• 0235 Le vent change…

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    Fabien]

     

    0235 Le vent change…


    Le jeudi, je n’ai pas le moral. Deux semaines déjà que je n’ai pas revu mon Jérém. Son refus de me recevoir chez lui à Paris le week-end qui arrive n’a fait qu’exacerber mes inquiétudes.
    En cours, Monica remarque que je ne suis pas bien. Je prétexte une mauvaise nuit de sommeil pour faire cesser les questions.
    Le soir même, je me laisse traîner à une soirée étudiante.
    « Ça te changera les idées » me lance Raph pour me convaincre à l’accompagner.

    Ça se passe dans un bar du centre-ville.
    « C’est ta première soirée étudiante ? » il me demande alors que nous attendons pour rentrer.
    Je dois vraiment avoir l’air à côté de la plaque.
    « Oui » je réponds sobrement.
    « Les premières impressions que tu donnes de toi sont primordiales » il m’annonce « La règle d’or pour toi ce soir est : tâche de paraître sympa. Ta popularité future en dépend ».
    « Je ferai de mon mieux ».
    Le bar, plutôt du genre branché, est rempli d’étudiants qui, au premier regard, semblent s’amuser. Ou plutôt essayer de s’amuser, et boire en attendant.
    L’alcool est partout, mais il n’est pas la seule distraction de la soirée. L’odeur des joints, que je connais bien depuis les « révisions » de la rue de la Colombette, remonte à mes narines et me rappelle des souvenirs.
    Evidemment, dans le bar il y a un certain nombre de beaux mecs qui aimantent mon regard sensible. Mais je n’ai pas le temps de bien détailler la faune masculine car je suis de près mon camarade Raph qui lui file tout droit vers un grand gaillard brun attablé en compagnie d’autres gars. Ce dernier n’est pas particulièrement beau, mais il est très souriant et il a l’air très avenant.
    « Hey, Franck, tu vas bien ? » lui lance Raph en lui claquant la bise.
    « Hey, Raph, content de te voir ».
    « Voici mon pote Nico ».
    « Salut, moi c’est Franck » fait le grand brun en me broyant la main avec une puissante poignée de mec.
    « Salut ».
    « C’est sa première soirée » précise Raph « il est un peu timide ».
    « Mais ça c’est pas grave, ça peut s’arranger très vite. Tu bois quoi, Nico ? ».
    « Euh… une bière blanche ».
    « C’est une blague ! ».
    « Je préfère commencer en douceur ».
    Franck se marre, puis s’adresse à Raph :
    « Pour toi, ça n’a pas changé ? ».
    « Yes, mec ! Vodka à flots ! ».
    Evidemment, Raph connaît plein de monde. Et très vite il s’en va saluer d’autres gars et faire son numéro de charme à des nanas. Je me retrouve seul avec Franck, qui essaie de me mettre à l’aise en me demandant dans quel cursus je suis, comment s’est passée ma rentrée. Plus je discute avec lui, plus je trouve que son affabilité et son humour sont des véritables atouts charme. Finalement, je ne le trouve pas si mal.
    En conversant avec Franck, je commets une erreur de débutant : je vide ma bière beaucoup trop vite. Et comme l’étudiant en soirée a horreur du vide (dans le verre), je me retrouve aussitôt avec une nouvelle bière dans la main. Je n’ai pas soif, mais je ne peux pas refuser. Je propose de payer à mon tour, il refuse catégoriquement.
    Une petite bande de mecs approche et vient le saluer. Ils commencent à discuter entre eux et je me retrouve isolé dans un environnement bruyant où je ne connais personne. Je fais un tout d’horizon et je n’arrive pas à repérer Raph.
    Me voilà seul au milieu d’une multitude de jeunes a priori comme moi mais au milieu desquels je me sens comme un étranger.
    Comment aller vers les autres dans ce genre de soirée ? Vers qui ? Avec quel prétexte, quelle accroche ? Vers un mec, une nana ? Je ne saurai de toute façon comment m’y prendre, de quoi parler, comment trouver quelque chose d’intéressant pour capter l’attention, comment ne pas paraître à côté de la plaque, relou, ou ridicule.
    Une nana approche et me demande une cigarette.
    « Désolé, je ne fume pas… ».
    Et voilà. Si encore je fumais, ou si je buvais, ça pourrait créer des occasions. C’est con, mais la socialisation a besoin parfois de l’aide d’un produit « désinhibiteur », pour amorcer le processus.
    Je m’installe au comptoir, ma bouée de sauvetage dans cette mer d’interactions dans laquelle je ne sais pas nager et dans laquelle je me noie. Je reprends une troisième conso, plus pour me donner un genre que pour une véritable envie.
    Tant qu’à faire, je choisis un truc que j’aime vraiment, un mojito. Réflexe proustien, en le savourant je repense illico à ma cousine Elodie. Qu’est-ce que cette soirée serait autrement marrante si elle était là à boire un mojito et à rigoler avec moi ! Soudain, je réalise qu’avec cette histoire de mariage, peut-être que notre complicité, nos sorties, nos vacances à Gruissan appartiennent déjà à une autre époque. Et cela me rend profondément triste.
    Ne sachant pas comment bâtir un pont vers l’autre, je me cantonne à la seule occupation qui ne me demande aucun effort, celle qui me réussit le mieux : l’observation de la bogossitude ambiante.
    Je regarde les mecs en train de discuter, boire, déconner entre potes, ou essayer d’aborder des nanas. Ils essaient de les emballer, ils espèrent certainement tirer leur coup un peu plus tard dans la soirée. Car le but ultime, dans ces soirées, semble justement être celui de tirer son coup. Baiser est bien une forme de socialisation.
    Cette soirée me rappelle les sorties dans les boîtes toulousaines, la Bodega, le KL, l’Esméralda, des soirées passées à mater Jérém, Thibault et ses potes. Là aussi, le comptoir était souvent ma bouée de sauvetage.
    Comme toujours, je regarde les mecs avec un regard à la fois fasciné et curieux, j’essaie de deviner leurs attitudes et leur façon d’être en les observant interagir entre eux. Tout en m’énivrant de tous ces petits détails – les yeux, le regard, la bouche, le sourire, les oreilles, les brushing, la barbe, la stature, la carrure, la plastique, une chaînette, un tatouage, la façon de porter un t-shirt ou une chemise ou un jeans, une attitude, une position du corps, une traînée de parfum – toutes ces petites choses qui retiennent mon attention,  une infinité de détails qui font se réveiller en moi quelque chose qui me fait vibrer, quelque chose qui me parle à chaque fois de l’incessamment renouvelée beauté du Masculin.
    Oui, la vision de chaque bogoss attire mon attention et ma fascination. Mais également de la tristesse, car chacun d’entre eux, d’une façon ou d’une autre, me renvoie sans cesse vers mon Jérém qui me manque terriblement.
    Je me surprends à caresser les mailles de ma chaînette, cette chaînette qui n’a pas quitté mon cou depuis notre séparation à Campan. « Comme ça, je serai toujours avec toi » il m’avait dit, en la passant autour de mon cou. Et c’est vrai, à chaque fois qu’au gré d’un mouvement je sens les mailles glisser sur ma peau, je ressens un frisson en repensant au gars que j’aime.
    Le souvenir de ses coups de reins, la marque de sa puissance sexuelle dans ma chair, s’est estompé au bout de quelques jours après mon week-end à Paris. Mais la caresse de cette chaînette, la marque de son amour pour moi, est toujours avec moi. Et elle me rappelle le souvenir de son regard amoureux lorsqu’il me l’a offerte, alors que, je le sais, elle comptait beaucoup pour lui. C’est un bout de son intimité que Jérém m’a offert avec cette chaînette. Et elle me donne régulièrement d’intenses frissons.
    Jérém me manque, et j’ai peur, je ne suis pas tranquille vis-à-vis de ce qui peut se passer dans sa nouvelle vie parisienne. L’avenir de notre relation m’inquiète de plus en plus.
    La nuit avance, l’alcool rend les mecs entreprenants et les nanas moins farouches, et des alchimies d’un soir commencent à se former. Comment ces soirées se terminent-elles ? Combien de ces gars baisent après la soirée, et avec qui ? Combien de potes hétéros, de colocataires saouls se laissent finalement aller et tentent une plaisante « expérience » entre mecs ? Est-ce qu’il y a d’autres gays que moi dans ce bar ? Est-ce qu’ils kiffent les mêmes gars que moi ? Est-ce qu’ils se sentent aussi seuls et isolés que moi ?
    Peu à peu, je sens une douce fatigue, comme une ivresse, monter en moi. Comme d’hab, quelques bières, un verre et ça y est, je suis ko. Je commande un soda pour essayer de calmer le jeu.
    J’attends ma conso lorsque je remarque un peu plus loin, assis au même comptoir, un petit mec seul lui aussi. Les cheveux châtains en bataille, un physique fin et élancé, habillé par un t-shirt bleu trop grand, le gars est plutôt mignon. Il a une bonne bouille, il a l’air tout doux. Son regard dégage un je ne sais quoi de rêveur et de timide qui le rend craquant. Il a carrément une bonne tête à bisous et à câlins. Et il a l’air de se faire chier tout autant que moi.
    A un moment, le gars se tourne vers moi, il capte mon regard. Et après un petit instant de flottement, il me sourit. D’emblée, il m’inspire un sentiment de sympathie et de tendresse.
    Ça doit être l’alcool qui me donne des ailes, mais quelques instants plus tard je fais quelque chose qui me paraît totalement inconcevable même à l’instant où je le vis, et pourtant inévitable. Je me lève, je m’approche de lui et je lui parle.
    « Salut » je lui lance, sans avoir la moindre idée sur comment je vais enchaîner.
    « Salut. Moi c’est Rubens » fait le petit mec en me tendant la main.
    Ah beh, voilà un prénom pas banal et plein de charme. Tout comme le p’tit gars qui le porte.
    « Et moi c’est Nico » je lui réponds en serrant la sienne qui est chaude et douce.
    « Tu as l’air de te faire chier » il me lance.
    « T’as l’air de te faire chier tout autant que moi, je me trompe ? ».
    Je ne sais pas pourquoi je me sens si à l’aise avec ce petit mec. Une fois de plus, je mets ça sur le compte de l’alcool.
    « Non, tu te trompes pas ».
    « Tu es dans quel cursus, Nico ? ».
    « Sciences de la Terre ? Et toi ? ».
    « Langues »
    « C’est ta première soirée ? ».
    « Oui. Et toi ? ».
    « Aussi ».
    « Tu es venu seul, Nico ? ».
    « Non, avec un camarade de fac et toi ? ».
    « Je suis venu avec une copine ».
    Rubens a un regard à la fois pétillant et plein de douceur. Ça se confirme, ce petit gars est un véritable aimant à câlins.
    « Tu es d’où ? » il me questionne.
    « De Toulouse et toi ? ».
    « De Poitiers ».
    « Tu t’y plais ici à Bordeaux ? » il enchaîne.
    Je suis en train de chercher une réponse pas trop banale à sa question lorsqu’une nana vient le voir.
    « Hey, tu fais quoi ici tout seul ? » elle le questionne.
    « Je me fais un nouveau pote. Sophie, je te présente Nico. Nico, voici ma copine Sophie ».
    « Salut Nico ».
    « Salut Sophie »
    « Rubens, viens avec nous, mes potes t’aiment bien » lui lance cette dernière.
    « Il se fait tard, tu veux pas plutôt qu’on y aille ? » fait le petit mec.
    « Allez, fais un effort ».
    « J’arrive, j’arrive » fait Rubens, en quittant sa chaise de comptoir visiblement à contrecœur.
    « Ils me saoulent ses potes » il me lance, avec un regard complice. Avant d’enchaîner, visiblement très emballé par l’idée :
    « Eh, Nico, viens prendre un verre avec nous. Comme ça on pourra continuer à discuter ».
    La proposition est tentante, mais mon ventre vient de décréter le couvre-feu de la boisson. Je sens les bières se battre avec le Mojito et le soda.
    « C’est gentil, mais je ne vais pas tarder à y aller. Si je bois encore un verre, ça va mal se terminer » je suis contraint de prendre congé, alors que je sens monter en moi un mal au cœur persistant.
    « Comme tu voudras, Nico. En tout cas, ravi d’avoir fait ta connaissance ».
    « Moi aussi j’ai été content d’avoir fait ta connaissance ».
    « A un de ces quatre, peut-être ».
    « Ça me ferait plaisir aussi ».
    « Bonne nuit ».
    « A toi aussi ».
    Je le regarde rejoindre la tablée des potes de sa copine et s’y installer. Je regrette que notre conversation se termine si tôt. Mais j’ai vraiment mal au cœur. Mais pourquoi j’ai bu autant ?
    Aux toilettes, je passe un sale quart d’heure. Lorsque je reviens dans la salle, Rubens a disparu. C’est vraiment dommage, car ce gars avait l’air très sympa. J’aime croire qu’on aurait pu devenir potes.
    Je retrouve Raph sur un canapé en train de rouler des pelles à une inconnue.
    « Ça va Nico, tu t’amuses ? » il me lance, en reprenant son souffle.
    « Ça va ».
    « Je te présente Amandine ».
    « Sandrine ! » fait la fille, vexée.
    « Ah oui, pardon ! ».
    « Je vais y aller » je lui annonce.
    « Tu déconnes ! Il n’est que 2 heures ! Le meilleur commence maintenant ! ».
    « Je vais quand même y aller, je suis fatigué ».
    « Allez, Nico ! ».
    « Pour ma première soirée, c’est déjà pas mal ».
    « Allez, rentre bien mon pote ».

