• 53.4 Le café de Thibault.

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    Dimanche 22 juillet 2001, 8h15, après la nuit passée avec ses potes Jéjé et Nico.

    Pour savoir comment Thibault a vécu cette nuit de découverte sensuelle avec ses deux potes, il faudrait pouvoir rentrer dans sa tête, lire dans ses pensées, en ce moment précis, lorsqu’il est tout seul, assiégé par un mal au crâne insistant, devant son café, en ce dimanche matin.
    Thibault est parti de l’appart de la rue de la Colombette sans faire de bruit, alors que Jéjé dormait encore et en pensant que Nico aussi dormait encore ; il est parti comme un chat sur ses coussinets, en fuyant un très probable malaise matinal qui n’aurait fait de bien à personne.
    Pour amortir le contrecoup d’une nuit vraiment trop courte, une nuit où l’on a abusé de bonnes choses, l’alcool, la fumette, le sexe, il n’y a rien de tel qu’un un bon café, un croissant chaud, et les pages sport de la Dépêche du Midi.
    Le café réveille, ça soignerait presque la gueule de bois ; le croissant détend, c’est comme une caresse sucrée qui calmerait presque ce mal au crâne persistant ; les pages sport distraient, font rêver le passionné de ballon ovale, elles feraient presque oublier ce trop-plein d’images et de sensations qui remontent et débordent de tout côté dans l’esprit du jeune mécano.
    Oui, presque. Car les séquelles que cette nuit a laissées derrière elle, ne sont pas du genre à se gommer si facilement.
    Gueule de bois, mal au crâne, encore, on peut arranger ça assez facilement. Un petit cachet, une sieste, et le tour est joué. A 19 ans, récupérer d’une nuit trop courte n’est que formalité.
    Mais le plus dur à gérer au réveil, ce sont les souvenirs de cette nuit, souvenirs sensuels qui chatouillent la peau, hypersensible ce matin, provoquant des frissons rapides comme l’éclair, intenses comme des petites décharges électriques.
    Comme si la peau, la bouche, le sexe, plus intensément encore que le cerveau et l’esprit, gardaient dans chaque cellule l’écho du plaisir récent.
    Souvenir de plaisirs, de caresses, de baisers. L’excitation qui rôde dans le corps, malgré la fatigue, au-delà de l’odeur du café chaud, et qui provoque un début d’érection lorsque, au gré des mouvements, le coton du débardeur frôle les tétons, le tissu du boxer frotte contre le sexe.
    Souvenirs, sensations qui se présentent en vrac à l’esprit, se succédant à un rythme imprévisible, comme des averses orageuses, comme des rafales de vent violentes.
    D’abord, tous ces nouveaux plaisirs sensuels, avec Nico, grâce à Nico. La nouveauté, l’interdit qui deviennent soudainement possible, puis plaisant, puis addictif. Sentir son propre corps vibrer de plaisir comme jamais. Comme jamais avoir envie de recommencer, toute la nuit durant. Comme jamais sentir les sens stimulés, éveillés, bouleversés. Comme jamais avoir joui autant de fois en une seule nuit. Et jamais les orgasmes ont été aussi intenses, comme cette nuit où un garçon lui a offert ce plaisir. Un garçon, et pas n’importe lequel, son pote Nico.
    Aucune nana ne lui avait jamais fait ce que Nico lui avait fait cette nuit. Et dans la tête du jeune pompier, ce sentiment va bien au-delà même des plaisirs purement physiques, dont certains, assez nombreux à vrai dire, inédits et bouleversants pour lui.
    Car ce qui l’avait tout particulièrement touché chez Nico, c’était cet entrain, cette énergie, cette volonté évidente, sans tabous, sans réticences, en y mettant tout son corps et son âme, pour le faire jouir.
    Et ce, pour la simple et bonne raison que le plus grand plaisir de ce garçon était, à l’évidence, celui de faire plaisir à un garçon. Qu’il s’occupe de lui ou de son pote, son attitude était la même. Donner du plaisir, un plaisir qui n’était pas que mécanique des corps, mais un plaisir parsemé de tendresse ; la profonde douceur de ce garçon rendant le tout explosif.
    Tellement explosif qu’il avait ressenti cela malgré son esprit embrumé par les effets du joint, au-delà même de la tempête de sensations nouvelles de expérience inédite si puissante pour lui, de cette première expérience avec un garçon.
    Oui, le sexe avec Nico avait été au-delà de toutes ses espérances et ses fantasmes. Un plaisir par ailleurs amplifié par la présence de son pote Jéjé.
    Ce n’était pas la première fois qu’il vivait cela, ce frisson, cette proximité, ce contact avec son pote pendant que tous les deux prenaient leur pied : il y avait eu le plan avec les deux nanas quelques semaines plus tôt. Là aussi ça avait été bon. La présence de Jéjé l’avait rendu si bon. Ces caresses entre potes, la main de Jéjé dans ses cheveux, ses regards, son sourire. Tout cet ensemble de petites choses, cette complicité sensuelle qui avaient précipité leurs jouissances.
    Mais là, avec ses deux potes, ça avait été d’une bien autre intensité. La dimension « entre mecs » avait donné une toute autre ambiance à la scène. Elle avait autorisé plus de proximité, de complicité, de promiscuité, plus d’audace.

    Pour comprendre comment le jeune pompier s’était retrouvé à partager la sexualité de ses deux potes, il faut remonter aux raisons qui l’ont amené à faire le voyage exprès depuis son appart aux Minimes, en pleine nuit, jusqu’à l’appart de la rue de la Colombette.
    Et pour ce faire, il faut remonter le temps d’une semaine, heure pour heure, au soir de la finale du tournoi de rugby, après le barbec chez l’entraîneur.

    Dimanche 15 juillet 2001, 2h55.

    Le barbec chez l’entraîneur avait été l’un de ces moments où l’on se retrouve pour faire la fête, alors que le cafard plane déjà au-dessus des verres et des déconnades.
    Bien sûr, tout le monde était heureux d’avoir gagné. Heureux de se retrouver chez le coach pour fêter ça, tous ensemble, troisième mi-temps digne d’une victoire de tournoi toulousain.
    Difficile pourtant d’oublier, même en cette soirée de liesse, que dès la rentrée, l’équipe qui avait remporté cette victoire perdrait plusieurs de ses joueurs. Et, avec eux, une partie de son âme.
    Il y avait les départs annoncés. Quentin et Illan, pilier et talonneur. Le premier trop pris par son taf et par sa meuf, le deuxième trop abîmé par une mauvaise blessure au genou.
    Thierry partait faire ses études à Paris. Julien partait travailler au pays Basque. Et Jéjé. Jéjé était la grande inconnue.
    De la petite clique des JJTT, il n’allait très probablement ne rester qu’un T. celui de Thibault.
    Longtemps Thibault avait espéré que quelqu’un du Stade, par le biais d’observateurs souvent présents aux matchs, remarquerait les exploits de son pote, lui proposant d’intégrer les Reichel. Thibault était persuadé que son pote le méritait vraiment. Déjà, ce genre de reconnaissance et de consécration aurait fait le plus grand bien à Jéjé, en ce moment de doute et de changement ; et ça lui aurait probablement ouvert les portes d’une belle carrière pro.
    Mais le tournoi était fini et personne ne s’était manifesté.
    Alors, tout en faisant la fête chez l’entraîneur, chacun savait qu’à la rentrée, l’équipe ne serait plus la même. Certes, il y avait les nouveaux. De nouvelles amitiés à sceller, de nouvelles histoires de rugby à écrire. Mais le fait de perdre quasiment tous les joueurs les plus emblématiques, juste après cette belle victoire, était difficile à digérer.
    Tout le monde faisait la fête pour oublier que cette victoire, cette soirée étaient à la fois l’aboutissement d’un rêve partagé, d’un beau projet commun, d’un effort d’équipe, mais également la fin d’une époque.
    Une page se tournait ; et cette soirée, ce serait probablement la dernière où cette équipe gagnante serait réunie.
    Alors ils avaient bu et rigolé, beaucoup bu et beaucoup rigolé, autant pour fêter que pour chasser la tristesse, bu et rigolé jusqu’à s’en étourdir. L’évocation des souvenirs communs servant autant les rires que la mélancolie.
    Tout le monde ressentait cela, et Thibault un peu plus que les autres ; car, avec le départ probable de son Jéjé à la rentrée, il ne perdait pas qu’un simple coéquipier, mais ce pote qui était presque son frère, son jumeau, sa deuxième vie. Ce pote dont le bonheur était presque plus important que le sien. Ce pote qu’il connaissait si bien et dont il ressentait toutes les émotions comme si elles étaient les siennes. Le bonheur, la tristesse, le doute, les blessures.
    Lors de la finale quelques heures plus tôt, il s’était fait une fois de plus la réflexion qu’il s’était fait tant de fois au cours de ces années de rugby. Voir son pote marquer un but pendant le jeu, voir sa joie, entendre ses rugissements de jeune lion qui crie sa puissance et son bonheur, ça le rendait aussi heureux que s’il l’avait marqué lui-même. Car le bonheur de son pote, Thibault le ressentait résonner en lui, dans sa tête, dans son cœur, dans sa chair, comme si une connexion de jumeaux était définitivement établie entre eux.
    La soirée s’était étirée tard dans la nuit, Jéjé avait bu et fumé bien plus que de raison. Thibault, fidèle au poste de meilleur pote, avait insisté pour prendre le volant et le raccompagner chez lui.
    Et ce, malgré les réticences bien présentes dans sa tête à se retrouver seul avec Jéjé dans cet appart, après ce qui s’était passé trois nuits plus tôt.

