• 27 Drôle de nuit pour Nico p2

     

    Précédemment dans « Cinquante nuances de Jérémie » : une drôle de nuit d’amour et de tendresse venait de se dérouler entre Nico et le beau brun ; des caresses inédites, inattendues avaient été tentés d’une part et d’autre ; face a tant de surprise, dans la tête de Nico c’était carrément la fête… Le vent qui souffle, la pluie qui tombe, une chambre d’étudiant plongée dans la pénombre, des gestes tendres et sensuels vécus sans laisser les mots gâcher l’instant magique… un baiser hésitant avait été posé sur les lèvres de Nico… un nouveau choix à faire pour Nico à la fin de cet épisode (cette fois-ci c’est la bonne)… Nico compte sur vous !

     

    Je n’ai toujours enfilé que mon caleçon et mon t-shirt que j’entend Jérém fermer la porte fenêtre et baisser le store replongeant la chambre dans une pénombre plutôt sombre. Je suis en train d’enfiler mes chaussettes quand je sens le poids du corps de Jérém enfoncer le matelas dans mon dos… et je suis en train de chercher mon jean quand j’entends dans mon oreille presque un chuchotement accompagné pas son souffle chaud caressant mon cou :

    Restes… t’en va pas…

    Je le savais… je suis dans mon lit en train de rêver… je me disais bien que tout ça ce n’était pas possible, que c’était le fruit de mon imagination…

    Je suis tellement interloqué que je laisse mon pantalon tomber sur mes chevilles… la boucle en métal de ma ceinture percute le sol dans un bruit aigu qui a le pouvoir de me secouer de mes rêveries et de me replonger dans le réel…

    Je me retourne, incrédule, je le regarde… pourtant… pourtant il est bien là… il s’est glissé sous la couette et dans la pénombre je ne vois plus que le haut de ses pectoraux dépasser, ses bras, son cou, sa tête posée sur l’oreiller ; son visage est tourné de trois quarts vers la porte fenêtre, je ne peux pas capter son regard perdu dans le noir presque complet…

    Bah, non Nico, tu n’as pas rêvé… il t’a bien demandé de rester… maintenant, si tu en as vraiment envie, faudrait réagir et vite, sinon il risque de changer d’avis… Jérém n’est pas le mec qui va finir par quémander quelque chose qu’il a envisagé et qui ne lui est pas donné tout de suite… surtout ce genre de chose… surtout après le combat qui a du mener à l’intérieur pour aboutir à ces mots, à cette demande…

    Je rattrape mon jean, je fouille dans la poche et j’en retire mon portable : les mains tremblotantes, j’envoie un message à ma mère :

    Tout va bien je dors chez Dimitri

    Il a bon dos Dimitri… ça fait au moins 6 mois que je ne l’ai pas vu… si un jour ma mère tombe sur la sienne… mais peu importe, tout ce qui compte c’est que mon portable ne sonne pas au milieu de la nuit et ne pas devoir répondre à la question la plus désagréable qui soit quand on est dans ce genre de situation : « T’es où ? ».

    Je me dessape à nouveau, en gardant juste mon caleçon. Un instant plus tard je me glisse sous la couette et je suis dans le lit à coté de mon beau mâle. Jérém reste immobile, le regard perdu dans le vide… je ne sais pas comment procéder, je ne sais pas ce qu’il attend de moi… il m’a demandé de rester, mais est-ce qu’il a toujours envie que je lui fasse des câlins ??? Son attitude semble quand même un peu différente depuis qu’il a fumé sa cigarette… quoi faire ?