    Le vendredi, je me réveille avec le moral plus bas que mes chaussettes. Il pleut. Toujours pas de nouvelles de mon Jérém. Je n’ai vraiment pas envie de partir en cours. Mais il le faut.
    Et c’est ce matin, alors que je suis en mode zombie, que quelque chose d’inattendu se produit.
    Pas de Justin lorsque j’arrive à l’arrêt de bus. Mais deux minutes plus tard, je le vois arriver de loin sous un grand parapluie. Du coup, j’attends qu’il soit assez convenablement proche de moi et je lui dis bonjour. Et là, il me balance son plus beau sourire, ainsi qu’un « bonjour » charmant, avec sa voix douce de mâle. Sa prise de main est toujours aussi virile.
    Son sourire est tellement beau et engageant qu’il me donne enfin le courage de lancer une conversation.
    Comme il pleut des cordes, le sujet est tout trouvé.
    « Quel sale temps aujourd’hui » je lance.
    « C’est clair, c’est un temps à rester au chaud au lit ça ! » il relance, tout en glissant un beau sourire qui, à lui tout seul, a le pouvoir de faire oublier la pluie.
    « Passer la matinée à somnoler devant la télé, prendre un petit déj tranquille » je rêve à haute voix.
    Justin semble hésiter à dire quelque chose, comme s’il cherchait un truc sympa à balancer. Sur ce, un bus se pointe, mais il est plein à craquer. Des passagers descendent, d’autres devant nous montent.
    « Je crois que je vais attendre le prochain » il lance.
    « Moi aussi ».
    Le bus repart et du coup nous nous retrouvons tous les deux seuls sous l’abribus.
    « Tu as l’air d’avoir eu une nuit difficile » je l’entends me lancer dès que le bruit du bus s’éloigne de nous.
    « Oui, c’est le mot, difficile ».
    Le gars me sourit et ça fait du bien.
    « Au fait moi c’est Justin ».
    « Et moi c’est Nico ».
    « Alors t’aurais bien fait la grasse mat » il me taquine.
    « Oh que, oui, surtout après cette soirée ».
    « Une soirée bien chargée ? ».
    « Une soirée étudiante ».
    « Tu es étudiant, alors ».
    « Je suis à la fac de sciences en première année ».
    « Et toi ? » je lui retourne tout naturellement.
    « Moi je suis façadier. Tu vois, le crépi, l’isolation… ».
    « Ah, tu travailles à l’extérieur… ».
    « Eh oui… mais s’il continue à flotter comme ça, le chef de chantier va nous mettre en intempérie. Surtout un vendredi ».
    « Alors, c’était bien ta soirée ? » il enchaîne.
    « Oui, pas mal. Mais je crois que ces soirées c’est pas trop pour moi. Je ne suis pas du genre à aller vers les gens, et je me fais vite chier ».
    « Tu es timide ».
    « Oui ».
    « C’est l’impression que je me suis fait de toi ».
    Sa remarque me touche, car elle dévoile le fait qu’il m’a observé à son tour depuis que nous nous croisons.
    « Je crois que je ne bois pas assez pour m’amuser. Le fait est que je ne tiens pas l’alcool ».
    « Moi, en revanche, je le tiens très bien » il se marre.
    Un nouveau bus approche, tout aussi plein que le précèdent. Comme nous sommes sur le bord du trottoir, nous arrivons quand même à nous faufiler à l’intérieur. Mais nous sommes tellement serrés qu’il n’est plus possible de discuter.
    Au fil des arrêts, des gens sortent, d’autres rentrent. Ça brasse dans tous les sens et Justin et moi nous nous retrouvons ballottés aux deux extrémités du bus.
    Lorsque le bus arrive à mon arrêt de la fac, Justin est carrément à l’autre bout du bus. Je le regarde, il me regarde, il me fait un signe de la main et il me lance un nouveau beau sourire. Je lui retourne le signe de la main, j’essaye d’esquisser un sourire à mon tour, tout en me sachant incapable de lui en renvoyer un aussi beau que le sien.
    La journée à la fac s’écoule lentement. Le temps maussade donne l’impression que tout se passe comme au ralenti. Jérém n’a pas voulu que je le rejoigne à Paris, le week-end s’annonce comme profondément ennuyeux et rempli d’angoisses.
    Heureusement, j’ai une maman formidable. Le vendredi soir, elle m’appelle pour me demander si je suis d’accord pour qu’elle prenne le train et qu’elle vienne me voir le lendemain. Elle souhaite arriver samedi en fin de matinée et repartir le dimanche. Bien évidemment, cela me fait très plaisir.
    « C’est une très bonne idée maman ».
    « Comme ça on pourra se balader dans Bordeaux, je n’ai jamais mis les pieds dans cette ville ».
    « Amène mon sac de couchage, comme ça je te laisserai mon lit ».
    Après l’annonce de la venue de maman, le week-end et sa solitude annoncée ne me font plus peur.
    Je suis tellement requinqué par cette nouvelle, que je trouve le courage d’appeler mon Jérém. Même si je me dis qu’il y a très peu de chances pour qu’il réponde, surtout un vendredi soir, car il doit assurément être de sortie avec ses potes. Je me dis qu’au pire je lui laisserai un message, histoire de lui faire sentir ma présence, histoire qu’il ne m’oublie pas.
    Mais à ma grande surprise, mon bobrun décroche.
    « J’allais justement t’appeler ».
    « Tu me manques, Jérém ».
    « Toi aussi, ourson ».
    « Tu vas faire quoi de ton week-end ? » il me questionne après un petit blanc.
    « Maman vient me voir demain, je vais lui faire découvrir la ville ».
    « C’est bien ».
    « J’aimerais tellement que tu sois là avec moi ».
    « Si je pouvais ».
    « Tu penses que nous pourrons nous voir bientôt ? ».
    « Dans quelques semaines ce sera la pause de Noël, ce sera plus facile ».
    « J’espère qu’on se verra avant quand même ».
    « Je ne sais pas Nico ».
    « Jérém… ».
    « Il faut que j’y aille, les gars m’attendent ».
    Jérém prend très rapidement congé. Dès le téléphone raccroché, je sens une profonde tristesse m’envahir. Car je sens mon Jérém m’échapper.

    [A plusieurs centaines de bornes de là, dans son studio aux Buttes Chaumont à Paris, Jérémie vient de raccrocher à son tour. Il s’affale dans son clic clac, il allume la console de jeu, il lance un match virtuel. Jouer à la console ça le détend d’habitude. Il essaie de se concentrer sur l’action, mais il n’y arrive pas.
    Car il ressent un profond malaise au fond de lui. Quelque chose le tracasse. Ce coup de fil a été pénible pour lui. Mais ce qui le tracasse le plus c’est de penser que ça a dû l’être tout autant pour Nico. Il sait qu’il a fait de la peine à ce petit gars qui est si spécial à ses yeux. Et il déteste ça. Il se déteste pour ça.
    Nico lui manque, il lui me manque beaucoup. Il a très envie de le voir. S’il s’écoutait, il le rappellerait pour lui dire de venir le rejoindre dès que possible. En fait, il beaucoup plus envie de le voir ce week-end que de sortir en boîte avec les collègues du rugby.
    Mais s’il accepte que Nico vienne le voir, comment va-t-il gérer ça ?
    Il se dit qu’il ne peut pas l’amener avec lui au match et en boîte comme la dernière fois. Les gars commencent à se foutre de sa gueule parce qu’il n’emballe pas les nanas sous prétexte d’une hypothétique copine à Bordeaux, alors il faut à tout prix éviter d’éveiller les soupçons.
    Il ne peut pas non plus se passer de sortir. Déjà qu’il a du mal à se sentir à sa place et qu’à part Ulysse, qui a été sympa avec lui dès le premier jour, les autres gars ne lui font pas vraiment des cadeaux, si en plus il reste dans son coin, sa côte de popularité ne va jamais décoller.
    Il ne peut pas non plus sortir sans Nico. Il ne peut pas lui dire de venir le voir et le laisser seul. Il comprendrait vite qu’il essaie de le cacher. Il ne peut pas lui faire ça. Il ne mérite pas ça.
    Non, il ne peut pas laisser venir Nico sur Paris. Du moins pour l’instant. Car en plus, en ce moment, entre les entraînements, les matches et la fac, Jérémie se sent en stress permanent.
    Il n’a pas envie de lui parler de ses difficultés à s’intégrer à l’équipe, des entraînements qui l’épuisent, des matches qui ne marchent pas toujours comme il le voudrait, de sa peur de ne pas y arriver, de la pression qu’il sent sur lui et qui l’étouffe. Il n’a pas non plus envie de lui parler de ses problèmes à la fac, où il a de plus en plus de mal à suivre. Il ne veut pas que Nico voit qu’il trime, il ne veut pas se montrer faible. Il ne veut pas qu’il vienne le voir tant que ça n’ira pas mieux dans sa tête et dans sa vie.
    Jérémie sait que Nico commence à trouver le temps long et qu’il ne vit pas bien cet éloignement. Et encore moins le fait de lui empêcher de revenir à Paris.
    C’est dur de ne pas le voir. Mais ce qui est le plus dur c’est de penser au mal qu’il est en train de lui faire, à nouveau, après lui en avoir bien assez fait par le passé.
    Jérémie sait que plus le temps passe, plus il risque de le perdre. Et il ne veut pas que cela arrive. Il a eu tellement peur à l’idée de l’avoir perdu pour de bon après le clash avant son accident, et il en avait mal à en crever ! Car Nico lui fait du bien, et il est bien avec lui.
    « On était si bien à Campan ! J’ai tellement adoré le tenir dans mes bras devant la grande cascade à Gavarnie ! Ce petit mec me rend dingue ! » se dit Jérémie, avec nostalgie et une pointe de mélancolie.
    Oui, s’il s’écoutait, Jérémie rappellerait Nico pour lui dire de venir le rejoindre.
    Mais il ne s’écoute pas, pas assez. Et au lieu de quoi, il passe à la douche, il arrange ses cheveux bruns au gel, il met du déo sur son corps. Il s’habille sur son 31 et il quitte son appart pour aller faire la fête avec ses potes.
    Il est parfois plus simple se conformer à ce que son milieu et son entourage attendent de nous, que d’écouter son propre cœur].

    Deux semaines après le week-end à Paris.

    Le lendemain matin, samedi je me réveille aussi triste que la veille. J’ai très mal dormi, et je ne me sens pas vraiment en forme. Heureusement, maman va être là dans quelques heures.
    Elle débarque à la gare à 11h30. Je suis tellement content de la voir que j’ai du mal à retenir mes larmes.
    « Ça va, Nico ? ».
    « Oui, maman, je suis content que tu sois venue ».
    Dès notre arrivée dans la petite cour au sol rouge, maman fait la connaissance de mes deux adorables voisins et propriétaires.
    « Nico est un garçon fort bien élevé. Vous l’avez bien réussi » rigole Albert.
    « J’ai fait de mon mieux et je ne suis pas mécontente du résultat ».
    « Vous allez repartir ce soir ? » se renseigne Denis.
    « Non, je compte rester jusqu’à demain, si mon fils ne me met pas à la porte ».
    « Et vous allez dormir où ? ».
    « J’ai apporté un sac de couchage pour Ni… ».
    « J’ai une meilleure idée. J’ai un appart qui est inoccupé juste à côté de celui de Nico. Je vais l’aérer et mettre des draps et ce soir vous pourrez y dormir ».
    « Non, je ne peux pas accepter ».
    « J’insiste ».

    « Quand on lit sur une annonce « 13 mètres carrés » on ne se rend pas compte à quel point c’est minuscule » commente maman en rentrant dans l’appart.
    « L’avantage est que le ménage est très vite fait » je plaisante.
    « Ça c’est clair ».
    « En plus, j’ai des voisins extra ».
    « Ils sont vraiment sympa tes proprios ».
    « J’ai de la chance ».

    A midi, nous déjeunons dans un restaurant du centre-ville.
    Après m’avoir questionné sur ma vie à la fac, maman m’entraîne sur des sujets plus intimes.
    « Alors, raconte, avec Jérémie ça se passe toujours aussi bien ? ».
    « J’ai peur que la distance nous fasse du tort ».
    « Tu as peur de quoi ? Qu’il t’oublie ? ».
    « Oui, qu’il aille voir ailleurs ».
    « Tu crois qu’il irait voir d’autres garçons ? ».
    « Non, plutôt des filles, pour faire comme ses potes ».
    « Ah… et tu penses que c’est le cas ? ».
    « Je ne sais pas. Mais en attendant, plus ça va, plus je le sens distant ».
    « Je pense que tu as peur parce que tu n’as pas assez confiance en toi, mon chou. C’est normal d’être jaloux et d’avoir peur. Mais si tu lui montres ta jalousie et ta peur, tu vas l’éloigner encore plus ».
    « Et qu’est-ce que je dois faire, alors ? ».
    « Pour avoir une relation équilibrée et durable, il faut d’abord être bien avec soi-même. Si on est bien avec soi, serein et confiant, on dégage de l’assurance. Et on est perçus comme quelqu’un de rassurant. Et ça, c’est très important. Tout le monde, les hommes tout autant que les femmes, cherche quelqu’un de rassurant. Pas pépère, non, mais quelqu’un avec qui on se sent bien, avec qui on se sent en sécurité ».
    « Si seulement il me disait comment il imagine notre relation à l’avenir… ».
    « Il est fort possible que lui-même n’ait pas la réponse à cette question. Ne lui en demande pas trop. Aimer c’est l'accepter l’autre tel qu'il est et ne jamais avoir la prétention de vouloir en faire quelqu'un d'autre qui nous correspondrait mieux.
    Ça ne veut pas dire qu’il faut tout accepter ou qu’il ne faut pas des mises au point de temps à autre.
    Mais la vraie question est de reconnaître les différences de l’autre, provoquées par son vécu, son éducation, son tempérament, ses conditionnements, ses contraintes et d’y voir ce qu’il y a de positif dans tout ça.
    Regarde, moi, en ce moment j’ai envie de gifler ton père. Si je ne craque pas, c’est parce que je sais que c’est quelqu’un de bon et que tôt ou tard il se rendra compte qu’il est dans l’erreur ».
    « Il fait toujours la tête ? ».
    « Un peu ».
    « Je suis désolé que tu aies à endurer ça à cause de moi ».
    « Tu n’as pas à être désolé, c’est lui qui complique des choses qui sont tout à fait limpides ».
    « Il n’accepte pas que je sois comme ça… ».
    « Il a surtout peur des « qu’en dira-t-on »… ».
    « Et toi ? ».
    « Tu sais que je m’en fiche des « qu’en dira-t-on » depuis toujours. Je te l’ai dit, je suis fière de toi mon grand, fière que tu aies osé t’assumer et être honnête avec nous. C’est ta vie, Nico et je n’ai rien à dire là-dessus. Tu as le droit d’essayer d’être heureux comme tu le sens. Et tant pis si je n’aurai pas de petits enfants… je préfère que tu sois heureux sans que malheureux avec.
    Ne te prends pas la tête, Nico, et ne brusque pas Jérémie. Montre toi présent, offre-lui ton soutien. Mais laisse-lui le temps de prendre ses marques ».

    Les mots de maman me font un bien fou. Nous passons l’après-midi à nous balader en ville. Le soir nous allons au cinéma, puis nous regardons la télé tout en parlant de tout et de rien. Maman me raconte quelque chose dont je n’avais encore jamais entendu parler.
    Elle me dit avoir toujours été convaincue que l’un des vieux oncles de papa, décédé il y a plusieurs années quand j’étais encore enfant, était gay lui aussi. Elle l’avait toujours connu célibataire et elle avait de la sympathie pour ce gars qui était un peu tenu en marge de la famille, qui menait une vie solitaire et mystérieuse. Puis, elle m’a redit à quel point elle était heureuse de me voir m’assumer. Parce qu’assumer qui on est, constitue la première marche vers le bonheur. Et elle m’a dit et répété qu’elle était fière de moi et qu’elle me soutiendrait toujours.
    La présence de maman me réconforte. Elle m’aide même à supporter l’absence de contacts avec Jérém pendant tout le week-end.

