• Bonjour à toutes et à tous ! Bienvenue sur le site Jérém&Nico Merci d'avance.  J&N   Fabien.


    Le bus s’arrête. Les portes s’ouvrent, des passagers descendent, d’autres montent. Le brun « Thibault-like » n’a pas bougé de son siège. Les portes se referment. Le bus repart.
    Nous nous approchons de notre destination, dans pas longtemps nous allons descendre, je vais découvrir l’appartement du bomécano.
    Le bus s’arrête une nouvelle fois… ça remue autour de nous, mais il n’y a toujours pas de place pour s’asseoir… le bobrun a toujours le nez planté dans la Dépêche…
    Le bus repart et c’est là que je me rends compte que des « passagers » un peu particuliers sont en train de se balader dans le bus… les contrôleurs. Je les entends demander à droite et à gauche de présenter les tickets…
    C’est là que le petit ouvrier « Thibault like » lève enfin le nez de son journal, enlève ses écouteurs, ce qui m’offre l’occasion de croiser à nouveau son regard… il y a quelque chose dans ce regard, comme une inquiétude, un truc que je ne sais pas voir sur le moment, mais que je ne vais pas tarder à découvrir.
    Après nous avoir contrôlés, Thibault et moi, le contrôleur s’approche du bogoss, lui demande son ticket. Je le vois trifouiller longuement dans son sac à bandoulière pour en sortir un ticket un peu usé, qui s’avère non valide. Le contrôleur lui demande s’il ne s’est pas trompé, le bogoss répond en effet qu’il a dû se tromper et en cherche un autre qui, après vérification, se révèle tout aussi invalide.
    C’est là que je comprends enfin… il le savait bien sûr, le bogoss savait qu’il n’avait pas de ticket valide, mais il a tenté sa chance, il a cherché à bluffer. C’est ça que je n’ai pas su voir dans son regard lorsqu’il a vu les contrôleurs, ce regard qui disait « merde, je vais me faire gauler, mais je vais essayer de tricher, on ne sait jamais… ».
    Pourtant, le mec a vraiment l’air d’un honnête garçon, d’un ouvrier, d’un bosseur, d’un mec qui prend le bus tous les jours pour aller à son taf… pas le genre à tenter de frauder… à mon avis, il a juste oublié d’en racheter… 
    Ceci dit, je comprends qu’il ait cherché à bluffer… son salaire doit être assez dur à gagner pour se résigner à lâcher « comme ça » le montant d’une amende, surtout à cause d’un oubli…
    Non, il ne me semble pas que le mec soit un voyou… je me dis que si j’avais su et si j’avais pu, je lui aurais payé son trajet avant que les contrôleurs ne le captent.
    Mais la question ne se pose pas, puisque je n’ai pas su deviner les raisons de son inquiétude… et, de toute façon, je n’ai pas de ticket sur moi… et puis, même si j’en avais… aurais-je osé ?
    Je ne le sais pas, mais j’aimerais vraiment avoir le cran de sortir un mec comme lui de la panade… même pas pour le draguer… parce que son regard lumineux me donne simplement envie de le faire… ça me fait mal au ventre de le voir « pris au piège », alors qu’il a l’air tellement gentil garçon…
    Le bogoss est donc bon pour l’amende. Le contrôleur lui demande sa carte d’identité. Le garçon est calme, résigné je dirai, le regard toujours doux. Je donnerais cher pour lire le nom sur la carte.
    Le contrôleur lui demande quelque chose dont je ne comprends que la fin : « c’est 82 ? », et le bogoss répond : « Oui, c’est ça », le contrôleur change de position et se tourne pour être plus à la lumière en expliquant qu’il ne voit pas bien.
    82… Qu’est-ce que ça peut être d’autre, à part sa date de naissance ? Putain, il a donc 19 ans… 19 ans… tout comme Thibault… je lui en aurais donné au moins 4 ou 5 de plus. Mais s’il a 19 ans, il fait tellement mec… c’est vrai aussi que Thibault aussi fait tellement mec pour ses 19 ans…
    Pendant que le contrôleur rédige l’amende, je remarque que le regard du bogoss se balade à plusieurs reprises dans notre direction… j’ai l’impression qu’il me regarde, je me demande s’il s’est rendu compte que je ne peux pas décoller les yeux de lui…
    Sauf que je m’aperçois, un peu plus tard, que ses regards sont plutôt adressés à mon pote Thibault… Thibault qui, lui aussi, semble observer discrètement le bogoss inconnu… suis-je en train d’assister à un jeu de regards qui se cherchent, s’aimantent, tentent de connaître les intentions de l’autre ?
    Arrête Nico, tu prends ton cas pour des généralités… Thibault n’est pas pd… et si même il s’intéressait un peu aux mecs, quelle chance que ce mec croisé dans un bus puisse s’intéresser à lui ?
    Le bogoss écope donc de son amende. Le contrôleur range son carnet de pv, lui tend le double et le bogoss dit « merci ». Je n’en crois pas à mes oreilles… le mec vient de se faire verbaliser et il dit merci comme si on venait de lui faire un cadeau. C’est mignon et touchant.
    Le contrôleur part et le mec se replonge dans la Dépêche, comme si de rien n’était, un peu seul dans son monde…
    Ce qu’il lit doit être drôle, car il rit de temps en temps, sans bruit, mais son sourire est délicieux, celui d’un p’tit mec de 20 ans, mais déjà viril.
    Il ne lève hélas pas souvent la tête pour que je puisse revoir son visage, capter son regard…
    J’ai envie… de savoir qui il est, quel est son prénom… mal au ventre d’être là, à côté de lui, ne pas oser m’assoir à côté, lui dire… « Salut, moi c’est Nico. Pas de bol pour tout à l’heure, avec les contrôleurs… »…
    Ok, je suis avec Thibault… mais même seul, je sais que je n’aurais jamais le cran…
    J’ai envie… d’être à côté de lui, de sentir son odeur, son parfum, son déo peut-être…
    J’ai envie… de mordiller ses oreilles qui me narguent, de toucher sa barbe douce, de frotter ma joue contre ses poils…
    J’ai envie… de savoir comment est son torse, s’il est poilu…
    J’ai envie… de savoir ce qu’il porte sous son pantalon de chantier…
    J’ai envie… de savoir comment il jouit, quand il jouit, comment il fait l’amour…
    J’ai envie… de le faire jouir.
    J’ai envie… d’être dans ses bras.
    J’ai envie… de lui, de plus en plus furieusement, de plus en plus irrésistiblement, une étreinte douce, sensuelle, intense.  Ou une étreinte torride, puissante, sauvage, sans parole, son regard bleu planté dans le mien, ou pas…
    Oui, un bogoss se montre, et je pars en délire…
    Le bus s’arrête à nouveau. Trois jeunes montent, ils parlent bruyamment. Surpris par le raffut, le bogoss lève enfin la tête et son regard tombe à nouveau dans notre direction.
    Une fois de plus, les regards de Thibault et de son presque sosie semblent se croiser, se rencontrer.
    C’est là que j’entends la voix calme de Thibault lancer :
    « Pas de chance avec les contrôleurs… ».
    Euh… tu m’as volé la réplique, le bomécano…
    « Ouais… pas de bol… » j’entends le bogoss inconnu répondre et expliquer calmement « j’ai changé de pantalon ce matin et j’ai oublié de faire les poches du pantalon sale (mais tu as changé de boxer et de t-shirt aussi, hein ? tu as pris ta douche, hein ?)… j’espère juste que ma copine va y penser avant de faire la machine… ».
    Pfffff… la copine… le pire défaut d’un bogoss… (réflexion de jaloux).
    Mais en attendant, sa voix est vraiment douce, elle tranche vraiment avec son gabarit et son allure très masculine.
    « Mais on ne s’est pas déjà vus ? » finit par lâcher le bomécano.
    « Je me disais la même chose… ».
    « Tu joues pas au rugby ? ».
    « Si, je suis pilier à Auzeville… je m’appelle Alban… ».
    Ahhhhhhh… le petit nom d’un bogoss… frisson garanti… en plus, j’aime bien ce prénom…
    « Et moi je suis Thibault, demi de mêlé aux Amidonniers » fait Thibault, avant de continuer, sur un ton taquin « je me souviens… on vous a mis une sacrée raclée cet hiver… ».
    « C’est juste que vous avez le meilleur ailier du tournoi… ».
    « Il n’y a pas que Jérémie Tommasi qui sait jouer, mais c’est vrai qu’il est très bon… ».
    « Ah, mais oui, je m’en souviens moi aussi maintenant… c’est vrai qu’il serait moins bon s’il n’avait pas les bonnes passes… vous êtes un sacré tandem tous les deux… ».
    « Non, je pense que Jérémie est vraiment bon, très bon… » insiste le bomécano « je suis étonné qu’il n’ait pas été repéré par les gros bonnets… il y avait des mecs du Stade aux derniers matchs… mais ils ne se sont pas manifestés… j’ai été très déçu… ok, on a raté la demie, mais on a fait une super saison et la finale a été un feu d’artifice… et Jérémie a été extraordinaire… ».
    « Félicitations pour votre victoire ! ».
    « Merci, mais il le fallait… après l’avoir raté de si peu l’année dernière… je crois que le capitaine aurait peté un plomb… ».
    Le bus s’arrête à nouveau.
    « Nous sommes arrivés » j’entends Thibault annoncer, avant de lancer à Alban, adorable « et désolé pour ton amende… si j’avais su, je t’aurais filé un ticket… ».
    Euh… Thibault ! On a le même scénariste ou quoi ?
    « C’est pas grave… mais merci, mec… ».
    « Content de t’avoir vu… » fait Thibault en s’avançant pour serrer la main de son presque sosie qui n’a toujours pas bougé de son siège « et à une prochaine, sur la pelouse… ».
    « Ok mec, merci, à la prochaine… » fait le bogoss, en serrant la main de Thibault et en serrant la mienne juste après, une sacrée poignée de mec.
    Nous descendons. Depuis le trottoir, je regarde une dernière fois le bogoss à travers les vitres du bus, toujours absorbé dans sa Dépêche… je regarde le bus redémarrer, je regarde Alban retourner vers sa vie qui vient de croiser la mienne, et qui l’a remplie furtivement d’envies.
    Nous traversons la route, côte à côte.
    « Je le regardais depuis un moment, il me semblait bien que j’avais déjà vu ce mec… » j’entends Thibault commenter.
    « Moi aussi il m’a tapé dans l’œil dès que je l’ai vu… » je rigole.
    « Il est bogoss, hein ? » fait il en décelant la petite allusion glissée entre mes mots.
    « Grave… je trouve qu’il te ressemble pas mal… ».
    Eh merde… pourquoi j’ai eu besoin de dire ça ? De mettre côte à côte ces deux phrases qui, une fois rassemblées, donnent un clair compliment à l’égard du bomécano ? Comment prétendre de garder son amitié si je me laisse aller sur ce terrain ? Surveille tes mots Nico… mais en attendant, ça m’a échappé… et Thibault a reçu 5 sur 5…
    « C’est gentil… mais Alban est plus grand que moi, il est vraiment bomec… et puis, il a un putain de charisme… c’est le genre de gars qu’on remarque partout, tout le temps… style Jéjé… tu vois… ».
    Ce disant, Thibault s’arrête devant la barrière d’un grand immeuble.
    Dans l’ascenseur, je me sens un peu gêné… je me sens comme pris au piège, même si c’est moi qui m’y suis sciemment pris dedans… de quoi va-t-on parler ? J’ai peur, non pas de son jugement, mais de ses observations, de sa franchise, de son objectivité… j’ai aussi peur de ne pas oser poser les questions… et peur de poser des questions et de ne pas obtenir des réponses… peur de poser des questions et d’obtenir des réponses…
    L’appart de Thibault s’ouvre sur un séjour bien plus grand que celui de Jérém, un vrai séjour, quoi, où il n’y a pas de lit, mais un canapé et une table basse. La baie vitrée au 10ème étage offre une toute autre vue que celui de la rue de la Colombette. Du balcon, on a l’impression de dominer la ville rose… je vois mon pote le Canal se dérouler avec ses platanes… je vois les clochers de St Sernin, celui des Jacobins, je devine le Capitole…
    « Assieds-toi Nico… tu veux une bière ? ».
    « Oui… s’il te plaît… ».
    « Sinon, j’ai du coca, j’ai du café… ».
    « Une bière ça ira… merci. ».
    Un instant plus tard, il revient avec deux bières, il m’en tend une, nous trinquons et je le regarde en boire une bonne rasade. Il a soif le bogoss. J’aime voir un mec boire à la bouteille, lever le menton, observer sa pomme d’Adam bouger nerveusement au rythme de la déglutition, j’aime le voir s’essuyer les lèvres avec le revers de la main.
    « Je vais te laisser 5 minutes, je vais me doucher, je reviens, ok ? Installe-toi, fais comme chez toi… » fait le bomécano en quittant le séjour, tout en ôtant son débardeur et en dévoilant son torse sculpté et velu…
    Thibault… putain… qu’est-ce que t’es sexy… j’ai envie d’hurler… un mec comme ça, ça donne des envies… envie de lui sauter dessus… je suis fou… pourquoi à chaque fois qu’un beau mec se montre, je ressens cette folle envie de le faire jouir comme un malade ?
    Ahhhh… être à proximité d’un tel bogoss qui prend sa douche… ça fait bizarre, un frisson puissant de me dire que je connais ce corps, que j’ai vu ce garçon dans son plus simple appareil… que j’ai partagé un intense plaisir avec lui… un frisson qui a des teintes de nostalgie, le sachant si près et désormais si inaccessible… penser que cette nuit a été une parenthèse qui n’aura pas de suite…
    Thibault disparaît dans l’appartement et un instant plus tard j’entends ce bruit bien connu, un bruit continu et monocorde qui est frisson à l’état pur dans pareille circonstance, le bruit de l’eau qui tombe d’une pomme de douche et qui s’écrase dans un bac en céramique… un bruit qui devient désir brûlant lorsqu’il change, un peu, un monde, lorsqu’il devient plus irrégulier, tout à tour étouffé, amplifié… lorsque son corps nu s’y glisse dessous… envie furieuse d’approcher cette porte, cette cabine que j’ai entendue se fermer juste avant…
    Puis, le bruit d’eau cesse… une séquence d’autres bruits se présente alors à mes oreilles… celui du bouchon du flacon de gel douche qui s’ouvre, celui du flacon pressé, celui du gel douche qui sort en pression, celui du bouchon refermé, celui du flacon remis sur son support… et celui des mains qui se baladent sur la peau pour savonner…
    Puis, l’eau se remet à tomber… et mes narines sont happées par cette intense odeur de fraîcheur, de propre et de peau de mec qui se répand dans tout l’appart…
    Oui, l’idée de savoir Thibault sous la douche, me rend dingue.
    Thibault se douche longuement. C’est l’occasion pour faire un peu plus connaissance avec son appart…
    Je regarde autour de moi et je me rends compte que cet appartement, très lumineux, est un environnement de vie accueillant… un appartement de mec, certes, décoré avec sobriété, où tout semble fonctionnel, sans superflu… mais un appartement qui respire le propre, le rangé… le tout sans excès, sans prétention… un appartement que je ne peux m’empêcher de comparer à un autre, bien connu…
    Rue de la Colombette… un typique appart d’étudiant bordélique… aux Minimes… un appart de mec installé dans sa vie, un appartement à l’image de son occupant, accueillant, chaleureux, charmant, un endroit où l’on se sent bien et à l’aise tout de suite…
    Je remarque, accroché au mur, un cadre photo où je reconnais les coupoles de l’observatoire du Pic du Midi… juste avant de reconnaître quatre mecs bien connus… à gauche… Julien, celui du rugby… à droite, Thierry, le quatrième mousquetaire… et au beau milieu, le bras de l’un sur l’épaule de l’autre, le bomécano et mon Jérém tout sourire, la tête légèrement tournée l’un vers l’autre, semblant échanger un regard très complice… derrière eux, le ciel est si bleu… ça devait être une magnifique journée… je ne vous raconte même pas la vue qu’ils ont dû avoir de la haut… de quoi ont-ils rigolé ce jour-là ? Quels souvenirs ont été gravés dans leurs têtes lors de cette escapade ?
    Ont-ils dormi, surement d’ailleurs, dans cette maison à la montagne, cette vieille maison à Campan venant de je ne sais quel oncle ou grand parent, que les parents de Jérém ont gardé, cette maison dont j’ai quelque fois entendu mon bobrun parler avec ses potes… cette maison qui est pour moi un lieu mythique, comme hors de l’espace et du temps, un lieu où seuls les potes du bogoss sont admis, et d’où je serais exclu à tout jamais ?
    Je me demande qui a pris cette photo… peut être qu’ils ont prêté l’appareil à un inconnu, pour être tous les quatre sur la photo…
    Il faut vraiment que je trouve le moyen d’aller moi aussi au Pic du Midi… ça doit vraiment valoir le coup de se taper 15 minutes de téléphérique et de monter à 3000 mètres d’altitude… et si je pouvais y aller avec mon Jérém, ce serait le jackpot… on peut toujours rêver… et si je pouvais un jour échanger un regard aussi complice que Thibault sur cette photo, avec mon Jérém… ce serait le Nirvana… on peut toujours rêver…
    Lorsque je les vois sur cette photo, si proches, presque enlacés, soudainement je les revois, tous les deux, si proches, l’autre nuit… je me revois, débordé par ces deux sexualités puissantes, fougueuses… mélangeant mon plaisir au leur… guettant l’explosion de leurs jouissances de mecs, me demandant lequel des deux potes se lâcherait en premier…
    Et puis voilà que les choses avaient pris cette direction entre eux… une direction qui les avaient conduits très vite dans un monde qui n’appartenait qu’à eux deux et d’où je m’étais très vite senti exclu…
    Leurs gestes étaient peut-être eux aussi guidés par l’effet de cette fumette que nous avions consommé sans modération…
    Pourtant, j’avais eu l’impression que les regards désiraient, que les gestes exprimaient… que les bouches se cherchaient, luttaient pour résister…
    Certes, j’avais fantasmé sur cette possibilité, tout comme je l’avais redoutée… mais lorsque je m’y étais trouvé confronté, autant dire que je n’y étais pas vraiment préparé…
    Pourtant, une fois évacuée la première surprise, la scène m’avait paru très sensuelle, touchante même… j’avais ressenti un sentiment d’excitation assez incroyable du fait d’assister à cela… à l’expression de ces désirs qui semblaient s’embraser l’un au contact de l’autre… des désirs qui avaient l’air à la fois si forts, si intenses, si anciens, si frustrés, si malmenés…
    C’était comme un fantasme qui devenait réalité… le fantasme des deux potes qui ont tout partagé depuis l’enfance… les bancs d’école, les entraînements, les match de rugby, les vestiaires, les douches, les sorties… deux potes qui ont eu d’innombrables occasions de se voir à poil, de détailler le corps de l’autre… mais aussi de se retrouver seuls, dans l’intimité d’une fin de soirée un peu arrosée où l’on n’a pas envie de se quitter… deux potes qui ont peut-être fini par ressentir l’un pour l’autre, à un moment ou à un autre, mais pas forcément au même moment, une attirance sensuelle inavouée mais brûlante… une attirance qui a germé et grandi dans la frustration et qui n’attendait que la bonne occasion pour se manifester enfin…
    J’avais même eu l’impression que ça allait au-delà de ça… qu’il y avait plus que du désir dans leurs regards… qu’il y avait quelque chose qui ressemblait à de l’amour… ou du moins à une sorte de complicité que je ne pourrai jamais avoir avec mon bobrun…
    J’avais l’impression que dans leurs regards, dans leurs attitudes réciproques, il n’y avait pas juste l’envie de prendre un plaisir différent, interdit… il y avait surtout l’envie de prendre ce plaisir avec ce pote-là… le pote qu’on aime d’un amour viscéral parce qu’on a tout partagé avec lui, sauf un lit et un orgasme…
    Alors, c’est peut-être insensé, mais dans le feu de l’action, j’aurais vraiment kiffé voir Thibault et Jérém s'embrasser… c’est inhumain de ressentir un désir pareil et s’interdire de l’assouvir… on ne peut pas se faire violence à ce point…
    Un baiser, et puis un autre et un autre encore… les désirs qui se dévoilent, les passions qui se déchaînent, les barrières qui cèdent, le plaisir qui triomphe sur l’interdit…
    Oui, sur le coup, j’aurais trouvé ça tout simplement beau et naturel...
    Mon regard était certainement déformé par les effets de la fumette… mais c’était un regard attendri que je portais sur ces deux potes qui, au final, n’ont pas osé aller au bout de leurs envies…
    Au point que mon subconscient avait dû projeter ma frustration de ne pas les voir aller plus loin en m’apportant ce rêve érotique où Jérém et Thibault étaient carrément sur le point de s’emboiter…
    Pourtant, plus le temps passe plus, en me repassant la scène, le regard attendri laisse la place à un insistant sentiment de malaise, comme de tromperie…
    Je ne peux m’empêcher de me demander si ce dérapage était prémédité, du moins de la part de Jérém… dans ce cas, je me dis que j’ai été comme un objet sexuel dans ses mains, un objet qu'il ne s’est pas privé de partager avec un pote, de la même façon qu’il partagerait sa voiture… comme s’il pouvait disposer de moi à sa guise, comme si je n’avais pas mon mot à dire…
    Dans ce cas, je me dis que non seulement Jérém voulait montrer à son pote que je ne représente rien pour lui, ou du moins rien de plus qu’un doudou sexuel… mais qu’il avait aussi voulu se servir de moi pour se rapprocher sensuellement de son pote, mais sans avoir à l’assumer… ma présence lui offrant une prétexte du genre : « j’ai couché avec mon pote, mais c’était juste pour nous faire vider par le pd »…
    Dans ce cas, quel sale petit con ce Jérém !
    Mais même sans que ce soit prémédité, ce dérapage ouvre quand même la voie à des inquiétudes, à des questionnements… qu’est qu’ils ressentent l’un pour l’autre, au juste ? Que se passe-t-il entre ces deux jeunes étalons ?
    Je me dis que c’est quelque part un peu dommage que ce moment n’ait pu exister que dans ce genre de contexte, lorsque les barrières mentales des uns et des autres étaient artificiellement baissées, lorsque tout devient possible, parce qu’on ne se contrôle plus vraiment… car on se demandera toujours quelle est la part « réelle » de l’effet du joint et la part « réelle » des envies de chacun…
    Je viens tout juste de remarquer, sur le meuble à côté de la porte d’entrée, enseveli sous un tas d’objets tels que des clefs, un stylo, un calepin, sa casquette, un calendrier des pompiers… la tentation de le feuilleter est trop forte…
    Dès le premier contact, j’ai l’impression que ce calendrier dégage une sorte d’énergie, de puissance propre… tel un « portoloin », dès que mes doigts se posent dessus, j’ai l’impression de transplaner loin de cet appart et de cet instant, au cœur de l’urgence d’une intervention des soldats du feu… j’ai l’impression d’entendre le bruit des sirènes, la course contre la montre, l’odeur de la fumée, l’odeur de la peur, des larmes, la puissance des hommes, de leur courage, l’odeur de la sueur…
    Ce calendrier m’intimide… car il résume presque à lui tout seul la grandeur d’un gars comme Thibault… ce calendrier est le symbole de l’engagement, du courage, de la droiture, du respect de l’autorité et des valeurs humaines, de tout ce qui fait que Thibault est un garçon en or… oui, ce calendrier est vraiment un objet magique… un objet capable de graver définitivement dans mon esprit cette image d’homme, jeune par l’âge, mais très mur dans son être profond, incarnée par mon pote Thibault.
    Je mate la couverture et je suis étonné de voir que c’est le calendrier de cette année… étonnant qu’il ne soit pas accroché au mur… enfin, pas si étonnant que ça en fait… c’est tout Thibault ça… être, plutôt que paraître… agir, plutôt que (se la)raconter…
    Photo de couverture, photo d’équipe toute entière… c’est une photo très basique, loin des mises en scène plus élaborées que tout calendrier masculin prendra quelques années plus tard, à l’image de celui des Dieux du Stade… les hommes du feu de la caserne de Thibault alignés sur trois rangées devant un camion rouge vif… tout le monde est là, tous les âges, tous les gabarits, toutes les gueules… pas de tri… dans une équipe de pompiers, il n’y a pas de vieux, pas de jeunes, pas de beaux, pas de moches, juste des héros ordinaires…
    Je cherche mon pote… le voilà, un peu sur la gauche, rangée du milieu, le torse et la tête bien droits, les bras croisés sur la poitrine, posture qui fait gonfler les biceps, qui finissent par très très bien remplir les manchettes du polo bleu foncé règlementaire, qui n’a pourtant rien d’une pièce bien coupée…
    Thibault est là, avec tous ses collègues… le regard droit vers l’objectif, l’air fier de son uniforme, de son rôle… mais pas un brin frimeur, juste heureux d’être là, à sa place, heureux de pouvoir être utile à son prochain…
    Une fois de plus, je me dis que ce petit mec est vraiment un ange tombé du ciel…
    Lorsque le bomécano revient de la salle de bain, s’essuyant les cheveux encore humides, en bataille, avec une grande serviette, la peau fraîche dégageant cette délicate effluve de mec qui sort de la douche, un débardeur immaculé, un short gris molletonné marquant son entrejambe d’un joli relief, une paire de claquettes aux pieds… je ne sais pas si c’est normal ou pas… mais j’ai vraiment envie de lui sauter dessus…
    « Ah, t’as vu ça… » fait il, un peu gêné.
    « L’uniforme te va très bien… » je ne peux m’empêcher de lui lancer « et je suis vraiment admiratif pour ton engagement… ».
    « Les pompiers m’ont sauvé la vie lors d’un accident de voiture lorsque j’avais sept ans… ma vie et celle de mon père… ce jour-là, je me suis dit que j’en serai moi aussi… ».
    « C’est beau… ».
    « Je te jure que j’y aurais réfléchi deux fois si j’avais su que c’était si chiant de faire les photos… » rigole le bomécano.
    Juste adorable. J’ai envie de le serrer dans mes bras et de le couvrir de bisous.
    Au lieu de quoi, je pose le calendrier et je le rejoins sur le canapé où il vient de s’installer.
