’il devient plus irrégulier, tout à tour étouffé, amplifié… lorsque son corps nu s’y glisse dessous… envie furieuse d’approcher cette porte, cette cabine que j’ai entendue se fermer juste avant…
    Puis, le bruit d’eau cesse… une séquence d’autres bruits se présente alors à mes oreilles… celui du bouchon du flacon de gel douche qui s’ouvre, celui du flacon pressé, celui du gel douche qui sort en pression, celui du bouchon refermé, celui du flacon remis sur son support… et celui des mains qui se baladent sur la peau pour savonner…
    Puis, l’eau se remet à tomber… et mes narines sont happées par cette intense odeur de fraîcheur, de propre et de peau de mec qui se répand dans tout l’appart…
    Oui, l’idée de savoir Thibault sous la douche, me rend dingue.
    Thibault se douche longuement. C’est l’occasion pour faire un peu plus connaissance avec son appart…
    Je regarde autour de moi et je me rends compte que cet appartement, très lumineux, est un environnement de vie accueillant… un appartement de mec, certes, décoré avec sobriété, où tout semble fonctionnel, sans superflu… mais un appartement qui respire le propre, le rangé… le tout sans excès, sans prétention… un appartement que je ne peux m’empêcher de comparer à un autre, bien connu…
    Rue de la Colombette… un typique appart d’étudiant bordélique… aux Minimes… un appart de mec installé dans sa vie, un appartement à l’image de son occupant, accueillant, chaleureux, charmant, un endroit où l’on se sent bien et à l’aise tout de suite…
    Je remarque, accroché au mur, un cadre photo où je reconnais les coupoles de l’observatoire du Pic du Midi… juste avant de reconnaître quatre mecs bien connus… à gauche… Julien, celui du rugby… à droite, Thierry, le quatrième mousquetaire… et au beau milieu, le bras de l’un sur l’épaule de l’autre, le bomécano et mon Jérém tout sourire, la tête légèrement tournée l’un vers l’autre, semblant échanger un regard très complice… derrière eux, le ciel est si bleu… ça devait être une magnifique journée… je ne vous raconte même pas la vue qu’ils ont dû avoir de la haut… de quoi ont-ils rigolé ce jour-là ? Quels souvenirs ont été gravés dans leurs têtes lors de cette escapade ?
    Ont-ils dormi, surement d’ailleurs, dans cette maison à la montagne, cette vieille maison à Campan venant de je ne sais quel oncle ou grand parent, que les parents de Jérém ont gardé, cette maison dont j’ai quelque fois entendu mon bobrun parler avec ses potes… cette maison qui est pour moi un lieu mythique, comme hors de l’espace et du temps, un lieu où seuls les potes du bogoss sont admis, et d’où je serais exclu à tout jamais ?
    Je me demande qui a pris cette photo… peut être qu’ils ont prêté l’appareil à un inconnu, pour être tous les quatre sur la photo…
    Il faut vraiment que je trouve le moyen d’aller moi aussi au Pic du Midi… ça doit vraiment valoir le coup de se taper 15 minutes de téléphérique et de monter à 3000 mètres d’altitude… et si je pouvais y aller avec mon Jérém, ce serait le jackpot… on peut toujours rêver… et si je pouvais un jour échanger un regard aussi complice que Thibault sur cette photo, avec mon Jérém… ce serait le Nirvana… on peut toujours rêver…
    Lorsque je les vois sur cette photo, si proches, presque enlacés, soudainement je les revois, tous les deux, si proches, l’autre nuit… je me revois, débordé par ces deux sexualités puissantes, fougueuses… mélangeant mon plaisir au leur… guettant l’explosion de leurs jouissances de mecs, me demandant lequel des deux potes se lâcherait en premier…
    Et puis voilà que les choses avaient pris cette direction entre eux… une direction qui les avaient conduits très vite dans un monde qui n’appartenait qu’à eux deux et d’où je m’étais très vite senti exclu…
    Leurs gestes étaient peut-être eux aussi guidés par l’effet de cette fumette que nous avions consommé sans modération…
    Pourtant, j’avais eu l’impression que les regards désiraient, que les gestes exprimaient… que les bouches se cherchaient, luttaient pour résister…
    Certes, j’avais fantasmé sur cette possibilité, tout comme je l’avais redoutée… mais lorsque je m’y étais trouvé confronté, autant dire que je n’y étais pas vraiment préparé…
    Pourtant, une fois évacuée la première surprise, la scène m’avait paru très sensuelle, touchante même… j’avais ressenti un sentiment d’excitation assez incroyable du fait d’assister à cela… à l’expression de ces désirs qui semblaient s’embraser l’un au contact de l’autre… des désirs qui avaient l’air à la fois si forts, si intenses, si anciens, si frustrés, si malmenés…
    C’était comme un fantasme qui devenait réalité… le fantasme des deux potes qui ont tout partagé depuis l’enfance… les bancs d’école, les entraînements, les match de rugby, les vestiaires, les douches, les sorties… deux potes qui ont eu d’innombrables occasions de se voir à poil, de détailler le corps de l’autre… mais aussi de se retrouver seuls, dans l’intimité d’une fin de soirée un peu arrosée où l’on n’a pas envie de se quitter… deux potes qui ont peut-être fini par ressentir l’un pour l’autre, à un moment ou à un autre, mais pas forcément au même moment, une attirance sensuelle inavouée mais brûlante… une attirance qui a germé et grandi dans la frustration et qui n’attendait que la bonne occasion pour se manifester enfin…
    J’avais même eu l’impression que ça allait au-delà de ça… qu’il y avait plus que du désir dans leurs regards… qu’il y avait quelque chose qui ressemblait à de l’amour… ou du moins à une sorte de complicité que je ne pourrai jamais avoir avec mon bobrun…
    J’avais l’impression que dans leurs regards, dans leurs attitudes réciproques, il n’y avait pas juste l’envie de prendre un plaisir différent, interdit… il y avait surtout l’envie de prendre ce plaisir avec ce pote-là… le pote qu’on aime d’un amour viscéral parce qu’on a tout partagé avec lui, sauf un lit et un orgasme…
    Alors, c’est peut-être insensé, mais dans le feu de l’action, j’aurais vraiment kiffé voir Thibault et Jérém s'embrasser… c’est inhumain de ressentir un désir pareil et s’interdire de l’assouvir… on ne peut pas se faire violence à ce point…
    Un baiser, et puis un autre et un autre encore… les désirs qui se dévoilent, les passions qui se déchaînent, les barrières qui cèdent, le plaisir qui triomphe sur l’interdit…
    Oui, sur le coup, j’aurais trouvé ça tout simplement beau et naturel...
    Mon regard était certainement déformé par les effets de la fumette… mais c’était un regard attendri que je portais sur ces deux potes qui, au final, n’ont pas osé aller au bout de leurs envies…
    Au point que mon subconscient avait dû projeter ma frustration de ne pas les voir aller plus loin en m’apportant ce rêve érotique où Jérém et Thibault étaient carrément sur le point de s’emboiter…
    Pourtant, plus le temps passe plus, en me repassant la scène, le regard attendri laisse la place à un insistant sentiment de malaise, comme de tromperie…
    Je ne peux m’empêcher de me demander si ce dérapage était prémédité, du moins de la part de Jérém… dans ce cas, je me dis que j’ai été comme un objet sexuel dans ses mains, un objet qu'il ne s’est pas privé de partager avec un pote, de la même façon qu’il partagerait sa voiture… comme s’il pouvait disposer de moi à sa guise, comme si je n’avais pas mon mot à dire…
    Dans ce cas, je me dis que non seulement Jérém voulait montrer à son pote que je ne représente rien pour lui, ou du moins rien de plus qu’un doudou sexuel… mais qu’il avait aussi voulu se servir de moi pour se rapprocher sensuellement de son pote, mais sans avoir à l’assumer… ma présence lui offrant une prétexte du genre : « j’ai couché avec mon pote, mais c’était juste pour nous faire vider par le pd »…
    Dans ce cas, quel sale petit con ce Jérém !
    Mais même sans que ce soit prémédité, ce dérapage ouvre quand même la voie à des inquiétudes, à des questionnements… qu’est qu’ils ressentent l’un pour l’autre, au juste ? Que se passe-t-il entre ces deux jeunes étalons ?
    Je me dis que c’est quelque part un peu dommage que ce moment n’ait pu exister que dans ce genre de contexte, lorsque les barrières mentales des uns et des autres étaient artificiellement baissées, lorsque tout devient possible, parce qu’on ne se contrôle plus vraiment… car on se demandera toujours quelle est la part « réelle » de l’effet du joint et la part « réelle » des envies de chacun…
    Je viens tout juste de remarquer, sur le meuble à côté de la porte d’entrée, enseveli sous un tas d’objets tels que des clefs, un stylo, un calepin, sa casquette, un calendrier des pompiers… la tentation de le feuilleter est trop forte…
    Dès le premier contact, j’ai l’impression que ce calendrier dégage une sorte d’énergie, de puissance propre… tel un « portoloin », dès que mes doigts se posent dessus, j’ai l’impression de transplaner loin de cet appart et de cet instant, au cœur de l’urgence d’une intervention des soldats du feu… j’ai l’impression d’entendre le bruit des sirènes, la course contre la montre, l’odeur de la fumée, l’odeur de la peur, des larmes, la puissance des hommes, de leur courage, l’odeur de la sueur…
    Ce calendrier m’intimide… car il résume presque à lui tout seul la grandeur d’un gars comme Thibault… ce calendrier est le symbole de l’engagement, du courage, de la droiture, du respect de l’autorité et des valeurs humaines, de tout ce qui fait que Thibault est un garçon en or… oui, ce calendrier est vraiment un objet magique… un objet capable de graver définitivement dans mon esprit cette image d’homme, jeune par l’âge, mais très mur dans son être profond, incarnée par mon pote Thibault.
    Je mate la couverture et je suis étonné de voir que c’est le calendrier de cette année… étonnant qu’il ne soit pas accroché au mur… enfin, pas si étonnant que ça en fait… c’est tout Thibault ça… être, plutôt que paraître… agir, plutôt que (se la)raconter…
    Photo de couverture, photo d’équipe toute entière… c’est une photo très basique, loin des mises en scène plus élaborées que tout calendrier masculin prendra quelques années plus tard, à l’image de celui des Dieux du Stade… les hommes du feu de la caserne de Thibault alignés sur trois rangées devant un camion rouge vif… tout le monde est là, tous les âges, tous les gabarits, toutes les gueules… pas de tri… dans une équipe de pompiers, il n’y a pas de vieux, pas de jeunes, pas de beaux, pas de moches, juste des héros ordinaires…
    Je cherche mon pote… le voilà, un peu sur la gauche, rangée du milieu, le torse et la tête bien droits, les bras croisés sur la poitrine, posture qui fait gonfler les biceps, qui finissent par très très bien remplir les manchettes du polo bleu foncé règlementaire, qui n’a pourtant rien d’une pièce bien coupée…
    Thibault est là, avec tous ses collègues… le regard droit vers l’objectif, l’air fier de son uniforme, de son rôle… mais pas un brin frimeur, juste heureux d’être là, à sa place, heureux de pouvoir être utile à son prochain…
    Une fois de plus, je me dis que ce petit mec est vraiment un ange tombé du ciel…
    Lorsque le bomécano revient de la salle de bain, s’essuyant les cheveux encore humides, en bataille, avec une grande serviette, la peau fraîche dégageant cette délicate effluve de mec qui sort de la douche, un débardeur immaculé, un short gris molletonné marquant son entrejambe d’un joli relief, une paire de claquettes aux pieds… je ne sais pas si c’est normal ou pas… mais j’ai vraiment envie de lui sauter dessus…
    « Ah, t’as vu ça… » fait il, un peu gêné.
    « L’uniforme te va très bien… » je ne peux m’empêcher de lui lancer « et je suis vraiment admiratif pour ton engagement… ».
    « Les pompiers m’ont sauvé la vie lors d’un accident de voiture lorsque j’avais sept ans… ma vie et celle de mon père… ce jour-là, je me suis dit que j’en serai moi aussi… ».
    « C’est beau… ».
    « Je te jure que j’y aurais réfléchi deux fois si j’avais su que c’était si chiant de faire les photos… » rigole le bomécano.
    Juste adorable. J’ai envie de le serrer dans mes bras et de le couvrir de bisous.
    Au lieu de quoi, je pose le calendrier et je le rejoins sur le canapé où il vient de s’installer.
    « Ça va Nico ? » fait le bomécano en posant sa serviette sur le dossier d’une chaise à côté, avant de reprendre sa bière sur la table basse et d’en avaler une nouvelle longue rasée.
    « Ça va, oui… et toi ? ».
    « Moi ça va… mais toi… je te trouve soucieux… » fait Thibault.
    Je ne sais pas quoi répondre… tant de questions se bousculent dans ma tête, mais elles me paraissent soudainement lointaines face à l’émotion de me trouver confronté à cette partie si noble de la vie de mon pote Thibault.
    C’est le bomécano qui se charge de me mettre à l’aise. Pour ce faire, il y va direct.
    « Tu sais… il ne faut pas qu’il y ait de malaise par rapport à ce qui s’est passé l’autre nuit… désolé de mettre les pieds dans le plat, mais je ne veux pas que tu te sentes gêné vis-à-vis de moi… si tu es gêné, je vais l’être aussi… et entre potes on n’a pas à être gênés, sinon c’est la fin de l’amitié… ».
    « Tu as raison…» j’admets.
    « Ça ne va rien changer entre toi et moi… je te considère un pote, et ça, ça ne changera jamais, je te promets… ».
    « Moi aussi je te considère comme un pote… ».
    Thibault pose son regard dans le mien et, en décalage avec son discours rassurant, son petit sourire touchant semble traduire une petite inquiétude.
    « Alors dis-moi ce qui te tracasse, Nico… » je l’entends quand même me relancer.
    « Je sais pas, j’ai l’impression que cette nuit on a peut-être été trop loin… enfin, surtout moi j’ai été trop loin… ».
    « Si toi t’as été trop loin, on y a été tous les trois… ».
    « J’avais peur que tu aies une mauvaise opinion de moi… ».
    « Pourquoi donc ? ».
    « Parce que j’ai… ».
    « Tu n’as pas à te justifier Nico… et tu n’as pas à avoir honte, pas plus que moi ou Jéjé… ».
    Je suis une fois de plus extrêmement touché par ses mots, pas sa façon de rendre tout beau et simple. Même si son regard reste fuyant et que son attitude me parait toujours aussi déphasée par rapport à ses mots.
    « Comment ça se fait que tu es venu à l’appart samedi dernier au milieu de la nuit ? ».
    La question sort toute seule, elle tombe comme un cheveu sur la soupe.
    Thibault marque un moment de silence, de réflexion, ou d’hésitation, mais il ne se débine pas.
    « C’est une longue histoire… ».
    « Si tu n’as pas envie d’en parler, je comprends… ».
    « C’est pas ça… le fait c’est que je n’avais pas de nouvelles de Jéjé depuis une semaine… ».
    « Depuis la finale ? ».
    « C’est ça… ».
    J’hésite à lui poser la question qui me brûle la langue… mais le jeune pompier semble une fois de plus lire dans mes pensées.
    « Après le barbec chez l’entraîneur, Jéjé était rond comme une bille, alors je l’ai raccompagné à l’appart… il n’avait pas l’air très bien, et je suis resté un peu avec lui… on a commencé à discuter… j’ai essayé de lui faire dire ce qui n’allait pas… je sentais qu’il avait un truc sur le cœur depuis un moment, et que ça le perturbait… c’est pas que je voulais m’occuper de ses affaires, mais je me suis dit qu’il fallait que ça sorte… j’ai dû forcer un peu les choses et il a fini par m’avouer qu’il couchait avec toi… ».
    Silence de la part de Thibault, regard fuyant, comme s’il hésitait à en lâcher davantage, comme s’il regrettait déjà d’en avoir trop dit.
    J’ai à la fois très envie d’en savoir plus et je me sens incapable de le forcer à dire des choses qu’il voudrait peut-être garder pour lui…
    « Et alors, qu’est-ce qu’il a dit ? » je ne peux pourtant pas m’empêcher de lui demander.
    Thibault semble fixer un coin indéfini dans la pièce… je vois sa pomme d’Adam vibrer sous l’effet d’une déglutition nerveuse… il boit une dernière rasade de bière et il plonge son regard dans le mien.
    « Tu sais, il avait vraiment beaucoup bu… il n’était pas bien… il a eu des mots que j’ai trouvé déplacés… il a essayé de me faire croire qu’entre toi et lui, ce n’est qu’une histoire de baise… il me soutenait que lui n’est pas pd, que c’est toi qui l’a entraîné dans ces délires… des mots qu’il ne pense pas, je le sais… il fait son macho, mais je sais qu’il tient à toi… j’ai essayé de le raisonner, de lui dire que tu es un gars bien et qu’il n’y a rien de mal à ce que vous faites… il s’est énervé et il m’a envoyé chier… ça m’a énervé aussi et je suis parti presque en claquant la porte…
    Evidemment, après ça, tu connais Jéjé, pas de nouvelles de la semaine… c’est pour ça que j’ai voulu passer le voir samedi… je sais qu’il finit à peu près à 2 heures, et c’est le seul soir de la semaine où je peux attendre si tard… j’avais besoin de le voir pour mettre les choses à plat… cette histoire m’a foutu le bourdon pendant toute la semaine… ».
    Je regarde la serviette abandonnée sur le dossier de la chaise et je me dis que j’ai envie de l’attraper et de plonger mon visage dedans…
    « J’avais remarqué que tu n’étais pas dans ton assiette quand on s’est vus la semaine dernière… ».
    « Tu connais la raison, à présent… » fait le bomécano, le regard un peu éteint, presque mélancolique, avant d’enchaîner « j’ai été surpris de te trouver chez lui samedi… enfin… c’est normal que vous vous voyiez mais l’autre nuit je pensais le voir seul à seul pour discuter… ».
    « C’était pas prévu… rien n’est jamais prévu avec Jérém… avec lui, c’est quand lui il en a envie… il m’a fait venir quand il a débauché… » j’explique.
    « Tu sais, j’ai vraiment hésité quand Jérém m’a demandé de rester avec vous… ».
    « J’ai vu… ».
    « J’ai hésité parce que je ne voulais pas rentrer dans son jeu… ».
    « Quel jeu ? ».
    « Le jeu de me montrer, et de se prouver, que tu ne représentes rien d’autre à ses yeux qu’un bon coup… style… on va s’amuser tous les deux avec Nico… ».
    « C’est ça que je suis à ses yeux… juste un bon coup… disponible à la demande… ».
    « Mais pas du tout… pas du tout, Nico… crois moi… Jéjé joue au dur, au mec qui n’a pas de sentiments, mais ses regards, sa jalousie ne trompent pas… quand il est contrarié, Jéjé ne sait réagir que de cette façon, en jouant au con… ».
    « Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis, alors, qu’est-ce qui t’a fait rester ? » je le relance.
    « Je ne sais pas… pas vraiment » fait le bomécano soudainement gêné, le regard à nouveau dans le vide « pour plusieurs raisons sans doute… la curiosité, je pense… tu vois, depuis que je sais que vous couchez ensemble… enfin… je me pose des questions… Jéjé a toujours été un coureur, un « sciupafemmine », comme l’appellent ses cousins napolitains… il a toujours changé de nana comme de t-shirt… mais toi… toi il ne t’a pas jeté… toi tu es sa plus longue relation…
    C’est vrai que j’aurais pu partir, pour ne pas rentrer dans son jeu… mais j’étais heureux de retrouver mon Jéjé après cette semaine de froid… et puis, je me suis dit que si je restais, je pourrais lui montrer que je n’étais pas obligé de rentrer dans son jeu… lui montrer qu’il n’avait pas à te traiter de cette façon… et qu’en tout cas moi je ne te traiterai pas de cette façon…
    Enfin, tout ça, ça m’a traversé l’esprit… mais j’hésitais encore… après, on a continué à fumer… et quand tu as commencé à t’occuper de moi… je crois que je me suis laissé transporter… ne m’en veux pas, Nico… ».
    « Je ne t’en veux pas… je me suis laissé aller aussi… ».
    « J’avais envie qu’on passe un bon moment ensemble et que ce soit bon pour tous les trois… j’avoue que l’idée de partager ce moment avec Jéjé et avec toi, le mec qui fait du bien à mon pote, ça me plaisait bien… c’était l’occasion de rentrer un peu dans votre intimité… de découvrir le bien que vous vous faites… j’avoue que j’étais un peu curieux… curieux de savoir ce que mon pote aime… pourquoi il n’arrive pas à l’accepter… et pourquoi il se comporte de cette façon avec toi… ».
    « T’as dû être déçu de mon attitude… ».
    « Pourquoi, donc ? ».
    « Du fait que je me laisse faire… ».
    « Bah, écoute… si je devais être déçu, ce serait de tous les trois alors… ».
    « Comment ça ? ».
    « Jéjé n’a pas à avoir cette attitude humiliante à ton égard… Jéjé est un bon petit macho, il a souvent été assez méprisant à l’égard des nanas… il les traitait mal, il en parlait encore pire… mais là, j’ai trouvé qu’il dépassait vraiment les bornes avec toi… ».
     « Il n’est pas tout le temps comme ça… » je tente de relativiser « juste quand il est jaloux… parfois, il sait être même très doux, mais c’est rare… ».
    « Je n’en doute pas, mais il n’a pas à se comporter de cette façon avec toi… jamais… alors, si je devais être déçu, je devrais l’être de Jéjé… et de moi aussi… ».
    « Pourquoi de toi ? ».
    « Pour ne pas l’avoir remis à sa place avec plus de fermeté… ».
    « Tu as fait beaucoup Thibault… ».
    « Mais tu ne dois pas te laisser faire, Nico, tu dois t’imposer… ».