    Le lundi, il pleut des cordes. Pour arranger le tout, pas de Raph en cours avec sa bonne humeur contagieuse dès la première heure du lundi matin. De plus, Monica semble de mauvaise humeur elle aussi, Fabien est très taciturne et Cécile m’évite toujours. En ce lundi matin, tout me paraît gris et triste. Même les cours me gonflent. La semaine commence mal.
    Lundi, mardi, mercredi, les jours se suivent et se ressemblent, ils passent comme noyés dans la grisaille qui persiste sur la ville et dans mon cœur.
    Lundi, mardi, mercredi soir, j’attends un coup de fil de Jérém avec une impatience et une inquiétude grandissantes. Comme il ne m’appelle pas, je me force à ne pas l’appeler non plus. C’est con, mais je m’interdis de l’appeler dans l’espoir qu’il remarque mon absence, que je lui manque, qu’il s’inquiète pour notre relation, et que cela le pousse à m’appeler, et à le mettre dans de meilleures dispositions pour le week-end à venir.
    Hélas, les jours passent et mon téléphone demeure silencieux. Chaque jour est une souffrance, une déception un peu plus brûlante que celle de la veille.
    « Laisse-lui le temps » a dit maman.
    J’essaie de lui laisser du temps, mais je trouve qu’il prend sacrement sont temps. Quand on est amoureux et qu’on a l’impression que notre amour nous échappe, on ne sait pas donner du temps. Quand on a 19 ans, on voudrait tout et tout de suite. Et mes peurs grandissent au fur et à mesure que nos contacts s’espacent.
    Jeudi soir arrive et je n’ai toujours pas de ses nouvelles. Ça fait déjà presqu’une semaine.
    Il me manque tellement ! Plus ça va, plus je réalise que ce qui me manque le plus cruellement est sa présence à mes côtés, la tendresse de nos câlins, le bonheur de me réveiller à côté de lui, de partager une balade, un restaurant, une bonne tranche de rigolade, notre complicité, notre petit quotidien, les heures, les instants passés ensemble. Bien plus encore que le sexe.
    Alors, ce soir, je n’en peux plus d’attendre ses coups de fil et de m’interdire de l’appeler de peur de le déranger et de le mettre mal à l’aise avec ses potes. Ce soir j’ai impérativement besoin d’entendre sa voix. Pour être rassuré, mais aussi pour savoir si le week-end à venir je peux enfin aller le voir à Paris. Ça va faire trois semaines que je ne l’ai pas vu.
    Alors, je l’appelle. Mais le téléphone sonne dans le vide. J’ai horreur quand son téléphone sonne dans le vide. Et je m’inquiète encore plus. J’attends la dernière sonnerie, bien décidé à lui laisser un message pour lui dire à quel point il me manque et à quel point j’ai envie de le voir.
    Mais lorsque j’entends sa voix enregistrée, je suis submergé par une telle tristesse que je n’ai plus envie de parler. J’espère qu’il verra mon appel en absence et qu’il me rappellera pour me dire que le week-end qui arrive il est ok pour me recevoir. Qu’il a envie de me voir. Que je lui manque.
    Mais ce soir encore, je m’endors sans avoir entendu sa voix.

    Le lendemain, vendredi, la pause déjeuner arrive et je n’ai toujours pas de nouvelles de Jérém. Je ne sais toujours pas si je peux monter à Paris, même si je me doute que son silence n’est pas de bon augure pour cela. Je commence même à m’inquiéter. Et s’il lui était arrivé quelque chose ?
    Je le rappelle entre midi et deux. J’ai peur de tomber à nouveau sur son répondeur. Je sens que si c’est le cas, je vais m’énerver, ou pleurer ou bien les deux. Pas le répondeur, pitié.
    Mais à ma grande surprise, le bobrun décroche de suite.
    « Saaaalut ! » je l’entends me lancer, en appuyant bien sur le « a », comme s’il voulait rigoler, comme si de rien n’était, comme si ça ne faisait pas une semaine qu’il ne m’avait pas rappelé, qu’il n’avait pas répondu à mes appels en absence, qu’il ne m’avait pas envoyé le moindre message.
    A cet instant précis, j’ai envie de lui demander pourquoi il fait ça, pourquoi il ne ressent plus le besoin de m’appeler aussi souvent qu’avant. Et pourquoi il ne m’a pas appelé « ourson » en décrochant, d’ailleurs. Pourquoi j’ai l’impression que notre complicité se fane. J’ai envie de lui demander ce qu’il a fait tous ces soirs où il ne m’a pas appelé, s’il a été sage.
    Mais je me retiens, je ne veux pas compromettre mes chances de passer le week-end avec lui.
    « Salut, ça fait plaisir de t’entendre » je tente de rester zen et agréable.
    « Moi aussi ça me fait plaisir ».
    « Tu vas bien ? ».
    « Oui, toujours à fond, entre les entraînements et les cours, mais je gère. Et toi, ça se passe bien la fac ? ».
    Je le sens bizarre, poli mais distant, j’ai l’impression de parler à un inconnu ou à un vieil ami que je n’ai pas vu depuis longtemps. Elle est passée où notre belle complicité ?
    « Oui, pas trop mal, ça va ».
    Nous parlons de tout et de rien, mais j’ai l’impression que notre conversation est poussive, que les mots sonnent creux. Au bout de quelques minutes seulement, je sens qu’on ne sait plus quoi se dire.
    Je meurs d’envie de lui parler du week-end à venir. Mais comme il ne m’en parle pas, j’ai peur de manger un nouveau refus. Et pourtant, je ne peux pas ne pas aborder le sujet. Il faut bien qu’on se revoit un jour ou un autre. Alors je prends appui sur sa dernière phrase et je me lance :
    « Demain soir je monte te voir et je m’occupe de toi. Je te prépare à manger et on reste tranquille à l’appart, j’amènerai des films en dv… ».
    « Ce week-end ça ne va pas être possible » il me coupe net.
    Ses mots me frappent comme un coup de poing en pleine figure. Ils me mettent KO par uppercut.
    Un long moment de silence suit ses mots, des secondes interminables pendant lesquelles j’attends qu’il m’explique pourquoi, qu’il me livre une nouvelle excuse, crédible si possible.
    Mais rien ne vient de sa part.
    « Pourquoi c’est pas possible ? » je finis par lui demander, au bord des larmes.
    « Parce que je suis fatigué ».
    Oh, non ! Pas ça, non ! Pas « je suis fatigué » en réponse à la proposition de voir celui qui t’aime ! Pitié, la seule phrase plus connue que celle-ci est « Et la lumière fut ». « Je suis juste fatigué » est la phrase bateau qu’on dit quand on ne veut pas être emmerdés par des sujets qui fâchent.
    Nouveau blanc, nouvelle poussée d’angoisses dans ma tête.
    « Qu’est-ce qui se passe ? ».
    « Je viens de te le dire, je suis très fatigué, j’ai besoin de me reposer ».
    « Je serai au petit soin, je te promets ».
    « Tu vas pas faire le trajet pour me voir dormir tout le week-end ! ».
    « Je m’en fous du trajet, j’ai envie de te voir, même juste pour te faire des câlins »
    « On se verra plus tard, Nico ».
    « Quand ça, plus tard ? Le week-end prochain ? ».
    « Je ne sais pas, on verra ».
    J’ai envie de lui demander pourquoi il ne veut plus me voir. Mais une fois de plus je prends sur moi, et je décide de le croire, de croire à sa fatigue, à sa bonne foi, je décide de sauvegarder mes espoirs. Je prends sur moi pour lutter contre la terrible impression qu’il n’a pas vraiment envie que je remonte le voir à Paris.

    [A plusieurs centaines de bornes de là, Jérém n’en mène pas large. Il est triste et soucieux. C’est dur pour lui de dire « non » à Nico. C’est de plus en plus dur de lui dire non. Surtout que lui aussi crève d’envie de le voir. Car Nico lui manque de plus en plus.
    Son sourire lui manque, ses grands yeux pleins de douceur lui manquent, son regard plein d’amour lui manque plus que tout. Il a envie de lui faire des câlins, de le laisser lui faire des câlins. Il a envie de le prendre dans ses bras, d’être dans ses bras. De lui faire l’amour. De le laisser lui faire l’amour.
    Le laisser lui faire l’amour. Il n’y a qu’avec lui que Jérémie a eu envie de franchir ce pas. D’ailleurs, il n’arrive toujours pas à croire de l’avoir fait, d’avoir laissé un gars le prendre « comme une gonzesse ». Ce n’est pas facile d’assumer ça. Mais avec Nico, il y est arrivé. Parce que Nico ce n’est pas juste « un gars ». Nico c’est « MonNico ». Il en avait envie, et son Ourson a rendu ça beau, doux et sensuel.
    Et pourtant, quand il est seul, Jérémie se dit parfois qu’il ne devrait pas avoir ces envies. Il se dit qu’il ne laissera plus Nico le prendre. Mais le fait est que lorsque Nico est là avec lui, quand il sent son corps contre le sien, cette envie le rattrape. Quand Nico est là, tout ça lui paraît tellement naturel. Ce petit gars lui fait vraiment du bien. Et il lui fait aussi bien de l’effet. Le sentir prendre son pied l’excite. Son Ourson est vraiment adorable. Et sexy.
    Et puis, quand Nico est là, tout lui parait si simple ! Il n’en revient toujours pas d’avoir pu faire son coming out avec ses potes cavaliers !
    Jérémie est heureux d’avoir fait comprendre à Nico à quel point il tenait à lui. Il espère qu’il l’a compris, il espère le lui avoir assez montré. Et il espère qu’il ne l’oubliera pas.
    Ce Nico l’a bien fait changer. Il l’a fait avancer. Il l’a aidé à se sentir bien avec qui il est.
    Jérémie se dit parfois qu’il devrait lui parler de ce qui le tracasse en ce moment, de ses peurs, et lui dire pourquoi il ne peut pas le laisser venir le voir pour l’instant. Il se dit que peut-être que Nico pourrait l’aider. Peut-être qu’il comprendrait sa peur qu’on découvre qu’il est gay. Mais il se dit aussi qu’il aurait du mal à accepter ce qu’il peut lui proposer aujourd’hui, c'est-à-dire une vie cachée, bien cachée.
    Oui, Jérémie pense que ça lui ferait du bien de parler ouvertement avec Nico. Mais il n’y arrive pas. Il craint que s’il commence à lui déballer des trucs, il va finir par devoir lui expliquer pourquoi il ne s’assume toujours pas. Pourquoi il ne peut pas s’assumer. Il ne veut pas que Nico pense qu’il a honte de lui. Car il n’a pas honte de lui, non. Et pourtant, il ne peut pas assumer leur relation.
    Oui, quand Nico est là, tout lui paraît plus simple.
    Mais dès qu’il s’éloigne, tout se complique. Seul, Jérémie a peur. Seul, il n’y arrive pas. Et encore plus dans cette ville, avec ces nouveaux potes, avec cette carrière qui peine à démarrer. Jérémie a peur qu’on sache. Et que tout ça se retourne contre lui. Il a peur d’être humilié. Et il ne veut surtout pas être humilié. Il ne veut pas être rejeté. Il ne veut pas que le fait d’être pd gâche sa carrière au rugby. Il tient trop à ce rêve.
    Mais il tient à Nico aussi, il y tient beaucoup, beaucoup, beaucoup.
    Comment concilier ces deux mondes opposés ? Comment tenir sur le long terme sans pouvoir montrer qui l’on est ? Comment concilier l’amour et la passion alors que les deux le tiraillent dans des directions opposés ?
    Il se rends compte qu’en faisant venir Nico à Campan, il lui a donné des nouveaux espoirs, il a créé en lui de nouvelles attentes. Il avait besoin de le retrouver, et pour le garder il lui a montré qu’il tenait à lui. Il ne pouvait pas le laisser partir, il en aurait été trop malheureux. Jérémie savait qu’il y aurait cette distance entre eux. Mais il n’avait pas anticipé qu’il aurait autant de pression sur lui et que ce serait à ce point dur de gérer cette distance.
    « Mais qu’est-ce que j’ai concrètement à offrir à Nico aujourd’hui ? » se demande souvent Jérémie.
    Et il se dit qu’il ne sera jamais à la hauteur des attentes de Nico. Déjà, car il ne pourra pas lui offrir la vie de couple dont il rêve. Car d’une part, il ne se sent pas vraiment prêt pour ça. Et puis, surtout, le monde qui est le sien aujourd’hui n’est clairement pas prêt pour ça.
    Jérémie sait qu’il fera souffrir Nico à nouveau. D’ailleurs c’est deja le cas. Il le ressent dans ses mots, dans le ton de sa voix, dans ses silences, dans ses non-dits. Et ça lui fend le cœur. Ça lui fait tellement de peine de le sentir triste qu’il n’a même plus envie de l’appeler »].

    Trois semaines déjà après le week-end à Paris.

    Je passe la journée de samedi à cogiter sur les raisons qui poussent mon Jérém à ne pas vouloir que je monte à Paris. Est-ce qu’il m’a déjà oublié ? Est-ce qu’il est déjà passé à autre chose ? Est-ce qu’il a déjà oublié les promesses de Campan ?
    Mais dimanche, après une longue nuit de sommeil, je me réveille avec une idée qui me paraît une évidence. Je me dis que l’attitude fermée de Jérém ressemble à s’y méprendre à celle qu’il avait mis en œuvre après la semaine magique, avant notre clash, lorsqu’il se montrait froid et distant avec moi, tout simplement parce qu’il n’arrivait pas à gérer ses sentiments. Parce qu’il en avait peur.
    Certes, aujourd’hui, son attitude est encore plus blessante qu’avant, car ses silences, ajoutés à la distance, physique et sociale, me font imaginer le pire.
    Maman a raison. Il faut être fort Nico. Il faut lui montrer que je ne lâche rien.

    Une nouvelle semaine arrive, elle se traîne d’un jour à l’autre, d’un soir à l’autre sans que le moindre signe de la part de Jérém vienne casser cette monotonie désolante. Après un échange que j’initie le lundi matin :
    « Salut, ça va ? Tu as pu te reposer ? ».
    Et que Jérém enterre le lendemain par un laconique :
    « Ça va », c’est le silence radio total.
    Le jeudi arrive, un nouveau week-end se profile. En me levant, je sens que ce n’est pas encore le bon, que Jérém va encore trouver une excuse pour me tenir à distance.
    Et pourtant, je sais que ce soir je vais revenir à la charge, que je vais à nouveau lui proposer de nous voir. Et s’il refuse, ce coup-ci je vais lui demander pourquoi.
    Mais ce coup de fil à venir me fait peur. Peur qu’on finisse par se prendre la tête, qu’il se braque, qu’il se fâche. J’ai peur de perdre le Jérém de Campan. J’ai peur que Paris fasse disparaître ce Jérém-là. Mais pourquoi nous avons quitté Campan ?