    « Ça va Nico ? » fait le bomécano en posant sa serviette sur le dossier d’une chaise à côté, avant de reprendre sa bière sur la table basse et d’en avaler une nouvelle longue rasée.
    « Ça va, oui… et toi ? ».
    « Moi ça va… mais toi… je te trouve soucieux… » fait Thibault.
    Je ne sais pas quoi répondre… tant de questions se bousculent dans ma tête, mais elles me paraissent soudainement lointaines face à l’émotion de me trouver confronté à cette partie si noble de la vie de mon pote Thibault.
    C’est le bomécano qui se charge de me mettre à l’aise. Pour ce faire, il y va direct.
    « Tu sais… il ne faut pas qu’il y ait de malaise par rapport à ce qui s’est passé l’autre nuit… désolé de mettre les pieds dans le plat, mais je ne veux pas que tu te sentes gêné vis-à-vis de moi… si tu es gêné, je vais l’être aussi… et entre potes on n’a pas à être gênés, sinon c’est la fin de l’amitié… ».
    « Tu as raison…» j’admets.
    « Ça ne va rien changer entre toi et moi… je te considère un pote, et ça, ça ne changera jamais, je te promets… ».
    « Moi aussi je te considère comme un pote… ».
    Thibault pose son regard dans le mien et, en décalage avec son discours rassurant, son petit sourire touchant semble traduire une petite inquiétude.
    « Alors dis-moi ce qui te tracasse, Nico… » je l’entends quand même me relancer.
    « Je sais pas, j’ai l’impression que cette nuit on a peut-être été trop loin… enfin, surtout moi j’ai été trop loin… ».
    « Si toi t’as été trop loin, on y a été tous les trois… ».
    « J’avais peur que tu aies une mauvaise opinion de moi… ».
    « Pourquoi donc ? ».
    « Parce que j’ai… ».
    « Tu n’as pas à te justifier Nico… et tu n’as pas à avoir honte, pas plus que moi ou Jéjé… ».
    Je suis une fois de plus extrêmement touché par ses mots, pas sa façon de rendre tout beau et simple. Même si son regard reste fuyant et que son attitude me parait toujours aussi déphasée par rapport à ses mots.
    « Comment ça se fait que tu es venu à l’appart samedi dernier au milieu de la nuit ? ».
    La question sort toute seule, elle tombe comme un cheveu sur la soupe.
    Thibault marque un moment de silence, de réflexion, ou d’hésitation, mais il ne se débine pas.
    « C’est une longue histoire… ».
    « Si tu n’as pas envie d’en parler, je comprends… ».
    « C’est pas ça… le fait c’est que je n’avais pas de nouvelles de Jéjé depuis une semaine… ».
    « Depuis la finale ? ».
    « C’est ça… ».
    J’hésite à lui poser la question qui me brûle la langue… mais le jeune pompier semble une fois de plus lire dans mes pensées.
    « Après le barbec chez l’entraîneur, Jéjé était rond comme une bille, alors je l’ai raccompagné à l’appart… il n’avait pas l’air très bien, et je suis resté un peu avec lui… on a commencé à discuter… j’ai essayé de lui faire dire ce qui n’allait pas… je sentais qu’il avait un truc sur le cœur depuis un moment, et que ça le perturbait… c’est pas que je voulais m’occuper de ses affaires, mais je me suis dit qu’il fallait que ça sorte… j’ai dû forcer un peu les choses et il a fini par m’avouer qu’il couchait avec toi… ».
    Silence de la part de Thibault, regard fuyant, comme s’il hésitait à en lâcher davantage, comme s’il regrettait déjà d’en avoir trop dit.
    J’ai à la fois très envie d’en savoir plus et je me sens incapable de le forcer à dire des choses qu’il voudrait peut-être garder pour lui…
    « Et alors, qu’est-ce qu’il a dit ? » je ne peux pourtant pas m’empêcher de lui demander.
    Thibault semble fixer un coin indéfini dans la pièce… je vois sa pomme d’Adam vibrer sous l’effet d’une déglutition nerveuse… il boit une dernière rasade de bière et il plonge son regard dans le mien.
    « Tu sais, il avait vraiment beaucoup bu… il n’était pas bien… il a eu des mots que j’ai trouvé déplacés… il a essayé de me faire croire qu’entre toi et lui, ce n’est qu’une histoire de baise… il me soutenait que lui n’est pas pd, que c’est toi qui l’a entraîné dans ces délires… des mots qu’il ne pense pas, je le sais… il fait son macho, mais je sais qu’il tient à toi… j’ai essayé de le raisonner, de lui dire que tu es un gars bien et qu’il n’y a rien de mal à ce que vous faites… il s’est énervé et il m’a envoyé chier… ça m’a énervé aussi et je suis parti presque en claquant la porte…
    Evidemment, après ça, tu connais Jéjé, pas de nouvelles de la semaine… c’est pour ça que j’ai voulu passer le voir samedi… je sais qu’il finit à peu près à 2 heures, et c’est le seul soir de la semaine où je peux attendre si tard… j’avais besoin de le voir pour mettre les choses à plat… cette histoire m’a foutu le bourdon pendant toute la semaine… ».
    Je regarde la serviette abandonnée sur le dossier de la chaise et je me dis que j’ai envie de l’attraper et de plonger mon visage dedans…
    « J’avais remarqué que tu n’étais pas dans ton assiette quand on s’est vus la semaine dernière… ».
    « Tu connais la raison, à présent… » fait le bomécano, le regard un peu éteint, presque mélancolique, avant d’enchaîner « j’ai été surpris de te trouver chez lui samedi… enfin… c’est normal que vous vous voyiez mais l’autre nuit je pensais le voir seul à seul pour discuter… ».
    « C’était pas prévu… rien n’est jamais prévu avec Jérém… avec lui, c’est quand lui il en a envie… il m’a fait venir quand il a débauché… » j’explique.
    « Tu sais, j’ai vraiment hésité quand Jérém m’a demandé de rester avec vous… ».
    « J’ai vu… ».
    « J’ai hésité parce que je ne voulais pas rentrer dans son jeu… ».
    « Quel jeu ? ».
    « Le jeu de me montrer, et de se prouver, que tu ne représentes rien d’autre à ses yeux qu’un bon coup… style… on va s’amuser tous les deux avec Nico… ».
    « C’est ça que je suis à ses yeux… juste un bon coup… disponible à la demande… ».
    « Mais pas du tout… pas du tout, Nico… crois moi… Jéjé joue au dur, au mec qui n’a pas de sentiments, mais ses regards, sa jalousie ne trompent pas… quand il est contrarié, Jéjé ne sait réagir que de cette façon, en jouant au con… ».
    « Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis, alors, qu’est-ce qui t’a fait rester ? » je le relance.
    « Je ne sais pas… pas vraiment » fait le bomécano soudainement gêné, le regard à nouveau dans le vide « pour plusieurs raisons sans doute… la curiosité, je pense… tu vois, depuis que je sais que vous couchez ensemble… enfin… je me pose des questions… Jéjé a toujours été un coureur, un « sciupafemmine », comme l’appellent ses cousins napolitains… il a toujours changé de nana comme de t-shirt… mais toi… toi il ne t’a pas jeté… toi tu es sa plus longue relation…
    C’est vrai que j’aurais pu partir, pour ne pas rentrer dans son jeu… mais j’étais heureux de retrouver mon Jéjé après cette semaine de froid… et puis, je me suis dit que si je restais, je pourrais lui montrer que je n’étais pas obligé de rentrer dans son jeu… lui montrer qu’il n’avait pas à te traiter de cette façon… et qu’en tout cas moi je ne te traiterai pas de cette façon…
    Enfin, tout ça, ça m’a traversé l’esprit… mais j’hésitais encore… après, on a continué à fumer… et quand tu as commencé à t’occuper de moi… je crois que je me suis laissé transporter… ne m’en veux pas, Nico… ».
    « Je ne t’en veux pas… je me suis laissé aller aussi… ».
    « J’avais envie qu’on passe un bon moment ensemble et que ce soit bon pour tous les trois… j’avoue que l’idée de partager ce moment avec Jéjé et avec toi, le mec qui fait du bien à mon pote, ça me plaisait bien… c’était l’occasion de rentrer un peu dans votre intimité… de découvrir le bien que vous vous faites… j’avoue que j’étais un peu curieux… curieux de savoir ce que mon pote aime… pourquoi il n’arrive pas à l’accepter… et pourquoi il se comporte de cette façon avec toi… ».
    « T’as dû être déçu de mon attitude… ».
    « Pourquoi, donc ? ».
    « Du fait que je me laisse faire… ».
    « Bah, écoute… si je devais être déçu, ce serait de tous les trois alors… ».
    « Comment ça ? ».
    « Jéjé n’a pas à avoir cette attitude humiliante à ton égard… Jéjé est un bon petit macho, il a souvent été assez méprisant à l’égard des nanas… il les traitait mal, il en parlait encore pire… mais là, j’ai trouvé qu’il dépassait vraiment les bornes avec toi… ».
     « Il n’est pas tout le temps comme ça… » je tente de relativiser « juste quand il est jaloux… parfois, il sait être même très doux, mais c’est rare… ».
    « Je n’en doute pas, mais il n’a pas à se comporter de cette façon avec toi… jamais… alors, si je devais être déçu, je devrais l’être de Jéjé… et de moi aussi… ».
    « Pourquoi de toi ? ».
    « Pour ne pas l’avoir remis à sa place avec plus de fermeté… ».
    « Tu as fait beaucoup Thibault… ».
    « Mais tu ne dois pas te laisser faire, Nico, tu dois t’imposer… ».
    « T’as bien vu comment il est avec moi… il a tout le temps le dessus avec moi… il fait de moi ce qu’il veut… je mentirais si je disais que je n’aime pas son côté macho, directif, de mec qui sait ce qu’il veut… mais parfois il dépasse les bornes, comme tu le dis… et c’est là que je ne sais pas me faire respecter… lui dire clairement ce que je ressens… ».
    « Tu vois… c’est justement ça ton erreur, peut-être… tu devrais lui balancer tout ce que tu as sur le cœur une fois pour toutes… Jéjé est une tête de mule, parfois il lui faut un électrochoc salutaire pour lui faire comprendre les choses qu’il refuse de regarder en face… ».
    « Je n’ose pas… ».
    « Je t’assure, Nico, je le connais un peu pour savoir qu’il faut parfois le brusquer… combien de fois il est parti d’un entraînement en claquant la porte… mais il est toujours revenu…
    Je peux te dire que dans d’autres circonstances, je ne me gênerais pas pour aller à l’affrontement… on s’enverrait chier, on se retrouverait plus tard… ne crois pas que parce qu’on est potes, on ne s’est jamais pris la tête… j’ai vécu ça un million de fois depuis que je le connais… Jéjé a un sacré caractère, je t’apprends rien… au fond, c’est un écorché vif, les nerfs à fleur de peau… il est impulsif, colérique… mais vouloir le ménager à tout prix ça ne lui rend pas service… ».
    « Je comprends… ».
    « Tu vois, Nico… je pense que si j’étais intervenu, surtout devant toi, il aurait été capable de me dire de m’occuper de mes oignons… il se serait senti attaqué, trahi, humilié, il se serait cabré… déjà que la dernière fois que je l’ai calmé j’ai eu peur qu’il m’envoie chier… enfin… il l’a quand même fait à moitié, t’as bien vu… alors, je pense vraiment que c’est toi qu’il doit voir se rebiffer, se rebeller… ça va le marquer, mais uniquement si ça vient de toi… il n’aime pas perdre la face, mais il va mieux le supporter si vous n’êtes que tous les deux… ».
    « Vous êtes beaux tous les deux… tu es fou de ton Jérém… et tu comptes pour lui, beaucoup, même si parfois il se comporte avec toi comme le roi des crétins…».
    Au fil des dernières phrases, j’ai senti la voix de Thibault se charger d’une fébrilité palpable. J’ai l’impression que le bomécano est secoué par une émotion inattendue.
    Ses mots, sa bienveillance, sa gentillesse me touchent et m’émeuvent profondément. Je ressens une émotion m’envahir, monter de mon bas ventre, se propager dans mon torse, agir sur les poumons, monter aux yeux, faire perler quelques larmes…
    Je passe une main sur le visage, j’essaie de respirer profondément, d’essuyer mes joues, de me ressaisir… mais un sanglot m’échappe, je suis démasqué…
    Et là, son bras se pose sur mon épaule, m’attire à lui… je lève les yeux, je vois son sourire doux et ému… je me laisse aller, je me retrouve dans ses bras, je pleure dans l’arrondi de son débardeur, réconforté par sa double, douce pilosité, celle qui recouvre son torse, celle qui rend son visage si viril… je pleure enivré de l’odeur fraiche de sa peau…
    Nous restons ainsi enlacés, pendant un bon petit moment. Qu’est-ce que ça fait du bien de se retrouver dans ses bras puissants.
    « Je vais te montrer quelque chose… » je l’entends dire, alors que ses bras relâchent leur étreinte et que son regard vert se pose dans le mien.
    Et, ce disant, le bomécano de lève, se dirige vers le meuble télé en face de nous et en revient avec un gros album photo à la main.
    « Je vais te monter des photos… là-dedans il y a presque 10 ans d’amitié entre Jéjé et moi… enfin… si tu as envie de les voir… ».
    Envie de feuilleter cet album ? Je crois que je serais prêt à payer une fortune pour voir des photos de mon Jérém… Un album photo, ça ? Mais ça ce n’est pas juste un album photo, c’est un grimoire de sorcellerie, c’est le Graal… j’ai le cœur qui tape à mille dans la poitrine juste en pensant aux trésors renfermés dans ses pages… j’ai les larmes prêtes à couler en imaginant les émotions qui vont encore me submerger en voyant mon Jérém dans des moments que je n’ai pas partagés avec lui…
    « Bien sûr que j’ai envie de voir ça… » j’arrive à énoncer sobrement, en retenant de justesse un nouveau sanglot.
    Thibault pose l’album sur ses genoux et, avec un geste lent, il pose sa grosse paluche sur la couverture cartonnée et la fait pivoter… je le regarde feuilleter les premières pages… ce qui me rappelle que le bomécano est gaucher... chose qui, pour une raison que je trouve complètement inexplicable, le rend encore plus sexy à mes yeux.
    Le livre magique s’ouvre sur une photo de classe pleine d’enfants.
    « Là on était en CM1, c’est la première photo que j’ai de lui… alors, tu l’as retrouvé ? ».
    « Je cherche… ».
    « Pas facile, hein ? ».
    « Toi je t’ai repéré, tu es là, tout à fait à gauche de la photo… ».
    « Si tu m’as repéré, tu as repéré Jéjé… on était inséparables… ».
    « C’est lui, à côté de toi ? Naaan, c’est pas lui… ».
    « Si si… ».
    J’ai du mal à reconnaître dans cet enfant gringalet, plus petit que Thibault, avec l’air mal dans sa peau, celui qui sera plus tard le magnifique étalon que je connais.
    « Il n’était pas épais à l’époque… » je fais.
    « C’est clair… pas épais du tout, en plus c’était un enfant timide, un brin maladroit, il ne parlait pas beaucoup, c’était un petit gars dont on se moquait et qui se faisait malmener… quand on était ensemble, personne ne le faisait chier… c’est pour ça qu’il était tout le temps avec moi… ».
    « Tu as dû être un vrai pote pour lui… ».
    « En tout cas, j’ai essayé… tiens, voilà, le voilà dans son premier maillot de rugby… regarde le comment il est fier… regarde son sourire… je crois que c’était la première fois que je le voyais sourire de cette façon… regarde comme il tient son ballon… sur cette photo, ça devait faire tout juste un mois qu’il venait aux entraînements… mais dès le premier jour, j’ai su qu’il était fait pour ça… en quelques semaines, il a tout capté au jeu… il a joué un peu à tous les postes… et en l’espace de quelques mois, le gamin maladroit s’est transformé en un petit joueur au top… et il s’est vite révélé un ailier très doué… ».
    Je suis bouleversé par les photos de mon Jérém tout jeune… mais surtout par ce voyage dans le temps… c’est touchant et instructif de découvrir la personne qu’on aime lorsqu’elle était enfant, découvrir son histoire, découvrir les évènements qui ont forgé sa vie, qui ont façonné sa personnalité et qui ont fait d’elle l’être qu’on aime aujourd’hui… le passé explique le présent et nous fait prendre du recul, de la hauteur pour mieux voir, pour mieux comprendre, pour mieux pardonner…
    « On le voit vraiment grandir au fil des photos… ici on est en quatrième… il doit avoir 13 ans… regarde comme il a grandi… dans le rugby, il a découvert qu’il était bon, qu’il était l’un des meilleurs et il a tout fait pour être LE meilleur… il a pris confiance en lui, et il gagné le respect d’abord par le mental que par le physique… bon, ça ne lui a pas empêché de partir à la bagarre quelque fois… mais c’est surtout son regard et son attitude qui ont changé… le rugby l’a très vite rendu populaire au collège… les filles ont commencé à s’intéresser à lui… et à partir de ce moment-là, il est devenu un petit dieu… ».
    Je me fais la réflexion que « petit dieu », est vraiment ce qui définit le mieux mon bobrun… tout comme mon pote Thibault…
    « Là c’est l’été suivant, on était parti en camping à Gruissan avec mes parents et j’avais proposé à Jéjé de venir avec nous… ».
    J’ai envie de pleurer devant cette photo de petit mec torse nu sur la plage, avec son short de bain rouge et son sourire si enfantin… encore un gosse, mais déjà jeune mec en devenir.
    Dans ma naïveté, je m’autorise à croire que le regard attendri que Thibault pose sur cette photo n’est dû qu’à la nostalgie pour un temps d’enfance, de vacance et d’insouciance.
    « Tiens, ici c’était après un match en plein hiver… on avait galéré ce jour-là… il faisait un froid, il pleuvait… on était trempés comme des canards… ».
    Sur la photo, Jérém, Thibault et Thierry, couvert de boue de la tête aux pieds… Thibault l’air sage, comme toujours… Jérém et Thierry en train de faire les pitres, Jérém qui tire la langue, avec un petit sourire canaille… c’est beau…
    Photo suivante, dans les vestiaires… visiblement ambiance après un match gagné… des corps plutôt dénudés, des boxers moulant de jolis fessiers… un beau petit cul musclé à poil, même si un peu flou, en premier plan à gauche de la photo… et au milieu de la photo, mon Jérém de face, torse nu, en boxer blanc, le buste plié en avant, en train d’enfiler son jeans, la tête relevée vers l’objectif, la chaînette qui pendouille dans le vide, les cheveux en bataille qui tombent sur les yeux… et qui donnent à son grand sourire canaille un je ne sais quoi de craquant à se damner… c’est beau à en déchirer les tripes…
    Est-ce que ce mec se rend seulement compte à quel point il inspire des émotions, du désir, du bonheur ? Bien sûr, il sait qu'il plaît et il ne s’est jamais privé pas d'en profiter... mais est-ce qu'il est vraiment conscient d’à quel point il est magnifique ? À quel point sa simple présence est frisson ?
    Page suivante, nouvelles photos…
    « Là c’était chez l’entraîneur… on devait avoir 15 ans… c’est le soir où… » Thibault marque un instant de pause, un petit sourire amusé et tendre s’affiche sur son visage « c’est le soir où Jéjé s’est fait dépuceler, par la fille de l’entraîneur, dans la cabane au fond du jardin… elle avait 10 ans de plus que lui… quel numéro cette nana… elle a dû se taper la moitié des joueurs de son père… on n’est pas nombreux à ne pas avoir voulu d’elle… je crois que cette photo a été prise juste après… le fait… ».
    Jérém qui vient tout juste de jouir, qui vient de découvrir qu’il plaît aux filles et qu’il vient de tester son bel engin avec succès … c’est peut-être que ma fantaisie mais j’ai l’impression de lire dans son regard fixé par la pellicule sa belle fierté de petit mec.
    « Là c’est une autre soirée… une troisième mi-temps… on avait vraiment trop picolé… ».
    Jérém avec une chemisette à carreaux, trois boutons ouverts sur le relief de ses pecs… la chainette bien en vue… un pan dans le jeans, l’autre dehors… un verre en plastique à la main, où visiblement il ne devait pas y avoir eu que du coca avec des glaçons… le regard figé, la paupière lourde, le brushing en vrille, une cigarette à moitié cramée au coin des lèvres… le tout lui donnant une allure débraillée de fin de soirée plutôt alcoolisée…
    Il a l’air d’un mec qui n’aurait qu’une seule envie, qu’un seul besoin… retrouver un lit et une bouche pour une bonne pipe avant de dormir…
    Pourtant, son regard est mélancolique et ça me donne envie de lui faire des câlins avant toute autre chose.
    A côté de lui, comme très souvent, le solide Thibault, le regard posé sur son pote, doux, bienveillant… une proximité, une attitude protectrice par rapport à Jérém…
    Très souvent, sur ces photos, on les voit côte à côte… ainsi, le contraste entre les deux potes finit par s’imposer…
    Jérém, Thibault, le même âge, des vies très proches, des parcours semblables, la même passion pour le rugby… chacun dans son style, deux sexytudes qui se rejoignent sur des caractéristiques communes : des corps aux muscles saillants, des puissances physiques et sexuelles débordantes, des allures très masculines…
    Pourtant, en les revoyant côte à côte, en me remémorant leurs nudités spectaculaires, je réalise qu’il existe également entre eux des différences assez marquées…
    Déjà, les deux potes n’ont pas la même relation avec leurs corps… d’une part, il y en a un qui assume la délicieuse pilosité de son torse… de l’autre, il y en a un qui semble chercher, par le rasage, à faire oublier cet attribut masculin majeur…
    De la même façon, lors de cette nuit où nous avons été tous les trois réunis, il y en a un qui a parfaitement assumé ses envies et ce, malgré son inexpérience… tandis que l’autre, tout en ayant voulu ce moment, n’a assumé rien du tout… et surtout pas sa nouvelle jalousie… sa virulence à mon égard en étant le témoin le plus net qui soit…
    Oui, au premier regard, l’un comme l’autre, les deux potes font extrêmement « mecs »… pourtant, des deux, seul Thibault dégage ce « petit quelque chose », ce truc si insaisissable qui le rend si… « Thibault style »…
    C’est une sensation qui m’avait déjà interpellé à plusieurs occasions, mais sur laquelle j’avais du mal à mettre des mots…
    Ce ne sera que bien plus tard que j’arriverai à trouver « le mot » pour décrire cette sensation de sécurité, de bien être, de puissance et d’apaisement que je ressentais au contact de Thibault, et que j’avais ressentie à fortiori cette nuit où j’ai eu la chance de me retrouver dans ses bras et de le serrer dans les miens…
    Il me faudra du temps pour réaliser que, malgré son jeune âge, le bomécano était déjà un garçon très… « viril »…
    Il me faudra du temps pour réaliser que j’ai longtemps utilisé ce mot à tort et à travers, l’appliquant tout simplement à une apparence très masculine et à une sexytude brûlante… pour réaliser qu’on peut faire très « mec », sans pour autant inspirer la véritable virilité, celle que jusque-là s’appelait dans ma tête, le « Thibault style »…
    « Virilité », ce n’est pas qu’une question d’âge… il ne suffit pas de laisser s'accumuler les années pour « devenir » viril… c’est aussi « quelque chose » qui va bien au-delà de l’apparence… c'est un état d'esprit, un équilibre, une force intérieure, un mélange la droiture, de détermination dans ses actes, et d’un profond respect de l’autre… c’est la capacité à faire face, à assumer quoi qu’il arrive et n’importe quand ça arrive… c’est à la fois une sorte de maturité intellectuelle, et plus que ça… c’est une grandeur d'âme qui en impose, qui force le respect…
    Un mec comme Thibault, ne demande pas à être respecté, il s'attache avant tout à être respectable…
    Un mec comme Thibault, n’a pas besoin de soumettre l’autre pour se sentir dominant… car il n’a tout simplement pas besoin de se sentir dominant pour se sentir bien…
    Un mec comme Thibault, n’a pas peur, ni honte de ses sentiments…
    J’ai senti la virilité de Thibault lorsqu’il m’a fait des bisous pendant qu’on prenait notre plaisir ensemble… je l’ai sentie dans l’étreinte de ses bras… j’ai senti sa virilité lors de notre câlin après l’amour, dans son coté attentionné… je l’ai sentie lorsqu’il a calmé son pote pour qu’on continue à tous s’amuser ensemble… j’ai senti la virilité de Thibault dans l’image qu’il m’a renvoyé de moi, celle d’un garçon qui vaut mieux que ce qu’il imagine…
    C’est tellement apaisant, un garçon comme Thibault… ça réchauffe à la fois le corps et le cœur d’avoir un amant comme Thibault… c’est bon de se sentir dans ses bras, et c’est tout aussi bon de le prendre dans ses bras… contrairement à Jérém, il ne prend pas ça pour une marque de faiblesse… car Thibault est fort et doux… car la virilité n’exclut pas la douceur, la tendresse… ni le besoin d’en donner ni celui d’en recevoir…
    « Ici c’est à Hossegor, il y a deux ans… qu’est-ce qu’on s’est marré ce jour-là… », enchaîne le bomécano en tournant une nouvelle fois la page et en m’arrachant à mes réflexions.
    Une fois de plus, mon Jérém torse nu sur la plage, les cheveux en bataille, le corps ruisselant d’eau et brillant au soleil… il est magnifique, tout comme Thibault… visiblement, ils sortent de l’eau… une fois de plus, le bras de l’un est posé sur l’épaule de l’autre, l’avant-bras de Jérém retombe sur l’épaule de Thibault, la main négligemment abandonnée sur son pec… leurs sourires sont si lumineux, ils ont l’air de s’amuser un max…
    « Ici on est à Gruissan l’an dernier… ».
    Jérém et Thibault et Julien, les trois mousquetaires, torse nu, au bord de l’eau… le quatrième, Thierry, étant assurément derrière l’objectif… Jérém au milieu de la photo, et ses deux potes essayant de l’embrasser sur la joue…
    « On s’était tapé un délire… comme c’est lui qui conduisait et qu’il avait le permis depuis quelques jours et que sa 205 n’était pas de première fraîcheur, on avait fait le pari que si on arrivait à destination entiers, on lui roulerait une pelle… chose promise… ».
    « Chose due… ».
    « Ouais, mais il ne s’est pas laissé faire… ».
    « Jérém n’a pas encore son tatouage… ».