    Jeudi 12 juillet 2001

    Cette nuit-là, Thibault était resté dormir chez son pote. Jéjé était certes mal en point à cause de sa blessure à l’épaule ; mais il était surtout super inquiet de ne pas être en forme pour la finale. C’était dans des moments comme celui-ci que la présence de son pote lui était nécessaire.
    Sous la couette, dans le noir, les deux potes avaient continué à discuter jusqu’à ce que Jéjé cesse de répondre. Sa respiration appuyée avait alors pris la place des mots, indiquant au jeune mécano que son pote était parti dans son sommeil.
    Thibault était content d’être resté. Son pote n’était pas bien et ça lui avait fait du bien de discuter. Après sa journée de travail et sa séance de musculation à la salle de sport, il n’avait pas eu trop de mal lui non plus à trouver le sommeil.
    Mais, au milieu de la nuit, il avait été réveillé par son pote en train de se branler, juste à côté de lui. Est-ce qu’il était réveillé, est-ce qu’il dormait ? Très vite, il avait senti une envie irrépressible de lui offrir un plaisir plus grand que celui de sa propre main sur sa queue : celui d’une main « autre », la sienne.
    Oui, il avait eu envie d’offrir ce plaisir à son pote. Plaisir que ce dernier avait accepté plutôt de bon grade.
    Ça avait été dur de retrouver son Jéjé après cette nuit. Heureusement, il y avait eu l’entraînement la veille de la finale, deux jours plus tard, puis la finale.
    Aux entraînements, le stress de la finale qui approchait à grand pas avait vite balayé tout le reste. Et le malaise que Thibault avait redouté, n’avait pas existé.
    Pendant le jeu, il n’y avait que le jeu, les potes n’étaient que co-équipiers. Y compris son Jéjé. Après le jeu, ils étaient à nouveau potes, en train de rigoler et déconner, comme si rien ne s’était passé.
    Comme cette fois sous la tente, au camping à la mer, lorsqu’ils avaient 13 ans. Hier comme aujourd’hui, le lendemain de touche-pipi, dans l’attitude de Jéjé c’était comme si rien ne s’était passé.
    Pourtant, ça s’était bien passé.
    La première fois en camping, Thibault avait pris sur lui pour seconder le comportement de son pote et de faire comme si. Ça avait été dur, très dur. Car il n’arrêtait pas d’y penser, d’avoir envie de recommencer.
    Puis, très vite après cet été-là, son pote était parti du côté des filles.
    Pendant des années, il s’était demandé ce que son pote avait ressenti à ce moment précis, ce qu’il en avait pensé par la suite, quelle importance il avait accordé à cette expérience si marquante pour lui. Est-ce qu’il y pensait parfois ? S’en rappelait-il seulement ?
    Il avait même cru qu’il n’avait pas aimé ce qui s’était passé entre eux, et que ça l’avait conforté dans son hétérosexualité complète.
    Au fil du temps, le jeune mécano avait appris à considérer cet épisode comme un simple « accident ».
    Mais cette fois-ci… cette fois-ci, ils n’avaient plus 13 ans. Ce n’était plus une « bêtise d’ados ». Ils allaient avoir 20 ans. L’un comme l’autre savaient ce qu’ils faisaient. Pourtant, chez le jeune pompier, l’envie était la même. Et Jéjé avait accepté que sa main lui fasse plaisir sous la couette.
    Une force débordante, vertigineuse, incontrôlable l’avait poussé à tenter de s’aventurer sous la couette, pour faire encore plus plaisir à son pote. Mais ce dernier lui en avait empêché. Sur ce coup, Jéjé avait été plus lucide que lui. Ça avait été une sage décision de sa part.
    Même si son envie était bel et bien là. Et désormais son pote en avait connaissance. Qu’est-ce qu’il devait penser de lui ?
    Il avait continué à le branler ; très vite son pote avait joui dans les draps et il s’était aussitôt rendormi. Thibault avait essayé de dormir, en vain. Le lendemain matin, il était parti tellement vite qu’il avait oublié sa montre sur la table de chevet.
    Thibault sentait que cette fois-ci il ne pourrait pas se contenter de faire comme si ne s’était rien passé. Il avait à la fois besoin d’en parler à son pote, et très peur de le faire. En parler, de quelle façon ? En se mettant à nu, en lui avouant son envie de lui faire plaisir ? Comment son Jéjé aurait pris un tel aveu ? Ou alors, lui en parler en choisissant de garder les apparences, lui en parler en minimisant ce qui s’était passé, en mettant cela sur le dos du joint, de la fatigue ?
    D’où le malaise du jeune pompier à l’idée de se retrouver seul à seul avec son pote, à son appart en le raccompagnant chez lui après le barbec chez l’entraîneur.

    Dimanche 22 juillet 2001, après le barbec chez l’entraîneur, suite.

    A la fin de la soirée, Jéjé était vraiment torché. Et Thibault avait une fois encore pris sur lui pour surmonter ses inquiétudes et le raccompagner chez lui.
    Son pote ne lui avait pas pour autant rendu la tâche facile. Il faisait chaud, très chaud, et dans la voiture il avait ôté son t-shirt, dévoilant son torse nu, sa peau dégageant un bouquet olfactif prégnant, une fraîcheur de douche mélangée à une légère odeur de transpiration de mec.
    Jéjé avait fumé tout le long du trajet. Thibault avait « senti » son pote tout le long du trajet.
    « Il ne manque qu’une nana pour une pipe et ce serait parfait » il avait lancé à un moment ce petit con de Jéjé, tout en posant son regard fixe, lourd, planant, alcoolisé, insistant, sur son pote.
    Thibault s’était contenté de lui sourire, frémissant à l’intérieur face à cette envie déclarée de son pote, cette envie qui trouvait un écho parfait dans la sienne. Deux envies si complémentaires, mais deux envies qui ne se rencontreraient pas.
    Mais comment Jéjé pouvait lui balancer ça, alors qu’il l’avait empêché trois jours plus tôt de lui apporter ce plaisir ? Pourquoi il lui faisait ça ? L’alcool, sans doute.
    Le jeune mécano avait fait tout ce qu’il avait pu pour tenter d’ignorer, de contenir, de cacher cette érection qui gonflait dans son boxer. Pour arriver le plus vite possible rue de la Colombette, garer la voiture, quitter Jéjé, rentrer aux Minimes, se branler pour évacuer cette excitation, cette frustration insupportables, prendre une douche froide et dormir.
    Mais devant la porte de l’immeuble, il avait ressenti le besoin d’accompagner son pote jusqu’à l’appart. Il le sentait trop mal en point, il préférait le voir bien à l’abri entre ses murs, être certain que l’appel du lit lui empêcherait d’aller rôder à la recherche d’un dernier verre et de cette pipe qui lui faisait défaut.
    Mais il avait également besoin de passer un moment avec son pote. Il savait qu’il n’aurait pas le courage de lui parler de ce qu’il avait sur le cœur, d’autant plus que ce n’était vraiment pas le bon moment : Jéjé était trop torché. De toute façon, ce ne serait jamais le bon moment pour parler de ça.
    Jéjé lui avait proposé une dernière bière, une bière que Thibault avait voulu partager avec lui pour lui montrer, pour se montrer qu’ils étaient toujours potes. Il s’était dit que, au final, au nom de leur amitié, il irait une fois de plus dans le sens de Jéjé, il ferait comme si trois jours plus tôt il ne s’était rien passé.
    Pendant que son pote fouillait dans son frigo à la recherche des boissons, il avait récupéré sa montre qui était toujours sur la petite table de chevet, là où il l’avait oubliée.
    Aussitôt la montre fixée sur son poignet, il s’était senti plus à l’aise pour se dire que, effectivement, trois jours plus tôt il ne s’était rien passé dans ce lit défait, ce lit où il avait dormi, ou pas, ce lit où il avait branlé son pote, ou pas.
    Bière en terrasse, fumette et discussions anodines avec son pote, des échanges que Thibault se résignait à accepte en lieu et place des véritables questions qu’il n’osait pas affronter.
    Il faisait très chaud, Jéjé était toujours torse nu, l’élastique du boxer dépassait nonchalamment, outrageusement de son short, une insistante fragrance de mec se dégageait de lui. Tout chez ce mec appelait au sexe. Ce mec puait littéralement le sexe.
    Dans la tête et dans le corps du jeune mécano, la tension érotique est palpable. Le vent tiède sur la peau donnait des frissons, les frissons donnaient des envies. Envie d’ôter son débardeur à son tour, de coller son torse nu à celui de son pote. Il avait du mal à cacher son érection insistante. Il se demandait toujours pourquoi son pote lui faisait cet effet de fou.
    Le sentiment de culpabilité le cernait de toute part :
    « Je ne peux pas ressentir ça pour mon pote », il n’avait cesse de se répéter ; pourtant, il le ressentait.
    « Ça gâcherait notre amitié » ; pourtant, il ne pouvait pas ignorer ce frisson qui parcourait son corps en regardant la demi nudité de son pote.
    « Et même si… je ne peux pas faire ça à Nico » ; pourtant, il n’aurait pas été contre une nouvelle branlette à son pote.
    Imaginer son pote Jéjé coucher avec Nico dans cet appart. Imaginer le plaisir que ses deux potes se donnent dans ce lit. Ce plaisir qui lui est interdit.
    Envie que son pote lui demande de rester, comme avant, lorsqu’il était bien torché ; et peur qu’il ne le fasse pas à cause justement de ce qui s’était passé trois jours plus tôt, comme si leur amitié avait été entachée par ce petit « accident ».
    Entendre son pote dire à un moment :
    « Il va falloir qu’on se refasse un week-end à Gruissan, c’était top l’an dernier ! ».
    Et, comme si c’était hier, revoir son pote sortir torse nu de ce mobil home, en pleine nuit, rejoint par ce petit mec bien foutu avec le tatouage aux grandes ailes bien en vue dans son dos, nu lui aussi.
    Après la surprise, imaginer le plaisir que ces deux mecs avaient pu se donner dans ce mobil-home. Ce plaisir qui lui était st interdit.
    Sur le coup, Thibault s’était demandé si cet épisode resterait un épisode isolé pour son pote, un « hors-série » de vacances.
    Puis, quelques mois plus tard, il avait croisé Nico sur le palier de l’appart de la rue de la Colombette, alors qu’il venait réviser avec son pote.
    Et il avait compris que son pote avait des envies qu’il n’oserait pas lui avouer.