    « T’as bien vu comment il est avec moi… il a tout le temps le dessus avec moi… il fait de moi ce qu’il veut… je mentirais si je disais que je n’aime pas son côté macho, directif, de mec qui sait ce qu’il veut… mais parfois il dépasse les bornes, comme tu le dis… et c’est là que je ne sais pas me faire respecter… lui dire clairement ce que je ressens… ».
    « Tu vois… c’est justement ça ton erreur, peut-être… tu devrais lui balancer tout ce que tu as sur le cœur une fois pour toutes… Jéjé est une tête de mule, parfois il lui faut un électrochoc salutaire pour lui faire comprendre les choses qu’il refuse de regarder en face… ».
    « Je n’ose pas… ».
    « Je t’assure, Nico, je le connais un peu pour savoir qu’il faut parfois le brusquer… combien de fois il est parti d’un entraînement en claquant la porte… mais il est toujours revenu…
    Je peux te dire que dans d’autres circonstances, je ne me gênerais pas pour aller à l’affrontement… on s’enverrait chier, on se retrouverait plus tard… ne crois pas que parce qu’on est potes, on ne s’est jamais pris la tête… j’ai vécu ça un million de fois depuis que je le connais… Jéjé a un sacré caractère, je t’apprends rien… au fond, c’est un écorché vif, les nerfs à fleur de peau… il est impulsif, colérique… mais vouloir le ménager à tout prix ça ne lui rend pas service… ».
    « Je comprends… ».
    « Tu vois, Nico… je pense que si j’étais intervenu, surtout devant toi, il aurait été capable de me dire de m’occuper de mes oignons… il se serait senti attaqué, trahi, humilié, il se serait cabré… déjà que la dernière fois que je l’ai calmé j’ai eu peur qu’il m’envoie chier… enfin… il l’a quand même fait à moitié, t’as bien vu… alors, je pense vraiment que c’est toi qu’il doit voir se rebiffer, se rebeller… ça va le marquer, mais uniquement si ça vient de toi… il n’aime pas perdre la face, mais il va mieux le supporter si vous n’êtes que tous les deux… ».
    « Vous êtes beaux tous les deux… tu es fou de ton Jérém… et tu comptes pour lui, beaucoup, même si parfois il se comporte avec toi comme le roi des crétins…».
    Au fil des dernières phrases, j’ai senti la voix de Thibault se charger d’une fébrilité palpable. J’ai l’impression que le bomécano est secoué par une émotion inattendue.
    Ses mots, sa bienveillance, sa gentillesse me touchent et m’émeuvent profondément. Je ressens une émotion m’envahir, monter de mon bas ventre, se propager dans mon torse, agir sur les poumons, monter aux yeux, faire perler quelques larmes…
    Je passe une main sur le visage, j’essaie de respirer profondément, d’essuyer mes joues, de me ressaisir… mais un sanglot m’échappe, je suis démasqué…
    Et là, son bras se pose sur mon épaule, m’attire à lui… je lève les yeux, je vois son sourire doux et ému… je me laisse aller, je me retrouve dans ses bras, je pleure dans l’arrondi de son débardeur, réconforté par sa double, douce pilosité, celle qui recouvre son torse, celle qui rend son visage si viril… je pleure enivré de l’odeur fraiche de sa peau…
    Nous restons ainsi enlacés, pendant un bon petit moment. Qu’est-ce que ça fait du bien de se retrouver dans ses bras puissants.
    « Je vais te montrer quelque chose… » je l’entends dire, alors que ses bras relâchent leur étreinte et que son regard vert se pose dans le mien.
    Et, ce disant, le bomécano de lève, se dirige vers le meuble télé en face de nous et en revient avec un gros album photo à la main.
    « Je vais te monter des photos… là-dedans il y a presque 10 ans d’amitié entre Jéjé et moi… enfin… si tu as envie de les voir… ».
    Envie de feuilleter cet album ? Je crois que je serais prêt à payer une fortune pour voir des photos de mon Jérém… Un album photo, ça ? Mais ça ce n’est pas juste un album photo, c’est un grimoire de sorcellerie, c’est le Graal… j’ai le cœur qui tape à mille dans la poitrine juste en pensant aux trésors renfermés dans ses pages… j’ai les larmes prêtes à couler en imaginant les émotions qui vont encore me submerger en voyant mon Jérém dans des moments que je n’ai pas partagés avec lui…
    « Bien sûr que j’ai envie de voir ça… » j’arrive à énoncer sobrement, en retenant de justesse un nouveau sanglot.
    Thibault pose l’album sur ses genoux et, avec un geste lent, il pose sa grosse paluche sur la couverture cartonnée et la fait pivoter… je le regarde feuilleter les premières pages… ce qui me rappelle que le bomécano est gaucher... chose qui, pour une raison que je trouve complètement inexplicable, le rend encore plus sexy à mes yeux.
    Le livre magique s’ouvre sur une photo de classe pleine d’enfants.
    « Là on était en CM1, c’est la première photo que j’ai de lui… alors, tu l’as retrouvé ? ».
    « Je cherche… ».
    « Pas facile, hein ? ».
    « Toi je t’ai repéré, tu es là, tout à fait à gauche de la photo… ».
    « Si tu m’as repéré, tu as repéré Jéjé… on était inséparables… ».
    « C’est lui, à côté de toi ? Naaan, c’est pas lui… ».
    « Si si… ».
    J’ai du mal à reconnaître dans cet enfant gringalet, plus petit que Thibault, avec l’air mal dans sa peau, celui qui sera plus tard le magnifique étalon que je connais.
    « Il n’était pas épais à l’époque… » je fais.
    « C’est clair… pas épais du tout, en plus c’était un enfant timide, un brin maladroit, il ne parlait pas beaucoup, c’était un petit gars dont on se moquait et qui se faisait malmener… quand on était ensemble, personne ne le faisait chier… c’est pour ça qu’il était tout le temps avec moi… ».
    « Tu as dû être un vrai pote pour lui… ».
    « En tout cas, j’ai essayé… tiens, voilà, le voilà dans son premier maillot de rugby… regarde le comment il est fier… regarde son sourire… je crois que c’était la première fois que je le voyais sourire de cette façon… regarde comme il tient son ballon… sur cette photo, ça devait faire tout juste un mois qu’il venait aux entraînements… mais dès le premier jour, j’ai su qu’il était fait pour ça… en quelques semaines, il a tout capté au jeu… il a joué un peu à tous les postes… et en l’espace de quelques mois, le gamin maladroit s’est transformé en un petit joueur au top… et il s’est vite révélé un ailier très doué… ».
    Je suis bouleversé par les photos de mon Jérém tout jeune… mais surtout par ce voyage dans le temps… c’est touchant et instructif de découvrir la personne qu’on aime lorsqu’elle était enfant, découvrir son histoire, découvrir les évènements qui ont forgé sa vie, qui ont façonné sa personnalité et qui ont fait d’elle l’être qu’on aime aujourd’hui… le passé explique le présent et nous fait prendre du recul, de la hauteur pour mieux voir, pour mieux comprendre, pour mieux pardonner…
    « On le voit vraiment grandir au fil des photos… ici on est en quatrième… il doit avoir 13 ans… regarde comme il a grandi… dans le rugby, il a découvert qu’il était bon, qu’il était l’un des meilleurs et il a tout fait pour être LE meilleur… il a pris confiance en lui, et il gagné le respect d’abord par le mental que par le physique… bon, ça ne lui a pas empêché de partir à la bagarre quelque fois… mais c’est surtout son regard et son attitude qui ont changé… le rugby l’a très vite rendu populaire au collège… les filles ont commencé à s’intéresser à lui… et à partir de ce moment-là, il est devenu un petit dieu… ».
    Je me fais la réflexion que « petit dieu », est vraiment ce qui définit le mieux mon bobrun… tout comme mon pote Thibault…
    « Là c’est l’été suivant, on était parti en camping à Gruissan avec mes parents et j’avais proposé à Jéjé de venir avec nous… ».
    J’ai envie de pleurer devant cette photo de petit mec torse nu sur la plage, avec son short de bain rouge et son sourire si enfantin… encore un gosse, mais déjà jeune mec en devenir.
    Dans ma naïveté, je m’autorise à croire que le regard attendri que Thibault pose sur cette photo n’est dû qu’à la nostalgie pour un temps d’enfance, de vacance et d’insouciance.
    « Tiens, ici c’était après un match en plein hiver… on avait galéré ce jour-là… il faisait un froid, il pleuvait… on était trempés comme des canards… ».
    Sur la photo, Jérém, Thibault et Thierry, couvert de boue de la tête aux pieds… Thibault l’air sage, comme toujours… Jérém et Thierry en train de faire les pitres, Jérém qui tire la langue, avec un petit sourire canaille… c’est beau…
    Photo suivante, dans les vestiaires… visiblement ambiance après un match gagné… des corps plutôt dénudés, des boxers moulant de jolis fessiers… un beau petit cul musclé à poil, même si un peu flou, en premier plan à gauche de la photo… et au milieu de la photo, mon Jérém de face, torse nu, en boxer blanc, le buste plié en avant, en train d’enfiler son jeans, la tête relevée vers l’objectif, la chaînette qui pendouille dans le vide, les cheveux en bataille qui tombent sur les yeux… et qui donnent à son grand sourire canaille un je ne sais quoi de craquant à se damner… c’est beau à en déchirer les tripes…
    Est-ce que ce mec se rend seulement compte à quel point il inspire des émotions, du désir, du bonheur ? Bien sûr, il sait qu'il plaît et il ne s’est jamais privé pas d'en profiter... mais est-ce qu'il est vraiment conscient d’à quel point il est magnifique ? À quel point sa simple présence est frisson ?
    Page suivante, nouvelles photos…
    « Là c’était chez l’entraîneur… on devait avoir 15 ans… c’est le soir où… » Thibault marque un instant de pause, un petit sourire amusé et tendre s’affiche sur son visage « c’est le soir où Jéjé s’est fait dépuceler, par la fille de l’entraîneur, dans la cabane au fond du jardin… elle avait 10 ans de plus que lui… quel numéro cette nana… elle a dû se taper la moitié des joueurs de son père… on n’est pas nombreux à ne pas avoir voulu d’elle… je crois que cette photo a été prise juste après… le fait… ».
    Jérém qui vient tout juste de jouir, qui vient de découvrir qu’il plaît aux filles et qu’il vient de tester son bel engin avec succès … c’est peut-être que ma fantaisie mais j’ai l’impression de lire dans son regard fixé par la pellicule sa belle fierté de petit mec.
    « Là c’est une autre soirée… une troisième mi-temps… on avait vraiment trop picolé… ».
    Jérém avec une chemisette à carreaux, trois boutons ouverts sur le relief de ses pecs… la chainette bien en vue… un pan dans le jeans, l’autre dehors… un verre en plastique à la main, où visiblement il ne devait pas y avoir eu que du coca avec des glaçons… le regard figé, la paupière lourde, le brushing en vrille, une cigarette à moitié cramée au coin des lèvres… le tout lui donnant une allure débraillée de fin de soirée plutôt alcoolisée…
    Il a l’air d’un mec qui n’aurait qu’une seule envie, qu’un seul besoin… retrouver un lit et une bouche pour une bonne pipe avant de dormir…
    Pourtant, son regard est mélancolique et ça me donne envie de lui faire des câlins avant toute autre chose.
    A côté de lui, comme très souvent, le solide Thibault, le regard posé sur son pote, doux, bienveillant… une proximité, une attitude protectrice par rapport à Jérém…
    Très souvent, sur ces photos, on les voit côte à côte… ainsi, le contraste entre les deux potes finit par s’imposer…
    Jérém, Thibault, le même âge, des vies très proches, des parcours semblables, la même passion pour le rugby… chacun dans son style, deux sexytudes qui se rejoignent sur des caractéristiques communes : des corps aux muscles saillants, des puissances physiques et sexuelles débordantes, des allures très masculines…
    Pourtant, en les revoyant côte à côte, en me remémorant leurs nudités spectaculaires, je réalise qu’il existe également entre eux des différences assez marquées…
    Déjà, les deux potes n’ont pas la même relation avec leurs corps… d’une part, il y en a un qui assume la délicieuse pilosité de son torse… de l’autre, il y en a un qui semble chercher, par le rasage, à faire oublier cet attribut masculin majeur…
    De la même façon, lors de cette nuit où nous avons été tous les trois réunis, il y en a un qui a parfaitement assumé ses envies et ce, malgré son inexpérience… tandis que l’autre, tout en ayant voulu ce moment, n’a assumé rien du tout… et surtout pas sa nouvelle jalousie… sa virulence à mon égard en étant le témoin le plus net qui soit…
    Oui, au premier regard, l’un comme l’autre, les deux potes font extrêmement « mecs »… pourtant, des deux, seul Thibault dégage ce « petit quelque chose », ce truc si insaisissable qui le rend si… « Thibault style »…
    C’est une sensation qui m’avait déjà interpellé à plusieurs occasions, mais sur laquelle j’avais du mal à mettre des mots…
    Ce ne sera que bien plus tard que j’arriverai à trouver « le mot » pour décrire cette sensation de sécurité, de bien être, de puissance et d’apaisement que je ressentais au contact de Thibault, et que j’avais ressentie à fortiori cette nuit où j’ai eu la chance de me retrouver dans ses bras et de le serrer dans les miens…
    Il me faudra du temps pour réaliser que, malgré son jeune âge, le bomécano était déjà un garçon très… « viril »…
    Il me faudra du temps pour réaliser que j’ai longtemps utilisé ce mot à tort et à travers, l’appliquant tout simplement à une apparence très masculine et à une sexytude brûlante… pour réaliser qu’on peut faire très « mec », sans pour autant inspirer la véritable virilité, celle que jusque-là s’appelait dans ma tête, le « Thibault style »…
    « Virilité », ce n’est pas qu’une question d’âge… il ne suffit pas de laisser s'accumuler les années pour « devenir » viril… c’est aussi « quelque chose » qui va bien au-delà de l’apparence… c'est un état d'esprit, un équilibre, une force intérieure, un mélange la droiture, de détermination dans ses actes, et d’un profond respect de l’autre… c’est la capacité à faire face, à assumer quoi qu’il arrive et n’importe quand ça arrive… c’est à la fois une sorte de maturité intellectuelle, et plus que ça… c’est une grandeur d'âme qui en impose, qui force le respect…
    Un mec comme Thibault, ne demande pas à être respecté, il s'attache avant tout à être respectable…
    Un mec comme Thibault, n’a pas besoin de soumettre l’autre pour se sentir dominant… car il n’a tout simplement pas besoin de se sentir dominant pour se sentir bien…
    Un mec comme Thibault, n’a pas peur, ni honte de ses sentiments…
    J’ai senti la virilité de Thibault lorsqu’il m’a fait des bisous pendant qu’on prenait notre plaisir ensemble… je l’ai sentie dans l’étreinte de ses bras… j’ai senti sa virilité lors de notre câlin après l’amour, dans son coté attentionné… je l’ai sentie lorsqu’il a calmé son pote pour qu’on continue à tous s’amuser ensemble… j’ai senti la virilité de Thibault dans l’image qu’il m’a renvoyé de moi, celle d’un garçon qui vaut mieux que ce qu’il imagine…
    C’est tellement apaisant, un garçon comme Thibault… ça réchauffe à la fois le corps et le cœur d’avoir un amant comme Thibault… c’est bon de se sentir dans ses bras, et c’est tout aussi bon de le prendre dans ses bras… contrairement à Jérém, il ne prend pas ça pour une marque de faiblesse… car Thibault est fort et doux… car la virilité n’exclut pas la douceur, la tendresse… ni le besoin d’en donner ni celui d’en recevoir…
    « Ici c’est à Hossegor, il y a deux ans… qu’est-ce qu’on s’est marré ce jour-là… », enchaîne le bomécano en tournant une nouvelle fois la page et en m’arrachant à mes réflexions.
    Une fois de plus, mon Jérém torse nu sur la plage, les cheveux en bataille, le corps ruisselant d’eau et brillant au soleil… il est magnifique, tout comme Thibault… visiblement, ils sortent de l’eau… une fois de plus, le bras de l’un est posé sur l’épaule de l’autre, l’avant-bras de Jérém retombe sur l’épaule de Thibault, la main négligemment abandonnée sur son pec… leurs sourires sont si lumineux, ils ont l’air de s’amuser un max…
    « Ici on est à Gruissan l’an dernier… ».
    Jérém et Thibault et Julien, les trois mousquetaires, torse nu, au bord de l’eau… le quatrième, Thierry, étant assurément derrière l’objectif… Jérém au milieu de la photo, et ses deux potes essayant de l’embrasser sur la joue…
    « On s’était tapé un délire… comme c’est lui qui conduisait et qu’il avait le permis depuis quelques jours et que sa 205 n’était pas de première fraîcheur, on avait fait le pari que si on arrivait à destination entiers, on lui roulerait une pelle… chose promise… ».
    « Chose due… ».
    « Ouais, mais il ne s’est pas laissé faire… ».
    « Jérém n’a pas encore son tatouage… ».
    Le bomécano semble ne pas avoir entendu ma considération… il a l’air totalement happé par un souvenir plus maquant que d’autres… je ne sais pas encore ce que cette photo lui rappelle… à quelle sensation le renvoie… est-ce qu’il a envie d’en parler… je le sens hésitant… plus encore que devant l’image de Jérém à 13 ans torse nu sur la plage, le regard de Thibault semble trainer tout particulièrement sur cette photo…
    « Tu disais, Nico ? » finit-il par revenir dans le réel.
    « Je disais que sur cette photo Jérém n’a pas encore son tatouage… ».
    « Je crois que la photo a été prise le jour de notre arrivée… il a dû le faire le lendemain, je pense ».
    C’est un magnifique voyage dans l’amitié entre deux potes inséparables qui se déroule sous mes yeux, à travers la magie de la photo.
    Comment décrire l’émotion violente provoquée par une image en voiture où mon Jérém y figure, débardeur blanc à hurler, endormi comme un enfant sur l’épaule de Thibault ?
    Nan, nan, nan, nan, NAAAAAAAAAAAAAAAAAN, mais franchement, est-ce normal d'être aussi mignon ??????
    Ou alors, que dire de cette autre photo sur la neige, avec un Jérém en combi de ski et grosses lunettes de soleil… comment expliquer que même avec une tenue intégrale qui trahit et cache les proportions parfaites de sa plastique, se sexytude se dégage autour de lui comme une aura surnaturelle ?
    Comment expliquer que même ce bonnet rouge et jaune, avec un gros pompon retombant sur le côté… ce bonnet qui serait d’un ridicule sans nom sur ma tête, sur lui c’est juste… craquant… est-ce normal de posséder une sexytude d’une intensité telle que même ce bonnet « de clown » n’en vient pas à bout ? Et pire que ça, ça le rend encore plus sexy… naaaaan… moi je dis que ça, ce n’est vraiment pas normal…
    C’est juste insupportable tellement c'est beau... il est juste trop beau, trop sexy, trop mignon, trop « tout », quoi... il est juste "là" et il est "juste" sexy, sans rien à faire…
    La photo a été prise le matin, il y a grand soleil, la réverbération sur la neige remplit la photo de lumière… mais son sourire, malgré les yeux cachés par ces grosses lunettes miroir, est vraiment aveuglant… oui, ce sourire est comme une claque dans la figure... ce qui explique pourquoi je suis KO devant cette photo…
    Une autre page est tournée et mon bobrun apparaît dans un t-shirt rouge, visiblement lors d’une énième soirée… c’est une photo récente, mon bobrun est déjà le bogoss que je connais aujourd’hui, regard de tueur sexy, tatouage au biceps… c'est totalement insoutenable, tellement il est mignon à hurler...
    « Tiens, ça c’est la soirée de son anniversaire l’an dernier… ».
    « C’est quand son anniversaire ? » je demande comme un cri du cœur, sans même réfléchir, en sautant sur cette occasion si inattendue et si belle.
    « Tu sais pas ? » s’étonne le bomécano.
    « Non, il ne l’a jamais fêté en classe… ».
    « Je peux te dire qu’il l’a toujours fêté au rugby, et comme il faut… ».
    « Il y a plein de choses que j’ignore de lui… ».
    « Mais plus sa date d’anniversaire… c’est le 16 octobre… ».
    Inutile de préciser que la découverte de sa date d’anniversaire me rend si heureux, me chamboule de fond en comble, j’ai l’impression d’accéder à un immense secret, je détiens les clefs du royaume, j’ai les codes de la bombe nucléaire…
    « Dans moins de trois mois, il va fêter ses 20 ans… » commente Thibault « j’ai prévu de lui faire une surprise… ».
    « C’est quoi ? ».
    « J’ai envie de l’amener au Mas d’Azil pour lui faire faire un saut à l’élastique à 80 mètres de haut… je sais qu’il va kiffer… ».
    « T'as de la chance... » je finis par lui balancer.
    « Oui, j’ai la chance de l’avoir comme pote… ».
    « T’as la chance de le connaitre si bien, depuis si longtemps, la chance d’avoir partagé tant chose avec lui… ».
    « T’as des photos de lui, toi ? ».
    « Juste une que j’ai découpé de la Dépêche la semaine dernière ».
    « Vas-y, choisis en une… ou même deux… ».
    « Mais je ne peux pas, ce sont tes souvenirs… ».
    « Des photos, j’en ai plein… mais les meilleurs souvenirs, ils sont là-dedans » fait il en posant sa main à plat sur son cœur « photo ou pas photo, ils ne vont jamais partir de là… vas-y, prend l’album et choisis… je vais passer un coup de fil et je reviens… ».
    Et, ce disant, il attrape le bouquin qu’il avait posé sur la table basse avant de me serrer dans ses bras et il le met dans mes mains… le bomécano se lève et il disparaît dans le couloir, me laissant seul avec cet autre objet magique…