    Le bomécano semble ne pas avoir entendu ma considération… il a l’air totalement happé par un souvenir plus maquant que d’autres… je ne sais pas encore ce que cette photo lui rappelle… à quelle sensation le renvoie… est-ce qu’il a envie d’en parler… je le sens hésitant… plus encore que devant l’image de Jérém à 13 ans torse nu sur la plage, le regard de Thibault semble trainer tout particulièrement sur cette photo…
    « Tu disais, Nico ? » finit-il par revenir dans le réel.
    « Je disais que sur cette photo Jérém n’a pas encore son tatouage… ».
    « Je crois que la photo a été prise le jour de notre arrivée… il a dû le faire le lendemain, je pense ».
    C’est un magnifique voyage dans l’amitié entre deux potes inséparables qui se déroule sous mes yeux, à travers la magie de la photo.
    Comment décrire l’émotion violente provoquée par une image en voiture où mon Jérém y figure, débardeur blanc à hurler, endormi comme un enfant sur l’épaule de Thibault ?
    Nan, nan, nan, nan, NAAAAAAAAAAAAAAAAAN, mais franchement, est-ce normal d'être aussi mignon ??????
    Ou alors, que dire de cette autre photo sur la neige, avec un Jérém en combi de ski et grosses lunettes de soleil… comment expliquer que même avec une tenue intégrale qui trahit et cache les proportions parfaites de sa plastique, se sexytude se dégage autour de lui comme une aura surnaturelle ?
    Comment expliquer que même ce bonnet rouge et jaune, avec un gros pompon retombant sur le côté… ce bonnet qui serait d’un ridicule sans nom sur ma tête, sur lui c’est juste… craquant… est-ce normal de posséder une sexytude d’une intensité telle que même ce bonnet « de clown » n’en vient pas à bout ? Et pire que ça, ça le rend encore plus sexy… naaaaan… moi je dis que ça, ce n’est vraiment pas normal…
    C’est juste insupportable tellement c'est beau... il est juste trop beau, trop sexy, trop mignon, trop « tout », quoi... il est juste "là" et il est "juste" sexy, sans rien à faire…
    La photo a été prise le matin, il y a grand soleil, la réverbération sur la neige remplit la photo de lumière… mais son sourire, malgré les yeux cachés par ces grosses lunettes miroir, est vraiment aveuglant… oui, ce sourire est comme une claque dans la figure... ce qui explique pourquoi je suis KO devant cette photo…
    Une autre page est tournée et mon bobrun apparaît dans un t-shirt rouge, visiblement lors d’une énième soirée… c’est une photo récente, mon bobrun est déjà le bogoss que je connais aujourd’hui, regard de tueur sexy, tatouage au biceps… c'est totalement insoutenable, tellement il est mignon à hurler...
    « Tiens, ça c’est la soirée de son anniversaire l’an dernier… ».
    « C’est quand son anniversaire ? » je demande comme un cri du cœur, sans même réfléchir, en sautant sur cette occasion si inattendue et si belle.
    « Tu sais pas ? » s’étonne le bomécano.
    « Non, il ne l’a jamais fêté en classe… ».
    « Je peux te dire qu’il l’a toujours fêté au rugby, et comme il faut… ».
    « Il y a plein de choses que j’ignore de lui… ».
    « Mais plus sa date d’anniversaire… c’est le 16 octobre… ».
    Inutile de préciser que la découverte de sa date d’anniversaire me rend si heureux, me chamboule de fond en comble, j’ai l’impression d’accéder à un immense secret, je détiens les clefs du royaume, j’ai les codes de la bombe nucléaire…
    « Dans moins de trois mois, il va fêter ses 20 ans… » commente Thibault « j’ai prévu de lui faire une surprise… ».
    « C’est quoi ? ».
    « J’ai envie de l’amener au Mas d’Azil pour lui faire faire un saut à l’élastique à 80 mètres de haut… je sais qu’il va kiffer… ».
    « T'as de la chance... » je finis par lui balancer.
    « Oui, j’ai la chance de l’avoir comme pote… ».
    « T’as la chance de le connaitre si bien, depuis si longtemps, la chance d’avoir partagé tant chose avec lui… ».
    « T’as des photos de lui, toi ? ».
    « Juste une que j’ai découpé de la Dépêche la semaine dernière ».
    « Vas-y, choisis en une… ou même deux… ».
    « Mais je ne peux pas, ce sont tes souvenirs… ».
    « Des photos, j’en ai plein… mais les meilleurs souvenirs, ils sont là-dedans » fait il en posant sa main à plat sur son cœur « photo ou pas photo, ils ne vont jamais partir de là… vas-y, prend l’album et choisis… je vais passer un coup de fil et je reviens… ».
    Et, ce disant, il attrape le bouquin qu’il avait posé sur la table basse avant de me serrer dans ses bras et il le met dans mes mains… le bomécano se lève et il disparaît dans le couloir, me laissant seul avec cet autre objet magique…
    L’objet est lourd, physiquement et symboliquement… j’ai l’impression qu’il me brûle les doigts, tellement l’histoire de vies et d’amitié qu’il contient me touchent, m’émeuvent…
    Je reprends à le feuilleter depuis le début… je repasse le film d’une vie… page après page, le bogoss grandit, le gamin se transforme en jeune étalon hyper sexy…
    Euh, Thibault… c’est un cadeau empoisonné que tu me fais là… comment choisir parmi toutes ces merveilles ?
    Je n’arrive vraiment pas à me décider… je parcours l’album plusieurs fois… je ne sais pas pendant combien de temps je passe et repasse ce parcours de vie…
    A travers ces photos, je revis les trois dernières années depuis que je le connais… je revis l’itinéraire d’un amour qui est né au premier instant et qui a jalonné ma vie depuis trois ans…
    Sur une photo, je retrouve Jérém dans t-shirt noir moulant… je crois reconnaître le t-shirt qu’il avait le premier jour du lycée… et je crois reconnaître le Jérém que j’ai connu le premier jour du lycée… je revis cet instant dans la cour du lycée et je me dis que, depuis le premier instant, c’est sa plastique qui m’avait ému… elle m’avait marqué au fer rouge, elle m’avait happé à l’instant même où l’image de ce petit mec de 16 ans, bogoss en devenir, avait traversé ma rétine… je ne sais combien de branlettes ce t-shirt noir moulant, ainsi que le torse qu’il enveloppait, m’ont inspiré par la suite…
    Dès lors, j’avais été remué de fond en comble par ce corps à la musculature parfaite, par la beauté de sa petite gueule à croquer… par le charme ravageur de son sourire de fou, pas sa sensualité débordante...
    Je savais depuis longtemps, depuis le début de mon adolescence, que les hommes ne préfèrent pas toujours les blondes… que parfois, ils préfèrent les mecs… et je savais aussi que je faisais partie de cette catégorie d’hommes…
    Pourtant, jusque-là, tout en passant le plus clair de mon temps à mater discrètement le bogoss autour de moi, je luttais contre moi-même, je n’assumais pas vraiment cette attirance…
    Mais lorsque ce putain de bogoss était apparu dans la cour du lycée, là, j’avais su… il n’y avait plus photo… c’était une évidence… j’aimais les mecs par-dessus tout… et ce mec, par-dessus tous les autres…
    Dès lors, son corps de petit dieu, avec le désir brûlant qu’il sait inspirer, a hanté mes journées et mes nuits…
    Mais sa plastique de rêve n’était pas son seul atout… car en plus de sa belle gueule, je me suis vite rendu compte que ce mec dégageait une forme de fascination qui m’aimantait littéralement à lui.
    Une fascination qui tenait beaucoup à cette assurance, cette aisance vis-à-vis de la vie qui sont les siennes au quotidien et qui me font cruellement défaut…
    Ce qui nous semble inaccessible a tendance à nous fasciner.
    Depuis que j’ai commencé à ressentir de l’attirance pour les garçons, je ne fais qu’admirer, jalouser, chercher dans l’autre, une image de ce que j’aurais voulu être mais que je ne serai jamais…
    Un petit con de première catégorie modèle « Jérém », c’est le genre de mec qui fascine à coup sûr le jeune garçon hésitant et maladroit que je suis, un garçon manquant singulièrement d’estime de soi… le « Jérém à poil court » représente un idéal masculin que je sais hors de ma portée et sur lequel j’ai plus ou moins fait une croix.
    Je ne serai jamais un jeune premier qui croque la vie par les deux bouts… le mec qui a plein de potes, qui aime faire la fête, le mec qui fait des blagues drôles… le mec qui, quand il l’ouvre, les oreilles se tendent… je ne serai jamais le mec que tout le monde admire autour du terrain de rugby… toutes e ne serais tout simplement jamais un de ces mecs qui fait partie d’une équipe… je ne serai jamais le mec au charme redoutable qui attire les regards comme un aimant dans une boite de trombones… je ne serai tout simplement pas le mec aussi bien dans ses baskets qu’il est, du moins en apparence…
    Oui, ce mec représente à mes yeux un idéal de puissance, de sexytude, de charme, de « « virilité » ». Un idéal auquel, inconsciemment, je donne des allures de mythe. Le mythe du jeune apollon, du jeune mâle à qui rien ni personne ne sait résister. Et qui s’autorise « l'indécence » d'afficher cette « « virilité » » que j’envie, sans aucun effort apparent…
    Lorsque Jérém n’était encore que ce putain de bogoss inaccessible que le hasard avait placé dans la classe de lycée que moi, je passais le plus clair de mon temps à l’observer, à tenter d’en savoir un peu plus sur lui… je tentais de capter les conversations le concernant, même les ragots… n’importe quel détail, la plus anodine des infos à son sujet me passionnait…
    En cours, je le matais sans cesse, me contentant de la vision de son dos, ainsi en disposait la géographie de la classe… vision frustrante, certes, mais qui possédait l’avantage de ne pas avoir à me soucier de croiser son regard…
    Jour après jour, je me nourrissais de sa beauté, de sa jeunesse, de sa sexytude, de sa présence comme si j’avais besoin de m’imbiber de cette « « virilité » » qui se dégageait de lui et qui me fascinait tant…
    En observant sa vie, j’avais l’impression de m’"infiltrer" dans sa bogossitude…
    En observant sa vie, j’en oubliais petit à petit la mienne… car sa vie me paraissait tellement passionnante par rapport à la mienne… sa façon d’être, ses succès, sa popularité me faisaient rêver… même son côté « cancre », ce côté petit frappe qu’il assumait parfaitement vis-à-vis de ses mauvaises notes et lorsqu’il était parfois rappelé à l’ordre par les profs, me faisait rêver…
    Je vivais par procuration, par fascination.
    En imaginant, en désirant son plaisir, j’ai rendu mon propre plaisir subordonné au sien… en me branlant, tout en imaginant presque à chaque fois sa jouissance, son plaisir est devenu mon plaisir… petit à petit, mon plaisir a fini par ne plus exister sans le sien… mes propres désirs ont été remplacés par les siens, par ses besoins, par ses envies, leur satisfaction sont devenus la seule chose capable de m’offrir une véritable jouissance… certains out besoin de paradis artificiels pour jouir plus fort… mon paradis artificiel à moi, c’est Jérém…
    Puis, un jour, le fantasme a rejoint la réalité…
    Dès lors, le bogoss a eu tout pouvoir sur moi… et de ce pouvoir, il s’en est saisi de la manière exacte dont je rêvais… dès la première révision il a voulu faire de moi l’objet de son plaisir… j’ai accepté … parce que c’était exactement ce que je voulais, exactement ce que j’avais toujours rêvé sans oser espérer qu’un jour ça se concrétise… parce son attitude assurée et dominante m’a inspiré ça… parce qu’il ne m’a pas laissé le choix… parce qu’il m’a fait aimer ça… parce que son inépuisable énergie sexuelle m’a littéralement rendu dingue de lui…
    J’aimais, j’adorais son corps, sa jolie petite gueule, le sourire incandescent, son assurance… sa façon de baiser… sa façon de savoir ce dont il avait envie et de savoir l’imposer…
    Pourtant, il manquait une dernière petite pièce pour achever l’édifice de mon amour pour ce gosse… une pièce maîtresse…
    Cette pièce est venue à moi au fil de nos révisions, surtout celles qui se déroulaient tard dans le nuit… c’est là que j’ai eu l’occasion de le connaître un peu, bien que plus par accident que par volonté de sa part… c’est là que j’ai eu l’occasion de voir des petites brèches s’ouvrir provisoirement dans sa carapace…
    J’ai aussi eu la chance d’avoir des conversations très instructives à son sujet avec son pote Thibault…
    Dès lors, ce sont ses failles, ses blessures qui m’ont touché, cette souffrance endurée dans son enfance, cette carapace bâtie par peur de souffrir à nouveau… ce besoin de tendresse qui est bien en lui malgré les apparences, ce besoin qui a fuité lors de révisions nocturnes difficiles, mais qu’il refuse de laisser s’exprimer librement…
    Tout un ensemble de petites choses qui, mises bout à bout, me font dire que, sous sa carapace, derrière son attitude de petit con souvent intraitable, il existe un être sensible, prisonnier d’un bourreau sexy…
    Oui, tout ce qui est inaccessible, fascine, attire, charme… et son cœur m’est toujours inaccessible…
    Finalement, je me dis que ça n’a pas de sens de comparer sa difficulté à assumer ses envies à la maturité de Thibault… chacun a son parcours, ce parcours qui a façonné sa personnalité, sa sensibilité, ses peurs… je me dis que je ne peux pas reprocher à Jérém de manquer de maturité… car au fond, Jérém n’est qu’un garçon de 19 ans qui se cherche et qui a du mal à faire face à ses démons… c’est sa fragilité sous la carapace… et c’est pour cela que je l’aime aussi…
    « Alors, t’as choisi ? » j’entends Thibault me demander, m’arrachant une fois de plus à mes divagations, tout en s’installant à nouveau sur le canapé à côté de moi.
    « J’aime bien celle-ci… ».
    Jérém assis sur la pelouse de la prairie des Filtres, on voit une arcade du Pont Neuf tout à gauche de l’image… le buste soutenu par ses bras tendus et ses mains posés à plat sur le sol derrière son dos… habillé d’un simple jeans, et de la même chemise à carreaux noirs et blancs que sur l’autre photo, les manches retroussées, ouverte sur un t-shirt blanc sur lequel sa chaînette de mec est négligemment abandonnée, le regard ténébreux… tenue et attitude, très, très… mais alors… très très très très mec…
    « Vas-y, décolle-là, elle est à toi… ».
    « Merci infiniment, Thibault… ».
    Je la décolle lentement et je contemple le vide laissé par la photo.
    « Vraiment, ça me gêne… ».
    « Il faut pas… allez, vas-y… choisis-en une autre… ».
    Je feuilleté jusqu’à ce que je retrouve une photo en maillot rugby.
    « Celle-là aussi me plait beaucoup… ».
    « Tu prends… ».
    « Merci… ».
    « Une dernière, pour la route… ».
    « C’est abusé… ».
    « Non, puisque je te le propose… ».
    Je ne peux m’empêcher d’en viser une où mon bobrun est sur la plage, torse nu, le bronzage ajoutant des couleurs à sa peau mate, la lumière du soleil mettant en valeur et en relief la musculature parfaite de son corps…
    « Celle-ci alors… ».
    « Vas-y… ».
    « Merci, ça me touche vraiment… ».
    « C’est normal, et en plus ça me fait plaisir… ».
    Je regarde ma montre et je me rends compte que j'ai passé une heure assis sur ce canapé, à regarder des photos à côté de ce charmant mécano…
    A la suite de mes manipulations pour décoller les images, soudainement, l’album photo se referme tout seul et glisse entre mes genoux… j’essaie de le rattraper avant qu’il ne touche le sol, j’ai un mouvement brusque, mes cuisses frôlent les siennes, en dessous de son short gris molletonné...
    Nos regards se croisent. Son regard est beau, il happe le mien… en plus d’être adorable, ce petit mec est aussi incroyablement sexy… Thibault est typiquement le genre de garçon qu’on a envie de câliner pendant des heures et de faire jouir pendant des heures aussi... très envie de le serrer contre moi, très envie aussi de passer ma main dans ce short et aller caresser sa bosse... l’odeur de sa peau fraîchement douchée me rend dingue… mais il ne faut pas…
    Nos regards ne se quittent pas… il esquisse un petit sourire doux et un brin gêné… j’essaie de lui rendre son sourire… il porte une main sur mon épaule…
    « Tu sais, je t’aime beaucoup, Nico… ».
    « Moi aussi je t’adore… ».
    « J’ai vraiment adoré cette nuit… ».
    « Moi aussi… moi aussi… ».
    « Tu es un mec formidable, Nico… je suis content que Jéjé soit tombé sur quelqu’un comme toi… parce que toi… toi tu l’aimes… et ça, c’est beau et précieux… Jéjé est le plus gentil des garçons, il a juste besoin… de toi…
    Je vois Thibault ému, je le suis aussi… je ne comprends plus rien, j’ai la tête qui tourne, j’ai envie de me jeter dans ses bras, j’ai envie de l’embrasser, j’ai envie de tout avec lui…
    A cet instant précis, son portable se met à sonner.
     « C’est Jéjé… » il m’annonce, après avoir regardé l’écran, avant de décrocher.
    « Hey, mec… ça va ? » démarre le bomécano. A chaque fois je suis touché par sa façon de montrer sans ambiguïté qu’il est heureux de retrouver un pote.
    « Oui, je t’écoute… » je l’entends lancer, après un instant de silence.
    J’essaie de capter l’autre moitié de la conversation, mais Thibault tient le portable collé à la « mauvaise » oreille, ce qui ne me permet d’entendre autre chose que de vagues grésillements de bobrun.
    « Demain tu dis ? » s’étonne le bomécano.
    Ecoute en silence. Grésillements indistincts de bobrun.
    « Ok, ok, c’est faisable… tu peux commencer demain à ta pause, si tu veux, je déposerai le double des clefs de l’appart dans ta boîte aux lettres demain matin… ».
    « Bon, ok, t’as qu’à tout laisser dans la chambre d’amis, je vais faire de la place tout à l’heure… ».
    « Il n’y a pas de quoi… à plus… et bon courage pour ce soir… travaille pas trop… allez, ok, bises… ».
    Le bomécano vient de raccrocher. Il me fixe droit dans les yeux et il enchaîne :
    « Ça tombe bien qu’il ait appelé, il faut que je te dise un truc… ».
    « C'est-à-dire ? ».
    « Je ne pense pas qu’il t’en ait parlé, lui… ».
    « Il ne me dit jamais rien… » je le mets à l’aise.
    « Jérém n’a pas payé son loyer depuis des mois… il s’est fait expulser… il doit quitter l’appart à la fin du mois… ».
    Ahhhhhhhhhhhhhhh… voilà que j’ai raté un épisode… enfin, qu’à moitié… comme quoi, parfois les rêves, même érotiques, peuvent se révéler prémonitoires…
    « Mais c’est dans quelques jours à peine… » je m’inquiète.
    « Je suis sur le cul aussi… il me l’a annoncé pas plus tard que hier soir, au tel, alors qu’il le sait depuis des semaines, ou des mois… s’il m’en avait parlé quand il a commencé à avoir des problèmes, j’aurais pu l’aider… mais il a rien dit, et là, il doit plus d’un an…
    « Mais ses parents ne lui donnent plus rien ? ».
    « Je savais qu’il avait eu une grosse dispute avec sa belle-mère il y a quelques mois… mais je ne savais pas qu’il avait coupé les ponts avec son père… apparemment, il ne lui file plus un centime… et là il est à sec complet… en plus, Jéjé n’est pas le genre à faire attention à l’argent… tout ça le dépasse jusqu’au jour où il est vraiment dans la merde… bref… il m’a demandé si je pouvais l’héberger, le temps de se retourner… évidemment, j’ai dit oui… et là, il vient de m’appeler pour savoir s’il peut commencer à amener des affaires dès demain soir… ».
    Décidemment, ce soir je vais de surprise en surprise… je ressens un étrange sentiment de vide, de fin de chapitre, de page qui se tourne à l’idée que dans quelque jour je n’aurai plus accès à cet appart, à ce lieu magique au milieu de la rue de la Colombette, ce lieu hors du temps et de l’espace qui a été le théâtre des premières révisions avec Jérém… la scène de mon dépucelage, le cadre de tout ce plaisir qu'on s'est donné, le décor de mon amour naissant, d’espoirs sans cesse renouvelés et de frustrations de plus en plus difficiles à assumer...
    J’ai un pincement au cœur, un très gros pincement à l’idée de me dire que jamais je ne remettrai les pieds dans cet appart, qu'une page se tourne avec son départ de ce lieu, une page de nos vies… et qu’une autre page va bientôt s’écrire, une page que nous n'écrirons pas forcement ensemble...
    Où allons-nous nous retrouver désormais pour nos galipettes, si tant qu’il en ait envie ?
    Cet appart va vraiment me manquer... il s’en est passé des choses, entre ces quatre murs... s’ils pouvaient parler... Jérém quitte les lieux et dans quelques temps quelqu’un d’autre, un autre étudiant peut-être… peut-être bien un autre petit con ultra bandant comme Jérém prendra sa place, il baisera des nanas à tout va… jusqu’au jour où, peut-être, il entraînera un de ses camarades dans des révisions chaudes bouillantes…
    La nuit passée avec les deux potes, était donc la dernière fois que je mettrais les pieds à l’appart rue de la Colombette ?
    Je n’aurais même pas pu dire adieu à cet appart où j'ai dormi pour la première fois avec un garçon…
    « Nico, je t’aurais bien gardé manger une pizza mais il faut que je passe à la caserne avant 20 heures… ».
    « Je vais y aller… ».
    « Ça va aller, Nico ? ».
    « Oui, c’est juste que la nouvelle du déménagement de Jérém m’a un peu secoué… heureusement qu’il a un pote comme toi… ».
    « Tu sais, Nico… tu n’as pas à être jaloux de mon amitié avec Jéjé… au contraire… c’est moi qui devrais être jaloux de ce que tu vis avec Jérém… tu l’aimes si fort, et il le sait, et ça lui fait du bien, le plus grand bien… même s’il ne veut pas l’admettre, l’accepter… toi t’es fou amoureux de lui… et quelqu’un d’aussi amoureux, pour moi, ça force le respect…
    Tu sais, jusqu’à il y a pas longtemps, Jérémie Tommasi était « juste » mon pote, mon Jéjé… mais depuis quelques temps, j’ai découvert qu’il est aussi « Jérém »… « ton Jérém », Nico… et j’ai l’impressions qu’il est de plus en plus « ton Jérém » que « mon Jéjé »…
    Ne crois pas mal, ça ne me gêne pas, pas du tout… ce qui compte pour moi, c’est qu’il soit heureux… quand je dis que je devrais être jaloux, c’est qu’aujourd’hui tu lui apportes, avec ta présence et avec ton amour, des choses que je ne pourrais pas lui apporter…
    Même s’il vient s’installer ici, je sais qu’il ne restera pas longtemps… Jéjé a besoin de son indépendance… quoi qu’il fasse, qu’il trouve un autre boulot, un autre appart, qu’il reste sur Toulouse ou qu’il parte je ne sais où… j’ai besoin que tu m’aides à garder un œil sur lui, si tu le veux bien… ».
    « Je te promets que je ferai de mon mieux… » j’arrive à lui répondre, la voix cassée par l’émotion.
    Je le prends dans mes bras… autant pour cacher mes larmes que pour chercher du réconfort contre son torse de malade.
    Je sens sa main chaude frotter dans mon dos et remonter vers mon cou, caresser l’arrière de ma nuque… ses mains se portent de chaque côté de mon visage… nos bouches sont à quelques centimètres… et là, le petit coquin me surprend en m’envoyant un joli petit sourire et en posant un smack léger sur mes lèvres…
    « Porte toi bien, Nico… et si ça va pas, tu sais que ma porte est toujours ouverte… ».
    Dans le bus, je valide le ticket que Thibault m’a filé en quittant l’appart. Je me dis que vraiment, ce mec est un ange, un ange musclé avec un esprit touchant au possible…
    Cette rencontre avec Thibault a été un pur moment de bonheur… dans le bus, je feuillète sans cesse les trois photos qu’il m’a données, autant de trésors à la valeur inestimable à mes yeux…
    Thibault a été adorable, et très honnête avec moi. Il m’a rassuré, remonté le moral. Il a apporté des réponses à pas mal de mes questions, de mes inquiétudes. Je me suis confié à lui, il s’est confié à moi.
    Pourtant, en partant de l’appart aux Minimes, je m’inquiète un peu pour ce bomécano… une partie de moi a comme l’impression que derrière son attitude et son discours de mec bien dans ses baskets, il y a des choses non dites, comme un bon petit malaise dans sa jolie tête… j’ai comme l’impression qu’entre son envie de voir son pote heureux avec moi et celle de me voir heureux avec son pote, il est en train de s’oublier une fois de plus…
    Mais, comme d’habitude, je trouve le moyen de me rassurer, avant de me replonger dans mes propres inquiétudes, en me disant que Thibault est un garçon solide et que tout ira bien pour lui…
    J’aurais dû m’inquiéter davantage, car sous ses allures rassurantes, il y avait bel et bien un malaise grandissant…
    Oui, Thibault avait été très honnête avec moi… pourtant, il y avait des choses qu’il avait préféré garder pour lui… non pas par malhonnêteté, pour agir dans mon dos… c’est juste qu’il ne le maîtrisait pas forcement à cet instant précis… des sentiments qu’il estimait avoir besoin de digérer tout seul, sans m’en inquiéter, sans effrayer son pote… des sentiments qu’il pensait certainement arriver à surmonter en prenant sur lui une fois de plus… des sentiments dont je connaitrai toute l’ampleur plus tard cet été-là, lorsque les évènements auront vraiment mal tourné.
    Hélas, les sentiments sont faits d’une matière bien instable… on a beau essayer de les manipuler avec prudence, de les contenir, les isoler, de se les cacher en les enfouissant à des profondeurs abyssales dans notre esprit… il suffit d’un instant d’inattention, de faiblesse, pour qu’ils refassent surface, se mélangent et fassent tout exploser dans notre tête et dans notre vie…
    Le bomécano avait passé des années à tenter d’étouffer les siens… mais ils avaient soudainement refait surface et pris une nouvelle dimension lors de cette incroyable nuit où nous avons été tous les trois réunis… et même en amont de cela…
    Pour savoir comment Thibault a vécu cette nuit, il faudrait pouvoir rentrer dans sa tête, lorsqu’il est tout seul devant son café en ce dimanche matin…