    Le matin, en allant prendre le bus et en constatant une fois de plus l’absence de Justin, je réalise que ça fait deux semaines que je ne l’ai pas vu, depuis notre sympathique échange le jour où il pleuvait et où nous avons attendu ensemble le bus suivant.
    Je me dis qu’il a dû changer de chantier, et donc de lieu et d’horaires. Et ça signifie que probablement je ne croiserais plus jamais son chemin.

    Ce jeudi, je passe la journée à penser et repenser aux mots à dire et à ne pas dire lors de mon coup du fil du soir à Jérém. Je ne veux pas le saouler, mais je veux être ferme. Je veux savoir ce qui se passe, j’ai le droit de savoir.
    Il est 21 heures pétantes lorsque je compose son numéro. Je suis heureux quand Jérém décroche. Mais je le suis beaucoup moins de constater qu’il est déjà en soirée. La ligne est très mauvaise, mais j’entends un boucan infernal autour de lui, un tintamarre fait de basses répétitives, de cris de nanas, de rires de mecs.
    « Salut, ça vaaaaa ? » je l’entends lâcher avec une voix dans laquelle je peux mesurer à l’oreille un taux d’alcoolémie sensible.
    « Oui, ça va, et toi ? ».
    « Je suis avec mes pooootes, ça vaaaaa ».
    « Jérém, je veux te demander quelque chose ».
    « C’est quoooooiiiii ? ».
    Mais la ligne se coupe avant que je puisse continuer. J’attends une bonne demi-heure qu’il me rappelle, mais il ne le fait pas.
    Je rappelle alors, et je tombe direct sur son répondeur. Je lui laisse un message dans lequel je lui dis qu’il me manque trop et que le lendemain soir je vais prendre le train pour Paris pour aller le voir.
    Je passe la soirée à me bercer dans l’illusion que la fermeté de mon message puisse lui montrer que je ne renoncerai pas à le voir. Je me couche vers 23 heures et je m’endors en essayant de me convaincre que 24 heures plus tard je serai avec Jérém.

    Il est presque deux heures du mat lorsque le tel sonne. Je me réveille en sursaut.
    « P’tit loup, ça va ? » je l’accueille, inquiet qu’il lui soit arrivé quelque chose.
    « Nico, ne viens pas demain » il coupe court.
    Soudain, je sens la colère monter en moi.
    « Si c’était pour m’annoncer ça, tu aurais pu attendre demain ! » je lui lance.
    « Mais pourquoi je ne peux pas venir ?! » j’enchaîne.
    « Je suis claqué ».
    « Tu m’as déjà servi cette excuse le week-end dernier. Si tu es si fatigué, pourquoi tu sors autant ? ».
    « Tu vas pas compter mes sorties ! ».
    « Non, bien sûr que non, mais je trouve bizarre que tu sortes autant et que tu sois fatigué pour me recevoir »
    Jérém laisse le silence s’installer, au point qu’à un moment je crois même qu’il a raccroché.
    « Tu es toujours là ? ».
    « Oui, oui… » il lâche, sur un ton monocorde.
    « Jérém, tu veux plus me voir ? » je finis par le questionner cash.
    « Je ne sais pas, Nico ».
    « Quoi, tu ne sais pas ! ».
    « Il y a plein de choses qui me prennent la tête en ce moment, j’ai besoin d’être seul ».
    « Jérém, j’ai envie de te voir. Jérém, s’il te plaît, ne me pousse pas hors de ta vie à nouveau. Je sais que c’est dur pour toi en ce moment, mais on est bien ensemble tous les deux.
    Je te l’ai dit, je m’en fous que tu sois fatigué, je veux juste te voir, on n’a pas besoin de sortir, je serai à l’appart quand tu rentres, je te ferai à manger, tu n’auras qu’à mettre les pieds sous la table et te détendre ».
    « N’insiste pas, Nico ».
    « Tu as peur qu’on nous voie ensemble ? ».
    « Arrête, Nico ! ».
    « Je te proposerais bien de venir à Bordeaux, mais le week-end tu as match ».
    « Voilà ! ».
    « Mais tu n’as plus de jours de repos ? ».
    « Si, mais pour un jour ça fait loin ».
    « Mais tu l’as fait une fois ».
    « Oui, et c’était une folie ».
    « Tu le regrettes ? ».
    « Mais non ! ».
    L’idée de passer un nouveau week-end loin de Jérém et de laisser un peu plus la distance entre nous s’installer m’est insupportable. Je reviens à la charge, je tente le tout pour tout.
    « Allez, laisse-moi venir te voir ce week-end ! ».
    « Tu me saoules ! » il me balance, sur un ton agacé.
    Je sens que je suis en train de perdre le contact avec mon bobrun. Je n’arrive pas à croire qu’on en revienne là, après la façon dont nous nous sommes quittés la première fois où je suis allé le voir à Paris. Après Campan. J’ai envie de pleurer.
    Je ne veux surtout pas le braquer plus, je ne veux surtout pas atteindre le point de non-retour. Je ne veux surtout pas qu’il me raccroche au nez. Et pourtant, son attitude et ses mots ont le pouvoir de faire monter en moi une colère et une exaspération qui me poussent à lui répondre coup sur coup :
    « Toi aussi tu me saoules ! ».
    « Comme ça on est deux. Bonne nuit ! » fait-il sèchement.
    « Jérém ! ».
    Mais ce que je redoutais le plus vient de se produire. Jérém a déjà raccroché.

    [A plusieurs centaines de bornes de là, Jérémie balance violemment son téléphone sur son lit. Il est en colère. Mais il ne l’est pas contre Nico, il l’est contre lui-même.
    Il se dit qu’au fond, Nico ne demande qu’à le voir, parce qu’il l’aime.
    Ça lui fait très mal d’être aussi dur avec lui.
    Mais il a tourné la question dans tous les sens et des dizaines de fois et il n’a pas trouvé de bonne solution.
    Si jamais l’un des gars débarque à l’appart et qu’il est avec Nico, ça ne va pas le faire. C’est déjà assez compliqué de donner le change et de tenir l’excuse « copine à Bordeaux » pour expliquer le fait qu’il ne baise pas les nanas qui se montrent intéressées en soirée. Car, même si de temps en temps il raconte qu’il va la voir, alors qu’il passe ses journées de repos enfermé chez lui à réviser, cette « copine » ne vient jamais le voir. Et personne ne sait à quoi elle ressemble.
    Et puis, pour « arranger » encore les choses, quelques jours plus tôt s’est produit un « accident » qui a rendu les choses encore plus difficiles pour lui.
    Un soir, après les entraînements, Jérémie est allé prendre un verre avec les gars. Ils étaient cinq, Ulysse était de la partie, ainsi que ce casse-couilles de Léo.
    Pendant qu’ils buvaient verre, il avait remarqué un mec brun assis au comptoir qui n’arrêtait pas de le mater. C’était vraiment un beau gars, sexy et viril. Des épaules larges, un regard magnétique, un sourire charmeur. Un très beau sourire. Le gars lui avait balancé un clin d’œil. Il le draguait.
    La prise de conscience de cela avait provoqué chez Jérémie un étrange mélange de sentiments. D’abord une sensation de bien être, car ça fait toujours du bien de se sentir désiré. Mais aussi la peur, car il craignait par-dessus tout que les gars se rendent compte de quelque chose.
    Alors, il avait détourné son regard, il l’avait verrouillé à la tablé, il s’était fait violence pour prendre partie à la conversation en cours, alors qu’il n’en avait rien à foutre. Car la seule chose qui occupait son esprit était le regard de ce mec, un regard qui l’intriguait, l’obsédait.
    Car, même s’il ne le regardait plus, il sentait son regard sur lui. Et ça le mettait vraiment mal à l’aise. Il avait trop peur que les autres gars captent ce petit manège. A un moment, il s’était même dit qu’il devrait peut-être se lever, aller voir le gars pour lui faire peur, se montrer agressif et menaçant. Il se dit qu’il devrait montrer une bonne réaction d’hétéro bourrin. Car l’attaque est la meilleur défense.
    Non pas que le gars lui faisait peur, il était plus petit que lui et moins musclé. Mais il était plus âgé, il devait avoir 30 ans, et il avait surtout l’air sacrement sûr de lui et bien dans ses baskets. Jérémie craignait que s’il lui cherchait des noises, il ne se gênerait pas pour balancer des trucs qui pourraient le mettre encore plus mal à l’aise, style qu’il l’avait maté lui aussi. Il ne voulait surtout pas se faire remarquer, et il n’avait pas envie de faire un scandale.
    Puis, à un moment, il avait réalisé avec soulagement que le type était parti. Les gars est lui allaient partir aussi. Mais avant d’y aller, Jérémie avait eu besoin d’une pause pipi.
    Pour aller au chiottes, il fallait sortir du bar et passer par une petite porte juste à côté de l’entrée principale. Jérémie avait juste eu le temps d’ouvrir sa braguette devant une pissotière, lorsque du coin de l’œil il avait capté que quelqu’un venait s’installer juste à côté de lui. Et son cœur avait fait un bond, et pas des moindres, lorsqu’il avait réalisé que ce « quelqu’un » n’était autre que le beau brun qui le matait un peu plus tôt.
    « Salut » il lui avait lancé le gars avec une voix basse et calme.
    Jérémie était trop mal à l’aise. Il n’arrivait plus à pisser. Instinctivement, il avait rangé sa queue.
    « Qu’est-ce que tu veux ? » il lui avait lancé froidement.
    « C’est toi que je veux ».
    « Je ne suis pas pd ! ».
    Le mec avait souri et son sourire était à la fois railleur et plein de malice. Jérémie savait que le gars voyait clair dans son jeu. Il se sentait comme pris au piège et il n’aimait vraiment pas ça.
    « T’es vraiment bomec ! ».
    « Fiche-moi la paix, je t’ai dit que je ne suis pas pd ! ».
    « Ne raconte pas d’histoires, tu n’es pas comme tes potes. Tu es comme moi ».
    Jérémie se sentait mis complétement à nu, et ça lui faisait terriblement peur. Il ne savait plus quoi dire.
    « Je pense que tu as autant envie de moi que j’ai envie de toi ».
    L’assurance du type l’énervait et l’intriguait, tout à la fois.
    « Tu racontes n’importe quoi ! » il lui avait crié dessus, en colère, en l’attrapant par le t-shirt et en le collant contre le mur à côté des pissotières.
    « Eh, quelle fougue ! Si t’es aussi chaud dans un pieu, on doit bien s’amuser avec toi » il l’avait provoqué le gars, tout en le repoussant.
    « Ferme ta gueule… sinon… » l’avait menacé Jérémie.
    « Sinon tu vas me mettre ton poing dans la gueule ? Pour me montrer que t’es un vrai mec ? Tu peux me frapper, mais ça ne changera rien. Si tu arrives à faire genre avec tes potes, moi tu ne me trompes pas.
    Mais si tu ne veux pas, je ne vais pas te forcer, t’inquiète. Mais si jamais tu changes d’avis, tu peux me trouver ici tous les jours en semaine à cette heure, je viens chaque soir en sortant du taf. Peut-être à bientôt, bogoss. Ah, au fait… je m’appelle Thomas ».
    « Fiche-moi la paix, conna… ».
    Mais les mots de Jérémie s’étaient étouffés dans sa gorge lorsqu’il avait vu la porte des chiottes s’ouvrir et Léo débarquer.
    « On dirait que ça drague ici » il s’était moqué ce dernier, alors que Thomas venait de se tirer.
    « Toi aussi ferme ta gueule ! » avait balancé Jérém, autant en colère qu’en panique, avant de quitter les chiottes à son tour et de rejoindre les autres dans la rue. Il avait allumé une cigarette, et il la fumait nerveusement, encore secoué par ce qui venait de se passer. Sur ce, quelques instants plus tard à peine, Léo les avait rejoints à son tour en claironnant :
    « Eh, les gars, vous savez quoi ? Jérém s’est fait draguer aux chiottes… par un mec ! ».
    « Mais non, il m’a juste demandé une cigarette ! ».
    « Il t’a demandé ton cigare, oui ! Ou alors il t’a proposé le sien ! ».
    « Vraiment, tu me casses les couilles » s’était emballé Jérémie, tout attrapant Léo par le t-shirt et en le secouant violemment.
    Heureusement, les gars l’avaient retenu. Il avait vraiment failli lui casser la gueule. Il était tellement en colère. Il avait tellement la honte.
    Evidemment, ça ne s’était pas arrêté là. Léo avait parlé de ça dans les vestiaires, dans son dos. Il ne peut pas s’en empêcher ce con. il doit faire chier tout le monde.
    Depuis, Jérémie avait l’impression que les gars le regardaient différemment. Réalité ? Impression dictée par la peur ? Le résultat était le même. Car on se sent toujours traqué lorsqu’on a quelque chose à cacher.
    Cependant, la peur n’était pas suffisante à cacher un autre fait qui avait tout autant marqué Jérémie. Le fait qu’il avait trouvé ce gars terriblement attirant. Bien foutu, une belle gueule de mec, sûr de lui, l’air de savoir comment faire plaisir à un mec.
    Ce n’était pas la première fois que Jérémie se sentait désiré par un mec, même si jusque-là aucun autre n’avait été aussi entreprenant.
    De plus en plus, il lui arrive de capter des regards qui traînent sur lui. Des regards de mecs, en plus de ceux des nanas. Mais de ces derniers, à vrai dire, il s’en fiche. Ce sont les premiers qui lui donnent LE frisson.
    Et il lui arrive de plus en plus souvent d’apprécier la vue des gars qu’il croise. Il est tout particulièrement attiré par les mecs au physique pas trop massif, élancé, et pourtant sensuel. Des gars qui lui inspirent à la fois le désir et la tendresse. Des gars dans le genre… de Nico. Des gars, par ailleurs, sur lesquels il sait que sa virilité aurait un effet ravageur, un effet qui flatterait bien son égo de mec.
    Mais il lui arrive également d’apprécier la vue de gars plus solides, plus viril, des gars souvent plus âgés qui lui inspirent des envies plus nuancées, plus difficiles à assumer, mais qui ne cessent de le titiller.
    Oui, il arrive de plus en plus souvent à Jérémie d’apprécier la vue d’un beau torse en V, d’épaules massives, d’un biceps moulé dans une manchette ajustée, de pecs, d’abdos.
    Et de queues. Comme dans les vestiaires, où certains gars lui font bien de l’effet.
    Et parmi ces gars, il y en a un en particulier qui lui fait plus d’effet que tour les autres. Déjà, parce que c’est vraiment, vraiment, vraiment un beau gars. Ensuite, parce que son attitude vis-à-vis de lui l’a très vite installé dans une proximité propice au désir.
    Mais de toute façon, Jérémie sait que ce gars est inaccessible. Et il sait qu’il doit surtout le rester, quoi qu’il arrive. Car il ne veut surtout pas que le sexe vienne perturber la performance sportive de l’équipe ou relancer encore les ragots. Il ne veut pas non plus que le sexe vienne gâcher l’amitié. Il en a fait l’expérience et les frais avec Thibault, et il ne veut vraiment pas répéter les mêmes erreurs.
    Et aussi, au fond de lui, Jérémie sait que si jamais il franchissait le pas avec ce gars, il y a des chances que ça aille trop loin, plus loin que le sexe. Car ce gars est tellement… rassurant. Tellement bien dans sa peau. Il est pour lui à la fois un ami, un frère, un grand frère, presque un père. Jérémie sent que dans les bras puissant de ce gars, qu’il considère comme un homme dont la maturité et la solidité le fascinent, il trouverait enfin cet « endroit » qu’il cherche depuis toujours. Cet endroit qu’il a du mal à trouver avec Nico, car il le sent parfois trop fragile pour pouvoir se laisser complétement aller. Un endroit où se poser en toute confiance, une épaule suffisamment solide pour pouvoir tout encaisser et contre laquelle s’appuyer sans crainte qu’elle s’écroule et qu’elle le laisse tomber.
    Mais avant toute chose, Jérémie se dit qu’il ne peut pas faire ça à Nico. Il tient trop à lui. Il ne veut pas le perdre. Il est vraiment bien avec lui. Même s’il ne peut pas tout lui confier. Même si c’est souvent à lui de le rassurer, y compris parfois quand il a lui-même besoin d’être rassuré.
    Non, il ne veut pas faire ça à Nico. Mais jusqu’à quand pourra-t-il tenir bon ? Le sexe lui manque de plus en plus. L’envie de sentir le désir d’un mec, le contact avec le corps d’un mec, le plaisir avec un mec, ça lui manque de plus en plus. Que se serait-il passé si le gars du bar l’avait abordé alors qu’il était seul ?
    Jérémie se dit que pour Nico, ça doit être la même chose. Ce beau petit gars doit lui aussi se faire remarquer à Bordeaux. Jusqu'à quand va-t-il tenir bon ? Est-ce que son speech sur le fait de se protéger était une sorte d’« autorisation » qu’il me donnait et qu’,il se prenait en même temps, à aller voir ailleurs, « pour le fun » ?].