    Dimanche 22 juillet 2001, 8h30, après la nuit passé avec ses potes Jéjé et Nico.

    L’arôme corsé du café chaud, se mélangeant dans son palais au goût sucré du croissant, lui procure une intense sensation de plaisir gustatif, qui n’arrive pas pour autant à calmer son mal de tête persistant.
    En buvant une nouvelle gorgée de café, le jeune mécano se dit que le soir de la finale, après le barbec chez l’entraîneur, il aurait dû partir avant que ses propres mots ne dérapent maladroitement.

    Dimanche 15 juillet 2001, 3h50, après le barbec chez l’entraîneur, suite.

    « Putain, on l’a fait, Thib. On l’a fait ! On est champions !!! » exulte Jéjé lors de l’un de ces soubresauts émotionnels caractéristiques d’un état l’alcoolémie et de fumette anormalement élevé.
    « C’est grâce à toi, Jéjé. » fait Thibault qui connaît et maîtrise à la perfection la fameuse règle d’or des plus grandes amitiés, celle qui dit « Toujours féliciter un pote pour ce qui le rend fiers et heureux ».
    « Et à toi aussi, Thib ! Tu as été top ! Cette dernière passe que tu m’as balancée, un truc de ouf… » relance Jéjé.
    « Ça ne va pas être pareil l'année prochaine, tout le monde fiche le camp… ». Thibault ne peut s’empêcher de laisser ses mots exprimer sa tristesse.
    « Il y aura d’autres joueurs… » relativise Jéjé presque avec indifférence.
    « Mais aucun pote comme toi… » ne peut s’empêcher de préciser le jeune mécano.
    Jéjé se limite à sourire. Qui sait ce que traduit ce sourire alcoolisé ? Est-ce que le bobrun est touché par les mots de son pote ? Gêné ? Emu ? Est-ce qu’il se rend seulement compte à quel point son pote tient à lui ?
    En attendant, il se limite à boire, à fumer.
    Thibault a besoin de dire à son pote ce qu’il ressent.
    « J’ai un seul pote véritable. Et c’est toi. Tu seras toujours mon pote Jéjé, et je serai toujours là pour toi, comme je sais que tu seras toujours là pour moi, même si on habite à 1000 bornes. Mais tu vas me manquer… » fait Thibault.
    « Dans cette ville j’étouffe, j’ai besoin de changer de décor… ».
    « Pourquoi tu dis ça, Jéjé ? ».
    « Je sais pas trop… j’ai envie de partir, de voir d’autres endroits, peut-être d’autres pays… si je ne pars pas maintenant, je ne partirai jamais… ».
    « Tu dois faire ce que tu as envie de faire… ».
    « Merci Thib. ».
    Mais Thib a du mal à cacher son émotion.
    « T’as une cigarette ? » fait-il pour créer une diversion.
    « Tu fumes ? » s’étonne Jéjé.
    « C’est juste pour t'accompagner ».
    Une taffe, deux taffes.
    « Vous voulez tous me retenir ici… » fait Jéjé de but en blanc.
    « Vous… qui ? » fait le jeune pompier en entrevoyant une ouverture pour donner envie à son pote de parler des sujets difficiles.
    « Toi, Nico. » admet plutôt facilement son pote.
    Thibault a l’impression que son Jéjé aurait envie de s’ouvrir, mais qu’il a encore du mal.
    Thibault est inquiet pour son pote. Il se dit que ça doit être un sacré bordel dans sa tête, il faut au moins qu’il sache qu’il est là pour lui comme toujours, que ça ne change rien à leur amitié, qu’il le soutient et qu’il pourra toujours compter sur lui.
    Car il connaît son pote, il le connait au-delà des apparences, il sait qu’au-delà des muscles, de la puissance physique, de son assurance apparente de petit mec un peu macho, un brin frimeur, se cache un garçon de 19 ans qui doute de lui. Il a toujours douté, et il doit douter d’autant plus depuis ce qui se révèle en lui au contact de Nico.
    Alors, il décide de forcer un peu les choses :
    « Oui, je pense… enfin, je suis même sûr que tu vas lui manquer à lui aussi… ».
    « Il trouvera un autre pote pour lui coller aux baskets ! ».
    « Mais ce n'est pas d’un pote dont il a besoin… ».
    « Je ne sais pas de quoi il a besoin, mais il faut qu’il arrête de me pomper l’air. » fait Jéjé soudainement emporté.
    Thibault sent que c’est l’alcool qui fait parler son pote, il le sent au ton altéré de sa voix, à son irritabilité à fleur de peau, il le voit à son regard perdu.
    La conversation étant engagée, le jeune mécano décide malgré tout de poursuivre dans sa direction. Il décide d’y aller en douceur, mais d’y aller quand même. De continuer à lancer des perches.
    « En tout cas c’est vraiment un gars sympa. Et il tient beaucoup à toi. Vraiment beaucoup… ».
    « Oui, même trop ! ».
    « Il est vraiment fou de toi, et c’est beau, ça… » fait Thibault sur le ton de la rigolade, dans la tentative de mettre son pote à l’aise. C’est un coup de poker, c’est risqué, c’est quitte ou double.
    « Mais de quoi tu parles ? » réagit pourtant assez brusquement ce dernier.
    « De toi, de Nico. Tu me connais, Jéjé, tu sais que je peux tout entendre… ».
    « Mais je n’ai rien à te dire ! ».
    Agacement montant de Jéjé.
    « Tu sais que ça ne changera rien entre nous… ce qui se passe… ».
    « Mais il ne se passe rien, je te dis ! ».
    « Jé, s’il te pl… ».
    « Tu me gonfles ! ».
    « Tu seras toujours mon pote… ».
    « Tu me fais quoi là, Thib ? » commence à se faire menaçant le bobrun torse nu et en colère.
    « Jé… il n’y a rien de mal à ça. ».
    « Mais putain… de quoi est-ce que tu me parles, mec ? ».
    « De toi, de Nico… ».
    « Mais PUTAIN ! Tu veux me faire dire quoi, au juste ? Que je le baise ? Qu’il adore ma queue ? Tu veux vraiment savoir ??? » fait Jéjé en montant dans les tours à chaque mot et en franchissant un palier de colère à chaque interrogation.
    Thibault se tait, il regarde son pote, soutient son regard, attend l’explosion de sa colère qui est la traduction de ses angoisses. Ça va faire du dégât, mais c’est inévitable.
    « Oui, il me suce, il m’avale et je lui démonte le cul… c’est ça que tu veux savoir ? » balance Jéjé noir de colère, le débit rapide, se mangeant quelques mots.
    « Ne te mets pas en colère Jéjé… » tente de le calmer le jeune pompier.
    Mais le bobrun continue comme un bulldozer sans chauffeur :
    « Nico est une petite pute qui aime ma queue comme si sa vie en dépendait !!! Quand il est venu réviser, il avait tellement envie de se faire démonter qu’il n’arrivait pas à aligner deux mots. Je l’ai baisé pour lui rendre service… ce puceau… cette tafiole… ».
    « Jé, t’as pas à sortir tous ces gros mots… moi je pense que Nico est un bon gars… tu es injuste avec lui, tu en fais une caricature… Nico n’est rien de tout ça… et s’il avait envie de coucher avec toi, c’est que tu lui plais vraiment… ».
    Thibault tente de calmer le jeu.
    « Ce mec est juste une bonne petite salope que je défonce pour me vider les couilles quand j’en ai envie… avec une petite pute comme lui, c’est à la demande. Dès qu’il sent l’odeur d’une queue, il rapplique sans demander son compte… ».
    « Tu es trop dur avec lui. C’est un bon mec. Il est homo, oui, mais il n’est pas du tout comme ça… j’en suis sûr… ».
    « Tu ne l’as pas vu devant une queue tendue… tiens, tu vois voir à quel point il aime la queue ? Tu paries combien que si je lui envoie un message même à trois heures du mat il rapplique en courant et il va bien nous vider les couilles a tous les deux ?
    Ce disant, Jéjé sort son tel de sa poche.
    Pas sûr qu’il arrive à écrire et envoyer un sms dans cet état d’ivresse, mais sait-on jamais.
    « Arrête de jouer au con, Jé, Nico est un bon gars, et tu le sais… » fait Thibault paniqué, soudainement emporté
    « Moi j'ai envie de me faire vider les couilles, pas toi ? ».
    « Tu ne peux pas le traiter comme ça. Nico a des sentiments pour toi… » le ton de ses mots est de plus en plus ferme.
    « Tu le connais, toi ? ».
    « Assez pour savoir que c’est un gars bien… ».
    « Ne te laisse pas avoir par ce petit merdeux… Nico s’est rapproché de toi parce que t'es mon pote… en plus, il doit bien te kiffer… tout ce qu'il aime, ce sont les mecs qui font vraiment mecs… comme toi, comme moi… sucer, avaler, se faire défoncer, se faire fourrer, il adore ça… il n'a qu'une envie, se faire baiser… ».
    « Nico n’est pas un con, il est même plutôt sympa comme gars… oui, il s’est rapproché de moi parce que je suis ton pote… et surtout parce qu’il a besoin d’un pote… ce mec est adorable… tu ne devrais pas être si dur avec lui… il ne demande pas la lune, juste de ne pas être traité comme de la merde… ».