    « La toute première rémunération de mon travail d'écriture, c'est vous, les lecteurs, votre présence, votre fidélité. Mais sans le temps pour écrire, Jérém&Nico n'existerait pas, n'existerait plus.
    Ce temps pour écrire, tu peux me l'offrir, à hauteur de tes moyens. Pour faire continuer ce partage qui dure depuis trois ans déjà. TIPEE.COM/jerem-nico-s1. Simple, rapide, sans engagement. Merci d’avance. Fabien ».


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  • Lorsque je rentre de ma longue balade le long du canal, c’est l’heure du dîner. Maman a mis la table et papa vient de rentrer.
    Nous nous mettons à table, devant la télé, papa raconte sa journée, maman la sienne. La mienne est vite relatée, elle se résume à mon immersion dans le microcosme rassurant au bord de l’eau.
    Certes, si je me lançais à leur raconter tous les questionnements et les inquiétudes qui peuplent ma tête depuis quelques heures, il y aurait de quoi fait un bon conseil de famille… mais franchement, je préfère éviter… un souci à la fois, je me dis…
    Alors, pour faire diversion, je commente avec papa l’énième sujet sur le prochain passage à l’euro servi dans le journal télé… oui, dans quelques mois, le bon vieux franc va disparaître… l’inquiétude grandit au sujet de l’approvisionnement des distributeurs de billets dans la nuit du 31 au 1er… on craint la pénurie de monnaie… tout comme, il y a quelques mois, on craignait le fameux bug informatique de l’an 2000 qui devait plonger la planète dans le chaos… chaque époque sa peur…
    Je n’en reviens toujours pas que, depuis hier matin, lorsque je suis rentré en plein petit déjeuner après avoir découché, ni maman ni papa ne se sont lancés dans des questions indiscrètes… non, vraiment, je trouve bizarre qu’ils aient gobé mon récit d’un verre avec les potes du lycée qui se serait fini au petit matin dans une boite du centre-ville, le Shangay… pourquoi j’ai eu besoin de citer un lieu précis, et ce lieu en particulier ? Heureusement qu’ils ignorent que le Shangay comporte plusieurs salles… et que dans l’une d’entre elles, il parait qu’on joue souvent du Mylène Farmer…
    A mon avis, ils doivent croire que j’ai une meuf… je me dis que si c’est le cas, je vais laisser leur fausse croyance devenir mon alliée, tout en étant conscient qu’un jour, il faudra bien qu’ils sachent…
    Mais je ne me sens pas encore prêt pour cela… je pense que je le serai le jour où j’aurai une relation stable… me voilà rassuré de ce côté-là… avec un petit con comme Jérém, ce n’est pas demain la veille que j’aurai à faire mon coming out familial… ça, c’est ce que je pensais…
    Car on a beau faire des plans pour l’avenir… parfois les évènements nous prennent de court, nous obligeant à faire des grands pas, même si on n’y est pas encore préparé… mais on n’est jamais vraiment prêt à faire des grands pas… il faut les faire, c’est tout…
    En attendant, je suis KO… l’absence presque totale de sommeil la nuit de samedi à dimanche, passée à faire des galipettes avec les deux potes… le sommeil en pointillés de la nuit dernière, ponctué par ce rêve de fou où Jérém et Thibault en venaient aux mains, avant de se résoudre à en venir aux queues… la longue balade de l’après-midi…
    Bref, le lit m’appelle de bonne heure.
    Je tente de lire un peu, mais les yeux se ferment tout seuls… j’éteins la lumière, je me glisse sous les draps…
    Le corps est HS mais l’esprit ne cesse de se torturer avec les questionnements qui tournent en boucle dans ma tête depuis un peu plus de 24 heures…
    Comment retrouver Jérém après cette nuit ? Comment le retrouver après sa nouvelle jalousie face à un Thibault si attentionné envers moi, face à cette complicité, à cette tendresse qui se sont installées entre son pote et moi sur le fil du plaisir sensuel ?
    Qu’a-t-il ressenti lorsqu’il s’est rendu compte que cette nuit qu’il avait envisagée comme un plan cul s’est transformée en tout autre chose, du moins pour Thibault et moi ?
    Quelle attitude va-t-il avoir à mon égard ?
    Je peux toujours rêver qu’il puisse prendre conscience tout seul de cette évidence… que Thibault m’a apporté exactement ce que je voudrais que lui m’apporte… oui, je peux toujours rêver que Jérém puisse s’inspirer de la voie esquissée par son pote pour la suite de notre relation…
    En réalité, je crains, au contraire, que dans l’avenir proche il soit encore plus dur avec moi, comme pour me punir d’avoir accepté de Thibault, son meilleur pote, ce que lui-même refuse de m’apporter…
    Quant à Thibault… comment le retrouver, lui aussi, après cette nuit ? Quel regard va-t-il porter sur moi et sur mon incapacité à me faire respecter par son pote ? A quel point a-t-il été déçu par mon attitude vis-à-vis de Jérém ?
    Comment retrouver le fil de notre amitié naissante après y avoir laissé rentrer cette sublime note sensuelle ?
    En ajoutant du bonheur au plaisir, de la tendresse aux galipettes, ne nous sommes-nous pas engouffrés dans une voie dangereuse ?
    J’ai adoré coucher avec le bomécano… mais vais-je le regretter tôt ou tard ? Tout comme, parfois, je me surprends à regretter d’avoir envisagé, pas provoqué, mais accepté le « hors sujet » lors de la première révision avec Jérém…
    Bien sûr, c’est lui qui m’avait poussé à fouiller plutôt dans son boxer que dans le cahier de cours… il savait très bien de quoi il avait envie… tout comme, c’est de son plein gré que Thibault a accepté de prendre part à nos galipettes…
    Pourtant, parfois je me dis qu’en provoquant les révisions avec Jérém et en acceptant ses « méthodes », je lui ai fait découvrir une facette de lui-même qui a bouleversé sa vie et crée un malaise persistant dans sa tête… Jérém était peut-être plus heureux quand il ne se tapait que des nénettes à tout va…
    J’ai du mal à croire que cette nuit ne représente pour Thibault qu’une bonne partie de jambes en l’air… qui sait quelles cordes sensibles tout cela a pu remuer dans sa tête et dans son cœur…
    Je m’en voudrais si la solidité d’un gars pareil devait se retrouver ébranlée à cause d’une nuit de plaisir… je m’en voudrais d’avoir foutu le bordel dans la tête de Thibault comme dans celle de Jérém…
    Arme puissante, que le sexe…
    Dans le noir de ma chambre, d’autres questions s’amoncellent dans mon esprit comme autant de nuages sombres annonçant l’orage dans un ciel d’été…
    Comment vont se retrouver les deux potes ? Quel ménage vont pouvoir faire la jalousie de Jérém et la tendresse de Thibault à mon égard ? Est-ce qu’ils vont parler de moi ? Est-ce que Jérém va encore essayer de convaincre son pote que je ne suis qu’un cul à baiser ? Est-ce que Thibault va, au contraire, essayer de raisonner Jérém et de lui faire comprendre qu’il se comporte parfois très connement avec moi ?
    Il n’y a rien de pire que des histoires de cul pour faire vaciller, terrasser les amitiés les plus solides.
    Que ce soit à cause de la jalousie, de la rivalité… ou, au contraire, à cause de la sensualité, de l’attirance…
    Je pense à ce court mais si intense moment de sensualité entre eux… est-ce que leurs corps, leurs esprits se sont embrasés pour un désir souvent ressenti et jamais assouvi ?
    Ou bien… est-ce que cet émoustillement prenait racine dans le souvenir de caresses, de baisers, de plaisirs déjà consommés ?
    Et si ce n’était pas la première fois que leurs corps, leurs envies, leurs plaisirs se sont retrouvés si proches ?
    Et encore… auront-ils eu assez de ce moment… ou bien… est-ce qu’ils vont remettre ça, rien que tous les deux ? Surtout si l’envie devait se manifester, chez l’un ou chez l’autre, de tenter des expériences du style de celle amorcée à la fin de mon rêve érotique… des expériences pour lesquelles ils n’auraient pas besoin de moi… celui qu’ils ont connu dans le rôle de pd passif…
    En m’endormant, je me surprends à repenser une fois de plus à la douceur de Thibault… à me demander pourquoi le bomécano a été aussi attentif et doux avec moi… à me demander s’il ressent quelque chose pour moi… à me demander qu’est-ce que je ressens à mon tour pour ce mec formidable…
    Juste avant de m’endormir, une évidence finit par me sauter aux yeux… Thibault est un garçon tellement adorable, qu’il ferait tomber amoureux n’importe qui, même un Détraqueur… comment ne pas être touché par un garçon si fort et si doux à la fois, par cet esprit droit et généreux… oui, Thibault est un garçon dont j’aurais pu facilement tomber amoureux… si je ne l’étais pas à « cœur perdu » de son meilleur pote…
    Car ce soir, dans mon lit, c’est mon Jérém qui me manque… il me manque au-delà et par-dessus la folie sensuelle de l’autre nuit… il me manque plus que tout, plus que personne… et ce t-shirt que je serre tout contre moi, avec le souvenir olfactif qui se dégage toujours de ses fibres, ne suffit pas pour combler ce manque… bien au contraire, il ne fait que rendre cette absence encore plus insupportable…

    Heureusement, le lendemain, mardi, j’aurai l’occasion de me distraire avec mon premier cours de conduite…
    Ça a été une bonne idée de passer le code pendant les vacances de février… j’ai pu ainsi me concentrer par la suite sur le bac, sur les révisions, toute sorte de révisions… et là, il ne me reste qu’à prendre mes cours de conduite, pour essayer de passer l’épreuve pratique avant la rentrée…
    Je suis très impatient de passer cette étape, d’apprendre à conduire, d’avoir mon permis, ma voiture… j’aimerais bien pouvoir fêter mon permis en partant une semaine à la mer, comme Jérém l’an dernier… j’ai eu quelques échos de ces vacances, de comment le bobrun s’est encore tapé la moitié des nénettes du camping… c’est de ces vacances qu’il a ramené ce brassard tatoué juste en dessous du biceps qui me fait tant d’effet…
    Oui, j’aimerais pouvoir fêter mon permis avec mes potes… mais je ne sais pas encore quand je l’aurai… et puis, je n’ai pas assez de potes pour faire ça…
    Oui, je suis très impatient d’attaquer mes cours de conduite… le seul bémol à ma joie étant l’idée de retrouver Martin…
    Non pas que la compagnie de Martin me soit désagréable, bien au contraire… plutôt beau, sexy, classe, charmant et charmeur le garçon… un côté cash dans la drague qui me fascine…
    Bref, ce mec a même tout pour me plaire… ce qui risque déjà à la base de rendre ma concentration pour la conduite… comment dire… insuffisante…
    Mais ce qui me pose le plus de problème ce n’est pas son charisme… mais plutôt le fait de ne pas trop savoir comment le beau moniteur va être disposé à mon égard…
    Je repense à la soirée au KL, cette soirée au cours de laquelle il m’a dragué et où nous avons failli finir la nuit chez lui… je repense à la scène de Jérém, à son chantage, au choix qu’il m’a imposé entre Martin et lui…à mon choix de céder à son chantage… enfin, de céder à son charme surtout, et aux sentiments que je ressens pour lui, et à l’espoir que mon geste représente quelque chose à ses yeux, qu’il se rende compte à quel point il compte pour moi… et qu’il se réveille enfin…
    Je repense à Martin quittant la scène sans demander son reste… et le malaise de l’avoir laissé en plan alors qu’on s’était vraiment bien chauffés refait surface toujours aussi vif…
    J’appréhende de me retrouver seul dans la voiture avec lui, de l’entendre me poser des questions, de devoir donner des explications, de me retrouver mal à l’aise… je redoute qu’il me pourrisse ou, pire, qu’il se moque de moi… j’appréhende de foirer mes cours à cause de ce malaise…
    D’autre part, j’ai envie de le revoir pour m’excuser… j’aimerai bien le garder en tant que pote… je le trouve marrant, en plus d’être super charmant… et j’ai envie que mes cours de conduite se passent bien…
    Me voilà à tout juste quelques pas de l’autoécole, je ne peux plus faire machine arrière. Je dis bonjour à la fille qui attend dehors en textotant sur son portable, je prends une profonde respiration et j’attrape la poignée de la porte d’entrée.
    Je me présente à la secrétaire.
    « Nicolas… Nicolas… ah, oui… te voilà… » fait elle, la tête dans le planning « tu as cours avec… avec… avec… ».
    « Avec Martin… » je fais, sûr de moi.
    « Ah… non… » elle me relance « c’est avec Julien que tu vas faire ta conduite… ».
    « Vous êtes sûre ? Vous m’aviez présenté Martin quand j’étais venu pour prendre rendez-vous… ».
    « Oui… ça devait être Martin mais en ce moment il est en arrêt de travail… ».
    « Ah mince… » je me renseigne « rien de grave ? ».
    « Euh… » fait la secrétaire, l’air un peu embarrassé « non, mais il ne peut pas conduire… il devrait être de retour dans quelques temps… ».
    « Ok… » je fais.
    « Tu peux attendre dehors, Julien ne va pas tarder à revenir de son cours précèdent… il va vous prendre tous les deux, toi et Sandrine, la fille que tu as dû voir dehors… ».
    « D’accord… merci ».
    Je suis à la fois soulagé et frustré que ce ne soit pas Martin qui me donne les cours de conduite… je me demande ce qui a bien pu le rendre inapte à la conduite…
    Je n’ai pas trop le temps de réfléchir, car la 206 blanche décorée avec les autocollants de l’autoécole se gare juste devant moi, le moteur et les warnings allumés.
    Deux filles en sortent… mais franchement je ne pourrais pas dire si elles étaient brunes, blondes, rousses, grandes, petites, belles, moches, avec trois bras ou avec deux têtes chacune…
    En revanche, dès le premier instant, dès le premier regard, je peux dire beaucoup de choses, mais alors une infinité de choses au sujet de ce Julien…
    Première réflexion… mais putain… décidemment, il y a des prénoms comme ça, qui semblent porter en eux une destinée… là, en l’occurrence, il s’agit de la « destinée bogoss »…
    J’ai toujours eu un faible pour Julien, le coéquipier de Jérém… un petit gabarit très musclé, très vif, , marrant, déconneur, débordant de jeunesse et d’énergie… bref, sexy en diable…
    Mais alors, ce « nouveau » Julien… comment dire… c’est mon Jérém… mais en blond…
    Il sort de la voiture, et dès qu’il est debout, je peux apprécier le spécimen… grand, genre 1m85, physique élancé mais bien musclé, torse taillé en V…
    Son t-shirt tombe très bien sur ses épaules, met en évidence ses pecs… bref, juste la perfection… une perfection en coton qui a l’air très bien remplie…
    C’est un t-shirt « audacieux », avec des motifs à fleurs jaune et vert sur un fond blanc… accompagné d’un short marron et de baskets jaune fluo… bref, le genre de tenue que, perso, jamais je n’oserais… non pas que je n’aime pas… bien au contraire… mais il est des tenues qu’il faut savoir porter… il faut le physique, la dégaine, la gueule de l’emploi…
    Puis, il y a le brushing… concept capillaire de bogoss, impeccable, cheveux coupés très courts autour de la nuque, pas mal plus long au-dessus et plaqués au gel vers l’arrière, tout en laissant une raie sur le côté…
    Plus je regarde son t-shirt, plus je me dis qu’il est aussi bien coupé que ses motifs sont improbables… je me dis aussi qu’avec ce genre de pièce, moi je serais ridicule à mourir… mais lui, non, lui il est juste sexy à mourir… évidemment, sur le dos d’un canon pareil, tout va, tout va, tout va… d’autant plus que son aisance, son assurance, sa décontraction lui donnent un style, une certaine classe…
    Un style qu’il complète avec une barbe claire de trois jours qui lui confère une petite touche sexy et virile… et avec de grosses lunettes de soleil « bogoss style » qui ajoutent une touche de « je me la pète un peu » qui contribuent à rendre le personnage incroyablement sexy…
    J’adore ses lunettes… pourtant, j’ai juste envie qu’il les enlève pour découvrir ses yeux et avoir ainsi toutes les cartes en main, y compris l’atout majeur qu’est le regard, pour juger de l’ampleur exacte de sa bogossitude…
    Mon vœu va très vite être exaucé…
    Le bogoss approche de la fille et, avant de lui faire la bise, il dégage son regard…
    « Salut Sandrine » il la salue avec un grand sourire lumineux et sexy.
    La fille n’en est à l’évidence pas à sa première leçon de conduite. Ni insensible au charme du bogoss.
    « Salut, je suis Julien, ton moniteur… » il s’adresse ensuite à moi, tout en me tendant la main.
    « Bonjour, moi c’est Nico » je réponds machinalement, encore sous le choc et déjà sous le charme…
    Oui, car je viens de découvrir que, derrière les lunettes, se cachait un regard vert marron magnifique, charmant au possible, dans lequel je découvre très vite un je-ne-sais-quoi de pétillant, de rieur, de très coquin…
    « Vas-y, Sandrine » fait il « mets-toi au volant, tu vas montrer au nouveau comment tu te débrouilles… ».
    Le « nouveau » se retrouve donc assis sur la banquette arrière… position qui, si on fait abstraction de l’inconvénient de m’empêcher de mater sa jolie petite gueule, présente l’énorme avantage de ne pas devoir composer avec son regard, tout en me laissant le loisir de détailler sa plastique de bel étalon à ma guise… ça me rappelle mes observations en cours… vraiment, la plastique de ce Julien côté verso me rappelle grave la plastique de Jérém côté verso…
    La voiture démarre mais je n’ai pas du tout la tête à suivre ce que Sandrine est en train de faire… je ne sais même pas dans quelle direction nous partons… j’entends juste la voix du bogoss qui, entre deux indications de direction, n’arrête pas de la taquiner… pour le reste, je me consacre à l’observation de la bête…
    Premières impressions, suite aux détections rapprochées… vraiment, très très bogoss… cou, épaules, biceps, perfection plastique… nuque presque rasée qui met en évidence ses oreilles fines et sexy qui ne semblent demander qu’à être caressées, titillées, léchées, mordillées…
    Ce t-shirt qui tombe comme un gant sur son torse, sur son dos… j’adore observer le col du t-shirt, coté dos, cette ligne, cette frontière où le coton s’arrête et la peau se dévoile… cette ligne surmontée par une chaînette de mec… cette ligne d’où le regard prend le large pour dériver vers la naissance des cheveux, vers la nuque, vers cette crinière blonde fournie…
    Pourquoi je ressens une envie viscérale de poser plein de bisous dans son cou, à la lisière de ses cheveux et cette chaînette qui me rend dingue ?
    C’est un bonheur entier que de mater ce mec… et c’est un bonheur tout aussi intense que de le sentir…
    Inutile de le préciser que le petit con sent incroyablement bon… son deo est frais, entêtant… c’est trois heures de l’après-midi mais j’ai l’impression qu’il sort de la douche… une note de deo et je me surprends à penser « douche »… et il me suffit penser douche que déjà je l’imagine sans peine, le corps ruisselant d’eau, les cheveux en bataille, retombant sur le front, lui voilant les yeux, la serviette qui essuie, couvre, dévoile…
    Oui, la position arrière me permet de bien le détailler… d’autant plus que, étant souvent tourné vers Sandrine, je peux également apprécier son profil de mec… sa petite barbe claire et pas trop fournie, mais pourtant si sexy…
    J’ai toujours été plutôt branché bobrun… je suis raide dingue de mon bobrun… mais alors, là j’ai trouvé un sacré boblond… blond, ou du moins châtain très très clair… mais une putain de bombasse ce Julien…
    Ce mec est exactement ce qui me fallait pour me changer les idées et ne pas me noyer dans mes réflexions, mes questionnements et mes états d’âme…
    Je l’écoute rigoler avec Sandrine, je l’écoute déployer sa drague, portée par un humour qui ose tout… faire les compliments les plus improbables… faire rire la fille… jouer les bouffons, se moquer de lui-même… faire rire la fille… faire un compliment bien placé… surprendre la fille… revenir à la charge avec une blague pourrie… se faire envoyer sur les roses… sourire… jouer au mec sérieux le temps d’une coupure entre deux blagues… et revenir sans cesse à la provoc, ne jamais laisser un instant de répit… aller à la limite de la goujaterie parfois, mais se rattraper avec une pirouette et faire rire, encore et encore…
    Je me surprends à rire moi aussi de sa drague pourrie mais redoutable… car, au final, le mec arrive à être très drôle… charmant, sexy et drôle… et un mec sexy, sûr de lui, charmeur, joueur, déconneur et drôle… moi j’appelle ça un mélange explosif…
    Sandrine a du répondant, elle est même parfois cassante, mais le mec ne se démonte pas, entre deux indications sur le parcours, il titille sans discontinuer…
    En l’écoutant parler, je me laisse transporter par son petit accent toulousain bien marqué, très sexy, et par cette manière de rouler certains « R »... sexy à mourir...
    Et toujours ce petit regard lubrique collé dans les yeux, ce sourire coquin accroché à ses lèvres...
    Bref, voilà un beau jeune mâle avec à la fois une opinion certaine de son charme et un besoin inépuisable de l’exercer, d’en admirer les effets…
    Tout comme mon bobrun… le même mais en boblond… le côté ténébreux en moins, un brin plus souriant, plus bavard, plus extraverti… et chaud comme la braise…
    Nous roulons du côté des Carmes… le soleil cogne et il fait vraiment chaud dans la voiture… mais le soleil ne fait pas tout… la température monte en flèche autour de moi lorsque le bogoss porte sa main sur son paquet, et commence à trifouiller la bête à travers le short…
    « Te gêne pas… » fait Sandrine, taquine.
    « Je range le matos… » répond le bogoss, du tac au tac, pas gêné pour un sou.
    Son regard, c’est le regard d’une sacrée tête à claque… un regard coquin… et même carrément un regard lubrique… ce mec transpire le sexe dans chaque geste, chaque mot, chaque sourire…
    « Prends ton temps… » le pique Sandrine.
    « Bah, oui, il faut le temps de la manœuvre pour garer du hors gabarit… ».
    Petit con frimeur, va… mais petit con avec un sourire d’enfer…
    Sa boutade est tellement énorme, qu’il est le premier à en rigoler à gorge déployée, comme pour souligner justement l'ampleur de sa connerie... on comprend que c’est fait exprès, pour amuser la galerie… mais, en attendant, c’est dit… il a parlé de son hors gabarit… il a lancé une énormité pour provoquer une réaction… et ce côté bouffon sexy, frimeur drôle, est tout simplement craquant…
    De l'insolence, de l'impertinence, du charme, de l’autodérision, cocktail sournois… le tout accompagné par ce perpétuel petit sourire sexy et lubrique à mourir au coin des lèvres, par ce regard chaud comme la braise…
    Oui, le mec est tellement déconneur, tellement « deuxième degré ou plus » et tellement « en permanence », qu’au bout d’un moment, on ne sait plus sur quel degré se placent ses boutades… en soufflant sans cesse le chaud et le froid, en jouant tour à tour au simplet et au malin… en jouant la carte du fanfaron, puis de l’autodérision, ou bien du ridicule assumé… en testant en permanence mais jamais sur le même registre, le bogoss finit par déstabiliser… on ne sait plus si c’est viande ou poisson, on est perdus, plaisamment désarçonnés… par moment, on a même l'impression qu'il se moque ouvertement... mais la réplique suivante n’est jamais là où on l’attendrait… car le petit con a une sacré repartie… au final, son petit jeu est si amusant et sexy qu'on finit par rentrer dedans, par en redemander, par tomber sous le charme…
    « Il faut du temps et des longues manœuvres pour garer du hors gabarit… »… petit con, va… mais, apparemment, petit con réaliste… je surveille la manœuvre du boblond avec une attention toute particulière et il me semble que le petit con est effectivement en train de remettre en place un très bon gabarit, dans une forme plutôt remarquable qui plus est… le short est en tissu souple et il me semble voir une forme moulée et raide, récalcitrante à toute tentative de contention…
    « Ou alors tu ne sais pas manœuvrer… » finit par le doucher Sandrine.
    Mais le bogoss n’en perd pas pour autant le sourire fripon, le regard lubrique et la repartie.
    « C’est que ça marche mieux quand c’est les autres qui manœuvrent… ».
    J’adore… jamais, il ne lâche le morceau…
    En tout cas, le mec a l’air de bien savoir ce dont il a envie… non, à lui, au lit, je pense qu’il ne faut pas lui en promettre…
    Nous nous arrêtons à proximité du Pont Neuf et je prends le volant… nous ne sommes pas loin de la rue de Metz… pas loin de la brasserie où bosse Jérém… enfin… à cette heure-ci il doit être en pause… qui sait où il est à cet instant précis, ce qu’il est en train de faire…
    J’ai beau avoir une mégabombasse juste à côté… je ressens un pincement au cœur du fait de ne pas savoir quand je le reverrai, et si je le reverrai un jour…
    Je mets le cligno, je me jette à l’eau… enfin… je me jette à la circulation…
    Très vite, je me rends compte que l’attitude de Julien à mon égard est très différente de celle à l’égard de Sandrine… son attitude est strictement professionnelle… le beau moniteur me donne juste les consignes de trajet, tout en continuant à blaguer avec Sandrine… eh, oui… c’est qu’il est hétéro le beau Julien… personne n’est parfait…
    En attendant, je ne suis pas vraiment à l’aise sur le siège conducteur… c’est mon premier cours de conduite, je ne connais pas la voiture, je n’ai que très rarement touché un volant… de plus, les échanges entre Julien et Sandrine me déconcentrent… les indications de Julien arrivent parfois un peu trop tard pour le novice que je suis…
    Et puis, surtout… comment être à l’aise avec un mec aussi sexy juste à côté… qui en plus, sent tellement bon… petit con, va…
    On laisse Sandrine au pied de son immeuble du coté de La Grave. Me voilà seul avec Julien dans la voiture pour la suite du cours.
    Je redémarre, mais l’absence de Sandrine se fait sentir très vite… l’ambiance n’est plus du tout la même… exit les blagues, les sourires charmeurs, sa vivacité, son effronterie de petit con… désormais, le bogoss se limite à me donner les consignes pour mon cours… « tu vas tourner à droite »… « tu vas tourner à gauche »… « mets le cligno, prépare toi à tourner »… « fais gaffe au vélo »… « attention les passages cloutés »… « ralentit »… « tourne large »…
    Mais entre deux consignes, le silence se fait vraiment embarrassant. Ce silence me stresse encore davantage que les échanges fripons de tout à l’heure… et ça finit par affecter ma conduite.
    « T’as jamais touché à un volant, c’est ça ? » finit par me demander Julien.
    « Non… » j’avoue « ça se voit autant ? ».
    « T’inquiète ça va venir… » fait le bogoss « il faut pas stresser, ça va venir petit à petit… ».
    Nous arrivons à l’autoécole.
    « Mets les warnings… pour aujourd’hui c’est bon » je l’entends me lancer « on se revoit vendredi ? ».
    Le parfum du deo qui se dégage de sa peau est juste étourdissant.
    « Ok… alors c’est vous qui allez me faire toute la conduite ? » je me renseigne.
    « Oui, je pense… pourquoi ? ».
    « J’avais vu Martin quand je m’étais inscrit… ».
    « Tu es un pote à Martin ? »
    « Non… enfin… on ne peut pas dire ça… je l’ai vu quand je suis venu m’inscrire… pourquoi ? ».
    « Non, rien, comme ça… à vendredi… ».
    Je descends de la voiture et je rentre chez moi en emportant dans mon cœur et dans me tête ce petit frisson, cette fraîcheur que sait apporter la proximité, la contemplation d’un bogoss… c’est comme une renaissance… une sensation de profond bonheur… le contact visuel et olfactif, la proximité, le partage d’un moment de la vie d’un petit mec d’1 mètre 85, drôle, charmeur et sexy en diable…
    C’est un contact à la fois frustrant et nécessaire… frustrant de devoir s’arrêter à des échanges anodins, de ne pas pouvoir répondre aux milles questions qui m’assaillent devant un pareil bogoss… nécessaire, car en le côtoyant et, plus tard, grâce à son souvenir qui retentit en moi, j’ai soudainement l’impression que la vie est plus belle et que les soucis disparaissent…
    Oui, à la fois frustrant, mais tellement bon et apaisant d’assister au spectacle sans cesse renouvelé de la beauté et de la jeunesse masculines…