    Ce soir là encore, la réponse viendra de lui.. la réponse à mes questions est toujours venue de lui et de lui seul et elle viendra toujours de lui, ce soir là comme pendant tout le temps que le destin nous permettra de partager. Jérém se retourne sur son flanc droit, m’offrant une vision très sensuelle du haut de son dos, de ses épaules… pendant un instant, il reste immobile… dans ma tête, mes questions deviennent encore plus insistantes et explosives… et puis je sens la couette bouger… c’est son bras qui est en train de bouger… sa main s’approche de moi… elle trouve ma main… elle la saisit, doucement mais fermement… le message est clair, il m’attire à lui… oui, le message est clair et il est tellement beau que je sens ma gorge se nouer… les larmes monter aux yeux… je suis le mec le plus heureux de la Terre… son geste n’est plus un ordre… c’est une invitation, tout ce que je peux imaginer de plus tendre et de plus adorable… je ne suis toujours pas sûr que ce que je vis est bien réel… je plane, impatient de connaître la suite…

    C’est moi qui vais l’écrire cette suite, quand mes doigts se resserrent autour des siens et que je laisse mon corps aimanté par le sien pivoter sur le flanc et aller se coller contre son dos. Non, décidemment je commence à penser que j’ai passé l’arme à gauche et que, par une erreur administrative, je me suis retrouvé au Paradis…

    Ah, oui, ça doit être ça… me voilà dans le lit de Jérémie, mes jambes contre les siennes, mon bassin contre ses fesses musclées, mon ventre contre son dos, mes bras enlacés autour de son torse, ma main gauche à plat sur ses pectoraux en béton armé… et sa main qui vient se coller sur la mienne, ses jambes qui s’entremêlent aux miennes… je ne parle même pas de la douceur de sa peau… de la chaleur de son dos… du parfum de son déo… du contact de mon visage dans le creux entre son cou et l’épaule… du bonheur extrême de porter mon corps tout entier en contact avec le sien ; et, qui plus est, de le faire à sa demande…

    Le vent souffle toujours violemment contre le store qui s’agite bruyamment. La tempête souffle dehors, elle a l’air d’empirer… la fin du monde pourrait venir, je sais que rien ne pourrait m’arriver car je suis dans cette petite chambre bien au chaud sous la couette enlacé à l’homme que j’aime… autour de nous la ville pourrait se transformer dans une ville fantôme, je n’en aurais cure…

     

    Maybe it was all too much/Too much for a man to take/Everything's bound to break/Sooner or later, sooner or later
    You're all that I can trust/Facing the darkest days/Everyone ran away/But we're gonna stay here/We're gonna stay here

     

    Un rêve je vous dis, un rêve… je me sens comme le dernier homme sur terre, le dernier homme avec mon homme… je me blottis un peu plus contre lui, je le serre un peu plus dans mes bras et j’ai l’impression que sa main se resserre un peu plus autour de la mienne… je sens sa respiration contre ma peau, dans ma peau, dans mon ventre… je sens que ma respiration est en train de se régler au rythme de la sienne… je sens que je fais un effort surhumain pour me retenir de me mettre à chialer…

    Et puis à un moment, je crois devenir fou, je crois que mes sens me jouent des tours… je sens sa main trembler sur la mienne… je sens son corps comme secoué par une vibration, un tremblement léger mais perceptible… je sens sa respiration changer, devenir irrégulière… oui, je crois délirer… je sens sa respiration s’emballer, devenir rapide, profonde, angoissée… et à un moment… à un moment j’aurais juré l'entendre respirer très fort dans le noir… si je ne savais pas que c’est Jérém que je tiens dans mes bras, je jurerais l’avoir entendu étouffer des soupirs…

    J’ai trop envie de lui parler, de le rassurer, de savoir ce qui se passe dans sa tête à cet instant… j’ai envie de lui faire encore plus de câlins… de lui montrer que je suis là et qu’il peut se laisser aller… mais je sais, je sens qu'il n’est pas prêt à s'ouvrir à moi, pas encore, pas cette nuit… je sais qu’essayer de forcer son intimité, de lui parler, de lui poser des questions, de trop lui montrer ma présence, en lui signalant au passage que je suis témoin de ce moment d’angoisse, ça le mettrait en pétard et ça serait tout juste bon pour me faire jeter. Le brusquer ne servirait à rien à part à le pousser à s'enfermer et gâcher cet instant magique.