    Thibault essaie de garder son calme légendaire mais l’attitude méprisante et la mauvaise foi manifeste de son pote vis-à-vis de Nico a le don de le mettre hors de lui
    « Il a bavé sur moi ? »
    « Il n’est jamais venu se plaindre… il ne m’a rien appris que je ne savais pas déjà… il est juste un peu perdu, il a besoin d’écoute… ».
    « Il a surtout besoin de se faire démonter… ».
    « Arrête ça, je te dis, Jé, tu commences à m’énerver… ».
    Le jeune mécano a de plus en plus de mal à rester calme. Le ton de sa voix commence à laisser transparaitre son emportement.
    « Tiens… tu veux savoir ? Je l’ai baisé pas plus tard que cet après-midi, après le match… ».
    « De quoi ? ».
    « Tu crois que j’étais en retard au barbec pour quelle raison ? Quand vous avez tous été partis, je l’ai sifflé, il a fait demi-tour et il m’a ouvert son fion. Et il en a eu pour son grade… ».
    « Arrête Jéjé. T’as pas besoin de me balancer tout ça… je dis juste qu’il n’y a rien de mal à ce qui se passe entre vous deux… et que ça te ferait du bien de ne pas te prendre autant la tête… putain, Jé ! ».
    Thibault sent ses joues chauffer, sa colère monter, il veut rester calme, mais il ne peut plus.
    « Je ne suis pas pd !!! ».
    « Je n’ai jamais dit ça… mais il n’y a rien de mal au fait que tu couches avec Nico… l’important c’est juste que tout le monde trouve son compte et que personne ne souffre… t’as pas besoin de le traiter de tafiole… ça n’efface pas le fait que tu t’envoies en l’air avec lui… ».
    Thibault se rend compte que le ton de sa voix est de plus en plus emporté. Cette discussion le prend aux tripes, ça le fait chier que son pote soit à ce point dans le déni, attitude qui le rend malade et qui fait souffrir un garçon aussi gentil que Nico.
    « Je ne suis pas pd je te dis !!!! ».
    « Je sais bien… mais même si tu l’étais, je m’en ficherais, tu serais toujours mon pote… ».
    « Mais je ne le suis pas !!! ».
    Ces derniers mots, Jéjé les avait crachés dans un cri étouffé, son attitude s’étant soudainement faite très agressive. Thibault avait rarement vu son pote bondir aussi vite et aussi loin de ses gonds.
    Son pote était désormais très remonté et il savait qu’il n’y aurait plus de discussion possible cette nuit-là.
    Sa bière était très vite arrivée à la fin.
     « Je vais y aller, Jéjé… » s’était alors décidé à annoncer à contre-cœur.
    Il aurait eu envie de voir son pote se calmer avant de partir, mais il réalisait que sa présence lui empêchait justement de se calmer.
    Une seconde plus tard, il se dirigeait vers le séjour, se préparant à quitter l’appart.
    Thibault avait senti son pote lui emboîter le pas. Mais il ne s’était retourné alors qu’il avait déjà la main posée sur la poignée de la porte d’entrée.
    C’est là qu’il s’était rendu compte du brusque changement attitude de Jéjé. Le temps de quelques pas, son pote affichait désormais un regard comme vidé de toute énergie, perdu, paumé.
    Certes, il avait besoin de dire des choses à son pote ; il avait essayé de faire passer le message de la façon la plus soft possible, mais il regrettait que le sujet soit si sensible et que ses mots aient fini par pousser son pote au bout, en gâchant ainsi cette soirée de fête après une si belle victoire.
    Même si, dans les faits, Jéjé s’est poussé à bout tout seul, il s’est braqué si vite, aveuglé par ses propres démons. Si seulement il pouvait s’ouvrir un peu, accepter ses envies, ses ressentis…
    Thibault aurait voulu trouver les mots, le ton, « la façon de ». Mais il mesurait son impuissance à faire quoique ce soit de plus pour son pote à cet instant précis. Tout ce qu’il pourrait dire ou faire, ça ne ferait qu’empirer les choses.
    Il avait regardé une dernière fois son pote : le dos collé contre le mur juste à côté de la porte d’entrée, le regard perdu quelque part dans la pénombre de la pièce, la respiration haletante d’un corps épuisé de fatigue, de chaleur, d’alcool et de colère. Il n’avait vraiment pas l’air bien.
    Thibault se disait que sa carapace commençait à montrer quelques fissures, elle ne demandait probablement qu’à céder… et c’est peut-être au final ce qu’attendait son pote, qu’on l’oblige enfin à regarder ses contradictions en face…
    Il avait essayé, il s’était fait rembarrer. Certes, son pote avait besoin de s’ouvrir mais il ne pouvait pas l’obliger à le faire s’il n’était pas prêt. Le sera-t-il, prêt, un jour ? En tout cas, pas ce soir, pas encore.
    Envie comme jamais, déchirante, de lui proposer de rester. Mais pour quoi faire ? Si c’est pour être une fois de plus confronté à cette tentation qui le happe lorsqu’il est à côté de son pote… une nouvelle tentative de galipette n’arrangerait rien, ça compliquerait encore plus les choses.
    Le mieux c’était encore de le laisser se calmer tout seul, et faire dès demain, une fois de plus, comme s’il ne s’était rien passé.
    La main avait tiré la poignée vers le bas, le battant de la porte s’était entrouvert.
    Un dernier regard à son pote avant de partir. Il n’est vraiment pas bien, il ne peut pas le laisser comme ça.
    Le battant de la porte se referme. La main du jeune pompier quitte la poignée de la porte.
    Thibault se poste juste devant son pote et le serre dans ses bras. Une étreinte sans mots, qui dure une poignée de secondes.
    Intense bonheur que de sentir son torse musclé contre le sien, ses biceps contre les siens, sa joue contre la sienne ; sentir sa respiration ralentir, ses angoisses se calmer, sa colère refluer.
    Intense bonheur et brûlante torture que de le sentir si proche, sentir le parfum de sa peau, la chaleur de son corps.
    Thibault se sent bander. Il veut reculer, mettre fin à cette accolade, mais son pote le retient.
    Les bras de son pote l’enserrent à leur tour, très fort ; les pecs, les bosses se frôlent. Il arrive à sentir l’érection de son pote.
    Les bras de son pote sous ses propres bras, remontant dans son dos, les mains croisées derrière son cou, les maintenant fermement front contre front, nez contre nez, souffle contre souffle, peau contre peau, pecs contre pecs. Deux respirations haletantes, deux attirances brûlantes, deux envies de mecs.
    Et tant d’interrogations dans la tête du jeune mécano.
    Qu’est-ce qu’il cherche ? De quoi a-t-il envie ? Pourquoi ? Quel rôle jouent l’alcool, la fumette, sa tristesse, le manque de son Nico dans ce qu’il semble envisager à cet instant ? Est-il bien raisonnable de se laisser aller, et après ? Va-t-il le regretter ? Comment va-t-il se sentir après ça si, une fois de plus, il va falloir faire comme si de rien ne s’était passé ? Arriverait-il à faire face ?
    Il n’a plus le temps de réfléchir, le nez de son pote se frotte désormais contre le sien. Ses lèvres cherchent les siennes.
    Les mains, les lèvres parcourent la peau, les désirs s’enflamment, son pote l’attire à lui de façon de plus en plus ferme, affirmée, les corps se cherchent, s'enlacent, les désirs se libèrent…
    Pourtant…
    « Va te faire voir, connard ! » avait été le dernier mot de Jéjé pendant que Thibault quittait l’appart quelques instants plus tard, comme jamais il ne l’avait quitté, avec un sentiment mixte de colère, de tristesse, de désolation, d’excitation et de frustration.
    Il s’en était suivi une semaine de silence de la part de Jéjé, un silence que le beau pompier avait très mal vécu. Il aurait pu l’appeler. Mais il avait besoin d’une explication face à face.
    Voilà pourquoi en ce samedi, il avait eu besoin de voir son pote à cette heure tardive.
    Il avait espéré le trouver seul. Manque de bol, il ne l’était pas. Nico était là. Nico qui était le sujet de leur accrochage de la dernière fois et qui devait être l’un des sujets de cette explication qu’il avait espérée avec son pote.
    Son malaise vis-à-vis de Nico avait commencé à se faire sentir lorsque Jéjé avait essayé de le dépeindre comme une petite salope sans principes, lui donnant des détails sur leur vie sexuelle qu’il était gêné de connaître désormais.
    Ce malaise s’était définitivement installé après ce qui avait failli se passer entre son pote et lui. Ce malaise était le sentiment de trahir la confiance de Nico.
    Un malaise qui ne l’avait pas quitté depuis ; d’où, la distance qu'il n’avait pas pu s’empêcher de montrer à Nico lorsqu'il l'avait croisé dans la semaine à la sortie de son boulot.