    Le lendemain, mercredi, je passe une partie de la journée avec ma cousine Elodie… elle finit à midi, on déjeune ensemble du côté de l’Allée de Brienne…
    Voulant éviter le dossier « Jérém », directement relié au dossier « nuit de dingue avec Jérém et son pote Thibault », je lui parle de mon premier cours de conduite et du sexy moniteur Julien…
    Peine perdue… j’ai beau éviter le sujet, elle finit par l’amener dans la conversation…
    « T’es es où avec ton sexy rugbyman ? Vous avez parlé un peu ou vous êtes encore juste caressé la nouille ? » elle me demande sans transition, au détour d’une conversation anodine.
    Elodie, ou l’art de mettre les pieds dans le plat.
    Je n’ai pas le courage de lui raconter que je les ai vus tous les deux pas plus tard que le week-end dernier… et que ce n’était pas exactement pour se taper la discute…
    Alors, pour faire diversion, tout en affrontant le sujet que, je le sais, je n’arriverai pas à éluder, je lui parle (succinctement) de nos galipettes après la finale…
    « Naaaan… je rêve… » s’étonne ma cousine « après le match il avait encore assez de gnaque pour s’envoyer en l’air, avant de partir au barbec… mais ce mec est incroyable ! ».
    Si tu savais à quel point ma cousine… si tu savais avec quelle puissance il m’a baisé après la finale… si tu savais quelle nuit il m’a concocté samedi dernier…
    Je suis à deux doigts de tout lui balancer, je prends une grande inspiration… je me dis que je vais y aller…
    Puis non, je n’ose pas… je sais qu’elle ne me jugerait pas… mais le fait est que trop de questions se bousculent encore dans ma tête… je pense qu’elle pourrait être de bon conseil, mais j’ai peur de me perdre entre mon récit et ses réactions… j’ai encore besoin de ruminer un peu tout ça, tout seul…
    « Et le mécano, alors… » revient-elle à la charge « tu l’as revu après la finale ? ».
    « Non, je ne l’ai pas revu… » je mens alors que nos cafés arrivent avec la note du repas.
    Le programme de l’après-midi s’annonce compliqué.
    « On se fait les boutiques… » lance Elodie toute guillerette, comme si l’idée devait m’emballer autant qu’elle, comme si elle m’avait annoncé qu’on irait à la Fnac et que Madonna serait là pour faire des dédicaces et signer des autographes.
    « Mais jamais de la vie… on va crever avec cette chaleur… » je m’insurge, avant de lancer ma contre-proposition « pourquoi on n’irait pas à la piscine ? Elle doit être carrément saturée de bogoss à cette période… ».
    « M’en fous des bogoss, moi j’ai envie de faire les soldes… » proteste-t-elle.
    « Ce sera sans moi alors… » je lâche, cash.
    « Tu n’oserais pas planter ta cousine, comme une conne… » elle tente de m’amadouer.
    Mais elle ne m’aura pas.
    « Tu me connais mal… » je la défie.
    « Allez, s’il te plaît… dans les boutiques aussi il y a du bogoss… ».
    « Oui, mais il faut marcher, et faire du « sur place » pendant que tu fais ta « conasse de boutique » »…
    « Comment tu parles de ta meilleure cousine ? » elle feint de s’indigner.
    « Facile d’être la meilleure quand on est la seule… le fait est que je te connais trop bien… je sais à quel point l’air des boutiques te transforme en monstre affamé de prêt-à-porter… ».
    « C’est ça le problème… tu me connais trop bien… et tu as beau aimer les mecs… tu n’es pas une nana… » elle rigole.
    « Je te propose un deal… » je fais en saisissant une des pièces que la serveuse nous a rendu « pile, c’est plouff dans la piscine, face c’est la corvée rue d’Alsace-Lorraine »…
    « Ok, je marche… ».
    Je lance, la pièce tombe sur le trottoir… on se penche tous les deux comme des mouches sur une…
    « Merde ! » j’entends ma cousine lancer pendant que nos têtes se cognent.
     « Tu as 30 minutes pour aller chercher ton maillot, on se retrouve à Nakache à 15 heures pile… » je jubile.
    « Je te déteste, cousin… ».
    « Moi aussi… mais déteste-moi au pas de course, la montre tourne… ».
    Oui, il n’y a pas meilleur remède pour oublier ses soucis que d’aller mater du bogoss… et, à fortiori, du bogoss en meute… le top étant du bogoss en mode amphibien… évoluant entre milieu terrestre et milieu aquatique…
    Ainsi, lorsqu’on a besoin d’un petit remontant pour le moral… se rendre à la piscine municipale en plein cœur du mois de juillet, paraît une décision plutôt avisée…
    Ce coup-ci il y a beaucoup de monde, bien plus que la dernière fois, lors de cet après-midi d’il y a quelques semaines où mon brun était là aussi, cet après-midi où j’ai passé un moment chaud bouillant dans une cabine des vestiaires… putain, quel moment… putain qu’il avait été chaud… je me souviens encore de ses coups de reins… de la puissance de ses giclées…
    Aujourd’hui, je le sais, je ne croiserai pas mon Jérém… à cette heure-ci il doit être en pause, mais j’imagine qu’il doit se reposer…
    Je ne croiserai pas non plus Stéphane aujourd’hui, à 1000 km de là… qui sait ce que devient cet adorable garçon…
    Nous nous installons dans un coin, juste à côté d’un alignement de serviettes vides…
    Je pose mes affaires et mon attention est très vite captée par un remue-ménage assez bruyant dans l’eau… je regarde avec un peu plus d’attention et j’arrive à détecter une bande de potes en train de se baigner, de faire du raffut, de rigoler…
    Allongé sur ma serviette, je les regarde faire, enchanté… mes yeux ne sont pas assez grands, pas assez ouverts pour parvenir à capter toute la beauté indicible de cette scène, toute cette sexytude, bogossitude, jeunesse, insouciance, magie de ces corps ruisselants d’eau, brushings défaits, cheveux en bataille, de ces p’tits mecs qui sont autant de cadeaux du ciel... insoutenablement beaux, indiciblement sexy...
    Leur complicité, leurs jeux, leur inépuisable envie de rigoler, me font vibrer… je ressens des frissons, des papillons dans le ventre… j’ai envie d'hurler, tellement cette simple scène me touche… je me dis que ça, ça doit être une image du Paradis… ou, qu’en tout cas, il faudrait que le Paradis ressemble à ça…
    Je les regarde jusqu'à ce que l’un après l’autre ils sortent de l’eau… certains empruntant la petite échelle prévue à cet effet… d’autres, plus exubérants, en bondissant de l’eau et se hissant sur le bord de la piscine à la force des biceps… 
    On assiste à un véritable défilé de corps ruisselants d’eau, de shorts dégoulinant à grosses gouttes… dont certaines finissent par éclabousser mes mollets…
    Peu à peu, l’alignement de serviettes multicolores à côté, se transforme en alignement d’appétissantes plastiques de mec…
    Je me tourne vers ma cousine… elle se tourne vers moi… ils sont vraiment trop près pour que l’on puisse se laisser aller à des commentaires « en clair »… pourtant, en une fraction de secondes, notre échange de regards exprime plus de choses que mille mots…
    C’est beau cet ensemble de bogoss torse nu, heureux d'être ensemble, heureux d'être potes… en les regardant, je me demande si c’est normal d’avoir autant d’images lubriques en tête… les imaginer en train de mélanger leurs corps… imaginer le plaisir de fou qu'ils pourraient se donner ensemble…
    En regardant avec un peu plus d’attention, je me rends compte que, parmi cette petite dizaine de mecs à peine plus âgés que moi, il n’y a pas que des bogosses… certes, il y en a ; et, que ce soit pour une raison ou pour une autre, c’est même la grande majorité… mais l’ensemble, la proximité, l’effet de groupe vaut mieux que la somme…
    Tout comme je ne peux quitter du regard les bogoss alignés sur les serviettes, je ne peux m’empêcher de tendre l’oreille pour essayer de capter leurs conversations…
    C’est ainsi que, au milieu de leurs facéties, j’arrive à comprendre qu’il s’agit d’un groupe d’étudiants de Paul Sabatier… des petits ingénieurs… les voisins des stapsiens…
    Putain, que c'est beau à pleurer cette bande de potes... je voudrais pouvoir me perdre parmi eux, je me surprends à rêver d’être enveloppé par leurs virilités, par leur jeunesse, leur fougue, leur bogossitude, leur joie de vivre...
    Je rêve d’appartenir à un groupe de potes… je n’ai jamais réussi à me fondre dans la masse… à m’intégrer… à trouver ma place… ni au collège, ni au lycée… est-ce que je vais y réussir à Bordeaux ?
    « Quand je pense que tu voulais m’achever en faisant les boutiques… » je la taquine « tu crois qu’on n’est pas mieux là, allongés, en train de mater le bogoss ? ».

    Le jeudi après-midi, je reviens me mettre au frais et au calme le long du canal…
    Je reprends ma longue marche au bord de l’eau, à l’ombre des platanes… la question du jour, celle qui me tourne dans la tête depuis le matin, c’est de savoir comment j’en suis arrivé avec mon Jérém à une telle situation de dominant/soumis, limite de méprisant/méprisé… je me demande comment j’ai pu l’accepter tout en étant amoureux fou de lui…
    Et je ne parle pas de notre sexualité, où j’assume parfaitement le côté macho de mon bobrun… je parle de notre relation dans sa globalité…
    Plus tard dans cette histoire, lorsque je repenserai à mon abnégation de l’époque, à mon aveuglement, à ma faiblesse face aux sentiments que ce petit con de Jérém m’inspirait… lorsque je me souviens à tout ce que j’étais disposé à faire, endurer, supporter, essayer, attendre, souffrir pour ce mec… parfois je me dirais que j’ai été vraiment limite maso… mais surtout, très con… très con de ne pas savoir su m’imposer, de ne pas être arrivé à obtenir de cette relation un iota de plus que ce que Jérém était prêt à me donner… très nul de ne pas l’ avoir envoyé chier lorsque la situation l’imposait clairement…
    Encore aujourd’hui, tant d’années plus tard, je me dis que si j’avais la possibilité de monter dans une Delorean volante et de rattraper le Nico de mes 18 ans, je lui mettrais des baffes… et je lui crierais à tue-tête… « Bon sang, réveille-toi ! Ne te laisse pas faire… dis-lui tes quatre vérités… il a besoin de ça… d’être remis à sa place… à force de ne pas oser, tu rends service à personne… ni à toi, ni à lui, ni à votre relation… ».
    Mais en attendant, je donnerais cher pour pouvoir le revoir ne serait-ce qu’une fois…
    Déjà quatre jours depuis notre nuit et aucune nouvelle… moi non plus je n’en ai pas pris… mais moi, je n’ose pas… quant à lui, je ne sais même pas si ça lui arrive de penser à moi en dehors des moments où nous sommes emboités… alors, attendre un signal de sa part, c’est juste surréaliste…
    Pourtant, plus je marche, plus le sentiment de manque et de tristesse se fait sentir… tous les soirs, dans mon lit, Jérém me manque à m’en déchirer les tripes… et ce n’est vraiment pas qu’un manque de sexe… j’ai envie d’être à côté de lui, de sentir sa présence, sa chaleur, sa peau…
    J’ai pensé à lui envoyer un sms… il ne répondrait pas… l’appeler… quand ? comment ? quoi lui dire ?
    Oui, plus je marche, plus j’ai envie de voir Jérém, savoir de quelle humeur il est… savoir si on se reverra un jour…
    J’ai pensé aller prendre un verre à la brasserie, ou même juste de passer devant la terrasse, même de l’autre côté de la rue…
    J’en crève d’envie, mais je m’interdis de le faire, trop peur de son regard hostile, la hantise de le saouler, de me faire jeter...
    Pourtant il le faut… j’en ai besoin… alors, il faut bien commencer par quelque part… d’autant plus que, plus le temps passe, plus on laisse l’occasion au malaise de s’installer…
    Alors, au fil de mes pérégrinations sans but dans les rues de Toulouse, je me laisse plus facilement glisser vers la gare Matabiau que vers la rue de Metz… il me semble qu’une petite rencontre « par hasard » avec le bomécano à la sortie de son taf serait plus simple que tenter d’affronter direct le bobrun… c’est à ça que « servent » les « potes », n’est-ce pas ?
    De plus, je me dis que, en prenant part à ce moment sensuel, Thibault avait pu approcher le « cœur » de ma relation avec le bobrun… je me dis qu’il avait dû se rendre compte de ce qui n’allait pas… et qu’il saurait certainement m’être de bon conseil pour faire bouger les choses avec Jérém… et, pourquoi pas, il saurait peut-être en toucher quelques mots à son pote…
    Enfin… si tant est que je puisse toujours compter sur son aide pour tenter d’apprivoiser le bobrun… comment pourrait-il en être encore le cas si, à la suite de cette découverte sensuelle, de nouveaux sentiments devaient se dévoiler en lui ?
    Oui, j’appréhende de connaître son sentiment vis-à-vis de ce qu’il a vu, vécu, ressenti l’autre nuit… j’appréhende de découvrir si son attitude à mon égard a changé…
    Putain, qu’est-ce que le sexe peut créer comme malaise entre potes…
    Je sais que le bomécano finit à 18h00, il faut que je me dépêche si je ne veux pas le rater… je pourrais lui envoyer un message, mais je préfère aller le voir direct…
    Lorsque j’arrive sur place, Thibault est sur le trottoir devant le garage en train de discuter avec un autre gars, un peu plus âgé que lui, un collègue de travail j’imagine… ils sont en train de rigoler, de faire de grands gestes avec les bras et les mains… un troisième gars est en train de fermer le dernier rideau.
    Quelques secondes plus tard, les trois garçons se serrent la main, se font la bise et repartent chacun de leur côté.
    Thibault n’a pas fait trois pas que déjà il m’a capté… j’essaie de lire sur son visage ce qu’il ressent en me voyant… mais avant de me torturer l’esprit, je laisse mon regard s’imprégner de cette image sublime d’un bomécano qui débauche…
    Il est des mecs sur lesquels un simple bout de coton est le plus élégant des habits… c’est le cas de mon pote Thibault…
    Quoi dire à propos de cette tenue scandaleusement, effroyablement, odieusement, épouvantablement, douloureusement sexy, ce débardeur gris avec ces deux bretelles épaisses tendues sur ses épaules, ce t-shirt sans manches qui épouse parfaitement les lignes sublimes de son torse, comme si la toile de coton avait été tissée directement sur lui, et qui souligne avec une intensité inouïe ses bras puissants et musclés, en même temps que l'échancrure elle, sublime le haut de son torse en laissant entrevoir cette pilosité naturelle que j’ai soudainement envie de humer, de lécher…
    Avec cette enivrante sensation de sentir la douceur de sa peau, d'être frappé de plein de fouet par les effluves de son probable déo de mec et de sa sueur ?
    Avec toute cette série de questions déchirantes et cruelles… Dois-je regretter qu'il garde ce débardeur, en renonçant ainsi à la vision de son sublime torse velu ? Dois-je regretter de ne pas assister à l’image divine du mec en train de le poser d’un geste rapide et assuré pour exposer sa nudité… ou, mieux encore, l'arracher sur la vague d’une puissante envie de mec ? Ou alors, au contraire, dois-je me réjouir de cette vision même si elle cache en partie, tout en laissant délicieusement deviner son torse de statue de dieu grec ?
    La question ultime étant : comment résister à cette furieuse envie d'aller le lui arracher moi-même ?
    Surtout lorsque le regard tombe sur cette casquette noire elle aussi, posée à l’envers sur sa tête, avec cette mèche de cheveux qui dépasse, coincée dans l’ouverture arrière, au-dessus de la petite sangle de réglage… ou bien quand on regarde ses lunettes noires « bogoss style »… ou lorsque le regard se pose, caresse cette barbe brune et drue que je sais si douce, et qui semble encore avoir poussé par rapport à l’autre nuit… ou, in fine, lorsqu’on laisse le regard glisses le long de ce short vert militaire tombant en-dessous de ses genoux, tout en laissant dépasser ses mollets poilus… tout comme sont poilus ses avant-bras…
    En une fraction de seconde, ma rétine et mon esprit s’imprègnent de cette image de beau garçon puissant et doux… je pose mon regard sur Thibault et c’est comme lorsque, quelques années plus tard, on appuiera avec le bout du doigt sur une icône d’écran de smartphone… je lance l’application « Thibault » et je revis instantanément le bonheur de mélanger mon corps au sien, mon plaisir au sien, de me sentir dans ses bras, de sentir ses bisous, de l’embrasser, de mélanger nos langues, de le sentir dans mes bras, de me sentir bien…
    « Salut Nico ! » il me lance, tout en affichant son plus beau sourire, en me voyant traverser la rue pour le rejoindre. Un sourire capable de dissiper une très grande partie mon malaise.
    C’est idiot, mais le sexe, change la perception des relations.
    Le bomécano ôte ses lunettes, dévoilant ses beaux yeux qui tendent plutôt au vert aujourd’hui, les accroche à son débardeur ; il se penche ensuite vers moi et me claque une bonne bise, tout comme il vient de le faire en quittant ses collègues de travail ; ça fait plaisir de voir qu’il se comporte avec moi exactement comme avec ses potes, même si on a couché ensemble.
    Thibault a l’air un peu surpris de me voir débarquer, comme s’il y avait aussi de son côté un petit malaise, pourtant il a l’air heureux de me retrouver.
    Le contact avec cette barbe douce me fait à chaque fois un effet de dingue…
    « Salut Thibault… » j’arrive à lui lancer à mon tour, le cœur enfin un peu plus léger.
    « Comment vas-tu, Nico ? ».
    « Plutôt bien, et toi ? ».
    « Cool… je me disais justement qu’il fallait que je t’appelle pour prendre un verre… ».
    « Je marchais le long du canal, alors j’ai pensé passer te voir ».
    « T’as bien fait ».
    « On va au même endroit que la dernière fois ? » je me renseigne.
    « Ecoute, Nico… si tu veux, on peut aller chez moi… j’ai besoin de prendre une douche, et on sera plus tranquilles… ».
    Je ne m’attendais pas à cette proposition, je suis un peu désarçonné… mais c’est fait si gentiment que je ne peux pas refuser.
    Et puis, c’est vrai, j’ai envie d’être au calme pour discuter avec mon pote… pour me confier à lui, si l’occasion devait se présenter… peut-être que lui aussi a envie de me confier des choses… et il doit se dire qu’il sera plus à l’aise dans son appart…
    Et aussi… l’idée de savoir Thibault sous la douche chez lui, alors que je suis dans son séjour, me fait un effet certain… l’idée de découvrir où il habite, son espace de vie, me plait aussi…
    « Ok, je te suis… ».
    « Viens, on y va alors » fait il en traversant la rue d’un pas rapide.
    « On y va à pied ? » je me renseigne.
    « Non, en bus, il y a un arrêt juste là, j’ai des tickets, t’inquiète… ».
    Le bus ne tarde pas à arriver. Thibault valide deux tickets et il m’en tend un. Le bus est bondé, alors Thibault et moi restons debout, calés contre la paroi.
    Et c’est là que je l’ai vu… assis sur ma droite, sur le premier siège. Instantanément touché, attiré par lui, comme par un aimant.
    Un bobrun, musclé, charpenté… ses yeux sont bleu gris, il arbore cette coupe qui est très à la mode chez les garçons, cette coupe que j’adore, les cheveux bien courts sur les côtés et plus longs sur le sommet du crâne.
    Il porte une veste à capuche noire au niveau des poches et jusqu’au niveau des pecs, puis gris foncé au-dessus, y compris la capuche. Il a un pantalon de chantier en toile, gris foncé avec des rectangles noirs au niveau des genoux. Ses grosses chaussures montantes marron sont sales, signes d’un métier très manuel. Un petit ouvrier… Plombier ? Electricien ? Maçon ? Plaquiste ? Couvreur ? Il a des écouteurs rouges aux oreilles et lit les pages sport de la Dépêche du Midi.
    Mais ce qui m’a frappé chez lui dès la première seconde, c’est la ressemblance avec mon pote Thibault…
    Bien sûr, en le détaillant avec un peu plus d’attention, je me rends compte que ce garçon a un petit quelque chose de différent de Thibault, c’est difficile d’expliquer, mais il y a un-je-ne-sais-quoi de moins « lisse » dans le visage, quelque chose de plus « négligé » peut-être, genre baroudeur… il fait un peu moins « gentil garçon », alors que je me dis qu’il doit être à peine plus âgé que mon pote…
    Pourtant, le même gabarit, les mêmes traits, la même barbe, le même regard doux mais viril, respirant au même temps la puissance et le calme, la virilité et la douceur, la détermination et la gentillesse… tous ces éléments communs, eux ils sont bien là… et, malgré les quelques différences, la ressemblance est troublante.
    Me voilà donc parti dans l’habituel délire par lequel je suis happé lorsque tout bogoss se montre… cette attraction irrésistible comme la gravitation, ou un aimant puissant, vers ces bogosses insolemment sexy, bien dans leurs corps, dégageant une force, une puissance, une énergie magnétique.
    Le regarder c’est bonheur, fascination et, en même temps, comme une douleur intense… mais comment m’empêcher de m’abreuver de leur sexytude par le regard, tout en ayant l’impression que je ne pourrai jamais m’en rassasier suffisamment, que je ne capterai pas tout ce qu’il faudrait capter pendant ces instants d’éternité si éphémères, si brefs, si fragiles…
    Ils sont là devant moi, mais dans 2, 3 ou 5, peut-être 10 minutes, ce sera fini, ça s’arrêtera, ils repartiront dans leur vie, cette vie qui me restera inconnue…
    Et du coup chercher par tous les moyens à rallonger ce temps, traîner dans un rayon, faire semblant de chercher un truc, pour rester à proximité, dans le fol espoir de réussir à capter leur regard, en même temps que d’avoir peur de se faire repérer. Etre assailli intérieurement de mille questions à leur sujet, qui ils sont, quel est leur nom, leur âge, ce qu’ils portent sous le pantalon, comment ils sont une fois à poil, vouloir tout savoir d’eux, leur intimité, quels sont leurs fantasmes, quelles sont leurs envies, comment font-ils l’amour, comment est leur visage au moment de la jouissance, auraient-ils envie de le faire avec un mec, l’ont-ils déjà fait peut-être, comment ce serait de baiser avec eux, de leur procurer un plaisir inédit, unique… ou, tout simplement, comment ce serait de les connaître… de les entendre dire tout simplement « Bonjour, je m’appelle… » avec un beau sourire charmant, tout en me serrant la main…
    Oui, il suffit qu’un bomec se montre, et dans ma tête c’est à chaque fois le même délire…
    « Tu fais quoi ces jours-ci ? » me demande Thibault me ramenant à la réalité.
    « Je viens de commencer mes cours de conduite… ».
    « T’as eu ton code ? ».
    « Oui, en février dernier ».
    « Ça se passe bien ? ».
    « Je n’ai fait qu’un cours, mardi… le fait est que je n’ai jamais touché à un volant… je ne suis pas sûr que je vais l’avoir du premier coup… ».
    « Mais si… ça va venir, il faut pas stresser… ».
    « Facile à dire… » je commente.
    « Au fait… tu sais que Jéjé a dû le passer trois fois pour l’avoir ? ».
    « Le code ou la conduite ? ».
    « Les deux ».
    « Jérém ? C’est pas possible… ».
    « Si… la conduite c’est parce qu’il faisait le con à l’examen… » il m’explique.
    « Et le code c’est parce qu’il ne révisait pas assez ? » je rigole.
    « Non, le code c’est à cause de son problème… ».
    « Quel problème ? ».
    « Tu sais pas ? ».
    « Non… tu sais… ce n’est pas le mec le plus bavard de la terre… surtout avec moi… » je commente.
    « Jéjé est dyslexique… ».
    « C’est quoi, ça ? ».
    « En gros, il a du mal à lire et à écrire… ce qui lui rend plus difficile tout apprentissage qui passe par l’écrit… ça l’a beaucoup handicapé jusqu’au au collège, après il a semblé prendre le dessus… mais le code lui a posé un gros problème… il stressait, le pauvre… je crois que je ne l’ai vu autant stressé qu’une autre fois dans sa vie… c’est l’autre dimanche, avant la finale… ».
    Jérém dyslexique. Ça alors. Mon petit Jérém… ainsi, sous ses airs de cancre, se cachait un enfant qui a du mal à apprendre. Pourquoi j’ai soudainement envie de courir le rejoindre où qu’il se trouve et de le serrer très fort dans mes bras ?
    Le bus s’arrête. Les portes s’ouvrent, des passagers descendent, d’autres montent. Le brun « Thibault-like » n’a pas bougé de son siège. Les portes se referment. Le bus repart.
    Nous nous approchons de notre destination, dans pas longtemps nous allons va descendre, je vais découvrir l’appartement du bomécano.
    « Tu as des nouvelles de Jéjé depuis le week-end ? » je l’entends me demander.
    « Non, et toi ? ».
    « Non plus… ».
    Thibault pose son regard dans le mien et son petit sourire touchant semble traduire une petite inquiétude.