    Je décide de respecter sa dignité, sa fierté. L'homme qui vient de me défendre en jouant de ses gros bras, l'homme qui vient de jouir en moi, cet homme est en train de sangloter dans mes bras... nous ne sommes plus que tous les deux et je suis le seul à veiller sur lui, le gardien silencieux de ses jours, de ses nuits… seuls, seuls dans un paysage de fin de monde, seuls dans la ville fantôme…

     

    I...I... I know you're scared tonight/I...I... I'll never leave your side
    Maybe it was all too much/Too much for a man to ta
    ke/Everything's bound to break/Sooner or later, sooner or later


    Je sens ma tête tourner, mon cœur s’emballer, mon souffle s’étrangler dans ma gorge… je suis un garçon de 18 ans profondément romantique et alors… qu’est ce que j’ai envie d’y croire… croire que ce qui s’est passé cette nuit, depuis son irruption dans les chiottes de l’Esmeralda jusqu’à que sa main se pose sur la mienne dans cette étreinte sous la couette, croire que tout cela soit le début d’une nouvelle phase de notre histoire… la fin de la baise et le début de l’amour… sacré Jérém, il m’a enfin montré qu’il en est capable, capable de se montrer aimant, tendre…

    Oui, j’ai envie d’y croire, j’ai besoin d’y croire… besoin de tenter de faire taire cette petite voix au fond de moi qui me dit que je suis en train de vivre quelque chose qui ne survivra peut être pas à cette nuit où rien ne s’est passé comme prévu… cette petite voix qui me répète incessamment que si la carapace de Jérém s’est fendillée ce soir, sous l’effet de plusieurs émotions, d’un cheminement intérieur dont j’ignore à peu près tout, voilà que demain, à la lumière du soleil, les brèches se colmateront comme par magie, il les masquera avec son insupportable arrogance de jeune coq et il ne sera plus du tout question de laisser entrevoir des blessures, des fêlures… non, cet état de grâce où Jérém a besoin de tendresse, où il accepte de la recevoir, où il se pousse même à la demander et même jusqu’à m’en donner, cet état de grâce ne durera pas… c’est un flash, une parenthèse, genre une éclipse solaire totale ou un passage de comète… oui, cette magnifique comète qu’est son regard charmant un peu triste posé sur moi pendant presque toute la durée de cette nuit magique…

    Croire que tout cela a un sens, qu’au fond je ne suis pas que son vide couilles… on ne demande pas à un vide couilles de rester dormir, de se serrer contre soi… naaaan, on ne le regarde pas comme il m’a regardé ce soir là un instant avant de jouir en moi… on n’essaie pas de l’embrasser avec l’intensité et l’hésitation qu’il m’a montrée… non… on ne demande pas à sa main, à sa queue ou à ses abdos de donner du plaisir à un vide couilles…

    Oui, j’ai besoin d’y croire… alors je me concentre sur l’électricité qui parcourt tous mes sens… je me concentre sur le contact de sa peau avec la mienne, sur la chaleur de son corps qui me chauffe la peau et le cœur, je me concentre sur la pression de sa main que je charge de significations qui n’en sont peut-être pas, je me concentre sur son parfum, sur la douceur de ses cheveux… je m’enivre de lui jusqu’à m’échapper du réel, je chasse ma conscience et je plane… ce n’est plus la réalité que je perçois à cet instant mais un monde de bonheur idéal… et c’est peut-être cela la meilleure façon de jouir de ce moment, oublier la raison pour lui empêcher de tout gâcher avec ses projections, avec ses questionnement sur l’avenir… ce moment est tellement beau qu’il faut le vivre au présent, sans me demander si Demain saura tenir les promesses que cette Nuit semble prodiguer d’une façon plutôt désinvolte…

    Je suis complètement shooté à cette drogue puissante, le « Jérém », une drogue aux effets incontrôlables… je suis malade, malade de lui… malade comme devant la beauté d’une œuvre d’art sublime… car, sans hésitation aucune, Jérém est mon œuvre d’art à moi… une multitude d’œuvres d’art vivantes ressemblées en lui, dont le catalogue non exhaustif a de quoi donner le tournille… ces ouvres d’art portent le nom de « Jeunesse insolente », « Beauté indicible », « Sourire ravageur », « Charme dévastateur », « Harmonie anatomique », « Perfection masculine », « Voix grave », « Parfum entêtant », « Odeur de mec », « Sexualité débordante », « Brun ténébreux » … et puis, tout dernièrement ajoutée au catalogue, suite à une découverte fortuite, une œuvre majeure jusqu’à là inconnue : « Sensualité et tendresse ».