    Après que Jérém m’ait raccroché au nez, je n’arrive pas à trouver le sommeil. Une heure plus tard, j’ai presque envie de le rappeler. Car je ressens au fond de moi l’impression que je trouverais facilement les mots pour lui faire comprendre à quel point il me manque et à quel point ce serait génial de nous retrouver, de retrouver cette complicité qui a été la nôtre depuis Campan et qui nous fait tant de bien.
    Mais je n’ose pas. J’ose un message. « Jérém, tu me manques ». Je l’envoie avec l’espoir qu’il le lise et qu’il me réponde rapidement.
    A quatre heures, je suis toujours réveillé. Aucun message de Jérém. Je décide d’enlever mon réveil, j’espère dormir un peu.

    J’arrive à la fac pour le cours de 11 heures.
    « Tu as eu une panne de réveil ? » se moque Raph.
    « Tu n’as pas l’air en forme » me glisse Monica discrètement.
    « Hier soir je me suis pris la tête avec mon mec » je lui glisse discrètement pendant une pause « Je n’ai presque pas dormi de la nuit. J’ai l’impression qu’il ne veut plus me voir, qu’il s’éloigne de moi ».
    « C’est pas facile une relation à distance » elle commente « mais si vraiment tu n’arrives pas à tenir, tu prends un billet de train et tu débarques direct chez lui ».
    « Ce serait la meilleure façon de me faire jeter ».
    « Ou alors il serait touché que tu fasses la route, que tu prennes ce risque. Peut-être qu’en forçant un peu les choses tu lui montrerais à quel point rien n’est impossible quand on aime vraiment, à quel point tu tiens à lui et à ce qu’il y a entre vous, à quel point tu tiens à votre bonheur ».
    « Je ne pourrais jamais ».
    « C’est toi qui vois. Tu as quoi à perdre ? Si tu te pointes chez lui, il ne va pas te laisser sur le palier ! ».
    « Il en serait capable ».
    « Je ne pense pas. Vous feriez l’amour et ça vous ferait du bien ».

    Quatre semaines déjà après le week-end à Paris.

    Evidemment, je n’ose pas suivre le conseil de Monica et je passe l’un des week-ends les plus tristes de ma vie. Evidemment, je n’ai aucun signe de sa part. Même pas de réponse à mon message nocturne lancé comme une bouteille à la mer.
    En marchand dans Bordeaux, je réalise que l’automne avance à grand pas, que nous sommes déjà à la mi-novembre et qu’il commence à faire froid. Que la fin de l’année approche.
    Je me retrouve à repenser au printemps, aux révisions de maths avant le bac dans l’appart de la rue de la Colombette, aux espoirs de bonheur que cette période avait fait naître en moi. Je repense à l’été, à la semaine magique avec Jérém, à notre clash, à son accident. Je repense aussi aux escapades à Gruissan avec Elodie, au concert de Madonna à Londres en juillet. J’ai la nostalgie de l’été, et de tous ces moments qui me paraissent déjà si lointains. Et je repense au coup de fil inattendu de Jérém pour m’inviter à le rejoindre à Campan, à ces jours merveilleux à la montagne où j’ai découvert un Jérém insoupçonné, gentil, attentionné, amoureux, adorable, un Jérém qui m’a fait tomber amoureux de lui d’une façon dont je ne l’avais probablement jamais été.
    Déjà presque un mois que je ne l’ai pas vu, et j’ai l’impression de retomber dans les affres d’avant le bac. Lorsqu’à chaque fois que je me prenais la tête avec lui, j’étais envahi par la peur de ne plus jamais le revoir.

    Une nouvelle semaine démarre et je n’ai franchement pas envie d’aller à la fac. Mon cœur est lourd et mes angoisses m’accaparent entièrement.
    Lundi et mardi sont de très longues journées. Des cours interminables et toujours aucun signe de la part de Jérém. Je ne sais pas comment reprendre contact avec lui. Je n’ose même plus le rappeler. Je ne sais pas comment me comporter. J’aimerais tellement aller le voir, mais je n’ose même plus le lui proposer.
    Je me sens frustré de ne pas savoir quand je vais un jour le revoir. Il m’a parlé des vacances de Noël, c’est dans un mois, et ça me paraît si long ! Est-ce que c’est seulement encore d’actualité ? J’ai peur qu’il m’oublie. J’ai peur qu’il cherche à se faire oublier. Comme avant notre clash chez moi. Mais pourquoi ça doit toujours être si compliqué avec lui ?
    J’ai l’impression que depuis des semaines les jours se suivent dans une attente et une monotonie de plus en plus insupportables. J’ai l’impression que rien ne se passe dans ma vie, à part le fait de me sentir spectateur du lent et inexorable éloignement d’avec mon Jérém, sans que je puisse faire quoi que ce soit pour l’empêcher de se produire.
    Jusqu’à quand vont durer cette monotonie, cette attente interminables ?

    La réponse à cette question va arriver le mercredi de cette même semaine, mais pas du tout de la façon dont je l’aurais imaginé, ou espéré.
    Le matin, il pleut à nouveau. En me levant, en partant vers la fac, je ne suis vraiment pas bien. Mais ce jour, voilà qu’un trait de couleur, un rayon de lumière jaillit enfin dans ma vie.
    A l’abribus, Justin est là. Ah, la belle surprise ! Et qu’il est beau le sourire avec lequel il m’accueille en me voyant approcher ! Définitivement, le beau sourire d’un beau garçon suffit à redonner de la couleur à la journée la plus grise.
    « Salut » je lui lance en premier.
    « Ça fait longtemps » il me lance.
    Ses mots ainsi que sa poignée de main bien ferme me transmettent une belle énergie.
    Je manque de peu de lui répondre « oui, tu m’as manqué ». Ce qui, d’une certaine façon, n’est pas faux.
    Très vite, quelque chose me paraît « anormal ». Justin n’est pas habillé avec ses vêtements habituels pour le taf. Il porte en effet un beau jeans, de jolies baskets bleu fluo, un t-shirt vert et un pull à capuche gris qui semble tout juste sorti du magasin.
    « C’est vrai, ça fait longtemps. J’ai cru que tu avais changé de chantier » je lui lance.
    « Oui, j’ai changé de chantier. La fois qu’on a discuté c’était mon dernier jour sur le chantier d’avant ».
    « Et là tu reviens travailler dans le quartier ? ».
    « Euh, non, pas vraiment. Je ne travaille pas aujourd’hui, je fais juste un tour ».
    Sa voix douce et son débit de parole viril me font craquer.
    « Ah d’accord » je ne trouve pas mieux à lui répondre.
    Le bus arrive nous montons tous les deux. Pour la première fois, nous nous installons côte à côte.
    Pendant le trajet, nous discutons de tout et de rien. Le gars est vraiment sympa et je me sens bien avec lui.
    « Tu vas en cours, alors ? » je l’entends me demander après un instant de silence.
    « Oui, même si j’ai pas vraiment envie ».
    « T’as pas le temps pour un café ? » il me lance, en bafouillant à moitié.
    « Quand ? Maintenant ? ».
    « Maintenant ou… plus tard si tu veux ».
    Mon cœur tape à mille, je ne m’attendais pas à ça. Le bus ralentit, c’est déjà l’arrêt de la fac, je dois descendre. Je dois prendre une décision, vite.
    Le gars me fixe avec un regard à la fois timide et doux.
    En une fraction de seconde, je repense à la distance de Jérém, à ma frustration, à ma tristesse.
    Je me dis que d’une certaine façon ce gars me rappelle Stéphane, il a l’air doux câlin et gentil comme lui. C’est ce dont j’ai besoin en ce moment. D’un gars comme Stéphane.
    « Plutôt en début d’après-midi » je m’entends lâcher comme si ce n’était pas moi qui parlais, tant ces mots résonnent étrangement dans ma tête.
    « D’accord. On dit 15 heures à l’arrêt du matin ? ».
    « 15 heures à l’arrêt du matin » je lui confirme machinalement, encore sonné par le fait d’avoir fait ce premier pas, et pas convaincu du tout que j’aurai le cran d’aller à ce rendez-vous.

    Je passe la matinée dans un état fébrile, incapable de me concentrer sur les cours. Mille questions foisonnent dans ma tête. Comment ça va se passer cette rencontre ? Qu’est-ce qu’il veut vraiment Justin ? Qu’est-ce qu’il attend de moi ? Est-ce qu’il va vouloir coucher avec moi ?
    L’idée de coucher avec un autre gars que Jérém me fout en l’air. J’ai envie de pleurer.
    Un kaléidoscope d’images défile dans ma tête.
    La petite place de Campan, le baiser sous la halle pour me retenir, l’amour dans la petite maison, son coming out devant ses potes, la balade à cheval, Jérém qui quitte le groupe de cavaliers expérimentés et qui m’attend, alors que je le suivais à allure pépére avec JP et Carine.
    Les moments de tendresse, dans la voiture, après la soirée fondue, puis en allant à Gavarnie, et sur la butte devant le cirque, devant la grande cascade.
    Ses promesses silencieuses – son attitude, son sourire doux, sa façon de me faire l’amour, de me faire sentir bien, important, unique dans ses yeux – et pourtant bien réelles.
    Mon premier voyage à Paris, quelques jours avant son anniversaire. C’était il y a presque 5 semaines. Le resto à Montmartre, la maison de Dalida, la tour Eiffel, la balade le long de la Seine, son petit studio, l’amour, les câlins, la tendresse, et son regard amoureux, son attitude de p’tit gars amoureux.
    Et encore le bisou dans le train, ses mots « Avant de te rencontrer, je ne savais pas ce que c’était d’être heureux. Et pour ça, tu es quelqu’un de très spécial pour moi. Tu vas me manquer, ourson… ».
    Je ne peux pas faire ça a mon P’tit loup… Ourson ne peut pas faire ça à P’tit loup, non.
    Ourson. Ce petit mot était à mes oreilles et à mon cœur le symbole de notre complicité, de la profonde tendresse, de l’amour qui nous unissait. Depuis combien de temps il ne m’a pas appelé ainsi ? Est-ce que je suis toujours son « ourson » ?

    Midi arrive, et je n’ai même pas faim. A deux heures, à la fin du dernier cours, je ne sais toujours pas ce que je vais faire. Au fond de moi, je n’ai pas envie d’aller à ce rendez-vous. Je ne veux pas coucher avec un autre gars pour me consoler de ma déception et de ma tristesse. Je veux continuer à croire qu’entre Jérém et moi il y a un avenir.
    Mais est-ce vraiment un rancard ? Un plan ? Peut-être que Justin veut juste sympathiser et qu’il n’envisage rien de sexuel. Au fond, d’après la conversation que j’ai capté avec le contrôleur du bus, il est hétéro.
    A deux heures trente, je suis chez moi.
    Je regarde mon tel. Il est toujours sans message de Jérém depuis presque une semaine.
    A 14h45, j’ai essayé de le rappeler. Je sais bien qu’il y a encore moins de chances qu’il décroche à cette heure que le soir. Mais j’ai besoin d’entendre sa voix. Je me dis que s’il décrochait, si on pouvait se parler, je pourrais facilement renoncer au rendez-vous avec Justin, et sans regrets.
    Je laisse sonner une, deux, trois, plusieurs fois. Mais ça sonne dans le vide, et je finis par tomber sur le répondeur. Sa voix mâle même enregistrée me fait vibrer. Car dans son timbre je retrouve son petit accent toulousain, l’intonation de sa voix, et cette assurance de façade cachant sa vulnérabilité. J’ai envie de lui dire tant de choses. Et pourtant, je n’arrive à décrocher un seul mot. Je raccroche juste avant d’éclater en sanglots.