    « La toute première rémunération de mon travail d'écriture, c'est vous, les lecteurs, votre présence, votre fidélité. Mais sans le temps pour écrire, Jérém&Nico n'existerait pas, n'existerait plus.
    Ce temps pour écrire, tu peux me l'offrir, à hauteur de tes moyens. Pour faire continuer ce partage qui dure depuis trois ans déjà. TIPEE.COM/jerem-nico-s1. Simple, rapide, sans engagement. Merci d’avance. Fabien ».

    Dans la tête de Nico sous les platanes du Canal

    Le canal, c’est ma deuxième maison… je vais loin parfois, en longeant le canal… loin dans l’espace, et loin dans mon esprit, dans mes réflexions… plus tard, il m’arrivera d’aller également loin dans le temps, en me baladant à l’ombre des feuillages des platanes…
    Je marche au bord de l’eau et je repense à l’étrange concours de circonstances qui ont rendu possible la nuit avec Jérém et Thibault…
    Déjà, pour commencer, pour quelle raison Thibault était-il venu voir Jérém à cette heure tardive ?
    Son prétexte de l’insomnie qui l’aurait poussé à aller faire un tour jusqu’à la rue de la Colombette, sonnait plutôt faux… la véritable raison de sa visite chez son pote au beau milieu de la nuit, devait forcément être une autre.
    Avait-il quelque chose d’urgent à lui dire ? Quelque chose de trop important pour attendre un autre moment ou pour se contenter d’un coup de téléphone, d’un sms ?
    Bien sûr, avec les horaires décalés du job de serveur de Jérém, difficile pour le bomécano de voir son pote en semaine… alors, ne travaillant pas le lendemain, ce samedi soir Thibault avait pu attendre que Jérém débauche pour aller le voir… manque de bol, il n’était pas seul…
    Je me suis demandé si ma présence avait empêché quelque chose… je me suis demandé si Jérém se doutait de la véritable raison qui amenait son pote chez lui à ce moment-là…
    Quoi qu’il en soit, le bobrun avait l’air aussi surpris et mal à l’aise que moi face à l’arrivée de Thibault…
    Certes, alors que son pote venait de sonner à son interphone, il ne pouvait pas l’envoyer balader en prétextant « ne monte pas, je suis en train de me faire sucer par Nico »…
    Mais pourquoi alors ne pas le laisser partir la première fois qu’il l’avait proposé, en évitant ainsi de l’entrainer dans notre partie de jambes en l’air ?
    Bien sûr, le fait que Thibault me trouve chez lui à cette heure tardive, posait un certain malaise qui flottait malgré tout au-dessus de la conversation en apparence normale des deux potes… un malaise rendu palpable par ma sortie maladroite sur le fait que je les trouvais tous les deux sexy en diable…
    Dès lors, cherchant une solution pour dissiper ce malaise, le bobrun avait choisi celle qu’à ses yeux devait paraître la « moins pire »… celle qui lui permettait de faire enfin son « coming out » auprès de son pote, tout en gardant son statut de « vrai mec »…
    Tout était dans la formule, dans la façon d’exposer les choses… en me présentant comme « le mec qui était en train de le sucer » avant son arrivée, d’entrée Jérém montrait à son pote que je ne suis pour lui que « le mec qui le suce »… alors que lui, Jéjé, reste le mec, le « vrai mec », qui se fait juste sucer par sa salope… une salope à laquelle il accorde une importance tout à fait relative, dans la mesure où ça ne lui pose pas de problème de la partager avec son pote…
    Je me souviens qu’une fois Jérém avait d’ailleurs évoqué cette possibilité de coucherie avec Thibault… pendant une galipette, au sommet de l’excitation, il m’avait carrément posé la question… est-ce que Thibault me plaisait, lui aussi ? Est-ce que j’avais envie de coucher avec lui aussi ? 
    Depuis, j’avais mis ça sur le dos de l’excitation du moment… je m’étais dit que ce n’étaient que des mots en l’air, le genre de mots qui traduisent des fantasmes qui font surface et semblent si réalisables à l’instant où le plaisir nous fait perdre pied… des fantasmes qui disparaissent dès l’excitation retombée…
    Je ne pensais pas qu’il aurait le cran d’entraîner son meilleur pote dans une coucherie qui impliquerait par la même occasion de lui avouer le fait qu’il couche avec moi…
    Bien sûr, Thibault est au courant de la véritable nature des relations entre Jérém et moi… de par son intuition d’abord, et de par nos conversations ensuite… mais Jérém n’est pas censé être au courant du fait que son pote est dans la confidence…
    A moins que j’aie raté un épisode… à moins que les deux potes aient fini par avoir une explication à ce sujet…
    Quant à Thibault… pourquoi, après avoir voulu partir, était-il finalement resté ? S’était-il simplement laissé entrainer par son Jéjé ? S’était-il laissé tenter par ses mots qui lui annonçaient que ça allait être « bon » ?
    Comment le beau pompier était-il arrivé à surmonter tant de barrières pour se laisser aller ? Des barrières telles que l’amitié profonde avec Jérém… l’amitié naissante avec moi… le fait de savoir que je ressens des sentiments forts pour son pote…
    Ses hésitations, à plusieurs reprises, avaient très bien montré son tiraillement entre ses désirs et ses alarmes intérieurs qui lui disaient de ne pas céder aux invitations de son pote…
    Enfin, en ce qui me concerne…
    J’ai beau me dire que cette nuit m’est tombée dessus sans que je n’aie rien demandé… lorsque ça s’est précisé, je n’ai pas dit non…
    J’ai beau me dire que je ne pouvais plus partir une fois que Jérém avait proposé de s’amuser tous les trois… me dire que si j’étais parti, je me serais torturé l’esprit en me demandant ce qui se passerait entre les deux potes en mon absence… me dire que si quelque chose devait se passer entre les deux potes, j’aimerais encore mieux que ça se passe sous mes yeux…
    La vérité c’est que, tout comme je crevais d’envie de coucher avec mon Jérém, l’envie de découvrir le corps du bomécano, sa sexualité, son excitation, son plaisir… cette envie était bel et bien là, elle aussi… tout comme l’envie de savoir si sa jalousie se pointerait comme déjà ça avait été le cas avec Romain…
    Une jalousie qui s’est pointée, précise, ponctuelle, dès que j’ai commencé à m’occuper de son pote… une jalousie qui a vraiment flambé lorsque son pote a commencé à s’occuper de moi, tout en dégainant celui que j’appellerai… le « Thibault style »… une jalousie peut-être différente que celle suscitée par l’inconnu Romain… une jalousie provoquée par l’attitude de son pote Thib…
    Une rafale de vent secoue les frondaisons des platanes, caresse ma peau, agite le coton de mon t-shirt sur mon torse…
    Je m’arrête un instant sur un banc, je m’allonge, la tête à l’ombre, les jambes au soleil, je regarde les canards sauvages qui flottent sur l’eau.
    Je ferme les yeux, et, même plusieurs jours après cette nuit, j’ai comme l’impression de toujours ressentir sur moi, en moi, toute la puissance sexuelle des deux jeunes mâles… j’ai l’impression, malgré plusieurs douches depuis, de porter toujours sur moi l’odeur de leurs corps, de leur peau, de leur transpiration, de leurs envies de mecs, des envies brûlantes, des envies assouvies…
    Sensation très excitante… je bande dur, rien qu’en repensant à ces deux corps musclés en contact avec le mien, à ces deux sexualités puissantes que j’ai pu approcher, sentir, satisfaire… je mouille en repensant à leurs plaisirs, à leurs jouissances…
    Pourtant, depuis hier, je ressens un malaise insistant prendre le pas sur l’excitation…
    Est-ce que j’ai été trop loin ? Est-ce que, au fond, je ne vaux pas mieux que de l’opinion que Jérém a de moi ?
    J’ai beau me dire, pour me rassurer, que cette folie sensuelle à laquelle je me suis peut-être trop facilement abandonnée, était due en très grande partie à l’effet du tarpé…
    Ça serait pratique comme argument pour expliquer comment je me suis retrouvé coincé entre les deux potes, l’un prenant son pied entre mes fesses et l’autre dans ma bouche…
    La vérité c’est que je me suis laissé emporter par mes propres désirs… car ces désirs sont bien en moi… envie de Jérém, toujours, encore, chaque jour plus que la veille… mais envie de Thibault aussi, ce mec qui ferait tomber amoureux un bloc de granit…
    Oui, je me suis laissé emporter d’abord par mes désirs, et seulement après par les désirs de l’un et de l’autre… le désir appelle le plaisir, qui appelle un désir encore plus grand…
    Cercle vertueux ? Cercle vicieux ? Des questions dont on n’a franchement rien à faire à l’instant où les sens s’embrasent…
    Et lorsque les désirs se correspondent, se rencontrent, s’embrasent l’un au contact de l’autre…
    Elément instable, le désir… plus on en mélange, moins on peut prévoir la réaction qui va se produire…
    Cette nuit était très certainement une erreur… pourtant, sans cette « erreur », je n'aurais pas connu ce que Thibault avait à m’offrir…
    Car, initier Thibault au plaisir entre garçons a été une expérience délicieuse… quoi de plus grisant, de plus touchant que de voir un garçon comme lui, si bien dans ses baskets au quotidien, et pourtant si mal à l’aise au début de cette nuit… le voir d’abord dépassé par la nouveauté, freiné par l’interdit, bloqué par les barrières mentales… quel bonheur de sentir, à fur et à mesure que je m’occupais de lui, le voir chercher ses marques, les trouver, se décontracter petit à petit… voir que le plaisir que je lui offrais balayait rapidement ses réticences, le rendant de plus en plus entreprenant…
    Le sexe avec Thibault était alors très vite devenu explosif… puissant et doux, fougueux et tendre, tout à la fois… le contact avec sa sexualité est brûlant… alors que le contact de ses bras était doux et puissant…
    J’étais parti pour l’« initier »… mais très vite je me suis laissé entraîner dans son groove, dans ce monde où tout a l’air simple, plaisant, assumé, excitant et apaisant à la fois…
    Avec Thibault, je me sens bien, je me sens à la fois désiré, respecté, rassuré, en sécurité… le tout par un garçon excessivement désirable…
    C’est beau de partager son corps et son plaisir avec un garçon sans avoir à craindre sa réaction une fois l’excitation retombée…
    L’attitude de Thibault me rappelle celle d’un certain Stéphane… avec ces deux garçons, je (re)découvre que même si mon corps est offert au plaisir d’un bon mâle, j’ai le droit à que l’on s’occupe également de moi… que mon plaisir peut ne pas se cantonner à la conséquence du plaisir que je sais offrir à l’autre… du moins pas tout le temps, et pas cette façon si froide, distante, cette façon à la « Jérém style », …
    J’avais voulu initier Thibault au plaisir entre garçons… et Thibault m’avait initié à mon propre plaisir…
    Cette nuit-là, j’ai pris mon pied avec les deux potes… mais je ne pouvais pas m’imaginer qu’avec Thibault ce soit… si différent… si troublant…

    Le bus s’arrête. Les portes s’ouvrent, des passagers descendent, d’autres montent. Le brun « Thibault-like » n’a pas bougé de son siège. Les portes se referment. Le bus repart.
    Nous nous approchons de notre destination, dans pas longtemps nous allons descendre, je vais découvrir l’appartement du bomécano.
     


    2 commentaires
  • La pluie tombe,

    Sur un temps suspendu

    Comme un piano triste

    Des notes de Satie.

     

    Solitude de la pluie,

    Où je me retrouve,

    Me reconnais

    Me ressource.

     

    Petite tristesse de ciel gris

    Qui accompagne si bien la mienne.

    La pluie pose sur le feuillage

    La plus douce des romances.

     

    Et enfin, de mon esprit,

    Les mots tombent

    Pleurent tout seuls,

    Comme la pluie de ce samedi.

     


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  • Le bogoss apparaît à l’écran au milieu de sa « Team », figé dans une image de présentation… t-shirt sans manches noir, en tissu semi transparent… brushing de bogoss qui va bien…

    Puis, le magnéto démarre… et là, je suis comme soufflé, bouleversé, sonné par ce sourire incandescent, brûlant, radioactif… il lâche son smile et il y a comme de l’électricité dans l’air, c’est comme une décharge qui claque, comme un éclair qui aveugle….

    J’entends tout juste la voix qui accompagne les images…

    « Nous allons commencer en position 01, Israël, son chanteur s’appelle Imri, il va nous chanter « I feel alive », je me sens vivant… je pense surtout qu’il ne s’est jamais senti aussi vivant que maintenant, car il ouvre le bal… c’est probablement la position le plus difficile que d’ouvrir ce grand show… il est très très charismatique, il a été choriste pour les deux représentant d’Israël… il joue du piano, de la guitare, il chante dans plein de langues, l’anglais, l’espagnol, l’hébreux… sa chanson est très Eurovision, très efficace, nous allons l’écouter… ».

    Pendant que Marianne lit sa fiche, les images du bogoss s’enchaînent… Imri qui fait de la course à pied avec son débardeur rouge feu et son short noir… Imri au piano avec son t-shirt blanc sexy… Imri à la muscu… Imri en repet, c’est très musclé… Imri, ses danseurs, la repet aussi, tout est très musclé… Imri à nouveau à la salle de sport, en train de sauter à la corde… Imri à l’apéro avec ses potes… sourires ravageurs… retour sur la première image de présentation, le bogoss avance, il passe chacun de ses bras autour du cou de ses danseurs… les images sont si rapides, mais si bouillantes de jeunesse… ça donne le tournis…

    « Ce soir, Imri réalise un rêve… » ajoute Stéphane, visiblement sous le charme… comment ne pas l’être… faudrait être aveugle…

    La presta démarre… putain de mec à la plastique parfaite… putain de t-shirt noir sans manches … et putain de petit sourire ravageur…

    La musique démarre, il apparaît sur le plateau avec sa lumineuse jeunesse, sa puissance de jeune mec, ce mélange de virilité et de douceur, ce cocktail détonnant de pure sexytude…

    Avec son sourire... incendiaire... et sa présence... détonante… sa jolie petite gueule à hurler…

    En ce qui me concerne, même avant qu’il commence à chanter, on pourrait arrêter l’Eurovision à cet instant… je sais tout de suite qui est mon favori…

    Mais déjà le bogoss dégaine sa voix puissante :

     

    The secret of my life is never giving up/ Le secret de ma vie est de ne jamais abandonner

     

    Le mec arrive et, dès la première seconde, il met un sacré coup de renouveau, de puissance, de testostérone, à cette Eurovision...

    Oui, ce soir je mate l’Eurovision. Et j’assume. Tout a été dit, tout a été critiqué sur ce rendez-vous annuel… pourtant, l’Eurovision demeure un très très beau spectacle, un spectacle grandiose, il suffit de mater n’importe quelle édition pour s’en rendre compte… le cru 2016 touchant carrément au sublime… et ce, grâce à la lumineuse présence de Mans Zelmerlow à l’animation …

    Oui, l’Eurovision est une jolie fête où il y a autant à mater qu’à écouter… et puis, avec Marianne et Stéphane en cabine, ça ne peut qu’être drôle…

    Et quand il y a un bogoss qui porte une chanson bien dansante, c’est le bonheur… et si en plus les mots veulent dire quelque chose… là, c’est le jackpot…

    Phénomène étrange, magie des mots… au fil des couplets de cette première chanson, mon esprit entame un fulgurant et inattendu voyage à travers les années…

    Les mots s’enchainent, et je remonte le temps…

     

    I was waiting way too much for something good to come/

    J’ai attendu beaucoup trop longtemps, que quelque chose de bien m’arrive

    [Et tu es venu, mon Jérém, il y a si longtemps déjà, l’année de notre bac…]

    And I’m a bit fragile/ Et je suis un peu fragile

    [J’étais perdu, seul, avant de te connaître je ne vivais qu’à moitié…]

    Was waiting way too much, it’s like an hourglass/ J’ai attendu beaucoup trop longtemps, c’est comme un sablier

    [J’attendais depuis si longtemps quelque chose que je savais impossible… j’ai toujours désiré, mais toujours désespéré, que quelque chose soit possible entre nous… je voyais le temps passer, les années du lycée défiler… je savais qu’un jour tu sortirais de ma vie, sans que j’aie trouvé le courage de te dire ce que je ressentais…]

    And you’re like trouble/Et tu es source d’ennuis

    [Puis tu es venu, et tu as bouleversé ma vie… en bien, en mal… tu m’as réveillé… avec brutalité parfois, souvent… mais tu m’as fait connaître ce qu’est d’aimer…]

    Breaking me to pieces/ Je me brise en morceaux

    [Tu m’as fait connaître la joie et la peine, et tu as changé mon existence… après toi, rien n’était plus comme avant…]

    I wanted you to know that every piece broke from you/ Je veux que tu saches que tu as brisé chaque morceau

    [Et c’est toi qui a produit tout ce bouleversement en moi, c’est toi…]

    Breaking me to pieces/ Je me brise en morceaux

    [Tu m’as fait du mal, parfois… mais même le cœur brisé, je n’ai jamais pu me résoudre à te lâcher…]

    ‘Cause every time you come around/ Parce qu'à chaque fois, que tu viendras

    [Parce que, à chaque fois que j’étais avec toi…]

    I feel alive/ Je me sens en vie

    [Je me sentais en vie… en vie… vraiment vivant… et encore aujourd’hui, après tant d’années, lorsque je repense à toi, à tout ce qu’on a vécu ensemble, tant le bien comme le mal, tant les joies que les souffrances, je me sens en vie… en vie…]

    Now I’m trying, I’m trying/ Maintenant, j’essaie, j’essaie

     

    Le bogoss crève l’écran… c’est juste sublime… tout exprime la bogossitude chez lui, sa prestance, ses regards de braise à la caméra, ses sourires, sa voix, ce petit clin d’œil rapide comme l’éclair entre deux plans… c’est juste beau à pleurer… sa présence est un feu d’artifice… ça donne la pêche… on se surprend à vibrer avec l’énergie, la puissance, la jeunesse aveuglante de cet absolu bogoss...