    Oui, Jérém est une véritable œuvre d’art à mes yeux, une œuvre d’art vivante que ce soir là a besoin qu’on s’occupe d’elle, qu’on la soigne, une œuvre d’art qui a besoin d’une présence à ses côtés, une présence et de rien d’autre. De MA présence.

    Je sens qu’il y a beaucoup de noir tapi au fond de lui, beaucoup de colère réprimée et macérée dans le temps… suite aux événements inattendus de ce soir là, elle est en train de ressortir, de remonter de sa conscience… et ça a l’air de lui faire un mal de chien au passage… d’où est-ce qu’elle vient cette colère, ça, je ne sais pas, pas encore à ce moment là… mais je sais qu’elle est en lui, je le sais, je le sais depuis longtemps.

    J’ai vu cette colère et cette noirceur se déchaîner parfois sur moi, pendant nos baises… je l’ai vu me dominer, prendre du plaisir à m’humilier, j’ai vu de la rage dans certaines de ses attitudes… je l’ai vu s’emporter soudainement car j’ai tenté une caresse, un baiser… j’ai vu sa façon de prendre son pied, comme en l’imposant, en le volant…

    Je connais cette colère, pour l’avoir vue surgir dans ses mots, dans ses réactions… mais ce soir là j’ai vu cette colère jaillir encore plus forte et soudaine, arriver comme un tsunami, en une seconde, lors de son entrée dans les chiottes de l’Esmeralda… certes, le danger était bien réel, pour moi d’abord, pour lui ensuite, à partir du moment où il a pris ma défense… oui, le danger était bien là… mais quand même… il me semble que Jérém est monté vite dans les tours… il a vite cherché la confrontation… la bagarre… certes, avec ce genre d’énergumène imbibé d’alcool, ce n’est pas avec de la belle prose qu’on va faire entendre raison… cependant, l’attitude de Jérém m’a eu l’air volontairement et excessivement provocatrice… d’entrée… une petite voix en moi me dit que Jérém avait flairé la bagarre et qu’il en avait été ravi… ravi à l’idée de se mettre en danger, de jouer des mains, de faire ressorti cette rage profonde et mystérieuse… dès lors, la situation ne pouvait pas ne pas tourner à l’affrontement…

    Oui, Jérém est un garçon à fleur de peau : il monte vite en régime, comme si la machine s’emballait et trouvait soulagement dans l’expression même de cette colère, dans la violence, qu’elle soit verbale ou physique… une fois sa rage lancée à toute vitesse, Jérém a du mal à revenir dans ses gonds et à retrouver le calme… une fois que cette colère refait surface, une fois qu’il en est envahi, il a du mal à s’en débarrasser, à la faire redescendre…

    Jérém s’est jeté sur le mec comme une bête enragée… je revois sa façon de le balancer si violemment contre la cloison en plastique, de le coincer si brutalement, si méchamment… son bras retourné dans le dos si étiré que j’avais l’impression que son épaule allait se déboîter… le mec était déjà immobilisé mais Jérém semblait vraiment vouloir l’humilier, lui faire mal…

    Je repense à son dernier coup dans les reins du type, inutile et surfait, alors qu’il s’était déjà excusé, qu’il avait déjà pas mal rabattu sa fierté… je repense à son expression d’animal enragé qui n’arrivait pas à se résoudre à rentrer ses griffes, ou à sa façon de le balancer vers la porte de sortie…

    Soudainement, je repense à la phrase glissée par Thibault en boite de nuit : « … tu sais, des fois il est un peu… un peu dur avec les gens, mais au fond c’est un gentil garçon… il n’a pas toujours été heureux, faut pas lui en vouloir… »… alors ça fait « tilt » dans mon esprit… 

    Maintenant je sais que cette colère est au plus profond de lui, prête à bondir comme un fauve… et maintenant que je sais qu’elle n’est pas forcement dirigée contre moi, qu’elle doit puiser sa férocité dans son passé, dans la souffrance d’une blessure non guérie… je le trouve tellement attendrissant que j’abandonne tout grief à son encontre, je lui pardonne en bloc tous ses excès, toutes les humiliations qu’il m’a infligées… je me rends soudainement compte que son comportement n’est peut-être que l'expression maladroite et d’un mal-être profond et ancien...