    Nuit du samedi 21 juillet au dimanche 22 juillet 2001, là où les trois potes ont mélangé leurs corps et leurs plaisirs.

    Pour arranger le tout, Jéjé s’en était sorti avec cette idée de se joindre à lui et à Nico pour une galipette entre mecs. Une proposition qui avait bien déstabilisé le jeune pompier.
    Thibault hésitait face à une proposition qui l’amènerait à coucher avec Nico, qu’il considérait désormais comme un vrai pote, un pote qui était, en plus, le « mec » de son Jéjé ; une proposition qui l’amènerait à coucher avec lui avec son Jéjé, sous les yeux de Jéjé, avec toutes les tentations que cette nouvelle proximité avec son pote de toujours allait éveiller.
    Thibault hésitait également à cause du mépris montré par Jéjé vis-à-vis de Nico, un mépris dans lequel il devinait sa volonté de lui montrer qu’il avait raison, une semaine plus tôt, de vouloir appeler Nico pour qu’il les suce tous les deux ; comme s’il voulait à tout prix lui montrer que Nico se comporterait exactement comme il l’avait annoncé, comme une petite pute.
    Face à la proposition de Jéjé et à son insistance, Thibault s’était senti comme pris au piège.
    Mais au final, la tentation avait été trop forte. Plus forte que sa petite voix intérieure qui lui disait : « Pars, c’est le mieux que t’aies à faire ! ».
    C’était la tentation face à la sensualité virile de son pote Jéjé, face à ce débardeur blanc cousu comme sur mesure sur son torse soulignant la ligne parfaite de ses épaules et la couleur mate de sa peau.
    Il regardait son pote et il repensait à la complicité sensuelle lors du plan avec les deux nanas quelques semaines plus tôt.

    Quelques semaines plus tôt, lors d’une soirée au KL…

    Jéjé avait sorti ça, de but en blanc, pendant la soirée au KL. Le jeune pompier avait d’abord été surpris, désarçonne. Mais très vite il avait eu envie de partager ce moment avec son pote, la présence des nanas n’étant au fond que prétexte pour approcher la sexualité de son pote.
    C’était comme un test qu’il se lançait, un test pour comprendre ce qui l’intriguait chez lui, pour appréhender ses propres sentiments.
    Si vraiment son pote allait partir à la rentrée, il n’aurait probablement jamais d’autres occasions pour vivre ça, pour savoir.
    Thibault avait aimé cette nuit avec les deux nanas. Et ce qu’il avait aimé par-dessus tout, c’était cette super complicité avec son pote. Une complicité faite de regards, des contacts de peau trop nombreux pour être toujours involontaires, ressemblant parfois à des caresses qui ne s’avouent pas.
    Et il avait eu aussi des véritables caresses : la main de son pote qui s’enfonce dans ses cheveux, à la base de la nuque. Jamais il n’avait ressenti un frisson si puissant.
    S’il y avait une certitude que ce plan avec les filles avait pu apporter au jeune mécano, c’était qu’il avait ressenti un bonheur intense en regardant son pote prendre son pied ; que la proximité, le contact et certaines caresses réciproques avaient grandement participé à l’excitation, au plaisir de son pote, et du sien.
    Pourtant, loin d’avoir étanché sa curiosité, ce plan n’avait fait que l’attiser, la mêlant à une sorte de frustration de ne pas pouvoir franchir une certaine ligne rouge, de ne pas pouvoir encore plus se rapprocher de son pote ; et ce, à cause de la présence des filles, mais pas seulement.
    Après ce plan avec les deux nanas, Thibault n’avait qu’une envie, celle de remettre ça… et très vite, son envie de « remettre ça » était surtout devenue une envie de « remettre ça » seul à seul avec son pote.
    Ce qui expliquerait le dérapage de la fameuse nuit entre la demi-finale ratée et la finale victorieuse. Et tout aussi bien ce qui avait manqué de se passer le soir de la finale après le barbec chez l’entraîneur.

    Nuit du samedi 21 juillet au dimanche 22 juillet 2001, là où les trois potes ont mélangé leurs corps et leurs plaisirs, suite.

    Alors, dans la proposition de Jéjé de partager un nouveau moment sensuel, bien que dans un plan à trois avec son Nico, le jeune mécano avait eu envie de voir une sorte de « réconciliation » avec pote, comme si finalement il ne lui en voulait pas pour ce qui s’était passé, pas plus que pour ce qu’il avait manqué de se passer, dernièrement, entre eux.
    Pendant un instant, il s’était également demandé si dans la proposition de son pote il n’y avait pas aussi, en toile de fond, une autre intention, une autre envie…
    Thibault avait très envie de retrouver la complicité sensuelle avec son pote. Est-ce que l’invitation de son pote exprimait cette même envie ?
    Oui, Thibault avait vraiment envie de retrouver la complicité sensuelle avec son pote. Peur et envie à la fois. Mais, comme souvent, le désir l’avait emporté sur le sens du danger.
    Et du désir, le jeune pompier en ressentait également pour son nouveau pote Nico. Ce petit bonhomme si mignon, si adorable, si doux, dégageant un tout autre type de sensualité, mais pas moins intense que celle dégagée par son pote Jéjé. Le corps de Nico, ses envies, étaient la promesse de bien de sensations nouvelles, de découverte sensuelle.
    Et la perspective que ça se passe juste « entre mecs » lui paraissait tout particulièrement excitante, car ça semblait promettre un encore plus grand rapprochement sensuel avec ce dernier.
    De plus, ce partage était également l’occasion de rentrer un peu dans l’intimité de ses deux potes. L’occasion non seulement de découvrir le bien qu’on peut se faire entre mecs, mais aussi le bien que ses deux potes se faisaient entre eux.
    Oui, Thibault était un peu curieux. Curieux de savoir ce que son pote aimait. Et pourquoi il n’arrivait pas à l’assumer.
    Certes, au début, il avait été un peu déboussolé par cette sexualité directe entre mecs. Mais Nico avait très bien su s’y prendre, et il avait rapidement aimé ça, l’alcool et le joint aidant à faire tomber les toutes dernières inhibitions.
    Il ne s’y était pas trompé. La dimension « entre mecs » donnait une toute autre ambiance à la scène. Elle autorisait plus de proximité, de complicité, de promiscuité, plus d’audace.
    Il avait eu envie de branler son pote, de toucher sa queue magnifique. Et il avait trouvé le moyen d’assouvir son envie. Et ça avait été tout aussi excitant, si ce n’est plus que sous les draps, dans le noir, la dernière fois.
    Inutile de se le cacher. Comme la dernière fois, il avait eu envie de la prendre en bouche. Envie comme jamais. Surtout en voyant Nico s’y livrer sans tabou et son pote prendre un plaisir si intense. Ce même plaisir que ce petit Nico lui offrait si généreusement.
    Ça faisait longtemps que Thibault imaginait le bien que Nico faisait à son pote et qui rendait ce dernier accroc au sexe entre garçons. Mais là, il le voyait, il le vivait, dans le plaisir de son pote ; il le ressentait dans le plaisir que Nico lui offrait.
    Savoir ce que son pote ressent lorsqu’il se fait sucer par un mec et ne pas pouvoir lui offrir… Thibault ressentait une frustration déchirante.
    Mais très vite le jeune mécano s’était senti désarçonné par ces pensées et il s’était fait violence pour les chasser de son esprit.
    Pour ce faire, il avait choisi la voie de la diversion. Le jeune pompier avait choisi de se perdre d’abord dans la fumette, cette fumette qu’il avait d’abord eu envie de rendre responsable de ces pensées absurdes, cette fumette dont il avait usé bien plus qu’à son habitude.
    Et il avait choisi de se perdre dans le plaisir avec Nico.
    Très vite, dans son esprit altéré, mais encore assez lucide pour ne pas perdre de vue l’essentiel, il s’était dit qu’il préférait se laisser aller au plaisir avec Nico, un plaisir intense, addictif. Un plaisir dans lequel il perdait pied petit à petit, un plaisir qui l’éloignerait, le soignerait de ce désir, interdit celui-là, pour son Jéjé.
    Oui, plus il se laissait aller au plaisir avec Nico, plus son esprit se libérait de la tentation pour Jéjé. Mais plus il se laissait aller avec Nico, plus il se rendait compte que ce plaisir était vraiment trop bon : le sexe, certes, mais aussi la tendresse, la complicité, la douceur, les regards, les sourires, les caresses, les petits mots.
    Très vite le jeune pompier s’était rendu compte que Nico était non seulement un très bon amant, mais également et avant tout, un garçon doux, sensuel, touchant, attachant, un garçon qu’on a juste envie de protéger, de rassurer, de caresser, de câliner, de serrer dans ses bras.
    Ce petit Nico l’avait tellement ému sensuellement qu’il avait très vite ressenti l’envie de lui rendre ce plaisir intense qu’il lui offrait si généreusement. Envie de le branler, de lui donner du plaisir, le faire jouir, de jouir avec lui.