     

    I feel alive/ Je me sens en vie

     

    Grand sourire diabolique, si bouillant à faire fondre la glace aux deux pôles et sur mars au même temps…

     

    I feel alive/ Je me sens en vie

     

    Comment ne pas être sensible à charme méditerranéen lointain, follement sexy… je le regarde et j’ai l’impression de sentir l’odeur du sable chaud… chaud comme son sourire… chaud comme son regard… chaud comme le mec, qui doit être chaud comme le soleil du pays d’où il vient…

     

    The years I’ve been alone far away from home/ Les années, que j'ai été seul loin de chez moi…

    [Depuis qu’on s’est quittés, je marche à côté de ma vie… car chez moi, c’était avec toi… ça l’a été depuis notre première révision… mais les années ont passé, cinq hivers, cinq étés… et même bien plus que ça… depuis que tu es sorti de ma vie, je ne suis plus dans ma vie non plus…]

    Reminded me of you/ M’ont rappelé à toi

    [Oui, depuis notre dernière rencontre, tout me rappelle à toi… les souvenirs, les rêves… et chaque bogoss que je croise me parle de toi…]

    My job is almost done/ Mais tout ça est presque terminé

    [Si ça pouvait être vrai, mon Jérém, si ça pouvait être vrai que la distance que nous sépare disparaisse, et qu’on se retrouve un jour…]

    Baby I can now escape away with you/ Maintenant, je peux m’enfuir loin avec toi

    [Oui, si ça pouvait être vrai, mon Jérém… être avec toi à nouveau, partir loin, tous les deux…]

    (…)

    ‘Cause every time you come around/ Parce qu'à chaque fois, que tu viendras

    I feel alive/ Je me sens en vie

     

    La chanson se termine, le temps pour le bogoss de faire une dernière fois l’amour à la caméra… c’est un regard de braise, torride, qu’il envoie en guise d’« au revoir »…

    Et ce sourire… ce n’est pas un sourire, c’est une arme de destruction massive, tour à tour charmeur oui, mais parfois presque lubrique…

    Pourtant, son regard dégage aussi quelque chose doux, rassurant qui donne clairement envie d’être dans ses bras musclés… envie de toucher ses avant-bras couverts de poils blonds qui doivent être tout doux…

    Il y a chez lui un mélange détonnant… d’une part, l’impression d’une grande gentillesse et douceur… de l’autre, on devine un potentiel certain pour être un garçon bien chaud, furieusement sensuel, un fauve sauvage prêt à bondir et se déchaîner…

     

    Alive, alive, alive/ En vie, en vie, en vie

    Alive, alive, alive/ En vie, en vie, en vie

     

    La musique cesse, le public ovationne… et le bogoss nous offre un dernier, large sourire incandescent avant de quitter le plateau…

    Si ce n’est pas un bonheur absolu de mater un bogoss pareil…

    Et quand, un peu plus tard dans la soirée, Mans apparaît à l’écran en costard « la classe inter’ », un charme ravageur, dans ce petit sketch avec les animateurs 2017… difficile de ne pas imaginer un rapprochement sensuel entre le soleil d’Israël et la glace suédoise…

    Non pas que Mans soit froid, ohhh non, parce que lui aussi, sous ses airs de gentil garçon, il a l’air brûlant comme la braise…

    Mais tous les deux, putaaaaaaaaaain… j’imagine un truc qui commencerait avec une grande sensualité, beaucoup de douceur, de caresse, la barbe de l’un glissant sur la peau de l’autre, leurs mains puissantes caressant le moindre centimètre carré de leurs corps, les langues se battant en duel, puis léchant les torses, les abdos… avant d’entamer un corps à corps sauvage, féroce, torride, un truc de fou…

     

    Arrête Nico, tu divagues…

     

    Oui, Imri, faut que je te dise… moi aussi, ce soir, quand je te regarde, je me sens vivant…

    Je me sens en vie parce quand je te regarde, tu me fais penser à mon Jérém… tu as le même âge, le même corps, le même sourire ravageur que lui… tu as cette présence, cette prestance de jeune mâle, ce charme bouleversant au même temps qu’une certaine douceur qu’il avait mon Jérém peu avant que nos vies prennent des chemins séparés, il y a bien des années désormais…

     

    The secret of my life is never giving up/ Le secret de ma vie est de ne jamais abandonner

     

    Les mots de ta chanson me touchent tout particulièrement car ce sont, à quelque chose prêt, les mots que j’ai dit un soir à mon Jérém…

    « Je me demande comment tu m’as supporté pendant tout ce temps… » il m’avait demandé à brûle pourpoint…

    « Le secret… » je lui avais répondu « c’est de ne jamais abandonner… parce que, quand tu es là, je me sens vivant, vivant… ».

     

    Je n’abandonnerai jamais, Jérém, jamais…

     

     


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  • Je suis allongé sur le dos, en plein milieu du lit… Thibault vient contre moi et m’embrasse fougueusement, longuement… ses mains caressent mon visage, s’enfoncent dans mes cheveux… ça me donne des frissons géants… lui, au moins, il sait comment s’y prendre pour montrer que ça lui fait plaisir de me revoir… on dirait qu’il attendait ces retrouvailles sensuelles avec impatience…
    Ça fait drôle de le voir si à l’aise, si fougueux, si entreprenant… lui, si réticent la première fois… à croire qu’il a vraiment du bien aimer… sa douceur me met à l’aise, me rassure, me fait sentir bien…
    Jérém, quant à lui, est allongé juste à côté… il a déjà sorti sa queue et il se branle…
    Les deux jeunes étalons sont plutôt en forme ce soir… je sens que leurs corps musclés sont chauds, impatients de retrouver le plaisir intense de la première fois…
    Et moi, impatient de leur apporter… le plaisir d’un beau mec est quelque chose de tellement précieux à mes yeux que je suis fier et heureux d'en être l'auteur, l'objet, le moyen…
    Je sens le bras de Thibault glisser par-dessus mon ventre… sa main enserre le biceps de son pote, son coude se plie lentement…
    Jérém se laisse faire, pivote sur le flanc et se retrouve à son tour calé contre moi, face à son pote… je sens sa respiration, son souffle chaud dans mon cou… je sens son excitation… pendant un instant, j’ai l’impression que lui aussi va me faire des bisous…
    Ça fait du bien de se retrouver à nouveau enserré entre les deux jeunes mâles, bien au chaud, ça sent à la fois la peau fraîchement douchée, le muscle chaud, la puissance sexuelle, la testostérone…
    Enserré entre deux jeunes bomâles sexy, puissants, fougueux, plein de testostérone et de sève ne demandant qu’à couler, je me sens une toute petite chose fragile, à leur merci… je me sens débordé par la puissance des corps, par leurs sexes raides qui trépignent d’impatience contre mes cuisses…
    Bien sûr, pour les bisous de Jérém on repassera… le bobrun mate nos accolades tout en restant un peu en retrait, refusant de se joindre à nous… tant pis…
    Enfin… tant pis pour moi… il y en a un qui ne s’avoue pas aussi facilement vaincu que le Nico…
    Les lèvres de Thibault quittent les miennes… son visage se relève, fixe celui de son pote, accroche son regard… son torse glisse sur le mien, ses pecs caressent mes tétons, sensation de fou qui me fait sursauter… son cou et ses épaules s’activent, son visage s’approche de celui de Jérém…
    C’est bien ça, le bomécano tente d’embrasser Jérém… les lèvres se rencontrent… mais elles ne font que s’effleurer… avec un mouvement précipité, brusque, Jérém recule son cou et interrompt le contact avec son pote …
    Thibault n’insiste pas… il retourne chercher des bisous là où il est certain d’en trouver… et mes lèvres sont heureuses d’accueillir à nouveau les siennes dont Jérém n’a pas voulu…
    Il ne sait pas ce qu’il rate ce petit con… la sensualité d’un baiser… d’un baiser de Thibault, qui plus est…
    Nos corps se remélangent, ils sont comme redistribués tels des cartes dans un nouveau jeu… un jeu sensuel… du strip poker… du bogoss poker… je crois qu’avec ces deux atouts, « le bel étalon » et « le puissant petit taureau », je tiens le jackpot…
    Les deux potes sont allongés sur le lit. Deux queues bien tendues, deux paires de couilles bien pleines se présentent à moi…
    Devant la plastique, la sensualité, la virilité de ces deux rugbymen, je suis dans le même état d’esprit que lorsque je rentre dans un de ces magasins de confiseries en vrac… envie de tout goûter, tout à la fois… comme on dit, avoir l’embarras du choix…
    Quand tout fait autant envie, choisir, c’est renoncer…
    Jérém et son torse élancé, interminable alignement de muscles parfaitement sculptés, sublime plastique de petit con à gifler et à la peau mate… ou bien… Thibault et son torse charpenté… avec cette carrure impressionnante, cette plastique si « rugbyman », si solide, si rassurante… l’un ou l’autre, le faire jouir, ce n’est pas qu’une envie… c’est une nécessité…
    Si, tout comme la dernière fois, je décide de commencer par le bomécano… c’est que j’ai trop envie de retrouver notre complicité, le contact de ses mains, de ses lèvres, de sa douceur… et aussi… j’ai envie de faire attendre un peu ce petit con de Jérém… car, je le sais, le Jérém est un plat qui se déguste mieux lorsqu’il est un peu échauffé… plat à la cuisson délicate, à surveiller et à servir « à point »…
    Je commence à m’occuper de cette belle queue massive de bomécano… tandis que mes lèvres et ma langue s’emploient au bonheur de son gland, mes doigts enserrent doucement la base de la belle tige, caressent ses bourses… mon autre main parcourt lentement la ligne médiane de son torse, elle explore les reliefs et les creux de sa musculature très développée, elle se frotte à ce pelage brun et doux…
    Je ne sais pas décrire à quel point c’est agréable de laisser la main se perdre dans cet univers de douceur masculine… caresser un torse velu, c’est tout simplement… le pied…
    En caressant la douce pilosité du bomécano, je ne peux m’empêcher de la comparer à la peau douce et rasé de Jérém dont je ne vais pas tarder à m’occuper…
    C’est là que je réalise que les deux potes n’ont pas la même relation avec leurs corps… d’une part, il y en a un qui assume la délicieuse pilosité de son torse… de l’autre, il y en a un qui semble chercher, par le rasage, à faire oublier cet attribut masculin majeur…
    J’aime les deux approches, expressions différentes, presque opposées, de deux virilités par ailleurs tout aussi bouillantes…
    Pourtant… quelque chose me dit que les différences physiques sont parfois le reflet assez fidèle de différences tout aussi marquées dans la façon d’être…
    Allongé juste à côté, Jérém se branle toujours… soucieux de ne pas le laisser complètement en reste, dans l’attente de m’occuper de son cas comme il se doit, j’allonge ma main et, tout en continuant à faire plaisir au bomécano avec ma langue et mes lèvres, j’entreprends de branler mon bobrun…
    Bonheur double… celui de sentir la douce puissance de la queue de Thibault dans ma bouche, sentir ses frissons sous les assauts de ma langue gourmande… et celui de sentir la queue puissante et chaude de Jérém remplir ma main, frémir au creux de ma paume, sentir qu’elle a envie qu’on s’occupe d’elle…
    Je sens Jérém s’impatienter à côté… sa main se pose sur mon épaule, sa prise est ferme, son geste très explicite… il veut ma bouche…
    Je ne peux le faire attendre davantage… je quitte la queue de Thibault à contrecœur mais j’atterris sur le manche de Jérém avec bonheur…
    Le bonheur de retrouver cette queue de fou qui me rend dingue… cette queue que je connais si bien… que j’ai fait jouir tant de fois… qui m’a fait jouir tant de fois…
    Mes mains caressent la peau de son torse rasé de près, je m’attarde à agacer ses deux beaux boutons de mec, sombres et pulpeux, posés sur le relief vallonné de ses pecs…
    Pendant que je m’affaire à sucer mon Jérém, je sens le regard de Thibault sur moi…
    Ma main tente de prendre le relais de ma bouche sur son manche… mais avant que j’aie commencé le moindre va-et-vient, Thibault se redresse…
    Nos corps se remélangent, une fois de plus, nouveau jeu… un jeu de plus en plus chaud…
    Je suis demi-allongé sur le lit, mon cou et ma tête appuyés à un oreiller écrasé contre la tête de lit… à cheval sur mon torse, en appui sur ses genoux, les fesses à hauteur de mes pectoraux, les mains appuyées au mur, Jérém est en train de faire glisser sa queue entre mes lèvres… pour une fois, ce n’est pas trop brutal… j’adore… ça doit être encore une fois la présence de son pote qui le retient d’y aller comme un malade…
    Ses va-et-vient sont lents, ce qui me laisse tout le loisir et le plaisir de goûter à la chaude douceur de son gland gonflé à bloc… je peux sentir chaque veine de sa bonne tige chaude, sentir ma bouche remplie, mais pas ma gorge étouffée… sentir l’odeur de ses poils pubiens, une légère odeur de jeune mâle qui se dégage de son entrejambe et qui arrive à se faire sentir pas dessus les effluves du gel douche et de son deo de mec…
    Bonheur exquis… me sentir débordé par sa puissance de mec, mais sans brutalité…
    C’est tellement bon que j’ai envie de lui faire encore plus plaisir… j’envoie à nouveau mes mains caresser ses pecs rasés de près, sublime contact avec son corps… je ne peux résister à la tentation de caresser ses épaules, de serrer ses biceps, de remonter vers son cou, de tâter ses muscles un à un… je reviens à ses pecs, je titille ses beaux tétons saillants, je m’y prends de cette façon à la fois douce et ferme qui, je sais, le rend dingue…
    Sentir mon bobrun vibrer sous mes caresses, voilà un plaisir inouï… son plaisir est quelque chose que je connais bien mais dont je ne me laisse jamais…
    Mais, bientôt, un autre plaisir vient s’ajouter à celui-là… un plaisir inattendu, vraiment inattendu…
    Ma queue, raide comme un piquet, se retrouve enserrée dans une paume chaude et douce…
    Délicieuse sensation que de me faire branler par le bomécano tout en suçant mon bobrun…
    Délicieuse sensation qui est très vite supplantée par une autre, encore plus intense… une sensation que ma queue n’a pas connue souvent jusque-là… le contact serré de deux lèvres… la caresse humide d’une langue…
    Sacré Thibault… il ose retenter ça… il revient à la charge alors que, la dernière fois, je lui en avais empêché…
    Je n’ai pas l’habitude de me faire sucer, et je n’en ressens pas vraiment le besoin… ce que j’aime, c’est me sentir objet du plaisir d’un mâle on ne peut plus « mâle » dans ses envies…
    Pourtant, passée la première surprise, alors que Thibault s’enhardit de plus en plus sur ma queue, je me dis que finalement, le bonheur de coucher avec un mec, c’est qu’il soit en phase avec ses envies… qu’il ne s’interdise rien, qu’il soit juste, lui-même… qu’il prenne son plaisir comme il le sent, tant que cela convient à tous les deux… pourquoi donc un mec actif n’aurait pas l’envie et le droit de savoir ce que ressens le passif qui le suce ?
    Privilège de l’amour homosexuel, que celui de pouvoir expérimenter sur soi, si l’envie se manifeste un jour, le plaisir qu’on offre le plus souvent à l’autre… oui, entre garçons, il suffit de peu, pour savoir ce que ressent l’autre… ce n’est qu’une question d’ouverture, d’esprit avant tout…
    Je m’en suis voulu de ne pas avoir permis à Thibault de me sucer la dernière fois, alors qu’il m’avait bien fait sentir qu’il en avait envie… j’avais tellement envie de lui en tant que bon mâle alpha, le bonheur de sa queue m’intéressant bien plus que celui de la mienne… et puis, il faut dire que j’avais peur aussi du regard de Jérém… peur de quoi, je ne sais pas… mais je ne me sentais pas à l’aise de laisser faire ça à Thibault devant son pote…
    Mais là, cette pipe venue par surprise, c’est un intense bonheur… et je réalise que, au final, j’aime ça aussi… qu’on s’occupe de ma queue… surtout de cette façon… en caressent mes bourses, en coulissant doucement sur ma tige, en s’attardant sur mon gland…
    Il en avait envie, le bomécano… il avait envie de goûter à ma queue… faute, peut-être, d’en goûter une autre…
    Mon état d’excitation est extrême… la queue de Jérém qui coulisse dans ma bouche, ses couilles qui caressent mon menton, ses fesses qui agacent mes tétons… la proximité de ses abdos sculptés… les lèvres et la main de Thibault qui caressent ma queue de façon de plus en plus avisée…
    Très vite, je sens monter dans mon entrejambe et dans mon bas ventre, ce frisson et cette chaleur qui ne trompent pas… mon orgasme s’annonce…
    Il faut que je prévienne le bomécano, tant que ce frisson et cette chaleur n’arrivent encore que par intermittence, en teasing du grand final qui approche à grand pas… je ne veux pas qu’il soit surpris, je ne veux pas qu’il soit dégouté… je ne veux pas qu’il pense que je ne songe qu’à mon propre plaisir…
    « Attends… doucement… je vais jouir… » je lâche sur un ton monocorde, tout en essayant de me retenir.
    Malgré mon avertissement, Thibault continue ses caresses, et il semble même augmenter le rythme.
    « Thibault… » je lâche, de façon plus ferme, tout en portant ma main sur ma queue pour lui empêcher de continuer… mes doigts effleurent ses lèvres au passage.
    Mes mots, ainsi que la précipitation de mon geste, attirent l’attention de Jérém… le bobrun se retourne, il voit, il comprend, il recule le bassin, il lève un genou… je regarde sa queue lourde, tendue et trempée de ma salive, je mate ses couilles bien rebondies, bien remplies… je regarde son service trois pièces se balader pendant que son bassin quitte la position à cheval sur mon torse…
    Les corps se remélangent à nouveau, comme des cartes redistribuées dans un tout nouveau jeu qui prévoit une stratégie tout à fait différente…
    Je suis allongé dans le sens de la longueur du lit, calé sur le flanc… Thibault est sur le flanc aussi… ma bouche gourmande s’affaire sur son sexe, son bassin seconde mon mouvement par des coups de reins doux et très plaisants… ses mains se baladent dans mes cheveux, caressent mon cou, mes épaules, titillent mes tétons…
    Naaaaan mais putaaaaaaaaaaaaaaaain, c’est trop trop bon… faire jouir ce mec est une nécessité absolue... envie de me perdre dans ses bras, ses pecs, ses muscles, me laisser envahir et posséder par sa virilité puissante...
    Je suis délicieusement partagé entre l'envie d'être totalement soumis à ses envies, ses désirs, sa force, ses coups de reins, et l'envie de contrôler moi-même son plaisir, de suspendre jusqu'à l'insoutenable pour lui son orgasme au bon vouloir de ma langue, de l'amener au bord du précipice pour mieux le retenir, pour mieux l'entendre supplier de le laisser jouir, pour mieux voir son corps se tendre comme la corde d'un arc sous l'effet fulgurant de sa jouissance et le voir, le sentir déverser ses longs jets de jus brûlant...
    Je suis aussi délicieusement partagé entre l'envie d'être acteur de ces scènes, ou bien d'assister en spectateur à celle qu'il pourrait faire avec Jérém… je me prends à les imaginer tous les deux, dans un corps à corps sensuel… un truc qui commencerait avec beaucoup de douceur, de caresses, la barbe du bomécano glissant sur la peau de Jérém, leurs mains puissantes caressant le moindre centimètre carré de leurs corps, les langues se battant en duel, puis léchant les torses, les abdos… avant d’entamer un corps à corps sauvage, féroce, torride, un truc de fou…
    Mais pour l’instant, la « carte » Jérém est disposée en travers du lit, au-dessus de nos têtes, sur le flanc également, fesses contre les oreillers… je sais qu’il nous regarde faire, tout en se branlant…
    Je suis tellement accaparé par le bonheur de faire plaisir au bomécano que je ne réalise pas de suite ce qui est en train de se passer…
    J’entends d’abord des gémissements bien connus… ce sont des gémissements de bobrun qui prend son pied, mais un pied autre que celui que sa main sait lui apporter…
    Je me demande si ce ne serait pas… des gémissements de bobrun qui se fait… non, je ne peux pas le croire… je réalise que les coups de reins de Thibault dans ma bouche ont cessé, comme s’il était accaparé ailleurs…
    Je dégage ma bouche de la queue du bomécano pour en avoir le cœur net… le lève le visage et ce que je vois est à peine croyable…
    La queue de Jérém entre les lèvres de son pote… oui, ce sont bien des gémissements de bobrun qui se fait sucer… encore incrédule, secoué, bouleversé, je trouve pourtant cette image excitante à mourir…
    Je devrais être jaloux, mais je trouve ça beau à couper le souffle… Jérém qui prend son pied à se faire sucer par son pote… Thibault qui prend son pied à sucer son pote, la bouche avide, la main impatiente, le geste plein d’entrain, de passion, d’envie…
    Je comprends alors les gémissements de Jérém… le bomécano apprend vite… sa bouche sait très bien faire…
    Je me sens ivre de tant de sensualité… j’ai encore plus envie de sucer Thibault… j’ai envie de le faire jouir pendant qu’il suce son pote… c’est ce que je m’attèle à faire…
    En même temps, j’ai envie de contribuer également au plaisir de mon bobrun… je lève mon bras je porte ma main sur ses cuisses musclées… je remonte lentement vers ses fesses, je m’y attarde un peu… je remonte encore, je suis à hauteur de ses reins…
    C’est là que je sens sa main attraper la mienne et le faire glisser direct dans son entrecuisse…
    Je comprends vite ce dont il a envie… il n’y a qu’une chose plus excitante que l’envie d’un mec… c’est lorsque cette envie est clairement exprimée…
    Je ne me fais pas prier… je rappelle ma main un court instant, tout juste le temps pour enduire copieusement les doigts de ma salive… et je les renvoie aussitôt se faufiler dans son entrée du bonheur…
    Immédiatement, je sens son corps réagir… on touche une corde, ça produit une note… c’est la mélodie du plaisir de mon Jérém… je sens que le bout de mon doigt, titillant sa rondelle, lui apporte ce complément de plaisir qui rend la pipe de son pote vraiment divine…
    Mon excitation est de plus en plus brûlante… je sens mon corps bouillir, je suis en nage… mais je suis bien… Thibault a recommencé à envoyer de bons petits coups de reins, sa queue recommence à coulisser doucement dans ma bouche…
    Ma langue s’affaire à donner au bomécano tout le plaisir dont elle est capable… mon medium s’affaire à offrir à mon bobrun toutes les petites caresses qui font du bien…
    Bonheur absolu que d’entendre les respirations excitées des deux potes se mélanger…
    Le corps de Jérém est parcouru, secoué par des frissons de plus en plus puissants… par moments, c’est assez violent, que ça ressemble presque à des spasmes…
    Je sais ce que cela annonce… mais… où est ce qu’il va gicler mon bobrun ?
    La cadence des coups de bassin du bomécano se fait de plus en plus intense… ma bouche est affamée de son orgasme à venir… celui-là aussi, je le sens approcher… mais où est-ce qu’il va jouir mon bobrun ?
    Il ne m’en faudra pas longtemps pour que le bomécano se lâche dans ma bouche… ses jets sont copieux, denses, chauds… la puissance de ses décharges me parle de toute sa vigueur de jeune mec…
    J’adore sentir que sa jouissance a été tout particulièrement bouleversante grâce à l’action combinée de ma bouche sur sa queue et de celle de sa propre bouche sur la queue de son pote….
    Les jets du bomécano viennent tout juste de se tarir, mon bonheur d’avoir eu sa jouissance dans ma bouche retentit encore dans ma gorge et dans mon esprit…
    Et déjà, une question revient marteler dans ma tête… mais où est-ce qu’il va jouir mon bobrun ?
    Très vite je quitte la queue du bomécano pour en avoir le cœur net…
    Thibault est toujours en train de sucer Jérém…
    Et Jérém… il est si beau à voir… complètement en nage, la respiration très excitée, des petits gémissements s’échappent de sa bouche…
    La suite, ça se passe très vite… je vois cette grimace caractéristique s’afficher sur son visage, contracter, déformer ses traits… comme si le plaisir était si intense à en devenir douloureux… ses muscles se raidissent, son corps tout entier semble faire un petit bond involontaire sur le matelas…
    C’est l’orgasme qui déferle… mais où est-ce qu’il va jouir mon bobrun ?
    Pendant un instant, j’ai cru que Jérém oserait ça… et que son pote lui permettrait ça…
    Je pense que Jérém, complètement emporté par son plaisir de mec, se laisserait bien aller à ce plaisir qui fait résonner tant de choses dans l’ego masculin… mais Thibault est plus lucide… et aussi… Thibault a déjà joui… ce qui le rend d’un coup, beaucoup plus raisonnable que s’il était encore en pleine excitation…
    Le bomécano se dégage de sa bouche, tout en continuant à le branler… c’est juste un instant avant que le bobrun lâche une première, lourde, copieuse giclée… un jet puissant qui, après avoir fendu l’air, vient s’écraser sur ma joue, se révélant chaud comme la braise… un premier jet suivi par plein d’autres, atterrissant tour à tour sur mes lèvres, mon nez, mon torse, apportant à mes narines l'odeur si caractéristiques du jus de mon Jérém…
    Oui, le plaisir d’un beau mec est quelque chose de tellement précieux à mes yeux… j’adore sentir son jus sur moi… et j’adore sentir que sa jouissance a été tout particulièrement bouleversante grâce à l’action combinée de la bouche de son pote et de mon doigt se baladant dans son entrecuisse….