    Et maintenant que je sais pour sûr que Jérém est définitivement humain car capable d’autre chose que de baise brutale, maintenant que je sais qu'il recèle une grande détresse au plus profond de lui, j’entrevois l’abysse qui se profile devant moi… J’ai terriblement envie d’en savoir plus sur son passé, sur ses souffrances… envie de rentrer dans sa vie, dans son jardin secret si inaccessible…  

    Ce soir là je renonce à aller plus loin ; mais si sur l’émotion du moment j’arrive à me résoudre à laisser mes questions en suspens, je sais pertinemment que si notre rapport est destiné à prendre le chemin qui semble se dessiner à ce moment là, je ne résisterais pas longtemps à la tentation de chercher à connaître les causes de sa souffrance et à essayer de la guérir… c’est le propre de l’être amoureux, de l’être aimant, se sentir investi de la mission dont personne ne l’a chargé, celle de sauver l’être aimé. 


    I know we're alright/Cause we'll never be alone/In this mad mad, in this mad mad world
    Even with no light/We're gonna shine like gold/In this mad mad, in this mad mad world
     

     

    Oui, j'étais un jeune homme naïf et amoureux pour avoir la prétention de pouvoir aider qui que ce soit, et qui plus es l'homme que j'aimais, à guérir d'un passé qui m’était par ailleurs inconnu. Mais quand on est amoureux on a l'impression que tout est possible ; et que le pouvoir de l'amour, notre pouvoir, est tout puissant…

    C’est illusoire que l'amour puisse guérir quoique ce soit. Au mieux, il peut faire momentanément oublier, anesthésier l’esprit, mais jamais guérir… l’amour peut faire cela, apaiser… tant qu'il dure. Il n’existe guère de remède pour nos blessures profondes : elles ne guériront jamais, le mieux qu’on puisse faire, c’est apprendre à vivre avec…

    Pourtant… qu’est ce qu’il me touche ce petit con, qu’est ce que je le trouve attachant… sexy et touchant… attendrissant même… comme un enfant, l’enfant qui refait surface en lui… quand on cherche bien, il y a toujours au fond de nous, de nous tous sans exception, un petit enfant qui pleure… on essaie de le cacher de différentes manières, avec l’humour, avec la froideur, avec la distance, avec l’agressivité, avec l’indifférence, derrière une carapace, le noyer dans l’alcool, l’effacer avec toute sorte de substances, avec le sexe… mais cet enfant est toujours là, même si on arrive parfois à l’oublier… cet enfant est toujours là, même dans le cœur, à l’apparence très froid, d’un Jérémie T. Un cœur que cette nuit là s’était ouvert… sans un mot, juste laissant sortir un peu de cette tension trop longtemps refoulée…

    Son corps est toujours secoués par des respirations profondes, par des frissons… mon beau brun n’arrive toujours pas à se calmer… j’ai à mon tour envie de pleurer, de pleurer avec lui… j’en ai une envie folle mais j’étouffe mes sanglots pour ne pas qu’il se rende compte que je l’écoute pleurer... je pleure quand même, en silence… des larmes finissent par glisser de mes yeux sur son épaule... j’ai envie de lui faire un million de câlins…

    C’est à contrecœur, en me faisait violence, que je ne bougerai plus un seul cheveu, ma respiration se fera la plus discrète possible, je ferai même semblant de dormir… j’écouterai sa tristesse parcourir son corps pendant un long moment, attendri, touché dans mes tripes… la tentation de lui montrer ma présence si forte, ma volonté la bridant de justesse, je m’imprégnerai de sa souffrance, qui deviendra la mienne…