    A 15 heures, je suis à l’abribus, et j’attends fébrilement l’arrivée de Justin.
    Ce dernier arrive un instant plus tard, en lâchant un grand sourire qui me met du baume au cœur.
    « Salut » je lui lance en premier.
    « Salut, Nico. Ça va depuis ce matin ? ».
    « Oui ça va, et toi ? ».
    « Oh, moi ça va, je ne bosse pas aujourd’hui, tu sais… et toi, ta matinée de cours ? ».
    « Bien, bien ».
    « Tu as déjeuné ? ».
    « Oui ».
    « Ça te dit d’aller prendre un café ? ».
    « Avec plaisir ».
    Et alors que je m’attends à ce qu’il m’invite prendre le café chez lui, Justin m’indique un bar pas loin de l’abribus.
    « Alors, c’est quoi exactement tes études ? ».
    Je passe un agréable moment à discuter avec ce charmant garçon. Il est drôle et attachant plus encore que je me l’étais imaginé. Il est aussi bienveillant, curieux, et d’une gentillesse touchante.
    Vraiment, son attitude, sa façon d’être me font penser à Stéphane.
    Au fil de nos échanges, je sens qu’un agréable petit jeu de séduction se met peu à peu en route d’une part et d’autre. C’est tellement magique de sentir que son propre charme est toujours en toujours en mesure de faire de l’effet. Le gars est tellement adorable que je décide de me laisser aller, de me laisser porter par le destin.
    J’adore ce moment, ces premiers instants d’une rencontre où l’on se trouve confrontés au mystère qu’est l’existence d’un mec inconnu, un mystère qui intrigue, qui impressionne et qu’on a envie de percer à jour. Sans se rendre compte que c’est exactement l’existence de ce mystère, promesse d’infinis bonheurs, qui rend l’autre attirant à nos yeux.
    J’adore l’instant où la séduction s’engage par petites touches, où elle flotte dans l’air, comme une sorte de petite électricité. Cet instant où tout est possible encore, un oui tout autant qu’un non, comme l’attente des résultats d’un examen.
    Et pourtant, en même temps que cette séduction s’installe, que mon attirance pour Justin se confirme et s’envole au fil de nos échanges, et que je sens grandir l’impression que le gars aussi semble sensible à mon charme, je sens monter en moi une angoisse qui me fait flancher.
    Je ne sais pas si j’ai envie de faire du charme à Justin. Je ne sais pas si j’ai envie qu’il m’en fasse. Je me sens mal à l’aise. Je culpabilise. Je ne me sens pas à ma place. Je ne sais pas ce dont j’ai envie. Je ne sais pas pourquoi j’ai accepté ce rendez-vous. Peut-être que j’ai juste besoin d’un ami, d’un confident qui sache me comprendre comme seul un gay peut le faire.
    Mais je ne suis pas dupe, et je sais que d’un moment à l’autre il va falloir découvrir nos intentions. Je sens que les siennes sont de plus en plus claires. Ses regards ne trompent pas.
    Peut-être que je devrais partir avant que ça aille plus loin. Je n’ai pas envie d’avoir à lui dire « non ».
    Petit à petit, les sujets de conversation se font plus intimes.
    « Alors, Nico, tu es célibataire ? ».
    « Je vis une histoire compliquée ».
    « Ah, je connais ça ».
    « Avec Alice ? ».
    « Comment tu sais pour Alice ? ».
    « Un jour je t’ai entendu discuter avec ton pote, le contrôleur dans le bus ».
    « Ah, oui, Bruno. Alice est une nana super, mais je ne peux pas la rendre heureuse » il joue cartes sur table « J’ai préféré la quitter pour lui laisser la chance de rencontrer un gars qui fera son bonheur ».
    « Tu n’étais pas amoureux d’elle ? ».
    « J’étais bien avec elle. Enfin, je veux dire, je m’entendais bien avec. Mais je n’avais pas envie d’elle ».
    « Je n’ai plus envie d’aucune Alice dans ma vie » il ajoute « car je sais depuis bien longtemps qu’aucune Alice ne fera l’affaire. Mais jusqu’à il y a pas longtemps, j’ai voulu faire comme les potes, j’ai voulu être normal, j’ai voulu éviter la honte, pour moi, pour mes proches. C’était con. Ça fait dix ans que je passe à côté de ma vie ».
    « J’ai longtemps été amoureux d’un camarade de lycée » il me raconte « Et nous avons fini par coucher ensemble pendant l’année de terminale. Et ça a même continué pendant deux ans après le bac. Il avait une copine, moi aussi. Il avait emménagé avec la sienne, mais Alice n’habitait pas chez moi. A chaque fois qu’il y avait un match de foot ou de rugby, on le regardait chez moi. J’ai pris l’abonnement au satellite exprès pour qu’il y ait plus de soirées sport. Et à chaque fois, il me laissait le sucer pendant qu’il regardait le match. Il n’a jamais voulu aller plus loin ».
    « Et c’est le seul gars ? ».
    « Non, il y en a eu d’autres. Quelques rencontres d’un soir. Une fois je suis tombé amoureux d’un gars. C’était il y a un an, et c’est là que j’ai quitté Alice. Mais ça n’a pas duré. Le gars a déménagé à l’autre bout de la France. Et les histoires à distance, ça ne marche pas ».
    « Et toi, en quoi elle est compliquée ton histoire ? » il me questionne dans la foulée, alors que je réfléchis au fait que cette histoire de sexe avant le bac, ainsi que l’éloignement de l’être aimé fait écho à ma propre vie.
    « Pareil que toi, relation à distance ».
    « Nico… » fait-il en frôlant mes doigts avec les siens, me regardant les yeux dans les yeux, un instant pendant lequel je sens qu’un point de non-retour est en train de se présenter devant moi. J’ai le cœur qui bat la chamade.
    « J’ai envie de t’embrasser » je l’entends me glisser discrètement.

    Quelques minutes plus tard, je suis dans son appart, situé à quelques rues de ma tanière. Il me fait installer sur le canapé, comme Stéphane.
    Justin m’apporte une bière, il s’installe sur le canapé à côté de moi et nous buvons en silence.
    « Tu es vraiment timide, Nico… ».
    « Oui… désolé ».
    « Moi aussi, je le suis. Au fait, tu as quel âge ? 19 ? 20 ? ».
    « Dix-neuf depuis pas longtemps. Et toi ? ».
    « Vingt-quatre ».
    La somme de nos timidités produit très rapidement un silence coriace.
    « J’ai regretté que le chantier du mois d’octobre se termine » il finit par me lancer.
    « Pourquoi ? ».
    « Parce que j’aimais bien te croiser le matin ».
    « Moi aussi, j’aimais bien ».
    « Mais je n’arrivais pas à comprendre si je t’intéressais ».
    « Je te trouve très attirant ».
    « Tu me regardais, mais comme tu fuyais mon regard, je ne savais pas trop ».
    « Désolé, je suis maladroit. Tu me plaisais mais j’étais heureux avec mon mec, je ne voulais pas le tromper ».
    « Et maintenant, tu en es où avec lui ? ».
    « Je ne sais pas, je crois nulle part ».
    Et là, tout comme l’avait fait Stéphane quelques mois plus tôt, Justin pose sa bière sur la table basse. Puis, avec un geste plein de douceur il attrape la mienne, et il la pose à côté de la sienne.
    « Tu sais, Nico » il me chuchote, tout en prenant ma main entre ses paumes chaudes « ce matin j’ai pris le bus exprès pour essayer de te revoir. Parce que j’avais très envie de te revoir. J’ai souvent pensé à toi ces dernières semaines ».
    « Moi aussi j’ai souvent pensé à to… ».
    Je n’ai pas le temps de terminer ma phrase que je sens ses lèvres se poser sur les miennes. Et c’est terriblement bon.
    Justin m’enserre dans ses bras et le contact avec son corps est un bonheur inouï. C’est tellement plaisant et réconfortant que j’ai envie de pleurer de bonheur. Depuis plus d’un mois je n’ai pas ressenti la sensation d’un corps masculin contre le mien et je réalise à cet instant à quel point cela me manque.
    Mais j’ai aussi envie de pleurer de désespoir, car c’est l’étreinte des bras et le contact avec le corps de Jérém qui me manquent.
    C’est là que quelque chose de produit dans ma tête. Au gré des mouvements, je sens ma chaînette glisser sur ma clavicule. Un frisson intense, mais discordant des frissons d’excitation que Justin est en train de m’offrir avec ses câlins, parcourt mon corps de fond en comble. « Comme ça, je serai toujours avec toi » m’avait dit Jérém, en passant cette chaînette autour de mon cou. Et c’est vrai, je sens qu’il est là avec moi.
    Je ne peux pas faire ça. Je ne peux pas lui faire ça. Ourson ne peut pas faire ça à P’tit loup, non, non, non. Je n’ai pas envie de coucher avec un autre gars. Je me dis que dès le moment où j’aurai couché avec un autre gars, ce truc spécial qu’il y a entre Jérém et moi sera foutu. Il n’y aura plus d’Ourson ni de P’tit loup. Je ne veux pas nuire à la trajectoire qui fait se côtoyer nos destins.
    Et je réalise à cet instant que fantasmer sur les mecs est une chose, passer à l’acte en est bien une autre.
    Justin est adorable et très câlin. Ses baisers, sa douceur semblent annoncer un amant tendre et attentionné.
    Mais toute sa tendresse ne pourra pas me faire oublier ma détresse. Car il y a un seul gars sur cette Terre qui peut soigner ma tristesse, et c’est celui qui l’a provoquée.

    Only the one who hurt you can confort you/Seul celui qui te blesse peut te reconforter
    Only the one who inflicts the pain can take it away/Seul celui qui inflige la souffrance, peut l’éloigner

    Ce couplet d’une chanson de Madonna résonne dans mes oreilles et dans ma tête dans son extrême lucidité.
    Non, je ne peux pas faire ça à Jérém. Je ne peux pas faire ça aux promesses de Campan et à celles de mon premier voyage à Paris. Je n’aurais pas dû accepter ce rendez-vous. Je ne suis pas prêt pour ça.
    Et je ne veux pas non plus coucher avec Justin juste pour me consoler de ma déception et de ma tristesse vis-à-vis de Jérém. Ce serait aussi incorrect vis-à-vis de Justin.
    J’ai de plus en plus de mal à faire taire cette voix intérieure qui ne cesse de marteler : « Qu’est-ce que je fous ici ? Qu’est-ce que je suis en train de faire ?
    Soudain, je me lève du canapé presque d’un bond.
    « Qu’est-ce qui se passe ? » j’entends Justin me questionner, le regard à la fois inquiet et interrogatif.
    « Je suis désolé… Je ne peux pas ».
    « Je ne te plais pas ? ».
    « Si, si, bien sûr que tu me plais, tu me plais beaucoup même, tu es un très beau gars ».
    « Qu’est-ce qui ne va pas alors ? ».
    « Je ne suis pas prêt, désolé ».
    Je suis conscient que je viens de faire n’importe quoi. Et pourtant, à cet instant j’ai envie de partir loin de là, loin de la tentation. J’ai envie de me retrouver seul chez moi, de rappeler Jérém, car je sais, j’en ai la conviction absolue, que je vais trouver les mots justes et forts pour lui faire comprendre à quel point on serait heureux si on se retrouvait dès ce week-end.
    « Je suis désolé… » je lui lance une nouvelle fois, honteux.
    « Ne t’excuse pas, Nico. Tu es amoureux de ce mec, et tu n’es pas encore prêt à franchir ce pas ».
    « Je n’aurais pas dû venir ».
    « Moi j’ai bien aimé faire ta connaissance. Et j’ai bien aimé ces quelques câlins ».
    « Je vais y aller » je fais, en essayant de fuir mon malaise.
    « D’accord. Bonne soirée, Nico ».
    « A toi aussi ».
    Je suis en train de partir, lorsque Justin me lance :
    « Maintenant tu sais où j’habite, si un jour tu as envie de câlins ou juste de parler, tu sais où me trouver ».

    En partant de chez Justin, je ne me sens pas bien. Je suis content d’avoir tenu bon, même si je m’en veux d’avoir failli craquer. Je m’en veux d’avoir donné des illusions à Justin et de l’avoir planté comme ça.
    En marchant vers mon studio, je prends une décision radicale.
    Je ne peux plus attendre. J’ai besoin de revoir Jérém.
    Je me dis que si vraiment son attitude est la même qu’avant notre clash en août, Jérém attend peut-être la même chose qui l’a fait réagir à ce moment-là. A savoir, que je lui montre mon caractère, que je le fasse réagir, que je lui montre ma présence. Jérém a peut-être besoin de quelqu’un qui le secoue, et en même temps de quelqu’un sur qui s’appuyer.
    Jérém m’a fait un magnifique cadeau en venant me voir de façon inattendue à Bordeaux. Et la meilleure des choses à faire est peut-être de faire la même chose pour lui, débarquer chez lui pour lui montrer que tout est possible.
    Je pense que c’est de ça dont a besoin, qu’on lui prouve que rien n’est impossible. Il a besoin que je le lui prouve. Même s’il ne va évidemment pas l’admettre ni me l’avouer.
    Si je ne fais rien, ce sera l’éloignement assuré. Si je vais le voir, j’ai peut-être une chance de changer le cours de notre histoire. Au fond, je pense que Monica a raison. Et si ça ne marche pas, alors c’est qu’il n’y avait vraiment rien à tenter.
    En amour, on ne sait jamais ce qui est bon ou mauvais. En amour, seul compte ce que l’on ressent au plus profond de soi.

    Vingt-quatre heures plus tard, le vendredi 16 novembre 2001, six mois jour pour jour après notre première révision de maths dans l’appart de la rue de la Colombette, je suis dans le TGV qui m’amène à Paris pour retrouver Jérém, à son insu. Je vais lui faire une surprise, même si elle est un peu « contre son gré ». Car dans son discours, Jérém ne tient pas vraiment à que je le rejoigne à Paris. Mais au fond de moi, je pense que ça pourrait quand-même lui faire plaisir.
    Dans ce TGV, je devrais me sentir comme le gars le plus heureux de la Terre, je devrais me réjouir du fait que dans quelques heures je serai dans les bras de mon Jérém.
    Les dés sont jetés, j’espère vraiment ne pas me faire jeter. Et, pourtant, au fond de moi, j’ai peur de sa réaction en me voyant débarquer à l’improviste.
    En fait, depuis un certain temps, et sans que je le sache, pas mal de dés ont été jetés dans ma vie. L’avenir me dira quelles facettes le destin aura choisi de faire ressortir.


     


  • Commentaires

    1
    Lundi 20 Juillet 2020 à 10:30

    Ce nouvel épisode est déstabilisant, pour le lecteur installé dans une certaine tranquillité, et pour les personnages.

     

    Pour Jerem et Nico, ce n’est pas étonnant, et c’est même inévitable. Leur histoire à distance, sans qu’ils se connaissent vraiment, ne rime plus à rien. 

    Quelque part, Jérém le sentait depuis la rue Colombette, c’était même sa hantise. 