    L’objet est lourd, physiquement et symboliquement… j’ai l’impression qu’il me brûle les doigts, tellement l’histoire de vies et d’amitié qu’il contient me touchent, m’émeuvent…
    Je reprends à le feuilleter depuis le début… je repasse le film d’une vie… page après page, le bogoss grandit, le gamin se transforme en jeune étalon hyper sexy…
    Euh, Thibault… c’est un cadeau empoisonné que tu me fais là… comment choisir parmi toutes ces merveilles ?
    Je n’arrive vraiment pas à me décider… je parcours l’album plusieurs fois… je ne sais pas pendant combien de temps je passe et repasse ce parcours de vie…
    A travers ces photos, je revis les trois dernières années depuis que je le connais… je revis l’itinéraire d’un amour qui est né au premier instant et qui a jalonné ma vie depuis trois ans…
    Sur une photo, je retrouve Jérém dans t-shirt noir moulant… je crois reconnaître le t-shirt qu’il avait le premier jour du lycée… et je crois reconnaître le Jérém que j’ai connu le premier jour du lycée… je revis cet instant dans la cour du lycée et je me dis que, depuis le premier instant, c’est sa plastique qui m’avait ému… elle m’avait marqué au fer rouge, elle m’avait happé à l’instant même où l’image de ce petit mec de 16 ans, bogoss en devenir, avait traversé ma rétine… je ne sais combien de branlettes ce t-shirt noir moulant, ainsi que le torse qu’il enveloppait, m’ont inspiré par la suite…
    Dès lors, j’avais été remué de fond en comble par ce corps à la musculature parfaite, par la beauté de sa petite gueule à croquer… par le charme ravageur de son sourire de fou, pas sa sensualité débordante...
    Je savais depuis longtemps, depuis le début de mon adolescence, que les hommes ne préfèrent pas toujours les blondes… que parfois, ils préfèrent les mecs… et je savais aussi que je faisais partie de cette catégorie d’hommes…
    Pourtant, jusque-là, tout en passant le plus clair de mon temps à mater discrètement le bogoss autour de moi, je luttais contre moi-même, je n’assumais pas vraiment cette attirance…
    Mais lorsque ce putain de bogoss était apparu dans la cour du lycée, là, j’avais su… il n’y avait plus photo… c’était une évidence… j’aimais les mecs par-dessus tout… et ce mec, par-dessus tous les autres…
    Dès lors, son corps de petit dieu, avec le désir brûlant qu’il sait inspirer, a hanté mes journées et mes nuits…
    Mais sa plastique de rêve n’était pas son seul atout… car en plus de sa belle gueule, je me suis vite rendu compte que ce mec dégageait une forme de fascination qui m’aimantait littéralement à lui.
    Une fascination qui tenait beaucoup à cette assurance, cette aisance vis-à-vis de la vie qui sont les siennes au quotidien et qui me font cruellement défaut…
    Ce qui nous semble inaccessible a tendance à nous fasciner.
    Depuis que j’ai commencé à ressentir de l’attirance pour les garçons, je ne fais qu’admirer, jalouser, chercher dans l’autre, une image de ce que j’aurais voulu être mais que je ne serai jamais…
    Un petit con de première catégorie modèle « Jérém », c’est le genre de mec qui fascine à coup sûr le jeune garçon hésitant et maladroit que je suis, un garçon manquant singulièrement d’estime de soi… le « Jérém à poil court » représente un idéal masculin que je sais hors de ma portée et sur lequel j’ai plus ou moins fait une croix.
    Je ne serai jamais un jeune premier qui croque la vie par les deux bouts… le mec qui a plein de potes, qui aime faire la fête, le mec qui fait des blagues drôles… le mec qui, quand il l’ouvre, les oreilles se tendent… je ne serai jamais le mec que tout le monde admire autour du terrain de rugby… toutes e ne serais tout simplement jamais un de ces mecs qui fait partie d’une équipe… je ne serai jamais le mec au charme redoutable qui attire les regards comme un aimant dans une boite de trombones… je ne serai tout simplement pas le mec aussi bien dans ses baskets qu’il est, du moins en apparence…
    Oui, ce mec représente à mes yeux un idéal de puissance, de sexytude, de charme, de « « virilité » ». Un idéal auquel, inconsciemment, je donne des allures de mythe. Le mythe du jeune apollon, du jeune mâle à qui rien ni personne ne sait résister. Et qui s’autorise « l'indécence » d'afficher cette « « virilité » » que j’envie, sans aucun effort apparent…
    Lorsque Jérém n’était encore que ce putain de bogoss inaccessible que le hasard avait placé dans la classe de lycée que moi, je passais le plus clair de mon temps à l’observer, à tenter d’en savoir un peu plus sur lui… je tentais de capter les conversations le concernant, même les ragots… n’importe quel détail, la plus anodine des infos à son sujet me passionnait…
    En cours, je le matais sans cesse, me contentant de la vision de son dos, ainsi en disposait la géographie de la classe… vision frustrante, certes, mais qui possédait l’avantage de ne pas avoir à me soucier de croiser son regard…
    Jour après jour, je me nourrissais de sa beauté, de sa jeunesse, de sa sexytude, de sa présence comme si j’avais besoin de m’imbiber de cette « « virilité » » qui se dégageait de lui et qui me fascinait tant…
    En observant sa vie, j’avais l’impression de m’"infiltrer" dans sa bogossitude…
    En observant sa vie, j’en oubliais petit à petit la mienne… car sa vie me paraissait tellement passionnante par rapport à la mienne… sa façon d’être, ses succès, sa popularité me faisaient rêver… même son côté « cancre », ce côté petit frappe qu’il assumait parfaitement vis-à-vis de ses mauvaises notes et lorsqu’il était parfois rappelé à l’ordre par les profs, me faisait rêver…
    Je vivais par procuration, par fascination.
    En imaginant, en désirant son plaisir, j’ai rendu mon propre plaisir subordonné au sien… en me branlant, tout en imaginant presque à chaque fois sa jouissance, son plaisir est devenu mon plaisir… petit à petit, mon plaisir a fini par ne plus exister sans le sien… mes propres désirs ont été remplacés par les siens, par ses besoins, par ses envies, leur satisfaction sont devenus la seule chose capable de m’offrir une véritable jouissance… certains out besoin de paradis artificiels pour jouir plus fort… mon paradis artificiel à moi, c’est Jérém…
    Puis, un jour, le fantasme a rejoint la réalité…
    Dès lors, le bogoss a eu tout pouvoir sur moi… et de ce pouvoir, il s’en est saisi de la manière exacte dont je rêvais… dès la première révision il a voulu faire de moi l’objet de son plaisir… j’ai accepté … parce que c’était exactement ce que je voulais, exactement ce que j’avais toujours rêvé sans oser espérer qu’un jour ça se concrétise… parce son attitude assurée et dominante m’a inspiré ça… parce qu’il ne m’a pas laissé le choix… parce qu’il m’a fait aimer ça… parce que son inépuisable énergie sexuelle m’a littéralement rendu dingue de lui…
    J’aimais, j’adorais son corps, sa jolie petite gueule, le sourire incandescent, son assurance… sa façon de baiser… sa façon de savoir ce dont il avait envie et de savoir l’imposer…
    Pourtant, il manquait une dernière petite pièce pour achever l’édifice de mon amour pour ce gosse… une pièce maîtresse…
    Cette pièce est venue à moi au fil de nos révisions, surtout celles qui se déroulaient tard dans le nuit… c’est là que j’ai eu l’occasion de le connaître un peu, bien que plus par accident que par volonté de sa part… c’est là que j’ai eu l’occasion de voir des petites brèches s’ouvrir provisoirement dans sa carapace…
    J’ai aussi eu la chance d’avoir des conversations très instructives à son sujet avec son pote Thibault…
    Dès lors, ce sont ses failles, ses blessures qui m’ont touché, cette souffrance endurée dans son enfance, cette carapace bâtie par peur de souffrir à nouveau… ce besoin de tendresse qui est bien en lui malgré les apparences, ce besoin qui a fuité lors de révisions nocturnes difficiles, mais qu’il refuse de laisser s’exprimer librement…
    Tout un ensemble de petites choses qui, mises bout à bout, me font dire que, sous sa carapace, derrière son attitude de petit con souvent intraitable, il existe un être sensible, prisonnier d’un bourreau sexy…
    Oui, tout ce qui est inaccessible, fascine, attire, charme… et son cœur m’est toujours inaccessible…
    Finalement, je me dis que ça n’a pas de sens de comparer sa difficulté à assumer ses envies à la maturité de Thibault… chacun a son parcours, ce parcours qui a façonné sa personnalité, sa sensibilité, ses peurs… je me dis que je ne peux pas reprocher à Jérém de manquer de maturité… car au fond, Jérém n’est qu’un garçon de 19 ans qui se cherche et qui a du mal à faire face à ses démons… c’est sa fragilité sous la carapace… et c’est pour cela que je l’aime aussi…
    « Alors, t’as choisi ? » j’entends Thibault me demander, m’arrachant une fois de plus à mes divagations, tout en s’installant à nouveau sur le canapé à côté de moi.
    « J’aime bien celle-ci… ».
    Jérém assis sur la pelouse de la prairie des Filtres, on voit une arcade du Pont Neuf tout à gauche de l’image… le buste soutenu par ses bras tendus et ses mains posés à plat sur le sol derrière son dos… habillé d’un simple jeans, et de la même chemise à carreaux noirs et blancs que sur l’autre photo, les manches retroussées, ouverte sur un t-shirt blanc sur lequel sa chaînette de mec est négligemment abandonnée, le regard ténébreux… tenue et attitude, très, très… mais alors… très très très très mec…
    « Vas-y, décolle-là, elle est à toi… ».
    « Merci infiniment, Thibault… ».
    Je la décolle lentement et je contemple le vide laissé par la photo.
    « Vraiment, ça me gêne… ».
    « Il faut pas… allez, vas-y… choisis-en une autre… ».
    Je feuilleté jusqu’à ce que je retrouve une photo en maillot rugby.
    « Celle-là aussi me plait beaucoup… ».
    « Tu prends… ».
    « Merci… ».
    « Une dernière, pour la route… ».
    « C’est abusé… ».
    « Non, puisque je te le propose… ».
    Je ne peux m’empêcher d’en viser une où mon bobrun est sur la plage, torse nu, le bronzage ajoutant des couleurs à sa peau mate, la lumière du soleil mettant en valeur et en relief la musculature parfaite de son corps…
    « Celle-ci alors… ».
    « Vas-y… ».
    « Merci, ça me touche vraiment… ».
    « C’est normal, et en plus ça me fait plaisir… ».
    Je regarde ma montre et je me rends compte que j'ai passé une heure assis sur ce canapé, à regarder des photos à côté de ce charmant mécano…
    A la suite de mes manipulations pour décoller les images, soudainement, l’album photo se referme tout seul et glisse entre mes genoux… j’essaie de le rattraper avant qu’il ne touche le sol, j’ai un mouvement brusque, mes cuisses frôlent les siennes, en dessous de son short gris molletonné...
    Nos regards se croisent. Son regard est beau, il happe le mien… en plus d’être adorable, ce petit mec est aussi incroyablement sexy… Thibault est typiquement le genre de garçon qu’on a envie de câliner pendant des heures et de faire jouir pendant des heures aussi... très envie de le serrer contre moi, très envie aussi de passer ma main dans ce short et aller caresser sa bosse... l’odeur de sa peau fraîchement douchée me rend dingue… mais il ne faut pas…
    Nos regards ne se quittent pas… il esquisse un petit sourire doux et un brin gêné… j’essaie de lui rendre son sourire… il porte une main sur mon épaule…
    « Tu sais, je t’aime beaucoup, Nico… ».
    « Moi aussi je t’adore… ».
    « J’ai vraiment adoré cette nuit… ».
    « Moi aussi… moi aussi… ».
    « Tu es un mec formidable, Nico… je suis content que Jéjé soit tombé sur quelqu’un comme toi… parce que toi… toi tu l’aimes… et ça, c’est beau et précieux… Jéjé est le plus gentil des garçons, il a juste besoin… de toi…
    Je vois Thibault ému, je le suis aussi… je ne comprends plus rien, j’ai la tête qui tourne, j’ai envie de me jeter dans ses bras, j’ai envie de l’embrasser, j’ai envie de tout avec lui…
    A cet instant précis, son portable se met à sonner.
     « C’est Jéjé… » il m’annonce, après avoir regardé l’écran, avant de décrocher.
    « Hey, mec… ça va ? » démarre le bomécano. A chaque fois je suis touché par sa façon de montrer sans ambiguïté qu’il est heureux de retrouver un pote.
    « Oui, je t’écoute… » je l’entends lancer, après un instant de silence.
    J’essaie de capter l’autre moitié de la conversation, mais Thibault tient le portable collé à la « mauvaise » oreille, ce qui ne me permet d’entendre autre chose que de vagues grésillements de bobrun.
    « Demain tu dis ? » s’étonne le bomécano.
    Ecoute en silence. Grésillements indistincts de bobrun.
    « Ok, ok, c’est faisable… tu peux commencer demain à ta pause, si tu veux, je déposerai le double des clefs de l’appart dans ta boîte aux lettres demain matin… ».
    « Bon, ok, t’as qu’à tout laisser dans la chambre d’amis, je vais faire de la place tout à l’heure… ».
    « Il n’y a pas de quoi… à plus… et bon courage pour ce soir… travaille pas trop… allez, ok, bises… ».
    Le bomécano vient de raccrocher. Il me fixe droit dans les yeux et il enchaîne :
    « Ça tombe bien qu’il ait appelé, il faut que je te dise un truc… ».
    « C'est-à-dire ? ».
    « Je ne pense pas qu’il t’en ait parlé, lui… ».
    « Il ne me dit jamais rien… » je le mets à l’aise.
    « Jérém n’a pas payé son loyer depuis des mois… il s’est fait expulser… il doit quitter l’appart à la fin du mois… ».
    Ahhhhhhhhhhhhhhh… voilà que j’ai raté un épisode… enfin, qu’à moitié… comme quoi, parfois les rêves, même érotiques, peuvent se révéler prémonitoires…
    « Mais c’est dans quelques jours à peine… » je m’inquiète.
    « Je suis sur le cul aussi… il me l’a annoncé pas plus tard que hier soir, au tel, alors qu’il le sait depuis des semaines, ou des mois… s’il m’en avait parlé quand il a commencé à avoir des problèmes, j’aurais pu l’aider… mais il a rien dit, et là, il doit plus d’un an…
    « Mais ses parents ne lui donnent plus rien ? ».
    « Je savais qu’il avait eu une grosse dispute avec sa belle-mère il y a quelques mois… mais je ne savais pas qu’il avait coupé les ponts avec son père… apparemment, il ne lui file plus un centime… et là il est à sec complet… en plus, Jéjé n’est pas le genre à faire attention à l’argent… tout ça le dépasse jusqu’au jour où il est vraiment dans la merde… bref… il m’a demandé si je pouvais l’héberger, le temps de se retourner… évidemment, j’ai dit oui… et là, il vient de m’appeler pour savoir s’il peut commencer à amener des affaires dès demain soir… ».
    Décidemment, ce soir je vais de surprise en surprise… je ressens un étrange sentiment de vide, de fin de chapitre, de page qui se tourne à l’idée que dans quelque jour je n’aurai plus accès à cet appart, à ce lieu magique au milieu de la rue de la Colombette, ce lieu hors du temps et de l’espace qui a été le théâtre des premières révisions avec Jérém… la scène de mon dépucelage, le cadre de tout ce plaisir qu'on s'est donné, le décor de mon amour naissant, d’espoirs sans cesse renouvelés et de frustrations de plus en plus difficiles à assumer...
    J’ai un pincement au cœur, un très gros pincement à l’idée de me dire que jamais je ne remettrai les pieds dans cet appart, qu'une page se tourne avec son départ de ce lieu, une page de nos vies… et qu’une autre page va bientôt s’écrire, une page que nous n'écrirons pas forcement ensemble...
    Où allons-nous nous retrouver désormais pour nos galipettes, si tant qu’il en ait envie ?
    Cet appart va vraiment me manquer... il s’en est passé des choses, entre ces quatre murs... s’ils pouvaient parler... Jérém quitte les lieux et dans quelques temps quelqu’un d’autre, un autre étudiant peut-être… peut-être bien un autre petit con ultra bandant comme Jérém prendra sa place, il baisera des nanas à tout va… jusqu’au jour où, peut-être, il entraînera un de ses camarades dans des révisions chaudes bouillantes…
    La nuit passée avec les deux potes, était donc la dernière fois que je mettrais les pieds à l’appart rue de la Colombette ?
    Je n’aurais même pas pu dire adieu à cet appart où j'ai dormi pour la première fois avec un garçon…
    « Nico, je t’aurais bien gardé manger une pizza mais il faut que je passe à la caserne avant 20 heures… ».
    « Je vais y aller… ».
    « Ça va aller, Nico ? ».
    « Oui, c’est juste que la nouvelle du déménagement de Jérém m’a un peu secoué… heureusement qu’il a un pote comme toi… ».
    « Tu sais, Nico… tu n’as pas à être jaloux de mon amitié avec Jéjé… au contraire… c’est moi qui devrais être jaloux de ce que tu vis avec Jérém… tu l’aimes si fort, et il le sait, et ça lui fait du bien, le plus grand bien… même s’il ne veut pas l’admettre, l’accepter… toi t’es fou amoureux de lui… et quelqu’un d’aussi amoureux, pour moi, ça force le respect…
    Tu sais, jusqu’à il y a pas longtemps, Jérémie Tommasi était « juste » mon pote, mon Jéjé… mais depuis quelques temps, j’ai découvert qu’il est aussi « Jérém »… « ton Jérém », Nico… et j’ai l’impressions qu’il est de plus en plus « ton Jérém » que « mon Jéjé »…
    Ne crois pas mal, ça ne me gêne pas, pas du tout… ce qui compte pour moi, c’est qu’il soit heureux… quand je dis que je devrais être jaloux, c’est qu’aujourd’hui tu lui apportes, avec ta présence et avec ton amour, des choses que je ne pourrais pas lui apporter…
    Même s’il vient s’installer ici, je sais qu’il ne restera pas longtemps… Jéjé a besoin de son indépendance… quoi qu’il fasse, qu’il trouve un autre boulot, un autre appart, qu’il reste sur Toulouse ou qu’il parte je ne sais où… j’ai besoin que tu m’aides à garder un œil sur lui, si tu le veux bien… ».
    « Je te promets que je ferai de mon mieux… » j’arrive à lui répondre, la voix cassée par l’émotion.
    Je le prends dans mes bras… autant pour cacher mes larmes que pour chercher du réconfort contre son torse de malade.
    Je sens sa main chaude frotter dans mon dos et remonter vers mon cou, caresser l’arrière de ma nuque… ses mains se portent de chaque côté de mon visage… nos bouches sont à quelques centimètres… et là, le petit coquin me surprend en m’envoyant un joli petit sourire et en posant un smack léger sur mes lèvres…
    « Porte toi bien, Nico… et si ça va pas, tu sais que ma porte est toujours ouverte… ».
    Dans le bus, je valide le ticket que Thibault m’a filé en quittant l’appart. Je me dis que vraiment, ce mec est un ange, un ange musclé avec un esprit touchant au possible…
    Cette rencontre avec Thibault a été un pur moment de bonheur… dans le bus, je feuillète sans cesse les trois photos qu’il m’a données, autant de trésors à la valeur inestimable à mes yeux…
    Thibault a été adorable, et très honnête avec moi. Il m’a rassuré, remonté le moral. Il a apporté des réponses à pas mal de mes questions, de mes inquiétudes. Je me suis confié à lui, il s’est confié à moi.
    Pourtant, en partant de l’appart aux Minimes, je m’inquiète un peu pour ce bomécano… une partie de moi a comme l’impression que derrière son attitude et son discours de mec bien dans ses baskets, il y a des choses non dites, comme un bon petit malaise dans sa jolie tête… j’ai comme l’impression qu’entre son envie de voir son pote heureux avec moi et celle de me voir heureux avec son pote, il est en train de s’oublier une fois de plus…
    Mais, comme d’habitude, je trouve le moyen de me rassurer, avant de me replonger dans mes propres inquiétudes, en me disant que Thibault est un garçon solide et que tout ira bien pour lui…
    J’aurais dû m’inquiéter davantage, car sous ses allures rassurantes, il y avait bel et bien un malaise grandissant…
    Oui, Thibault avait été très honnête avec moi… pourtant, il y avait des choses qu’il avait préféré garder pour lui… non pas par malhonnêteté, pour agir dans mon dos… c’est juste qu’il ne le maîtrisait pas forcement à cet instant précis… des sentiments qu’il estimait avoir besoin de digérer tout seul, sans m’en inquiéter, sans effrayer son pote… des sentiments qu’il pensait certainement arriver à surmonter en prenant sur lui une fois de plus… des sentiments dont je connaitrai toute l’ampleur plus tard cet été-là, lorsque les évènements auront vraiment mal tourné.
    Hélas, les sentiments sont faits d’une matière bien instable… on a beau essayer de les manipuler avec prudence, de les contenir, les isoler, de se les cacher en les enfouissant à des profondeurs abyssales dans notre esprit… il suffit d’un instant d’inattention, de faiblesse, pour qu’ils refassent surface, se mélangent et fassent tout exploser dans notre tête et dans notre vie…
    Le bomécano avait passé des années à tenter d’étouffer les siens… mais ils avaient soudainement refait surface et pris une nouvelle dimension lors de cette incroyable nuit où nous avons été tous les trois réunis… et même en amont de cela…
    Pour savoir comment Thibault a vécu cette nuit, il faudrait pouvoir rentrer dans sa tête, lorsqu’il est tout seul devant son café en ce dimanche matin…