    Dimanche 22 juillet 2001, 8h57, après la nuit passée avec ses potes Jéjé et Nico.

    Devant sa tasse de café désormais presque vide, Thibault se demande comment Jéjé peut se montrer si dur, se comporter si mal avec ce petit mec si mignon.
    Il se revoit enlacé à Nico pendant l’amour, il revoit le regard de Jéjé ; il sait qu’il est jaloux, même s’il ne veut pas l’admettre ; il est déstabilisé par le fait que lui, son pote, n’aille pas dans son sens avec Nico, qu’il ne le traite pas comme un objet sexuel ; et que, au contraire, il lui montre du respect, qu’il s’occupe de lui.
    Il revoit Jéjé se montrer humiliant, méprisant, presque violent avec Nico, à l’image des mots qu’il avait eu à son sujet le soir de la finale, et qui avait été l’objet de leur accrochage.
    Thibault regrette la brutalité de Jéjé. Et même s’il devine que cette brutalité n’est autre que l’expression de sa jalousie, il regrette qu’il l’exprime ainsi.
    Ce qu’il regrette également c’est que Nico ne réagisse pas non plus, qu’il se laisse faire, alors qu’il est très conscient du mauvais comportement de Jéjé.
    Comment s’immiscer ou prendre parti dans une relation de « couple », sans faire encore plus de dégâts ?
    Et puis, sans vraiment avoir eu le temps de réfléchir, tout s’était s’enchaîné, les corps s’étaient frôlés, s’étaient mélangés, les sens s’étaient emballé.
    L’envie de lui faire la morale s’était estompée face au désir, au fil des contacts répétés qui avaient provoqué comme des étincelles sur la peau et dans le ventre, au fil des regards qui s’étaient croisés, enflammés
    Oui, tout s’était enchaîné dans un tourbillon sensuel qui l’aspirait. Thibault et Jéjé front contre front, les mains sur le cou l’un de l’autre, perdus dans complicité qui les attirait, les sens bouillants, comme un rappel de ce qui avait failli se passer le soir de la finale après le barbec… et tout semblait ce coup-ci si possible entre eux… le plaisir que Nico savait offrir à chacun d’entre eux à cet instant, éloignant et exacerbant à la fois le feu qui brûle entre son pote Jéjé et lui-même.
    Le café terminé, le croissant avalé, les titres de la Dépêche Sport parcourus de fond en comble, ce mal au crâne qui ne l’a pas quitté. Le jeune pompier n’a qu’une seule envie à cet instant, cette de rentrer ; pour retrouver son lit et un bon antalgique.
    Ce qui lui manque, c’est l’envie de parcourir la distance jusqu’à son appart.
    La porte du café s’ouvre, un client rentre. Un petit courant d’air s’engouffre dans la salle. Le coton frotte contre le t-shirt et un énième début d’érection fait gonfler le boxer et le short du jeune mécano.
    Malgré les tracas, malgré son mal de tête, ses sens sont en éveil comme jamais. Il donnerait cher pour pouvoir recommencer avec ses deux potes. Si seulement c’était possible, si seulement le sexe n’était pas si difficile à mélanger avec l’amitié.
    « Tu ressens quoi, au fait, pour Jéjé ? » la question résonne dans sa tête, insistante, brûlante.
    « Jéjé est mon meilleur pote et c’est ça le plus important », voilà la réponse que le jeune pompier tente de se donner.
    Il sait pourtant que ce n’est pas une réponse tout à fait satisfaisante.
    « Ne te mens pas Thibault, ne commence pas à faire ce que tu n’as jamais fait. Sois honnête avec toi-même, c’est la seule façon pour faire les bons choix. Ou, du moins, les moins mauvais. ».
    Oui, Jéjé est son meilleur pote. Pourtant, il y a un « truc » entre eux, un « truc » qui les attire, qui les emporte. Thibault le sait, il le sent ; et Jéjé le sent aussi.
    Un « truc » qui s’était réveillé en lui depuis qu’il avait compris que son pote couchait avec Nico. Et qu’il avait réalisé que son pote Jéjé n’était pas qu’un mec à nana, mais qu’il aimait les garçons aussi.
    Depuis, le fait de savoir que son pote appréciait le contact avec un corps de mec, ça avait remué pas mal de choses dans la tête du jeune mécano.
    C’est pour ça aussi qu’il avait accepté ce plan avec les deux nanas. Et qu’il avait accepté de partager l’intimité de ses deux potes.
    « Tu ressens quoi pour ton pote Jéjé ? Et pour Nico ? » les questions résonnent dans sa tête, sans vraiment trouver de réponse stable et définitive.
    Pendant cette nuit avec ses deux potes, le jeune mécano avait senti cette envie dévorante pour son Jéjé. Mais il avait également découvert une envie inattendue, très différente, mais tout aussi puissante, pour Nico.
    Pendant que leurs corps, leurs plaisirs, leurs câlins se rencontraient, se mélangeait, Thibault avait réalisé que le contact avec Nico était pour lui une sorte de une révélation.
    Jamais il ne s’est senti aussi désiré, aussi « compris », aussi bien, tout simplement.
    La mauvaise foi de son pote lui sautait aux yeux. Nico n’est pas du tout le mec qu’il avait essayé de lui dépeindre.
    Non, Nico n’est pas juste un mec à qui on peut faire tout ce qu’on veut, sans se soucier de ses envies. Bien au contraire. Très vite Nico lui avait inspiré une irrépressible envie de lui faire du bien en retour. Nico lui avait apporté un mélange d’excitation et d’apaisement ; avec Nico, il sentait qu’il n’avait rien à prouver… Nico avait envie de lui faire plaisir… et cette envie le mettait à l’aise, lui donnait la même envie en retour.
    Avec Nico, pour la première fois, il n’avait pas eu peur d’être lui-même.
    Depuis sa dernière rupture, quelques mois plus tôt, Thibault avait perdu confiance dans les rapports humains. Il avait été très déçu, car il s’était beaucoup investi dans cette relation de 18 mois. Et il avait fini par perdre également confiance en lui-même.
    Thibault est un garçon excessivement fidèle, en amour comme en amitié ; quelqu’un d’excessivement rassurant, généreux, tellement rassurant et généreux que les gens, amis et partenaires, ont tendance à trop s’appuyer sur ses épaules, à trop attendre de lui, à considérer qu’il est un garçon solide, qui se suffit à lui-même, et ils oublient facilement de donner en retour, d’être présents pour lui.
    Thibault ne peut s’empêcher d’être un mec gentil, c’est dans sa nature. Pourtant, au fil du temps, il avait fini par réaliser que le fait d’être trop gentil, ça lui portait préjudice. C’était le cas avec ses potes, qui avaient parfois tendance à le considérer une sorte de grand frère à qui ils allaient se confier, sans jamais se soucier de ce qui pouvait le tracasser à lui. Ces potes pour lesquels il était toujours là, mais qui étaient souvent aux abonnés absents lorsqu’il avait besoin d’un retour d’ascenseur. Le seul garçon avec qui il entretenait une véritable amitié, c’était son Jéjé. Avec lui, il se sentait vraiment bien. Il savait qu’il pouvait compter sur lui si un jour le besoin devait se présenter. En attendant, Jéjé était son petit frère. Et le fait de veiller sur lui était un bonheur inouï à ses yeux.
    Mais là où sa gentillesse lui portait souvent préjudice, c’était avec les nanas.
    « Tu es trop gentil », il s’était entendu dire par son ex, en guise d’explication, en se faisant quitter. Trop gentil. Traduction : pas assez macho, pas assez con.
    Son « défaut » principal, en amitié comme en amour, était certainement celui de toujours tenter d’apaiser les conflits, de toujours éviter le clash, de ne pas chercher à s’affirmer assez fermement. Les coups de gueule, ce n’était pas dans son style. Thibault était un garçon très sensé, très solide, un garçon qui cherchait à arranger tout le monde, à dégager tous les obstacles et à arrondir tous les angles. Mais parfois, être tout le temps au petit soin, ne jamais se plaindre, ne pas montrer ses faiblesses, ne pas montrer et ne pas faire respecter ses propres envie ça peut être considéré comme un manque de caractère.