    Mais ce n’est pas ce que je ressens en premier à la lecture de l’épisode. Ce que je trouve déstabilisant, c'est d'avoir l’impression qu’il pense à Nico comme à quelqu’un d’étranger à sa vie, sans lien véritable. Il ne l’aime peut être pas autant que je l’avais cru… 

    C’est certain qu’il aurait plus besoin d’un Ulysse ou d’un Thibault. Mais alors, son attitude avec Nico devient un peu coupable. 

    Etre aller le rechercher pour en arriver là! Je trouve qu’il l’a bien assez fait souffrir comme ça. 

     

    Mais en même temps, Jérém est un peu comme un animal, on a vu qu’il n’anticipe pas ce qu’il va ressentir. Il lui faut se mettre dans des situations pour savoir ce que ça lui fait. 

    Au moins, il semble avoir compris qu’il est gay et qu’il le restera. 

     

    Nico commence à accumuler les succès auprès des mecs. En tout cas, il a gagné en maturité en même temps qu'il a gagné un abonnement avec tous les rugbyman gay de France. 

    Je n’aurais pas pensé ça, il y a dix ans, mais aujourd’hui, je me dis que c’est Julien qui a raison. Il devrait se laisser aller, faire ses expériences et voir ce qu’il en retire. 

    Il a de la chance d'avoir une maman assez géniale, il devrait l'écouter. Jérém n'a pas cette chance. 

     

    L’épisode est très bien pensé et écrit, il est dense en réflexion et en sensibilité.
    Je pense d'abord à tout ce que Nico observe de la "sociabilité". Mais c'est aussi ce qui permet de ne pas resté fixer sur "un objet" comme il le fait. 

    La panique de Nico, quand Justin l'embrasse et qu'il s'enfuit est magnifique d'écriture. 

     

    Rejoindre Jérém sans prévenir... Hum, les surprises ne sont pas toujours de bonnes surprises 

     

      • Celio
        Mardi 21 Juillet 2020 à 12:41
        Il va le jeter ou il sera déjà avec un mec
      • Mercredi 22 Juillet 2020 à 07:55

        Oui il y a un risque. Jérémie le traite comme si il était un pion qu'on déplace selon les besoins et les envies du moment. Il ne lui laisse pas d'autre choix que prendre le taureau par les cornes pour savoir de quoi il retourne. 

        Si il se casse les dents, je pense que désormais il a de quoi se relever. C'est l'image qu'on se fait de Jérémie qui en prendra un coup. 

         

    2
    Celio
    Mardi 21 Juillet 2020 à 12:37
    Un mec que tu vois tous les 2 mois, ça fait 6 fois par an, c’est clair qu’il ne t’aime pas. C’est des excuses bidon il a du fric pour lui payer l’hôtel si il veut être discret
      • Yann
        Mardi 21 Juillet 2020 à 17:49

        Mais rien ne dit qu'ils ne vont pas trouver une solution pour se voir. Visiblement Jerem aime Nico et il est aussi affecté que lui de cette situation car en plus il culpabilise. C'est compliqué pour lui. Mais le seul à savoir c'est Fabien qui écrit la suite.

      • Mardi 21 Juillet 2020 à 18:45

        On peut nuancer, mais c'est vrai que ça fait long. Surtout qu'il n'y a ni communication ni projet de rencontre. 

        On déduit aussi de l'épisode que Jérém n'a pas craqué, si on peut parler comme ça. Nico est finalement celui qui aura été le plus loin, mais c'est aussi celui qui se prend tous les refus en pleine poire

    3
    Yann
    Mardi 21 Juillet 2020 à 13:12

    Cet épisode est particulier car on y découvre ce qu'il se passe dans la tête de Jerem et ce qui le tourmente. C'est un peu la panique et il a du mal à gérer. L'histoire avec ce garçon, Thomas, qui l'a dragué, la réaction de Léo pas discret qui les a surpris (à rayer de la liste des confidents potentiels), son désir de voir Nico sans savoir comment faire et sa peur de le perdre.

    L'un comme l'autre ne sont pas insensibles à l'attirance qu'ils suscitent autour d'eux, mais ils ont su y résister car ils sont très amoureux et tiennent beaucoup l'un à l'autre. 

    Jerem a mauvaise conscience pour ce qu'il impose à Nico et il sait que LA seule solution à une partie de son problème : c'est celle de parler à Nico, tout lui dire. Il n'ose pas par manque de confiance. Ca ne réglerait pas tout mais au moins ça rassurerait Nico et ça renforcerait leur confiance et préserverait leur relation. A quoi ça sert d'aimer quelqu'un si ce n'est pas pour tout partager. L'amour est risqué d'un point de vue émotionnel. Jerem a peur que Nico pense qu'il a honte de lui. Se  dévoiler à l'autre dans toute sa vulnérabilité, lui confier ses peurs et ses espoirs, partager des choses dont on a honte ou dont on est fier, ses attentes et ses déceptions ; le laisser pleinement entrer dans son intimité. On baisse la garde et on laisse l'autre accéder à des parties de soi qu'on préférerait généralement éviter. C'est lui donner le plus beau témoignage d'amour : lui faire confiance. Ca ne réglera pas la question de comment faire avec ses co-équipiers mais au moins sa renforcera la confiance qu'ils s'accordent mutuellement ce qui est déjà essentiel. Ensuite ils peuvent chercher ensemble comment aborder l'autre question qui taraude Jerem : cacher qu'il est gay ou le dévoiler. A deux on est plus fort. C'est dans leur amour qu'ils doivent puiser pour trouver la force de faire face. S'y préparer, trouver le meilleur moment, comment le faire, prendre conseil. Jerem sera fier d'avoir le soutient de Nico et Nico sera heureux et rassuré de la confiance de Jerem. Jerem est en perte de confiance et ça se ressent aussi quand il est sur le terrain ; il a donc tout à y gagner : au plan sentimental comme au plan sportif.

    Comme je disais dans mon précédent com, le risque serait, comme cela faillit être le cas avec Léo, que quelqu'un découvre qu'il est gay. A lui de prendre l'initiative d'agir au lieu de devoir réagir car on c'est comme cela qu'on est fort.

    4
    Mardi 21 Juillet 2020 à 18:43

    A Campan, il semblait si proche de Nico, il semblait se redécouvrir lui-même. Ourson, ce n’est pas rien, c’est le signe d’une affection spontanée. 

    Mais maintenant, c’est le silence, quelqu’en soit les raisons. C’est un peu spécial quand on fait la démarche qu’il faisait de tout à coup, fuir, décevoir. 

    6 semaines, sans le voir, ce n’est pas rien. 

    Il peut se mettre à la place de Nico, donc il n’est pas très respectueux de ce que Nico peut ressentir. 

    Certes, on l’entend penser à Nico, on lit ses craintes, justifiées, mais là aussi, il y a un truc qui me frappe, et qui n’est sans doute pas du au hasard. Quand Jérém pense à Nico, il emploie « ce ». 

    « Ce petit gars, ce petit mec, ce Nico »

    C’est un pronom démonstratif qui marque une distance. « ce Nico, qui est si adorable etc.. » .

    « Ce » c’est un parmi d’autres, ce n’est pas « mon ». Quand Nico parle, il ne dit pas « ce Jérém » . 

     

    En tout cas, comme lecteur cela m’a frappé, et plus le récit avance, plus la distance se créer, puisqu’à la fin, il en est même à penser à Ulysse. Ulysse, c’est tout sauf Nico. 

     

    Pourquoi ne pourrait-il pas parler à Nico? Il sait que Nico a du caractère, il l’admirait même pour ça. 

    Nico est souvent agaçant, mais il est intelligent, on peut lui parler. Il réfléchit, il a du recul, il est gentil, il est généreux. Il comprendrait parfaitement, les doutes, les craintes de Jérém. Nous, lecteur, on le sait. 

    Nico voyait en Jérém, un héros, et ça n’a pas changé, malgré ou plutôt grace à Campan. 

    Mais, il y a un truc de vrai. A ce moment, à part de l’affection, il n’a pas grand chose de tangible à donner. Il n’est pas sur la même planète que Jérém. 

    Pas de rugby, pas de saut à l’élastique, pas des tas de copains. Il apporte des choses qui sont proches de ce qu’est une sensibilité féminine. 

    Alors… 

     

      • Yann
        Mercredi 22 Juillet 2020 à 15:48

         

        Nous parlons bien évidement de personnages de fiction mais Fabien veille si bien à leur psychologie qu'on les voit comme de vrais personnes.

        La distance qui sépare Jerem de Nico n'est pas, de mon point de vue, le problème majeur de Jerem. Il s'est dévoilé auprès du cercle restreint de ses amis de Campan mais le plus difficile reste à faire avec ses co-équipiers et il n'y est pas prêt. C'est ça sont problème et tout le reste n'en est que la conséquence. Il y est d'autant moins prêt que ce mec qui le drague lui dit "ne raconte pas d'histoire tu n'es pas comme tes potes tu es comme moi" et puis il y a la réaction de Léo claironnant que Jerem s'est fait draguer par un mec. Tout cela l'a pas mal refroidi et il sent que la situation lui échappe. Tout lui échappe, ses résultats sportifs au sein de l'équipe ne sont pas très bons ce qui ne le place pas, aux yeux des autres, dans la situation qu'il connaissait à Toulouse où, avec Thibault, ils étaient les leaders respectés du groupe.

        Il cherche une solution qui serait celle de vivre comme un hétéro, faire la fête au vue de tous et cacher sa relation avec Nico. Mais ce n'est pas possible. J'ajoute que ce serais avec un autre garçon que Nico le problème pour lui serait exactement le même.

        Je vois Jerem comme un garçon qui va mal dans sa tête et comme ce fut le cas avant Campan, ses réactions sont de tout envoyer balader y compris Nico. Bien sûr qu'il devrait lui parler au téléphone mais comme il le dit il n’a pas envie de lui raconter ses problèmes à la fac, où il a de plus en plus de mal à suivre. Il n’a pas envie de lui parler de ses difficultés à s’intégrer à l’équipe, des entraînements qui l’épuisent, des matches qui ne marchent pas toujours comme il le voudrait, de sa peur de ne pas y arriver, de la pression qu’il sent sur lui et qui l’étouffe. Il ne veut pas que Nico pense qu’il a honte de lui. Car il n’a pas honte de lui, non. Et pourtant, il ne peut pas assumer leur relation. Il ne veut pas que Nico voit qu’il trime, il ne veut pas se montrer faible.

        C'est touchant de voir toute cette souffrance et même si je pense qu'il a tort de ne pas lui en parler je le comprends. Jerem a besoin d'aide et si Charlène lui apportait cette aide ?

        Nico lui n'a qu'une obsession c'est que Jerem aille voir ailleurs ce qui est loin d'être le cas. Il n'a pas conscience de la réalité des choses et de ce que vit Jérem parce qu'il ne lui en parle pas. S'il pouvait comprendre et lui donner du temps ou aussi essayer de l'aider. A deux on est toujours plus fort.

         

      • Mercredi 22 Juillet 2020 à 18:16

        A propos de Jérém, tu as raison, même si c’est un enchevêtrement de raisons complexes qui aboutissent à cette personnalité rare mais pas improbable.

        Disons que dans cet épisode, il y a un tel décalage entre ce qu’il pense et ce qu’il fait, qu’on voit qu’il n’est pas bien dans ses baskets. 

        Du reste, aller vers Ulysse ne résoudrait pas ses problèmes de discrétion, bien au contraire. 

         

        Le mélange de réalisme, d’idéalisation, et de fantasmes, aboutit à un couple magnifique. Ils se complètent, avec une évidence qui est aussi sensuelle qu’innocente. Comme tout le monde le dit, ils sont beaux ensemble et comme lecteur, j’en suis convaincu et ému. Du coup, tous les obstacles qui viennent contrarier cette entente fusionnelle, sont vécus comme une injustice. LOL

         

        Et pour ce qui est de l'histoire, à ce moment, je me demande bien comment Fabien va les sortir de là ou ils les a mis arf

         

        Quand une fiction devient si tangible, si intéressante, ça pose question. En tout cas, elle atteint son but. 

    5
    Florentdenon
    Jeudi 23 Juillet 2020 à 10:20
    Je me suis plonge encore une fois avec plaisir et emotion dans ce recit tres bien mene. La peinture des etats d'ame de Nico sonne on ne peut plus juste, avec les affres de la relation a distance. On partage pleinement la souffrance de l'eloignement et la peur de la perte, la jalousie. Le point de vue de Jerem est un vrai plus et j'ai apprecie d'avoir une aperçu de son ressenti, avec l'idee que Nico lui apoortait beaucoup mais etait aussi un peu trop fragile pour permettre a Jerem de completement s'en remettre à lui. Encore bravo et merci !
    6
    Yann
    Jeudi 23 Juillet 2020 à 14:22

    Un peu avant l'épisode de Campan j'ai commencé à regarder Jerem et Nico sous un autre jour. Jerem n'était plus le petit con du début que j'avais envie de baffer et Nico le petit mec que j'avais autant envie de consoler. Ils sont tous les deux très attachants mais Jerem, sous son coté mec viril, baraqué, qui pratique un sport de contact, cache une sensibilité et une fragilité que je n'imaginais pas avant et qui me touche. A l'inverse Nico n'a pas les problèmes de Jerem. Il s'assume comme homo et son seul problème est de ne pas le voir comme il le voudrait. Sa démarche de demander à Jerem, ce qui pour lui relève de l'impossible en ce moment, est en soit un peu égoïste. Il pense à lui avant de penser à Jerem. Il doute de lui alors qu'il ne devrait pas alors que de son coté ça a bien failli. Ce dont Jerem a le plus besoin tout de suite c'est d'un soutient pas de quelqu'un qui le harcèle. Sa mère lui a dit qu'il devait lui laisser du temps c'est un bon conseil mais celui de Monica de débarquer à l'improviste risque de provoquer un clache et si Jerem n'est pas seul par exemple je n'ose imaginer la suite.

    Si j'avais un conseil à donner à Nico, je lui dirais d'envoyer un texto à Jerem pour lui donner la plus belle preuve d'amour qui soit en lui disant ceci : " parce que tu me manques terriblement j'ai pensé d'abord à moi avant de penser à toi et je m'en excuse. Je sais qu'il te faut du temps et je ne veux pas te brusquer mais simplement te dire que, malgré la distance, je suis là et je le serais toujours pour toi, pour t'aider mais pas pour te juger. Je tiens à toi et ça prendra le temps qu'il faudra, tu peux compter sur moi. Je te demande juste une chose si on ne peut pas se voir aussi souvent qu'on le voudrait parlons nous au téléphone le plus souvent possible. Confions-nous l'un à l'autre sans aucune retenue pour que notre amour continue d'exister".