    « La toute première rémunération de mon travail d'écriture, c'est vous, les lecteurs, votre présence, votre fidélité. Mais sans le temps pour écrire, Jérém&Nico n'existerait pas, n'existerait plus.
    Ce temps pour écrire, tu peux me l'offrir, à hauteur de tes moyens. Pour faire continuer ce partage qui dure depuis trois ans déjà. TIPEE.COM/jerem-nico-s1. Simple, rapide, sans engagement. Merci d’avance. Fabien ».


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  • Lorsque je rentre de ma longue balade le long du canal, c’est l’heure du dîner. Maman a mis la table et papa vient de rentrer.
    Nous nous mettons à table, devant la télé, papa raconte sa journée, maman la sienne. La mienne est vite relatée, elle se résume à mon immersion dans le microcosme rassurant au bord de l’eau.
    Certes, si je me lançais à leur raconter tous les questionnements et les inquiétudes qui peuplent ma tête depuis quelques heures, il y aurait de quoi fait un bon conseil de famille… mais franchement, je préfère éviter… un souci à la fois, je me dis…
    Alors, pour faire diversion, je commente avec papa l’énième sujet sur le prochain passage à l’euro servi dans le journal télé… oui, dans quelques mois, le bon vieux franc va disparaître… l’inquiétude grandit au sujet de l’approvisionnement des distributeurs de billets dans la nuit du 31 au 1er… on craint la pénurie de monnaie… tout comme, il y a quelques mois, on craignait le fameux bug informatique de l’an 2000 qui devait plonger la planète dans le chaos… chaque époque sa peur…
    Je n’en reviens toujours pas que, depuis hier matin, lorsque je suis rentré en plein petit déjeuner après avoir découché, ni maman ni papa ne se sont lancés dans des questions indiscrètes… non, vraiment, je trouve bizarre qu’ils aient gobé mon récit d’un verre avec les potes du lycée qui se serait fini au petit matin dans une boite du centre-ville, le Shangay… pourquoi j’ai eu besoin de citer un lieu précis, et ce lieu en particulier ? Heureusement qu’ils ignorent que le Shangay comporte plusieurs salles… et que dans l’une d’entre elles, il parait qu’on joue souvent du Mylène Farmer…
    A mon avis, ils doivent croire que j’ai une meuf… je me dis que si c’est le cas, je vais laisser leur fausse croyance devenir mon alliée, tout en étant conscient qu’un jour, il faudra bien qu’ils sachent…
    Mais je ne me sens pas encore prêt pour cela… je pense que je le serai le jour où j’aurai une relation stable… me voilà rassuré de ce côté-là… avec un petit con comme Jérém, ce n’est pas demain la veille que j’aurai à faire mon coming out familial… ça, c’est ce que je pensais…
    Car on a beau faire des plans pour l’avenir… parfois les évènements nous prennent de court, nous obligeant à faire des grands pas, même si on n’y est pas encore préparé… mais on n’est jamais vraiment prêt à faire des grands pas… il faut les faire, c’est tout…
    En attendant, je suis KO… l’absence presque totale de sommeil la nuit de samedi à dimanche, passée à faire des galipettes avec les deux potes… le sommeil en pointillés de la nuit dernière, ponctué par ce rêve de fou où Jérém et Thibault en venaient aux mains, avant de se résoudre à en venir aux queues… la longue balade de l’après-midi…
    Bref, le lit m’appelle de bonne heure.
    Je tente de lire un peu, mais les yeux se ferment tout seuls… j’éteins la lumière, je me glisse sous les draps…
    Le corps est HS mais l’esprit ne cesse de se torturer avec les questionnements qui tournent en boucle dans ma tête depuis un peu plus de 24 heures…
    Comment retrouver Jérém après cette nuit ? Comment le retrouver après sa nouvelle jalousie face à un Thibault si attentionné envers moi, face à cette complicité, à cette tendresse qui se sont installées entre son pote et moi sur le fil du plaisir sensuel ?
    Qu’a-t-il ressenti lorsqu’il s’est rendu compte que cette nuit qu’il avait envisagée comme un plan cul s’est transformée en tout autre chose, du moins pour Thibault et moi ?
    Quelle attitude va-t-il avoir à mon égard ?
    Je peux toujours rêver qu’il puisse prendre conscience tout seul de cette évidence… que Thibault m’a apporté exactement ce que je voudrais que lui m’apporte… oui, je peux toujours rêver que Jérém puisse s’inspirer de la voie esquissée par son pote pour la suite de notre relation…
    En réalité, je crains, au contraire, que dans l’avenir proche il soit encore plus dur avec moi, comme pour me punir d’avoir accepté de Thibault, son meilleur pote, ce que lui-même refuse de m’apporter…
    Quant à Thibault… comment le retrouver, lui aussi, après cette nuit ? Quel regard va-t-il porter sur moi et sur mon incapacité à me faire respecter par son pote ? A quel point a-t-il été déçu par mon attitude vis-à-vis de Jérém ?
    Comment retrouver le fil de notre amitié naissante après y avoir laissé rentrer cette sublime note sensuelle ?
    En ajoutant du bonheur au plaisir, de la tendresse aux galipettes, ne nous sommes-nous pas engouffrés dans une voie dangereuse ?
    J’ai adoré coucher avec le bomécano… mais vais-je le regretter tôt ou tard ? Tout comme, parfois, je me surprends à regretter d’avoir envisagé, pas provoqué, mais accepté le « hors sujet » lors de la première révision avec Jérém…
    Bien sûr, c’est lui qui m’avait poussé à fouiller plutôt dans son boxer que dans le cahier de cours… il savait très bien de quoi il avait envie… tout comme, c’est de son plein gré que Thibault a accepté de prendre part à nos galipettes…
    Pourtant, parfois je me dis qu’en provoquant les révisions avec Jérém et en acceptant ses « méthodes », je lui ai fait découvrir une facette de lui-même qui a bouleversé sa vie et crée un malaise persistant dans sa tête… Jérém était peut-être plus heureux quand il ne se tapait que des nénettes à tout va…
    J’ai du mal à croire que cette nuit ne représente pour Thibault qu’une bonne partie de jambes en l’air… qui sait quelles cordes sensibles tout cela a pu remuer dans sa tête et dans son cœur…
    Je m’en voudrais si la solidité d’un gars pareil devait se retrouver ébranlée à cause d’une nuit de plaisir… je m’en voudrais d’avoir foutu le bordel dans la tête de Thibault comme dans celle de Jérém…
    Arme puissante, que le sexe…
    Dans le noir de ma chambre, d’autres questions s’amoncellent dans mon esprit comme autant de nuages sombres annonçant l’orage dans un ciel d’été…
    Comment vont se retrouver les deux potes ? Quel ménage vont pouvoir faire la jalousie de Jérém et la tendresse de Thibault à mon égard ? Est-ce qu’ils vont parler de moi ? Est-ce que Jérém va encore essayer de convaincre son pote que je ne suis qu’un cul à baiser ? Est-ce que Thibault va, au contraire, essayer de raisonner Jérém et de lui faire comprendre qu’il se comporte parfois très connement avec moi ?
    Il n’y a rien de pire que des histoires de cul pour faire vaciller, terrasser les amitiés les plus solides.
    Que ce soit à cause de la jalousie, de la rivalité… ou, au contraire, à cause de la sensualité, de l’attirance…
    Je pense à ce court mais si intense moment de sensualité entre eux… est-ce que leurs corps, leurs esprits se sont embrasés pour un désir souvent ressenti et jamais assouvi ?
    Ou bien… est-ce que cet émoustillement prenait racine dans le souvenir de caresses, de baisers, de plaisirs déjà consommés ?
    Et si ce n’était pas la première fois que leurs corps, leurs envies, leurs plaisirs se sont retrouvés si proches ?
    Et encore… auront-ils eu assez de ce moment… ou bien… est-ce qu’ils vont remettre ça, rien que tous les deux ? Surtout si l’envie devait se manifester, chez l’un ou chez l’autre, de tenter des expériences du style de celle amorcée à la fin de mon rêve érotique… des expériences pour lesquelles ils n’auraient pas besoin de moi… celui qu’ils ont connu dans le rôle de pd passif…
    En m’endormant, je me surprends à repenser une fois de plus à la douceur de Thibault… à me demander pourquoi le bomécano a été aussi attentif et doux avec moi… à me demander s’il ressent quelque chose pour moi… à me demander qu’est-ce que je ressens à mon tour pour ce mec formidable…
    Juste avant de m’endormir, une évidence finit par me sauter aux yeux… Thibault est un garçon tellement adorable, qu’il ferait tomber amoureux n’importe qui, même un Détraqueur… comment ne pas être touché par un garçon si fort et si doux à la fois, par cet esprit droit et généreux… oui, Thibault est un garçon dont j’aurais pu facilement tomber amoureux… si je ne l’étais pas à « cœur perdu » de son meilleur pote…
    Car ce soir, dans mon lit, c’est mon Jérém qui me manque… il me manque au-delà et par-dessus la folie sensuelle de l’autre nuit… il me manque plus que tout, plus que personne… et ce t-shirt que je serre tout contre moi, avec le souvenir olfactif qui se dégage toujours de ses fibres, ne suffit pas pour combler ce manque… bien au contraire, il ne fait que rendre cette absence encore plus insupportable…