    Du coup, il ne savait plus trop sur quel pied danser avec les nanas. Jouer les coureurs, comme son pote Jéjé, il ne savait pas faire. Pourtant, les touches ne manquaient pas au jeune mécano, pompier, rugbyman : de nombreuses filles étaient sur le dossier « Thibault B. ».
    Le fait est que, les plans d’un soir, c’était pas pour lui. Rentrer avec une fille, coucher avec, se réveiller à côté d’elle, ou bien même se retrouver côte à côte juste après avoir joui, retrouver cette même fille en mode « je suis à la bourre, je dois y aller, on se rappelle (ou pas) », vraiment très peu pour lui.
    Thibault avait fini par se dire que, souvent, les filles cherchent un mec qui s’occupe d’elles, mais elles ne posent jamais la question de comment s’occuper d’un mec. Comme la plupart des mecs avec les filles. Dans ce domaine, la parité semble en passe d’être atteinte.
    Non, les relations superficielles, éphémères, ce n’était pas du tout la came du jeune pompier.
    Oui, ça faisait longtemps que le jeune mécano ne s’était pas senti vraiment à l’aise en couchant avec une fille. À chaque fois il n’arrêtait pas de se demander ce qu’il devait faire pour satisfaire l’autre, pour être à la hauteur, pour ne pas être « trop gentil ».
    Le fait est que, pour se sentir à l’aise au lit, le jeune pompier avait besoin de ressentir plus qu’une attirance physique. Il avait besoin de ressentir une proximité d’esprits, une complicité, l’envie réciproque de se faire du bien, en non pas juste l’envie de « prendre son pied chacun de son côté et de se tirer après ».
    Pour prendre son pied, il avait besoin de se sentir en confiance.
    Et c’est exactement ce qu’il avait ressenti au contact de son pote Jéjé et, de façon encore plus libérée, assumée, avec Nico.
    Voilà pourquoi cette nuit avait laissé un très fort arrière-gout de « reviens-y » dans le corps et dans l’esprit du jeune pompier…
    Comme après le plan avec les filles, et bien plus encore. Rien que d’y penser, il se sentait bander.
    Pourtant, il était bien conscient qu’il ne pourra rien se passer d’autre entre lui ses potes… ni avec Jéjé, ni avec Nico, ni même avec les deux.
    Pas avec Jéjé : pendant cette nuit, il avait réalisé que la complicité sensuelle avec son pote pourrait mettre en danger leur amitié. Une fois de plus, après un moment de sensualité partagé avec son pote, il se demandait ce qu’il devait ressentir de son côté, et comment il allait le retrouver.
    Il ne recommencera pas non plus avec Nico : car Nico est bien trop fou de Jéjé, et il ne renoncera pas à cet amour, même pour quelque chose de plus apaisé et plus tendre avec lui.
    De plus, pendant cette nuit il avait pris la mesure de la jalousie de Jéjé vis-à-vis de son Nico. Car, même s’il se comporte comme un idiot avec lui, Jéjé l’aime son Nico.
    Thibault se rendait bien compte que coucher avec l’un ou l’autre ce serait prendre le risque de perdre non pas un, mais deux potes. Le malaise vis-à-vis de l’un et la jalousie de l’autre auraient raison de leurs amitiés.
    Et il ne remettra pas ça non plus avec tous les deux, même si l’occasion devait se représenter : il sent qu’il s’attache trop à la sexualité de Jéjé, et à celle de Nico aussi.
    Pourtant, l’envie de recommencer est bien là. Thibault finit par se demander s’il est finalement gay, ou bi.
    Mais ce qui le tracasse le plus, c’est le fait de ressentir des envies qu’il ne pourra pas assouvir, ni exprimer.
    Chacun à leur façon, Jéjé et Nico se sont confié à lui. Mais lui il ne pourra jamais se confier à eux. Ni à personne d’autre. Il ne peut compter que sur lui-même, condamné à jouer éternellement le rôle de bon pote, dans une double relation d’amitié qui s’est ouverte à autre chose.
    Il se demande s’il aura la force de prendre sur lui et de ne rien laisser paraître.
    Thibault se dit que cette nuit a été une erreur, une erreur qu’il aurait pu empêcher en étant plus fort, en résistant à ses tentations, en partant juste après la proposition de son pote de se joindre à eux, la première fois qu’il l’avait annoncé, partir quand il était encore temps.
    Oui, cette nuit a été une erreur, une erreur pour laquelle il s’en veut terriblement, une erreur qui ne se répétera pas, certes.
    Mais une erreur qui risque fort de bien compliquer les relations avec (et aussi « entre ») ses deux potes.
    Oui, comment retrouver Jéjé maintenant ? Il craint que son pote puisse lui en vouloir à cause de cette complicité aussi intense qu’inattendue avec Nico. Et puis, il y a ce truc si intense entre eux. Il l’a branlé, il s’est laissé branler.
    Comment retrouver Nico ? Comment reprendre le fil de leur amitié après ça, alors que le corps frissonne encore de plaisir ?
    Pourvu que Nico ne soit pas jaloux de sa complicité sensuelle avec Jéjé et qu’il ne se soit pas senti trahi, qu’il ne se soit pas senti un « moyen » pour lui d’approcher la sexualité de son pote Jéjé.
    Thibault se dit que, même si leurs relations survivent à cette nuit, rien ne pourra plus être comme avant, ni avec Jéjé, ni avec Nico.
    Le sexe entre potes est sacrément bon… mais qu’est-ce que ça fiche comme bordel après coup…
    Il se dit qu’il lui faudra redoubler d’efforts pour garder bonne impression face à ses potes, pour faire comme si tout allait bien. Alors que dans sa tête c’est le tsunami.
    Thibault sait qu’il ne doit, qu’il ne peut pas céder à ces envies, car, même s’il a pu prendre part à un épisode de leur histoire en tant qu’invité spécial, cette histoire leur appartient.
    Les personnages principaux de cette histoire sont Jéjé et Nico, et lui, Thibault n’est qu’un second rôle tout juste crédité au générique de fin.
    Ça crève les yeux, il y a bien plus que du sexe entre ces deux bonhommes, si différents, mais si proches. Ils sont faits pour être ensemble.
    Thibault sait ce qui lui reste de mieux à faire, les aider à se donner une chance. Mais il sait aussi qu’il va devoir la jouer fine.
    Il lui faut d’abord trouver le moyen de parler à Jéjé pour qu’il change son comportement avec Nico, sans quoi un gros clash est à prévoir, un clash qui laisserait son pote de toujours complètement désemparé, en proie à ses démons, un clash qui anéantirait Nico.
    Il regrette de ne pas avoir réagi plus fermement avec son Jéjé, de ne pas lui avoir dit clairement qu’il n’avait pas à se comporter de cette façon avec Nico, pour aucune raison.
    Mais il y a un temps pour tout, et sur le moment il avait estimé que ce n’était pas la chose la plus maline à faire. Mais il sait qu’il va devoir parler à son pote de tout cela.
    Et au même temps il lui faudra être à l’écoute de Nico, tout en évitant de lui montrer ses sentiments, ses faiblesses, il lui faudra l’épauler et l’encourager à se donner les moyens de faire tomber les remparts de Jéjé.
    Thibault sent que ces remparts sont en train de se fissurer de toute part et qu’il suffit un coup bien placé pour tout faire tomber comme un château de cartes et mettre son pote à nu. Il faut juste trouver le moyen adapté, le bon timing, la bonne occasion pour le faire.
    Thibaut sait que, lorsque ses deux potes se seront vraiment trouvés, il lui faudra prendre de la distance. Ça risque d’être difficile, mais il le faudra pourtant, trop dur pour lui de les voir heureux, ensemble.
    Le jeune mécano se dit qu’il devrait être heureux pour eux. Mais leur bonheur exclut le sien. Alors, il ressent le besoin de se mettre en retrait pour se protéger, pour tenter de soigner ses blessures.
    Sur cette décision, le jeune pompier quitte le café, tandis que son mal de crâne commence enfin à s’estomper.
    On est de suite soulagés lorsqu’on prend une décision. Même si on ne sait pas si on arrivera à la mettre en pratique.