    Et si Nico veut faire quelque chose pour Jerem il peut appeler en toute discrétion Charlène pour lui dire combien Jerem va mal et proposer qu'elle organise pour les vacances une rencontre à Campan où ils pourront tous les trois discuter comme ils l'on déjà fait une première fois ce qui n'avait pas si mal marché.

    Yann

    7
    Yann
    Jeudi 23 Juillet 2020 à 14:33

    Un peu avant l'épisode de Campan j'ai commencé à regarder Jerem et Nico sous un autre jour. Jerem n'était plus le petit con du début que j'avais envie de baffer et Nico le petit mec que j'avais autant envie de consoler. Ils sont tous les deux très attachants mais Jerem, sous son coté mec viril, baraqué, qui pratique un sport de contact, cache une sensibilité et une fragilité que je n'imaginais pas avant et qui me touche. A l'inverse Nico n'a pas les problèmes de Jerem. Il s'assume comme homo et son seul problème est de ne pas le voir comme il le voudrait. Sa démarche de demander à Jerem, ce qui pour lui relève de l'impossible en ce moment, est en soit un peu égoïste. Il pense à lui avant de penser à Jerem. Il doute de lui alors qu'il ne devrait pas alors que de son coté ça a bien failli. Ce dont Jerem a le plus besoin tout de suite c'est d'un soutient pas de quelqu'un qui le harcèle. Sa mère lui a dit qu'il devait lui laisser du temps c'est un bon conseil mais celui de Monica de débarquer à l'improviste risque de provoquer un clache et si Jerem n'est pas seul par exemple je n'ose imaginer la suite.

    Comme Virginie-aux-accents au sujet du papier de Benjamin qui lui donnait son téléphone je dirais : Nico rend ce billet de train !

    Si j'avais un conseil à donner à Nico, je lui dirais d'envoyer un texto à Jerem pour lui donner la plus belle preuve d'amour qui soit en lui disant ceci : " parce que tu me manques terriblement j'ai pensé d'abord à moi avant de penser à toi et je m'en excuse. Je sais qu'il te faut du temps et je ne veux pas te brusquer mais simplement te dire que, malgré la distance, je suis là et je le serais toujours pour toi, pour t'aider mais pas pour te juger. Je tiens à toi et ça prendra le temps qu'il faudra, tu peux compter sur moi. Je te demande juste une chose si on ne peut pas se voir aussi souvent qu'on le voudrait parlons nous au téléphone le plus souvent possible. Confions-nous l'un à l'autre sans aucune retenue pour que notre amour continue d'exister".

    Et si Nico veut faire quelque chose pour Jerem il peut appeler en toute discrétion Charlène pour lui dire combien Jerem va mal et proposer qu'elle organise pour les vacances une rencontre à Campan où ils pourront tous les trois discuter comme ils l'on déjà fait une première fois ce qui n'avait pas si mal marché.

    Yann

    8
    ZurilHoros
    Jeudi 23 Juillet 2020 à 15:00
    L’amour c’est aussi une illusion.
    Jerem sans le désir de Nico, n’est qu’un beau mec pas très sympa, prétentieux, un peu lache, souvent égoïste.
    C’est l’amour de Nico qui le sublime et qui l’oblige ou je devrais dire, qui lui permet, de devenir un vrai mec.
    Aider ce garçon clivé à se réconcilier avec lui même, c’est un long et difficile chemin pour Nico. Lui aussi, mérite de l’indulgence.
    Recevoir l’amour un peu exclusif et naïf de « ce petit mec », c’est aussi une chance
    pour Jérémie.
      • Yann
        Jeudi 23 Juillet 2020 à 16:42

        Nous ne partageons pas le même point de vue. Peut être suis-je naïf, pas grave au final c'est Fabien qui aura le dernier mot.

    9
    Celio
    Jeudi 23 Juillet 2020 à 20:12
    Un article de 2020

    Le seul joueur qui a fait un coming out dans le rugby ne s’appelle pas Jerem.

    La Ligue de rugby a décidé de s’associer à la lutte contre l’homophobie afin de promouvoir la diversité dans le rugby et, surtout, de libérer la parole. Pour que demain, des joueurs homosexuels puissent vivre leur passion sans avoir à cacher qui ils sont. Officiellement, aucun joueur professionnel n’a encore osé faire son coming out durant sa carrière, « de peur très certainement d’être stigmatisé et de se voir affaibli dans les vestiaires », explique Romain Burrel, le directeur de rédaction de Têtu. Le seul rugbyman à avoir sauté le pas – le Gallois Gareth Thomas – l’a fait une fois à la retraite en 2009.
      • Vendredi 24 Juillet 2020 à 08:43

        Il a d'ailleurs été agressé violemment à la sortie d'un bar en 2018. 

    10
    Yann
    Samedi 25 Juillet 2020 à 08:47

    @Celio et ZurilHoros

    Vous avez tous les deux raison il est rare en effet, en tout cas dans les sports collectifs, que des mecs fassent leur coming out. Mais il s'agit ici d'une fiction dont le but n'est pas juste de raconter la vie telle qu'elle est. Ce serait à la fois trop prévisible et ennuyeux. Le propre d'un roman c'est de surprendre le lecteur, faire s'évader l'esprit, le faire rêver, susciter des émotions. Depuis le début de cette histoire Fabien ne s'en est pas privé et nous a souvent surpris et encore plus souvent émus. Bien sûr qu'il faut laisser une part de réalisme pour garder à l'histoire sa crédibilité mais trop coller à la réalité, sans aucune surprise c'est du reportage pas un roman de fiction. 

    Nous savons, depuis le premier épisode, que Nico raconte ce qu'il a vécu avec son Jerem "qu'il n'a toujours pas oublié alors que depuis tant d'années leur vies ne marchent plus ensemble dit-il". C'est donc une histoire qui finit mal. Est-ce déjà la fin ? Je ne peux pas imaginer que ça se termine comme cela … mais peut être je me trompe, peut être que je suis trop romantique mais je ne regrette pas.

    11
    Yann
    Samedi 25 Juillet 2020 à 09:57

    Je voudrais encore ajouter ceci à l'attention de Fabien, en plagiant une chanson d'Edith Piaf après la mort de son compagnon Marcel Cerdan. 

    Fabien,

    Laisse-les-nous

    Encore un peu  

    Nos amoureux 

    Yann

    12
    Fabien
    Samedi 25 Juillet 2020 à 12:16
    La route est encore longue et sinueuse avant que le mot - fin - ne soit posé !
      • Samedi 25 Juillet 2020 à 12:49

        @Yann

         

        J’ai l’impression de dire la même chose que toi sur les personnages, alors, non, je ne te trouve pas naif. 

        Moi aussi, j’aime ces deux mecs, et j’ai envie de les voir ensemble, parce qu’ils sont plus beaux ensemble que séparément. 

        Je m’identifie sans problème à Nico, j’étais le même à 18 ans. Je trouve l’histoire très réaliste d’un point de vue émotionnel.

        Pour le sexe, pas du tout, mais ce n’est pas fait pour ça. LOL 

         

        La fiction qui est proposée a sa logique, et le chemin que Fabien a imaginé pour eux, est parsemé de ronces et d’obstacles. 

        L’histoire telle que je la comprends, est une sorte de voyage initiatique pour Nico, et c’est en entreprenant ce parcours qu’on saura comment il l’a réussi ou pas. 

        A priori, on sait qu’il n’a pas réussi puisqu’ils sont séparés au moment ou il rédige ces lignes. Mais c'est peut être Jérém qui n'a pas réussi, car pour réussir à deux, il faut penser qu'on est trois. Deux individus, et un couple, ça fait trois et il faut faire des efforts pour que ça marche. 

         

        Ca ressemble à la vie, elle n’est pas linéaire. Quand on aime pour la première fois, on a des schémas en tête, et parfois ça marche, et parfois ça ne fonctionne pas, on se casse la gueule. Ca peut faire très mal, et ça peut faire peur. 

        Soit on tire des leçons, et on essaye d’être plus fort, soit on tombe encore et encore. 

         

        Si je donne mon avis, je le fais à partir de ce que je lis, et ensuite, je me base sur le réel pour extrapoler. 

        C’est pour ça que je ne crois pas du tout à un coming out heureux et facile pour Jérém, parce que ça n’existe pas. 

        En plus, si il devait le faire pour Nico, il finirait par lui en vouloir à mort, car ça se passerait mal dans son équipe. 


         Alors, si il lui envoie le sms que tu suggères, ils se reverront quand? Quand Jérém a fini sa carrière? dans 15, 20 ans. 

        Nico n’est pas la Pénélope d’Ulysse. Il ne va pas faire tapisserie en attendant. 

        Il a des qualités, il plait, on ne peut pas attendre qu’il se sacrifie pour un Jérém qui ne sait pas ce qu’il veut. 

        Il y a un équilibre à trouver entre la compréhension de l’autre, et la prise en compte de ce qu’il veut pour lui. 

         

        Entre eux, il y a un obstacle plus fort que tout. Un regard suspicieux et rude qui est posé sur Jérém,

        et tant qu’il ne sera pas en mesure d’affronter ce regard et de le défier, ils ne pourront jamais être heureux ensemble.

        Peut importe les efforts que Nico pourra faire. Il n'y a que Jérém qui peut le faire. Est ce qu'il aimera assez Nico pour prendre ce risque? 

         

        Dans l'immédiat, a plus brève échéance, comme Jérémie ne parle pas de lui, comme Nico, ne l’y incite pas assez, Jérém croit que Nico l’idéalise et qu’il doit toujours être au top. 

        Il ne sait pas que Nico a bougé, et que maintenant, la place qu’il prend dans son coeur est plus profonde. 

        Jérémie, il est quand même habitué à être le centre de l’attention. Je le trouve adorable à Campan, magnifique et tout… 

        Mais je pense que ça lui ferait une sacrée expérience de souffrir à cause de Nico. Ce serait interessant. 

         

        l’histoire n’est pas finie. 

         

        On a écrit un véritable épisode de commentaires cette fois. On doit être en manque de nos chers héros. 

         

        Allez voir "Eté 85", très beau film. 

      • Yann
        Samedi 25 Juillet 2020 à 15:50

        Merci Fabien encore de bons moments de lecture en perspective.

        @ZurilHoros

        Merci pour tes commentaires. Je suis même remonté en arrière dans les épisodes pour lire les plus anciens.

        Je dois aller voir Eté 85. Sinon je te recommande la lecture des deux tomes de Mathias (sans toi tome 1 et avec toi tome 2) de Lily Haime. Je viens juste d'en finir la lecture. Comme je l'ai écrit plus haut je ne crois pas à un coming out de jerem qui relève de l'impossible actuellement mais en lisant cette histoire tu vas mieux comprendre le sens de certains de mes commentaires.  Juste un regret il y a beaucoup de fautes de français et de conjugaison, certain mots sont remplacés par d'autre mais l'écriture est agréable à lire et l'histoire, qui présente certaine similitudes avec Jerem et Nico, est magnifique.

         

      • ZurilHoros
        Samedi 25 Juillet 2020 à 17:23
        J’ai répondu à Fabien alors que je pensais répondre à Yann. Je m’y perds un peu, mais je pense qu’on s’est compris.
      • Celio
        Lundi 27 Juillet 2020 à 10:10
        Ça veut dire qu’on va pas voir Nico baiser avec Jerem avant longtemps
    13
    Virginie-aux-accents
    Samedi 25 Juillet 2020 à 19:25

    Quel épisode "sur le fil"...

    Et quels commentaires!! C'est impressionnant de voir combien nous nous sommes tous attachés à cette histoire.

    14
    Celio
    Jeudi 30 Juillet 2020 à 14:51
    Quand Plus Belle La Vie copie carrément le scénario de Jerem&Nico

    http://www.plusbellelavie.fr/videos/1883743-indiscretion-tom-completement-soumis-a-luis/
      • Fabien
        Jeudi 30 Juillet 2020 à 17:42
        Mdr ah oui carrément ! J'en parle à mon avocat ! Lol
      • Celio
        Jeudi 30 Juillet 2020 à 18:12
        Ils ont repris le thème des révisions du bac
      • Vendredi 31 Juillet 2020 à 16:51

        Hello Celio

        apparamment tu suis Plus belle la vie. Tu pourrais m'en dire un peu plus sur cette histoire? Quand ces deux personnages ont fait leur apparition? On peut trouver les  replays?.

        Merci

        Fabien

    15
    Celio
    Vendredi 31 Juillet 2020 à 19:41
    Non mais j’en ai vu un qui m’a étonné. J’aurais pas cru possible sur une chaîne à 20 heure. Ça m’a trop fait pensé à Jerem et Nico alors j’en ai cherché d’autres.

    Sur leur site tu cherches Tom et Luis et tu fais au hasard.

    https://www.plusbellelavie.fr/videos/1301177-indiscretion-les-propos-indecents-de-luis-a-tom/

    https://www.plusbellelavie.fr/videos/1848319-indiscretion-luis-et-tom-ou-en-sont-ils/
      • Dimanche 2 Août 2020 à 00:36

        Merci beaucoup

        Fabien

    16
    Lundi 3 Août 2020 à 09:11

    Effectivement, à partir de 4:30mn, il y a des points en commun. 

    http://www.mamcin.com/non-classe/plus-belle-la-vie-episode-4078-1/

    Ca me fait penser à ce que Marguerite Duras disait à propos de l'adaptation de son roman, "l'amant" à l'écran. 

    Elle trouvait ça obscène, et je suis d'accord avec elle. On peut tout dire à l'écrit, et ça passe. Mais entendre cet ado se faire traiter de "gonzesse qui tortille du cul en attendant de se faire baiser", c'est violent et dérangeant. 

     

     

    17
    Alex
    Vendredi 7 Août 2020 à 20:58
    La suite !!!
    18
    Lundi 10 Août 2020 à 11:49
    19
    Alex
    Lundi 10 Août 2020 à 20:46
    L’attente de la grosse claque dans la gueule ... en même temps mon épisode préféré c’est justement quand Nico voit rouge et le cogne, tellement intense ce passage j’avais l’impression de le vivre
      • Lundi 10 Août 2020 à 21:26

        Oui les émotions fortes peuvent aider à donner l'illusion d'une relation forte.

        Mais si on fait le compte, le pauvre Nico n'a pas eu beaucoup de satisfaction en 6 mois. 

        Je me demande d'ou il tire la force de réussir ses études d'ailleurs. C'est un peu tôt pour le dire, mais il ne semble pas avoir de problème, de ce coté là. 

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    20
    Fabien
    Lundi 10 Août 2020 à 22:39
    Hello les lecteurs et les lectrices fidèles et impatients de lire la suite. Il faudra encore un peu de patience. 0236 sortira vers le 20 août. Fabien
    21
    Mercredi 12 Août 2020 à 11:22

    J'ai vraiment hâte de savoir ce qui attend Nico à Paris  oops

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