    Heureusement, le lendemain, mardi, j’aurai l’occasion de me distraire avec mon premier cours de conduite…
    Ça a été une bonne idée de passer le code pendant les vacances de février… j’ai pu ainsi me concentrer par la suite sur le bac, sur les révisions, toute sorte de révisions… et là, il ne me reste qu’à prendre mes cours de conduite, pour essayer de passer l’épreuve pratique avant la rentrée…
    Je suis très impatient de passer cette étape, d’apprendre à conduire, d’avoir mon permis, ma voiture… j’aimerais bien pouvoir fêter mon permis en partant une semaine à la mer, comme Jérém l’an dernier… j’ai eu quelques échos de ces vacances, de comment le bobrun s’est encore tapé la moitié des nénettes du camping… c’est de ces vacances qu’il a ramené ce brassard tatoué juste en dessous du biceps qui me fait tant d’effet…
    Oui, j’aimerais pouvoir fêter mon permis avec mes potes… mais je ne sais pas encore quand je l’aurai… et puis, je n’ai pas assez de potes pour faire ça…
    Oui, je suis très impatient d’attaquer mes cours de conduite… le seul bémol à ma joie étant l’idée de retrouver Martin…
    Non pas que la compagnie de Martin me soit désagréable, bien au contraire… plutôt beau, sexy, classe, charmant et charmeur le garçon… un côté cash dans la drague qui me fascine…
    Bref, ce mec a même tout pour me plaire… ce qui risque déjà à la base de rendre ma concentration pour la conduite… comment dire… insuffisante…
    Mais ce qui me pose le plus de problème ce n’est pas son charisme… mais plutôt le fait de ne pas trop savoir comment le beau moniteur va être disposé à mon égard…
    Je repense à la soirée au KL, cette soirée au cours de laquelle il m’a dragué et où nous avons failli finir la nuit chez lui… je repense à la scène de Jérém, à son chantage, au choix qu’il m’a imposé entre Martin et lui…à mon choix de céder à son chantage… enfin, de céder à son charme surtout, et aux sentiments que je ressens pour lui, et à l’espoir que mon geste représente quelque chose à ses yeux, qu’il se rende compte à quel point il compte pour moi… et qu’il se réveille enfin…
    Je repense à Martin quittant la scène sans demander son reste… et le malaise de l’avoir laissé en plan alors qu’on s’était vraiment bien chauffés refait surface toujours aussi vif…
    J’appréhende de me retrouver seul dans la voiture avec lui, de l’entendre me poser des questions, de devoir donner des explications, de me retrouver mal à l’aise… je redoute qu’il me pourrisse ou, pire, qu’il se moque de moi… j’appréhende de foirer mes cours à cause de ce malaise…
    D’autre part, j’ai envie de le revoir pour m’excuser… j’aimerai bien le garder en tant que pote… je le trouve marrant, en plus d’être super charmant… et j’ai envie que mes cours de conduite se passent bien…
    Me voilà à tout juste quelques pas de l’autoécole, je ne peux plus faire machine arrière. Je dis bonjour à la fille qui attend dehors en textotant sur son portable, je prends une profonde respiration et j’attrape la poignée de la porte d’entrée.
    Je me présente à la secrétaire.
    « Nicolas… Nicolas… ah, oui… te voilà… » fait elle, la tête dans le planning « tu as cours avec… avec… avec… ».
    « Avec Martin… » je fais, sûr de moi.
    « Ah… non… » elle me relance « c’est avec Julien que tu vas faire ta conduite… ».
    « Vous êtes sûre ? Vous m’aviez présenté Martin quand j’étais venu pour prendre rendez-vous… ».
    « Oui… ça devait être Martin mais en ce moment il est en arrêt de travail… ».
    « Ah mince… » je me renseigne « rien de grave ? ».
    « Euh… » fait la secrétaire, l’air un peu embarrassé « non, mais il ne peut pas conduire… il devrait être de retour dans quelques temps… ».
    « Ok… » je fais.
    « Tu peux attendre dehors, Julien ne va pas tarder à revenir de son cours précèdent… il va vous prendre tous les deux, toi et Sandrine, la fille que tu as dû voir dehors… ».
    « D’accord… merci ».
    Je suis à la fois soulagé et frustré que ce ne soit pas Martin qui me donne les cours de conduite… je me demande ce qui a bien pu le rendre inapte à la conduite…
    Je n’ai pas trop le temps de réfléchir, car la 206 blanche décorée avec les autocollants de l’autoécole se gare juste devant moi, le moteur et les warnings allumés.
    Deux filles en sortent… mais franchement je ne pourrais pas dire si elles étaient brunes, blondes, rousses, grandes, petites, belles, moches, avec trois bras ou avec deux têtes chacune…
    En revanche, dès le premier instant, dès le premier regard, je peux dire beaucoup de choses, mais alors une infinité de choses au sujet de ce Julien…
    Première réflexion… mais putain… décidemment, il y a des prénoms comme ça, qui semblent porter en eux une destinée… là, en l’occurrence, il s’agit de la « destinée bogoss »…
    J’ai toujours eu un faible pour Julien, le coéquipier de Jérém… un petit gabarit très musclé, très vif, , marrant, déconneur, débordant de jeunesse et d’énergie… bref, sexy en diable…
    Mais alors, ce « nouveau » Julien… comment dire… c’est mon Jérém… mais en blond…
    Il sort de la voiture, et dès qu’il est debout, je peux apprécier le spécimen… grand, genre 1m85, physique élancé mais bien musclé, torse taillé en V…
    Son t-shirt tombe très bien sur ses épaules, met en évidence ses pecs… bref, juste la perfection… une perfection en coton qui a l’air très bien remplie…
    C’est un t-shirt « audacieux », avec des motifs à fleurs jaune et vert sur un fond blanc… accompagné d’un short marron et de baskets jaune fluo… bref, le genre de tenue que, perso, jamais je n’oserais… non pas que je n’aime pas… bien au contraire… mais il est des tenues qu’il faut savoir porter… il faut le physique, la dégaine, la gueule de l’emploi…
    Puis, il y a le brushing… concept capillaire de bogoss, impeccable, cheveux coupés très courts autour de la nuque, pas mal plus long au-dessus et plaqués au gel vers l’arrière, tout en laissant une raie sur le côté…
    Plus je regarde son t-shirt, plus je me dis qu’il est aussi bien coupé que ses motifs sont improbables… je me dis aussi qu’avec ce genre de pièce, moi je serais ridicule à mourir… mais lui, non, lui il est juste sexy à mourir… évidemment, sur le dos d’un canon pareil, tout va, tout va, tout va… d’autant plus que son aisance, son assurance, sa décontraction lui donnent un style, une certaine classe…
    Un style qu’il complète avec une barbe claire de trois jours qui lui confère une petite touche sexy et virile… et avec de grosses lunettes de soleil « bogoss style » qui ajoutent une touche de « je me la pète un peu » qui contribuent à rendre le personnage incroyablement sexy…
    J’adore ses lunettes… pourtant, j’ai juste envie qu’il les enlève pour découvrir ses yeux et avoir ainsi toutes les cartes en main, y compris l’atout majeur qu’est le regard, pour juger de l’ampleur exacte de sa bogossitude…
    Mon vœu va très vite être exaucé…
    Le bogoss approche de la fille et, avant de lui faire la bise, il dégage son regard…
    « Salut Sandrine » il la salue avec un grand sourire lumineux et sexy.
    La fille n’en est à l’évidence pas à sa première leçon de conduite. Ni insensible au charme du bogoss.
    « Salut, je suis Julien, ton moniteur… » il s’adresse ensuite à moi, tout en me tendant la main.
    « Bonjour, moi c’est Nico » je réponds machinalement, encore sous le choc et déjà sous le charme…
    Oui, car je viens de découvrir que, derrière les lunettes, se cachait un regard vert marron magnifique, charmant au possible, dans lequel je découvre très vite un je-ne-sais-quoi de pétillant, de rieur, de très coquin…
    « Vas-y, Sandrine » fait il « mets-toi au volant, tu vas montrer au nouveau comment tu te débrouilles… ».
    Le « nouveau » se retrouve donc assis sur la banquette arrière… position qui, si on fait abstraction de l’inconvénient de m’empêcher de mater sa jolie petite gueule, présente l’énorme avantage de ne pas devoir composer avec son regard, tout en me laissant le loisir de détailler sa plastique de bel étalon à ma guise… ça me rappelle mes observations en cours… vraiment, la plastique de ce Julien côté verso me rappelle grave la plastique de Jérém côté verso…
    La voiture démarre mais je n’ai pas du tout la tête à suivre ce que Sandrine est en train de faire… je ne sais même pas dans quelle direction nous partons… j’entends juste la voix du bogoss qui, entre deux indications de direction, n’arrête pas de la taquiner… pour le reste, je me consacre à l’observation de la bête…
    Premières impressions, suite aux détections rapprochées… vraiment, très très bogoss… cou, épaules, biceps, perfection plastique… nuque presque rasée qui met en évidence ses oreilles fines et sexy qui ne semblent demander qu’à être caressées, titillées, léchées, mordillées…
    Ce t-shirt qui tombe comme un gant sur son torse, sur son dos… j’adore observer le col du t-shirt, coté dos, cette ligne, cette frontière où le coton s’arrête et la peau se dévoile… cette ligne surmontée par une chaînette de mec… cette ligne d’où le regard prend le large pour dériver vers la naissance des cheveux, vers la nuque, vers cette crinière blonde fournie…
    Pourquoi je ressens une envie viscérale de poser plein de bisous dans son cou, à la lisière de ses cheveux et cette chaînette qui me rend dingue ?
    C’est un bonheur entier que de mater ce mec… et c’est un bonheur tout aussi intense que de le sentir…
    Inutile de le préciser que le petit con sent incroyablement bon… son deo est frais, entêtant… c’est trois heures de l’après-midi mais j’ai l’impression qu’il sort de la douche… une note de deo et je me surprends à penser « douche »… et il me suffit penser douche que déjà je l’imagine sans peine, le corps ruisselant d’eau, les cheveux en bataille, retombant sur le front, lui voilant les yeux, la serviette qui essuie, couvre, dévoile…
    Oui, la position arrière me permet de bien le détailler… d’autant plus que, étant souvent tourné vers Sandrine, je peux également apprécier son profil de mec… sa petite barbe claire et pas trop fournie, mais pourtant si sexy…
    J’ai toujours été plutôt branché bobrun… je suis raide dingue de mon bobrun… mais alors, là j’ai trouvé un sacré boblond… blond, ou du moins châtain très très clair… mais une putain de bombasse ce Julien…
    Ce mec est exactement ce qui me fallait pour me changer les idées et ne pas me noyer dans mes réflexions, mes questionnements et mes états d’âme…
    Je l’écoute rigoler avec Sandrine, je l’écoute déployer sa drague, portée par un humour qui ose tout… faire les compliments les plus improbables… faire rire la fille… jouer les bouffons, se moquer de lui-même… faire rire la fille… faire un compliment bien placé… surprendre la fille… revenir à la charge avec une blague pourrie… se faire envoyer sur les roses… sourire… jouer au mec sérieux le temps d’une coupure entre deux blagues… et revenir sans cesse à la provoc, ne jamais laisser un instant de répit… aller à la limite de la goujaterie parfois, mais se rattraper avec une pirouette et faire rire, encore et encore…
    Je me surprends à rire moi aussi de sa drague pourrie mais redoutable… car, au final, le mec arrive à être très drôle… charmant, sexy et drôle… et un mec sexy, sûr de lui, charmeur, joueur, déconneur et drôle… moi j’appelle ça un mélange explosif…
    Sandrine a du répondant, elle est même parfois cassante, mais le mec ne se démonte pas, entre deux indications sur le parcours, il titille sans discontinuer…
    En l’écoutant parler, je me laisse transporter par son petit accent toulousain bien marqué, très sexy, et par cette manière de rouler certains « R »... sexy à mourir...
    Et toujours ce petit regard lubrique collé dans les yeux, ce sourire coquin accroché à ses lèvres...
    Bref, voilà un beau jeune mâle avec à la fois une opinion certaine de son charme et un besoin inépuisable de l’exercer, d’en admirer les effets…
    Tout comme mon bobrun… le même mais en boblond… le côté ténébreux en moins, un brin plus souriant, plus bavard, plus extraverti… et chaud comme la braise…
    Nous roulons du côté des Carmes… le soleil cogne et il fait vraiment chaud dans la voiture… mais le soleil ne fait pas tout… la température monte en flèche autour de moi lorsque le bogoss porte sa main sur son paquet, et commence à trifouiller la bête à travers le short…
    « Te gêne pas… » fait Sandrine, taquine.
    « Je range le matos… » répond le bogoss, du tac au tac, pas gêné pour un sou.
    Son regard, c’est le regard d’une sacrée tête à claque… un regard coquin… et même carrément un regard lubrique… ce mec transpire le sexe dans chaque geste, chaque mot, chaque sourire…
    « Prends ton temps… » le pique Sandrine.
    « Bah, oui, il faut le temps de la manœuvre pour garer du hors gabarit… ».
    Petit con frimeur, va… mais petit con avec un sourire d’enfer…
    Sa boutade est tellement énorme, qu’il est le premier à en rigoler à gorge déployée, comme pour souligner justement l'ampleur de sa connerie... on comprend que c’est fait exprès, pour amuser la galerie… mais, en attendant, c’est dit… il a parlé de son hors gabarit… il a lancé une énormité pour provoquer une réaction… et ce côté bouffon sexy, frimeur drôle, est tout simplement craquant…
    De l'insolence, de l'impertinence, du charme, de l’autodérision, cocktail sournois… le tout accompagné par ce perpétuel petit sourire sexy et lubrique à mourir au coin des lèvres, par ce regard chaud comme la braise…
    Oui, le mec est tellement déconneur, tellement « deuxième degré ou plus » et tellement « en permanence », qu’au bout d’un moment, on ne sait plus sur quel degré se placent ses boutades… en soufflant sans cesse le chaud et le froid, en jouant tour à tour au simplet et au malin… en jouant la carte du fanfaron, puis de l’autodérision, ou bien du ridicule assumé… en testant en permanence mais jamais sur le même registre, le bogoss finit par déstabiliser… on ne sait plus si c’est viande ou poisson, on est perdus, plaisamment désarçonnés… par moment, on a même l'impression qu'il se moque ouvertement... mais la réplique suivante n’est jamais là où on l’attendrait… car le petit con a une sacré repartie… au final, son petit jeu est si amusant et sexy qu'on finit par rentrer dedans, par en redemander, par tomber sous le charme…
    « Il faut du temps et des longues manœuvres pour garer du hors gabarit… »… petit con, va… mais, apparemment, petit con réaliste… je surveille la manœuvre du boblond avec une attention toute particulière et il me semble que le petit con est effectivement en train de remettre en place un très bon gabarit, dans une forme plutôt remarquable qui plus est… le short est en tissu souple et il me semble voir une forme moulée et raide, récalcitrante à toute tentative de contention…
    « Ou alors tu ne sais pas manœuvrer… » finit par le doucher Sandrine.
    Mais le bogoss n’en perd pas pour autant le sourire fripon, le regard lubrique et la repartie.
    « C’est que ça marche mieux quand c’est les autres qui manœuvrent… ».
    J’adore… jamais, il ne lâche le morceau…
    En tout cas, le mec a l’air de bien savoir ce dont il a envie… non, à lui, au lit, je pense qu’il ne faut pas lui en promettre…
    Nous nous arrêtons à proximité du Pont Neuf et je prends le volant… nous ne sommes pas loin de la rue de Metz… pas loin de la brasserie où bosse Jérém… enfin… à cette heure-ci il doit être en pause… qui sait où il est à cet instant précis, ce qu’il est en train de faire…
    J’ai beau avoir une mégabombasse juste à côté… je ressens un pincement au cœur du fait de ne pas savoir quand je le reverrai, et si je le reverrai un jour…
    Je mets le cligno, je me jette à l’eau… enfin… je me jette à la circulation…
    Très vite, je me rends compte que l’attitude de Julien à mon égard est très différente de celle à l’égard de Sandrine… son attitude est strictement professionnelle… le beau moniteur me donne juste les consignes de trajet, tout en continuant à blaguer avec Sandrine… eh, oui… c’est qu’il est hétéro le beau Julien… personne n’est parfait…
    En attendant, je ne suis pas vraiment à l’aise sur le siège conducteur… c’est mon premier cours de conduite, je ne connais pas la voiture, je n’ai que très rarement touché un volant… de plus, les échanges entre Julien et Sandrine me déconcentrent… les indications de Julien arrivent parfois un peu trop tard pour le novice que je suis…
    Et puis, surtout… comment être à l’aise avec un mec aussi sexy juste à côté… qui en plus, sent tellement bon… petit con, va…
    On laisse Sandrine au pied de son immeuble du coté de La Grave. Me voilà seul avec Julien dans la voiture pour la suite du cours.
    Je redémarre, mais l’absence de Sandrine se fait sentir très vite… l’ambiance n’est plus du tout la même… exit les blagues, les sourires charmeurs, sa vivacité, son effronterie de petit con… désormais, le bogoss se limite à me donner les consignes pour mon cours… « tu vas tourner à droite »… « tu vas tourner à gauche »… « mets le cligno, prépare toi à tourner »… « fais gaffe au vélo »… « attention les passages cloutés »… « ralentit »… « tourne large »…
    Mais entre deux consignes, le silence se fait vraiment embarrassant. Ce silence me stresse encore davantage que les échanges fripons de tout à l’heure… et ça finit par affecter ma conduite.
    « T’as jamais touché à un volant, c’est ça ? » finit par me demander Julien.
    « Non… » j’avoue « ça se voit autant ? ».
    « T’inquiète ça va venir… » fait le bogoss « il faut pas stresser, ça va venir petit à petit… ».
    Nous arrivons à l’autoécole.
    « Mets les warnings… pour aujourd’hui c’est bon » je l’entends me lancer « on se revoit vendredi ? ».
    Le parfum du deo qui se dégage de sa peau est juste étourdissant.
    « Ok… alors c’est vous qui allez me faire toute la conduite ? » je me renseigne.
    « Oui, je pense… pourquoi ? ».
    « J’avais vu Martin quand je m’étais inscrit… ».
    « Tu es un pote à Martin ? »
    « Non… enfin… on ne peut pas dire ça… je l’ai vu quand je suis venu m’inscrire… pourquoi ? ».
    « Non, rien, comme ça… à vendredi… ».
    Je descends de la voiture et je rentre chez moi en emportant dans mon cœur et dans me tête ce petit frisson, cette fraîcheur que sait apporter la proximité, la contemplation d’un bogoss… c’est comme une renaissance… une sensation de profond bonheur… le contact visuel et olfactif, la proximité, le partage d’un moment de la vie d’un petit mec d’1 mètre 85, drôle, charmeur et sexy en diable…
    C’est un contact à la fois frustrant et nécessaire… frustrant de devoir s’arrêter à des échanges anodins, de ne pas pouvoir répondre aux milles questions qui m’assaillent devant un pareil bogoss… nécessaire, car en le côtoyant et, plus tard, grâce à son souvenir qui retentit en moi, j’ai soudainement l’impression que la vie est plus belle et que les soucis disparaissent…
    Oui, à la fois frustrant, mais tellement bon et apaisant d’assister au spectacle sans cesse renouvelé de la beauté et de la jeunesse masculines…