    Je ne sais pas depuis combien de temps je dors, certainement pas longtemps. Je suis réveillé par une présence masculine contre mon corps. C’est avant tout une présence tactile, une présence aux muscles fermes, aux biceps ronds, à la peau chaude. A la queue raide. Une présence de mec avec des envies.
    C’est une présence olfactive, les fragrances du gel douche se mélangeant à cette odeur que dégagent souvent les garçons lorsqu’ils ont joui une première fois… une forte odeur de transpiration… une typique, intense, très reconnaissable odeur de mâle.
    Je n’ai pas le courage d’ouvrir les yeux… ou, plutôt, pas l’envie… je ne sais pas encore qui, des deux potes, est en train de chercher son plaisir auprès de moi… j’ai envie de le découvrir rien que par des sensations de peau…
    Qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre, je ne saurais leur refuser leur bonheur de mec… et surtout, je ne veux pas me refuser ce bonheur… mais j’ai envie de garder ce mystère, d’ignorer le plus longtemps possible avec qui je vais prendre mon prochain plaisir…
    Des doigts humides de salive se faufilent dans mon entrecuisse, cherchent mon entrée de bonheur, la trouvent, la pénètrent, la préparent…
    Je sens une queue glisser entre mes fesses… le bassin exerce une pression, pas trop forte, mais constante… il suffit de peu… mes muscles cèdent devant la présence du mâle… l’engin est bien raide, le geste est précis, guidé par sa main… je le sens glisser en moi…
    Je sens que cette nuit je ne vais pas trop dormir… je devine que les assauts des deux jeunes mâles vont être nombreux… tout comme ils l’ont été l’autre nuit, cette folle nuit où, par un heureux hasard, Thibault nous a rejoint pour la première fois…
    Cette première incroyable nuit à laquelle je n’aurai jamais cru qu’il puisse y avoir une suite… une suite dont, d’ailleurs, je n’étais même pas certain d’avoir envie…
    Bien sûr, le désir de frotter à nouveau ma peau contre celles des deux potes était bien là, il remontait régulièrement à mon esprit et embrasait mes sens… pourtant, après les avoir vu se désirer si intensément pendant notre première nuit, j’étais persuadé que les deux potes n’auraient plus besoin de moi pour prendre leur pied… j’étais certain qu’ils se débrouilleraient très bien entre eux… je me souviens m’être dit que ce feu d’artifice sensuel était le bouquet final à la fois de la relation sensuelle débridée avec mon bobrun et de l’amitié nouvelle avec le bomécano… ainsi que le début d’une puissante sensualité entre eux…
    Oui, je me souviens m’être dit, qu’après cette nuit, je ne les reverrai plus jamais…
    Pourtant, contre toute attente, suite il y a eu…
    Nous nous sommes retrouvés quelques temps après dans l’appart de la rue de la Colombette… un appart en vrac, car Jérém a commencé à faire ses cartons…
    Finalement son départ s’est précisé et il va déménager dans quelques jours, à Lyon… voilà où son nouveau taf l’amène… loin de moi… loin de nous…
    On le sait tous les trois… cette soirée c’est une notre soirée d’adieu… alors, on a décidé de la fêter de la meilleure des façons… au menu : bières, tarpé et sexe… surtout, beaucoup de sexe…
    Oui, je suis réveillé par des abdos et des pecs, par des cuisses brûlantes collés contre moi… par des bras qui enserrent mon torse, qui me plaquent, par des mains qui chauffent ma peau… par une queue qui cherche son plaisir entre mes fesses…
    Et là, dès que le mec commence à coulisser en moi… immédiatement, je reconnais ces va-et-vient… je reconnais cette main qui glisse sur ma queue et qui commence à la branler… je reconnais la douce puissance de ces bras…
    J’ouvre les yeux… je balaie l’espace devant moi… je me rends compte que je suis pratiquement sur le bord du lit… où est-ce qu’est donc parti, le troisième mec ?
    Je retrouve la silhouette familière de mon bobrun dans la pénombre, un peu plus loin, dans le contrejour de la porte fenêtre, l’épaule appuyée contre le mur…
    En regardant un peu mieux, je me rends compte que Jérém est en train de mater son pote en train de me tringler, tout en fumant un bout de joint… il fume, il mate… et il semble se satisfaire de cela pendant un bon moment…
    Les coups de reins de son pote sont délicieux… tout comme le sont ses baisers dans mon cou, sur mon épaule… ses bras qui m’attirent, qui me plaquent contre son torse velu et chaud… ses doigts qui agacent sciemment mes tétons… son souffle qui caresse ma peau… une fois encore, je suis en nage… et je nage en plein bonheur… étonnant que Jérém n’ait pas envie de remettre ça…
    Je viens tout juste de me faire la réflexion, que je le vois tirer une dernière fois sur son joint, l’écraser ensuite, le jeter par terre.
    Il approche du lit, il monte sur le matelas en prenant appui sur ses genoux. Il avance vers moi, la queue toujours aussi fabuleusement raide… il avance jusqu’à placer son gland pile devant mon nez… je m’empresse de humer ce pieu de chair tout proche… ça sent la queue qui a giclé depuis pas très longtemps… j’adore cette odeur… c’est l’odeur du plaisir qu’on a pris, et c’est aussi l’odeur du plaisir qu’on va prendre…
    Oui, l’odeur du plaisir qu’on va prendre… et tout de suite ! Le bobrun a comme une envie, et il n’est pas du genre à attendre… une bonne bifle sur le coin du nez sera son rappel à l’ordre…
    Quand on me prend par les sentiments…
    Je dégage mon bras, je plie mon coude contre l’oreiller pour pouvoir relever le haut de mon buste et porter ma bouche à la bonne hauteur pour faire plaisir à mon bobrun…
    Je suis comme hypnotisé par ce manche (im)posé devant mon nez, tendu, palpitant, magnifique, qui ne demande qu’à être cajolé pour cracher à nouveau son nectar chaud…
    Je suis fou… et en même temps j’ai envie de retarder le plus possible une mise en bouche qui, je le sais, va me rendre dingue une fois de plus… car, je le devine, la présence de la queue de mon bobrun entre mes lèvres va décupler le plaisir que le bomécano est en train de m’offrir avec ses bons coups de reins…
    Mais le bogoss s’impatiente sérieusement… une nouvelle bifle sera son dernier rappel, le rappel à l’urgence de son plaisir de mec, immédiatement suivi par sa main se posant sur ma nuque comme une claque, envoyant direct mes lèvres contre son gland… putain de mec…
    J’avance ma main, j’attrape sa queue, je la saisis fermement, vigoureusement, je commence à la branler…
    Mon envie d’y aller petit à petit, cette envie de faire durer cet instant précieux avant de m’offrir le bonheur absolu de le prendre en bouche… cette petite attente très excitante à mes yeux, mais que Jérém a dû ressentir comme une tergiversation sans intérêt… tout cela dû bien trop duré à son goût, puisque je sens sa main se poser lourdement sur mon cou, le saisir, l’immobiliser, pendant que son bassin avance et qu’il m’enfonce sa bite dans la bouche, jusqu’à la gorge, jusqu’à la garde…
    Soyons honnêtes… peut-être que « cette envie de faire durer cet instant précieux avant de m’offrir le bonheur absolu de le prendre en bouche… »… peut-être qu’elle tenait un petit peu de cette autre envie… l’envie de le pousser à me prendre  la bouche de cette façon, par la force, la force du mec qui réclame son dû…
    Sans relâcher la prise de ses mains sur ma tête, le bobrun entreprend de mettre de grands coups de bassin, à me pilonner la bouche sans répit… il est vraiment déchaîné, comme jamais auparavant…
    Très vite, je n’arrive presque plus à respirer… je suis obligé de repousser son bassin de temps à autre pour reprendre mon souffle… mais chaque fois le bobrun revient très vite à la charge, en forçant avec sa main sur ma nuque, obligeant mes lèvres à laisser glisser sa tige épaisse et puissante, à en supporter les assauts…
    Je tente de prendre sur moi, mais ça devient vraiment douloureux… je m’étouffe… je le repousse… il revient encore et encore… je le repousse de plus en plus violemment… et il revient de plus en plus brutalement… jusqu’à ce que…
    Jusqu’à ce que… Thibault se dégage de moi… et alors que Jérém s’élance pour revenir une fois de plus à la charge, il se retrouve soudainement plaqué contre la tête du lit, les mains de son pote très solidement agrippées à ses épaules…
    « Lâche-moi ! » fait le bobrun, le regard noir, les sourcils froncés, son visage exprimant une colère noire… cette colère qui fait un drôle de contraste avec sa queue tendue…
    « Il faut que tu te calmes… » lui retorque le bomécano, lui aussi la queue bien raide.
    Ça fait bizarre de voir deux mecs à poil, se disputer tout en bandant comme des ânes.
    « Lâche moi, je te dis ! » insiste le bobrun, de plus en plus excédé.
    Sa voix est désormais un rugissement menaçant… j’ai l’impression que le fauve est à deux doigts de bondir… mais son pote ne se laisse pas intimider…
    « Je te laisserai quand tu te seras calmé… » répète le bomécano, fermement, mais calmement.
    « Je le baise comme je veux… » rugit Jérém « si ça te plait pas, t’as qu’à te casser… ».
    « Tu peux être vraiment très con, Jérém, quand tu t’y mets… » fait Thibault, sans se démonter.
    « Mais putain !!!!!!!!!!!!!! » j’entends Jérém rugir, pendant que sa masse musculaire se met en branle dans la tentative de se dégager de la prise de son pote…
    Le bobrun se débat dans tous les sens, mais son pote semble le maîtriser sans trop de problèmes…
    Mais on ne peut jamais présager de la force d’un mec en colère… Jérém se débat de plus en plus… je me redresse juste avant que ses muscles chauffés par la rage n’aient raison de la prise de son pote… je le vois bondir sur Thibault avec la puissance et la véhémence d’un fauve lancé, non pas sur une proie, mais sur un mâle concurrent qui vient le déranger en plein rut…
    « Ne vous battez pas, s’il vous plaît, arrêtez… » je m’entends balancer, la voix étouffée par le choc de voir les deux potes se bousculer, à cause de moi…
    Je déteste la violence, j’ai peur de la violence… lorsque j’y suis confronté, je suis tétanisé… je me sens dépassé, je perds tous mes moyens… mon cœur se serre, j’ai juste envie que cela cesse…
    Belle façon de se dire adieu…
    Thibault a été surpris par la réaction de son pote, et il s’est retrouvé renversé sur le matelas, la tête au pied du lit, dans le vide… Jérém est sur lui, les mains sur ses pecs, les doigts crispés comme s’ils voulaient s’enfoncer dans sa chair…
    « Putain… j’ai pas besoin de toi pour me dire ce que j’ai à faire… » j’entends Jérém lui crier dessus, alors que ses mains tapent violemment sur le torse velu…
    J’ai peur qu’il le cogne…
    Le joint, l’excitation sexuelle, sa propre colère montante, amorcée par celle de son pote… j’ai l’impression que, devant tant d’agressivité, Thibault est en train lui aussi de perdre les pédales…
    J’ai peur de sa riposte… je n’ai jamais vu Thibault en colère… je ne croyais même pas que cela serait possible… pourtant, le comportement à la con de Jérém a réussi l’« exploit »…
    J’ai peur… peur que si la réaction de Thibault est aussi emportée que celle de Jérém, il puisse y avoir des dégâts… j’ai peur qu’ils se fassent mal… je n’ai pas tant peur des coups qu’ils pourraient se porter, mais des gestes brusques et imprévisibles qu’ils pourraient avoir pour se dégager l’un de l’autre… j’ai peur de la bousculade dont on ne peut pas maitriser les conséquences, peur d’une chute accidentelle, la tête qui cogne quelque part, sur une surface dure ou coupante dans ce petit séjour encombré de meubles et de cartons en vrac… sans compter sur les dangers encourus par ces deux services trois pièces qui se baladent au travers de la bagarre, sans aucune protection… un coup, même involontaire, ça peut vite faire très mal…
    Je regarde ces deux potes, tous muscles bandés pour se bagarrer… c’est tellement plus beau quand ces corps se donnent à fond dans des efforts bien plus plaisants… quand je pense qu’un peu plus tôt ces deux corps étaient en train de s’offrir un plaisir intense… quel gâchis…
    Les bras de Thibault attrapent les bras de Jérém… je vois la grimace de l’effort extrême s’afficher sur son visage, les veines se gonfler sur ses biceps, dans son cou… il force comme un petit taureau énervé… son torse puissant se relève petit à petit, ses genoux se plient…
    Jérém tente de lui résister… en vain… il se retrouve à nouveau projeté contre la tête du lit… le bobrun fait tout pour revenir à la charge, mais son pote est plus rapide, il l’attrape par les épaules avec ses grandes paluches et, avec toute la force de ses biceps qui semblent avoir doublé de volume, il le balance en travers du lit…
    Jérém atterrit à plat ventre sur le matelas… et avant qu’il ait le temps de se rattraper, le bomécano en colère se jette sur lui, le plaque d’une façon tellement serrée et musclée qui ne lui laisse aucune chance de se dégager…
    Je vois Jérém bouillir sous le poids et la domination du corps de son pote… pendant un petit moment, il gigote, il essaie de cogner, de se dégager…
    Puis, visiblement épuisé, la respiration haletante par l’effet combiné de l’effort musculaire et de la colère, il semble se résigner à son sort… non pas comme une proie qui se rend compte qu’elle est prise au piège, mais comme un mâle qui a perdu son statut de dominant…
    Je transpire à grosses gouttes… cet affrontement m’a vraiment secoué… j’en suis malade… car je sais que Thibault en est tout aussi malade…
    Pourtant, Thibault n’a fait que me défendre d’abord et se défendre ensuite… cependant, je sais que Thibault a mal d’avoir du réagir de façon aussi musclée… d’avoir humilié son pote… il a mal parce qu’il se demande comment il va pouvoir réparer ça…
    Et j’ai mal pour Jérém… son ego de mâle a dû en prendre un sacré coup… de plus, le fait que ce soit son pote à lui mettre une raclée, ça doit lui brûler tout particulièrement… il doit se sentir trahi… il doit être dans une colère noire… il doit m’en vouloir… sacré petit con, va…
    Thibault maîtrise son pote de tout son poids, de tous des muscles… il le maîtrise avec son corps un brin plus charpenté, massif, aux épaules larges, aux fesses rebondies, aux cuisses et aux mollets de sportif…  
    La nudité du bomécano habille presque entièrement la nudité mate de mon bobrun…
    Je suis vraiment en nage… j’étouffe dans cette pièce où la moiteur des transpirations se mélange à un malaise insistant…
    Rapidement, mon regard est happé par le point de contact entre les deux bassins… la position des corps m’inspire des images torrides, bien que surréalistes… quoi que…
    Je viens de remarquer que le bassin de Thibault est en train d’imprimer de petits frottements sur celui de Jérém…
    La réaction de ce dernier ne se fait pas attendre… dans un dernier sursaut, en faisant appel à ses dernières ressources physiques, il essaie de se débattre, de se soustraire à celle qu’il doit ressentir comme l’humiliation ultime…
    Les mains du bomécano se portent alors lourdement sur ses épaules, entravant sérieusement ses mouvements… les glissements du bassin du bomécano prennent de l’ampleur… et Jérém...
    Eh bien, très vite, Jérém semble se calmer, se détendre… je le vois à son visage, qui se décrispe… je le vois à sa musculature, qui se relâche… à sa respiration, qui ralentit petit à petit, s’apaise…
    Le bassin de Thibault se relève, recule un peu, comme pour trouver une position plus confortable… c’est très rapide, mais j’ai quand même l’occasion de voir que sa queue affiche toujours une forme olympique…
    La simple image de la queue tendue de Thibault glissant entre les fesses de Jérém, de son gland cherchant à caresser le petit trou si sensible de mon bobrun me donne très chaud… très très chaud…
    Je sens une violente excitation parcourir ma peau, mes muscles, traverser mes entrailles, être relayée par mes tétons, mon nombril, mon bas ventre, mon entrecuisse, ma queue…
    J’ai envie d’avoir Thibault en moi… j’ai envie d’avoir Jérém en moi… mais j’ai très envie de voir jusqu’où ce petit jeu entre potes pour aller…
    J’ai le cœur qui bat à mille, de plus en plus chaud, le souffle coupé…
    Les glissements du bassin de Thibault se font de plus en plus appuyés… et Jérém…
    Oui, mon Jérém semble de plus en phase avec les désirs de son pote… ses paupières tombent lentement, lourdement, sa bouche s’ouvre comme pour rechercher de l’air, sa respiration se fait ample, profonde, excitée, son corps semble parcouru par un frémissement interminable… un frémissement dont les variations traduisent le bonheur procuré par les frottements de la queue de son pote dans son entrecuisse…
    C’est beau ce contact des corps musclés, ce contraste des teints de peau… celui plus clair de Thibault dominant celui bien plus mat de mon bobrun…
    Je suis en surchauffe… zone rouge… je bande comme un âne… je mouille à tremper les draps…
    Ma main a tout naturellement rejoint ma queue… je me branle machinalement, sans quitter la scène qui se déroule devant mes yeux…
    Je vois les mains de ce Thibault quitter les épaules de son pote, ce dernier ne donnant désormais plus aucun signe de vouloir se débattre… le bel étalon à la peau mate semble apprivoisé… il semble avoir trouvé son maître…
    Thibault relève le buste, prend appui sur ses genoux… sa queue est magnifique, tendue, moite… ses mains écartent les fesses de son pote… je le vois approcher le visage de son entrecuisse, cracher un bon coup…
    Puis, avec un geste rapide, le bomécano avance encore son visage vers les cuisses de son pote tenues bien écartées par ses grosses paluches… il avance d’un bond, jusqu’à ce que son nez s’enfonce dans la raie de son pote…
    Le bomécano se lâche alors avec une énergie et une fougue chargées d’un désir certain… il est comme fou… son visage s’enfonce de plus en plus profondément entre les fesses de Jérém… sa langue se déchaîne…
    Jérém en est dingue, il ahane comme un fou… il ne peut se retenir :
    « Encore… encore, vas-y mon pote, oh oui, comme ça, c’est bon, putain, encore… ».
    Les mots de Jérém chauffent son pote qui y va de plus en plus franco, insatiable d’offrir ces caresses si intimes et si excitantes à son meilleur pote, insatiable de sentir Jérém prendre son pied comme un fou, insatiable de ce plaisir partagé avec son pote…
    Je me branle désormais comme un malade… je sens que je vais très vite jouir… je ne veux pas encore jouir… mais je ne peux pas arrêter de me branler…
    Puis Thibault se relève, avance le bassin… son gland glisse lentement, disparaît entre les globes musclés et désormais bien préparés de son pote…
    Putain qu’est-ce qu’il fait chaud dans cette pièce… les draps se collent à ma peau…
    Jérém relève ses épaules, prend appui sur ses coudes, plie son cou vers l’arrière… son visage vise presque le plafond…
    Et sur ses traits, je lis, comme dans un livre ouvert, cette expression typique où se mélangent l’excitation, l’espoir d’un plaisir fantasmé qui commence pourtant par une douleur réelle… l’envie et le doute… l’inquiétude, la peur d’avoir encore plus mal, tout autant au corps qu’à l’esprit… toute cette gamme complexe de sensations qu’on éprouve la première fois qu’on se donne à un autre garçon…
    Putain de draps qui me tiennent chaud… je les attrape, je les jette loin de moi…
    Je me retourne vers les deux potes… mais les deux potes, ont disparu…
    Je réalise que je me suis réveillé en nage… seul dans mon lit… le torse trempe de mon propre jus…
    7 : 07 indique mon radio réveil… cette nuit non plus, je n’aurai pas dormi longtemps…
    Il me faut un petit moment pour réaliser que je suis dans mon lit, chez moi, et non pas dans le lit de Jérém, rue de la Colombette… que ce que je viens de vivre, ce n’est qu’un rêve, mais que ma branlette a été bien réelle… que la nuit d’avant j’ai bien couché avec Jérém et Thibault mais qu’ils n’en sont jamais venus aux mains (même si ça aurait pu, si Thibault n’était pas le garçon formidable qu’il est)… qu’il y a eu un moment de grande proximité sensuelle entre les deux potes, mais que Jérém n’a jamais envisagé de se faire prendre par Thibault (mis à part, bien évidemment, dans ce putain de rêve… image que je trouve quand même furieusement excitante, preuve en est qu’elle a entrainé une bonne branlette et une intense jouissance)…
    Je réalise que c’est lundi matin, mais que c’est toujours les vacances… et que le départ de Jérém n’est pas encore d’actualité, du moins à ma connaissance…
    Décidemment, la nuit avec les deux potes m’a bien chamboulé…

    J’ai passé une grande partie de la nuit de dimanche à lundi à me retourner dans le lit…
    Et lorsque je me suis enfin endormi, à une heure indéterminée du petit matin, c’est ce rêve de dingue qui m’a brusquement réveillé … histoire d’en rajouter une bonne couche, si besoin était, aux images bien réelles qui s’agitent dans ma tête depuis la nuit de samedi à dimanche…
    Au final, je n’ai pas dormi plus que 2-3 heures cette nuit…
    Alors, en ce lundi, le surlendemain de ce feu d’artifice sexuel et sensuel avec les deux potes, je me sens comme si j’avais fait un vol de 12 heures, avec le jetlag et la sensation de planer… même pas besoin du tarpé pour me sentir en orbite… j’ai la tête comme une pastèque, le corps courbaturé… bref, je suis dans un état ou je n’ai envie de rien… ni de lire, ni de regarder la télé, ni même d’écouter de la musique… je suis en mode zombie… et la matinée passe, se traîne sans que je trouve comment lui donner un sens… je finirais par m’assoupir un peu avant le déjeuner…
    Non, en ce début de semaine, je ne me sens pas vraiment bien dans mes baskets…
    Alors, dès l’après-midi, une seule solution, aller marcher le long du canal… me fondre dans ce décor naturel au milieu de la ville qui me fait sentir ailleurs, tout en étant chez moi…
    Dès que mes baskets quittent le goudron pour fouler la terre au bord de l’eau, dès que je me retrouve à l’ombre des platanes, dès que mes narines sont envahies par les petite odeurs de sous-bois de cet écosystème miniature, j’ai l’impression de respirer autrement, de réfléchir autrement…
    Je marche, tout en repensant sans cesse à cette folle nuit… et la première question qui se présente à mon esprit c’est : quelle opinion vont désormais avoir de moi les deux potes ?
    Enfin, l’opinion de Jérém, je la connais… il me considère comme sa salope à la demande… ou du moins, il s’obstine à vouloir me traiter en tant que tel… et maintenant, après m’avoir vu prendre mon pied avec son pote, il n’y a pas de raison pour que cela change…
    La question est plutôt au sujet de Thibault… où est-ce que je me situe dans l’estime du bomécano après cette nuit ? Est-ce que, au-delà de la tendresse qu’il m’a apportée, en plus d’un plaisir intense, il a été déçu par mon manque de caractère vis-à-vis de Jérém ?
    Pourtant, il est dans ma tête est une question en amont de toute autre… celle de savoir où est-ce que je me situe dans ma propre estime, après cette nuit où j’ai dit « oui » à tout et à tout le monde… cette nuit où j’ai accepté, sans transition, la douceur de l’un et la brutalité de l’autre… cette nuit où j’ai accepté avant tout ce plan avec les deux potes, et particulièrement avec Thibault, à l’aube de mon amitié naissante avec lui…
    Le fait est que, avant d’essayer d’imaginer la déception de Thibault, je me sens déjà déçu par moi-même… déçu de ne pas avoir su réagir avec davantage de fermeté aux excès de Jérém… déçu de ne pas avoir suffisamment su le remettre à sa place lorsqu’il avait dépassé les bornes… d’avoir accepté son comportement…
    Oui, je me sens déçu… et, à fortiori, à cause de la présence du bomécano…
    Je pourrais trouver mille excuses au fait de ne pas savoir m’affirmer face à Jérém… pourtant, la véritable et unique raison est toujours cette peur panique du clash… peur de le perdre… car, même si  je sais que notre histoire m’est comptée, j’ai envie de repousser le dernier chapitre le plus loin possible…
    De plus, même si le regard de Thibault semblait critique vis-à-vis du comportement de Jérém, je me disais que ce n’était pas vraiment le moment de chercher le clash… justement à cause de la présence de Thibault…
    Thibault que j’ai vu frémir, et plus qu’une fois, s’interdisant d’intervenir davantage… lui aussi, pour ne pas aller au clash avec son pote…
    Le fait est que le comportement à la con de Jérém, nous mettait tous les deux dans une situation délicate… mais, à bien regarder, la position de Thibault était peut-être encore plus compliquée que moi…
    Pourtant, à bien regarder, je me dis que, malgré sa position d’équilibriste entre l’amitié pour son pote, l’amitié envers moi et sa désapprobation vis-à-vis du comportement de Jérém, Thibault a été juste parfait… le bomécano a calmé le jeu à plusieurs reprises, il a repris son pote en évitant de lui rentrer dedans trop frontalement…
    C’est délicat de s’immiscer dans une relation à deux… même lorsqu’elle nous paraît aussi déséquilibrée, aussi mal engagée que celle entre Jérém et moi… on voudrait le faire, parfois… remettre les pendules à l’heure, en prenant parti pour l’un ou pour l’autre… on se dit « ce n’est pas possible que ça se passe ainsi, que l’un pousse le bouchon aussi loin, et que l’autre l’accepte… il faut faire quelque chose »…
    Mais comment s’y prendre ? Avec quelle autorité, de quel droit ? Comment intervenir dans une relation dont on ne connaît pas les mécanismes, les équilibres, l’histoire ?
    Jérém et moi n’étions pas un couple, certes… mais comment Thibault aurait pu reprocher à son pote de mal se comporter avec moi, son amant ? Une remarque de ce genre, à fortiori en ma présence, aurait été plutôt vexante, limite humiliante…
    Déjà que Jérém était déjà bien chauffé par le fait que cette nuit soit partie bien au-delà du plan Q qu’il l’avait imaginé…
    Thibault aussi devait sentir la tension de son pote… il devait sentir qu’un mot de trop aurait pu tout gâcher… un mot de trop et Jérém aurait pu se braquer, tout en lui opposant l’argument ultime « ce ne sont pas tes oignons ! »… un mot de trop et ça aurait pu créer un malaise capable de mettre un point d’arrêt immédiat à cette nuit… un mot de trop et ça aurait pu causer un accrochage entre les deux potes, à cause de moi… j’avais tellement peur de cet accrochage entre les deux potes, que j’ai fini par en rêver la nuit dernière…
    Alors, comment prendre parti pour moi, au risque de créer de nouveaux problèmes, au lieu de résoudre ceux existants ?
    Et même si Thibault avait eu envie de prendre plus ouvertement ma défense… comment pouvait-il être sûr que j’en avais vraiment envie ?
    Car, dans les faits, je ne suis pas sûr que j’avais vraiment envie de sentir qu’il prenait parti pour moi et ce, pour la simple et bonne raison que je suis trop con pour le faire par moi-même…
    Délicat, très délicat tout ça…
    Non, ce n’était pas à Thibault de remettre Jérém à sa place…

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