     

    When it all falls, when it all falls down/I'll be your fire when the lights go out/When there's no one, no one else around/We'll be two souls in a ghosttown/When the world gets cold/I'll be your cover/Let's just hold/Onto each other
    When it all falls, when it all falls down/We'll be two souls in a ghosttown


    Je me dis que tout ça est bien trop beau pour être vrai, trop beau surtout pour être durable… je me dis qu’un jour il va regretter cette faiblesse d'un soir et surtout il va regretter de m’en avoir rendu témoin… je me rends compte qu’il est épuisé autant physiquement que moralement et peut-être tous simplement il « subît » ma présence comme le moindre mal, un mal plus supportable que la solitude… ce soir là il « subît » ma présence tout en tirant un certain réconfort, mais un jour il va s’en vouloir et il va m’en vouloir…

    Je sais que ce changement si brusque et soudain va me péter à la figure et que je vais payer ce moment délicieux, ce moment pendant lequel j’ai presque l’impression de « profiter » de sa faiblesse passagère… hélas… je ne peux rien faire d’autre que m’abandonner… à savourer ce moment jusqu’à la dernière seconde… je finis par m’endormir dans ses bras et à ce moment je me dis que je suis le mec le plus heureux de l’Univers…

    Je me réveille un peu plus tard dans la nuit alors que le vent semble s’être remis à souffler comme un dingue… je me réveille en me rendant compte que ce n’est plus moi qui tient Jérém dans mes bras, mais bien le contraire… le torse de Jérém enveloppe le mien, ses jambes imbriquées aux miennes, son visage dans le creux de mon épaule… j’ai envie de pleurer tellement c’est bon de me sentir enlacé, protégé par ce corps puissant, de me sentir dans ses bras… si proche de son cœur…

    Une image me revient à l’esprit… quelques vers d’une vieille chanson italienne que ma mère écoutait souvent quand j’étais petit… elle avait ramené le 45 tours lors d’un voyage en Italie, un voyage avec mon père, un voyage pendant lequel elle avait du être très amoureuse…

    Quelle beauté, ce texte… le mec a du l’imaginer une nuit dans une situation qui devait certainement ressembler à la mienne, dans un état de bonheur très proche du mien, tellement ça colle à mon ressenti de ce moment précis… quand Gino Paoli a écrit cette chanson, il devait tout simplement être… amoureux !

    Quando sei qui con me/Quand tu es ici avec moi
    questa stanza non ha più pareti/Cette chambre n'a plus de parois
    ma alberi, alberi infiniti/Mais des arbres, des arbres infinis.
    Quando sei qui vicino a me/Quand tu es ici à côté de moi
    questo soffitto viola/ce plafond violet
    no, non esiste più.../non, il n'existe plus ...
    Io vedo il cielo sopra noi/Je vois le ciel au-dessus de nous
    che restiamo qui, abbandonati/que nous restons là, abandonnés
    come se, se non ci fosse più/comme si, il n'y avait plus
    niente, più niente al mondo/rien, plus rien au monde.

    Je ne veux pas me rendormir, je veux vivre ce moment le plus longtemps possible… je veux que cette nuit ne se termine jamais ; hélas, je finis quand même par retrouver le sommeil, enveloppé de la chaleur de sa peau, de son parfum… je me sens comme un chaton dormant dans le panier à linge de son propriétaire, comme un labrador couché sur les vêtements abandonnés à terre par son maître… je sens sa présence et ça me rassure, ça me rend heureux, comblé.