    Le lendemain, mercredi, je passe une partie de la journée avec ma cousine Elodie… elle finit à midi, on déjeune ensemble du côté de l’Allée de Brienne…
    Voulant éviter le dossier « Jérém », directement relié au dossier « nuit de dingue avec Jérém et son pote Thibault », je lui parle de mon premier cours de conduite et du sexy moniteur Julien…
    Peine perdue… j’ai beau éviter le sujet, elle finit par l’amener dans la conversation…
    « T’es es où avec ton sexy rugbyman ? Vous avez parlé un peu ou vous êtes encore juste caressé la nouille ? » elle me demande sans transition, au détour d’une conversation anodine.
    Elodie, ou l’art de mettre les pieds dans le plat.
    Je n’ai pas le courage de lui raconter que je les ai vus tous les deux pas plus tard que le week-end dernier… et que ce n’était pas exactement pour se taper la discute…
    Alors, pour faire diversion, tout en affrontant le sujet que, je le sais, je n’arriverai pas à éluder, je lui parle (succinctement) de nos galipettes après la finale…
    « Naaaan… je rêve… » s’étonne ma cousine « après le match il avait encore assez de gnaque pour s’envoyer en l’air, avant de partir au barbec… mais ce mec est incroyable ! ».
    Si tu savais à quel point ma cousine… si tu savais avec quelle puissance il m’a baisé après la finale… si tu savais quelle nuit il m’a concocté samedi dernier…
    Je suis à deux doigts de tout lui balancer, je prends une grande inspiration… je me dis que je vais y aller…
    Puis non, je n’ose pas… je sais qu’elle ne me jugerait pas… mais le fait est que trop de questions se bousculent encore dans ma tête… je pense qu’elle pourrait être de bon conseil, mais j’ai peur de me perdre entre mon récit et ses réactions… j’ai encore besoin de ruminer un peu tout ça, tout seul…
    « Et le mécano, alors… » revient-elle à la charge « tu l’as revu après la finale ? ».
    « Non, je ne l’ai pas revu… » je mens alors que nos cafés arrivent avec la note du repas.
    Le programme de l’après-midi s’annonce compliqué.
    « On se fait les boutiques… » lance Elodie toute guillerette, comme si l’idée devait m’emballer autant qu’elle, comme si elle m’avait annoncé qu’on irait à la Fnac et que Madonna serait là pour faire des dédicaces et signer des autographes.
    « Mais jamais de la vie… on va crever avec cette chaleur… » je m’insurge, avant de lancer ma contre-proposition « pourquoi on n’irait pas à la piscine ? Elle doit être carrément saturée de bogoss à cette période… ».
    « M’en fous des bogoss, moi j’ai envie de faire les soldes… » proteste-t-elle.
    « Ce sera sans moi alors… » je lâche, cash.
    « Tu n’oserais pas planter ta cousine, comme une conne… » elle tente de m’amadouer.
    Mais elle ne m’aura pas.
    « Tu me connais mal… » je la défie.
    « Allez, s’il te plaît… dans les boutiques aussi il y a du bogoss… ».
    « Oui, mais il faut marcher, et faire du « sur place » pendant que tu fais ta « conasse de boutique » »…
    « Comment tu parles de ta meilleure cousine ? » elle feint de s’indigner.
    « Facile d’être la meilleure quand on est la seule… le fait est que je te connais trop bien… je sais à quel point l’air des boutiques te transforme en monstre affamé de prêt-à-porter… ».
    « C’est ça le problème… tu me connais trop bien… et tu as beau aimer les mecs… tu n’es pas une nana… » elle rigole.
    « Je te propose un deal… » je fais en saisissant une des pièces que la serveuse nous a rendu « pile, c’est plouff dans la piscine, face c’est la corvée rue d’Alsace-Lorraine »…
    « Ok, je marche… ».
    Je lance, la pièce tombe sur le trottoir… on se penche tous les deux comme des mouches sur une…
    « Merde ! » j’entends ma cousine lancer pendant que nos têtes se cognent.
     « Tu as 30 minutes pour aller chercher ton maillot, on se retrouve à Nakache à 15 heures pile… » je jubile.
    « Je te déteste, cousin… ».
    « Moi aussi… mais déteste-moi au pas de course, la montre tourne… ».
    Oui, il n’y a pas meilleur remède pour oublier ses soucis que d’aller mater du bogoss… et, à fortiori, du bogoss en meute… le top étant du bogoss en mode amphibien… évoluant entre milieu terrestre et milieu aquatique…
    Ainsi, lorsqu’on a besoin d’un petit remontant pour le moral… se rendre à la piscine municipale en plein cœur du mois de juillet, paraît une décision plutôt avisée…
    Ce coup-ci il y a beaucoup de monde, bien plus que la dernière fois, lors de cet après-midi d’il y a quelques semaines où mon brun était là aussi, cet après-midi où j’ai passé un moment chaud bouillant dans une cabine des vestiaires… putain, quel moment… putain qu’il avait été chaud… je me souviens encore de ses coups de reins… de la puissance de ses giclées…
    Aujourd’hui, je le sais, je ne croiserai pas mon Jérém… à cette heure-ci il doit être en pause, mais j’imagine qu’il doit se reposer…
    Je ne croiserai pas non plus Stéphane aujourd’hui, à 1000 km de là… qui sait ce que devient cet adorable garçon…
    Nous nous installons dans un coin, juste à côté d’un alignement de serviettes vides…
    Je pose mes affaires et mon attention est très vite captée par un remue-ménage assez bruyant dans l’eau… je regarde avec un peu plus d’attention et j’arrive à détecter une bande de potes en train de se baigner, de faire du raffut, de rigoler…
    Allongé sur ma serviette, je les regarde faire, enchanté… mes yeux ne sont pas assez grands, pas assez ouverts pour parvenir à capter toute la beauté indicible de cette scène, toute cette sexytude, bogossitude, jeunesse, insouciance, magie de ces corps ruisselants d’eau, brushings défaits, cheveux en bataille, de ces p’tits mecs qui sont autant de cadeaux du ciel... insoutenablement beaux, indiciblement sexy...
    Leur complicité, leurs jeux, leur inépuisable envie de rigoler, me font vibrer… je ressens des frissons, des papillons dans le ventre… j’ai envie d'hurler, tellement cette simple scène me touche… je me dis que ça, ça doit être une image du Paradis… ou, qu’en tout cas, il faudrait que le Paradis ressemble à ça…
    Je les regarde jusqu'à ce que l’un après l’autre ils sortent de l’eau… certains empruntant la petite échelle prévue à cet effet… d’autres, plus exubérants, en bondissant de l’eau et se hissant sur le bord de la piscine à la force des biceps… 
    On assiste à un véritable défilé de corps ruisselants d’eau, de shorts dégoulinant à grosses gouttes… dont certaines finissent par éclabousser mes mollets…
    Peu à peu, l’alignement de serviettes multicolores à côté, se transforme en alignement d’appétissantes plastiques de mec…
    Je me tourne vers ma cousine… elle se tourne vers moi… ils sont vraiment trop près pour que l’on puisse se laisser aller à des commentaires « en clair »… pourtant, en une fraction de secondes, notre échange de regards exprime plus de choses que mille mots…
    C’est beau cet ensemble de bogoss torse nu, heureux d'être ensemble, heureux d'être potes… en les regardant, je me demande si c’est normal d’avoir autant d’images lubriques en tête… les imaginer en train de mélanger leurs corps… imaginer le plaisir de fou qu'ils pourraient se donner ensemble…
    En regardant avec un peu plus d’attention, je me rends compte que, parmi cette petite dizaine de mecs à peine plus âgés que moi, il n’y a pas que des bogosses… certes, il y en a ; et, que ce soit pour une raison ou pour une autre, c’est même la grande majorité… mais l’ensemble, la proximité, l’effet de groupe vaut mieux que la somme…
    Tout comme je ne peux quitter du regard les bogoss alignés sur les serviettes, je ne peux m’empêcher de tendre l’oreille pour essayer de capter leurs conversations…
    C’est ainsi que, au milieu de leurs facéties, j’arrive à comprendre qu’il s’agit d’un groupe d’étudiants de Paul Sabatier… des petits ingénieurs… les voisins des stapsiens…
    Putain, que c'est beau à pleurer cette bande de potes... je voudrais pouvoir me perdre parmi eux, je me surprends à rêver d’être enveloppé par leurs virilités, par leur jeunesse, leur fougue, leur bogossitude, leur joie de vivre...
    Je rêve d’appartenir à un groupe de potes… je n’ai jamais réussi à me fondre dans la masse… à m’intégrer… à trouver ma place… ni au collège, ni au lycée… est-ce que je vais y réussir à Bordeaux ?
    « Quand je pense que tu voulais m’achever en faisant les boutiques… » je la taquine « tu crois qu’on n’est pas mieux là, allongés, en train de mater le bogoss ? ».