    Dimanche 15 juillet 2001, après le barbec chez l’entraîneur, 4h31.

    Thibault se poste juste devant son pote et le serre dans ses bras. Une étreinte sans mots, qui dure une poignée de secondes.
    Intense bonheur que de serrer son pote dans ses bras, sentir ce torse musclé contre le sien, ses biceps contre les siens, sa joue contre la sienne ; sentir sa respiration ralentir, ses angoisses se calmer, sa colère refluer.
    Intense bonheur et brûlante torture que de le sentir si proche, sentir le parfum de sa peau, la chaleur de son corps.
    Thibault se sent bander. Il veut reculer, mettre fin à cette accolade, mais son pote le retient.
    Les bras de son pote l’enserrent à leur tour, très fort ; les pecs, les bosses se frôlent. Il arrive à sentir l’érection de son pote.
    Les bras de son pote sous ses propres bras, remontant dans son dos, les mains croisées derrière son cou, les maintenant fermement front contre front, nez contre nez, souffle contre souffle, peau contre peau, pecs contre pecs. Deux respirations haletantes, deux tentations, deux attirances brûlantes, deux envies de mecs, deux hésitations…
    Et tant d’interrogations dans la tête du jeune mécano.
    Qu’est-ce qu’il cherche ? De quoi a-t-il envie ? Pourquoi ? Quel rôle jouent l’alcool, la fumette, sa tristesse, le manque de son Nico dans ce qu’il semble envisager à cet instant ? Est-il bien raisonnable de se laisser aller, et après ?
    Le jeune pompier pense à ce qu’il pourrait ressentir après ça… va-t-il le regretter ? Comment va-t-il se sentir après ça si, un fois de plus, il va falloir faire comme si de rien ne s’était passé ? Arriverait-il à faire face ?
    Plus le temps de réfléchir, le nez de son pote se frotte contre le sien. Les lèvres de son pote cherchent les siennes.
    Les mains, les lèvres parcourent la peau, les désirs s’enflamment, son pote l’attire à lui de façon de plus en plus ferme, affirmée, les corps se cherchent, s'enlacent, les désirs se libèrent…
    Les corps se cherchent, s’enlacent, les mains caressent des bosses bien saillantes et chaudes, celles de Jéjé défont fébrilement sa braguette, dévoilent le coton tendu de son boxer, ainsi que des envies très claires. Elles remontent tout aussi fébrilement le long des bras de Thibault, impatientes, comme pour lui donner la marche à suivre. Elles redescendent, descendent le jeans et le boxer, libèrent la queue de sa prison de coton.
    Des odeurs chaudes de mec se dégagent, arrivent très vite aux narines de Thibault. Sa main se pose sur le manche tendu de son pote, son désir s’emballe, il est sur le point de se laisser aller à ce bonheur tant attendu et finalement à sa portée.
    Il s’apprête à satisfaire l’envie de son pote si clairement exprimé. Ses genoux se plient, son visage n’est plus qu’à hauteur des pecs de son pote. De ses abdos. Il sent le sang pulser dans la queue chaude de son pote.
    Mais à la toute dernière seconde, le jeune pompier se relève, s’éloigne.
    « Je ne peux pas. Je suis désolé, Jé… ».
    Il regarde son pote, le jeans et le boxer sur les genoux, la queue raide, le regard ahuri. Il sait qu’il vient de faire une énorme connerie.
    Il vient de quitter la poignée chaude et raide de son pote et il saisit la poignée froide de la porte d’entrée.
    Son pote lui attrape fermement le bras pour le retenir.
     « Tu fais quoi là ? ».
    « Je suis désolé… ».
    « T’en avais envie l’autre nuit… ».
    « Tu as eu raison de m’arrêter… ».
    « Viens me sucer, putain ! » fait Jéjé en l’attirant violemment à lui.
    Thibault est à nouveau face à son pote. Il voit à quel point il est saoul, à quel point il a envie de ça, envie primaire. Bien sûr qu’il en a envie, lui aussi, il en a terriblement envie… l’odeur de sa peau et de son sexe monte à ses narines. C’est au prix d’un effort colossal qu’il se retient de céder à son envie déchirante.
    Oui, Thibault en a très envie… mais pas comme ça… pas à cause de l’alcoolémie, de la tristesse, du désarroi, de l’absence de Nico, pas en faisant ça dans le dos de Nico.
    Jéjé porte une main sur le cou de son pote pour le pousser vers sa braguette.
    « Je ne peux pas ! » fait Thibault en résistant à la force de son pote et en se dégageant à nouveau.
    « T’es vraiment con ! » balance Jéjé en balançant violemment le biceps du jeune mécano.
    « Passe une bonne nuit, Jé… » fait Thibault en passant la porte, fuyant le regard de son pote.
    « C’est ça. Va te faire voir, connard ! » avait été le dernier mot de Jéjé pendant que Thibault quittait l’appart quelques instants plus tard, comme jamais il ne l’avait quitté, avec un sentiment mixte de colère, de tristesse, de désolation, d’excitation et de frustration.



  • Commentaires

    1
    Yann
    Vendredi 21 Juillet 2017 à 15:24

     

    Même si ce n'est qu'une histoire elle m'a vraiment touché par son réalisme. Un réalisme qui, par de multiples similitudes, me renvoie des années en arrière. A cette frontière, mal définie quand on est jeune, qui sépare une amitié sincère et profonde entre potes et ce qui va bien au-delà de la simple amitié : le désir de partager plus. Cette chose que l'on découvre en suivant son instinct là où il nous guide sans encore vraiment parvenir à la comprendre. Un instinct qui nous porte et dont on ne maitrise pas l'orientation qu'il donne à nos envies. La crainte de briser une amitié par des signes trop explicites avec le risque que, ce qui relève de l'intime, soit révélé à tout le monde et parallèlement l'attente d'un signe, comme une invitation de l'autre à aller plus loin qui ne vient pas, qui ne viendra jamais. Le plaisir d'être très proche  de celui qu'on désir et la douleur de ne pas lui faire partager tout ce que l'on voudrait et que l'on ressent. La seule différence entre cette histoire et la mienne est que mon pote ne semblait pas attiré par les garçons alors que moi je l'étais au point d'en être fou amoureux. Les nuits à me branler en pensant à lui et les nuits à pleurer sur cet amour impossible. Jerem et Thibaut découvrent tous les deux là où leur instinct les dirige tout en réagissant bien différemment.


    Jérem se défends d'être PD du fait que c'est Nico qui l'a branché. Nico qu'il rabaisse à une petite pute pour encore mieux se rassurer. Sauf que sont trouble grandit au fur et à mesure qu'il se rend compte qu'il aime cela et qu'il en redemande.


    Pour Thibault, en mec bien dans ses pompes,  son attirance pour son pote ne semble pas le troubler plus que cela. Sa seule crainte, pour ne pas risquer de briser son amitié avec Jerem, était de ne pas trop se dévoiler et d'attendre un signe de lui en retour. Depuis qu'il connait Nico et sa relation avec  Jerem cette crainte a cédé la place à de nouvelles préoccupations. Son attirance pour Nico chez qui il apprécie la gentillesse, sa sensibilité et sa tendresse mais aussi, pour d'autres raisons, son attirance pour Jerem son pote de toujours avec la crainte de tout gâcher entre eux trois.


    Un grand merci Fabien pour ce bel épisode si touchant


    Yann


     

     

     

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    2
    Etienne
    Lundi 24 Juillet 2017 à 23:17

    Super Fabien !

    Très impatient de savoir si Thibault arrivera à prendre de la distance et à s'en tenir à sa décision...

    Mais je soupçonne que le voir assumer ses envies profondes, que ce soit avec Jéjé ou encore plus avec Nico pourrait être fort intéressant...

    Vite la suite !! (enfin, quand tu peux !!!)

    Etienne

    3
    Dimanche 13 Août 2017 à 19:55
    Super épisode ! Il est excitant et aussi touchant.
    J'ai beaucoup aimé la tirade de Jerem contre Nico. Bien sûr c'est énervant dans un certain sens qu'il s'en prenne à Nico comme ça mais on comprend bien que c'est pour lui la seule "solution" pour se voiler la face.
    Après cet épisode le suspens est vraiment à son comble.
    4
    Jeudi 25 Juin 2020 à 19:07

    Retrouver Thibaut est toujours la perspective d’un épisode interessant en raison de sa proximité avec les deux héros. 

    Ces personnages sont tellement vivants que quelque part, on se retrouve avec des petits bouts de nous dans chacun d’eux.

    On peut lire une histoire romanesque mais aussi une sorte de manuel d’apprentissage de la vie. 

    Il y a des épisodes qui élèvent et d’autre qui abattent. Celui là fait partie de la deuxième catégorie.

     

    La perception des choses n’est pas objective, elle dépend de l’information qu’on reçoit et elle change d’épisode en épisode. Pourtant Thibaut ne change pas vraiment 

     

    « Thibault sait qu’il ne doit, qu’il ne peut pas céder à ces envies, car, même s’il a pu prendre part à un épisode de leur histoire en tant qu’invité spécial, cette histoire leur appartient. 

    Les personnages principaux de cette histoire sont Jéjé et Nico, et lui, Thibault n’est qu’un second rôle tout juste crédité au générique de fin ».

     

    Au moins c’est clair. On peut aussi remarquer une règle évidente qu’on ne voit pas toujours. Le généreux attire l’égoïste, ou l’inverse. Le généreux donne et l’égoïste reçoit, c’est dans l’ordre des choses. Si tu n’as plus trop confiance dans les rapports humains, ça ne va pas s’arranger. On t’a donné un caractère généreux, altruiste et on t’a donné deux beaux spécimens d’égoïstes. 

     

    Jérém, tu l’aimes, tu le mets en valeur, mais après qu’il ait devant toi exprimé son mépris des suceurs de bites, il voudrait bien que tu suces la sienne. Et en plus il te dit même que t’en crèves d’envie. Ce qui montre que sa conscience n’est pas si altérée que ça. 

    Et une fois qu’il a décuvé, il ne fera pas un pas vers toi. Tu l’as mal habitué et son égo passe avant ta sensibilité. 

     

    Et le petit Nico? si tu enlèves le « petit » qui fausse le regard, Jérém n’a pas tort dans sa description. Quand il vient te voir, c’est toujours intéressé et oui, on claque des doigts et il rapplique à n’importe quelle heure. Ce n’est pas très classe de dire ça, et ne reflète pas tout mais on ne peut pas dire que ce soit faux non plus. 

    Avant que tu ne lui donnes des photos de Jérém, lui fantasmait sur ta bite pendant que tu prenais ta douche. 

     

    Moi, je te prendrais bien chez moi, mais tu es peut être trop beau, trop gentil pour exister vraiment. 

    C’est peut être pour ça que Fabien te traite si mal. 

     

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