    Il est 7 heures quand j’ouvre les yeux à nouveau… le store n’est pas complètement déroulé et le jour commence à rentrer par le bas de la porte fenêtre… Jérém n’est plus enlacé autour de moi… il est endormi, beau comme un enfant, juste à coté… il est presque tourné sur le flanc, vers moi, une main entre la tête et l’oreiller… canaille de mec, qu’est ce qu’il est beau dans son sommeil… son regard est tellement doux, apaisé, ses angoisses et ses inquiétudes de la veille semblent complètement effacées de son visage… j’adore le voir dormir car je me fais la réflexion que quand il dort il est là, tout entier avec moi… il ne fait pas des trucs que je ne voudrais pas qu’il fasse, il ne pense pas à des trucs dont je ne voudrais pas qu’il pense… je ne suis pus jaloux, je ne suis pas angoissé, je suis bien, je le regarde et je veille sur lui… je sens que ma jalousie vis-à-vis de ses nombreuses aventures du passé s’estompe, je sens que mon cœur est conquis… je sens qu’il ne peut plus me faire souffrir, que nos deux esprits sont si proches, liés à jamais… je sens une étrange sensation parcourir mon corps, un truc qui m’attire vers lui, un truc d’une tendresse infinie, comme un parfum d’amour, de douceur, de bonheur…

    Tout a été parfait cette nuit. Tout. Il n’y a qu’un truc qui pourrait gâcher cette perfection : le matin. Ce morning after m’angoisse… je me demande dans quelles dispositions il sera au réveil et la magie de la nuit dissipée… comment on pourra renouer avec la beauté de ces instants incroyables de la nuit passée en évitant la fausse note qui fera tache…

    Je le regarde une fois encore, presque au bord des larmes… quand je pense que je n’ai qu’une envie, c’est de lui faire un câlin et, pourquoi pas, lui faire tomber cette bonne trique qu’un garçon de son âge doit avoir au réveil…

    Alors, quoi faire ? Partir, en laissant un mot ? « J’ai du rentrer, merci pour cette nuit » : tu en fais trop, Nico ; ou tout simplement « Je suis rentré » : il va le voir tout seul ; ou quoi d’autre ? Pas de mot du tout ? Comment prendrait-t-il mon absence ? Soulagé ? Vénère ?

    Et si jamais je reste, si j’attends qu’il se réveille ? Comment prendrait-il ma presence ? Serait-t-il gêné ? Me regarderait-t-il avec une seule envie, que je me tire ? Ma présence, lui rappelant ce qui s’est passé cette nuit là, lui serait-t-elle insupportable au réveil ?

    Je n’ose même pas penser qu’il puisse assumer le matin venu ce que l’alcool et l’enchaînement plutôt inattendu des événements de la veille avaient rendu possible… jamais à un instant j’ai osé penser que ça pourrait lui faire plaisir de me retrouver dans son lit en ce dimanche matin où les rayons de soleil déjà puissants filtrent du bas de la porte fenêtre.

    Oui, quoi faire? Partir en laissant intacte la beauté de la nuit passée ou tenter de renouer avec la tendresse et la sensualité, le réveiller avec une pipe, des caresses, des baisers ? Partir avec le risque qu’il le prenne mal ou rester avec le risque de me faire jeter ? De me sentir humilié devant sa froideur après la tendresse de la nuit passée ? Quelle conséquence aura-t-il mon choix sur la suite de notre relation ? Should I stay ou should I go ?

     

    Allongé dans le lit à coté du beau Jérémie, enivré de son parfum, écoutant la lente mélodie silencieuse de sa respiration, Nico ne sait pas quelle décision prendre. Partir ou rester ?

    Les deux issues sont écrites. Les 20 premiers lecteurs qui aideront Nico à faire son choix (en laissant leur mail), recevront en avant-première, le soir de la parution de leur commentaire, l’issue qu’ils auront choisie. La plus plébiscitée sera publiée en début de l’épisode de samedi prochain.

     

     


  • Commentaires

    1
    Lundi 22 Juin 2020 à 12:19

    C'est un épisode qui se passe de commentaires. On sait que ce moment d'apaisement sera suivi d'une réaction violente. 

    2
    Mardi 13 Octobre 2020 à 17:03
    Tout a été trop vite pour que Jerem pense à ce qu’il a ressenti en voyant Nico et l’autre type. Il a entrevu la possibilité que Nico lui échappe et cela a réveillé un souvenir traumatique. C’est pour ça qu’il pleure.
    Je n’avais pas vu ça il y a 4 mois.
    C’est une indication qu’il est marqué au fer rouge par son enfance.
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