    Le jeudi après-midi, je reviens me mettre au frais et au calme le long du canal…
    Je reprends ma longue marche au bord de l’eau, à l’ombre des platanes… la question du jour, celle qui me tourne dans la tête depuis le matin, c’est de savoir comment j’en suis arrivé avec mon Jérém à une telle situation de dominant/soumis, limite de méprisant/méprisé… je me demande comment j’ai pu l’accepter tout en étant amoureux fou de lui…
    Et je ne parle pas de notre sexualité, où j’assume parfaitement le côté macho de mon bobrun… je parle de notre relation dans sa globalité…
    Plus tard dans cette histoire, lorsque je repenserai à mon abnégation de l’époque, à mon aveuglement, à ma faiblesse face aux sentiments que ce petit con de Jérém m’inspirait… lorsque je me souviens à tout ce que j’étais disposé à faire, endurer, supporter, essayer, attendre, souffrir pour ce mec… parfois je me dirais que j’ai été vraiment limite maso… mais surtout, très con… très con de ne pas savoir su m’imposer, de ne pas être arrivé à obtenir de cette relation un iota de plus que ce que Jérém était prêt à me donner… très nul de ne pas l’ avoir envoyé chier lorsque la situation l’imposait clairement…
    Encore aujourd’hui, tant d’années plus tard, je me dis que si j’avais la possibilité de monter dans une Delorean volante et de rattraper le Nico de mes 18 ans, je lui mettrais des baffes… et je lui crierais à tue-tête… « Bon sang, réveille-toi ! Ne te laisse pas faire… dis-lui tes quatre vérités… il a besoin de ça… d’être remis à sa place… à force de ne pas oser, tu rends service à personne… ni à toi, ni à lui, ni à votre relation… ».
    Mais en attendant, je donnerais cher pour pouvoir le revoir ne serait-ce qu’une fois…
    Déjà quatre jours depuis notre nuit et aucune nouvelle… moi non plus je n’en ai pas pris… mais moi, je n’ose pas… quant à lui, je ne sais même pas si ça lui arrive de penser à moi en dehors des moments où nous sommes emboités… alors, attendre un signal de sa part, c’est juste surréaliste…
    Pourtant, plus je marche, plus le sentiment de manque et de tristesse se fait sentir… tous les soirs, dans mon lit, Jérém me manque à m’en déchirer les tripes… et ce n’est vraiment pas qu’un manque de sexe… j’ai envie d’être à côté de lui, de sentir sa présence, sa chaleur, sa peau…
    J’ai pensé à lui envoyer un sms… il ne répondrait pas… l’appeler… quand ? comment ? quoi lui dire ?
    Oui, plus je marche, plus j’ai envie de voir Jérém, savoir de quelle humeur il est… savoir si on se reverra un jour…
    J’ai pensé aller prendre un verre à la brasserie, ou même juste de passer devant la terrasse, même de l’autre côté de la rue…
    J’en crève d’envie, mais je m’interdis de le faire, trop peur de son regard hostile, la hantise de le saouler, de me faire jeter...
    Pourtant il le faut… j’en ai besoin… alors, il faut bien commencer par quelque part… d’autant plus que, plus le temps passe, plus on laisse l’occasion au malaise de s’installer…
    Alors, au fil de mes pérégrinations sans but dans les rues de Toulouse, je me laisse plus facilement glisser vers la gare Matabiau que vers la rue de Metz… il me semble qu’une petite rencontre « par hasard » avec le bomécano à la sortie de son taf serait plus simple que tenter d’affronter direct le bobrun… c’est à ça que « servent » les « potes », n’est-ce pas ?
    De plus, je me dis que, en prenant part à ce moment sensuel, Thibault avait pu approcher le « cœur » de ma relation avec le bobrun… je me dis qu’il avait dû se rendre compte de ce qui n’allait pas… et qu’il saurait certainement m’être de bon conseil pour faire bouger les choses avec Jérém… et, pourquoi pas, il saurait peut-être en toucher quelques mots à son pote…
    Enfin… si tant est que je puisse toujours compter sur son aide pour tenter d’apprivoiser le bobrun… comment pourrait-il en être encore le cas si, à la suite de cette découverte sensuelle, de nouveaux sentiments devaient se dévoiler en lui ?
    Oui, j’appréhende de connaître son sentiment vis-à-vis de ce qu’il a vu, vécu, ressenti l’autre nuit… j’appréhende de découvrir si son attitude à mon égard a changé…
    Putain, qu’est-ce que le sexe peut créer comme malaise entre potes…
    Je sais que le bomécano finit à 18h00, il faut que je me dépêche si je ne veux pas le rater… je pourrais lui envoyer un message, mais je préfère aller le voir direct…
    Lorsque j’arrive sur place, Thibault est sur le trottoir devant le garage en train de discuter avec un autre gars, un peu plus âgé que lui, un collègue de travail j’imagine… ils sont en train de rigoler, de faire de grands gestes avec les bras et les mains… un troisième gars est en train de fermer le dernier rideau.
    Quelques secondes plus tard, les trois garçons se serrent la main, se font la bise et repartent chacun de leur côté.
    Thibault n’a pas fait trois pas que déjà il m’a capté… j’essaie de lire sur son visage ce qu’il ressent en me voyant… mais avant de me torturer l’esprit, je laisse mon regard s’imprégner de cette image sublime d’un bomécano qui débauche…
    Il est des mecs sur lesquels un simple bout de coton est le plus élégant des habits… c’est le cas de mon pote Thibault…
    Quoi dire à propos de cette tenue scandaleusement, effroyablement, odieusement, épouvantablement, douloureusement sexy, ce débardeur gris avec ces deux bretelles épaisses tendues sur ses épaules, ce t-shirt sans manches qui épouse parfaitement les lignes sublimes de son torse, comme si la toile de coton avait été tissée directement sur lui, et qui souligne avec une intensité inouïe ses bras puissants et musclés, en même temps que l'échancrure elle, sublime le haut de son torse en laissant entrevoir cette pilosité naturelle que j’ai soudainement envie de humer, de lécher…
    Avec cette enivrante sensation de sentir la douceur de sa peau, d'être frappé de plein de fouet par les effluves de son probable déo de mec et de sa sueur ?
    Avec toute cette série de questions déchirantes et cruelles… Dois-je regretter qu'il garde ce débardeur, en renonçant ainsi à la vision de son sublime torse velu ? Dois-je regretter de ne pas assister à l’image divine du mec en train de le poser d’un geste rapide et assuré pour exposer sa nudité… ou, mieux encore, l'arracher sur la vague d’une puissante envie de mec ? Ou alors, au contraire, dois-je me réjouir de cette vision même si elle cache en partie, tout en laissant délicieusement deviner son torse de statue de dieu grec ?
    La question ultime étant : comment résister à cette furieuse envie d'aller le lui arracher moi-même ?
    Surtout lorsque le regard tombe sur cette casquette noire elle aussi, posée à l’envers sur sa tête, avec cette mèche de cheveux qui dépasse, coincée dans l’ouverture arrière, au-dessus de la petite sangle de réglage… ou bien quand on regarde ses lunettes noires « bogoss style »… ou lorsque le regard se pose, caresse cette barbe brune et drue que je sais si douce, et qui semble encore avoir poussé par rapport à l’autre nuit… ou, in fine, lorsqu’on laisse le regard glisses le long de ce short vert militaire tombant en-dessous de ses genoux, tout en laissant dépasser ses mollets poilus… tout comme sont poilus ses avant-bras…
    En une fraction de seconde, ma rétine et mon esprit s’imprègnent de cette image de beau garçon puissant et doux… je pose mon regard sur Thibault et c’est comme lorsque, quelques années plus tard, on appuiera avec le bout du doigt sur une icône d’écran de smartphone… je lance l’application « Thibault » et je revis instantanément le bonheur de mélanger mon corps au sien, mon plaisir au sien, de me sentir dans ses bras, de sentir ses bisous, de l’embrasser, de mélanger nos langues, de le sentir dans mes bras, de me sentir bien…
    « Salut Nico ! » il me lance, tout en affichant son plus beau sourire, en me voyant traverser la rue pour le rejoindre. Un sourire capable de dissiper une très grande partie mon malaise.
    C’est idiot, mais le sexe, change la perception des relations.
    Le bomécano ôte ses lunettes, dévoilant ses beaux yeux qui tendent plutôt au vert aujourd’hui, les accroche à son débardeur ; il se penche ensuite vers moi et me claque une bonne bise, tout comme il vient de le faire en quittant ses collègues de travail ; ça fait plaisir de voir qu’il se comporte avec moi exactement comme avec ses potes, même si on a couché ensemble.
    Thibault a l’air un peu surpris de me voir débarquer, comme s’il y avait aussi de son côté un petit malaise, pourtant il a l’air heureux de me retrouver.
    Le contact avec cette barbe douce me fait à chaque fois un effet de dingue…
    « Salut Thibault… » j’arrive à lui lancer à mon tour, le cœur enfin un peu plus léger.
    « Comment vas-tu, Nico ? ».
    « Plutôt bien, et toi ? ».
    « Cool… je me disais justement qu’il fallait que je t’appelle pour prendre un verre… ».
    « Je marchais le long du canal, alors j’ai pensé passer te voir ».
    « T’as bien fait ».
    « On va au même endroit que la dernière fois ? » je me renseigne.
    « Ecoute, Nico… si tu veux, on peut aller chez moi… j’ai besoin de prendre une douche, et on sera plus tranquilles… ».
    Je ne m’attendais pas à cette proposition, je suis un peu désarçonné… mais c’est fait si gentiment que je ne peux pas refuser.
    Et puis, c’est vrai, j’ai envie d’être au calme pour discuter avec mon pote… pour me confier à lui, si l’occasion devait se présenter… peut-être que lui aussi a envie de me confier des choses… et il doit se dire qu’il sera plus à l’aise dans son appart…
    Et aussi… l’idée de savoir Thibault sous la douche chez lui, alors que je suis dans son séjour, me fait un effet certain… l’idée de découvrir où il habite, son espace de vie, me plait aussi…
    « Ok, je te suis… ».
    « Viens, on y va alors » fait il en traversant la rue d’un pas rapide.
    « On y va à pied ? » je me renseigne.
    « Non, en bus, il y a un arrêt juste là, j’ai des tickets, t’inquiète… ».
    Le bus ne tarde pas à arriver. Thibault valide deux tickets et il m’en tend un. Le bus est bondé, alors Thibault et moi restons debout, calés contre la paroi.
    Et c’est là que je l’ai vu… assis sur ma droite, sur le premier siège. Instantanément touché, attiré par lui, comme par un aimant.
    Un bobrun, musclé, charpenté… ses yeux sont bleu gris, il arbore cette coupe qui est très à la mode chez les garçons, cette coupe que j’adore, les cheveux bien courts sur les côtés et plus longs sur le sommet du crâne.
    Il porte une veste à capuche noire au niveau des poches et jusqu’au niveau des pecs, puis gris foncé au-dessus, y compris la capuche. Il a un pantalon de chantier en toile, gris foncé avec des rectangles noirs au niveau des genoux. Ses grosses chaussures montantes marron sont sales, signes d’un métier très manuel. Un petit ouvrier… Plombier ? Electricien ? Maçon ? Plaquiste ? Couvreur ? Il a des écouteurs rouges aux oreilles et lit les pages sport de la Dépêche du Midi.
    Mais ce qui m’a frappé chez lui dès la première seconde, c’est la ressemblance avec mon pote Thibault…
    Bien sûr, en le détaillant avec un peu plus d’attention, je me rends compte que ce garçon a un petit quelque chose de différent de Thibault, c’est difficile d’expliquer, mais il y a un-je-ne-sais-quoi de moins « lisse » dans le visage, quelque chose de plus « négligé » peut-être, genre baroudeur… il fait un peu moins « gentil garçon », alors que je me dis qu’il doit être à peine plus âgé que mon pote…
    Pourtant, le même gabarit, les mêmes traits, la même barbe, le même regard doux mais viril, respirant au même temps la puissance et le calme, la virilité et la douceur, la détermination et la gentillesse… tous ces éléments communs, eux ils sont bien là… et, malgré les quelques différences, la ressemblance est troublante.
    Me voilà donc parti dans l’habituel délire par lequel je suis happé lorsque tout bogoss se montre… cette attraction irrésistible comme la gravitation, ou un aimant puissant, vers ces bogosses insolemment sexy, bien dans leurs corps, dégageant une force, une puissance, une énergie magnétique.
    Le regarder c’est bonheur, fascination et, en même temps, comme une douleur intense… mais comment m’empêcher de m’abreuver de leur sexytude par le regard, tout en ayant l’impression que je ne pourrai jamais m’en rassasier suffisamment, que je ne capterai pas tout ce qu’il faudrait capter pendant ces instants d’éternité si éphémères, si brefs, si fragiles…
    Ils sont là devant moi, mais dans 2, 3 ou 5, peut-être 10 minutes, ce sera fini, ça s’arrêtera, ils repartiront dans leur vie, cette vie qui me restera inconnue…
    Et du coup chercher par tous les moyens à rallonger ce temps, traîner dans un rayon, faire semblant de chercher un truc, pour rester à proximité, dans le fol espoir de réussir à capter leur regard, en même temps que d’avoir peur de se faire repérer. Etre assailli intérieurement de mille questions à leur sujet, qui ils sont, quel est leur nom, leur âge, ce qu’ils portent sous le pantalon, comment ils sont une fois à poil, vouloir tout savoir d’eux, leur intimité, quels sont leurs fantasmes, quelles sont leurs envies, comment font-ils l’amour, comment est leur visage au moment de la jouissance, auraient-ils envie de le faire avec un mec, l’ont-ils déjà fait peut-être, comment ce serait de baiser avec eux, de leur procurer un plaisir inédit, unique… ou, tout simplement, comment ce serait de les connaître… de les entendre dire tout simplement « Bonjour, je m’appelle… » avec un beau sourire charmant, tout en me serrant la main…
    Oui, il suffit qu’un bomec se montre, et dans ma tête c’est à chaque fois le même délire…
    « Tu fais quoi ces jours-ci ? » me demande Thibault me ramenant à la réalité.
    « Je viens de commencer mes cours de conduite… ».
    « T’as eu ton code ? ».
    « Oui, en février dernier ».
    « Ça se passe bien ? ».
    « Je n’ai fait qu’un cours, mardi… le fait est que je n’ai jamais touché à un volant… je ne suis pas sûr que je vais l’avoir du premier coup… ».
    « Mais si… ça va venir, il faut pas stresser… ».
    « Facile à dire… » je commente.
    « Au fait… tu sais que Jéjé a dû le passer trois fois pour l’avoir ? ».
    « Le code ou la conduite ? ».
    « Les deux ».
    « Jérém ? C’est pas possible… ».
    « Si… la conduite c’est parce qu’il faisait le con à l’examen… » il m’explique.
    « Et le code c’est parce qu’il ne révisait pas assez ? » je rigole.
    « Non, le code c’est à cause de son problème… ».
    « Quel problème ? ».
    « Tu sais pas ? ».
    « Non… tu sais… ce n’est pas le mec le plus bavard de la terre… surtout avec moi… » je commente.
    « Jéjé est dyslexique… ».
    « C’est quoi, ça ? ».
    « En gros, il a du mal à lire et à écrire… ce qui lui rend plus difficile tout apprentissage qui passe par l’écrit… ça l’a beaucoup handicapé jusqu’au au collège, après il a semblé prendre le dessus… mais le code lui a posé un gros problème… il stressait, le pauvre… je crois que je ne l’ai vu autant stressé qu’une autre fois dans sa vie… c’est l’autre dimanche, avant la finale… ».
    Jérém dyslexique. Ça alors. Mon petit Jérém… ainsi, sous ses airs de cancre, se cachait un enfant qui a du mal à apprendre. Pourquoi j’ai soudainement envie de courir le rejoindre où qu’il se trouve et de le serrer très fort dans mes bras ?
    Le bus s’arrête. Les portes s’ouvrent, des passagers descendent, d’autres montent. Le brun « Thibault-like » n’a pas bougé de son siège. Les portes se referment. Le bus repart.
    Nous nous approchons de notre destination, dans pas longtemps nous allons va descendre, je vais découvrir l’appartement du bomécano.
    « Tu as des nouvelles de Jéjé depuis le week-end ? » je l’entends me demander.
    « Non, et toi ? ».
    « Non plus… ».
    Thibault pose son regard dans le mien et son petit sourire touchant semble traduire une petite inquiétude.

    « La toute première rémunération de mon travail d'écriture, c'est vous, les lecteurs, votre présence, votre fidélité. Mais sans le temps pour écrire, Jérém&Nico n'existerait pas, n'existerait plus.
    Ce temps pour écrire, tu peux me l'offrir, à hauteur de tes moyens. Pour faire continuer ce partage qui dure depuis trois ans déjà. TIPEE.COM/jerem-nico-s1. Simple, rapide, sans engagement. Merci d’avance. Fabien ».

    Dans la tête de Nico sous les platanes du Canal

    Le canal, c’est ma deuxième maison… je vais loin parfois, en longeant le canal… loin dans l’espace, et loin dans mon esprit, dans mes réflexions… plus tard, il m’arrivera d’aller également loin dans le temps, en me baladant à l’ombre des feuillages des platanes…
    Je marche au bord de l’eau et je repense à l’étrange concours de circonstances qui ont rendu possible la nuit avec Jérém et Thibault…
    Déjà, pour commencer, pour quelle raison Thibault était-il venu voir Jérém à cette heure tardive ?
    Son prétexte de l’insomnie qui l’aurait poussé à aller faire un tour jusqu’à la rue de la Colombette, sonnait plutôt faux… la véritable raison de sa visite chez son pote au beau milieu de la nuit, devait forcément être une autre.
    Avait-il quelque chose d’urgent à lui dire ? Quelque chose de trop important pour attendre un autre moment ou pour se contenter d’un coup de téléphone, d’un sms ?
    Bien sûr, avec les horaires décalés du job de serveur de Jérém, difficile pour le bomécano de voir son pote en semaine… alors, ne travaillant pas le lendemain, ce samedi soir Thibault avait pu attendre que Jérém débauche pour aller le voir… manque de bol, il n’était pas seul…
    Je me suis demandé si ma présence avait empêché quelque chose… je me suis demandé si Jérém se doutait de la véritable raison qui amenait son pote chez lui à ce moment-là…
    Quoi qu’il en soit, le bobrun avait l’air aussi surpris et mal à l’aise que moi face à l’arrivée de Thibault…
    Certes, alors que son pote venait de sonner à son interphone, il ne pouvait pas l’envoyer balader en prétextant « ne monte pas, je suis en train de me faire sucer par Nico »…
    Mais pourquoi alors ne pas le laisser partir la première fois qu’il l’avait proposé, en évitant ainsi de l’entrainer dans notre partie de jambes en l’air ?
    Bien sûr, le fait que Thibault me trouve chez lui à cette heure tardive, posait un certain malaise qui flottait malgré tout au-dessus de la conversation en apparence normale des deux potes… un malaise rendu palpable par ma sortie maladroite sur le fait que je les trouvais tous les deux sexy en diable…
    Dès lors, cherchant une solution pour dissiper ce malaise, le bobrun avait choisi celle qu’à ses yeux devait paraître la « moins pire »… celle qui lui permettait de faire enfin son « coming out » auprès de son pote, tout en gardant son statut de « vrai mec »…
    Tout était dans la formule, dans la façon d’exposer les choses… en me présentant comme « le mec qui était en train de le sucer » avant son arrivée, d’entrée Jérém montrait à son pote que je ne suis pour lui que « le mec qui le suce »… alors que lui, Jéjé, reste le mec, le « vrai mec », qui se fait juste sucer par sa salope… une salope à laquelle il accorde une importance tout à fait relative, dans la mesure où ça ne lui pose pas de problème de la partager avec son pote…
    Je me souviens qu’une fois Jérém avait d’ailleurs évoqué cette possibilité de coucherie avec Thibault… pendant une galipette, au sommet de l’excitation, il m’avait carrément posé la question… est-ce que Thibault me plaisait, lui aussi ? Est-ce que j’avais envie de coucher avec lui aussi ? 
    Depuis, j’avais mis ça sur le dos de l’excitation du moment… je m’étais dit que ce n’étaient que des mots en l’air, le genre de mots qui traduisent des fantasmes qui font surface et semblent si réalisables à l’instant où le plaisir nous fait perdre pied… des fantasmes qui disparaissent dès l’excitation retombée…
    Je ne pensais pas qu’il aurait le cran d’entraîner son meilleur pote dans une coucherie qui impliquerait par la même occasion de lui avouer le fait qu’il couche avec moi…
    Bien sûr, Thibault est au courant de la véritable nature des relations entre Jérém et moi… de par son intuition d’abord, et de par nos conversations ensuite… mais Jérém n’est pas censé être au courant du fait que son pote est dans la confidence…
    A moins que j’aie raté un épisode… à moins que les deux potes aient fini par avoir une explication à ce sujet…
    Quant à Thibault… pourquoi, après avoir voulu partir, était-il finalement resté ? S’était-il simplement laissé entrainer par son Jéjé ? S’était-il laissé tenter par ses mots qui lui annonçaient que ça allait être « bon » ?
    Comment le beau pompier était-il arrivé à surmonter tant de barrières pour se laisser aller ? Des barrières telles que l’amitié profonde avec Jérém… l’amitié naissante avec moi… le fait de savoir que je ressens des sentiments forts pour son pote…
    Ses hésitations, à plusieurs reprises, avaient très bien montré son tiraillement entre ses désirs et ses alarmes intérieurs qui lui disaient de ne pas céder aux invitations de son pote…
    Enfin, en ce qui me concerne…
    J’ai beau me dire que cette nuit m’est tombée dessus sans que je n’aie rien demandé… lorsque ça s’est précisé, je n’ai pas dit non…
    J’ai beau me dire que je ne pouvais plus partir une fois que Jérém avait proposé de s’amuser tous les trois… me dire que si j’étais parti, je me serais torturé l’esprit en me demandant ce qui se passerait entre les deux potes en mon absence… me dire que si quelque chose devait se passer entre les deux potes, j’aimerais encore mieux que ça se passe sous mes yeux…
    La vérité c’est que, tout comme je crevais d’envie de coucher avec mon Jérém, l’envie de découvrir le corps du bomécano, sa sexualité, son excitation, son plaisir… cette envie était bel et bien là, elle aussi… tout comme l’envie de savoir si sa jalousie se pointerait comme déjà ça avait été le cas avec Romain…
    Une jalousie qui s’est pointée, précise, ponctuelle, dès que j’ai commencé à m’occuper de son pote… une jalousie qui a vraiment flambé lorsque son pote a commencé à s’occuper de moi, tout en dégainant celui que j’appellerai… le « Thibault style »… une jalousie peut-être différente que celle suscitée par l’inconnu Romain… une jalousie provoquée par l’attitude de son pote Thib…
    Une rafale de vent secoue les frondaisons des platanes, caresse ma peau, agite le coton de mon t-shirt sur mon torse…
    Je m’arrête un instant sur un banc, je m’allonge, la tête à l’ombre, les jambes au soleil, je regarde les canards sauvages qui flottent sur l’eau.
    Je ferme les yeux, et, même plusieurs jours après cette nuit, j’ai comme l’impression de toujours ressentir sur moi, en moi, toute la puissance sexuelle des deux jeunes mâles… j’ai l’impression, malgré plusieurs douches depuis, de porter toujours sur moi l’odeur de leurs corps, de leur peau, de leur transpiration, de leurs envies de mecs, des envies brûlantes, des envies assouvies…
    Sensation très excitante… je bande dur, rien qu’en repensant à ces deux corps musclés en contact avec le mien, à ces deux sexualités puissantes que j’ai pu approcher, sentir, satisfaire… je mouille en repensant à leurs plaisirs, à leurs jouissances…
    Pourtant, depuis hier, je ressens un malaise insistant prendre le pas sur l’excitation…
    Est-ce que j’ai été trop loin ? Est-ce que, au fond, je ne vaux pas mieux que de l’opinion que Jérém a de moi ?
    J’ai beau me dire, pour me rassurer, que cette folie sensuelle à laquelle je me suis peut-être trop facilement abandonnée, était due en très grande partie à l’effet du tarpé…
    Ça serait pratique comme argument pour expliquer comment je me suis retrouvé coincé entre les deux potes, l’un prenant son pied entre mes fesses et l’autre dans ma bouche…
    La vérité c’est que je me suis laissé emporter par mes propres désirs… car ces désirs sont bien en moi… envie de Jérém, toujours, encore, chaque jour plus que la veille… mais envie de Thibault aussi, ce mec qui ferait tomber amoureux un bloc de granit…
    Oui, je me suis laissé emporter d’abord par mes désirs, et seulement après par les désirs de l’un et de l’autre… le désir appelle le plaisir, qui appelle un désir encore plus grand…
    Cercle vertueux ? Cercle vicieux ? Des questions dont on n’a franchement rien à faire à l’instant où les sens s’embrasent…
    Et lorsque les désirs se correspondent, se rencontrent, s’embrasent l’un au contact de l’autre…
    Elément instable, le désir… plus on en mélange, moins on peut prévoir la réaction qui va se produire…
    Cette nuit était très certainement une erreur… pourtant, sans cette « erreur », je n'aurais pas connu ce que Thibault avait à m’offrir…
    Car, initier Thibault au plaisir entre garçons a été une expérience délicieuse… quoi de plus grisant, de plus touchant que de voir un garçon comme lui, si bien dans ses baskets au quotidien, et pourtant si mal à l’aise au début de cette nuit… le voir d’abord dépassé par la nouveauté, freiné par l’interdit, bloqué par les barrières mentales… quel bonheur de sentir, à fur et à mesure que je m’occupais de lui, le voir chercher ses marques, les trouver, se décontracter petit à petit… voir que le plaisir que je lui offrais balayait rapidement ses réticences, le rendant de plus en plus entreprenant…
    Le sexe avec Thibault était alors très vite devenu explosif… puissant et doux, fougueux et tendre, tout à la fois… le contact avec sa sexualité est brûlant… alors que le contact de ses bras était doux et puissant…
    J’étais parti pour l’« initier »… mais très vite je me suis laissé entraîner dans son groove, dans ce monde où tout a l’air simple, plaisant, assumé, excitant et apaisant à la fois…
    Avec Thibault, je me sens bien, je me sens à la fois désiré, respecté, rassuré, en sécurité… le tout par un garçon excessivement désirable…
    C’est beau de partager son corps et son plaisir avec un garçon sans avoir à craindre sa réaction une fois l’excitation retombée…
    L’attitude de Thibault me rappelle celle d’un certain Stéphane… avec ces deux garçons, je (re)découvre que même si mon corps est offert au plaisir d’un bon mâle, j’ai le droit à que l’on s’occupe également de moi… que mon plaisir peut ne pas se cantonner à la conséquence du plaisir que je sais offrir à l’autre… du moins pas tout le temps, et pas cette façon si froide, distante, cette façon à la « Jérém style », …
    J’avais voulu initier Thibault au plaisir entre garçons… et Thibault m’avait initié à mon propre plaisir…
    Cette nuit-là, j’ai pris mon pied avec les deux potes… mais je ne pouvais pas m’imaginer qu’avec Thibault ce soit… si différent… si troublant…

    Le bus s’arrête. Les portes s’ouvrent, des passagers descendent, d’autres montent. Le brun « Thibault-like » n’a pas bougé de son siège. Les portes se referment. Le bus repart.
    Nous nous approchons de notre destination, dans pas longtemps nous allons descendre, je vais découvrir l’appartement du bomécano.
     


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  • La pluie tombe,

    Sur un temps suspendu

    Comme un piano triste

    Des notes de Satie.

     

    Solitude de la pluie,

    Où je me retrouve,

    Me reconnais

    Me ressource.

     

    Petite tristesse de ciel gris

    Qui accompagne si bien la mienne.

    La pluie pose sur le feuillage

    La plus douce des romances.

     

    Et enfin, de mon esprit,

    Les mots tombent

    Pleurent tout seuls,

    Comme la pluie de ce samedi.

     


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  • Le bogoss apparaît à l’écran au milieu de sa « Team », figé dans une image de présentation… t-shirt sans manches noir, en tissu semi transparent… brushing de bogoss qui va bien…

    Puis, le magnéto démarre… et là, je suis comme soufflé, bouleversé, sonné par ce sourire incandescent, brûlant, radioactif… il lâche son smile et il y a comme de l’électricité dans l’air, c’est comme une décharge qui claque, comme un éclair qui aveugle….

    J’entends tout juste la voix qui accompagne les images…

    « Nous allons commencer en position 01, Israël, son chanteur s’appelle Imri, il va nous chanter « I feel alive », je me sens vivant… je pense surtout qu’il ne s’est jamais senti aussi vivant que maintenant, car il ouvre le bal… c’est probablement la position le plus difficile que d’ouvrir ce grand show… il est très très charismatique, il a été choriste pour les deux représentant d’Israël… il joue du piano, de la guitare, il chante dans plein de langues, l’anglais, l’espagnol, l’hébreux… sa chanson est très Eurovision, très efficace, nous allons l’écouter… ».

    Pendant que Marianne lit sa fiche, les images du bogoss s’enchaînent… Imri qui fait de la course à pied avec son débardeur rouge feu et son short noir… Imri au piano avec son t-shirt blanc sexy… Imri à la muscu… Imri en repet, c’est très musclé… Imri, ses danseurs, la repet aussi, tout est très musclé… Imri à nouveau à la salle de sport, en train de sauter à la corde… Imri à l’apéro avec ses potes… sourires ravageurs… retour sur la première image de présentation, le bogoss avance, il passe chacun de ses bras autour du cou de ses danseurs… les images sont si rapides, mais si bouillantes de jeunesse… ça donne le tournis…

    « Ce soir, Imri réalise un rêve… » ajoute Stéphane, visiblement sous le charme… comment ne pas l’être… faudrait être aveugle…

    La presta démarre… putain de mec à la plastique parfaite… putain de t-shirt noir sans manches … et putain de petit sourire ravageur…

    La musique démarre, il apparaît sur le plateau avec sa lumineuse jeunesse, sa puissance de jeune mec, ce mélange de virilité et de douceur, ce cocktail détonnant de pure sexytude…

    Avec son sourire... incendiaire... et sa présence... détonante… sa jolie petite gueule à hurler…

    En ce qui me concerne, même avant qu’il commence à chanter, on pourrait arrêter l’Eurovision à cet instant… je sais tout de suite qui est mon favori…

    Mais déjà le bogoss dégaine sa voix puissante :

     

    The secret of my life is never giving up/ Le secret de ma vie est de ne jamais abandonner

     

    Le mec arrive et, dès la première seconde, il met un sacré coup de renouveau, de puissance, de testostérone, à cette Eurovision...

    Oui, ce soir je mate l’Eurovision. Et j’assume. Tout a été dit, tout a été critiqué sur ce rendez-vous annuel… pourtant, l’Eurovision demeure un très très beau spectacle, un spectacle grandiose, il suffit de mater n’importe quelle édition pour s’en rendre compte… le cru 2016 touchant carrément au sublime… et ce, grâce à la lumineuse présence de Mans Zelmerlow à l’animation …

    Oui, l’Eurovision est une jolie fête où il y a autant à mater qu’à écouter… et puis, avec Marianne et Stéphane en cabine, ça ne peut qu’être drôle…

    Et quand il y a un bogoss qui porte une chanson bien dansante, c’est le bonheur… et si en plus les mots veulent dire quelque chose… là, c’est le jackpot…

    Phénomène étrange, magie des mots… au fil des couplets de cette première chanson, mon esprit entame un fulgurant et inattendu voyage à travers les années…

    Les mots s’enchainent, et je remonte le temps…

     

    I was waiting way too much for something good to come/

    J’ai attendu beaucoup trop longtemps, que quelque chose de bien m’arrive

    [Et tu es venu, mon Jérém, il y a si longtemps déjà, l’année de notre bac…]

    And I’m a bit fragile/ Et je suis un peu fragile

    [J’étais perdu, seul, avant de te connaître je ne vivais qu’à moitié…]

    Was waiting way too much, it’s like an hourglass/ J’ai attendu beaucoup trop longtemps, c’est comme un sablier

    [J’attendais depuis si longtemps quelque chose que je savais impossible… j’ai toujours désiré, mais toujours désespéré, que quelque chose soit possible entre nous… je voyais le temps passer, les années du lycée défiler… je savais qu’un jour tu sortirais de ma vie, sans que j’aie trouvé le courage de te dire ce que je ressentais…]

    And you’re like trouble/Et tu es source d’ennuis

    [Puis tu es venu, et tu as bouleversé ma vie… en bien, en mal… tu m’as réveillé… avec brutalité parfois, souvent… mais tu m’as fait connaître ce qu’est d’aimer…]

    Breaking me to pieces/ Je me brise en morceaux

    [Tu m’as fait connaître la joie et la peine, et tu as changé mon existence… après toi, rien n’était plus comme avant…]

    I wanted you to know that every piece broke from you/ Je veux que tu saches que tu as brisé chaque morceau

    [Et c’est toi qui a produit tout ce bouleversement en moi, c’est toi…]

    Breaking me to pieces/ Je me brise en morceaux

    [Tu m’as fait du mal, parfois… mais même le cœur brisé, je n’ai jamais pu me résoudre à te lâcher…]

    ‘Cause every time you come around/ Parce qu'à chaque fois, que tu viendras

    [Parce que, à chaque fois que j’étais avec toi…]

    I feel alive/ Je me sens en vie

    [Je me sentais en vie… en vie… vraiment vivant… et encore aujourd’hui, après tant d’années, lorsque je repense à toi, à tout ce qu’on a vécu ensemble, tant le bien comme le mal, tant les joies que les souffrances, je me sens en vie… en vie…]

    Now I’m trying, I’m trying/ Maintenant, j’essaie, j’essaie

     

    Le bogoss crève l’écran… c’est juste sublime… tout exprime la bogossitude chez lui, sa prestance, ses regards de braise à la caméra, ses sourires, sa voix, ce petit clin d’œil rapide comme l’éclair entre deux plans… c’est juste beau à pleurer… sa présence est un feu d’artifice… ça donne la pêche… on se surprend à vibrer avec l’énergie, la puissance, la jeunesse aveuglante de cet absolu bogoss...

     

    I feel alive/ Je me sens en vie

     

    Grand sourire diabolique, si bouillant à faire fondre la glace aux deux pôles et sur mars au même temps…

     

    I feel alive/ Je me sens en vie

     

    Comment ne pas être sensible à charme méditerranéen lointain, follement sexy… je le regarde et j’ai l’impression de sentir l’odeur du sable chaud… chaud comme son sourire… chaud comme son regard… chaud comme le mec, qui doit être chaud comme le soleil du pays d’où il vient…

     

    The years I’ve been alone far away from home/ Les années, que j'ai été seul loin de chez moi…

    [Depuis qu’on s’est quittés, je marche à côté de ma vie… car chez moi, c’était avec toi… ça l’a été depuis notre première révision… mais les années ont passé, cinq hivers, cinq étés… et même bien plus que ça… depuis que tu es sorti de ma vie, je ne suis plus dans ma vie non plus…]

    Reminded me of you/ M’ont rappelé à toi

    [Oui, depuis notre dernière rencontre, tout me rappelle à toi… les souvenirs, les rêves… et chaque bogoss que je croise me parle de toi…]

    My job is almost done/ Mais tout ça est presque terminé

    [Si ça pouvait être vrai, mon Jérém, si ça pouvait être vrai que la distance que nous sépare disparaisse, et qu’on se retrouve un jour…]

    Baby I can now escape away with you/ Maintenant, je peux m’enfuir loin avec toi

    [Oui, si ça pouvait être vrai, mon Jérém… être avec toi à nouveau, partir loin, tous les deux…]

    (…)

    ‘Cause every time you come around/ Parce qu'à chaque fois, que tu viendras

    I feel alive/ Je me sens en vie

     

    La chanson se termine, le temps pour le bogoss de faire une dernière fois l’amour à la caméra… c’est un regard de braise, torride, qu’il envoie en guise d’« au revoir »…

    Et ce sourire… ce n’est pas un sourire, c’est une arme de destruction massive, tour à tour charmeur oui, mais parfois presque lubrique…

    Pourtant, son regard dégage aussi quelque chose doux, rassurant qui donne clairement envie d’être dans ses bras musclés… envie de toucher ses avant-bras couverts de poils blonds qui doivent être tout doux…

    Il y a chez lui un mélange détonnant… d’une part, l’impression d’une grande gentillesse et douceur… de l’autre, on devine un potentiel certain pour être un garçon bien chaud, furieusement sensuel, un fauve sauvage prêt à bondir et se déchaîner…

     

    Alive, alive, alive/ En vie, en vie, en vie

    Alive, alive, alive/ En vie, en vie, en vie

     

    La musique cesse, le public ovationne… et le bogoss nous offre un dernier, large sourire incandescent avant de quitter le plateau…

    Si ce n’est pas un bonheur absolu de mater un bogoss pareil…

    Et quand, un peu plus tard dans la soirée, Mans apparaît à l’écran en costard « la classe inter’ », un charme ravageur, dans ce petit sketch avec les animateurs 2017… difficile de ne pas imaginer un rapprochement sensuel entre le soleil d’Israël et la glace suédoise…

    Non pas que Mans soit froid, ohhh non, parce que lui aussi, sous ses airs de gentil garçon, il a l’air brûlant comme la braise…

    Mais tous les deux, putaaaaaaaaaain… j’imagine un truc qui commencerait avec une grande sensualité, beaucoup de douceur, de caresse, la barbe de l’un glissant sur la peau de l’autre, leurs mains puissantes caressant le moindre centimètre carré de leurs corps, les langues se battant en duel, puis léchant les torses, les abdos… avant d’entamer un corps à corps sauvage, féroce, torride, un truc de fou…

     

    Arrête Nico, tu divagues…

     

    Oui, Imri, faut que je te dise… moi aussi, ce soir, quand je te regarde, je me sens vivant…

    Je me sens en vie parce quand je te regarde, tu me fais penser à mon Jérém… tu as le même âge, le même corps, le même sourire ravageur que lui… tu as cette présence, cette prestance de jeune mâle, ce charme bouleversant au même temps qu’une certaine douceur qu’il avait mon Jérém peu avant que nos vies prennent des chemins séparés, il y a bien des années désormais…

     

    The secret of my life is never giving up/ Le secret de ma vie est de ne jamais abandonner

     

    Les mots de ta chanson me touchent tout particulièrement car ce sont, à quelque chose prêt, les mots que j’ai dit un soir à mon Jérém…

    « Je me demande comment tu m’as supporté pendant tout ce temps… » il m’avait demandé à brûle pourpoint…

    « Le secret… » je lui avais répondu « c’est de ne jamais abandonner… parce que, quand tu es là, je me sens vivant, vivant… ».

     

    Je n’abandonnerai jamais, Jérém, jamais…

     

     


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